Partie IV - Chapitre 15
Chapitre 15
Sirius fixait Gandalf avec un dégoût non dissimulé. Le chaton, en grande partie caché sous le canapé, l'observait avec la même attention.
- C'est de la trahison pure et simple, s'offusqua-t-il pour la dixième fois au moins.
James, occupé à relire Le Quidditch à travers les âges tout en prenant des notes énigmatiques, attablé dans la salle à manger, ricana sans la moindre compassion.
- Je t'ai toujours dit que tu sentais le chien mouillé, et tu n'as jamais voulu me croire. La haine de ce chat envers toi en est la preuve pure et dure.
- Tu sais que je les déteste ! Et tu en as quand même pris un chez toi !
- Plains toi auprès de Lily, c'est son cadeau.
- C'est toi qui le lui as offert, imbécile.
- Hé !
- Et puis, qu'est-ce que c'est que ce nom ?
- Lily m'a dit que ça venait d'un roman moldu appelé Le Seigneur des anneaux. Apparemment il y a un Sorcier dans cette histoire qui s'appelle Gandalf le Gris. Alors comme le chat est gris...
- Vous auriez pu l'appeler Vasaloppet.
Cette idée saugrenue eut le mérite d'arracher James à sa lecture.
- Quoi ?
- J'ai entendu ce mot une fois, il m'a fait rire. Je me suis toujours dit que si j'avais un chien un jour je l'appellerai Vasaloppet.
James se retourna sur sa chaise pour dévisager son ami.
- Pourquoi prendrais-tu un chien alors que tu en es déjà un à temps partiel ?
- Eh, je ne passe pas tellement de temps sous ma forme animale.
- Tu devrais. C'est bien plus discret qu'un cerf, ça pourrait t'être utile en mission.
- Il faudrait que personne ne me voie au moment de la transformation. Je n'ai pas franchement envie que les Mangemorts découvrent que je suis un Animagus.
James lui accorda cela d'un signe de tête. Sirius finit par se lasser de l'observation de Gandalf et se redressa pour aller voir ce que James trafiquait sur ses rouleaux de parchemin.
- On peut savoir ce que tu fabriques ? Tu essaies d'élaborer de nouvelles stratégies de Quidditch ?
James se tortilla sur sa chaise, visiblement mal à l'aise.
- C'est juste un projet pour l'instant, répondit-il simplement en rangeant ses papiers couverts de dessins et d'étranges calculs.
- Depuis quand est-ce que tu me caches tes projets ?
Il soupira puis capitula :
- On parlait de Quidditch avec Lily, le jour de Noël, et ça m'a rappelé que j'aurais aimé y faire carrière. Ça a un peu tourné dans ma tête, et finalement je me suis dit qu'il y avait peut-être moyen de travailler dans le domaine même sans être joueur.
- Donc tu essaies vraiment d'élaborer de nouvelles stratégies ?
- Non. Je regarde si on peut rendre les balais plus performants.
Sirius jeta un regard dubitatif à ses parchemins.
- Et alors ?
- J'en sais trop rien encore. C'est de la magie très compliquée. Il faut que je demande de l'aide à Lily en arithmancie, certains trucs m'échappent complètement. Enfin, comme je n'ai que ça à faire j'espère pouvoir me mettre à niveau.
Il semblait tant y croire que Sirius décida d'y croire avec lui.
- Eh bien, bon courage, mon vieux, conclut-il en lui assénant une tape dans le dos. T'as raison, puisque tu as le temps, autant en profiter.
Ravi de son soutien, James lui adressa un grand sourire. Au même moment, Gandalf fila entre les pieds de la table et s'engouffra dans le bureau, dont Lily venait d'ouvrir la porte. La jeune femme releva ses lunettes de protection et ôta ses gants en peau de dragon, tout en jeta un regard étonné au félin.
- Qu'est-ce qu'il a ? interrogea-t-elle.
- Sirius sent trop mauvais, expliqua James avant de se prendre une tape à l'arrière du crâne de la part de l'intéressé.
- Je vais faire comme si j'avais compris, soupira Lily. Ça va, Sirius ? Pourquoi est-ce que tu as un œil au beurre noir ?
- Je me suis battu avec un de ces pauvres types que ramasse Voldemort pour enlever des gens. Ils savent à peine se servir de leur baguette, et encore moins de leurs mains.
