Partie IV - Chapitre 23

Chapitre 23

L'été s'installa sur l'Angleterre, entrecoupé de pluie et de jours gris. Tout de même, James travaillait de plus en plus dans le jardin. C'était tant mieux étant donné la poussière qu'il produisait. Il passait des heures à tailler le bois nécessaire pour réaliser son premier prototype de balai. Pratiquement après chaque coup de ciseau à bois, il imprégnait le bois de magie. Il y allait petit à petit, afin que chaque fibre en soit saturée. C'était un travail de précision : il avait calculé très précisément les dimensions du manche et chaque angle du bois. Plusieurs fois, il avait repris son travail à zéro.

Une matinée du mois de juin le trouva assis dans l'herbe, le manche du balai à la main, l'air extatique. Il avait terminé, sans faire la moindre erreur. Même le chat, Gandalf, n'avait pas réussi à le distraire assez en lui plantant ses griffes dans la cuisse pour qu'il se trompe. Il jeta un coup d'œil au coupable, qui ronronnait au soleil non loin de lui. Le chat avait bien prospéré en six mois. Étonnamment, il adorait jouer avec Harry – ou plutôt, il laissait volontiers le bébé lui tirait la queue.

Avec un soupir satisfait, James se redressa et alla mettre son précieux prototype à l'abri. Il avait appris, ces derniers mois, qu'il ne fallait rien laisser de précieux à la portée d'un bébé. Harry avait failli avaler l'alliance de Lily quelques semaines plus tôt. Il en souriait maintenant, mais il se rappelait avoir affreusement paniqué. Harry arrivait justement à quatre pattes, uniquement vêtu d'une couche et babillant joyeusement. Lily ne tarda pas à surgir derrière lui, un t-shirt et un short dans les mains.

- Petit monstre ! s'exclama-t-elle avant de l'attraper sans tenir compte des cris offusqués du bébé.

James contempla la scène avec un sourire, quoi qu'avec un pincement au cœur. Il n'avait plus jamais reparlé à Lily d'avoir un deuxième enfant. Il était bien conscient qu'elle avait entièrement raison lorsqu'elle assurait que ce n'était pas raisonnable. Néanmoins, James rêvait d'offrir à son fils la fratrie dont lui-même avait été privé. Pour la énième fois, il se demanda combien de temps encore ils allaient être coincés dans cette bulle hors du monde, presque hors du temps. Si ce n'était de Harry qui grandissait à vue d'œil, il aurait eu l'impression que le temps avait cessé de s'écouler.

Lily reposa finalement un bébé habillé sur le sol, qui s'empressa de traîner ses vêtements propres dans l'herbe. Allongé sur le ventre, il gesticulait en direction du chat qui restait parfaitement imperturbable. Lily, après un bâillement, s'approcha de James, glissa un bras autour de sa taille et posa sa tête sur son épaule. Ils contemplaient leur bébé qui commençait à s'énerver lorsque le chat feula vigoureusement. Avec un temps de retard, James s'aperçut qu'il lévitait en direction de Harry, qui tapait des pieds avec enthousiasme.

- Oh...

- Merlin, compléta Lily. Harry, repose le chat !

Sa concentration brisée, le bébé fut bien obligé de s'exécuter. Gandalf retrouva la terre ferme sans douceur et s'enfuit aussitôt dans les buissons, tandis que Lily et James éclataient de rire. Il saisit son fils et le souleva dans les airs avant de claquer un baiser sur sa joue.

- Voilà quelqu'un qui n'est pas un petit Cracmol ! s'exclama-t-il, ravi.

Harry rit aussi tandis que son père le soulevait dans les airs. James ne s'était pas tellement inquiété de l'absence de manifestations magiques de la part de son fils, bien conscient que cela pouvait arriver à n'importe quel âge, mais il était heureux que cela soit arrivé. C'était une inquiétude en moins ; bien sûr, il l'aurait aimé tout autant s'il avait été Cracmol, mais la vie serait plus facile pour lui avec des pouvoirs magiques.

