Partie IV - Chapitre 16
Chapitre 16
Espérance Lupin avait vraisemblablement été enlevée chez elle. Sa voiture était là, c'était une indication suffisante. Remus avait dans l'idée que si des hommes encapuchonnés avaient débarqué dans les rues de leur quartier résidentiel pour s'en prendre à la petite Espérance Lupin, que tout le monde adorait, quelqu'un s'en serait rendu compte.
Lyall affirmait pourtant qu'il n'y avait aucun signe de lutte. Lorsqu'il était rentré du Ministère et qu'il n'avait pas trouvé sa femme dans la maison, il avait cru qu'elle était allée voir la voisine. Ne la voyant pas revenir, il avait commencé à s'inquiéter.
- Elle a peut-être suivi quelqu'un de son plein gré, commenta Remus, tout en compulsant les journaux locaux des derniers jours, à la recherche d'incidents étranges dans leur quartier. Un coup de Polynectar et le tour est joué.
Son père, avachi dans un fauteuil de leur salon, releva la tête pour jeter un regard inquiet à son fils, assis à la table du séjour.
- Alors elle aurait vraiment été visée ?
- On ne peut rien affirmer.
- Pourquoi est-ce que c'est si important pour toi de savoir où et comment elle a été enlevée ?
Remus referma le journal qu'il consultait pour accorder toute son attention à son père. Il avait mal au crâne.
- Récemment, les Mangemorts et leurs larbins se sont lancés dans l'enlèvement de masse. C'est ce qu'il s'est passé au Nouvel An. Dans ces cas-là, ils mettent toutes leurs victimes au même endroit. C'est rarement discret. Si elle est la seule à avoir disparu, c'est autre chose.
Lyall hocha la tête sans répondre. La dernière fois que Remus l'avait vu si perdu et désorienté, c'était lorsque Greyback l'avait mordu. Avec un soupir, il se plongea dans la lecture du journal du comté. Très vite, un article lui sauta aux yeux : « Un criminel dans nos rues ? Deux personnes portées disparues le même jour ». Si rien dans les colonnes n'indiquaient qu'il puisse s'agir de l'œuvre d'un Sorcier, Remus n'en doutait pas. Ces deux victimes avaient disparu le même jour que sa mère. Après tout ce qu'il s'était imaginé, il était un peu désarçonné de constater qu'elle avait seulement joué de malchance et qu'on ne l'avait pas enlevée parce qu'elle était sa mère. Il ressentit une pointe de soulagement : elle risquait moins de souffrir de représailles.
- Je pense avoir trouvé quelque chose, annonça-t-il à son père en se levant.
Lyall sauta aussitôt sur ses pieds, mais Remus l'incita à se rasseoir.
- Tu as à peine dormi ces derniers jours, repose-toi. Promis, je viens te chercher dès que j'ai du nouveau et je ne pars pas la récupérer sans toi.
Son père hésita, mais finit par accepter. Il avait véritablement l'air épuisé. Remus quitta la maison à pas énergiques, dans l'optique de se rendre au QG. Il se figea devant la grille du jardin, le cœur serré. Il n'y avait plus de QG. Après avoir hésité quelques instants, il décida de se rendre chez Sirius pour lui demander de l'aide. Seulement, après avoir frappé deux ou trois fois, il dut admettre que son ami était absent. Il en allait de même pour Peter. Frustré de perdre tant de temps en déplacement, Remus transplana finalement chez Margaret. Il ne put retenir un soupir soulagé lorsqu'elle ouvrit la porte de son minuscule studio.
- Oh, Remus, salua-t-elle, étonnée. Je ne m'attendais pas à te voir. Je suis désolée pour ta mère...
- Rien n'est encore perdu, rétorqua-t-il. C'est pour ça que je suis là. Je sais que Maugrey a dit que je devais me débrouiller sans l'Ordre, mais est-ce que tu voudrais bien m'aider ?
Margaret le laissa aussitôt entrer, tout en commentant :
- Maugrey peut aller se faire voir de toute façon. L'Ordre aussi.
