Partie IV - Chapitre 18
Chapitre 18
Dans ce qui servait autrefois de salle à manger au Snargalouf, une dizaine d'hommes et de femmes s'affairaient, hurlaient des ordres, des suggestions, et jetaient occasionnellement des boulettes de parchemins sur leurs collègues.
- Bon sang, Fabian, ça suffit ! Râla William après avoir reçu un nouveau projectile à l'arrière du crâne. Tu ne veux pas aller embêter quelqu'un d'autre ?
Prewett se contenta de sourire avec amusement tout en mâchouillant le bout de sa baguette. William, avec un soupir désabusé, se pencha à nouveau sur ses plans. Depuis la Foire internationale de botanique, il partait bien trop souvent en mission avec Fabian. A croire qu'ils formaient une bonne équipe ; difficile à dire quand l'un des membres du duo était un sale gamin.
Sans plus se préoccuper de son cauchemar roux personnel, William reprit l'examen du plan de Leeds qu'une Auror pressée lui avait confié. Autour de lui, des Aurors étaient penchés sur le même type de document. Sur chacune de ces cartes étaient indiqué un repère de Mangemorts, qu'il s'agisse d'une simple planque ou d'un lieu de réunion. Il avait fallu des mois et des mois aux Aurors pour rassembler toutes ces localisations. Il leur en manquait très certainement, mais Maugrey avait décidé qu'il était temps de mettre à exécution un plan de grande envergure.
La difficulté, quand on se battait contre des Sorciers, c'était la possibilité de déplacement instantané que représentait le transplanage. De gros effectifs d'Aurors s'étaient déjà retrouvés en difficulté après avoir attaqué un nid de Mangemorts, simplement parce que des renforts étaient arrivés. Maugrey espérait qu'en attaquant sur plusieurs fronts à la fois, ses Aurors n'auraient pas à faire face à des afflux continus de Mangemorts.
William suivit le tracé d'une rue, songeur. Il devait trouver le meilleur moyen de prendre en tenaille la planque de Leeds sans se faire remarquer par ses occupants – si tant est qu'il y en ait. Si l'endroit était vide, l'équipe de Leeds devait transplaner à Durham. S'il n'y avait personne à Durham, ils devraient se rendre à Whitehaven, etc. C'était un plan complexe, pourvu de bien des défauts, mais dont Maugrey espérait tout de même retirer quelques bienfaits.
Le jeune homme aperçut sur la carte ce qui devait être un restaurant et l'entoura en rouge, avant d'ajouter l'adresse sur une liste qui trônait au milieu de la table. Il s'agissait de tous les endroits où étaient susceptibles de se trouver des Moldus au moment de la descente des Aurors. William eut un petit sourire. Il s'était porté volontaire pour apporter toutes les listes à Carrie.
Afin de ne pas devoir traîner un contingent d'Oubliators derrière chaque équipe, Maugrey avait prié la Ministre de requérir l'aide des Moldus. Après bien des négociations, Thatcher avait accepté de réquisitionner la police, qui pensait agir en coopération avec le MI6 (Carrie avait tout expliqué à William, mais il n'était toujours pas sûr de comprendre qui étaient tous ces gens). Ils devaient boucler tous les quartiers concernés.
Quand William avait demandé pourquoi on ne se contentait pas de jeter des sortilèges Repousse-Moldu, Fabian l'avait frappé sur le haut du crâne et lui avait répondu que les Mangemorts risquaient d'en percevoir la trace, ce qui ruinerait l'effet de surprise. Etant donné qu'ils considéraient les Moldus comme des moins que rien, il y avait fort à parier qu'ils ne prêteraient pas la moindre attention aux allées et venues de la police.
