Partie IV - Chapitre 17

Chapitre 17

James, les bras croisés derrière la tête, fixait le plafond sans vraiment le voir. Harry était allongé sur son tapis de jeu, non loin de là, et ne cessait d'attraper un jouet au bruit agaçant. James tiquait à chaque fois que l'objet couinait.

Avec un soupir, il se retourna sur le côté. Il pleuvait, comme depuis environ deux semaines. Le mois de février était gris et dégoulinant. Il ne faisait même pas froid. Si encore ils avaient eu de la neige....

L'anniversaire de Lily s'était déroulé dans une bonne humeur feinte ; la jeune femme n'avait pas considéré la lettre d'adieux de Margaret comme un beau cadeau. James avait fait ce qu'il pouvait pour la réconforter pendant les premiers jours, puis il avait fini par s'agacer. Il n'était pas heureux non plus, faisait-il la tête pour autant ?

Le fait qu'Harry attrape un nouveau virus tous les trois jours n'arrangeait rien à la situation. Entre les dents, les gastros, la grippe et les rhumes, James n'en pouvait plus. Il ignorait depuis combien de temps il n'avait pas dormi correctement.

Un léger rictus étira ses lèvres. La nuit était le seul moment où il semblait être en accord avec Lily. Dans le noir, il la retrouvait. Les ténèbres masquaient le désastre de leur vie et pendant quelques heures ils n'étaient plus que deux jeunes gens, sans autre souci que le petit garçon enrhumé au bout du couloir. James se rendait bien compte que ce n'était pas une solution à long terme. Leur mariage ne pouvait reposer que sur leurs contacts physiques, pas plus que sur leur bébé. Ils devaient avoir autre chose. Ils avaient autre chose, par Merlin. Seulement, l'amertume et la détresse semblaient avoir fait disparaître leur camaraderie.

Oh, James ne doutait pas d'aimer encore sa femme. Mais aucune relation ne pouvait s'épanouir pleinement dans de telles conditions. Un couple n'était pas fait pour rester enfermer sur lui-même.

James aimait Lily. Mais là, tout de suite, il n'en pouvait plus d'elle. La seule raison qui l'empêchait de se sentir mal à ce propos, c'était que Lily pensait exactement la même chose. Elle ne l'avait pas dit, bien sûr, mais il le sentait. Elle agissait avec lui de la même manière que pendant toutes ces années à Poudlard où elle le détestait.

Parfois, cela l'amusait. La plupart du temps, il avait envie de s'enfuir en courant, pour pouvoir revenir douze heures plus tard, ravi de la retrouver. Malheureusement, il n'avait même pas cette possibilité.

L'arrivée de Gandalf dans le salon le tira de son introspection. Le chat s'avança, très sûr de lui, et vint se frotter contre Harry en ronronnant. James le tenait à l'œil, même si jusque-là le félin s'était montré incroyablement gentil avec le bébé. Avec l'ombre d'un sourire, il se demanda si Harry emmènerait Gandalf à Poudlard, quand il y entrerait.

- Tu veux que je donne son bain à Harry ?

James leva les yeux. Lily se tenait dans l'embrasure de la porte, les mains sur les hanches, un regard vaguement ennuyé posé sur lui. Il se redressa un peu.

- C'est mon tour.

- J'ai envie de le faire.

- D'accord.

Il la regarda emporter le bébé, qui se mit à gémir, déçu d'être séparé du chat. James retomba dans ses oreillers avec un grognement. Il ignorait depuis combien de temps il n'avait pas eu une vraie conversation avec Lily. La plupart de leurs échanges concernaient Harry ou la tenue de la maison. Ils ne parlaient vraiment que lorsqu'ils recevaient une lettre d'un des Maraudeurs. Atterré, James contempla la porte entrouverte du salon. Cette situation était d'une tristesse sans nom.

