Partie IV - Chapitre 10
Chapitre 10
William tâchait de se fondre au milieu de la foule de Sorciers qui allaient travailler. Tous se bousculaient dans l'atrium du Ministère de la Magie. La fontaine de la fraternité magique les dominait de toute sa hauteur. William y jeta un premier coup d'œil, puis un second plus appuyé. Il finit par s'arrêter au pied, sans se soucier des Sorciers qui le contournaient en pestant. Il finit par comprendre ce qui avait attiré son attention : le centaure, l'elfe de maison et le gobelin avaient été défigurés. L'attentat avait été perpétré de façon trop subtile pour qu'on s'en rende compte au premier coup d'œil. Les employés du Ministère étaient sans doute trop habitués pour y accorder plus d'attention. William songea que certains l'avaient sans doute remarqué mais n'avaient rien dit par mépris. Ceux-là n'adhéraient peut-être pas à la doctrine de Voldemort mais ils laissaient faire sans le moindre scrupule. Ils devaient songer qu'une statue n'était pas grand-chose.
Avec une grimace de dégoût, William reprit son chemin. Il en parlerait à Carrie, dans l'espoir qu'elle puisse en toucher un mot à la Ministre. C'était ce genre de petites indifférences qui entraînaient la mort d'une civilisation.
Il finit par réussir à s'engouffrer dans un ascenseur et attendit patiemment, coincé entre deux piles de parchemins qui lévitaient toutes seules, d'arriver au bon étage. Il s'extirpa de la petite cabine, non sans emmener quelques bouts de papier avec lui. Après avoir jeté un regard d'excuse à quelques Sorciers qui vociféraient à son encontre tandis que les grilles dorées se refermaient, il réajusta sa cape sur ses épaules et jeta un coup d'œil autour de lui. Il se trouvait au niveau trois du Ministère. Sur le mur à sa droite étaient inscrits en lettres de cuivre « Département des accidents et catastrophes magiques ». Les couloirs lui paraissaient plus étroits qu'à l'étage du Bureau des Aurors ; la moquette était définitivement moins luxueuse que celle qui menait au bureau de la Ministre. Les fenêtres magiques affichaient un temps maussade, à l'image de la météo à la surface. Des employés s'affairaient en tous sens, entraient et sortaient sans cesse des divers bureaux, des notes de service à la main. William put entendre quelqu'un se plaindre du changement de mode d'envoi des notes ; on était apparemment en pleine transition entre les hiboux et un nouveau système, mais pour le moment c'était le chaos.
Le jeune homme parvint à se faire un chemin dans le couloir principal. Il atteignit finalement le centre des Forces des tâches invisibles. La veille encore, il ignorait l'existence de ce service. Il s'occupait de gérer tous les quartiers rendus invisibles aux Moldus et ouverts uniquement à la communauté magique. C'était grâce à eux que le Chemin de Traverse était si bien caché. Le directeur avait demandé quelqu'un à Maugrey, de façon tout à fait officieuse. Même l'Auror ignorait pourquoi. William resta un instant à la porte et contempla la grande pièce qui se trouvait devant lui. De multiples petits bureaux entouraient une immense table sur laquelle était déroulée une carte magique d'Angleterre. Un groupe de Sorciers étaient penchés du côté du Pays de Galles. Une femme tenait sa baguette appuyée sur la carte, de sorte qu'une version plus détaillée d'une portion particulière s'affichait sous les yeux des Sorciers. Il devait y avoir une trentaine d'autres employés. Certains compulsaient des vieux grimoires, d'autres s'entraînaient à jeter des sorts. D'autres enfin étaient encore en train de boire un café en plaisantant avec leurs collègues. William eut un petit sourire en voyant ce groupe, qui lui rappelait les membres de l'Ordre lorsqu'ils arrivaient à passer un moment ensemble.
- On peut vous aider ? l'interpella-t-on dans son dos.
Il se retourna prestement pour sourire à la petite Sorcière d'une quarantaine d'années qui venait de lui adresser la parole.