- Mon petit Sorcier, sourit Lily en caressant les mèches emmêlées de son bébé. Il va falloir le garder à l'œil.

- Oh, ce n'est pas parce qu'il a fait une fois de la magie que ça va devenir une habitude. Mais on aura intérêt à se mettre aux abris quand il fera des caprices, dans quelques années. Les assiettes vont voler.

- On pourra mettre les cadeaux hideux dont on ne veut pas en première ligne, suggéra-t-elle.

James rit et reposa son fils qui s'agitait. Il partit aussitôt à la conquête du jardin.

- Tu sais quelle a été ta première manifestation magique ? Interrogea-t-il.

- D'après maman, j'ai arraché à distance la tête de l'une des poupées de Pétunia. Je crois que quand j'étais vraiment petite, c'était toujours dirigé contre Pétunia. Même si ça n'arrivait pas si souvent. Juste avant de recevoir ma lettre, j'ai un peu appris à contrôler mon pouvoir.

- Vraiment ? s'étonna-t-il, admiratif. Je n'ai eu aucun mal dès qu'on m'a mis une baguette dans la main, mais j'en étais incapable avant. J'ai failli faire brûler la maison, une fois, parce que j'essayais d'allumer une bougie par magie.

- C'est peut-être parce qu'on t'a trop appris qu'il fallait une baguette pour faire de la magie. Avant qu'on ne m'en donne une, je me souviens que je pouvais sentir la magie dans tout mon corps, parfois. Dès que j'en ai eu une, ce sentiment a disparu.

James la dévisagea intensément, impressionné. Il en avait oublié son prototype de balai.

- Peut-être bien, répondit-il finalement. J'ai toujours trouvé ça dommage qu'on ne nous apprenne pas à pratiquer la magie sans baguette.

- En même temps, apprendre les sortilèges informulés était déjà une sacrée paire de manche.

- Vrai, admit-il avec un soupir.

Lily entoura sa taille de ses bras et déposa un baiser sur son menton.

- Mais maintenant que nous sommes coincés ici sans rien à faire, on pourrait essayer par nous-mêmes, proposa-t-elle avec un sourire enthousiaste.

James se pencha pour déposer un baiser sous sa mâchoire avant de demander :

- Hmm, ça dépend, est-ce que ça va prendre sur le temps qu'on passe au lit ?

- Sur le... James !

Il éclata de rire alors qu'elle assénait plusieurs coups sur son torse tout en affichant une expression scandalisée.

- James Potter !

- Lily Potter ! Singea-t-il avec un sourire espiègle.

- Tu es insortable, grommela-t-elle.

- Ah, c'est donc pour ça qu'on reste ici ?

- Parfaitement.

Il pouffa puis l'embrassa une fois, deux fois, trois fois, jusqu'à ce qu'enfin elle se mette à rire.

- Sombre imbécile obsédé, souffla-t-elle contre son cou en l'enlaçant.

- Pour reprendre notre conversation, je serai ravi d'apprendre à faire de la magie sans baguette. On aura peut-être besoin de manuels, non ?

- Oh, Bathilda a sûrement ça. Ou elle pourra nous le trouver.

Elle s'écarta, un sourire espiègle sur les lèvres.

- Tu te rends compte que tu demandes volontairement qu'on te fournisse des manuels pour pouvoir travailler ? Alors que tu es diplômé depuis bientôt trois ans ?

- Qu'est-ce que tu veux, soupira-t-il, l'ennui ça vous gagne.

- Tu parles ; est-ce que ce n'est pas un bout de balai qui t'empêche de me prendre dans tes bras depuis tout à l'heure ?

James n'eut pas besoin de plus d'encouragement pour se lancer dans des explications passionnées sur ce qu'il avait encore à faire, tout en gardant un œil sur Harry qui observait un oiseau depuis plusieurs minutes déjà, la bouche grande ouverte. Parfois, la vie était douce.

