Partie IV - Chapitre 13

Chapitre 13

Fabian avait passé tellement de temps perdu dans les strates de magie qui composaient la barrière magique de la foire qu'il avait presque l'impression d'en faire partie. C'est ainsi que, l'avant-dernier jour de la foire, alors qu'il s'enfilait sa troisième tasse de café, il put sentir le sortilège corrompu se déliter et entraîner avec lui toutes les couches supérieurs de magie. Il avait l'impression de percevoir une autre dimension du monde, où les sortilèges et enchantements, tel un château de cartes, s'effondraient et emportaient le reste avec eux. Il ne remarqua même pas qu'il avait renversé son café. Ce n'est que lorsque toute la magie eut disparu qu'il entendit son frère l'appeler. Il se retourna vivement, son gobelet vide à la main, sa baguette dans l'autre, aperçut le visage congestionné de Gideon et le maléfice qui filait tout droit vers son crâne.

Il reprit brusquement pied dans la réalité, poussa violemment son frère sur le côté et dressa un bouclier devant eux. Le maléfice rebondit dessus avec force avant d'aller se perdre vers le ciel. Gideon était déjà en train de se relever. Des cris de terreur retentissaient tout autour d'eux ; l'heure du déjeuner était à peine passée, les allées de la foire étaient pleines de Sorciers. Fabian avait dû mal à voir d'où venait la menace. Des éclairs de magie fusaient de tous côtés, il était impossible de savoir si c'était les Aurors ou les Mangemorts qui attaquaient. Même des civils semblaient se défendre – ou attaquer. Nulle trace de Moldus cependant.

Du coin de l'œil, le Sorcier vit Emmeline envoyer un patronus, cachée à l'abri d'un auvent. Celui-ci ne tarda pas à être soufflé par une explosion qui envoya voler du terreau et des bouts de plantes dans tous les coins. Une minuscule Sorcière jaillit du carnage, enragée et hurlant des imprécations dans ce qui ressemblait à du javanais. Fabian estima que c'était son stand qui venait de voler en éclats. Au milieu de la terre qui retombait, s'avancèrent plusieurs silhouettes encapuchonnées. Cette apparition ne parvint pas à arrêter la petite Sorcière, qui continua à charger vers eux. Fabian se mit en mouvement quelques secondes trop tard ; alors qu'il allait éjecter la Sorcière d'un sortilège, seul moyen de la faire sortir de la trajectoire des Mangemorts à temps, l'un d'eux leva sa baguette. Le maléfice aux reflets violets vint cueillir la Sorcière au creux du ventre. Elle décolla de quelques mètres avant de retomber au sol avec un bruit sourd, aussi inerte qu'une poupée de chiffon.

Les Aurors déjà présents réagirent aussitôt et le petit groupe de Mangemorts fut pris d'assaut. Cependant, les cris se multipliaient en divers points de la foire ; Fabian abandonna la bataille et tenta de se frayer un passage au milieu de la foule affolée. Gideon était resté derrière, mais Emmeline ne tarda pas à le rejoindre. Elle poussait les passants terrifiés en leur ordonnant de transplaner chez eux. Les Sorciers affolés hurlèrent en réponse qu'ils avaient perdu leur enfant, leur ami, leur conjoint. Beaucoup s'arrêtèrent, l'air de croire que Fabian et Emmeline allaient les aider, mais ils continuèrent à progresser vers l'autre source de chaos.

- Il faut qu'ils arrêtent d'aller par-là ! Cria Emmeline en sautant par-dessus un enfant qui était tombé au sol. Ils vont être pris en étau entre les deux groupes de Mangemorts !

- Deux, t'es sympa ! Répliqua Fabian sur le même ton. On ignore combien ils sont !

- Il faut qu'ils transplanent, tant pis s'ils ont perdu du monde ! Oh, par...

Un stand avait pris feu et l'incendie était en train de se répandre tout autour. Les passants commençaient à reprendre leurs esprits, de plus en plus de Sorciers transplanaient dans un bruit de tonnerre, mais encore trop de monde essayait de retrouver des amis perdus, de sauver leurs plantes et leurs possessions.

- Au moins c'est un feu classique, grommela Fabian.

- Qui nous barre la route ! Fulmina Emmeline.

- Ouvre-moi un passage. Ensuite reste de ce côté et évacue les civils.

