Partie III - Chapitre 71
Chapitre 71
Lily connaissait tous les détails de l'affaire Prim. Un simple sortilège d'orientation, une fois arrivée à Glasgow, lui permit de trouver la maison sans encombre. Dissimulée par un sortilège de Désillusion, elle s'approcha prudemment. Elle avait toujours été douée pour repérer les sortilèges de protection et les faire sauter ; passer le bouclier qui entourait les lieux ne fut donc pas compliqué.
Une fois dans le jardin couvert de débris de verre, elle s'immobilisa, le cœur battant. Les yeux fixés sur ce qu'il restait de la baie vitrée, elle prit de profondes inspirations. Le bébé s'agita un peu et un éclair de panique perça sa détermination. Elle posa machinalement sa main sur son ventre, se mordit l'intérieur de la joue, puis se décida finalement à entrer. Elle aviserait en fonction de la situation. Après tout, James était peut-être déjà mort.
Cette simple idée lui donna la nausée. Elle crut un instant que ses genoux allaient lâcher mais elle parvint à se reprendre. Le seul moyen de le savoir était d'entrer. Elle avança donc prudemment entre les morceaux de verre, sa baguette levée. Le salon, dans un état pitoyable, était vide. Les restes d'un mur écroulé jonchaient le sol. De l'autre côté du mur qui béait se faisaient entendre des voix. Des hommes aussi bien que des femmes, mais Lily était incapable de les dénombrer. Elle s'approcha un peu plus et parvint à entendre :
- C'est marqué sur son épaule, là.
- « LV » ? A quoi ça correspond ?
- Lord Voldemort, a priori, explicita une fois de femme.
Lily ne put retenir un violent frisson. La plupart du temps, elle parvenait à faire abstraction de la brûlure sur l'épaule de James. Avec le temps, le relief en était devenu moins saillant. Elle avait même fini par croire son mari, lorsqu'il lui disait que tout ça n'était qu'intimidation et que Voldemort ne se souciait pas le moins du monde d'eux. La suite de la conversation lui donna raison :
- Je me souviens de cette histoire, c'est arrivé avant la bataille d'Inverness, reprit la même voix. Le Maître a décidé de jouer un peu, puis il s'est lassé.
- Alors il s'en fiche, non ? Intervint l'un des hommes qui avait parlé en premier.
- C'est notre seule solution, Tobie !
- On devrait s'enfuir, couina quelqu'un.
Un concert de protestations s'éleva. Lily profita de la dispute qui s'en suivit pour s'avancer en tâchant de ne pas faire de bruit malgré les gravats et le verre brisé. Elle eut ainsi vue sur une petite cuisine où étaient rassemblés trois hommes et deux femmes, penchés au-dessus d'une table. Dans un coin de la pièce, attaché à une chaise, se trouvait James.
Lily parvint à rester silencieuse et immobile. Pourtant, elle aurait donné n'importe quoi pour se précipiter vers lui. Le cœur au bord des lèvres, elle tenta de contrôler sa respiration chaotique et trop bruyante, les yeux fixés sur son mari.
Il avait les mains liées dans le dos. Son menton reposait sur sa poitrine – il semblait inconscient. C'était sans doute pour le mieux. Son visage était couvert de contusions, ses vêtements déchirés et encroûtés de sang. Il ne portait plus ses lunettes, qui traînaient à ses pieds, et un peu de sang coulait encore le long de sa tempe.
Une voix s'éleva au-dessus de la dispute, la tirant de sa contemplation.
- Fermez-là ! Je vais le faire venir, ça ne sert à rien de protester.
L'homme qui venait de parler, visiblement le plus âgé, adressa un regard courroucé à tout le monde avant de quitter la cuisine par une porte dérobée.
- Je ne resterai pas là pour voir ça, prévint la personne qui avait déjà proposé de s'enfuir. Il sera furieux. Il était contre tout ça dès le début !
Un jeune homme et une jeune femme qui se ressemblaient échangèrent un regard. Le type était sans doute Tobie Silas, qui avait le premier attaqué les Prim pour venger son frère mort à Inverness. La jeune femme était forcément de sa famille.
- Il a raison, souffla-t-elle. Il nous tuera.
- Si on s'enfuit il nous traquera, protesta Tobie.
Une deuxième femme, plus âgée, se leva sans un mot, emprunta le trou dans le mur, passa près de Lily sans la voir et disparut dans le jardin. Le craquement de son transplanage retentit bientôt. Les trois autres compères fixaient le jardin, terrifiés.
- Mag a raison ! Cria le petit homme qui souhaitait s'enfuir depuis le début. Plus on prend de l'avance et plus on a de chance de s'en sortir !
Sans attendre de réponse, il suivit l'exemple de la dénommée Mag.