Pris d'une impulsion subite, il se redressa d'un bond, grimpa à l'étage et avança silencieusement vers la salle de bain, où Lily chantonnait tout en déshabillant Harry. Il franchit les derniers pas et l'enlaça, son torse contre son dos, ses mains croisées sur son ventre. Lily se figea, surprise, tout en maintenant Harry sur la table à langer.

- Tu sais que je t'aime, hein ? Souffla-t-il à son oreille.

Elle tourna simplement la tête pour déposer un baiser sur sa joue et souffla :

- Moi aussi.

- Très bien.

S'en rien ajouter, James s'en fut comme il était venu. Ils ne parleraient sans doute pas ce soir-là, et il aurait toujours envie de s'enfuir. Mais au moins Lily savait-elle que, dans le fond, ce n'était pas contre elle.

***

Le lendemain, il pleuvait toujours. Lily se leva tardivement ; James s'occupait d'Harry. Elle fixa longuement la fenêtre et, derrière, les nuages gris. Quand bouger devenait un tel effort, elle se demandait si elle ne devenait pas dépressive. Alors qu'elle ne faisait déjà rien d'intéressant de sa journée, elle n'aspirait à rien d'autre qu'à rester dans son lit et à regarder le vide.

Le rire de son fils, au rez-de-chaussée, parvint finalement à la secouer. Elle s'assit avec un soupir, tout en bâillant. Ses yeux tombèrent sur le bureau qu'elle partageait avec James. La dernière lettre de Remus était étalée dessus, maintenue à plat par des livres. Dans un coin, roulée dans sa forme originelle, se trouvait celle de Margaret. Lily se mordilla un instant la lèvre, puis se leva pour attraper le courrier. Elle ne l'avait jamais relu depuis qu'elle l'avait reçu, trois semaines plus tôt.

« Ma très chère Lily,

merci d'avoir été une merveilleuse amie pendant tout ce temps. Je t'ai connue pendant presque la moitié de ma vie, et te perdre comme nous avons perdu Val, et surtout Jenny, me brise le cœur. Pourtant je ne peux pas me résoudre à faire un autre choix.

Je quitte l'Ordre. J'ai pris cette décision il y a plusieurs jours déjà, mais il me fallait régler quelques détails. Tout est prêt maintenant : je quitte l'Ordre, et je quitte l'Angleterre. Maugrey m'a imposé cette condition, mais c'était également ma volonté. Je ne peux pas rester dans ce pays, voir tous les malheurs qui accablent les Sorciers comme les Moldus, et savoir que j'ai abandonné le combat. C'est lâche, c'est tellement lâche ! J'aimerais être plus forte, Lily, mais je n'y arrive pas. Je n'y arrive plus. Si je continue, un jour je vais tout simplement me laisser tuer par un Mangemort pour que ça s'arrête. Et je veux vivre. Je veux vivre vraiment, pas cette vie de reclus, de parias, de cibles mouvantes pour Mangemorts. C'est égoïste de vouloir ceci et de ne plus me battre pour, je le sais bien. Et je suis désolée.

Si tu étais restée au QG, peut-être que j'aurais pu tenir le choc. Mais Lily, quand vous êtes partis... Nous avons perdu ce qui nous unissait. Même si nous sommes tous devenus amis à la longue, de véritables amis, au départ c'est James et toi qui avez réunis les deux groupes, les Maraudeurs d'un côté, nous quatre de l'autre. Et à partir du moment où tu as dû rester au QG, tu es devenue la flamme de notre foyer. Rentrer au manoir était un réel soulagement. On pouvait oublier tout ce qui était arrivé au-dehors. Puis vous êtes partis, et nous ne rentrions que pour voir votre chambre vide, la cuisine plongée dans le noir. Le QG a cessé d'être un foyer et est devenu un dortoir. Je ne me suis jamais sentie aussi seule que ces derniers mois. La désertion de Val, la mort de Jenny, ton départ... Oh, Jenny. Tu te souviens de son rire ? Merlin, elle pouvait être tellement insupportable ! Elle voulait toujours que je m'affirme plus, que j'aie plus confiance en moi. Elle me manque. Tu me manques.