- Ils sont peut-être incapables, mais ils nous embêtent bien quand même, fit remarquer James. Peter m'a raconté qu'ils avaient semé la pagaille dans Londres la nuit du Nouvel An.
- Merlin, oui. Ces imbéciles ont enlevé tout un tas de Moldus et les ont parqués dans une ancienne station de métro. Benjy et Emmeline leur ont mis la main dessus, et finalement c'est nous qui avons réalisé une rafle épique. Honnêtement, c'était plutôt marrant ; on se serait cru dans une chasse au trésor géante.
- Les Moldus disparus étant le trésor ? Demanda Lily.
- Exactement.
- Les Oubliators devaient être contents, commenta James.
- Ils étaient atterrés, surtout. L'un d'eux m'a dit que c'était la troisième fois qu'il oubliettait le même Moldu !
James se mit à rire alors que Lily prenait un air horrifié.
- Ce pauvre type est un aimant à malchance, s'esclaffa James. On devrait juste le mettre dans la confidence, ça irait plus vite.
- Vu les polémiques qu'il y a en ce moment sur le secret magique, je doute que ce soit une bonne idée, releva Lily en se laissant tomber dans le canapé.
- On a déjà perdu tout contact avec les États-Unis, de toute façon, soupira Sirius, fataliste. C'était les plus à cheval sur la question. Merlin, il est déjà seize heures ? Il faut que j'y aille, réunion de l'Ordre chez moi.
- C'est le nouveau QG ? Interrogea James, amusé. Tu es obligé de ranger tes sous-vêtements sales du coup ?
- Oh, la ferme. Tu crois que je n'ai pas vu l'état de votre chambre quand je suis allé coucher Harry ?
- Eh ! Ce sont les affaires de Lily !
- Quoi ? Protesta-t-elle. Pas du ...
- C'est vrai que j'ai vu un soutien-gorge traîner.
- Sirius !
Les deux garçons éclatèrent de rire. Lily souffla, agacée, avant de se précipiter vers son bureau pour en ressortir en brandissant Gandalf, qui feula dans la direction de Sirius.
- Arrière, sale bête ! Gronda-t-elle.
- Tu parles du chat, j'espère, s'amusa-t-il avant d'ajouter à l'adresse de James : Bon courage avec cette folle furieuse et cette bête diabolique.
- Merci, j'en ai bien besoin.
- James, tu as le droit de dormir sur le canapé cette nuit.
- Mais Lily ! Geignit-il.
Sirius referma la porte sur le couple en riant. Il était heureux de les voir de si bonne humeur. Plusieurs fois, il les avait trouvés aussi déprimé l'un que l'autre. Il profita d'être encore sous influence du Fidelitas pour se métamorphoser en chien, puis il trotta jusqu'à l'endroit habituel où il transplanait. Quelques instants plus tard, il se trouvait à Cambridge. Il s'empressa de cacher tout son linge sale dans une armoire. Il était en train de ranger la pièce principale lorsqu'on frappa à la porte. Durant les dix minutes suivantes, ce fut une succession d'arrivée et de contrôles d'identité. Sirius détestait cela. Gideon, qui menait comme toujours la réunion, arriva enfin. Margaret, Peter, Emmeline et Frank étaient déjà tassés dans le petit salon de Sirius, les filles assises en tailleur à même le sol et les garçons serrés sur le canapé.
- Lupin n'est pas là ? Demanda sèchement Gideon. Et où est Fabian ?
Avant que quiconque ait eu le temps de répondre, on frappa si fort à la porte que Sirius craignit de la voir sortir de ces gonds. C'était Fabian, qui ignora royalement les remarques de son frère pour aller prendre la dernière place du canapé.
- Bon, quelqu'un transmettra à Lupin, annonça Gideon. Il est en mission ?
Tout le monde secoua la tête, démuni.
- Merlin, c'était tellement plus pratique d'être au QG, gronda le grand roux. On savait toujours où était tout le monde.
- J'aime assez mon appartement, commenta Sirius en agitant sa baguette pour faire apparaître des chaises supplémentaires.
- Bon, on n'est pas là pour parler chiffons, intervint Emmeline. Pourquoi tu voulais nous voir, Prewett ?
- Faire un point sur la situation, expliqua-t-il.
- Pour commencer l'année sur de bonnes bases ? Railla Sirius.
- Exactement, maintenant ferme-la. Je vois que tout le monde s'est à peu près remis du Nouvel An. Margaret, ça va ton bras ?