Bien après la tombée de la nuit, la cloche qui annonçait la fin de la journée retentit enfin. William s'étira, empila tous les documents sur lesquels il avait travaillé ce jour-là et quitta son bureau – ou plutôt, le bureau qu'il occupait une fois tous les dix jours quand Maugrey le lui demandait. Le reste du temps, il chassait le Mangemort avec le reste de l'Ordre et observait la pile d'ordres de mission grossir, et grossir encore. Bien conscient de cela, il lutta contre l'envie d'aller retrouver Carrie, une fois sorti du Snargalouf, et partit accomplir la prochaine mission sur la liste.
***
Le grand jour était arrivé. Après des mois et des mois de préparation, l'opération « Filet du diable» allait enfin commencer. C'était Peter qui avait trouvé le nom ; d'après ce que Carrie avait saisi, seul l'Ordre l'utilisait. Les Aurors qui l'avaient entendu le trouvait absurde. Carrie l'avait néanmoins transmis à Thatcher, qui n'y avait vu qu'un sobriquet imagé. La jeune fille trouvait très amusant de voir passer tous les rapports de police avec comme en-tête le nom de cette plante magique dont elle ne comprenait pas très bien les effets.
L'opération était complexe et engageait un nombre invraisemblable de personne des deux mondes. La seule personne qui en connaissait tous les tenants et les aboutissants était Carrie elle-même, qui avait fait le relais entre monde moldu et monde magique. En cette fin de journée froide de février – la dernière du mois – elle était donc particulièrement sur les nerfs. Si quelque chose tournait mal côté moldu, les retombées politiques et diplomatiques seraient désastreuses. Rien que de penser à la réaction de Thatcher, Carrie avait la migraine.
Assise devant son bureau, dans son minuscule appartement de Londres, elle attrapa sa tresse blonde et en tritura machinalement le bout, les yeux fixés sur son réveil. L'aiguille s'arrêta enfin sur le 12. Il était dix-huit heures tapantes. L'opération avait commencé. On avait fait promettre à Carrie qu'elle ne viendrait pas sur l'un des lieux d'intervention de Londres. Maugrey, Bagnold et Gideon Prewett le lui avaient répété. Will aussi, bien entendu. Elle tint à peine une minute avant de bondir de son siège, d'attraper son manteau, son écharpe et son bonnet, et de quitter l'appartement en claquant la porte. Si seulement elle avait pu transplaner ! Heureusement, elle habitait en plein Londres. Il lui fallut à peine quinze minutes pour rejoindre la planque de Mangemorts la plus proche. Alors qu'elle marchait à grands pas, depuis la station de métro, elle aperçut les barrages de police. Les périmètres avaient été prévus larges : elle n'apercevait aucune trace de magie de là où elle se trouvait. Les policiers devaient être là depuis un moment, car aucune foule n'était présente. Elle avait déjà dû se lasser. Quant aux habitants, ils avaient été évacués. On prétexterait une fuite de gaz et l'affaire serait oubliée.
Carrie s'avança sans crainte et présenta un badge du ministère de l'Intérieur qui l'habilitait à se rendre n'importe où. Elle put donc s'avancer dans la zone désertifiée sans problème. L'excitation qui bouillonnait dans ses veines commença alors à se changer en crainte. Le silence était surréaliste – mais il ne dura que quelques instants. Au tournant d'une rue, une scène de chaos se révéla soudain à elle.
Les Mangemorts, du moins elle supposait qu'il s'agissait d'eux, étaient rassemblés en cercle au milieu de la rue. Ils étaient sept, et se battaient dos à dos contre cinq Aurors qui ne parvenaient pas à prendre le dessus. Deux d'entre eux étaient couverts de sang. Carrie se plaqua aussitôt contre le mur pour ne pas être vue, le cœur battant. Son intention était d'observer le déroulement des opérations, pas d'interférer. A vrai dire, elle imaginait que les Aurors auraient déjà vaincu. Depuis combien de temps se battaient-ils ?
Elle enfonça ses mains dans ses poches, la respiration chaotique. Et si la même chose était en train de se produire partout ? Si William était comme l'un de ces Aurors, en train de se vider de son sang, en sous-nombre face à l'ennemi ? Il était à l'autre bout du pays, elle ne pouvait même pas aller le retrouver. Non, tout ce qu'elle pouvait faire c'était rentrer chez elle et l'attendre là.