Ce sera encore pire, là où je vais. Je serai isolée, et ce sera difficile au début, mais au moins personne n'essaiera de me tuer. Je veux recommencer ma vie. Je veux oublier la guerre. Je suis désolée d'être aussi égoïste, Lily. J'espère que tu me pardonneras.

Ma destination doit rester secrète, pour ma propre sécurité. Maugrey ne souhaite pas que je vous contacte, et à vrai dire je ne préfère pas non plus, pour les raisons évoquées plus haut. Une autre preuve de mon égoïsme et de ma lâcheté. Mais quitte à fuir, autant le faire vraiment, hein ? Tu vois, même moi je me méprise. Peut-être qu'une fois que ce sera fini... Je ne sais pas.

Tu vas terriblement me manquer. Merci pour ton amitié, Lily Evans – Lily Potter.

Margaret »

Lily lâcha le parchemin sur le bureau. Il s'enroula aussitôt sur lui-même, cachant ainsi les mauvaises nouvelles qu'il portait. La jeune femme desserra le poing après s'être aperçue qu'elle plantait ses ongles dans la paume de sa main.

James pensait qu'elle était triste à cause du départ de son amie. Peut-être était-ce le cas, dans le fond. Mais le véritable sentiment qui habitait Lily quand elle pensait à Margaret, c'était la colère. Pas forcément parce qu'elle était partie ; elle pouvait comprendre. Elle comprenait aussi son souhait de ne pas rester en Grande-Bretagne. Margaret avait bien vu, avec Lily et James, quelle torture c'était d'être là et de ne rien pouvoir faire. Non, si Lily lui en voulait vraiment, c'était parce qu'elle n'était pas venue lui faire part de sa décision en personne. Quitter l'Ordre n'était pas lâche, mais partir comme une voleuse en envoyant une simple lettre, ça l'était. Lily se sentait trahie.

Ses yeux tombèrent sur la lettre de Remus. Le pauvre ne semblait pas au mieux de sa forme ; Espérance se remettait mal de son enlèvement. Certains matins, elle ne parvenait même pas à se lever. Les Médicomages ne comprenaient pas d'où venait cette faiblesse. Remus craignait, à juste titre, que les Mangemorts n'aient usé de magie noire sur elle. Ils avaient déjà fait l'expérience de maléfices vraisemblablement inventés par les Mangemorts et donc ils avaient du mal à contrer l'effet. Amanda, la jeune fille fraîchement sortie de Poudlard qui avait intégré l'Ordre et était morte quelques mois plus tard, en avait fait les frais. Remus souffrait de ne pas pouvoir être plus auprès de sa mère à cause de ses missions pour l'Ordre. Apparemment, il n'avait pas vu Sirius ou Peter depuis une éternité.

Lily avait l'impression, en considérant les deux lettres, de contempler les ruines de ce que l'Ordre avait été. C'était encore plus parlant que le manoir. Jamais elle n'aurait imaginé que l'incendie du QG aurait une telle influence, et pourtant... Les Mangemorts pouvaient se montrer plus subtiles qu'elle ne l'imaginait.

La journée s'écoula lentement, bercée par le morne tapotement de la pluie contre les vitres. Harry se révéla insupportable, et c'est avec soulagement que Lily le coucha pour sa sieste. Il finit par s'endormir après quelques hurlements. Elle allait s'engouffrer dans son laboratoire pour vérifier quelques potions lorsque la voix de James interrompit son mouvement.

- J'ai besoin de sortir.

Il était allongé sur le canapé, comme souvent. Lily ne sut quoi répondre. Elle aussi en avait besoin, mais à part sortir dans le jardin ils n'avaient guère de possibilité.