- Remis en deux minutes à Ste-Mangouste, annonça-t-elle.
- Super. Les autres, c'était très superficiel je crois ? Black, tu ne t'es pas occupé de toi.
- J'aime bien l'air voyou que ça me donne, expliqua-t-il.
Peter étouffa un rire et Sirius lui adressa un clin d'œil. Gideon ne répondit rien ; vu la façon dont il évitait le regard de Sirius, il avait juste décidé de l'ignorer.
- Ça a été une soirée un peu folle, reprit-il. Figurez-vous que le Bureau a eu affaire à quelques Inferis du côté des Docks, et aussi dans la ville de York. Ne me demandez pas pourquoi là-bas, je n'en sais rien. Dorcas et Londubat se sont occupés des Détraqueurs qui traînaient dans tout le Royaume-Uni, mais n'ont pas pu tous les arrêter.
Frank se renfrogna à ces mots. Sirius avait effectivement entendu dire qu'un groupe de Moldus avait subi le baiser du Détraqueur.
- Ajoutez à tout ça les Raffleurs de Londres...
- Les quoi ? Interrogea Peter.
- Les Raffleurs. C'est le nom que le Bureau a donné à tous ces types qu'on a arrêté au Nouvel An.
- Pertinent, souffla Sirius.
Les narines de Gideon frémirent, mais il ne releva pas.
- On en a un peu discuté avec Maugrey, et on est d'accord là-dessus : il faut s'attendre à tout cette année. Attaques en masse et de tous genres, instabilité politique, mise en danger du secret magique...
- Ce n'était pas déjà le cas avant ? Grommela Fabian.
- Pas dans une telle mesure, non, répondit son frère. La pression risque d'aller en s'accentuant. Vous êtes prévenus.
- T'as vraiment le chic pour réconforter les gens, souffla Sirius.
Cette fois-ci, Gideon lui jeta un regard torve.
- Je ne suis pas là pour vous réconforter, mais pour vous exposer la situation telle qu'elle est.
- Sirius a raison, coupa Margaret d'une voix sèche, au grand étonnement de tout le monde. On sait tous que la situation est tendue. Ça fait des mois que c'est comme ça. Pas besoin de remuer le couteau dans la plaie.
Sans attendre de réponse, elle se leva lestement et quitta l'appartement en claquant la porte, l'air hors d'elle.
- Waouh, commenta Sirius avec un sourire incrédule. Est-ce que c'était réellement Margaret ?
- Vous êtes tous des imbéciles, râla Emmeline en se levant à son tour. Aucune compassion.
Elle emboîta le pas à la jeune femme, probablement pour la réconforter.
- Elles sont insupportables, grommela Gideon face à la porte close. On essaie de se montrer pragmatique et on nous envoie sur les roses. Allez, filez tous, retournez à vos missions, puisque ces dames refusent qu'on discute.
- C'est toi qui vas filer, Prewett, répondit calmement Sirius, tu es chez moi.
Le grand roux jeta un regard étonné à son environnement. Il semblait avoir oublié qu'il ne se trouvait pas au QG. Avec un soupir, il rassembla ses affaires et quitta les lieux, son frère sur les talons. Frank fila à son tour, laissant Sirius et Peter seuls. Le petit blond ne semblait pas presser de retourner se battre, aussi Sirius proposa-t-il :
- Un café ?
***
Remus n'avait pas pu monter la garde devant la maison de ses parents depuis le début de l'année 1981. Le Nouvel An avait été épuisant pour tout le monde, les conséquences lourdes, et il avait été plus qu'occupé.
Il ne put retenir un soupir soulagé lorsqu'il arriva devant la maison de ses parents. Elle était inchangée, toujours aussi proprette et blanche. Le jardin était pour le moment délavé par l'hiver, aussi morne et gris que l'humeur de Remus lui-même. Comme à son habitude, il entra sans frapper. Malgré les années passées à Poudlard puis en Cornouailles, cet endroit était toujours sa maison. Il l'aimait autant qu'il la détestait, hanté par les souvenirs de ces nuits de pleine lune lorsqu'il était enfant, quand sa mère, pâle et terrifiée, venait le border dans son lit une fois les heures d'agonie passées. Il savait qu'elle l'aimait, qu'elle l'avait aimé durant chaque instant de douleur et de monstruosité. Pourtant, il sentait qu'une part d'elle avait peur de lui. De cette terreur primitive de sa mère lui venait l'idée qu'il ne pourrait jamais s'engager dans une relation durable avec une femme. On ne pouvait l'aimer tout entier. Alors, pour éviter de briser des cœurs – le sien, celui d'une jeune femme – il préférait qu'on ne l'aime pas du tout.