***

Une nouvelle année scolaire venait de prendre fin à Poudlard. Bientôt, les résultats des Buses et des Aspics atteindraient les élèves, et ce serait vraiment la fin pour certains. Debout devant sa fenêtre, ses longues mains croisées dans le dos, Dumbledore songea avec nostalgie aux élèves qui rentraient chez eux, particulièrement à ceux qui ne reviendraient jamais. Pour la plupart, il peinait à leur associer un nom. Il passait tellement de temps au Ministère qu'il n'avait pas pu se consacrer pleinement à Poudlard. Il en était désolé, mais la situation était trop préoccupante pour qu'il gère des jets de bombabouses intempestifs.

Il avait passé beaucoup de temps, ces derniers mois, à négocier avec des Sorciers étrangers. La Ministre l'exploitait sans scrupule, bien consciente que sa victoire contre Grindelwald l'avait rendu populaire à l'étranger. Difficile de refuser quoi que ce soit à l'homme qui les avait débarrassés du mage noir. L'isolement diplomatique de la Grande-Bretagne magique était préoccupant. Dumbledore avait réussi à renforcer leurs liens avec la France et à s'attirer la sympathie de plusieurs pays des Balkans, néanmoins il n'avait rien pu faire pour rétablir le dialogue avec les États-Unis. Seul le Canada leur prêtait l'oreille, probablement à cause du lien qui existait entre les deux États moldus.

Il soupira, se frotta le front du pouce et de l'index avant de se diriger vers son armoire. Il en sortit la Pensine et y déversa quelques pensées encombrantes. L'esprit un peu plus clair, il se prépara pour son prochain rendez-vous ; il attrapa une cape d'invisibilité d'assez bonne facture pendue à un porte-manteau grincheux, puis entreprit de descendre de sa tour pour gagner l'entrée de l'école. Une fois sorti des limites magiques de Poudlard, il put enfin transplaner.

Il se matérialisa une fraction de secondes plus tard devant la Tête de Sanglier. Sur la porte pendait un panneau « Fermé ». Comme il avait lui-même demandé cette mesure, il entra sans s'en formaliser puis ôta sa cape. Alastor Maugrey était accoudé au comptoir et discourait à voix basse avec Abelforth. Les deux hommes s'entendaient bien, Dumbledore le savait. C'était sans doute leur mauvaise humeur chronique qui les rapprochait. Le directeur sourit pour lui-même à cette pensée puis s'approcha des deux hommes. Dès qu'il le vit, Abelforth se redressa et s'écarta du comptoir d'un pas, comme si son frère aîné était affecté d'une maladie contagieuse. Maugrey lui serra la main sans rien dire, l'air sombre.

- Merci pour la taverne, Abelforth, remercia Dumbledore avec un hochement de tête en direction de son interlocuteur.

Il haussa les épaules pour toute réponse puis quitta la pièce principale. Sans s'en formaliser, Dumbledore invita Maugrey à s'asseoir. L'Auror n'en fit rien mais le vieux Sorcier n'hésita pas à s'installer sur un haut tabouret. Il agita la main vers une bouteille de Bièraubeurre poussiéreuse qui vola jusqu'à lui et se décapsula avec un « ploc » satisfaisant.

- Je n'ai pas toute la soirée, Albus, grommela Maugrey.

- Je m'en doute. Je serai bref ; il faut ressouder les liens entre les membres de l'Ordre.

Maugrey soupira profondément et détourna le regard.

- Ils n'ont pas besoin de camaraderie, ils ont besoin de plus de membres.

- Nous ne les avons pas, alors ils ont besoin de camaraderie. Les choses fonctionnaient mieux lorsqu'ils formaient une équipe.

Maugrey secoua la tête, l'air peu convaincu.

- Il y a une raison pour laquelle nous avions un QG, insista Dumbledore. La vie commune était importante, pour les garder motivés, pour qu'ils se soutiennent. Seuls, isolés, ils ne peuvent pas imaginer pouvoir gagner ! Mais faites-en un groupe, Maugrey, et tout de suite l'adversaire paraît moins imposant.

- Vous voulez que je les envoie tous en mission en même temps ? Rétorqua l'Auror, sceptique.