- Il pleut vraiment fort, commenta-t-elle finalement.

Son mari eut un petit rire sardonique avant de se redresser pour la regarder.

- C'est tout ce qui t'inquiète ? Je ne parlais pas d'aller dans le jardin, Lily. J'ai besoin de sortir de cette baraque.

Son air de défi ne lui disait rien qui vaille. Lily leva les mains dans un geste d'impuissance.

- Une demi-heure. Ensuite je reviens.

Elle fronça les sourcils. Elle ne pensait pas qu'il était sérieux.

- C'est hors de question, répliqua-t-elle sèchement. On en a déjà parlé.

- J'ai la cape. Il ne m'arrivera rien.

- Non. Si on commence à relâcher la garde, c'est fini pour nous.

Il se leva carrément du canapé. Lily pouvait lire sur son visage qu'il tâchait de ne pas s'énerver.

- Une seule entorse, rien qu'une. Ça n'arrivera plus ensuite.

Lily sentit les larmes lui monter aux yeux.

- Si tu sors, pourquoi est-ce que je ne le ferais pas, hein ? On ne s'en sortira pas.

- Mais Lily, je ne peux plus... Argh !

Il battit l'air des bras inutilement. Tout son corps exprimait la frustration, mais Lily resta impassible. Elle combattit les larmes du mieux qu'elle put.

- On ne peut pas.

- Tu ne veux pas ! C'est différent !

- Tu es grand James, si tu y tiens, alors vas-y ! s'agaça-t-elle. Mais ne remets pas les pieds ici ensuite si c'est pour nous ramener des Mangemorts !

- Tu dramatises complètement ! Tu crois vraiment qu'ils nous attendent de pied ferme devant la porte ?

- Et pourquoi pas ? Tout le monde sait que ta famille est originaire d'ici ! Ce n'est pas dramatiser quand il s'agit de la sécurité d'Harry !

- Merlin, il va bien ! Il n'y a pas eu la moindre alerte depuis qu'on est arrivé !

- Et tu sais pourquoi ? Parce qu'on n'a pris aucun risque !

- Tu devrais peut-être apprendre à vivre de façon plus dangereuse alors, Evans, grinça-t-il.

- On n'est plus à Poudlard, Potter ! Asséna-t-elle en insistant sur son nom de famille comme il l'avait fait. Il n'est pas question de contourner le règlement pour aller faire l'idiot dans la forêt interdite !

- Bon sang, tu es tellement ...

- Tellement quoi ? Cingla-t-elle.

- Insupportable ? Offrit-il sans le moindre sourire.

- C'est toujours mieux qu'être un connard égoïste.

- Evans ! Vociféra-t-il.

- C'est Potter, imbécile !

L'envie de le gifler la démangeait, mais elle se contint. Ils n'étaient plus à Poudlard. Ils pouvaient agir en adulte. Ou du moins elle le pouvait, si James s'y refusait. Il la fixait intensément, la respiration lourde, la mâchoire serrée. Pendant un court instant, Lily se demanda s'il regrettait qu'elle s'appelle à présent Potter.

- Une demi-heure, répéta-t-il entre ses dents serrées.

- Je ne te retiens pas, siffla-t-elle.

- Tu ne me laisseras pas rentrer.

Ce n'était pas une question.

- Fais ton choix, rétorqua-t-elle.

- Merlin, Lily !

- Euh... Je vous interromps ?

Les deux jeunes gens se tournèrent d'un bloc vers Peter, qui se tenait dans l'entrée, l'air gêné.

- J'ai frappé plusieurs fois mais vous ne répondiez pas, alors je...

Lily battit rapidement des paupières pour reprendre ses esprits et se força à sourire :

- Entre, Peter. Viens te réchauffer. Il fait vraiment un temps abominable.