Remus l'entendit à peine, les yeux fixés sur les valises ouvertes qui encombraient le petit espace. Il tourna un regard interrogateur vers Margaret, qui haussa les épaules.
- Je t'expliquerai plus tard. Quand on aura retrouvé ta mère.
- Mais tu n'as pas de mission ?
- J'en reviens. Rassure-toi, j'ai dormi, tout ça bien. On peut s'y mettre si tu veux.
Le jeune homme lui adressa un regard reconnaissant avant de lui exposer la situation. Margaret l'écouta avec son attention habituelle, assise sur un tabouret brinquebalant.
- Donc elle aurait été raflée en même temps que d'autres Moldus ?
- A priori, oui. Ça veut dire ...
- Qu'elle est dans une planque facile à trouver.
Remus acquiesça avec l'ombre d'un sourire.
- Sérieusement, je ne comprends pas comment ils se débrouillent pour qu'on les trouve aussi facilement, ajouta-t-elle. Autant il y a d'excellents Sorciers dans leurs rangs, autant les types chargés des enlèvements sont les pires enchanteurs du monde.
- Je pense qu'il faut chercher la zone désaffectée la plus proche, commenta Remus. Ils n'aiment pas transplaner avec des Moldus, généralement.
Un sourire vaguement sarcastique étira les lèvres de Margaret.
- Au Nouvel an, j'en ai entendu un se plaindre parce qu'un Moldu lui avait vomi dessus après un transplanage. Quelle bande de chochottes.
- Evidemment on pourrait utiliser le sortilège qui nous a servi pour retrouver Minchum il y a deux ans, mais...
- Aucun de nous ne serait capable de suivre l'objet enchanté, compléta-t-elle.
Remus hocha la tête. Lily avait enchanté un caleçon du Ministre de la Magie afin de le retrouver lorsqu'il avait été enlevé par les Mangemorts. James avait dû suivre le vêtement sur son balai, ce qui n'avait pas été une mince affaire. L'exploit n'avait jamais été réitéré depuis.
- Tu as une carte de la ville ?
Remus hocha la tête avant de déplier l'objet demandé. Ensemble, ils scrutèrent le plan de la petite ville où habitaient les Lupin, à la recherche de la planque idéale pour un Mangemort. Au bout d'un quart d'heure, ils avaient entouré plusieurs entrepôts et zones industrielles qui pourraient convenir.
- Plus qu'à aller faire le tour de tous ces endroits en espérant qu'on trouve ta mère, soupira Margaret, son stylo levé en l'air. Prêt ?
- Plutôt, oui. Moins on la laisse aux mains des Mangemorts, mieux je me porte.
***
Le soleil commençait à tomber lorsqu'ils ressortirent du premier entrepôt qu'ils avaient repéré. Margaret jeta un coup découragé au ciel qui s'obscurcissait. Elle n'aimait pas traquer les Mangemorts dans le noir ; elle avait l'impression que les ténèbres rendaient leur magie plus puissante. C'était probablement idiot, mais jamais depuis qu'elle travaillait pour l'Ordre elle n'avait pu s'ôter cette idée de la tête.
Comme la ville était plutôt petite, ils décidèrent de se rendre à pied sur le prochain lieu. Cela permettait une approche plus discrète. Alors qu'ils marchaient dans les rues où se hâtaient les quelques passants qui sortaient du travail, Remus demanda :
- Pourquoi est-ce que tu as fait ta malle ?
Margaret songea quelques instants à mentir. Elle aurait pu dire qu'elle n'avait toujours pas déballé ses affaires depuis son déménagement, mais étant donné le peu qu'elle avait pu récupérer après l'incendie, cette excuse ne tenait pas la route. Pratiquement toutes ses affaires étaient neuves. Pourtant, elle ne put se résoudre à dire la vérité. Le silence s'éternisa, tant et si bien que lorsqu'ils atteignirent leur nouvelle cible, elle n'avait toujours pas répondu. Remus, la personne la plus respectueuse du secret des autres, ne la poussa pas.