- Je ne sais pas. Pourquoi pas ? Ecoutez, Alastor, je pense qu'avant tout, l'Ordre a besoin de se réunir. Rassemblez-les, tous ensemble, une journée entière. Faites en sorte que l'Ordre soit à nouveau un ensemble, et non pas des gens solitaires qui se battent seuls. Peut-être que tous ensemble, ils trouveront une solution.

- Ça ne marchera pas, protesta Maugrey. Pas sans les Potter. Je ne sais pas pourquoi exactement, mais depuis qu'ils sont partis, tout se délite.

Dumbledore sourit après avoir avalé une gorgée de son breuvage. Il savait très bien pourquoi.

- Ce n'est pas l'Ordre qui n'est pas au complet sans les Potter, ce sont les Maraudeurs. Et mettez les Maraudeurs avec n'importe qui, ils créeront un esprit de cohésion. Rassemblez les Maraudeurs, et vous rassemblerez l'Ordre.

- C'est vous qui m'avez dit que les Potter avaient dû se mettre à l'abri et ne sortiraient pas de leur cachette, fit remarquer l'Auror. Comment je rassemble les Maraudeurs sans les Potter, et sans les sortir de leur cachette ?

Dumbledore réfléchit un moment. Il ne pouvait pas lui répondre d'amener tout l'Ordre à Godric's Hollow, cela compromettrait l'intégrité de la cachette. En revanche, il était certain qu'on pouvait arranger le voyage des Potter d'un point à l'autre sans qu'ils ne soient jamais exposé à la vue de tous. Quant au lieu de réunion, il suffisait de mettre en place des mesures de protection maximale. Ou alors... Il suffisait de les réunir à Poudlard.

Satisfait, Dumbledore reposa sa bouteille et adressa un sourire suffisant à Maugrey.

- Laissez-moi régler les détails du transport des Potter. Quant aux autres, donnez-leur rendez-vous vendredi prochain à l'entrée de Poudlard, à neuf heures. Et venez aussi.

- J'ai des obligations, rétorqua-t-il sèchement.

- Et vous avez un adjoint. C'est moi qui ai fondé cet Ordre, Maugrey, et je vous somme de vous présenter à cette réunion.

Maugrey plissa les yeux dans sa direction, clairement agacé. Ils s'affrontèrent un instant du regard, mais l'Auror capitula finalement.

- Très bien. Mais vous obligez le Magenmagot à faire comparaître dix partisans de Voldemort lundi, au lieu d'un seul.

- Accordé ! s'exclama Dumbledore, ravi. Bien, je vais vous laisser, j'ai un transport clandestin hautement sécurisé à mettre en place.

***

Lily et James fixèrent Remus, surpris. Après toutes les précautions prises par Dumbledore, jamais ils n'auraient imaginé qu'il leur proposerait de quitter Godric's Hollow le temps d'une journée. Leur ami, qui avait apporté la bonne nouvelle, affichait un air ravi.

- Ça doit vous faire plaisir, non ? Insista-t-il. Quitter enfin la maison, même pour quelques heures !

- Je ne sais pas trop, répondit prudemment Lily. Si on commence à faire des exceptions....

- J'ai cru comprendre que James ne s'était pas gêné, fit-il remarquer.

Son meilleur ami le fusilla du regard tandis que Lily secouait la tête.

- Dumbledore a tellement insisté pour qu'on reste cloîtré ici, reprit-elle.

- Certes, mais l'endroit où va se tenir la réunion est encore plus sûr qu'ici.

- Le Ministère ? Demanda James tout en attrapant les menottes de Harry, qui tentait de se redresser en s'accrochant au canapé.

- Bien mieux ! Poudlard !

Une vague de nostalgie s'empara de Lily lorsqu'elle entendit ce nom, bien vite suivie d'un sentiment d'excitation. Il n'y avait effectivement pas de lieu plus sûr que l'école de sorcellerie. S'ils pouvaient y accéder sans danger, elle n'y voyait pas d'objection. Malheureusement, c'était là le point problématique. Elle voulut consulter James du regard, mais il était en train de marcher dans le salon en tenant son fils par les mains.