- Gavin Morkle a demandé à me voir, expliqua-t-il. Le directeur de...
La Sorcière leva les yeux au ciel tout en le bousculant un peu pour entrer dans la pièce.
- Je sais qui est Gavin. Suivez-moi.
Elle se dirigea tout droit vers les Sorciers qui prenaient encore leur petit-déjeuner. Ils riaient tous aux éclats à cause d'un homme de taille moyenne qui racontait une histoire, vautré dans un fauteuil en cuir, les pieds posés sur un bureau.
- De la visite, Gavin ! claironna la Sorcière.
L'homme du fauteuil sauta aussitôt sur ses pieds. Il plut tout de suite à William ; ses yeux vifs et sa bouche qui semblait cacher un sourire le rendaient sympathique. Il tira sur ses bretelles avant de tendre la main droite à William.
- A qui ai-je l'honneur ?
- William Hardley, monsieur.
Un éclair de reconnaissance passa aussitôt dans les yeux de Morkle. Il hocha la tête puis lança à la cantonade :
- Allez tout le monde, au boulot ! Et qu'on ne me dérange pas.
Il traversa ensuite la salle à grands pas, William sur ses talons. Ils gagnèrent l'extrémité de la pièce, où se trouvait le seul bureau isolé du service. Une grande baie vitrée coupait le directeur du reste de ses employés. Dès que Morkle eut refermé la porte derrière lui, le brouhaha de la grande pièce s'évanouit. Il s'assit dans un grand fauteuil en cuir et fit signe à William de faire de même sur son vis-à-vis. Le bureau était encombré de dossiers, de parchemins et d'objets éclectiques. Morkle n'y prêta pas attention et appuya ses coudes sur le bureau, l'air sérieux.
- C'est bien Maugrey qui vous envoie ?
- Tout à fait.
- Vous êtes de l'Ordre ? Pas du Bureau ?
- C'est ça.
- Bien. Ça fait des mois qu'on ne peut plus faire confiance à personne dans ce Ministère, même si personne n'ose l'admettre.
William se tortilla, mal à l'aise. Il n'osa pas lui dire qu'ils avaient les mêmes inquiétudes au sein de l'Ordre.
- Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous ?
- J'ai besoin que quelqu'un aille contrôler tous les points d'action des Tâches invisibles. De préférence quelqu'un de doué en sortilèges. Il faut tester la résistance des enchantements, et surtout voir s'il y a une opération de sabotage en cours. Au moins trois zones ont été découverte aux Moldus ces derniers mois alors qu'on n'avait rien décelé au contrôle. Les Oubliators ont agi très vite, mais ça commence à râler en haut lieu. Je pense qu'un bon tiers de la population moldue de Grande-Bretagne a été oublietté ces deux dernières années.
William hochait la tête tout en tâchant de tout retenir. Il n'avait évidemment pas le droit de prendre des notes.
- Qu'est-ce que les Moldus ont vu ?
- Un marché aux créatures magiques, un champ de mandragores et un mariage sorcier particulièrement arrosé.
- Vous faites des événements particuliers comme ça ? s'étonna William.
- C'était un membre du Magenmagot, grommela Morkle. On n'a pas tellement eu le choix.
- Le marché aux créatures magiques a dû être un sacré choc.
- Ouais. Je crois qu'une dame est restée un peu marteau depuis.
- Vous pensez qu'il y a des intentions criminelles derrière tout ça ?
- Evidemment. On n'a jamais eu ce genre de problèmes. Peut-être que ce service est complètement inconnu du grand public, mais j'ai sous mes ordres les meilleurs enchanteurs de Grande-Bretagne, à égalité avec les Briseurs de sorts. Croyez-moi, il ne s'agit pas de négligence de notre part.
- Mais si vous n'avez pas réussi à déceler un quelconque sabotage, comment est-ce que l'un des nôtres pourrait le faire ? observa William, perplexe.
Morkle haussa les épaules avec une moue goguenarde.