Ils se trouvaient à présent dans la zone industrielle de la ville, aussi laide que toutes les zones industrielles que Margaret avait pu voir dans sa vie. Les centres commerciaux débordaient de Moldus qui faisaient des courses de dernière minute. Margaret et Remus s'éloignèrent bien vite de la foule pour tenter de repérer un endroit plus discret qui pourrait correspondre à leur objectif. Ils errèrent un moment dans le parking puis repérèrent les entrepôts qui desservaient le magasin. La plupart avaient été repeints à neuf et étaient éclairés par des néons éblouissants. Margaret, une fois ses yeux habitués à la lumière aveuglante, repéra les bâtiments qui se trouvaient derrière. Elle fit silencieusement signe à Remus, et ils avancèrent un peu plus. Ces entrepôts ne bénéficiaient pas d'éclairage et la peinture partait en lambeaux. Les numéros peints en haut à gauche de la porte étaient presque complètement effacés. Margaret frissonna violemment. La nuit était à présent complètement tombée et l'endroit donnait la chair de poule.
- Ça ressemble plutôt à ce qu'on cherche, souffla Remus.
Margaret ne distinguait pas bien son visage dans l'obscurité, mais elle entendait à sa voix qu'il était tendu. Ils s'éloignèrent quelque peu des entrepôts, tout en restant loin de la lumière dispensée par les autres.
- Ouais. Tu crois qu'un jour on trouvera des Mangemorts dans un endroit agréable et sympathique ?
- Je pense qu'ils pervertissent tous les endroits où ils passent avec leurs Détraqueurs et leurs Inferis.
- Certes. Bon, qu'est-ce qu'on fait ?
- Est-ce qu'ils avaient jeté des sorts de protection autour de leur planque, au Nouvel an ?
- Je ne crois pas, non. Un Hominium Revelio attirerait leur attention.
Remus hocha la tête.
- On peut aussi fracasser la porter et compter sur l'effet de surprise.
- Hors de question, coupa Margaret. On ne sait pas combien ils sont, ni quel effet ça pourrait avoir sur les otages.
Le jeune homme soupira tout en faisant tourner sa baguette entre ses doigts.
- On n'a entendu aucun bruit, fit-il remarquer. Peut-être que ce n'est pas là du tout.
- Il n'y a rien de plus facile que jeter un sort insonorisant, objecta Margaret. On ne peut pas compter que sur cet argument. Il faut qu'on entre et qu'on vérifie.
Le silence s'installa entre eux alors qu'ils cherchaient une solution. Margaret entendit Remus murmurer quelque chose à propos d'un rat, mais il n'explicita pas quand elle lui demanda ce qu'il racontait.
- Bon, proposa finalement Margaret. Je vais faire une diversion, et on verra si quelqu'un sort de là. Si oui, on avisera.
- Quel genre de diversion ? Interrogea Remus après avoir acquiescé, un peu à contre-cœur.
- On va aller acheter un ballon dans ce supermarché.
***
Ils avaient acheté un beau ballon de plage rouge – pourquoi le magasin vendait un tel article au mois de janvier, Remus ne se l'expliquait pas. De retour auprès des entrepôts, Margaret le posa à ses pieds et tira sa baguette. Elle n'avait toujours pas expliqué ce qu'elle comptait faire. Si Remus avait bien vu qu'elle ne voulait pas répondre à sa question sur sa malle pour des raisons importantes, il était persuadé que cette fois elle voulait juste le faire marcher. L'avantage était qu'il se torturait trop l'esprit pour tenter de deviner ce qu'elle allait faire pour trop s'inquiéter pour sa mère.
- Bon. Je ne garantis rien.
Elle pointa sa baguette sur la balle et ferma les yeux. Le silence s'installa, s'étira... Remus, qui avait d'abord retenu son souffle, exhala bruyamment et commença à s'agiter. Margaret ouvrit un œil, grogna, puis reprit sa position.
- Maggy, qu'est-ce que...