- Poudlard, soupira-t-elle. Dumbledore sait comment nous appâter.

- Il dit qu'il peut vous prêter une cape d'invisibilité pour que vous puissiez transplaner incognito, ajouta Remus, une lueur amusée dans le regard. Je me suis permis de dire que vous aviez ce qu'il fallait.

- Ça me paraît pas mal, lança James depuis l'autre bout du salon.

- Sans blague, railla Lily.

- Oh, allez, ne sois pas hypocrite, tu as dit toi-même que tu rêvais de sortir d'ici. C'est Dumbledore lui-même qui le propose, l'homme qui nous a enfermés ici.

- Il nous l'a suggéré, protesta-t-elle. Tu dis ça comme s'il nous avait mis à Azkaban.

James passa un bras sous le ventre de Harry pour le soulever et revint vers les adultes. Il caressa la joue de sa femme avec un sourire amusé.

- Et tu es mon petit Détraqueur personnel !

- James ! s'insurgea-t-elle alors que Rermus éclatait de rire, aussitôt imité par Harry.

Le lycanthrope se désintéressa aussitôt de la conversation du couple pour attraper le bébé et l'installer sur ses genoux.

- J'admets que c'est tentant, reprit Lily après avoir enfoncé un doigt vengeur dans les côtes de son mari. Mais est-ce vraiment prudent ?

- Je n'ai pas eu de problème alors que je me suis jeté dans la gueule du loup, répondit James, je pense qu'on devrait s'en sortir. On a juste à sortir de la maison sous la cape, transplaner devant le portail de Poudlard, et voilà.

- On n'entrera pas à trois sous la cape, répliqua-t-elle.

- Alors on va demander à Dumbledore de nous en prêter une supplémentaire. Tu n'as pas envie que Harry voie autre chose que cette maison ?

- Oh, ne me prends pas par les sentiments.

- Tu ne veux pas entendre les arguments raisonnables, rétorqua-t-il. Je fais ce que je peux !

- Allez, Lily, intervint Remus après avoir reposé un bébé gesticulant par terre. Tout le monde a envie de vous voir. Le but est de réunifier l'Ordre, on ne peut pas le faire sans vous.

- Est-ce qu'on fait encore vraiment partie de l'Ordre ? Marmonna-t-elle avec une trace d'amertume.

- Étant donné que nos sacoches de soins sont remplies par tes potions, je serais tenté de dire que oui, sourit Remus. Et puis tous nos rapports transitent par vous deux. Moi, j'appelle ça participer au fonctionnement de l'Ordre.

Lily se sentit ragaillardie par ses encouragements. Elle avait tendance à oublier pourquoi elle faisait chauffer ses chaudrons. Leurs visiteurs repartaient régulièrement avec des sacs pleins de fioles et en ramenaient des vides, mais c'était moins gratifiant que de s'occuper soi-même des blessés.

- Lily, supplia James d'une voix plaintive tout en lui donnant des coups de coude. Dis oui, pitié.

- Oh, Merlin, rit-elle, d'accord, très bien ! Seulement parce que c'est Dumbledore qui le demande et qu'il est le meilleur juge en ce qui concerne la sécurité de Harry.

James lança son poing en l'air en signe de victoire tandis que Remus tapait une fois dans ses mains, ravi. Maintenant que la décision était prise, Lily aussi commençait à sentir l'excitation de cette sortie. Ils allaient revoir tant de gens, échanger de vive voix avec de nombreuses personnes avec qui ils n'avaient communiqué que par lettre durant ces longs mois. Harry allait connaître un autre endroit que cette maison. Ils retournaient à Poudlard ! Son ancienne école n'était pas forcément le lieu qu'elle aurait choisi pour faire son retour dans le monde, mais elle était tout de même heureuse d'y aller. Et Dumbledore avait raison : ils ne craindraient rien entre ses murs.

Tandis que les garçons évoquaient toutes les réjouissances à venir, elle songea qu'elle avait cédé bien vite. Elle aurait peut-être résisté plus longtemps si elle n'avait pas été si fatiguée d'être enfermée. Jamais elle n'aurait eu recours aux mêmes extrémités que James pour sortir, mais puisqu'on le lui proposait sur un plateau... La tentation était bien trop forte pour qu'elle lui résiste.