Emmeline n'hésita qu'un instant avant de hocher la tête. Un puissant jet d'eau parvint à ouvrir une tranchée au milieu des flammes, juste assez longtemps pour que Fabian se jette de l'autre côté. La fournaise se referma derrière lui en quelques instants. Au milieu des décombres de plusieurs stands, Margaret, Sirius et William faisaient face à quatre Mangemorts, tandis que des membres de la Brigade magique tentaient d'évacuer les exposants et les visiteurs. William saignait abondamment d'une blessure à la cuisse et Margaret boitait, mais ils se défendaient comme de beaux diables. Fabian allait se lancer dans la mêlée lorsqu'il avisa un cinquième Mangemort qui tendait sa baguette vers une groupe de passants. Il se rua sur lui en hurlant de toutes ses forces ; le Mangemort se tourna vers lui, surpris, mais n'eut pas le temps d'orienter sa baguette dans la bonne direction. Fabian le plaqua au sol de tout son poids et l'assomma d'un bon vieux coup sur la tête. Parfois, les méthodes moldues avaient du bon. Il le ligota tout de même par magie avant d'aller aider ses camarades, qui perdaient du terrain.

***

Lorsque Remus eut récupéré suffisamment de force, il se releva douloureusement et se traîna jusqu'à la cuisine. Là, il attendit, la tête posée entre ses bras croisés sur la table. Il ne pouvait rien faire d'autre. Soudain, la frustration de James, enfermé à Godric's Hollow, lui parut bien plus compréhensible. Il poussa un grognement de frustration : dans son état, il ne pouvait pas transplaner. Sans cela, il serait allé attendre avec les Potter. Après un instant de réflexion, il décida de leur envoyer un patronus pour les prévenir de la situation. Il se souvenait avoir entendu Lily se plaindre de ne pas être tenue au courant des événements en temps réel.

L'énergie demandée par la création d'un patronus fut presque trop ; il passa un long moment les yeux fermés, la respiration lente. Dès qu'il ouvrait les paupières, le monde se mettait à tourner. Alors qu'il sentait son état s'améliorer un peu, un soudain frisson le saisit. Il remonta ses genoux contre son torse pour se réchauffer, mais le froid s'insinuait un peu plus dans son corps. Avec le froid, l'idée de la pleine lune prit de plus en plus de place dans son esprit. Il frissonna à nouveau, sans savoir si c'était de peur ou de froid. Il avait l'impression de sentir les effets de l'astre prendre possession de son corps. Plus que la douleur et la morsure de la transformation, il pouvait sentir ses instincts meurtriers s'agiter au fond de lui, la soif de sang lui serrer les entrailles. Et pourtant... Pourtant tout cela tenait plus de son angoisse qu'un effet réel de la lune. Il le savait parfaitement, les instincts du loup ne prenaient le dessus qu'une fois la transformation effectuée. C'était son angoisse, sa haine de sa condition qui s'exprimaient. Elles avaient été réveillées par quelque chose.

Un soupçon lui effleura l'esprit, trop affreux pour qu'il accepte de le prendre en considération. Mais lorsque la peur se fit plus tenace, le froid plus macabre, il fut bien obligé de le prendre en considération. Remus avait toujours été le plus doué pour reconnaître les créatures magiques ; à l'instant même, il présageait la présence de Détraqueurs. Pour que leur effet se fasse ainsi sentir alors qu'ils ne se trouvaient pas dans la même pièce que lui, ils devaient être nombreux.

Les membres tremblants, sa baguette à la main, il se leva lentement et se dirigea jusqu'à la fenêtre de la cuisine. Un épais brouillard était tombé sur le parc, alors que le temps était encore correct un peu plus tôt. Prudemment, Remus ouvrit la fenêtre et leva la tête vers le ciel.

Au début, il ne vit rien. Le brouillard était trop dense. Une rafale dissipa alors quelque peu les brumes, et Remus les vit. Une multitude de Détraqueurs évoluaient au-dessus du dôme protecteur du QG. Les lambeaux de leur habit noir obscurcissaient le ciel par intermittence. Rien qu'à leur vue, Remus sentit son désespoir poindre un peu plus. Il allait refermer la fenêtre dans un claquement lorsqu'une lueur rougeâtre fit apparaître le bouclier du manoir. Ses doigts se crispèrent sur le battant, alors qu'une sueur froide dégoulinait le long de son échine.