Carrie se mit en mouvement, tout en tentant de faire abstraction des cris qu'elle entendait à quelques mètres d'elle. Elle regrettait déjà sa décision d'être venue ; à présent, elle s'inquiétait encore plus. Elle avait à peine fait un pas qu'un « CRAC » la fit sursauter. Sous ses yeux écarquillés se matérialisa un homme d'une trentaine d'années aux cheveux mi-longs qui l'agrippa par le poignet et fit un demi-tour sur lui-même. Carrie eut l'impression qu'on lui retournait l'estomac. Son seul point fixe était la main qui serrait son poignet à lui faire mal. Le reste de son corps comme le monde entier n'était que flou. La seule pensée cohérente qu'elle parvint à formuler fut : « Tu es en train de transplaner ». Avant même qu'elle ait fini de le penser, elle toucha brutalement terre. Ses jambes se dérobèrent sous son poids et elle rendit le contenu de son estomac sur le sol. Ses oreilles sifflaient, une douleur sourde tambourinait dans son crâne, et ses entrailles ne semblaient pas vouloir reprendre leur place. Alors qu'elle crachotait toujours, une main saisit durement sa tresse et lui tira la tête en arrière. Malgré ses yeux larmoyants, elle reconnut l'homme qui l'avait attrapée.
- Tu es la catin moldue du Ministère, hein ? Cracha-t-il. Quelle bonne idée de venir traîner là un jour pareil.
Si Carrie avait jamais eu l'intention de répondre, elle n'en eut pas l'occasion. Il la repoussa brutalement et son crâne heurta le sol avec un bruit mat. Le choc n'arrangea en rien sa vision trouble. L'homme la releva sans ménagement en l'attrapant durement par le bras et la traîna derrière lui. Carrie trébucha mais le suivit tant bien que mal. Elle s'aperçut vaguement qu'ils étaient dans une salle vide, au papier peint à moitié arraché et au sol couvert de poussière. Ils entrèrent dans une autre pièce éclairée par des globes de lumière. Au centre avait été disposée une grande planche sur des tréteaux. Autour se tenaient deux femmes et un homme vêtus de noir, qui relevèrent la tête lorsque Carrie et son agresseur entrèrent.
Ce dernier poussa Carrie vers la table. Elle se retrouva nez à nez avec l'une des femmes, une petite Sorcière rondelette au nez retroussé et aux cheveux châtains, qui la dévisagea un instant en fronçant les sourcils avant d'écarquiller les yeux.
- Qu'est-ce qu'elle fait là ? On ne nous a pas demandé de l'intercepter, s'exclama-t-elle, l'air sincèrement surprise.
Carrie se contenta de la dévisager, les mains tremblantes. Derrière elle, l'homme qui l'avait amenée répondit :
- Cette petite gourde est venue assister aux opérations. Je me suis dit que c'était le moment où jamais.
- Et qu'est-ce qu'on en fait ?
La surprise passée, la femme avait pris une voix tranchante.
- On l'amène là où se trouve Hardley et on ruine leur opération là-bas.
Carrie se figea, les yeux écarquillés, les doigts crispés. Elle n'avait pas voulu ça. Si William la voyait, il ferait quelque chose de stupide. Ses yeux s'emplirent de larmes.
C'était elle qui avait fait quelque chose de stupide.
Son vis-à-vis aperçut ses prunelles larmoyantes et soupira profondément.
- Fais en ce que tu veux mais je n'en veux pas ici. On a suffisamment à faire. Cet idiot de Pettigrow a été avare en détails.
La jeune Moldue tiqua, alors qu'on la tirait à nouveau vers une destination inconnue. Pettigrow. Elle était sûre que l'un des membres de l'Ordre s'appelait comme ça. Alors qu'elle trébuchait en arrière, son regard tomba sur la table couverte de cartes. Son cerveau s'activait tant bien que mal, malgré le choc et la panique. Était-il possible que les Mangemorts soient au courant de toute l'opération ?