- Il a raison, souffla la jeune femme. Si on se cache maintenant, il nous oubliera sans doute. C'est trop tard pour venger Jeremiah de toute façon.
Tobie passa sa langue sur ses lèvres, indécis. Il jeta un regard à James.
- Et Potter ?
- Il n'ira pas loin dans l'état où il est. Au pire, le Maître ne trouvera personne en arrivant et sera encore plus furieux, mais on ne sera pas là pour le voir. (Elle indiqua la porte qu'avait empruntée le premier homme). Tirons nous avant que Johnson ne revienne.
Tobie hésita encore un instant, puis hocha finalement la tête. La jeune femme prit aussitôt sa main dans la sienne et le tira vers le jardin. Trente secondes plus tard, ils avaient disparu.
Avant que Lily n'ait eu le temps de se réjouir de leur couardise, le dernier homme entra dans la cuisine. Perplexe, il avisa les lieux vides, chercha un instant ses comparses, jura quand il se rendit compte qu'ils étaient partis... Puis pris à son tour la clef des champs. Lily laissa aussitôt tomber toute barrière magique et se précipita vers James. Elle attrapa sa baguette qu'ils avaient laissée sur la table, détacha les mains de son mari mais dut le retenir lorsqu'il menaça de s'écraser tête la première au sol. Elle grommela sous son poids tout en s'efforçant de l'allonger. Tout en s'occupant de lui, elle tâchait de ne pas paniquer. Si Voldemort avait pris le message de ses sbires au sérieux, il ne tarderait pas. Il fallait qu'ils partent le plus vite possible.
Obnubilée par cette idée, Lily ne prit même pas le temps d'envoyer un message à l'Ordre. Remettre James sur pied était la priorité. Il fallait qu'il puisse marcher jusqu'à la limite du sort anti-transplanage, qu'elle n'avait pas non plus le temps de faire sauter. Après avoir usé de quelques sortilèges curateurs, elle le réanima. Il ouvrit grand les yeux tout en prenant une profonde inspiration et commença aussitôt à se débattre.
- James ! James, c'est moi ! Calme-toi ! Voilà, calme-toi...
Il retomba sur le dos, les doigts crispés sur l'avant-bras de sa femme, les yeux fous.
- Lily ? Mais qu'est-ce que...
- Il faut que tu essaies de te lever, coupa-t-elle. Ça va aller ?
- Je... Je ne sais pas, je ...
Sans attendre de réponse plus affirmative, Lily se redressa, lui attrapa les mains et le tira vers elle.
***
James faillit tourner de l'œil quand Lily l'obligea à se lever mais, une fois debout, il s'aperçut que la douleur était bien moins terrible que la dernière fois qu'il avait été conscient. Il dut tout de même se rattraper au dossier d'une chaise, les doigts tremblants. La confusion dans laquelle il était plongé ne l'aidait pas. Lily n'aurait pas dû être là. Sous aucun prétexte, Lily n'aurait dû être là. Il était trop hébété pour le lui hurler. Et les Mangemorts ? Où étaient les Mangemorts ? Il voulait demander à sa femme mais elle ne cessait de le couper, de le presser. Elle glissa ses lunettes sur son nez, prit son bras, le glissa autour de ses propres épaules et l'enjoignit à avancer.
- Mais Lily, protesta-t-il d'une voix éraillée d'avoir trop hurlé, on n'a qu'à attendre les renforts de l'Ordre. Je suis trop lourd pour toi.
- On n'a pas le temps, répondit-elle d'une voix tendue. Il faut qu'on y aille avant que...
- Avant que quoi ?
- Il faut qu'on y aille, c'est tout.
Elle parvint à le faire avancer jusqu'au salon détruit tout en évitant ses questions. Elle chancelait sous son poids mais il ne parvenait pas à l'aider, trop faible pour avancer sans trébucher. Les gravats laissés par l'explosion du mur ne l'aidaient en rien. Il allait protester et supplier Lily d'attendre l'Ordre lorsqu'un « Crac » se fit entendre.
James crut un instant que c'était l'Ordre. Il ne regarda pas, trop concentré sur ses pieds afin d'avancer du mieux qu'il le pouvait. Seulement, Lily ne suivit pas. Son bras, passé autour de sa taille, était tellement crispé qu'il lui faisait mal. Il leva donc les yeux.
Lord Voldemort les observait avec un rictus, posté devant leur unique sortie. L'espace d'une seconde, James se trouva transporté quelques mois plus tôt, la dernière fois qu'il l'avait affronté. Il se revit à Carbone-les-Mines, puis dans le bureau de Dumbledore, affirmant au directeur qu'il survivrait une troisième fois face au mage noir s'il le fallait. Les souvenirs suscitèrent une décharge d'adrénaline qui lui permit de se tenir seul debout. Tout son corps n'était qu'un cri de douleur, mais il était hors de question qu'il lui fasse défaut face à Voldemort – surtout pas alors que Lily se trouvait à ses côtés, enceinte de sept mois.