Elle pouvait sentir le regard furieux de James sur elle. Cette conversation n'était sans doute pas terminée. Peter accrocha son manteau trempé à la patère et allait saluer James lorsque celui-ci le dépassa en trombe pour sortir dans le jardin par la porte arrière. Même de là où elle était, Lily entendit le cri de frustration qu'il poussa.

- Qu'est-ce qu'il a ? souffla Peter.

- Il est enfermé, voilà ce qu'il a, murmura-t-elle.

- Ça va finir par s'arranger.

- Peut-être, répondit Lily, pessimiste.

- Lily, s'offusqua-t-il, la guerre ne durera pas éternellement. Vous ne resterez pas toujours ici.

- Mais qui sait dans quel état on va en ressortir. Dans quel état notre mariage va en ressortir.

Peter rougit un peu, ce qui faillit arracher un sourire à Lily. Elle parlait de sa relation avec James à Sirius, éventuellement à Remus, mais jamais à Peter.

- Notre mariage ira très bien.

Surprise, elle dévisagea son mari qui venait de faire irruption derrière Peter. Quelques minutes dehors avaient suffi à le détremper. Lily se rappela ce qu'il lui avait murmuré la veille, alors qu'elle allait donner son bain à Harry. Elle hocha donc la tête, même si elle voyait l'orage couver dans les yeux de James. Il ne lâcherait pas l'affaire, elle en était persuadée. Mais il ne lâcherait pas leur mariage non plus.

***

Lorsque Peter quitta les Potter, il pleuvait toujours autant. Comme les deux autres Maraudeurs, il aimait venir à Godric's Hollow pour chercher du réconfort, notamment quand la mission avait été difficile. C'était le cas ce jour-là. Benjy et lui n'avaient pas réussi à sauver le vieux Sorcier que les Mangemorts traquaient. Ils ignoraient même pourquoi ils le cherchaient. Ils avaient mis du temps à remonter la tracer du vieil homme, qui s'était caché autant que possible en attendant des secours de l'Ordre. Ça n'avait pas été suffisant.

L'ambiance à Godric's Hollow n'avait pas suffi à lui remonter le moral, cette fois-ci. La tension entre Lily et James était plus que palpable. De même, voir James souffrir ainsi d'être enfermé n'avait rien d'agréable, pour lui qui était son ami. Parfois, il avait l'impression que c'était lui qui le forçait à rester enfermé. Après tout, il était le gardien du secret.

Il frissonna à cette pensée, tout en se hâtant vers la forêt de Godric's Hollow pour y transplaner. Sirius ne cessait de lui faire des recommandations, l'enjoignait à être prudent. Plus il le couvait de la sorte, plus Peter devenait paranoïaque. Sirius avait même un jour suggéré qu'il devrait arrêter les missions pour se mettre à l'abri et s'assurer que personne ne le trouverait. Peter avait été tenté d'accepter – Merlin, il aurait pu le faire. Seulement, il n'aurait alors plus eu d'information à donner aux Mangemorts. C'était la mort assurée, il en était certain. La seule façon d'y échapper serait de livrer le secret des Potter et ceci...

Peter serra le poing dans ses poches. Il ne pouvait pas faire ça. Il le savait. Cela entraînerait la mort des Potter. Sirius... Sirius saurait. Et puis les Mangemorts le tueraient probablement, de toute façon. Non, il devait continuer les missions, il devait collecter des informations sans trop d'importance à livrer, pour pouvoir cacher le véritable secret.

Après un instant de réflexion, Peter décida de transplaner à Cambridge pour aller sonner chez Sirius. Il ignorait s'il serait là, mais il pouvait toujours essayer. Il n'aimait pas être seul. Par chance, son ami était présent. Il lui ouvrit après les questions de sécurité d'usage, une bouteille de bière à la main. Il semblait épuisé, de lourds cernes noirs sous les yeux.

- Queudver, salua-t-il, surpris. Ça va, mon vieux ?