- Chut ! J'essaie de me rappeler des conseils de McGonagall ! Si James était là ce serait beaucoup plus simple...
Une métamorphose, donc. Remus avait envisagé cette possibilité. Alors qu'il tâchait de trouver en quoi elle allait changer la balle, il y eut un éclair rouge, un « plop », puis un aboiement. Un petit chien dépourvu de queue et doté d'oreilles asymétriques sautillait là où se trouvait le ballon quelques instants plus tôt.
- Bien joué, admira Remus.
- Oh, tu parles. Regarde-moi ça, McGonagall ne m'aurait accordé aucun point pour une métamorphose pareille.
- En attendant, il fera l'affaire.
Margaret hocha la tête avant de tendre sa baguette vers la porte de l'entrepôt. Le chien s'y rendit en bondissant, puis aboya avec force. Les cinq minutes que durèrent ce manège parurent horriblement longues à Remus. Enfin, alors qu'il allait conseiller à Margaret d'arrêter, il y eut un craquement, un éclair violet, et le chien s'écroula, raide mort. Un bref claquement suggéra que la porte s'était refermée. Un instant plus tard, le chien se retransforma en ballon.
- Je veux bien être pendu si ce n'était pas de la magie, murmura Remus.
- Hmm. Mais ça ne venait pas de l'entrepôt devant lequel aboyait le chien, j'en suis presque sûre.
- Ça doit être le plus proche, alors. Aucune chance qu'on ait aperçu aussi peu de lumière si le maléfice a été lancé depuis plus loin.
Margaret acquiesça avant de lui jeter un regard inquiet.
- Qu'est-ce qu'on fait ? On sait qu'ils sont là, mais on ne sait toujours pas combien ils sont.
Remus tenta de percer l'obscurité du regard pour apercevoir l'endroit où était certainement retenue sa mère. Maintenant qu'ils étaient sûrs qu'il y avait des Sorciers cachés là, l'angoisse lui serrait à nouveau la gorge. Il n'avait qu'une hâte, c'était ramener sa mère saine et sauve auprès de son père. Tant pis pour les conséquences. Il jeta un bref coup d'œil à sa camarade, qui le dévisageait toujours, en attente d'une réponse. Son propre destin lui importait peu, mais il ne voulait pas risquer la vie de Margaret.
- Ne t'en fais pas pour moi, lança celle-ci comme si elle lisait dans ses pensées. J'ai l'habitude. Il faut qu'on récupère ta mère.
- Ma seule idée, c'est qu'on les somme de se rendre depuis l'extérieur, pour les forcer à sortir. Ensuite on avise.
- Non, protesta aussitôt Margaret. Ils risqueraient de tuer les otages sur le champ. Il vaut mieux que l'un d'entre nous face diversion pendant que le second s'introduit à l'intérieur et essaie de les mettre à l'abri.
Remus se mordit l'intérieur de la joue, les yeux fixés sur l'entrepôt sombre.
- Peut-être qu'ils sont déjà morts.
- Peut-être, admit Margaret d'une voix douce. Mais ils les auraient tués sur le champ, dans ce cas.
- Qu'est-ce qu'ils veulent faire d'eux ?
- On n'arrive jamais à savoir. Il ne vaut mieux pas se poser la question.
- Hmm. Tu veux bien faire diversion ?
- Je me doutais que ce serait ton choix, se résigna-t-elle. Sois prudent, s'il te plaît.
- Tu me connais, grimaça-t-il. Je vais tenter une entrée par l'arrière. Ouvrir une brèche dans cette bâtisse ne doit pas être si compliqué. Quand tu verras des étincelles vertes, lance la diversion.
- Entendu.