Remus partit peu après pour porter la bonne nouvelle et promit de revenir avec une cape d'invisibilité supplémentaire. Lily et James discutèrent avec animation du protocole à suivre pour leur trajet durant une bonne partie de la soirée. L'unique point de discorde était ce qu'il fallait faire de Harry. Lorsqu'ils allèrent finalement se coucher, Lily fut soudain prise de remords. Allongée dans leur lit, elle se redressa sur un coude et se mordit la lèvre.

- Tu es sûr que c'est le bon choix ? Interrogea-t-elle.

James jeta son t-shirt sur la pile de linge sale et se laissa tomber sur le lit.

- Tu l'as dit toi-même, c'est cautionné par Dumbledore.

- Oui, mais on n'a plus à suivre les ordres de notre directeur d'école.

- Quand c'est le plus grand sorcier du monde, ça me paraît plutôt avisé, fit-il remarquer.

- Ce n'est pas lui le père de Harry. Ce n'est pas à lui de déterminer ce qu'il y a de mieux pour lui.

Il se pencha sur le matelas pour déposer un baiser sur ses lèvres.

- Certes. Mais c'est lui qui nous a rapporté la prophétie, lui qui sait le mieux comment se protéger face à Voldemort. S'il me disait quel repas faire à Harry, je ne l'écouterai pas, mais là...

- Hmmm.

- Tout va bien se passer, Lily-Jolie.

- Je ne sais pas, soupira-t-elle en se laissant tomber sur le dos. Ça fait tellement longtemps qu'on angoisse au moindre mouvement dehors...

James s'avança encore vers elle, un sourire tendre sur les lèvres.

- Est-ce que tu n'aurais pas peur de sortir, par hasard ? Pas par rapport à Voldemort, mais juste à cause du fait d'être à nouveau dans le monde.

La première impulsion de Lily fut de s'insurger, mais une seconde de réflexion lui révéla que James n'avait pas tout à fait tort. Quitter Godric's Hollow l'angoissait un peu. Tel un prisonnier qui ne se rappelle pas autre chose que sa cellule, elle avait soudain peur de quitter sa prison.

- C'est idiot, marmonna-t-elle.

- Pas complètement.

- Tu n'as pas peur, toi.

- On n'est pas obligé de ressentir les mêmes choses, fit-il remarquer tout en caressant ses cheveux. J'étais bien plus terrifié que toi quand Harry est né.

Un rictus sarcastique étira les lèvres de Lily alors qu'elle se rappelait la façon dont James s'était fait jeter hors de la salle d'accouchement.

- Effectivement.

- Ça ne fait pas de toi une lâche, si c'est ce qui t'inquiète. Je suis sûr que dès que tu seras au château, ça ira beaucoup mieux. Retrouver tout le monde sera plus naturel que tu ne le penses.

- Comment tu le sais ?

- On a vécu trop de choses avec eux pour qu'ils nous apparaissent comme des étrangers.

Lily hocha la tête, songeuse, avant de soupirer profondément.

- Il y aura tellement d'absents. Margaret, William...

- Sans compter tous ceux qui sont partis il y a déjà bien longtemps, murmura James, les yeux dans le vague.

Son regard se concentra à nouveau sur le visage de sa femme et il déposa un baiser sur le bout de son nez.

- Justement, il faut profiter de l'occasion qui nous est donnée de revoir tout le monde. On ne sait pas de quoi l'avenir sera fait.

Lily frissonna en comprenant ce que James sous-entendait. Lorsqu'ils vivaient au QG, chacun savait qu'un membre qui partait en mission pouvait ne jamais repasser le pas de la porte. Maintenant que les Potter étaient reclus, cette réalité s'était faite moins tangible. Lily oubliait souvent le danger auquel tous faisaient face, jusqu'à ce que Sirius, Remus ou Peter se présentent sur le pas de leur porte en arborant une nouvelle cicatrice. James avait raison, même si elle détestait cette idée. C'était peut-être la dernière occasion qu'ils auraient jamais de revoir certains des membres de l'Ordre.

