Partie IV - Chapitre 1

Chapitre 1

Remus poussa la porte d'entrée du QG avec un soupir soulagé. Sa mission lui avait encore paru inutile au possible. De plus, il faisait une chaleur à réchauffer les couloirs de Poudlard. Lorsqu'il constata qu'il faisait aussi chaud à l'intérieur qu'à l'extérieur, il grogna.

- Est-ce que quelqu'un ne pourrait pas apprendre la magie élémentaire, ici ?

- Pourquoi pas toi ?

- Aaaaah !

Remus fit un pas de côté, pris par surprise, et jeta un regard courroucé au coupable. Martin, affalé dans un fauteuil, lui adressa un sourire espiègle, mais aucune malice ne brillait dans ses yeux. Remus s'efforça de sourire.

- Peut-être plus tard, qui sait.

- Tout le monde dit ça tout le temps, marmonna son vis-à-vis. Enfin, sauf Lily et James. Et Frank et Alice. Elle doit accoucher bientôt, non ?

- La semaine prochaine. Ce sont des gens déterminés, que veux-tu.

Martin grommela, avant de demander :

- Qu'est-ce que tu vas faire, après la guerre ?

Surpris par cette question et peu désireux de se lancer dans une conversation à cœur ouvert alors qu'il était épuisé, assoiffé et affamé, il répondit vaguement :

- J'essaierai de m'inscrire dans une Académie si c'est encore possible. (Après un silence, il enchaîna:) Et toi ?

- Moi ? Aucune idée. Je m'en fiche, à vrai dire.

Il fixait à présent ses pieds, une expression sérieuse sur le visage. Remus chercha un instant quelque chose de réconfortant à dire, mais abandonna rapidement. Il se contenta de :

- Au pire, tu pourras devenir concierge à Poudlard.

Un éclat de rire inattendu franchit les lèvres de Martin.

- Bon plan.

Après s'être excusé, Remus gagna la cuisine où il s'empressa de se servir un grand verre d'eau. Il se laissa tomber sur une chaise, les membres las, puis considéra le tas de parchemins à demi enroulés qui traînaient sur la table. Il en parcourut quelques-uns avant de comprendre qu'il s'agissait des rapports du Bureau des Aurors et de l'Ordre que Lily devait lire pour Maugrey. Elle avait souligné, entouré, annoté. Remus continua à lire, amusé. Il avait l'impression d'être de retour à Poudlard. Les cours de Lily avaient toujours été illisibles par le commun des mortels et ses brouillons auraient aussi bien pu être écrits en runes. En revanche, les devoirs qu'elle rendait étaient toujours impeccables.

Il attrapa un autre parchemin, cette fois uniquement couvert de l'écriture de Lily ; il y avait des mots dans tous les sens, des ratures, des points d'interrogations, et même quelques trous dus à un usage un peu trop violent de la plume. Il parvint à déchiffrer « Demander à J. » dans un coin, puis quelques autres mots sans importance. Son regard fut finalement attiré par un mot entouré plusieurs fois : « Hybrides ??? ».

Remus se crispa aussitôt. S'il y avait bien un mot qu'il détestait, c'était celui-là. A la lumière de ce mot, il reprit quelques rapports et lut plus attentivement les mots entourés ou soulignés. Lily avait raison, la mention d'un hybride revenait plus souvent qu'à son tour, quoi que moins souvent que le nom de créatures magiques considérées par certains comme inférieurs aux Sorciers. Les Gobelins étaient particulièrement visés. Le jeune homme tiqua lorsqu'il aperçut le nom d'Hagrid. Il ignorait que le demi-géant avait été attaqué.

Des voix dans l'escalier le tirèrent de ses pensées. Il leva la tête, les sourcils toujours froncés, au moment où Lily entrait dans la cuisine, un éclat de rire encore sur les lèvres. James suivait, l'air suprêmement amusé.

- Je t'assure que c'est vrai !

Lily s'apprêtait à répondre mais elle croisa le regard de Remus. Elle commença par lui sourire joyeusement avant de s'apercevoir qu'il avait ses notes entre les mains. James poussa une exclamation joyeuse en voyant son meilleur ami et se précipita vers lui pour lui ébouriffer les cheveux. Remus se débattit en riant un peu alors que Lily s'asseyait en face de lui, l'air soucieuse. James lâcha son ami pour remplir un énorme verre d'eau et le déposer devant sa femme. Elle le fusilla du regard.