L'attaque à la foire était un piège. Une manière très efficace d'éloigner tout le monde du QG pour en faire le siège.

Et lui, Remus, était seul pour tenir le fort à quelques heures seulement de la pleine lune. Lancer un patronus messager avait failli avoir raison de lui.

Alors qu'un nouveau sort heurtait le dôme protecteur, il se décida à refermer la fenêtre. Le cœur battant à tout rompre, la tête douloureuse, il se laissa tomber sur la chaise qu'il avait quittée un peu plus tôt.

Il ignorait combien de Mangemorts étaient présents, mais l'effectif de Détraqueurs était suffisamment terrifiant. Même s'il lançait un message de détresse à la Foire, il ne pourrait pas rassembler un gros effectif. Les yeux fermés, il prit une profonde inspiration : le QG méritait-il que plusieurs membres de l'Ordre y laissent leur peau ? Il était seul, il pouvait encore tenter de s'enfuir tant que le dôme tenait. Il n'avait qu'à rassembler le plus d'objets de valeur possible – potions rares, rapports de mission rangés dans le bureau de Maugrey -, prendre la cape de James qu'il avait toujours en sa possession, et quitter la zone anti-transplanage. Avec une solution de Force, il parviendrait certainement à transplaner avant qu'un Détraqueur ne l'atteigne.

Remus rouvrit les yeux. Le plan était clair. A son sens, c'était la solution la plus avisée. Il gérerait plus tard Maugrey s'il n'était pas d'accord. Pour le moment, il avait des choses à faire. Il se leva en chancelant, sa baguette fermement serrée dans la main, et gagna l'infirmerie. Il avala une Solution de force, en fourra d'autres dans ses poches puis attira magiquement à lui son sac à dos. Un sortilège d'agrandissement plus tard, il se mit à y jeter le plus de fioles possibles. L'action lui permettait d'oublier un peu l'influence des Détraqueurs. Son état de faiblesse le rendait plus sensible, mais ils ne pouvaient pas réellement lui faire de mal, tenus ainsi à distance par les protections.

Une fois satisfait de son chargement, il descendit quatre à quatre au rez-de-chaussée – la solution de force commençait à faire effet – et gagna le bureau de Maugrey. Il ne put retenir un juron devant la porte close ; il était de notoriété publique que cette pièce était inviolable si Maugrey ne la laissait pas ouverte. Il ne pourrait pas sauver les rapports.

Agacé, Remus jeta son sac dans la cuisine, gagna sa chambre aussi vite que possible et extirpa la cape de James de sa malle. Il prit le temps de se couvrir d'un pull supplémentaire tout en songeant que Godric's Hollow était sans doute sa meilleure option de refuge.

Une explosion le fit sursauter alors qu'il empruntait une nouvelle fois les escaliers. Les doigts légèrement tremblants, le cœur battant à tout rompre, il s'empressa de mettre ses chaussures et de charger le sac sur son dos avant de disparaître sous la cape. Il referma derrière lui la porte d'entrée au bruit d'une deuxième explosion ; à chaque sortilège qui le frappait, le dôme prenait une teinte un peu plus pourpre. Remus ignorait tout des sorts qu'on avait jeté sur le manoir, mais il était à peu près sûr que le bouclier n'allait pas tarder à craquer. Au loin, près de la grille, il aperçut un groupe compact de Mangemorts. Plusieurs d'entre eux tendaient leur baguette vers les cieux où grouillaient les Détraqueurs. Remus passa sa langue sur ses lèvres desséchées. Ce n'était pas le moment de flancher. S'il était repéré, c'était la mort assurée.

D'un pas aussi rapide que possible, il prit la direction opposée à celle où se trouvaient les Mangemorts. Il allait s'enfoncer dans le petit bois, lorsqu'une dernière explosion suivie d'un cri de joie lui parvint. Il se figea un court instant alors que son cœur ratait un battement.

Le bouclier avait sauté. Les Détraqueurs allaient descendre sur le manoir, les Mangemorts allaient l'attaquer, probablement le réduire en cendres... Et Remus n'était qu'à cinquante mètres des murs. Il reprit soudain ses esprits et voulut transplaner, mais son corps épuisé en fut incapable et il s'écroula au sol. Le souffle court, paniqué, il vit les Mangemorts approcher. Merlin en soit remercié, ils tenaient les Détraqueurs à distance du manoir.