Il attrapa sa baguette que Lily avait glissée dans sa poche et se posta un pas en avant de sa femme. Voldemort sourit.
- On m'avait annoncé la capture de James Potter et voilà que je me retrouve face au précieux couple ! La vie est décidément pleine de bonnes surprises.
Il porta son attention vers Lily et plissa les yeux.
- On s'apprête à mettre au monde un nouveau petit traître à son sang, Sang-de-Bourbe ? Raison de plus pour t'éliminer avant l'heureux événement.
James crispa ses doigts sur sa baguette, furieux – aussi bien contre Voldemort que contre Lily.
- Laissez-la partir, exigea-t-il d'une voix tendue.
Le mage noir fit un pas vers eux, l'air amusé.
- Tu m'as déjà demandé cela la première fois que nous nous sommes rencontrés, Potter. Je ne répéterai pas la même erreur.
Le jeune homme, toute douleur oubliée, attrapa Lily par le bras et la tira derrière lui. Elle se débattit et finit par lui enfoncer sa baguette dans le dos.
- Je sais me défendre, Potter, siffla-t-elle.
Il ne répondit pas, conscient qu'il ne serait capable de produire qu'un flot de reproches. Merlin, Lily n'était qu'une tête de mule bornée.
- Vous allez tous les deux mourir, de toute façon, lança Voldemort d'un ton nonchalant. Inutile de la protéger. Je projetais autrefois de te faire souffrir sous les yeux d'Evans mais le contraire me paraît plus probant, cette fois-ci.
- Merlin tout puissant, marmonna Lily derrière lui.
Avant qu'il n'ait pu se pencher sur cette interjection, elle le poussa sur le côté et attaqua. Voldemort évita d'un geste et riposta aussitôt. James jura et fit apparaître un bouclier devant Lily juste à temps. Il était tellement furieux qu'il ne sentait même plus ses blessures.
- Bon sang, Lily ! Hurla-t-il au milieu du crépitement de la magie.
Elle ne répondit pas, trop occupée à jeter sortilège sur sortilège. L'un d'eux finit par atteindre Voldemort, qui cilla à peine malgré son bras légèrement brûlé. Il ne fut même pas suffisamment décontenancé pour qu'elle parvienne à l'immobiliser. La contre-attaque ne se fit pas attendre ; une langue d'énergie fila vers eux avec un sifflement suraigu. James plaqua Lily au sol juste à temps, horrifié. Ils allaient tuer le bébé, et Lily par la même occasion.
- Lily, va-t-en ! Hurla-t-il tout en se redressant aussi lestement qu'il le pouvait pour résister aux sorts de Voldemort. Je vais le retenir, va-t-en !
- Il ne fallait pas venir te fourrer dans ce piège ! Répliqua-t-elle en l'épaulant.
James se rendit compte à ce moment-là qu'elle était aussi furieuse contre lui qu'il l'était contre elle.
- Laisse-moi l'occuper pendant que tu fais sauter le sort anti-transplanage ! Supplia-t-il.
Un maléfice heurta son bouclier et le fit reculer de quelques centimètres. Lily hocha la tête ; ses yeux lançaient toujours des éclairs, mais au moins se montrait-elle raisonnable. James prit une profonde inspiration, prêt à faire disparaître son bouclier dès que Lily serait derrière lui pour pouvoir contre-attaquer. Cependant, il avait à peine formulé cette pensée qu'il bascula en arrière ; il s'entendit à peine pousser un cri de douleur, trop pris par la sensation d'écrasement qui envahit son esprit. C'était comme si on perçait un trou dans ses pensées, ses souvenirs, ses sentiments les plus intimes. Des images oubliées, enterrées depuis longtemps refirent surface. Au bout d'un temps qui lui parut infini mais qui n'avait en réalité duré qu'une seconde, James reprit contenance et la progression de l'entité qui envahissait son cerveau fut brusquement arrêtée. Le choc de sa volonté et de celle de l'autre le fit chanceler un instant. Alors qu'il se préparait à un nouvel assaut, un nouveau choc, bien physique celui-ci, le ramena à la réalité ; le sortilège de Voldemort l'envoya voler deux mètres plus loin, le souffle coupé. Toutes les douleurs et tous les sévices qu'il avait réussis à mettre de côté jusque-là lui revinrent brutalement alors qu'il s'écrasait au milieu des gravats. Il perdit connaissance.