- Je t'ai déjà dit que je buvais assez.

- Et Alice a dit qu'une femme enceinte ne buvait jamais assez, rétorqua-t-il d'un ton innocent. Surtout par cette chaleur.

- Oh, Merlin, ce que tu es agaçant.

- Eh, je suis seulement un mari attentif !

- Il a raison, appuya Remus.

- C'est le complot des Maraudeurs contre Lily ? Vous êtes des hommes, vous n'avez rien le droit de dire.

- Mais je suis ton mari et j'ai le droit de m'occuper toi.

Lily leva les yeux au ciel avant de plaquer sa main sur la bouche de James, qui s'était assis à côté d'elle.

- Ne t'en fais pas pour ça, Remus, reprit-elle, les yeux posés sur le parchemin qu'il tenait toujours. Il n'y a rien qui soit en rapport avec toi.

Remus jeta un coup d'oeil à James, qui éloigna la main de Lily de lui avec un air aussi tendre qu'agacé, avant de répondre prudemment :

- Je ne m'inquiète pas pour moi. On est déjà tous des cibles, de toute façon. C'est l'idée générale derrière toute ça qui m'inquiète.

Ce qu'il ne disait pas, c'était qu'il s'inquiétait pour ses parents. Lui-même pouvait se défendre, mais il ne pouvait rien pour eux. La magie de son père ne suffirait peut-être pas à les aider si on les attaquait sous prétexte que leur fils était un loup-garou. De plus, il n'avait jamais pu se défaire de l'idée que la soif de vengeance de Greyback ne serait jamais étanchée. Il jeta un nouveau regard aux papiers étalés devant lui. Il raccourcirait ses heures de repos pour aller veiller un peu devant chez ses parents, décida-t-il, à défaut de pouvoir faire mieux. Il irait également renforcer les barrières magiques autour de chez eux, sans pour autant leur en faire part. Sa mère s'inquiétait déjà trop.

- Le plus terrible, répondit Lily, c'est qu'ils se débrouillent pour qu'on ne remarque pas qu'ils ont des cibles précises à moins de vraiment se pencher sur la question. J'ai relu tous ces rapports trois fois avant de réaliser que les hybrides et les créatures magiques dotées de la parole étaient visés.

Remus tiqua légèrement et Lily lui adressa un regard d'excuse.

- Excuse-moi. Je sais que ce mot n'est pas très agréable à entendre pour toi.

- Malheureusement, c'est la dénomination officielle, grimaça-t-il tout en se levant. Ça n'a pas d'importance. Et puis, c'est ce que je suis non ?

- Notre bon vieux Remus ! s'exclama joyeusement James en lui donnant une tape dans le bras alors qu'il passait devant lui.

Il leva les yeux au ciel mais il souriait. Il jeta un dernier regard dans la cuisine avant de monter les escaliers. Lily avait posé une main sur la joue de James et lui parlait à voix basse, un sourire tendre sur le visage. Remus sourit tristement puis monta les marches quatre à quatre.

***

- Eh, petit. Arrête de manger le bout de ta baguette.

Martin retira aussitôt sa baguette de sa bouche avant de jeter un regard peu amène à Fabian. Son regard glissa sur la cicatrice qui barrait sa joue gauche, vestige du piège tendu par Ethel. Une pensée en entraînant une autre, il songea à la mort de Sally, puis à celle d'Anne. Il pleurait moins souvent, mais il était toujours furieux. La seule conséquence visible était son agitation continuelle. S'il ne mâchouillait pas sa baguette, il tapait du pied ou se rongeait les ongles. Pas un instant ne passait sans qu'il soit agité d'un tic nerveux quelconque. D'après le regard de Fabian, cela commençait à lui taper sur les nerfs.

- Tu vas finir par te faire cramer la cervelle.

Le jeune homme se retint de lui dire que ce ne serait pas une mauvaise chose. Il entreprit de faire tourner sa baguette entre ses doigts. Fabian jeta un coup d'œil inquiet aux étincelles qu'elle projetait de temps à autre.

- Evite aussi de faire cramer ma cervelle, s'il te plaît.

- J'ai eu des résultats tout à fait corrects aux ASPICS, se rebiffa Martin. Je sais gérer ma magie.