Remus lui adressa un dernier sourire avant de s'éloigner sans bruit vers leur cible. Il en fit prudemment le tour. Comme il le pensait, il n'y avait aucune ouverture en dehors de la grande porte coulissante à l'avant. Du bout des doigts, il sonda le panneau de bois qui se trouvait devant lui. Il se rappelait avoir découvert un sort, lorsqu'il était en Septième année, qui permettait de rendre n'importe quelle surface aussi perméable que de l'eau. Il n'avait réussi à jeter ce sort qu'une seule fois tant il était complexe, mais il pensait avoir progressé depuis. Il se rappelait encore parfaitement la formule ainsi que de la façon dont il était construit. Il décida de tester tout de même et pointa sa baguette sur le mur. Il fallait définir la zone qu'on souhaitait modifier en la tapotant d'abord du bout de sa baguette, tout en prononçant la formule adéquate. Ensuite il jeta le sort en lui-même, puis appuya prudemment son doigt sur la zone concernée. A sa plus grande satisfaction, il s'enfonça dans le bois sans la moindre difficulté. Il leva donc sa baguette et jeta des étincelles vertes dans le ciel, sans se soucier de savoir si des Moldus allaient les repérer.
***
Margaret prit une profonde inspiration lorsqu'elle aperçut les étincelles. C'était le moment. Elle s'approcha de la porte de l'entrepôt et abattit fermement son poing dessus tout en braillant :
- George ! Qu'est-ce que tu fais ? Ils attendent le stock en magasin !
Comme elle s'y attendait, seul le silence lui répondit. Elle attendit un peu, puis réitéra :
- Bon sang, George ! Le patron va m'engueuler !
Elle ignorait si elle pouvait passer pour une manutentionnaire, mais les Mangemorts – ou plutôt les Raffleurs – n'en savaient sans doute rien non plus. Alors qu'elle allait frapper à nouveau sur le panneau de bois, il y eut un léger craquement. Elle dressa aussitôt sa baguette ; un maléfice s'abattit sur son bouclier. Une vague de soulagement déferla sur la jeune femme : son assaillant aurait très bien pu décider de tuer ce Moldu inopportun à l'aide du Sortilège de mort. Soit il avait été miséricordieux, soit il était incapable de le jeter. Quoi qu'il en soit, elle avait joué sa vie à quitte ou double sur ce coup.
La porte s'ouvrit un peu plus lorsque l'assaillant s'aperçut que son maléfice avait été contré. Maggy entendit une voix derrière lui mais elle ne distingua pas ses mots, trop concentré sur le duel. La lueur qui provenait de l'intérieur du bâtiment l'empêchait de distinguer le visage de son adversaire mais au moins voyait-elle où il se trouvait. Pendant quelques instants, ils parvinrent tous deux à contrer les attaques de l'autre. Margaret fut alors prise par surprise par l'irruption d'une nouvelle personne. Elle perdit un instant sa concentration et un maléfice Cuisant l'atteignit au genou. Elle geignit, chancela, mais parvint à se maintenir à d'aplomb. Surpris par sa résistance, l'autre ne put éviter l'attaque de Margaret. Il se trouva éjecté vers l'arrière et renversa son compagnon avant de s'assommer contre le chambranle de la porte. Margaret clopina aussi vite que possible vers l'embrasure de la porte, ficha un coup de pied au Raffleur qui était en train de se redresser et le stupéfixa dans la foulée. Elle se baissa juste à temps pour éviter le sortilège que lui jeta un autre homme qui courait vers elle, mais elle se trouva incapable de se relever à cause de son genou. A moitié vautrée sur l'homme qu'elle venait de stupéfixer, elle tendit sa baguette et parvint à lui tirer dans les jambes. La douleur qui pulsait dans sa jambe l'empêchait de réfléchir correctement, aussi ne réussit-elle qu'à jeter le maléfice de Jambencoton. L'homme tomba face contre terre et s'assomma sur le coup, mais Margaret n'y prêta pas attention ; un autre assaillant lui tirait dessus à feu continu. A plat ventre, les bras tremblants à cause de la position dans laquelle elle devait maintenir sa baguette, la jeune femme n'arrivait pas à faire autre chose que se défendre. Finalement, le voyant approcher de plus en plus, elle décida de risquer le tout pour le tout. Elle abaissa sa garde, roula loin de sa victime stupéfixée, posa ses mains à plat sur le sol au niveau de ses hanches et se propulsa sur son genou valide. Son mouvement subit surprit suffisamment son adversaire pour qu'il rate sa cible une première fois, mais elle n'eut pas autant de chance lorsqu'il la visa à nouveau. Un maléfice vint entailler méchamment son épaule droite. Sa baguette vacilla au moment où elle tentait de le stupéfixer et le sortilège alla se perdre dans l'entrepôt. Malgré la douleur, presque intolérable, Margaret ajusta une nouvelle fois sa cible, qui la mettait également en joue. Ils lancèrent leur sortilège au même moment. Margaret se laissa tomber sur le côté dès que son sort de stupéfixion fut parti. L'autre n'eut pas le même réflexe ; il se prit l'éclair de magie en pleine poitrine et s'écroula, alors que son maléfice explosait contre la porte de l'entrepôt. Une odeur de brûlé envahit aussitôt les narines de Margaret, qui roula tant bien que mal sur le dos pour contempler, horrifiée, les traces de brûlures qui ornaient à présent le panneau de bois.