Il ne pouvait pas rester là, mais dans son état il n'irait pas très loin à pied. Alors qu'il commençait à désespérer, le front couvert d'une sueur froide, une idée germa dans son esprit.

La moto de Sirius. Il était quasiment sûr qu'elle était garée à l'arrière du QG. Il se ferait évidemment repérer dès qu'il mettrait le contact, mais c'était probablement sa meilleure chance de s'en sortir. Dès que les Détraqueurs seraient lâchés, ils se rueraient sur lui. Non, il ne devait pas traîner. Il se redressa aussi lestement que possible et gagna l'arrière du manoir, en veillant à ce que la cape reste bien en place. Le rire caractéristique de Bellatrix Lestrange retentit derrière lui. Il serra les dents et tâcha de hâter le pas. L'influence néfaste des Détraqueurs revenait au galop ; le stress de la situation avait déjà eu raison de la solution de force, apparemment. Il en avala une autre, sans se soucier de savoir s'il avait le droit, médicalement parlant, de faire une chose pareille. Au pire, décida-t-il, il aurait un trou dans l'estomac.

La potion, conjuguée à la joie de voir la moto bien là, lui fournit un regain d'énergie. Il ôta la bâche qui la recouvrait le plus silencieusement possible, s'installa puis réalisa qu'il n'avait pas les clefs. Il n'hésita qu'un instant ; il ne pouvait plus reculer. D'un sort, il fit venir à lui le trousseau de clefs qu'il savait posé sur la table de chevet de Sirius. Tant pis si les Mangemorts le voyaient.

Les clefs sortirent avec fracas de la fenêtre du couloir du deuxième étage et volèrent droit dans la main de Remus. Il mit aussitôt le contact dans un bruit d'enfer. Au même moment, une tête masquée sortit par la vitre fracassée du deuxième étage et hurla :

- Il y en a un là ! Mais... quoi ?

Remus profita de son étonnement, probablement dû à son invisibilité, pour mettre un coup d'accélérateur. Il n'avait conduit l'engin que quelques fois, l'été où James et Sirius l'avaient acheté, mais il se rappelait encore des gestes. Il fila à toute allure à travers le parc, tout en cherchant frénétiquement comment faire voler la machine. Il arriva de l'autre côté du manoir, devant lequel se trouvait encore bon nombre de Mangemorts. Les sorts se mirent aussitôt à pleuvoir. Il dut cesser sa quête pour faire le plus d'embardées possibles, dans le but d'être une cible trop mouvante pour être touchée. Une flopée de jurons sortait en continu de sa bouche sans qu'il s'en rende vraiment compte. L'adrénaline faisait fonctionner son corps et son cerveau épuisés à plein tube. Il lâcha le guidon d'une main pour lever sa baguette et faire exploser la barrière qui entourait le parc du QG. Alors qu'il reprenait sa prise sur la moto vacillante, un maléfice le percuta de plein fouet à l'arrière du crâne. Il poussa un hurlement de douleur alors qu'un sang chaud et épais éclaboussait sa nuque. Avec un cri, autant de douleur que de rage, il effectua la dernière manœuvre qu'il n'avait pas encore essayée ; aussitôt, la moto décolla d'un bond et fila dans le ciel noir de Détraqueurs. Remus n'y pouvait rien ; il sentait le monde vaciller et ne tenait en selle que par la force de sa volonté. Si les Détraqueurs le rattrapaient... Tant pis.

Pourtant, bientôt, le froid recula, le désespoir lâcha prise. Seul l'étourdissement dû à sa blessure persista. Il fit un suprême effort pour se retourner et voir s'il était poursuivi. Au début, il ne vit rien. Puis une lueur rougeoyante attira son attention. Il comprit rapidement ce que c'était : le QG brûlait.

***

Une arrivée massive d'Aurors avait fini par avoir raison des Mangemorts. La bataille n'avait pas été très longue, mais les dégâts étaient immenses. Pas un seul stand de la Foire ne tenait encore debout. Des cendres volaient en tous sens, soulevées par la brise glaciale qui sifflait entre les décombres. La plupart des plantes avait brûlée – exception faite d'une plante carnivore particulièrement résistante, qui avait avalé tout rond un Mangemort. Les blessés étaient très nombreux. Il s'agissait, pour la plupart, d'exposants qui avaient refusé d'abandonner leurs précieuses plantes. Un Asiatique qui baragouinait l'anglais hurlait depuis près de dix minutes dans les oreilles d'un membre de la Brigade qu'il avait perdu des plantes aussi rares que coûteuses. Margaret écoutait sans trop y prêter attention, occupée à soigner les blessés qu'on avait rassemblés dans un coin de la Foire. On lui avait demandé de s'occuper des blessures les plus légères afin que les patients n'aient pas besoin de passer par Ste-Mangouste, qui débordait comme toujours de monde.