Fabian haussa un sourcil sceptique, aussi Martin se vengea-t-il en lui envoyant un bouquet d'étincelles à la figure.

- Hé !

Un flash interrompit leur petite bagarre. Une série de flash plus courts leur indiqua que leur contact était arrivé. Fabian balança un coup de coude dans les côtes de son collègue plus jeune pour lui intimer de bien se tenir. Martin grommela une imprécation mais fit de son mieux pour contrôler ses tics nerveux. Il remonta le col de sa cape tout en suivant l'autre Sorcier. C'était peut-être la canicule de jour, mais il faisait frais sur les quais de Plymouth. Frais et humide. L'odeur de poisson et de mer saisit à nouveau Martin alors qu'ils avançaient à pas prudent sur les dalles glissantes. Les réverbères, à quelques mètres d'eux, éclairaient à peine les bords de l'eau. Martin louchait sur ses pieds, de crainte de trébucher sur un cordage oublié.

Ce dangereux périple s'acheva au bout de quelques minutes seulement. Un homme les attendait devant une échelle qui descendait vers la mer. Martin plissa les yeux. Un bateau était amarré en contrebas.

Fabian avait déjà engagé la conversation avec leur contact, dont Martin ne distinguait que vaguement la silhouette. Ses cheveux coupés ras faisaient ressortir ses oreilles décollées. Cette coiffure, ajoutée à son maintien, laissait deviner le militaire. Il était pourtant habillé en civil, pour autant que Martin puisse en juger. Maugrey avait donc raison ; il s'agissait d'un contrat illégal passé sous le sceau du secret.

- C'est un ancien bateau des gardes côtes, entendit-il.

- Ancien ? releva Fabian.

- Il fonctionne parfaitement. On les a juste remplacés par des bâtiments plus performants. Il faut seulement forcer un peu le démarreur.

Fabian hocha la tête, comme s'il savait parfaitement de quoi il retournait.

- Tous les signes distinctifs ont été effacés à la demande du gouvernement.

La dernière partie de la phrase renseigna Martin sur l'état d'esprit du marin. Il n'aimait sans doute pas que Thatcher interfère dans les affaires de la Marine.

- Tout ce qu'il reste est un numéro d'immatriculation spécial. Nos navires ont reçu l'ordre de ne pas s'approcher de ce bateau, même s'il est en situation illégale. Je vous préviens, ça ne vaut que pour les eaux territoriales anglaises et internationales. La Navy ne vous protégera pas si une autre Marine vous intercepte.

- Qui a dit qu'on ferait des choses illégales ? rétorqua Fabian, nonchalant.

- Il est trois heures du matin, répondit le marin d'un ton sec. Votre dossier est classé top secret. Ça ne peut être qu'illégal. Si un autre État apprend que ce bateau est sous immunité anglaise, on nous posera des questions. Nous voulons éviter ça.

- Qui vous dit que nous ne sommes pas sous immunité européenne, lança Fabian avec un grand sourire. Peut-être que l'URSS nous protège. Ou les États-Unis !

Martin lui adressa un regard impressionné. Il avait suivi les cours d'Etude des Moldus aussi était-il au courant de ce qu'on appelait la Guerre Froide, mais il n'aurait jamais pensé que Fabian pouvait s'y intéresser.

- Ne jouez pas au plus malin, grinça l'autre. Les États-Unis, à la limite. L'URSS ? Jamais mon gouvernement n'aurait accepté.

- Parce que vous êtes au courant de tous les secrets du MI6 peut-être ? En temps de guerre, tous les coups sont permis. Alors, on peut avoir ce bateau ?

Martin craignit un instant que les plaisanteries de Fabian n'aient fait changer d'avis le marin, mais il était sans doute trop habitué à obéir aux ordres pour changer d'avis. Avec une réticence perceptible, il tendit un jeu de clefs à Fabian. Ce dernier les saisit énergiquement, adressa un bref hochement de tête au marin puis descendit sans hésiter les barreaux glissants qui menaient au bateau. Il prit pied sur le pont avec assurance avant de faire signe à Martin de le rejoindre. Le jeune homme tourna la tête vers le marin, qui battait du pied à un rythme effréné. Persuadé que Fabian était la cause de cette agitation, il lança :

- Il plaisantait. On ne travaille pas pour les Russes.

Sans attendre de réponse, il descendit à son tour vers le bateau. Il sauta sur le pont puis leva la tête ; le marin avait disparu.