***
James retomba sur les gravats avec un bruit sourd au moment précis où la baguette de Lily s'échappait de ses mains pour tomber dans celles de Voldemort. La situation avait dramatiquement basculé en l'espace de dix secondes.
Elle était à présent désarmée... et seule. La colère qu'elle ressentait toujours à l'égard de James pour s'être mis dans une situation pareille céda la place à la panique. Sa première pensée fut pour leur bébé, qui n'aurait même pas l'occasion de vivre, la seconde pour son mari, qu'elle n'entendait pas se relever.
Elle prit une inspiration. Une deuxième. Voldemort sourit.
- Potter n'est décidément par un mari très vaillant. Si l'amour ne le rendait pas si faible, il s'en tirerait mieux. Sache que toi et le petit parasite êtes son unique préoccupation.
Comme Lily fronçait les sourcils, autant de dégoût que d'incompréhension, il expliqua :
- Je suis entré dans son esprit. Il est trop gâté maintenant pour qu'on en fasse un Mangemort.
- Il n'aurait jamais cédé, protesta-t-elle d'une voix sèche.
- C'est bien ce que je dis. Alors Evans, qu'allons-nous faire de toi ?
Il fit un geste sec avec la baguette de la jeune femme. Elle tressaillit lorsque le trait de magie dessina une coupure peu profonde sur sa joue.
- Je pourrais te garder quelque part jusqu'à la naissance du petit traître à son sang puis l'élever comme il se doit et en faire mon digne successeur. Ce serait amusant, non ?
Comme Lily ne réagissait pas, il la visa à nouveau. Cette fois-ci, une blessure apparut au coin de ses lèvres, lui dessinant un sourire grotesque. Elle sentit le goût du sang mais ne bougea pas. Elle avait été blessée pratiquement au même endroit lors de l'enlèvement de Minchum, plus d'un an plus tôt.
- Bien sûr, il n'est pas Sang-Pur, poursuivit-il d'un ton songeur, mais l'ironie de la chose m'amuse. Le seul problème c'est que je n'aurai pas la joie de laisser Potter assister à ton agonie puisque je vais devoir le supprimer tout de suite.
Il fixa ses yeux aux prunelles presque rouges dans ceux de Lily.
- Intéressant comme la Sang-de-Bourbe m'intéresse plus que le Sang-Pur, finalement. Une idée de pourquoi, Evans ?
- Parce que je suis aussi puissante que lui et ça vous agace, lança-t-elle d'un ton féroce.
Il pencha la tête sur le côté, l'air presque intéressé.
- Je doute que tu sois, dans le fond, plus puissante que lui. Ton intelligence compense ta faiblesse magique, je dois bien l'admettre. Non, je pense que ton absurde résistance attise ma curiosité.
Lily frémit. C'était cette même résistance qui avait toujours attiré l'attention de James, lorsqu'elle était la seule fille de Poudlard à ne pas se pâmer devant les Maraudeurs. L'idée que Voldemort réagisse de la même façon, quoi que d'une manière totalement perverse, la dégoûtait. Elle n'entendait toujours aucun signe de mouvement du côté de James. A moins que Sirius ne l'ait finalement suivie, elle n'avait pas la moindre idée de la façon dont ils allaient s'en sortir.
Elle prit une profonde inspiration. Voldemort continuait à parler, à se jouer de la situation, bien conscient qu'elle n'avait pas d'échappatoire. Elle n'écoutait pas un traître mot de ce qu'il disait. Cette fois, c'était la fin. Au moins mourait-elle parce qu'elle avait essayé de sauver son mari. Si ça n'avait été de son bébé, elle aurait été en paix avec elle-même. Elle pouvait presque sentir son cœur se briser à cette simple pensée.
Ils avaient toujours su qu'ils pouvaient mourir à n'importe quel moment au service de l'Ordre. Cependant, elle n'aurait pas dû se trouver là ; sa première mission, ces derniers mois, était de protéger son bébé. Elle avait lamentablement échoué ; il ne verrait même pas le jour parce qu'elle avait été incapable d'écouter la voix de la raison. Elle n'était même plus en colère contre James : c'était leur faute, à tous les deux. Ils avaient condamné leur enfant en venant chez les Prim, l'un comme l'autre.
Une larme coula sur sa joue malgré tous ses efforts pour retenir ses pleurs. Voldemort le vit et interrompit son monologue.
- Si tu espères m'attendrir, c'est inutile, commenta-t-il. Assez joué maintenant.
Il pointa sa baguette, non pas vers elle mais vers James. La jeune femme se tourna à demi pour le voir reprendre conscience dans un sursaut. Son regard paniqué croisa la sien, il tenta de se redresser mais Voldemort le cloua au sol d'un mouvement de sa baguette à elle.