Un nouveau transplanage l'empêcha de d'y réfléchir plus avant. Elle fut à nouveau aspirée dans un tourbillon à travers l'espace-temps, le cœur au bord des lèvres.
***
William ne comprenait pas à quel moment la situation avait basculé. L'opération « Filet du diable » avait été préparée avec minutie. Tout était calculé – du moins dans la mesure du possible. Cela n'aurait pas dû être aussi difficile. Et pourtant, William et les Aurors qu'il accompagnait étaient en sous-nombre, aucun renfort ne venait, et ils perdaient du terrain.
Il se trouvait à l'extérieur d'une petite ville du nord de l'Angleterre. Les Mangemorts avaient une planque dans une gare désaffectée, où on trouvait encore de vieux wagons de marchandise rouillés. Adossé à l'une de ses machines, William se défendait tant bien que mal contre la silhouette encapuchonnée qui lui faisait face. Il avait vaguement conscience des Aurors qui l'entouraient et qui, pour la plupart, se battaient contre plusieurs Mangemorts à la fois. Il savait aussi qu'à quelques mètres de lui gisait un Auror appelé Romuald Barnes qui ne se relèverait plus jamais.
Le jeune homme parvint à blesser son adversaire et profita de sa distraction pour lancer un « Stupéfix ! » dans sa direction. Le Mangemort parvint à esquiver et l'agressa avec plus d'ardeur encore, furieux du sang qui dégoulinait le long de son bras. Alors que le duel reprenait de plus bel, il y eut un « Crac ». Pendant un instant, William crut que c'étaient des renforts qui arrivaient. Il n'aperçut pourtant que deux silhouettes sur le quai de la gare : un homme en noir, et une fille dans un manteau rouge qui lui semblait horriblement familière.
L'atroce seconde que passa William à la dévisager fut fatidique ; un maléfice le heurta de plein fouet. Il sentit la blessure s'ouvrir, de son épaule droite jusqu'à son abdomen. Un sang chaud macula son torse et transperça ses vêtements alors qu'il tombait en avant avec un cri de douleur.
- WILL !
Le cri perçant confirma ses pires craintes. Il releva la tête tant bien que mal et aperçut Carrie, puisqu'il ne pouvait s'agir que d'elle, qui courait vers lui.
La situation semblait laisser perplexe le Mangemort contre lequel William se battait. Il fixait lui aussi la mince silhouette, sa baguette baissée, sans se préoccuper de l'homme qu'il avait mis à terre. Malgré sa panique et la douleur qui lui brûlait le corps, William était suffisamment lucide pour réaliser qu'il devait agir. Il le stupéfixa sans plus tarder.
Jeter le sort avait demandé trop d'efforts à William, qui s'écroula face contre terre. Il grogna, le nez dans la boue. Carrie allait courir au milieu de la bataille. Il devait l'en empêcher. Merlin, il n'avait même pas la force de se relever, comment pourrait-il faire quoi que ce soit ? La faire transplaner loin d'ici ? Et ses camarades, les Aurors avec qui il combattait ? Il leur avait fait défaut.
- Qu'est-ce qu'une Moldue fout sur le terrain ? Hurla une voix.
William aurait bien aimé connaître la réponse, lui aussi. Mais déjà une main fine se posait sur son épaule. Carrie l'aida doucement à rouler sur le dos. Son visage constellé de taches de rousseur était barbouillé de larmes. Ses mains tremblaient sur lui, de plus en plus fort à mesure qu'elles se tachaient de son sang.
- Will... William.. Oh mon Dieu, je...
- Dans ma cape, interrompit-il. Poche intérieure. Donne-moi les fioles.