- Détache ce truc, matelot ! ordonna joyeusement Fabian tout en essayant toutes les clefs pour ouvrir la porte de la cabine.

Martin jeta un coup d'œil perplexe à la corde d'amarrage avant de se battre avec le nœud. Tout en pestant contre son manque de connaissance en matelotage, il interrogea :

- Tu sais conduire un bateau ?

- Ça ne doit pas être beaucoup plus compliqué qu'une voiture !

- Tu sais conduire une voiture, alors ?

- Nope.

- Merlin tout puissant... Pourquoi est-ce que Lily n'est pas avec nous ? Elle a un peu appris.

- Parce que son ventre est tellement énorme qu'elle ne pourrait pas descendre cette échelle ? proposa Fabian tout en poussant la porte du poste de pilotage.

- Est-ce que quelqu'un a pensé à ça ? Comment on va emmener ces gens jusqu'en France si personne ne sait conduire ce rafiot ?

- Je te pensais plus téméraire que ça, Ranger, plaisanta Fabian avant d'entrer dans la cabine.

Martin leva les yeux au ciel tout en dénouant enfin le nœud d'amarrage. Il lui avait fallu un moment, mais il avait fini par comprendre la logique. Quelqu'un lui avait dit un jour qu'un nœud fait correctement se défaisait toujours facilement. Merci, Merlin, on ne leur avait pas refourgué un voilier.

Il rejoignit Fabian au poste de commandement. Il avait allumé une lampe tempête et observait le tableau de bord, perplexe.

- Tu sais que maintenant que j'ai détaché la corde, on va dériver ? On a plutôt intérêt à démarrer rapidement.

- On n'a pas levé l'ancre, marin d'eau douce. On ne va pas bouger.

- Ça existe encore, les ancres ?

Fabian lui adressa un sourire amusé.

- Je n'y connais rien en bateau mais tu as l'air pire que moi. A mon avis, si on met la clef là et qu'on tire sur ce truc, ça démarre le moteur.

Il mit son idée à exécution, et poussa un cri de joie lorsque la mécanique rugit en réponse.

- Lève l'ancre, matelot !

- Et comment je fais ça ? marmonna Martin, vaguement paniqué à l'idée de partir en mer avec Fabian aux commandes – qui plus est en pleine nuit.

- Tu es censé m'assister, alors cherche, sinon pas de part du butin pour toi. Hisse et oh ! A l'abordage ! Hissez le pavillon noir !

- Merlin tout puissant, pitié, ne fais pas le pirate, gémit Martin.

Fabian plaqua une main sur son œil droit et tenta de prendre un air menaçant, alors que le moteur ronronnait toujours sous leurs pieds.

- « Faire le pirate » ? Mais je suis un pirate ! Du nerf, moussaillon !

Martin poussa un soupir à fendre l'arme avant de chercher comment remonter l'ancre. La nuit promettait d'être longue.

***

Frank se hâtait dans les rues écrasées de soleil d'un petit village du Somerset – jamais il n'aurait cru qu'il pouvait faire aussi beau et chaud en Angleterre. Il fallait évidemment que la canicule tombe l'année de la grossesse d'Alice. On était à la veille de son terme, et elle était insupportable.

Terrifié à l'idée qu'elle accouche alors qu'il n'était pas là, il avait commencé par dire qu'il n'irait pas au rendez-vous fixé par Maugrey. Alice l'avait obligé à s'y rendre. Son argument principal était qu'il la rendait folle avec sa nervosité et qu'elle ne voulait pas le voir dans leur maison, à lui tourner autour comme un vautour. Il lui avait donc donné un pot de glace, un grand verre d'eau, et s'était éclipsé avant de se faire étriper.

Il adorait sa femme, mais parfois elle le terrifiait.

Frank sortit enfin des quartiers résidentiels et se retrouva dans la rue principale. Les boutiques avaient étendu leur auvent au maximum, les restaurants et cafés sorti tous leurs parasols. Maugrey lui avait donné le nom du pub sous forme d'énigme, par un absurde souci de sécurité, et Frank ne s'était pas donné la peine de le décoder. Il finirait bien par repérer l'Auror.

Après avoir scruté plusieurs terrasses, il repéra deux tignasses familières ; Remus et Martin se chamaillaient, attablés devant des grands verres de citronnades. Surpris, Frank s'approcha. Maugrey tenait depuis plusieurs semaines à leur donner les ordres de mission seul à seul.