Cette réflexion l'attrista profondément. Les yeux fixés sur le baldaquin du lit, elle songea qu'elle n'était plus si sûre de vouloir se rendre à la réunion. Elle ne voulait pas dire adieu. Comme s'il pouvait lire dans ses pensées, James pressa ses lèvres contre sa joue et chuchota :

- Oublie ce que je viens de dire. Ce sera juste une belle occasion de se revoir, de plaisanter avec tout le monde, de se moquer des Prewett. C'est tout.

Lily ferma les yeux avec l'impression d'être anéantie par une douleur incommensurable. Le poids de tous les morts de l'Ordre pesait soudain sur elle. Comme trop souvent, elle se força à le mettre de côté, à ignorer la mort qui obscurcissait leur vie de ses ailes déployées.

***

Remus rapporta la cape promise et, au milieu du mois de juillet, Lily et James s'apprêtèrent à partir pour Poudlard. James était surexcité, mais Lily tellement nerveuse qu'elle ne cessait de s'en prendre à lui. Il s'abstint de lui lancer un sortilège de mutisme malgré l'envie qui le tenaillait et acheva de se préparer en l'ignorant du mieux possible. Alors qu'elle commençait à s'énerver parce qu'il n'avait pas mis les biberons de Harry dans le sac, il lui fourra sous le nez la besace grande ouverte et pleine de biberons, sans prononcer un mot. Cela eut le mérite de la faire taire pendant cinq minutes, le temps qu'il mette Harry dans le porte-bébé et ouvre la porte d'entrée. Lily se tint quelques secondes devant, incertaine. Les poings crispés, elle se passa la langue sur les lèvres puis expira lentement.

- Il faut qu'on y aille, dit-elle finalement.

- Certes.

- On va être en retard.

- Je t'attends, rétorqua-t-il.

Elle expira une dernière fois puis fit passer la cape d'invisibilité de Dumbledore sur sa tête. James fit de même avant de poser une main sur la hanche de sa femme qui, comme convenu, se tenait toujours devant la porte ouverte. Ils étaient normalement tous les deux bien dissimulés. Harry avait sa tétine dans la bouche afin qu'il ne fasse pas de bruit. Lily avança lentement devant James tandis qu'il fermait la porte. Ils étaient cachés par le Fidelitas jusqu'au portail du jardin. Ils avancèrent jusqu'à cette limite, toujours liés l'un à l'autre. Lily s'arrêta un peu plus longtemps que nécessaire avant de tirer la barrière. James comprenait que ce soit difficile pour elle de quitter leur retraite, même s'il n'arrivait pas à se mettre à sa place. Finalement, elle avança dans la rue.

C'était la partie la plus périlleuse de leur voyage : ils ne pouvaient pas transplaner tous les trois en même temps, et ne souhaitaient pas non plus ôter les capes avant d'être dans les murs de Poudlard. Il leur était donc impossible, jusque-là, de savoir si l'autre était arrivé sans encombre sur place. James ne voyait pas trop ce qu'il pouvait se passer entre le pas de leur porte et l'entrée de Poudlard, mais il avait appris à se méfier. Les Mangemorts étaient imprévisibles.

C'est donc avec un sentiment d'angoisse qu'il ôta ses mains des hanches de Lily pour la laisser transplaner avant lui. Il attendit quelques secondes avant de pivoter sur lui-même, une main posée sur la tête de son fils, attaché contre son ventre. Il était à peu près sûr qu'il allait se faire vomir dessus.

Il atterrit face au gigantesque portail de Poudlard, au pied duquel attendait Dumbledore. D'après l'arrangement fait, les Potter devaient arriver les derniers. Le directeur avait indiqué qu'il fermerait les portes à dix heures. Ils avaient quitté leur maison cinq minutes avant l'heure pile. Sans attendre, James passa donc ce portail qui lui était si familier. Harry s'agitait un peu sous la cape, aussi James passa-t-il ses index dans les petits poings du bébé. Même si étudier n'avait jamais été son activité favorite, il avait toujours aimé Poudlard. Il n'y était revenu qu'une fois depuis la fin de sa scolarité, mais il était à chaque fois saisi d'un puissant sentiment de nostalgie. Le fait d'y amener son fils, même tout bébé, le renforçait encore.