- Surprenez-moi ! Honnêtement, on ne sait plus quoi faire ici. On est débordés. On a besoin d'aide pour le contrôle, à vous de voir ce que vous pouvez faire sur place. Pendant ce temps-là on cherche comment renforcer les enchantements et on repassera derrière vous si on aboutit à quelque chose. Et vous avez un avantage : vous côtoyez régulièrement la magie noire, vous savez la sentir. Nous, non. On peut être un génie en enchantements et passer à côté du pire maléfice du monde de la sorcellerie.
Incapable de contrer de tels arguments, William se contenta donc de hocher la tête. Morkle fouilla un instant dans l'un des tiroirs de son bureau puis lui tendit un bout de parchemin blanc et corné.
- C'est la carte de tous les lieux concernés. Elle évolue en fonction de la situation, donc elle indique également les lieux éphémères.
Comme le regard perplexe de William passait du parchemin blanc au visage de son interlocuteur, celui-ci eut un petit sourire.
- Excusez-moi, j'oublie l'essentiel. Il vous faut le mot de passe. Evitez au maximum de le diffuser, si vous voulez bien.
Il lui fit un signe de l'index pour qu'il s'approche de lui et lui chuchota quelques mots à l'oreille. Toujours un peu perdu, William marmonna que c'était compris. Il n'avait jamais vu un tel enchantement sur un bout de parchemin.
Dès que William eut rangé la carte, Morkle sauta sur ses pieds et le mit dehors. Dans la grande salle, la pause-café était terminée. C'était la première fois que William trouvait un département du Ministère aussi plaisant. Il se prit à rêvasser à son avenir, une fois la guerre terminée, tout en parcourant les couloirs du Ministère. Une fois dans l'atrium, une voix le tira de ses pensées.
- Will !
Avec un sourire, il rattrapa de justesse les dossiers de Carrie qui menaçaient de se répandre au sol et revint sans regret au présent.
***
Lily acheva de rincer la marmite avec un soupir. Le pot-au-feu avait attaché et elle avait passé des heures à gratter le fond de la casserole. James avait refusé de l'aider sous prétexte que c'était son pot-au-feu, et donc sa vaisselle. Elle se lava les mains et s'adossa un instant au comptoir de la cuisine. Ils étaient installés depuis près de trois semaines à Godric's Hollow mais elle n'était pas encore tout à fait habituée. Elle aurait sans doute gagné un temps fou si elle avait utilisé la magie, mais James et elle s'étaient vite rendus compte que moins de magie ils feraient, mieux ils se porteraient – du moins en ce qui concernait les tâches ménagères.
Ils n'avaient jamais été aussi désœuvrés de leur vie. Alors pour s'occuper, ils rangeaient, triaient, nettoyaient... Le tout sans jamais utiliser la magie. Ils avaient déjà débarrassé la chambre d'amis dans le but d'en faire une chambre pour Harry. Sirius avait crié au crime de lèse-majesté ; il avait occupé cette chambre durant ses séjours à Godric's Hollow. Lily avait rétorqué que c'était pour son filleul adoré. Finalement, il avait volé un carton de bazar qu'il avait laissé là durant l'été avant leur septième année. La prochaine étape était de repeindre les murs, mais Lily et James ne parvenaient pas à se mettre d'accord. James voulait du rouge et du jaune mais Lily refusait de conditionner ainsi son fils à aller chez les Gryffondors. Il en était résulté une dispute sur l'honneur de leur maison. Finalement James avait embrassé sa femme et ils avaient fini dans leur lit, comme bien trop souvent depuis qu'ils avaient emménagé.
Un juron lui parvint de l'autre bout de la maison et elle se décida à ôter son tablier – elle détestait se couvrir d'eau de vaisselle sale. Elle trouva James dans le bureau de son père, qui fusillait du regard un énorme volume tout en se tenant le pied.
- Il m'a attaqué ! accusa-t-il.
- Peut-être parce que tu n'étais pas censé toucher à tous ces bouquins ? rétorqua-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Je croyais que nous étions d'accord pour y aller pièce par pièce ?