Les seuls chez qui il ne percevait pas cette peur étaient les Maraudeurs et Lily. A chaque pleine lune, il se rappelait quelle chance il avait de compter parmi leurs amis.
C'est avec l'ombre d'un sourire sur les lèvres qu'il entra dans la cuisine, aussi vide que l'entrée. Perplexe, il consulta l'horloge : sa mère était normalement rentrée du travail à cette heure-ci. La voiture était dans l'allée, donc elle n'était pas sortie faire des courses. Légèrement inquiet, il monta à l'étage tout en appelant Espérance. La chambre de ses parents était dans un bazar indescriptible ; le lit était défait, des vêtements de son père était jeté en tous sens, le meuble qui contenait les vêtements de sa mère était grand ouvert et à moitié vidé. Perplexe, Remus arrangea la situation en quelques coups de baguette. Peut-être ses parents étaient-ils tous les deux très pressés le matin même.
Il décida finalement d'attendre dans le salon que l'un ou l'autre de ses parents reviennent, juste pour s'assurer que tout allait bien. Si son père n'était pas retenu au travail, il ne devrait plus tarder. Remus saisit un roman dans la chambre de son enfance et s'installa au rez-de-chaussée, plutôt satisfait de ce répit dans le cocon familial malgré sa légère inquiétude.
Celle-ci avait considérablement augmenté lorsqu'il referma son livre, trois heures plus tard. Les Lupin auraient dû être rentrés. Il hésita de longues minutes sur la marche à suivre – devait-il prévenir quelqu'un, était-il simplement paranoïaque ? - mais, alors qu'il allait envoyer un patronus au bureau de son père, la porte d'entrée s'ouvrit à la volée et un Lyall Lupin échevelé, aux joues râpeuses, déboula dans la maison. Père et fils se dévisagèrent un instant, aussi surpris l'un que l'autre. Lyall s'avança finalement vers son fils pour le prendre dans ses bras et, d'une voix brisée, soupira :
- Enfin, tu es là.
Remus lui rendit maladroitement son étreinte, tout en balbutiant :
- Papa, mais qu'est-ce qu'il se passe ?
Lyall s'écarta aussitôt pour le dévisager, perplexe.
- Comment ça ? Tu n'as pas eu mon message ? Ce n'est pas pour ça que tu es là ?
- Quel message ?
Le visage de son père s'assombrit tandis que ses doigts se crispaient sur les épaules de Remus.
- Ta mère a disparu, annonça-t-il à voix basse. Il y a trois jours. J'ai demandé à Maugrey de te prévenir.
Si son père ne l'avait pas tenu si fermement, Remus se serait probablement effondré. Il avait eu raison de se méfier dès que les attaques contre les créatures magiques et hybrides s'étaient multipliées. Il avait eu raison de craindre pour ses parents, encore plus pour sa mère qui était non seulement une moldue mais en plus la mère d'un loup-garou. Il aurait dû être plus vigilant, forcer ses parents à quitter la Grande-Bretagne.
Comme si son père lisait dans ses pensées, il le secoua doucement.
- Ce n'est pas ta faute, Remus. Peut-être... peut-être que ce n'est même pas ce qu'on croit.
- Quelqu'un avec le profil de maman qui disparaît par les temps qui courent, ce n'est pas un hasard, rétorqua-t-il sèchement. C'est parfaitement ce qu'on croit. C'est pour ça que tu as fouillé ses affaires ? Tu voulais vérifier qu'elle n'avait rien laissé indiquant qu'elle comptait partir de son plein gré.
Lyall hocha la tête. Ses yeux à la couleur ambré semblaient hantés.
- J'aurais préféré, chuchota-t-il. J'aurais préféré qu'elle me quitte plutôt qu'elle ne se fasse enlever par...
Il ne put terminer sa phrase. Il déglutit difficilement avant de passer sa main sur ses yeux.
- J'ai peur que ce ne soit une autre vengeance, reprit-il. Que Greyback n'ait pas jugé suffisant de t'avoir marqué toi.