Remus, en le sentant approcher, tourna la tête vers lui. Un petit sourire fendit son visage alors qu'il repoussait la tête de Martin pour qu'il arrête de lui postillonner au visage.

- « Le sphinx qui se mord la queue est un danger pour ses frères ? », lança-t-il.

Frank pouffa tout en tirant une chaise pour se joindre à eux.

- C'est ça. Comment est-ce que vous avez fait pour trouver le bon endroit ?

- On a regardé tous les noms de pubs en cherchant des mots communs avec cette stupide énigme. C'est le seul où il est question d'un sphinx.

- Est-ce que ça a éclairci le reste de l'énigme ?

- Absolument pas.

Les trois garçons pouffèrent puis Frank commanda la même chose que ces camarades.

- Tu crois qu'on part en mission ensemble ? interrogea Martin en chassant la rondelle de citron qui flottait dans son verre avec le bout de sa paille.

- Ça m'étonnerait. Al a plutôt tendance à réduire les groupes qu'à les augmenter. Ça fait une éternité que je ne suis pas parti avec quelqu'un.

- Sans doute parce que tu es là depuis un peu plus longtemps que nous, commenta Remus. Je suis toujours accompagné.

- Ah oui ? intervint Martin. Tu n'es pas parti tout seul, hier ?

Son voisin rougit légèrement.

- Je suis passé chez mes parents.

- Oh. Eh bien, je préférerais être tout seul qu'avec Fabian.

Remus rit doucement tout en avalant une nouvelle gorgée de citronnade, alors que Frank jetait un regard interrogateur à son cadet.

- Qu'est-ce qu'il a encore fait ?

Martin entreprit donc de lui raconter leur expédition en mer et le rôle que Fabian avait décidé de jouer. Il confia qu'à la fin, il craignait même qu'il ne soit victime d'un dédoublement de personnalité tant il était fidèle à son rôle. Alors que les deux autres s'esclaffaient joyeusement, il s'exclama :

- Je ne plaisante pas ! Il a même dit qu'il allait me faire subir le supplice de la planche !

- Je doute que le gabarit du bateau permette une telle chose, remarqua Frank en souriant.

- C'était terrifiant quand même. Un jour il va arriver avec un crochet et il se lancera à la poursuite de Peter Pan.

- De qui ?

- Tu connais cette histoire ? s'étonna Remus.

- On en parlé en Études des Moldus. Quel psychopathe, ce Peter.

- Quand je vois notre situation actuelle je me dis que ce ne serait pas si désagréable de vivre au Pays Imaginaire, répondit-il d'un ton rêveur.

- Est-ce que vous voulez bien m'expliquer ? intervint Frank. Je ne connais pas les histoires moldues.

Martin entreprit donc de lui raconter l'histoire de Peter Pan à grands renforts d'exagération et d'interprétations psychologiques tordues. L'arrivée de Maugrey mit fin à cette absurde conférence littéraire. Malgré la chaleur, l'Auror portait sa tenue habituelle, c'est à dire une lourde cape passée sur l'uniforme noir du Bureau des Aurors. Frank constata qu'une nouvelle cicatrice avait fait son apparition sur l'arrête de son nez.

- Regardez-moi cette joyeuse bande, grommela leur aîné en se laissant tomber près d'eux.

Un serveur approcha pour prendre sa commande mais un simple regard de Maugrey le renvoya dans ses cuisines.

- On se demandait ce qu'on faisait là tous ensemble, lança Frank. Mission commune ?

- Pas assez d'effectifs pour envoyer trois personnes au même endroit, marmonna-t-il. Je n'ai juste pas le temps. Un truc important à faire dans le nord. Londubat, il faut que tu récupères une livraison à Leeds pour Caradoc. C'est explosif, ne transplane pas avec, ne passe pas par les cheminées non plus.

Frank haussa un sourcil.

- Je fais quoi, alors ? Je rentre à pied ?

- Tu es grand, débrouille-toi. Emprunte la moto de Black si ça t'amuse, je m'en fiche.

- J'aimerais bien rencontrer mon bébé avant de mourir, commenta-t-il. Je vais trouver autre chose. Vous avez l'adresse exacte ?

Maugrey lui tendit un bout de papier, sur lequel était inscrit un nom de rue ainsi que ce qui semblait être un mot de passe.