- Certes, sauf qu'il faut bien se rendre à l'évidence ; on ne va jamais se mettre d'accord sur une couleur de peinture.
- Ne me provoque pas James, sinon je vais demander à Bathilda de choisir pour nous.
Il prit une mine horrifiée qui la fit rire bien malgré elle.
- Merlin, non ! Elle va choisir une couleur digne du pire goût de dragées Bertie crochues.
- Tu vois, il faut qu'on choisisse.
James grommela avant de poser ses mains sur ses hanches.
- Et si au lieu de choisir, on faisait une bataille de farine ?
- Non, par contre on peut faire un gâteau si tu tiens à manier de la farine, offrit-elle avec un charmant sourire.
Au lieu de répondre, James l'embrassa. Lily pouffa contre ses lèvres.
- Quoi ? sourit-il.
- Ce n'est pas une réponse.
- Je sais. J'en profite tant que Harry dort encore.
Lily lui vola un baiser à son tour. Ils avaient décidé de se relayer pour s'occuper de Harry, de sorte que l'autre puisse vaquer à ses occupations. Lily avait donc l'après-midi libre pour s'occuper comme elle l'entendait. Malheureusement, elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle allait bien pouvoir faire.
Alors que James la serrait un peu plus contre lui, on frappa à la porte. Ils se figèrent tous les deux ; ils craignaient toujours de trouver un ennemi à leur porte. James quitta le bureau le premier, sa baguette brandie. Ils savaient tous deux qu'il était idiot d'imaginer un Voldemort qui frapperait à la porte avant de les assassiner, mais ils préféraient être trop prudents. Coller contre le battant de la porte, James somma le visiteur de décliner son identité.
- C'est Remus, répondit une voix fatiguée.
- Quelle est la forme de mon animagus ?
- Un cerf, Cornedrue. Ouvre cette fichue porte, ça pèse une tonne.
Les Potter échangèrent un regard perplexe avant de s'exécuter. Remus se tenait sur le perron, deux énormes cartons dans les bras, en équilibre précaire. C'était la deuxième fois qu'il venait les voir et sa visite était plus que la bienvenue ; à l'exception de Bathilda, ils n'avaient eu personne depuis presque dix jours. James s'empressa de le décharger de son fardeau, et Lily sauta dans ses bras dès qu'ils furent libres. Il la serra contre lui avec un petit rire.
- Moi aussi, je suis content de te voir, Lily.
- Merlin, mais qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? marmonna James derrière eux en ouvrant les cartons.
- Les ustensiles de Lily pour préparer des potions, expliqua Remus, alors que Lily poussait un petit cri excité. Et pas mal d'ingrédients, même si je n'ai pas pu tout emporter. Il y a une liste d'élixirs à préparer pour l'Ordre.
Lily poussa son mari sans ménagement et entreprit de fouiller dans les cartons. Tout y était, alambics, chaudrons, tubes, pipettes...
- Je n'ai jamais autant aimé Maugrey de ma vie, soupira-t-elle en se laissant tomber sur le parquet, un sourire extatique sur le visage.
James lui adressa un regard circonspect.
- Tu veux te marier avec ton chaudron, peut-être ?
- S'il te plaît. Je te laisse régler le divorce.
Il grogna, déclenchant un éclat de rire chez son meilleur ami.
- C'est ça, moquez-vous de James, grommela-t-il. Tu restes un peu, Lunard ?
- Si vous voulez bien de moi...
- Merlin, oui !
James l'entraîna vers le salon et entreprit de l'interroger sur leurs amis du QG. L'attention de Lily fut attirée par les pleurs de son fils et elle délaissa aussitôt ses fioles pour grimper à l'étage. Harry s'agitait dans sa turbulette, le visage congestionné et les poings crispés. Lily le souleva tout en lui tenant les discours absurdes qu'on tient aux bébés et qui leur font tant plaisir. Il se calma bien vite et referma sa petite main sur les vêtements de sa mère. Lily déposa un baiser sur son crâne. Elle gérait de mieux en mieux son inquiétude, mais elle n'était jamais plus sereine que lorsqu'elle sentait le cœur de son fils battre contre elle.