- Je reviens de chez Lily et James, soupira-t-il en balançant son manteau toujours détrempé sur un fauteuil. L'ambiance était... tendue.

Sirius grogna tout en agitant sa baguette vers le frigidaire. Une bière flotta jusqu'à Peter, qui l'attrapa machinalement.

- Je les comprends, commenta Sirius. Rester enfermés comme ça... (il frissonna). Ça me rappelle la maison de mes parents. Ils me punissaient si souvent que je ne sortais pratiquement jamais, l'été. Ils doivent avoir l'impression d'être prisonniers.

- En plus ça a toujours été assez explosif entre eux, ajouta Peter, pensif. Là, ça macère et c'est encore pire.

- Je ne comprends pas pourquoi James n'a pas continué son projet sur les balais. Il semblait bien parti, après Noël. Ce n'est pas le genre à arrêter parce qu'il a du mal à progresser.

- Ça ne l'était pas, non. Mais j'ai peur que la réclusion l'ait un peu changé.

Sirius hocha la tête tout en avalant une gorgée de bière, les sourcils froncés.

- Peut-être qu'on devrait l'aider. La dernière fois qu'on en a parlé, il a évoqué l'idée de construire un prototype de balai. Si on lui fournissait de quoi le faire, ça le pousserait à se bouger, non ?

- Sans doute, approuva Peter avec enthousiasme. Remus sait sans doute de quoi il pourrait avoir besoin !

A ces mots, Sirius se rembrunit un peu.

- Tu l'as vu récemment, Remus ? Interrogea-t-il.

- Non, pas trop. Il est beaucoup auprès de sa mère. Ou alors il est en mission.

- Hmm.

- Un truc qui te tracasse ?

Sirius ouvrit la bouche, hésita, puis dit finalement.

- Rien d'important.

Peter se tendit imperceptiblement.

- Tu l'aurais dit à James ?

- Non, répondit sèchement son ami.

Le petit blond hocha la tête sans rien dire. Il détestait se sentir mis à l'écart ainsi. Mais, songea-t-il, ce devait être bien pire pour Remus, le seul des quatre Maraudeurs à ignorer l'identité du gardien du secret. Peter ne comprenait pas tout à fait pourquoi il n'était pas au courant. Les Maraudeurs avaient toujours tout partagé, même la menace de finir à Azkaban si on découvrait qu'ils étaient des Animagus. La seule exception était les problèmes familiaux de Sirius ; James en savait plus que Remus et Peter, c'était certain. Mais il en avait toujours été ainsi ; Sirius et James avaient un lien spécial. Exclure seulement Remus ? Peter n'aimait pas ça.

Sirius relança la conversation sur les derniers résultats de Quidditch et les deux garçons bavardèrent un moment. Alors qu'ils terminaient leur bouteille, une lueur bleue illumina l'appartement. Le patronus de Maugrey ordonna à Sirius de se pointer dans un centre-commercial de Brighton aussi vite que possible. Le jeune homme sauta aussitôt sur ses pieds, et Peter suivit. Son ami le dévisagea un instant, l'air inquiet.

- Tu devrais peut-être rester ici. Minimiser les chances de te faire prendre.

Peter balaya cette objection d'un geste de la main, un peu vexé que la sûreté du secret intéresse plus Sirius que sa santé. Il sortit le premier de l'appartement afin de ne pas laisser le choix à Sirius et ils transplanèrent ensemble vers leur destination.

A l'extérieur du centre-commercial, c'était le chaos. Le parking était encombré de voitures qui klaxonnaient, alors que les Moldus tentaient de s'enfuir. Sirius et Peter se frayèrent un passage à travers les véhicules qui manœuvraient en tous sens. La police n'était pas encore là mais les sirènes de leurs voitures résonnaient au loin. D'autres Sorciers transplanaient autour d'eux – des Oubliators, à en juger par leur uniforme. Peter ne s'attarda pas sur ce qu'ils faisaient, trop occupé à bousculer les Moldus pour entrer dans le grand magasin.