- Tu as retenu ? le brusqua l'Auror.

- Euh, oui.

D'un geste sec, Maugrey lui arracha le papier des mains. Sous la table, il fit glisser sa baguette de sa manche et réduisit en cendre le message. Frank se retint de lever les yeux au ciel face à sa paranoïa. Il avait lui-même été un grand maniaque du secret ces derniers mois mais les nouvelles mesures de Maugrey l'avaient rendu sceptique. Même lui trouvait que l'Auror en faisait trop.

- Allez, oust, pas de temps à perdre, lança l'Auror en lui indiquant la rue du pouce.

Frank se leva avec un hochement de tête, jeta un coup d'oeil curieux à Remus et Martin qui attendaient leurs ordres, puis quitta la terrasse du pub. Il regagna la fournaise, les yeux plissés. Il allait devoir marcher un moment en plein soleil pour rejoindre son point de transplanage.

Alors qu'il quittait le centre-ville, un hululement attira son attention. Il leva les yeux vers le ciel immaculé, perplexe, puis aperçut une chouette qui volait vers lui à tire-d'aile en hululant à qui mieux-mieux. Perplexe, il attendit qu'elle arrive jusqu'à lui. Cependant, au lieu de s'arrêter près de lui, elle lui rentra dans le crâne de plein fouet puis, à peine sonnée, entreprit de tourner autour de sa tête en poussant des cris paniqués. Frank, après avoir poussé un cri de douleur, parvint à attraper le parchemin qui se balançait autour de la chouette – celle d'Alice, il la reconnaissait à présent sans problème. Il le déroula, fébrile, et le parcourut rapidement.

- Oh, Merlin.

Sans même prendre la peine de prévenir Maugrey qu'il ne pourrait pas accomplir sa mission, il partit en courant vers son point de transplanage. Il allait avoir un bébé.

***

- Je ne comprends pas ce que vous trouvez aux nouveau-nés. Ils sont rouges, fripés, et inintéressants.

Lily leva les yeux au ciel sans pouvoir s'empêcher de sourire. Sirius jouait au blasé depuis qu'ils avaient reçu un hibou de Frank leur annonçant la naissance du petit Neville.

- Le jour où tu auras des enfants, tu comprendras, rétorqua-t-elle en lui tapotant la main.

- Moi ? Des enfants ? Les pauvres, ce ne serait pas très marrant pour eux.

- On t'a choisi comme parrain, ce n'est pas le moment de me dire que tu détestes les enfants.

- Pour le tien et celui de James, je ferai une exception.

- Trop aimable, vraiment.

Il rit et attrapa le verre d'eau vide de Lily posé sur la table basse.

- Je t'en ressers un ?

- Pitié, oui !

Sirius s'éclipsa dans la cuisine. James était tellement paniqué à l'idée d'être absent au moment de la naissance du bébé qu'il avait assigné des tours de garde à leurs amis pour que quelqu'un de confiance – à savoir, tout le monde sauf Fabian – se trouve auprès de Lily si le travail commençait. Cela n'avait à vrai dire changé l'emploi du temps de personne ; seul Sirius se sentait obligé de passer tout son temps libre auprès de Lily lorsque James était absent. La situation ne dérangeait pas Lily car Sirius était dans l'une de ses bonnes périodes. Il l'emmenait se promener et lui proposait des jeux plus ou moins absurdes.

Il revint quelques instants plus tard et lui tendit son verre d'eau rempli avant de s'asseoir sur la table basse.

- Merci, tu es un ange.

- Il paraît, oui. Maugrey est tout particulièrement d'accord avec toi. La dernière fois, il m'a dit que j'étais un sale petit prétentieux parce que je lui ai assuré que je n'avais pas besoin de ses conseils pour m'infiltrer dans ce bureau.

Lily retint un sourire tout en sirotant son verre.

- Est-ce que ce n'est pas cette fois où tu t'es fait prendre ?

- Avant de retourner la situation à mon avantage ! Et ne te moque pas de moi, il t'en veut toujours pour la dernière fois.

- Quoi, quand je l'ai insulté ?

- Il est persuadé que ton mariage avec James t'a fait mal tourner.

Elle pouffa.

- N'importe quoi. Il n'a juste jamais affronté ma fureur avant ça.

Ce fut au tour de Sirius de rire.