- Regarde donc ta femme et ton enfant à naître mourir, Potter !
- Quoi ? Non ! Non, Lily, vous...
Lily ne l'entendait plus. La vision brouillée par les larmes, elle fit face à Voldemort. Elle ne se posait pas de question sur la mort, sur ce que James allait souffrir aux mains de leur ennemi une fois qu'elle serait morte. Elle ne songeait qu'à son bébé, à son tout petit, minuscule bébé. Elle espérait que, quelque part dans cette petite conscience à peine éveillée, il sentait à quel point elle l'aimait, à quel point elle était désolée de ne pas pouvoir lui offrir la vie qu'il se construisait en son sein depuis quelques mois.
Voldemort leva sa baguette.
Elle voulait que son bébé vive. Elle voulait, tellement fort, qu'il vive. Mais, malgré tout son amour, elle ne pouvait plus rien.
Elle ferma les yeux.
Puis ce fut le chaos.
***
James hurlait à s'en déchirer les cordes vocales mais Lily ne semblait pas l'entendre, pas plus que Voldemort. Ils étaient perdus dans leur propre monde, liés par la conscience que l'un allait bientôt tuer l'autre. James, à la merci de la baguette de Lily pointée sur lui, n'était qu'un spectateur impuissant.
Il eut juste le temps d'apercevoir l'expression surprise de Voldemort lorsqu'une vague d'énergie pure balaya la pièce.
Le jeune homme se sentit plaqué au sol, la maison trembla sur ses fondations, le mur déjà fragilisé qui se trouvait derrière lui explosa pour de bon. Le silence revint au bout de quelques secondes. James ouvrit les yeux sur un nuage de poussière. Il se redressa aussi promptement qu'il le put malgré son corps endolori, poussé par l'énergie du désespoir. Lily. Il devait trouver Lily. Il trébucha au milieu des gravats, toussant et crachotant dans la poussière ambiante, complètement paniqué. Son pied roula sur sa baguette, qu'il s'empressa de ramasser.
Toute sa colère envers Lily n'était que le fruit de sa peur de les voir mourir, elle et le bébé. Sans cette terreur, il doutait d'être même capable de se tenir debout. Il n'avait jamais été aussi près de perdre Lily.
C'était sa faute. Merlin, s'ils étaient morts, si Lily perdait le bébé, c'était sa faute. Il s'était engagé dans ce plan complètement stupide, s'était laissé prendre. S'il perdait sa femme et son bébé parce qu'il avait voulu jouer au héros, il ne s'en remettrait pas. La gorge serrée, le cœur au bord des lèvres, il parvint à faire encore quelques pas en direction de l'endroit où il avait vu Lily juste avant l'explosion – explosion qu'il ne s'expliquait pas, mais dont il ne cherchait même pas à comprendre la cause. Tout ce qui l'intéressait était l'état dans lequel il allait retrouver Lily.
La poussière retombait ; enfin il la vit. Elle était recroquevillée sur le sol, les genoux ramenés contre son ventre et entourés de ses bras. Impossible de dire si elle était vivante. Il franchit le dernier mètre qui les séparait avec l'impression de sauter par-dessus un ravin, à la fois à cause de sa faiblesse et de la peur panique qui lui tordait les entrailles. Il se laissa tomber auprès d'elle, tapota doucement ses joues. Elle ouvrit aussitôt les yeux.
S'il n'avait pas eu conscience que Voldemort se trouvait encore dans la pièce, il se serait sans doute effondré. Il ne s'était sans doute pas écoulé deux minutes depuis qu'il avait ouvert les yeux, mais c'était déjà trop. Il s'efforça donc d'endiguer son soulagement et l'aida à se relever. Elle semblait complètement hébétée, les joues barbouillées de larmes comme de poussière. Sans se demander ce qu'il était advenu de Voldemort, James entraîna Lily vers ce qu'il restait de la cuisine, bien décidé à la sortir de là malgré ses jambes tremblantes. Ils quittèrent la maison par la porte d'entrée. Après trois tentatives pour transplaner, James parvint enfin à les emmener loin de Glasgow.
***
Lily crut qu'elle allait être malade lorsqu'ils touchèrent terre. Quant à James, il s'évanouit. Lily se laisse tomber à côté de lui, la tête entre les jambes, trop secouée pour faire autre chose que vérifier si le pouls de son mari battait régulièrement.
Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il venait de se passer. Elle n'avait fait de la magie sans baguette qu'une fois depuis son entrée à Poudlard : lorsque, après l'explosion de l'école de Yaxley, elle était tellement furieuse qu'elle avait fissuré la table de la salle de réunion. Si elle ignorait ce qu'il s'était passé chez les Prim, elle était certaine d'une chose : elle n'y était pour rien. Ce n'était pas elle qui avait déclenché cette vague d'énergie pure. Pourtant, elle s'était trouvée dans l'oeil du cyclone. Alors que tout tremblait autour d'elle, elle-même n'avait rien senti. Elle ne s'était même pas évanouie, mais, prise d'une peur irrationnelle, s'était recroquevillée au sol. Le fait que James l'ait retrouvée presque tout de suite lui suggérait que l'attaque était, malgré les apparences, essentiellement dirigée contre Voldemort. Sans cela, James se serait probablement évanoui.
Elle prit une inspiration tremblotante. Elle avait eu tellement peur. Tellement, tellement peur.
- Lily ? James ? Oh, bordel de...
Elle releva brusquement la tête et avisa le visage blême de Sirius, qui fixait James avec des yeux hantés.
- Il est vivant, s'empressa-t-elle de le rassurer d'une voix faible
- Sûre ? balbutia-t-il. Avec tout ce sang c'est difficile à dire. Par les cinq enfers mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je m'apprêtais à aller vous chercher !
Lily cligna plusieurs fois des yeux sans savoir par quoi commencer.
- Voldemort, dit-elle finalement. Il est venu... Il est venu pour achever James, et... j'étais là, alors... Le bébé, j'ai cru...
Sirius détacha enfin son regard de son meilleur ami pour considérer Lily d'un air inquiet.
- C'est bon, Lily, dit-il doucement en prenant ses deux mains dans les siennes pour l'aider à se relever. Vous êtes rentrés. C'est fini.
Comme elle chancelait légèrement, il interrogea :
- Tu peux marcher toute seule jusqu'au QG ?
Elle hocha la tête et le regarda soulever James dans ses bras. Un rire hystérique la secoua face à l'absurdité de l'image. L'expression de Sirius se fit encore plus inquiète.
- Lily ? Tu es sûre que ça va ?
Elle gloussa un peu plus fort et des larmes perlèrent au coin de ses yeux.
- Oh, Merlin... Tu... Vous... Mais quelle bande de sombres crétins ! Merlin tout puissant !
Elle tourna les talons sans lui laisser le temps de répondre, trop incertaine de ce que son état hystérique engendrerait si elle restait auprès de lui. Les voir tous les deux avaient brusquement rallumé sa colère à leur égard. Peur et colère contre le monde entier se disputaient la première place dans le chaos de ses émotions.
Une chose était certaine, elle avait vraiment très envie de pleurer.
Lorsqu'elle ouvrit grand la porte d'entrée, elle tomba nez-à-nez avec Margaret, qu'elle avait rarement vue avoir l'air aussi furieuse.
- LILY POTTER ! Hurla-t-elle. C'est la chose la plus stupide que tu aies jamais faite ! Je n'arrive pas à croire que tu te sois lancée là-dedans toute seule ! Tout ça parce que Maugrey a dit qu'il n'enverrait personne ! BORDEL, Lily !
L'état hystérique de l'accusée s'améliora grandement face à un tel déchaînement de colère venant de la part d'une personne qui n'élevait jamais la voix. Elle se contenta de fixer son amie, complètement hébétée. Les grands yeux de Margaret se remplirent soudain de larmes et elle attira Lily dans ses bras.
- On s'est tous inquiétés, renifla-t-elle alors que son amie refermait prudemment ses bras autour de sa taille. Sirius allait vous rejoindre, on a juste pris le temps de monter un plan. Merlin, Lily, mais qu'est-ce qui t'a pris ?
Pour toute réponse, Lily fondit en larmes.
Cinq minutes plus tard, elle se trouvait assise sur un lit de l'infirmerie, une tablette de chocolat entre les mains. C'était tout ce que Sirius avait trouvé à lui donner pendant que Margaret s'occupait de James. Son témoin et meilleur ami n'essayait plus de lui parler depuis qu'elle lui avait adressé un regard particulièrement meurtrier et traînait dans un coin de la pièce en jetant des regards inquiets aux Potter.
Lily ne parvenait à se concentrer sur rien ; son esprit vagabondait de l'état de James à ce qu'il s'était passé chez les Prim en passant par sa colère contre son mari, sans parvenir à se fixer sur aucun de ces trois sujets. Une pensée horrible lui vint soudain. Elle laissa tomber sa tablette de chocolat au sol et plaqua ses mains sur son ventre. Elle ne sentait pas le bébé. Il ne bougeait pas, pas d'un pouce. Habituellement, c'était l'heure à laquelle il était le plus actif. Paniquée, elle exerça une pression d'un côté. Rien ne se produisit. A nouveau au bord des larmes, elle tenta un autre endroit... Cette fois, un coup lui répondit.