La femme d'âge mûr dont elle s'occupait venait d'Iran, d'après le petit drapeau épinglé à son gilet à moitié brûlé. Elle souffrait d'une sévère brûlure au bras droit ; il n'aurait sans doute plus jamais la même allure. Elle n'avait pas ouvert les yeux depuis qu'elle avait compris que Margaret était là pour la soigner. Elle serrait dans sa main valide un bocal en verre qui contenait une petite plante. Celle-ci s'agitait doucement, secouée par un vent invisible. Margaret, tout en enduisant la peau de la femme de pommade, se demandait quelles étaient les propriétés de ce végétal. Elle avisa une larme qui roulait sur la joue de la femme, et songea que c'était peut-être tout ce qu'il lui restait.

- Il faut laisser la pommade à l'air libre, indiqua-t-elle. Une compresse l'absorberait.

L'Iranienne ouvrit ses beaux yeux sombres et les planta dans ceux de Margaret. Après quelques secondes, elle hocha la tête. Margaret ignorait si elle l'avait comprise, mais elle prit cela comme le signe qu'elle pouvait se retirer.

- Il faut vous reposer, maintenant, ajouta-t-elle en se redressant avec une grimace.

La femme avait déjà refermé les yeux. Margaret tenta de ne pas s'appuyer sur sa jambe douloureuse – un sortilège cuisant avait atteint sa cheville, l'effet s'était dissipé mais son articulation n'avait pas apprécié l'inflammation – pour se diriger vers William, allongé à même le sol un peu plus loin. Il était pâle comme un Inferi. Il ouvrit les yeux lorsque l'ombre de la jeune femme s'étendit au-dessus de lui, et grimaça un sourire.

- Eh, salut.

- Tu es shooté à la potion anesthésiante ?

- Ouaip.

- Parfait. Comment tu te sens ?

- Comme un paralysé. Tu es sûre que ma jambe est toujours là ?

- Eh bien, elle est coincée dans ton pantalon imbibé de sang, mais oui elle est bien là.

William émit un gargouillement avant de refermer les yeux.

- Tout ce travail pour finir avec une entaille pareille dans la cuisse, marmonna-t-il.

- Dans quelques jours ça ira mieux. Une bonne excuse pour prendre des jours de repos.

- Hmm.

Margaret s'aperçut qu'il était en train de s'endormir. La potion anesthésiante qu'on lui avait donnée devait être forte. Après avoir tâté son front pour vérifier qu'il n'avait pas de fièvre, elle le laissa se reposer et reprit son chemin à travers les décombres. Elle tourna dans une autre allée de la Foire et se figea après avoir effectué quelques pas. Si les blessés avaient tous était rassemblés à un endroit, les morts aussi. Maugrey se trouvait là, fermement campé sur ses deux jambes. Un petit homme frêle se tenait à ses côtés, une liasse de papiers dans la main. Margaret s'approcha doucement, tout en scrutant les corps. Elle avait croisé Benjy, Gideon et Emmeline mais ni Sirius, ni Fabian. La couleur de cheveux de celui-ci lui permit bien vite de constater qu'il ne comptait pas parmi les victimes.

- Beadle !

Elle sursauta et détourna le regard du macabre spectacle. Maugrey plissait les yeux dans sa direction.

- Tu vas nous aider à identifier les victimes.

Elle grimaça mais ne protesta pas. Elle avait trop peur de l'Auror pour ça. Il s'avéra bien vite que l'homme frêle répondait au nom de Titus Coy et était l'un des organisateurs de la Foire. Il tenait dans ses mains la liste des participants. Margaret dut fouiller plus d'un cadavre pour tenter de trouver un moyen de les identifier. Au bout d'une heure, ils avaient identifié la moitié des victimes ; deux étaient Anglaises, les autres venaient de l'étranger. Alors qu'ils regardaient tous les trois la liste, Maugrey émit un claquement de langue agacé.