La nostalgie fut remplacée par l'excitation alors qu'il songeait à tous ceux qui les attendaient à l'intérieur. Il ne put s'empêcher de sourire et se prit à hâter le pas. S'il l'avait pu, il aurait sautillé jusqu'à l'entrée du château. Il finit par l'atteindre à une allure normale et se faufila dans la porte entrouverte. Derrière, faisant les cent pas, l'attendait Lily. Il tira sur la cape, révélant ainsi son visage souriant. Sa femme se précipita aussitôt sur lui pour le serrer dans ses bras et embrasser le crâne de son fils.

- Merlin, vous êtes là ! J'ai l'impression de vous attendre depuis une éternité.

James ricana tout en déposant un baiser sur son front.

- A t'entendre, on vient d'effectuer le voyage le plus périlleux de l'univers.

- C'est l'impression que ça m'a donné, rétorqua-t-elle en fronçant le nez.

Elle s'écarta et prit une profonde inspiration, les yeux fermés. Lorsqu'elle les rouvrit, toute trace de souci avait déserté son visage, remplacée par un sourire.

- On y est, lança-t-elle. Poudlard. Ailleurs que chez nous.

- Ailleurs que chez nous, répéta James avec une expression pleine de jubilation.

- Ah, vous êtes tous les trois là ! s'exclama Albus Dumbledore en pénétrant à son tour dans l'entrée du château. Vous n'avez utilisé qu'une seule cape, finalement ?

Le couple se retourna vers lui et ils levèrent chacun leur morceau de tissu. Le directeur fronça les sourcils, perplexe.

- On perçoit généralement un mouvement de l'air quand quelqu'un caché sous une cape d'invisibilité se déplace, et je n'en ai perçu qu'un seul.

- Un mouvement de l'air ? s'étonna James. La mienne est totalement imperceptible.

- La vôtre ? s'étonna Dumbledore.

- Héritage des Potter, annonça fièrement James en lui tendant l'objet de leur discussion.

Il était généralement plutôt discret au sujet de sa cape, mais il savait pouvoir faire confiance à Dumbledore. Le directeur fit glisser le tissu entre ses doigts, l'air songeur. James jeta un regard amusé à Lily ; il semblait les avoir complètement oubliés. Un petit cri de Harry, qui en profita pour cracher sa tétine, le ramena à la réalité. Il toussota, tendit la cape à James et leur indiqua l'escalier avec un sourire. Néanmoins, James avait la nette impression qu'il était troublé. Il n'osa pourtant pas poser de question et suivit le directeur et sa femme, qui entamèrent une discussion passionnée sur les potions.

Harry n'émettait plus un son mais tournait la tête dans tous les sens, apparemment bien conscient qu'il était dans un environnement entièrement nouveau. James était sûr qu'il mourait d'envie d'aller explorer à quatre pattes. Au bout d'un moment, le jeune homme compris qu'on les emmenait dans la salle des professeurs. Lorsqu'ils arrivèrent dans le bon couloir, un brouhaha de conversations leur parvint. James eut envie de se précipiter vers la porte mais se retint et continua à marcher dignement derrière son directeur et sa femme. Lorsque ceux-ci arrivèrent devant l'entrée de la salle, les conversations se turent. Dumbledore entra, un sourire rayonnant sur le visage. James embrassa du regard la salle pleine, les visages connus, d'autres qui l'étaient beaucoup moins. Il fut pris de l'envie de serrer tout le monde dans ses bras, tant était forte l'impression de retrouver sa famille. Il était certain que Lily ressentait la même chose. Devant lui, Dumbledore étendit les bras et annonça fièrement :

- Bienvenue à la première assemblée générale de l'Ordre du Phénix !

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