- Oh, Merlin, souffla-t-elle en se penchant sur son ventre alors qu'une vague de soulagement balayait pour un instant ses autres préoccupations. Tu m'as fait peur, Bébé.
Tandis qu'elle reprenait lentement son calme, elle tenta de se concentrer sur l'une des explications qu'elle avait trouvé pour expliquer les récents événements. D'une manière ou d'une autre, son bébé les avait protégés. C'était une idée absurde, mais la magie lui avait depuis longtemps appris que tout était possible. Après tout, les bébés magiques accomplissaient parfois des choses incroyables. On disait qu'un bébé dans le ventre de sa mère ressentait ses émotions ; et s'il avait compris sa peur ? Lily n'avait jamais été aussi terrifiée de sa vie que durant ces quelques instants. Que son angoisse se soit communiquée au bébé ne l'étonnerait pas.
- Lily ?
La voix douce de Margaret la tira de ses réflexions. Son amie lui sourit.
- James sera sur pied demain. Pas au meilleur de sa forme, mais sur pied.
- Bien, marmonna Lily. Comme ça je pourrai l'étriper.
Margaret ignora son commentaire et entreprit de s'occuper d'elle.
***
Dérogeant à l'habitude, Maugrey avait exigé que Lily et James lui fassent leur rapport de vive-voix au lieu de se contenter d'une trace écrite. Ils se trouvaient donc dans le bureau de l'Auror au QG, vingt-quatre heures après les événements. James avait l'impression qu'on lui avait arraché tous les membres avant de les recoudre avec du chanvre, mais Margaret lui avait assuré que dès le lendemain il n'y paraîtrait plus. Comme Lily semblait peu décidée à ouvrir la bouche, il raconta tout à Maugrey. L'Auror l'écouta sans l'interrompre, les coudes posés sur son bureau, les doigts croisés. Il tiqua légèrement lorsque James tenta d'expliquer la vague d'énergie qui avait mis Voldemort hors d'état de nuire.
- Vous avez vraiment une chance de pendu, marmonna-t-il lorsqu'il eut terminé. Potter, je te jure que je t'aurais chassé d'Angleterre à coups de pied au cul si ça avait mal tourné.
- Parce que ça n'a pas mal tourné, peut-être, marmonna Lily.
James n'osa pas tourner la tête vers elle même si c'était les premiers mots qu'elle prononçait depuis au moins trois heures. De véritables effluves de réprobation lui parvenaient du côté de sa femme. Il serra les dents ; il avait lui aussi ses propres griefs contre elle.
- Seuls les Prim m'intéressent, rétorqua Maugrey.
A ces mots, la colère de James se dirigea vers un autre objet et il dut se retenir de ne pas saisir la plume qui traînait sur le bureau pour la planter dans la main de l'Auror. Une part de lui savait que, dans le fond, Maugrey mentait. Il se souciait du bien être des membres de l'Ordre. L'entendre traiter leur vie de façon si désinvolte restait néanmoins difficile. Il entendit d'ailleurs Lily marmonner :
- Connard insensible.
James se figea, aussi horrifié qu'amusé – et incrédule. Maugrey plissa les yeux en direction de Lily.
- Pardon ?
- J'ai dit...
Voyant que Lily semblait bien déterminer à jouer encore une fois la rebelle, James se leva dans un bruyant raclement de chaise. Maugrey ne tourna même pas la tête vers lui, trop occupé à fixer Lily comme s'il allait l'étrangler. Cette dernière fusilla son mari du regard mais se leva tout de même à son tour et sortit de la pièce sans un mot. James marmonna une vague excuse avant de s'enfuir à sa suite.
- Merlin, Lily ! Souffla-t-il alors qu'ils regagnaient la cuisine, dans un effort pour ne pas laisser exploser sa colère contre elle. Je crois que je ne t'ai jamais entendue être aussi vulgaire !
La jeune femme ne daigna pas lui accorder un regard. James prit sur lui, expira bruyamment puis demanda :
- Lily ? Est-ce que tu veux bien me parler, s'il te plaît ?
Arrivée au bas de l'escalier, elle pivota, le fixa un instant, puis gagna les étages supérieurs. James se pinça l'arête du nez et décida de prendre cela pour une invitation. Ils parleraient, qu'elle le veuille ou non. La porte qu'on lui claqua au visage ne fit pas vaciller sa détermination. Il la trouva assise sur leur lit, dos à lui. Il approcha prudemment, les mains enfoncées dans ses poches.
- Lily ? Est-ce que je peux au moins savoir ce que tu me reproches ?
Il vit ses épaules se tendre. Merlin, ce n'était pas bon signe.
- Ce que je te reproche ? Répéta-t-elle d'une voix trop calme. Eh bien, par exemple, d'avoir mis inutilement ta vie en danger d'une façon complètement stupide.