Un bruit résonna dans l'entrepôt et Margaret se retourna sur son bras valide, paniquée. Le sang dégoulinait à gros bouillon de son épaule, son genou était inutilisable... Jamais elle ne pourrait faire face à une autre attaque. Elle serra sa baguette entre ses doigts tremblants tout en sondant du regard l'espace faiblement éclairé. De vieilles lampes pendaient du plafond au-dessus de l'entrepôt vide. La poussière formait une épaisse couche sur le sol. Margaret plissa les yeux. Il y avait tout de même quelques caisses vides, d'au moins deux mètres de haut, entassées au fond du bâtiment. Une silhouette sortit de derrière ces caisses, hésitante.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Interrogea le nouveau venu d'une voix faible et tremblante mais qui résonna dans l'espace vide.
- Qui êtes-vous ? Répondit Margaret de façon aussi intimidante que possible.
- Vanessa Ross, balbutia la femme. Ces... ces hommes...
Margaret se laissa retomber sur le dos. Vanessa Ross. Remus avait mentionné son nom. C'était bien l'une des Moldus enlevés quelques jours plus tôt.
- Maggy ?
Elle releva la tête en entendant la voix de Remus. Il émergea d'une des caisses, quelque chose dans ses bras. Lorsqu'il fut plus près, Margaret s'aperçut qu'il portait quelqu'un. Son cœur rata un battement. Il était pâle, les sourcils froncés, mais elle ne voyait aucune trace de larme sur son visage.
- Ta mère, balbutia-t-elle. Elle...
- Elle est inconsciente. Il faut que je l'emmène à Ste-Mangouste, et ...
Il s'aperçut soudain de l'état de son amie et écarquilla les yeux.
- Merlin, Maggy ! Toi aussi il faut que tu y ailles !
- Si tu peux juste... (elle serra les dents alors qu'une vague de douleur la submergeait). Si tu peux juste refermer la blessure, ça ira.
- Mais je ne sais pas trop...
- Moi je sais. Je vais te guider.
Il hocha la tête et vint jusqu'à elle. Il déposa sa mère près d'elle. Margaret crut qu'elle allait être malade lorsqu'elle vit son teint pâle, les traces d'hématomes sur son visage et les quelques taches de sang sur ses vêtements. Elle ne voulait pas savoir ce qu'ils lui avaient fait subir.
Elle expliqua à Remus les formules à utiliser. Il fallut plusieurs essais au jeune homme, mais il finit par atteindre un résultat correct. Margaret s'efforça de ne pas penser à la cicatrice que ce traitement ne manquerait pas de laisser. Un bon médicomage pouvait faire disparaître à peu près n'importe quoi, mais une blessure mal refermée était très difficile à effacer. Elle souffla quelques instants, les yeux fermés. La douleur commençait à refluer. L'effet du maléfice Cuisant finirait par s'effacer et elle retrouverait l'usage de son genou.