- Ça va nous faire mauvaise presse à l'étranger, marmonna-t-il.

Margaret leva un regard angoissé vers lui. Elle n'y avait pas songé. La Grande-Bretagne était déjà mal vue auprès de la communauté magique. Cela ne pouvait faire qu'empirer la situation.

- Un Américain n'est pas venu se signaler, annonça Titus, les yeux rivés sur ses papiers. Roger Boyd.

- Il y a un type qui a dans ses poches une carte d'un restaurant dans l'Arkansas, se rappela Margaret avec un frisson.

- Oh, Merlin, souffla Maugrey. Le Congrès ne va pas aimer ça. Bon, Coy, on a identifié tous les exposants qu'on pouvait ?

- Je crois, oui. Les autres doivent être des visiteurs.

- Bien. Amenez la liste à la Ministre.

Coy hocha la tête avant de faire volte-face. Restée seule avec Maugrey, qui contemplait les cadavres d'un air sombre, Margaret osa demander :

- Pourquoi est-ce qu'on n'a pas fermé la Foire quand on a appris le risque d'attaque ?

- Pour la politique et l'économie, Beadle, répondit-il d'une voix sombre. Je leur ai conseillé de tout arrêter, mais apparemment ça nous aurait donné une très mauvaise image à l'étranger, et l'économie sorcière du Royaume-Uni ne se porte pas au mieux. Résultat des courses, on a tué bon nombre de ressortissants étrangers.

Margaret ne répondit rien. Elle savait que la guerre était plus politique qu'on ne le leur montrait. Elle savait aussi que Maugrey détestait ça. Pour lui – et elle était d'accord, la sécurité des Sorciers aurait dû passer avant tout.

- Dis aux membres de l'Ordre de rentrer au QG. Allez vous reposer. Le ministère va gérer la suite.

Elle lui adressa un regard surpris, mais il ne la regardait pas. Elle l'avait rarement entendu parler aussi gentiment. Craignant qu'il ne change d'avis, elle s'empressa de hocher la tête et de détaler à la recherche de ses camarades.

***

Remus atterrit dans les bois de Godric's Hollow, où les Maraudeurs avaient l'habitude de jouer au Quidditch lorsqu'ils étaient encore à Poudlard. Là, il roula doucement jusqu'à la maison des Potter. Maintenant qu'il était loin des Détraqueurs, il se sentait moins faible. Il vacilla à peine lorsqu'il descendit de la moto. Il la laissa devant chez Bathilda et, après avoir vérifié qu'il était seul, passa à nouveau la cape d'invisibilité au-dessus de sa tête. Quelques instants plus tard, il frappait à la porte des Potter. Après les mesures de sécurité d'usage, James ouvrit la porte. Il adressa un sourire amusé à son ami.

- Le sortilège commence à la première marche du porche, tu sais. Tu peux enlever la cape.

Remus grogna tout en s'exécutant. Le sourire de James fondit aussitôt.

- Lunard ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Il faut que je m'assoie, annonça-t-il.

- Bien sûr, viens par là. Mais... Merlin, Remus ! Tu saignes !

- Ça ne doit pas être très grave. Le saignement s'est vite arrêté.

Mais James ne l'écoutait pas ; il le poussa vers le canapé avant d'appeler Lily. Elle sortit de l'ancien bureau de Fleamont Potter, des gants en peau de dragon aux mains. Un cri horrifié lui échappa lorsqu'elle avisa le crâne de son ami. Elle repartit là d'où elle venait, puis ressurgit avec un assortiment de fioles et de compresses dans les mains.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Le pressa James, inquiet, tandis que Lily s'affairait pour nettoyer et fermer sa blessure.

Remus ferma un instant les yeux, confus. Il avait du mal à croire que ce soit vraiment arrivé. Finalement, il avoua d'une voix sourde :

- Les Mangemorts ont profité de l'absence de tout le monde pour attaquer le QG. J'ai réussi à m'enfuir avant qu'ils n'y mettent le feu.

Comme seul un silence horrifié lui répondait, il reprit :

- J'ai pris la moto. Je suis venu directement ici. Personne d'autre n'est au courant pour le moment.

- D'accord, souffla James. Je vais aller prévenir Maugrey. Tu n'as pas d'autres blessures ?

- Non. Seulement la pleine lune.