Incapable de s'en empêcher, il leva les yeux au ciel.
- On a sauvé les Prim, fit-il remarquer tout en tâchant de contrôler la colère qu'il sentait monter en lui.
- On ne t'avait rien demandé, rétorqua-t-elle, cette fois-ci en se levant.
Elle se tourna vers lui et posa les mains sur ses hanches, l'air furieuse.
- C'est le principe même de l'Ordre.
La voix de James claqua, plus sèche qu'il ne l'avait voulu – ou peut-être pas.
- Jouer au stupide héros ? Je ne crois pas, non.
- On n'a pas... Bon sang, Lily ! s'écria-t-il en fourrageant dans ses cheveux. Ce que tu peux être...
- Quoi ? l'agressa-t-elle.
- Bornée, compléta-t-il d'un ton rogue.
Elle croisa les bras au-dessus de son ventre.
- Quand j'ai raison, oui, cingla-t-elle.
Frémissant d'une rage contenue, il se rapprocha d'elle.
- Admettons, commença-t-il d'une voix tendue, admettons que tu aies raison. Est-ce que je n'ai pas, moi aussi, des raisons de penser que TU as joué au stupide héros ?
A sa plus grande satisfaction, sa résolution sembla vaciller.
- Parce que tu avais commencé, rétorqua-t-elle.
Il éclata d'un rire sans joie.
- Ça, c'était puéril. De nous deux, ce n'est pas moi qui ai fait preuve du plus de stupidité.
Comme elle ne semblait pas résolue à répondre à la provocation, il explicita entre ses dents serrées.
- Tu es enceinte, Lily. Tu n'es pas censée partir sur le terrain, bon sang !
L'apparence de calme qu'il avait réussi à s'imposer jusque-là se fissurait à vitesse grand V alors que le souvenir de l'angoisse qui l'avait terrassé chez les Prim s'imposait à lui.
- Et toi tu n'es pas censé...
- Je t'en prie ! N'essaie pas de me dire ce que je dois faire alors que tu...
- Tu aurais pu mourir là-bas ! Hurla-t-elle sans l'écouter.
- Moi ? Moi j'aurais pu mourir ? Tu sais qui aurait pu mourir ? Toi et le bébé ! Est-ce que tu te rends compte à quel point c'était stupide d'aller là-bas ?
C'était à son tour de crier. Il voyait le reflet de sa propre colère sur le visage de Lily, ce qui n'aidait en rien à le calmer.
- Et qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? Attendre qu'on me rapporte ton cadavre ?
- Laisser Sirius m'aider !
- Il refusait que j'y aille !
- A juste titre !
- Mais je n'en peux plus d'attendre, James ! Je n'en peux plus de te voir partir chaque jour, chaque satané jour que Merlin fait, en sachant que j'ai autant de chance de te voir revenir vivant que mort !
Ses yeux brillaient de larmes mais cela n'attendrit pas son mari.
- On a déjà eu cette conversation au moins un million de fois ! rugit-il. Je t'ai promis que je ferai toujours tout ce que je peux pour te revenir !
- Ce que tu peux ? Te précipiter chez les Prim sans l'ombre d'un plan, c'était faire ce que tu peux pour revenir vivant ?
- Et pourquoi est-ce que ça ne devrait me concerner que moi, hein ? Dis-moi Lily, est-ce que venir me chercher était prudent ? Est-ce que ce n'était pas dangereux ?
Les larmes dégringolèrent le long des joues de Lily. James sentit son cœur flancher.
- J'ai eu tellement peur que tu sois mort ! Rétorqua-t-elle d'une voix tremblante. Fonder une famille sans toi, ça... ça n'a pas de sens, James, je ne voulais pas...
- Tu crois que je n'ai pas eu peur ? Coupa-t-il d'une voix qui, à sa plus grande horreur, tremblotait tout autant. Quand tu étais seule face à lui, sans ta baguette, j'ai cru... (Sa voix se brisa pour de bon.) Merlin, j'ai cru que j'allais vous perdre tous les deux, et...
Un sanglot l'interrompit. Il se laissa tomber sur le bord du lit et, la tête entre les mains, poursuivit faiblement :
- Je ne te voyais pas. Dans toute cette poussière, je ne te voyais pas, je... j'ai eu tellement peur, Lily, tellement peur que...
Ses doigts saisirent les siens. Il ne s'était même pas rendu compte qu'elle s'était agenouillée devant lui, aveuglé par ses larmes. Elle écarta ses mains de son visage, glissa ses doigts dans ses cheveux et l'enlaça, sa tête posée contre la sienne.
- Je suis désolée, hoqueta-t-elle.
Incapable de répondre, il se contenta de la serrer contre lui.
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