- Si c'est le cas, alors c'est uniquement de ma faute, répondit Remus d'un ton dur. L'Ordre résiste à Voldemort et ses partisans, qui savent pertinemment que j'en suis. Si Greyback est derrière tout ça, il a peut-être jugé que nous commettions un nouvel affront à sa personne.
- Si ça doit être la faute de quelqu'un, c'est de celui qui l'a enlevée, répliqua Lyall. Et on n'a aucune piste sur son identité. Greyback... C'est juste une supposition.
- Des Aurors la cherchent ? Interrogea Remus tout en commençant à faire les cent pas dans le salon. La Brigade, au moins ?
- Une Auror planche sur le cas, mais elle cherche d'autres gens aussi. Ta mère n'est pas leur priorité.
Lyall avait répondu d'une voix morne. Il semblait brisé par ces trois jours de recherche infructueux.
- Je vais parler à Maugrey, annonça Remus après avoir observé son père quelques instants. Je vais me charger de l'affaire. On va la retrouver, papa. Je te le promets.
***
Maugrey n'écoutait que d'une oreille le rapport de Dorcas Meadowes, vêtue d'une parka paramilitaire, qui parlait tout en triturant les piles d'objets et de parchemins qui traînaient sur son bureau. Il jeta un coup d'œil au pistolet automatique qu'elle avait déposé par terre en entrant ; ces Moldus étaient redoutablement ingénieux.
- L'Irlande est une sale épine dans le pied de l'Angleterre, expliquait-elle. Les troubles là-bas aspirent à peu près toute l'énergie de Thatcher, donc si tu veux en profiter pour bafouer quelques accords passés avec elle, c'est le moment. Par ailleurs il faudrait penser à informer la Ministre qu'un groupe de Sorciers irlandais s'est joint à l'IRA. Ils ont trafiqué cette arme, elle ne sera plus jamais à court de munitions maintenant. On a intérêt à les tenir à l'œil, non seulement ils se fichent éperdument du Secret magique mais en plus ils sont capables de créer des armes de destruction massive. Les Moldus savent déjà très bien le faire tout seul, mais combiné à la magie c'est tout simplement terrifiant.
- Comment est-ce que tu as réussi à acquérir ce pistolet ? Interrogea Maugrey tout en grattant sa jambe de bois, qui le démangeait au niveau du moignon.
- Je l'ai volée avant de m'enfuir, expliqua-t-elle avec un haussement d'épaules. Je les ai menacés avec puis j'ai transplané. Aucune chance qu'ils remontent jusqu'au Ministère, ils doivent seulement croire que je suis une dissidente anglaise.
- Ce qui m'inquiète avec ces personnes, c'est qu'elles ont l'air d'être la cible idéale pour être recrutées par des Mangemorts.
- Possible, admit Dorcas. Mais je pense que l'Irlande leur importe plus. Ils sont alliés aux Moldus, je te rappelle. Non, je pense qu'il vaut mieux qu'on les laisse dans leur coin – tout en les surveillant bien sûr.
- Tu es sûre de ça ?
- On n'est jamais sûr de rien, Alastor. Mais ça me paraît hautement improbable.
- Très bien. Tu peux disposer. Repose-toi un peu, on aura probablement une autre mission d'infiltration pour toi bientôt.
- Laisse-moi deviner, commença-t-elle avec un demi-sourire calculateur, les sympathisants britanniques aux États-Unis ?
Maugrey aurait juré s'il n'avait pas craint de perdre la face. Cette femme était trop perspicace. Il expliqua dans un soupir :
- On doit savoir s'il y a possibilité d'organiser des réseaux souterrains pour exfiltrer les familles qui en auront besoin. La France n'est pas assez sûre.
- On ne passera jamais la douane sorcière. Ils sont sur les dents.
- On trouvera un moyen, répliqua-t-il durement. Tu trouveras un moyen.
- Mon job c'est la collecte d'infos, Alastor. Pas la résolution de problème.
L'Auror allait lui répondre vertement lorsqu'une jeune recrue frappa sur le battant ouvert et passa la tête dans le bureau.
- Maugrey, un certain Lupin demande à te voir.
Il maugréa dans sa barbe avant de se lever.
- File, Meadowes. J'ai dû pain sur la planche et un mari anxieux à gérer.