Son ami hocha la tête, compatissant, avant de disparaître dans la cuisine pour envoyer son message.

- Quand je pense à ce qui aurait pu t'arriver si tu ne t'étais pas réveillé, souffla Lily.

- Oh, avec un peu de chance les Mangemorts m'auraient gardé en otage et ils auraient eu affaire à un loup affamé cette nuit, plaisanta-t-il d'une voix fatiguée.

Lily eut la gentillesse de rire un peu. Lorsqu'elle eut fini, elle pressa doucement son épaule et vint s'asseoir près de lui. James revenait justement avec un plateau chargé d'un service à thé. Il déposa plusieurs tablettes de chocolat devant son ami.

- Tu veux bien nous raconter plus en détails ? Interrogea-t-il. Pendant qu'on attend des nouvelles de l'Ordre.

- On ne sait même pas comment ça va à la foire, souffla Lily tout en servant le thé.

Remus les regardait faire, saisi d'une impression bizarre suscitée par le contraste entre la banalité de cette scène et le choc de ce qu'il venait de vivre. Il comprenait un peu plus la frustration des Potter. Vivre la guerre par procuration, être incapable d'aider, profiter d'un cocon de confort alors que leurs amis risquaient leur vie... Cela devait vraiment être terrible.

Alors qu'il achevait de leur raconter les événements, la réponse de Maugrey leur parvint en la personne de Sirius. Lily se précipita pour le serrer dans ses bras, à la suite de James, soulagée qu'il aille bien. En effet, même s'il avait l'air exténué, il ne présentait aucune blessure.

- Tout le monde va bien, annonça-t-il en entrant dans le salon. Hardley a été le plus salement blessé mais il sera sur pieds dans quelques jours. Merlin, Lunard, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Fenwick et Vance sont partis au QG pour juger des dégâts.

- J'imagine qu'attaquer la foire leur assurait de ne pas avoir les Aurors sur le dos, répondit Remus alors que son ami s'installait aussi sur le canapé. Ils avaient l'air de s'attendre à trouver plus de membres de l'Ordre sur place.

- Ils n'ont pas dû réaliser à quel point on était en sous-nombre, commenta James.

- Maugrey est furieux, reprit Sirius. Il est persuadé que quelqu'un a balancé l'emplacement du manoir.

- Ça fait des mois qu'ils tournent autour, protesta James. Ce n'était qu'une question de temps.

Remus et Sirius répondirent d'un même grognement peu convaincu. Leur regard se croisèrent un très bref instant puis Remus baissa le nez sur sa tasse de thé.

- On peut vous accueillir ici, en tout cas, annonça Lily. On mettra Harry dans notre chambre, deux personnes peuvent dormir dans la chambre de Sirius.

- Il y a la chambre de tes parents, fit remarquer celui-ci.

Lily et James échangèrent un regard, avant que James ne réponde d'un ton neutre :

- On ne l'a toujours pas rangée. Je préfère qu'on n'y touche pas pour le moment.

- Alice et Frank doivent aussi pouvoir héberger du monde, enchaîna Lily comme si de rien n'était. Emmeline a son appartement, les frères Prewett ont leur sœur Molly... On va s'arranger.

- Je ne vais pas avoir besoin d'un logement très longtemps, commenta Sirius. Mon oncle Alphard m'a laissé un petit pactole. Je comptais m'acheter un appartement de toute façon. Marre du QG.

Alors que Lily et James poussaient des exclamations de surprise, Remus leva un regard légèrement blessé vers Sirius. Devait-il comprendre qu'il en avait marre de sa compagnie, de celle de Peter, de Margaret ? Il tenta de se raisonner en songeant qu'il avait juste envie d'indépendance, tout comme Lily et James avant qu'ils n'aient été forcés de quitter le QG. Il se força à se joindre à la conversation, qui portait maintenant sur l'oncle Alphard et son lien avec Sirius. Encore une fois, le décalage entre la quiétude de Godric's Hollow et la situation de l'Ordre le frappa de plein fouet. Il éprouva finalement du soulagement lorsqu'un patronus de Maugrey le convoqua chez les Londubat. L'Auror souhaitait savoir ce qu'il s'était passé. Sirius partit avec lui pour l'aider à transplaner. Les Potter les regardèrent partirent, serrés l'un contre l'autre sur leur perron. Loin de l'action.

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