Lorsqu'elle redescendit, Harry dans les bras, elle trouva les garçons assis autour d'une tasse de thé. Le biberon de Harry trônait près de la théière. Lily adressa un sourire de remerciement à son mari avant de s'installer près de Remus sur le canapé. Sans façon, elle lui fourra Harry dans les bras et lui passa le biberon. Comme d'habitude, le pauvre Remus rougit, pâlit, protesta, mais finit par garder le bébé. Lily l'observa se détendre alors que Harry buvait son lait, l'air serein.
- Lily, l'interpella James, tu as déjà entendu parler de la Force des tâches invisibles ?
- La quoi ?
- Un secteur du Ministère qui nous a demandé de l'aide, expliqua Remus.
Il leur raconta la mission confiée à William et mentionna avec amusement la carte, si semblable à celle des Maraudeurs.
- Pourquoi est-ce que les Mangemorts s'attaqueraient aux protections des lieux magiques ? interrogea James, perplexe.
- Pour mettre le Ministère dans l'embarras ? proposa Lily.
- Ou semer la zizanie, répondit Remus. On en a pas mal parlé au QG. Sirius pense qu'ils veulent forcer les Sorciers à se dévoiler aux yeux des Moldus. Ça provoquera une crise sans précédent, probablement complètement hors de contrôle.
Les sourcils froncés, James compléta :
- Et ça leur donnerait l'occasion d'éliminer des Moldus sous prétexte qu'ils s'en prennent à notre monde.
- Ni notre gouvernement, ni celui des Moldus ne sont prêts à faire face à un tel événement, poursuivit Remus. Ça risquerait de créer un vide politique que Voldemort n'aurait plus qu'à combler.
- Par la violence, compléta Lily.
- Voilà. Donc on prend l'affaire au sérieux.
- Qui va s'occuper de ça ? interrogea-t-elle. Il faut de sacrées compétences en sortilèges, non ?
- Fabian et William, a priori. On connaît tous le talent de Fabien. Quant à William, il a suivi une formation de Sortilèges avancée avant de quitter les États-Unis. Il n'est pas parvenu au bout mais il est allé un peu plus loin que nous. Il parviendra peut-être à comprendre ce que Fabian lui raconte.
Ils pouffèrent de concert. On ne pouvait plus arrêter Fabian dès qu'il commençait à parler sortilèges et enchantements, la plupart de temps de façon incompréhensible pour les non-initiés.
- Espérons qu'ils s'en sortiront, alors, conclut Lily. Ça pourrait mal finir.
- Pour le monde de la magie ? reprit Remus. C'est sûr. Espérons que ça servira à quelque chose ; je crois que Maugrey n'est pas ravi de devoir céder deux membres de l'Ordre juste pour cette mission. On ne peut plus assurer qu'un nombre très restreint de tours de garde.
Le jeune homme s'était assombri en terminant sa phrase. Lily comprenait bien pourquoi ; elle savait comme il était frustrant de voir le nombre de demandes, d'appels à l'aide, de suppliques auxquels ils ne pouvaient pas répondre. Lorsqu'elle était enceinte et consignée au QG, elle détestait passer devant et sentir tout le poids de son impuissance.
En relevant les yeux, elle s'aperçut que James fixait la théière, les mâchoires crispées. Il n'avait encore jamais parlé de la fin de son rôle auprès de l'Ordre mais elle se doutait que cela finirait par lui peser, à un moment ou à un autre. Savoir qu'on avait besoin de lui et qu'il était coincé à Godric's Hollow devait être terrible pour lui. Comme s'il pensait à la même chose, Remus s'exclama :
- Au fait, Cornedrue ! Maugrey aimerait que tu cherches des infos sur les sortilèges de dissimulation, ça fera gagner du temps à Fabian et Will.