Carrie avait toujours su faire preuve d'un minimum de sang-froid dans les situations difficiles. Cette fois-là encore, elle parvint à reprendre ses esprits et repoussa William aussi délicatement qu'elle put pour fouiller dans sa cape. Elle en sortit deux fioles et les déboucha. Le jeune homme en avala une – une Solution de Force – mais lui laissa la deuxième.
- La blessure. Verse ça dessus.
Carrie pâlit un peu plus mais s'exécuta. Elle écarta ses vêtements comme elle le put, non sans lâcher un gémissement d'horreur lorsqu'elle révéla la plaie. Elle parvint finalement au bout de sa mission. Après quelques secondes de douloureuse agonie, William sentit enfin la blessure se refermer. Il savait que ce n'était pas parfait, que la perte de sang l'avait affaibli durablement, mais au moins pouvait-il bouger.
Comme la douleur s'effaçait, il reprenait conscience du monde autour de lui. Les bruits de la bataille se firent plus forts à ses oreilles. Il réalisa brusquement dans quelle situation précaire ils se trouvaient.
- Merlin tout puissant, marmonna-t-il avant de se relever péniblement.
Un sort fusa aussitôt vers sa tête et il se baissa avec un juron, entraînant Carrie avec lui. La douleur lui déchira à nouveau la poitrine durant un bref instant, mais il s'efforça de ne pas y prêter attention. Sans rien ajouter, il la poussa devant lui et la força à contourner le vieux wagon. Les sorts trouaient la vieille carcasse derrière eux mais ils parvinrent à aller suffisamment vite pour les éviter – ou peut-être l'un des Aurors les aida-t-il.
Une fois à l'abri, William attrapa Carrie par les épaules et la secoua un peu sans vraiment le vouloir.
- Bon sang mais qu'est-ce que tu fais là ?
- J'ai été idiote, répondit-elle lentement. Je suis désolée.
Le voir sur pieds semblait l'avoir aidée à reprendre ses esprits. Elle le fixait maintenant avec détermination, même s'il pouvait toujours lire la peur au fond de ses yeux. Merlin, il aurait préféré qu'elle n'affiche pas cet air borné. C'était à croire qu'elle ne réalisait pas le danger de la situation.
- Effectivement, lâcha-t-il d'un ton sec. Reste-là, en espérant qu'on s'en sorte.
Il savait qu'elle n'aimait pas l'inaction – il ne se rappelait que trop bien du rôle qu'elle avait joué au Nouvel An. Néanmoins, elle hocha la tête sans protester. C'est d'une voix un peu tremblante qu'elle lui dit :
- Fais attention à toi.
Un peu adouci, il déposa un rapide baiser sur sa joue et se prépara à repartir à l'attaque. Mais alors qu'il contournait le wagon, le Mangemort sans capuche, celui qui avait amené Carrie, surgit devant lui. Il l'attrapa par les épaules et lui envoya son genou dans l'estomac. Le coup priva William d'air ainsi que de sa baguette, et même son cri de douleur ne put s'échapper de sa bouche. Il tomba à genoux, conscient du cri horrifié de Carrie derrière lui. Il aperçut le Mangemort lever sa baguette vers la jeune fille, malgré ses yeux brouillés par des larmes de douleur. Mais avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, Carrie lui fonça dessus comme un boulet de canon et ils basculèrent tous les deux dans la boue.
Seulement Carrie, malgré toute sa bonne volonté, était un poids plume par rapport à l'homme auquel elle essayait de se mesurer. Il parvint bien vite à la repousser, se redressa d'un bond et pointa sa baguette sur elle, le visage congestionné par la fureur.
Poussé par l'adrénaline, William se jeta devant elle, une main levée, son visage ravagé par la douleur tourné vers celui du Mangemort.
- Laissez-la partir, supplia-t-il d'une voix rauque. Tuez... tuez-moi mais laissez-la partir.
- Will, tais-toi ! Tenta de protester Carrie.