Le hall était désert, mais les vitrines éclatées de quelques magasins suggéraient qu'il y avait eu du grabuge. Peter aperçut quelques Moldus étendus au sol, immobiles. Il tiqua mais passa son chemin. Au centre, une grande fosse où se trouvaient des escalators permettaient de passer d'un étage à l'autre. Les deux garçons se penchèrent par-dessus la rambarde du rez-de-chaussée pour trouver le combat, dont les bruits leur parvenaient. Une plante en pot vola, deux étages plus haut, et alla s'écrasa au niveau le plus bas. Sans plus attendre, ils montèrent quatre à quatre les escalators jusqu'au deuxième étage. Emmeline et un petit homme que Peter se rappelait vaguement comme étant Mondingus Fletcher étaient déjà sur place. Ils se battaient pied à pied sur la coursive avec au moins cinq Mangemorts. Peter aperçut quelques Moldus victimes de l'attaque avant qu'un sort ne passe à un cheveu de sa tête.

Sirius et lui se jetèrent dans la bataille sans plus attendre. Peter crut entendre Emmeline marmonner « C'est pas trop tôt » mais ses mots furent avalés par le « Protego ! » que rugit Mondingus Fletcher.

- T'as toujours préféré la défense à l'attaque, hein, Ding ! s'esclaffa le Mangemort qui le pilonnait sans relâche.

Peter aurait bien essayé de l'aider, mais il était lui-même sous le feu nourri d'un autre Mangemort. Emmeline et Sirius se retrouvèrent contre trois adversaires, mais ils se débrouillaient bien. Après quelques instants de combat intense, le groupe commença à se séparer. Le jeu des attaques et des esquives les éloigna les uns des autres – Sirius était une cible particulièrement mouvante, comme toujours. Son style de combat se caractérisait par les esquives et les roulades. Peter était toujours persuadé que les trois quarts de ses gestes étaient inutiles.

Le petit blond parvint à faire reculer son adversaire vers les entrailles du magasin devant lequel ils se battaient. L'échoppe vendait des parapluies, que Peter traita sans merci lorsqu'il envoya le Mangemort s'écrasa au milieu d'un étal. Il le stupéfixa avant qu'il n'ait eu le temps de se dépêtrer et fila vers la coursive. Emmeline et Sirius avaient réussi à éliminer l'un de leurs adversaires mais ils luttaient toujours contre les deux autres. Fletcher était hors de vue.

Un grand fracas attira l'attention de tout le monde sur le troisième et dernière étage, d'où se déversait une pluie de verre brisé.

- Queudver, monte voir ! Lui hurla Sirius tout en parant de justesse l'attaque de son adversaire.

Figé sur place, Peter hésita un moment. Il ignorait ce qu'il allait trouver là-haut. Faire face à ce qu'il connaissait était déjà suffisamment difficile, mais marcher droit vers l'inconnu ? Seul ?

Il finit par se secouer et grimpa le dernier escalator. Il prit prudemment pied sur la coursive du dernier étage. A chaque pas, il écrasait un peu plus le verre répandu au sol. Il s'agissait des restes des vitrines éventrées, dans le contenu déchiqueté parsemait le sol de couleurs. Il avança prudemment tout en suivant les marques de la destruction. La gorge serrée, les paumes moites, il serrait convulsivement sa baguette entre ses doigts tout en priant pour ne pas tomber sur Bellatrix Lestrange, qui avait une certaine propension à détruire les choses.

Il s'enfonça dans un couloir perpendiculaire à la coursive. Des livres voletaient en tous sens dans une librairie saccagée. Comme tout était en ordre au-delà, Peter se décida finalement à entrer. Il suait à présent à grosses gouttes, les entrailles tordues par l'angoisse. Un dictionnaire se jeta sur lui pour tenter de lui faire avaler ses pages. Lorsque Peter parvint enfin à s'en débarrasser, non sans écoper de quelques coupures au visage, il se figea net.