Lily commença par adresser un remerciement muet à l'Auror avant de s'apercevoir que James n'avait pas l'air ravi de cette requête. Il fit craquer ses jointures avant de commenter d'un ton morne :
- Ce n'était pas le job de Lily, les recherches documentaires ?
La jeune femme fronça les sourcils. Sous-entendait-il, avec son manque flagrant d'enthousiasme, que c'était un travail sans intérêt et indigne de lui ?
- Je vais avoir pas mal de boulot avec les potions, rétorqua-t-elle d'un ton sec.
James releva aussitôt les yeux. Il sembla s'apercevoir de sa bévue lorsqu'il croisa le regard de sa femme. Il se tortilla dans son fauteuil, mal à l'aise, avant de répondre :
- Oui, bien sûr. Maugrey va me donner des livres, ou... ?
Lily cessa de le fusiller du regard pour reporter son attention sur Remus, qui était trop occupé à fixer Harry avec adoration pour remarquer la tension entre les époux. A la question de James, il cessa de faire des sourires au bébé et leva un visage perdu vers son ami.
- Pardon ?
James eut un petit rire alors que Harry recrachait quelques gouttes de lait sur le pantalon de Remus et se mettait à geindre.
- Oh, Merlin, gémit la victime, alors que Lily joignait son amusement à celui de son mari. Les bébés sont vraiment dégoûtants.
- La moitié du temps, ouais, commenta James.
- L'autre moitié, ils sont très mignons, compléta Lily.
Leur regard se croisèrent et Lily cessa d'être agacée contre James, alors qu'elle lisait dans ses yeux, comme un miroir de son propre cœur, tout son amour pour Harry. Bien sûr que lire des livres lui paraissait moins palpitant qu'une mission sur le terrain. Elle expira lentement. Ils étaient là pour Harry, pas pour eux. Ils devaient accepter leur nouvelle vie car elle était nécessaire à leur fils. Ils devaient faire en sorte de se faciliter les choses l'un l'autre.
James vint prendre Harry des bras de son meilleur ami, qui semblait en difficulté. Ce faisant, il déposa un baiser sur le front de sa femme.
***
Marlène remonta ses longs cheveux en queue de cheval et vérifia une dernière fois que ses baskets tenaient bien aux pieds. Elle se redressa, un imperceptible sourire sur les lèvres. Si elle était fine politique et habile négociatrice, elle préférait tout de même les missions dans la boue aux soirées en talons hauts. Son mari, Gary, n'était certes pas de son avis, mais c'était bien pour son esprit rebelle qu'il l'avait épousée. De toute façon, Maugrey avait besoin de toutes les forces disponibles.
La jeune femme enfila un pull supplémentaire, drapa sa cape autour de ses épaules et s'assura de la présence de sa baguette dont l'étui, accroché à sa ceinture, pendait contre sa cuisse. Elle sourit plus largement. Cela lui rappelait les beaux jours de l'Académie, ces six mois qu'elle avait passé à s'entraîner avant de devoir abandonner la carrière d'Auror sur l'insistance de ses parents. Elle avait été grièvement blessée au cours d'une rixe avec une bande de dealers de potions. Lorsqu'elle avait finalement repris connaissance, on lui avait appris qu'elle ne faisait plus partie de l'Académie. Tout d'abord furieuse, elle avait fini par se résigner à son sort lorsqu'elle avait découvert la beauté du métier de Médicomage. Elle s'y était dévouée corps et âme, jusqu'à ce que la beauté de son rôle de mère prenne le dessus.
Cependant, même si chaque instant de ces dernières années avait été un bonheur, le frisson de l'aventure avait toujours une saveur particulière.
Elle quitta la cuisine du QG et passa sans bruit dans le salon où dormait Sirius. Elle transplana quelques minutes plus tard vers sa destination ; la forêt de Sherwood. Une Sorcière avait disparu dans le village voisin d'Edwinstone. Peu après, on avait retrouvé un Moldu assassiné dans les bois. La Brigade avait refusé de s'occuper du cas, persuadée que les deux événements n'étaient pas liés et que la police moldue pouvait s'en charger. La famille de la Sorcière disparue avait donc fait appel à l'Ordre, le dernier recours lorsque le Ministère se montrait insensible ou incompétent.