Lorsqu'elle fut certaine de pouvoir bouger sans être malade, elle se redressa et ouvrit les yeux. Vanessa Ross et un homme s'étaient approchés de deux Sorciers. Ils ne semblaient très perturbés, mais pas blessés. Soudain, Vanessa poussa un cri et pointa le doigt vers l'un des Raffleurs qui commençait à s'agiter. C'était celui qui s'était assommé en tombant tête la première. Margaret le stupéfixa d'un geste négligent. Les deux Moldus fixèrent alors leurs yeux éberlués sur elle et elle haussa un sourcil.
- Ne me regardez pas comme ça, vous allez tout oublier, de toute façon.
- Merlin, c'est vrai, soupira Remus alors que les Moldus se regardaient d'un air perdu. Il faut qu'on appelle les Oubliators.
- Tu veux bien t'en charger ? Après avoir déposé ta mère à l'hôpital.
Il hocha sombrement la tête tout en observant Espérance.
- Ils ne ... ils ne s'en sont pris qu'à elle ? Souffla Maggy.
- Oui. Je ne sais pas s'ils avaient des ordres, ou si c'était fortuit mais... Je doute que ce soit du hasard.
- Ce n'est pas ta faute, chuchota-t-elle.
Remus ne répondit pas. Il se redressa puis souleva sa mère dans ses bras.
- Attends-moi pour rentrer. Hors de question que tu transplanes toute seule dans cet état.
Margaret hocha la tête tout en considérant les Moldus, qui avaient l'air de plus en plus paniqué.
- Verrouille la porte derrière toi, tu veux ? Chuchota-t-elle. J'ai peur qu'ils essaient de partir. Les Oubliators nous feraient tout un scandale.
Il hocha la tête, assura aux deux Moldus que tout irait bien, et referma l'entrepôt derrière-lui.
- Racontez-moi donc ce qu'il s'est passé, lança aimablement Margaret.
***
Les Moldus avaient tout oublié de leur expérience traumatisante et déposé dans un coin de la ville, endormis. Ils se réveilleraient le lendemain, incapables de se rappeler ce qu'ils avaient fait durant la semaine écoulée, ni comment ils s'étaient retrouvés là. On leur avait volé quelques jours de leur vie, mais au moins étaient-ils vivants et en bonne santé.
Remus ne pouvait en dire autant de sa mère, qui gisait dans son lit d'hôpital depuis quelques heures déjà. Margaret avait réussi à tirer les vers du nez des deux autres Moldus ; Espérance avait sans doute été enlevée par hasard, mais les Raffleurs s'étaient vite aperçus que le Secret magique n'était pas du tout un secret pour elle. Ross et son compagnon avaient parlé de la venue d'un homme encapuchonné, sans doute un Mangemort, qui avait discuté quelques minutes avec les Raffleurs. Lorsqu'il était parti, les ravisseurs avaient commencé à s'en prendre à Espérance.
Remus, assis dans la chambre de sa mère à Ste-Mangouste, serra les poings. C'était à cause de lui qu'on lui avait fait du mal. Parfois, il détestait son rôle auprès de l'Ordre.
Lyall, installé en face de lui, contemplait le visage de sa femme depuis qu'il était arrivé. Il tenait l'une de ses mains inertes et attendait. Les Médicomages avaient dit qu'elle devrait se réveiller, mais Remus ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Il jeta un coup d'œil à l'horloge, qui indiquait deux heures du matin. Il allait devoir retourner travailler pour l'Ordre à l'aube. Avec un soupir, il se cala dans son fauteuil pour tenter de voler un peu de sommeil.
Alors qu'il allait fermer les yeux, la porte s'ouvrit doucement et Margaret lui fit un petit signe de la main. Il fronça les sourcils mais se leva sans bruit. Lyall n'avait rien remarqué. Il quitta la chambre et referma le battant derrière lui. Margaret avait le bras en écharpe et son genou s'était remis. Elle avait bien meilleure mine que lorsqu'il l'avait retrouvée dans l'entrepôt.
- Tu devrais te reposer, dit-il à voix basse.