En face de lui se trouvait le Mangemort. Son Mangemort. Celui qui lui soutirait des informations en échange de sa vie.

Peter avait cru que leur marché ne serait valable qu'une seule fois, mais il était revenu. Au bout de quelques mois, le petit blond avait fini par comprendre qu'il s'était engagé dans un cercle infernal. Jamais il n'en sortirait. Il s'efforçait donc de ne communiquer que des informations mineures. Jusqu'ici, il s'était bien débrouillé. A présent qu'il faisait face à son tourmenteur alors que l'Ordre se trouvait un étage en-dessous, il voyait une échappatoire. S'il parvenait à le maîtriser...

Il attaqua sans plus tergiverser. Le petit homme au crâne dégarni et aux chaussures aux bouts carrés fut pris par surprise par cet instant d'audace. Pas assez cependant pour être mis K.O. par l'attaque de Peter. Une expression froide se peignit sur le visage du Mangemort, qui tendit sa baguette vers Peter. Contrairement à celle de ce dernier, elle ne tremblait pas. Le jeune homme fit apparaître un bouclier, mais le maléfice coupa à travers comme dans du beurre. Peter se retrouva plaqué contre un pan de mur, à quelques centimètres du sol. Il y était maintenu par un étau autour de son cou, assez serré pour lui donner l'impression d'être étranglé sans pour autant le suffoquer. Ses pieds étaient bloqués de la même manière. Sa baguette lui échappa des mains presque aussitôt.

Le Mangemort s'approcha de lui à pas lents, tout en le fusillant du regard.

- Tu crois que tu as le droit de t'attaquer à moi, Pettigrow ? Siffla-t-il. Tu n'as donc pas compris ?

Il se tut un instant, mais Peter ne parvint qu'à le regarder avec de grands yeux apeurés.

- C'est moi le maître, reprit-il d'une voix glaciale. C'est moi qui commande. Si j'ai envie de te tuer, je le fais. Si j'ai envie de te dénoncer auprès de tes petits camarades, je le fais. Et si je te demande une information, tu me la donnes. Pas le contraire. La prochaine fois que tu m'attaques, ce sont tes amis qui en souffriront. Et ne crois pas que je parle à la légère. C'est compris ?

Peter ne put que cligner des yeux. Le Mangemort brandit sa baguette et l'enfonça dans l'estomac du jeune homme, qui exhala tout son air dans un gargouillement.

- C'est compris ? Répéta l'homme sur le même ton tout en saisissant le menton d'un Peter suffoquant.

- O... Oui, parvint-il à coasser.

- Bien. Tu as intérêt à avoir une information suffisamment intéressante. Je ne garantis pas ce qui pourrait t'arriver sinon. A toi ou à tes petits camarades.

Peter déglutit difficilement. De petites informations. Il devait trouver de petites informations.

- L'Ordre... L'Ordre doit es... escorter la Ministre pour...

- Endoloris !

Le jeune homme se tordit de douleur entre ses liens. Il entendit à peine le cri qui sortir de sa bouche. Puis, aussi soudainement qu'elle avait commencé, la douleur cessa. Elle laissa Peter pantelant, le front couvert de sueur.

- Je m'en fiche, cingla le Mangemort. Je veux une vraie information, Pettigrow. Je veux savoir quelle est la prochaine grosse mission de l'Ordre. C'est ta dernière chance. Si ton information n'est pas assez bonne, je... (il fit tourner sa baguette entre ses doigts, puis un sourire sans joie étira ses lèvres). Tu verras bien.

La respiration déjà hiératique de Peter s'affola unpeu plus. Qu'allait-il faire ? Tuer l'un de ses amis ? Le tuerlui ? Lorsqu'il vit la baguette s'approcher de lui, Peter cessa d'hésiter.

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