- Lily, notre chère harpie ! s'exclama-t-il.

Elle lui donna un petit coup de pied joueur, une main posée sur son ventre.

- C'est comme ça que tu m'aimes. Toi, et tout le reste de l'Ordre. Même Maugrey.

- Maugrey aime tes capacités analytiques. Tu t'en es sortie, avec ses dossiers ?

- Oh oui, il a tout récupéré il y a une semaine. Je crois qu'il devait confier une mission à Remus à ce propos.

- Pourquoi à Remus spécialement ?

- Il ne t'en a pas parlé ? s'étonna Lily. Remarque, il n'en a pas tellement discuté avec James ou Peter non plus... Les hybrides sont particulièrement visés. Je ne sais pas quelle est la mission exacte, mais j'imagine que Remus est le plus apte à traiter avec un hybride. Merlin, qu'est-ce que je déteste utiliser ce mot.

Sirius hocha la tête, l'air songeur, avant de commenter :

- Il disparaît souvent, en ce moment. Il quitte le QG juste après son retour de mission mais son nom n'apparaît pas sur le tableau.

- Il va sans doute faire un tour. Tu es le pro des disparitions surprises, observa Lily en haussant les sourcils. Si ça t'inquiète, tu devrais lui en parler. Tu sais qu'il ne viendra pas te confier de lui-même ce qui le préoccupe.

Le jeune homme soupira et se passa une main dans les cheveux.

- C'est James qui va casser les pieds des gens pour qu'ils se confient, pas moi.

Lily afficha un air songeur quelques secondes avant de sourire tendrement.

- C'est vrai qu'il fait ça. Il est insupportable.

- Il a obligé Peter à cracher le morceau, il y a quelques jours.

- A propos de quoi ?

- Il a une peur panique des Inferi depuis qu'il a été mordu, expliqua-t-il. Il en fait même des cauchemars très réels, apparemment. Ça l'empêche de dormir, c'est pour ça qu'il a l'air épuisé. Il a peur d'être complètement inutile s'il se retrouve à nouveau face à des Inferi.

- Malheureusement, je ne vois pas trop comment on pourrait l'aider, soupira la jeune femme. A moins de lui trouver un épouvantard à affronter...

- Connaissant Peter, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution. Honnêtement, je pense que le simple fait d'en avoir parlé l'a déjà aidé.

- J'espère. Tu vois, parle à Remus. Ça vous soulagera tous les deux l'esprit.

- Dis à James de parler à Remus et je l'accompagnerai, rétorqua-t-il avec l'ombre d'un sourire.

Elle leva les yeux au ciel.

- Tu es vraiment un .... ouch !

Lily se crispa légèrement, les deux mains posées sur son ventre. Une expression de panique pure se peignit aussitôt sur le visage de Sirius, qui se leva à demi en tendant inutilement les bras vers elle.

- Lily ? Ça va ? Pitié, dis-moi que c'était seulement un coup de pied un peu violent.

Elle prit une profonde inspiration et se laissa à nouveau aller contre le dossier du canapé.

- Je... Je ne sais pas, hésita-t-elle. Le terme n'est que dans deux semaines, c'est sans doute une fausse alerte.

- Oh, Merlin, exhala-t-il en retombant sur la table basse, qui craqua légèrement. Si le bébé arrive en son absence, il va m'étriper.

- Ça n'a aucun sens.

- Mais si. Par moment il devient paranoïaque et pense que tu aurais préféré m'épouser.

- Il n'en pense pas un mot, râla-t-elle.

- Et maintenant il va croire que je veux lui voler son enfant ! geignit-il sans tenir compte de son intervention.

- Etant donné ton dégoût des nouveau-nés, ça m'étonnerait.

Ils continuèrent à se chamailler pendant un moment, avant qu'une nouvelle contraction ne fasse grimacer Lily. Sirius blêmit tellement qu'elle crut qu'il allait s'évanouir.

- Ce n'est peut-être pas une fausse alerte, finalement, grommela-t-elle tout en s'efforçant de se redresser. Il faut que tu m'emmènes à la maternité.

- Qu... Quoi ?

- Bon sang, Sirius ! s'agaça-t-elle. Un accouchement est moins terrifiant que Voldemort, non ? Allez, aide-moi à me lever et emmène-moi.

- Honnêtement, je ne sais pas ce qui me terrifie le plus.

- Sirius !

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