- Je n'arrive pas à dormir, soupira-t-elle en s'asseyant dans un des fauteuils alignés dans le couloir. Il faut que je te parle.
Elle tapota le siège à côté d'elle et il s'assit, intrigué.
- Il faut que je te dise pourquoi j'ai fait ma malle, expliqua-t-elle, les yeux fixés sur le lino grisâtre.
Elle prit une profonde inspiration puis planta ses yeux dans les siens.
- Je quitte l'Ordre. Et la Grande-Bretagne.
Remus cligna plusieurs fois des yeux sans rien dire. Il n'avait jamais envisagé une telle chose, et en même temps il n'était pas tellement surpris. Margaret semblait épuisée depuis des mois, agacée et à bout de nerfs. Parfois, il avait du mal à reconnaître la jeune fille timide de Poudlard. La fuite des Potter n'avait rien arrangé. Il crispa ses doigts sur ses genoux. Il aurait voulu lui dire qu'il était désolé de n'avoir pas pu pousser leur amitié plus loin, désolé de ne pas l'avoir plus soutenue, désolé de l'avoir entraînée dans cet entrepôt. Lui dire que son départ allait laisser un vide dans sa vie, qu'elle avait été une merveilleuse amie, un soutien discret mais toujours présent. Mais tout ce qu'il parvint à dire fut :
- D'accord.
Il déglutit et, après un instant de silence, prit sa main valide. Elle serra ses doigts entre les siens. A son plus grand embarras, Remus sentit les larmes affleurer dans ses yeux.
- Tu vas me manquer, parvint-il finalement à articuler.
- Toi aussi, souffla-t-elle d'une voix étouffée. Vous allez tous me manquer. Mais je ne... je n'en peux plus, Remus. Je ne peux pas continuer.
- Je comprends.
- J'ai l'impression... j'ai l'impression d'être lâche mais...
- Bien sûr que non, murmura-t-il en trouvant enfin le courage de la regarder dans les yeux. Tu t'es battue de toutes tes forces pendant des mois et des mois. Tu as sacrifié tellement de choses...
- Comme vous tous, et pourtant vous ne partez pas.
Il haussa les épaules.
- On est peut-être idiots. Ou alors on a peur de la vie sans l'Ordre. Tu as le droit, Margaret. Ça a toujours été très clair. Dès le début, on nous a dit qu'on pouvait partir quand on voulait.
Elle expira lentement, les lèvres tremblantes. Remus ne voulait pas qu'elle pleure, parce qu'il était sûr d'être incapable de la réconforter.
- Je vais l'annoncer à Maugrey demain.
- D'accord.
- Ensuite je partirai. Pour la France, sans doute. Je verrai ce que je fais là-bas.
- D'accord.
Une larme coula le long de la joue de la jeune femme.
- Je ne suis pas sûre de garder contact, Remus. Je... Peut-être qu'il vaut mieux que je refasse complètement ma vie, tu sais.
Remus hocha la tête, incapable de répondre. Il comprenait. Finalement, Margaret n'y tint plus et passa son bras valide autour de son cou pour le serrer contre elle.
- Je t'aimais, Remus, murmura-t-elle contre son oreille. Ou j'aurais pu, en tout cas. Ne laisse pas Greyback gâcher ta vie.
Sa voix dérailla sur la fin de phrase. Le jeune homme ne dit rien et se contenta de la serrer contre lui.
- Ça a été un privilège d'être ton amie, ajouta-t-elle, la voix entrecoupée de sanglots.
- Merci, souffla-t-il finalement. Pour... tout. Pour m'avoir aidé à retrouver maman.
- Je suis heureuse que ma dernière mission ait été pour toi.
Ils restèrent longtemps enlacés, le cœur lourd, environnés d'un silence plein de leurs souvenirs communs, de leurs sentiments cachés, de cette amitié qui les avait tous deux soutenus pendant la guerre. Lorsque Margaret s'éloigna, Remus songea qu'il s'était rarement senti aussi seul.
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