Dorcas lui adressa un salut militaire moqueur avant de quitter les lieux d'une démarche nonchalante. Maugrey s'apprêtait à accueillir Lyall Lupin lorsque la voix de la Sorcière lui parvint :
- Eh, salut Lupin. La forme ?
Maugrey claudiqua jusqu'à l'entrée, perplexe. Dorcas ne s'adresserait jamais de la sorte à Mr. Lupin. Ce devait donc être...
- Remus ? Appela-t-il sèchement. Qu'est-ce que tu fais là ?
Le jeune homme, qui achevait d'échanger quelques mots avec Dorcas, leva vers lui des yeux brillants de colère.
- Maugrey, grinça-t-il. Il faut que je vous parle.
- Je suis occupé.
- Je m'en fiche.
Il bouscula Dorcas pour entrer en trombe dans le bureau de l'Auror, qui referma la porte derrière lui avec un grommellement. Il était trop conciliant avec les membres de l'Ordre.
- On peut savoir ce qui te prend ? Gronda-t-il tout en contournant son bureau.
- Mon père vous a demandé de m'informer de la disparition de ma mère, claqua Remus. Visiblement, l'information vous est passée au-dessus de la tête.
Maugrey se laissa lourdement tomber dans son fauteuil, tout en s'efforçant de combattre l'agacement profond qui montait en lui.
- En effet. Tu n'es clairement pas objectif sur l'affaire. Je ne souhaite pas que tu t'en occupes.
- Il s'agit de ma mère ! Explosa Remus. Bon sang, vous comptiez me garder dans l'ignorance combien de temps ?
- Jusqu'à ce qu'on la retrouve.
- L'affaire a été confiée à un Auror qui recherche toutes les personnes portées disparues, protesta-t-il, ça pourrait prendre des mois et des mois ! Ça ira beaucoup plus vite si je m'y consacre ! Et on aura plus de chance de ...
Il s'interrompit brusquement, les joues pâles, les lèvres pincées. Le fond de sa pensée était plutôt évident : plus vite on retrouvait Espérance Lupin, plus elle avait de chance d'être encore en vie.
- Tu dois t'occuper de l'Ordre, répliqua Maugrey. May McDuff, l'Auror chargée des disparitions, est habilitée à faire ce genre de travail. C'est sa mission, pas la tienne.
- Mais c'est ma mère, gronda Remus. Je me contrefous de ce que vous en pensez, je vais me lancer à sa recherche moi-même.
- C'est ce qu'Evans a fait quand Potter s'est retrouvé dans le pétrin, à Glasgow, rétorqua Maugrey. Regarde où ça les a menés !
- Lily et James ont un passif particulier avec Voldemort.
- Ta famille et toi avec Greyback.
- Aucun de vos arguments ne me fera changer d'avis, annonça Remus.
- Très bien. Ne compte pas sur l'Ordre pour t'aider.
- Pas de problème. Je ne venais pas pour ça. Je voulais juste vous informer que la façon dont vous traitez les gens est infecte.
Loin de s'émouvoir d'une telle remarque, Maugrey se renfonça dans son siège et ferma les yeux avant de répondre d'une voix lasse :
- Je les maintiens en vie.
- Vous les détruisez.
- Tu n'es pas la seule victime de cette guerre, Lupin, attaqua Maugrey en le regardant à nouveau. Tu crois que je ne sais rien des sacrifices que je vous demande à tous ? Moi aussi j'ai dû faire des renoncements.
Le regard de Remus dériva automatiquement vers la jambe de son supérieur. Maugrey y jeta un coup d'œil surpris ; il n'y songeait même pas. Les blessures physiques faisaient partie de l'exercice de ses fonctions.
- Le QG, reprit-il. C'était la maison de mes parents. L'endroit où je rentrais pour les vacances, pendant ma scolarité à Poudlard. Tu crois que ça ne me fait pas mal de voir cet endroit réduit en cendres, le moindre souvenir de mes parents dispersé aux quatre vents, profané par les Mangemorts ?
Le feu dans les yeux de Remus s'était un peu calmé. Il fixait Maugrey avec une attention soutenue.
- Il faut savoir faire face aux épreuves avec sang-froid, c'est tout, conclut-il. Et sans sentimentalisme inutile.
- C'est peut-être bon pour vous, Maugrey, mais pas pour moi, annonça Remus avant de quitter les lieux en claquant la porte.
Maugrey leva les yeux au ciel avant de se redresser tant bien que mal. Il avait besoin d'un café.
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