- Tu penses vraiment que je l'ai amenée là juste pour te torturer un peu, Hardley ? Répliqua le Mangemort d'un ton agacé sans même tenir compte de Carrie, qu'il regardait d'un air vaguement dégoûté. Ça fait des mois qu'on cherche à se débarrasser d'elle de manière discrète. Votre alliance avec la ministre moldue est une sale épine dans le pied du Seigneur des Ténèbres.
La main de Carrie se crispa sur l'épaule de William. Il entendit sa brève inspiration qui hésitait à se changer en sanglot. Les yeux toujours fixés sur le Mangemort, William tentait vainement de comprendre comment la situation avait basculé en si peu de temps. Il ne saurait jamais comment ils avaient eu Carrie. Il ne cherchait même pas comment s'en sortir : sa baguette était à quelques pas de lui mais il était trop faible pour la récupérer. Trop faible pour se battre à la moldue, également. Carrie ne pouvait rien non plus. Il était sûr qu'elle le savait. Il le sentait à la pression, désormais ferme mais tendre, de ses doigts sur son épaule. Elle ne dit rien, ne supplia pas. Elle garderait son sang-froid dans la mort comme elle l'avait toujours gardé dans la vie. Will décida de faire de même.
Le Mangemort ouvrit la bouche pour formuler le sort fatidique, et William ferma les yeux.
***
La nouvelle tomba alors que Peter se trouvait chez Lily et James. Il ne faisait pas partie de l'opération « Filet du diable », même s'il avait trouvé son nom. Après une mission de routine, il avait décidé de passer voir les Potter.
Alors qu'ils bavardaient agréablement autour d'un bon dîner, on frappa à la porte. James s'empressa d'aller ouvrir. Depuis la salle à manger, ils l'entendirent s'exclamer : « Eh, salut Patmol ! ». Aucune réponse joyeuse ne leur parvint. Peter percevait le timbre de Sirius sans parvenir à saisir ce qu'il disait. Les deux jeunes hommes firent leur entrée dans la pièce. James, qui avait affiché un joyeux sourire toute la soirée, présentait à présent un visage pâle aux lèvres pincées. Sirius n'arborait pas un air plus gai. Peter et Lily comprirent aussitôt ce dont il retournait. Lily eut finalement le courage de demander, d'une voix blanche :
- Qui ?
- La petite Carrie, répondit Sirius d'une voix dépourvue de timbre.
- Carrie ? Souffla Lily, pâle comme un linge. A cause... A cause du Ministère ?
- Elle s'est retrouvé sur les lieux de l'opération « Filet du diable », expliqua Sirius, les yeux fixés dans ceux de Lily. Elle était avec...
- William, compléta-t-elle, les yeux écarquillés. Il... Est-ce qu'il...
- Lui aussi.
La voix de Sirius s'éteignit avant même qu'il n'est fini sa phrase. Le regard de Peter allait de ses deux amis à Lily, qui fixait un point au-dessus de la tête de Sirius sans rien dire. Il l'avait rarement vue aussi pâle. Ses yeux se tournèrent un court instant vers James, puis elle se leva et quitta la salle. Son mari ne tarda pas à la suivre après avoir murmuré une vague excuse.
Son atroce mission de messager accomplie, Sirius sembla perdre toute force. Il se dirigea vers le buffet, en sortit une bouteille de whisky – le préféré de Fleamont Potter, si Peter ne se trompait pas – et se servit un verre. Lorsqu'il proposa à Peter, celui-ci refusa mais vint s'installer avec lui sur le canapé. Après quelques instants supplémentaires de silence, il demanda :
- Qu'est-ce qu'il s'est passé, exactement ?
- On ne sait pas, répondit doucement Sirius. Ils étaient tous les deux dans le nord, là où William avait été affecté. Sortilèges de mort. Deux Aurors sont morts là-bas, également.
Peter frémit. Il n'avait rien voulu de tout cela.
- Et le reste de la mission ? Interrogea-t-il, sa voyant partant dans les aiguës à la fin de sa mission.