Marlène arriva à l'entrée du bois. Sans surprise, l'endroit était complètement désert ; on était à la fin du mois d'octobre, il faisait froid et gris. Elle aurait pu commencer ses recherches à Edinwstone mais la légendaire forêt l'attirait. Robin des Bois était aussi connu chez les Sorciers que chez les Moldus. On disait que c'était un ancien élève de Poufsouffle qui avait décidé de mettre sa magie au service des pauvres Moldus de la région. Pour cette raison, cette figure légendaire était très controversée dans le monde magique. Certains n'admettaient pas qu'il ait aidé les Moldus à une époque où bon nombres de Sorcières finirent sur le bûcher. Pour Marlène, c'était seulement la preuve de que Robin de Locksley était un homme en avance sur son temps.
Elle s'avança au milieu des bouleaux et des chênes dénudés par le froid. Les bruits habituels de la forêt se faisaient entendre ; craquements de branche, bruissement des dernières feuilles, battements d'ailes. Par mesure de sécurité, elle sortit sa baguette de son étui. Elle suivit le sentier près duquel elle avait transplané et arriva finalement dans une énorme clairière où trônait, majestueux, le chêne qu'on appelait Major Oak. Selon la tradition, c'était le chêne, à présent millénaire, qui avait servi de refuge à Robin des Bois et à ses compagnons. Fascinée, Marlène contempla les énormes branches, ravie. Elle emmènerait ses enfants ; ils adoreraient. Gary aussi.
La jeune femme s'approcha du tronc d'arbre et appuya ses mains contre l'écorce, sa baguette toujours serrée entre ses doigts. Une étincelle rouge la fit sursauter et reculer d'un pas. Perplexe, elle approcha une nouvelle fois sa baguette de l'arbre et y appuya cette fois directement le bout. Un dessin complexe s'illumina doucement sur l'écorce. L'instant d'après, une poignée apparut. Marlène resta plantée quelques minutes devant, incapable de se décider à entrer.
C'était terriblement suspect. Comment avait-elle pu trouver une entrée dissimulée magiquement après seulement quinze minutes passées dans cette forêt ? Avait-elle été très subtilement manipulée ? Était-ce de la chance, ou l'attirance naturelle d'un Sorcier pour toute forme de magie ? Fabian maintenait que ce phénomène existait réellement, tout comme les Moldus s'écartaient assez naturellement des éléments magiques.
Elle tourna encore un instant sa baguette entre ses doigts. Après tout, elle était préparée à une attaque surprise. Elle devait entrer, pour découvrir si cette porte avait un lien quelconque avec leur affaire. Peut-être allait seulement pénétrer chez un drôle d'ermite. Elle se mordit la lèvre, le cœur battant ; elle en doutait fortement. Depuis le début de la guerre, elle avait appris qu'il fallait toujours s'attendre au pire. Elle appuya donc sur la poignée et poussa le battant.
Comme elle s'y attendait, l'intérieur était bien plus grand que l'extérieur ne le laissait paraître. L'unique pièce, éclairée par une flamme artificielle gardée dans un bocal, était circulaire et presque vide. Un poêle, un lit et une caisse en bois composaient tout le mobilier. Marlène entra plus avant, sûre que l'endroit était vide. Il n'y avait aucun endroit où se cacher. Baguette levée, elle avança doucement dans la pièce. Alors qu'elle allait ouvrir la malle, un bruit derrière elle la fit se retourner vivement. Un maléfice cuisant toucha de plein fouet son épaule et elle alla rouler sur la malle avant de s'écraser au sol.
Avec un grognement de douleur, elle roula sur elle-même et tenta d'ignorer la douleur pour contre-attaquer. Non, il n'y avait aucun endroit où se cacher.
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