- Pas une réussite, d'après ce que m'a dit Gideon. On pense que quelqu'un a parlé. Mais il y avait tellement de gens impliqués qu'on ne pourra jamais trouver qui c'est.
Le petit blond parvint à rester impassible. Il hocha la tête sans émettre le moindre son, peu sûr de sa voix. Non, il n'avait pas voulu ça.
- Maugrey a perdu plusieurs Aurors, ajouta Sirius. Il est furieux. Furieux d'avoir perdu Carrie, aussi. Elle était d'une aide précieuse.
- J'imagine, souffla Peter.
Après cela, le silence s'installa pour de bon. Peter ne parvint à l'endurer que quelques minutes ; il bondit tout d'un coup du canapé, demanda à Sirius de l'excuser auprès des Potter et prit la fuite. Seul dans la nuit froide, il prit une profonde inspiration tremblotante, confronté à une entêtante question : était-ce de sa faute ?
Il avait donné des informations sur l'opération « Filet du diable », c'était vrai. Mais était-il responsable de la mort de William et Carrie pour autant ? Carrie n'avait rien à faire là-bas.
Peter s'arrêta sur la place du village et s'assit au pied de la statue centrale. Les yeux fixés sur l'église de Godric's Hollow, il s'efforça de calmer son cœur qui palpitait. Cacher ses véritables sentiments à ses amis n'avait pas été difficile ; après tout, c'étaient les Maraudeurs qui lui avaient appris à mentir. Toute leur scolarité, ils avaient dissimulé la condition de Remus ainsi que leur transgression de la loi. Ils avaient enfreint toutes les règles de Poudlard, et menti également à ce sujet. Malheureusement, mentir était devenu une seconde nature chez Peter Pettigrow.
Un instant, il s'imagina confesser ses crimes à ses amis. Il commença par se dire qu'ils lui pardonneraient, quand il leur expliquerait qu'il avait eu peur, que mourir lui faisait peur. Puis il songea à William et Carrie. Il serait tenu pour responsable. Il ne les avait pas trahis, eux, mais ils avaient vraisemblablement subi les conséquences de sa trahison.
Peter enfouit son visage entre ses mains pour mieux réfléchir. Non, ses amis ne lui pardonneraient jamais. Il ne pouvait rien dire. Il ne pouvait pas arrêter non plus : les Mangemorts le tueraient. Disparaître mènerait à la même conclusion : les Mangemorts le retrouveraient. Peut-être même que ses amis le chercheraient, le trouveraient, puis lui demanderaient des explications.
S'il avait été plus fort, il se serait rendu à la justice magique et aurait accepté la sentence. Mais la simple pensée des Détraqueurs le glaçait de l'intérieur. Il ne pouvait pas. Merlin, tout mais pas ça. Et puis, à quoi bon se faire juger par un gouvernement qui risquait d'être renversé d'un moment à l'autre ? Peter ne se faisait pas d'illusion : la guerre se passait mal pour l'Ordre et pour le Ministère. Leurs effectifs diminuaient de plus en plus alors que ceux de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ne cessaient d'augmenter. A quoi bon endurer l'opprobre et le rejet quand, peut-être, il aurait sa place si l'autre camp gagnait ?
Ce n'était pas ce qu'il voulait ; il ne croyait pas aux idées du Seigneur des Ténèbres. Mais si c'était sa seule porte de sortie, le moyen d'échapper à la mort et à Azkaban... il la prendrait. Il se releva et continua son chemin vers la forêt de Godric's Hollow, les mains enfoncées dans ses poches. Il pouvait rester dans cet entre-deux. Garder ses options ouvertes. Si le Ministère gagnait, il garderait le silence et personne ne saurait jamais. Si l'autre camp remportait la partie, on lui pardonnerait son rôle auprès de l'Ordre.
Ce n'était pas un compromis véritablement satisfaisant, mais Peter ne voyait pas d'autre solution. Alors qu'il s'apprêtait à transplaner, il songea une dernière fois que la mort de William et Carrie n'avait rien à voir avec lui.
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