Partie III - Chapitre 66

Chapitre 66

James roula dans l'herbe humide, hors d'haleine. Il était heureux d'avoir libéré tous les Mangemorts qu'il avait coincés derrière la double porte. Ainsi, ils avaient une chance de s'échapper. Il n'aurait pas leur mort sur la conscience.

Il resta allongé un moment, encore un peu sonné par le coup qu'il avait pris à la tête et toute l'agitation qui avait suivi. Les yeux fixés sur les étoiles, il se remémora ce qu'il s'était passé avant qu'Ethel ne tente de le tuer. Il n'arrivait pas à décider si elle avait fait exprès de le manquer. Même si c'était le cas, le fait est qu'elle s'en était prise à lui. Elle avait trahi. La débâcle de la nuit écoulée était probablement sa faute.

Il s'assit alors que les autres membres de l'Ordre transplanaient non loin de lui. Sirius allait arriver et ils allaient devoir expliquer ce qu'il s'était passé avec Ethel. Le cœur gros, il chercha son meilleur ami du regard, mais il ne distinguait que des silhouettes. L'une d'elle s'avança vers lui. Lorsqu'elle fut tout près, il reconnut Remus, qui lui tendait la main. James s'agrippa à son avant-bras de sa main valide et Remus le hissa debout avant de le serrer dans ses bras.

- Les Maraudeurs en ont encore tous réchappés, commenta le lycanthrope en s'écartant, l'ombre d'un sourire désabusé sur les lèvres. On ne s'en sortira pas toujours à si bon compte.

- C'est sûr qu'à force de jouer avec la chance... Tu as vu Sirius ?

- Avec Peter, de ce côté-là, indiqua-t-il.

- On y va ?

Remus acquiesça sombrement. Autour d'eux, les autres membres de l'Ordre échangeaient à voix basse et commençaient à se diriger vers le QG en soutenant ceux qui étaient le plus gravement blessés. James doutait que l'un d'entre eux soit parfaitement indemne. Lui-même souffrait de diverses blessures, coupures et brûlures qu'il avait à peine senties dans le feu de l'action mais qui se rappelaient douloureusement à lui. Son bras droit était toujours inerte. Il ne le sentait même pas. Il trébucha sur son genou blessé et jura tout bas. Remus avançait le dos courbé.

Lorsqu'ils rejoignirent Sirius et Peter, le premier était occupé à bander l'épaule du second. Inquiets, leurs deux amis s'agenouillèrent.

- Un Mangemort l'a attaqué au moment où il transplanait, grogna Sirius tout en déchirant une nouvelle bande de son t-shirt. Ça pisse le sang.

Peter gémit lorsqu'il entoura une dernière fois son épaule de tissu. Il semblait à demi-conscient.

- On va te porter jusqu'au QG, lui dit doucement James. Dans dix minutes ça ira mieux.

- Pas toi, protesta Remus. Tu vas t'écrouler sous son poids, avec ton genou. Et tu as déjà porté une quinzaine de Mangemorts. Je vais le faire.

- Pourquoi ne pas utiliser la magie ? Protesta Sirius.

- Parce que c'est très inconfortable. Allez, aide-moi.

Malgré les récriminations de Sirius, ils aidèrent le petit blond à monter sur le dos de Remus. Le groupe partit vers le QG, bon dernier. Plusieurs fenêtres étaient toujours illuminées malgré l'heure tardive. Sirius traînait derrière. Intrigué, James l'attendit. Lorsqu'ils furent quelques mètres derrière Remus et Peter, son ami lança :

- Je suis désolé, James. J'aurais dû le voir. Si tu ... si tu étais mort, ça aurait été entièrement ma faute.

- S'il y a un coupable à trouver, ça ne peut être qu'Ethel, rétorqua James d'une voix ferme après un instant de surprise.

- Mais...

- Je vais bien, coupa-t-il. C'est toi qui m'intéresses.

Dans le noir, l'expression de Sirius était impossible à déchiffrer. Il enfonça ses mains dans ses poches et accéléra le pas sans un mot. James suivit sans protester. Sirius avait toujours eu du mal à formuler ses sentiments et le forcer était inutile. Il parlerait lorsqu'il s'en sentirait capable. James espérait juste que la haine ne le rongerait pas trop d'ici là. Il avait une certaine tendance à l'auto-destruction lorsqu'il était particulièrement en colère.

L'objet de ses préoccupations avait rejoint Remus et venait de lui ouvrir la porte. A la lumière qui émanait du salon, James vit tout le sang dont Peter était couvert et frémit. Il s'empressa d'entrer à son tour.

***

Lily et Alice ne dormaient pas. Elles échangeaient des idées de prénoms en bâillant, assise sur le lit de Lily, lorsque des voix leur parvinrent de l'extérieur. Alice se précipita à la fenêtre.

- Ce sont eux !

- Oh Merlin...

Lily sauta du lit, longea le couloir à grandes enjambées et dévala l'escalier, Alice sur les talons. Elle ouvrit la porte d'entrée au moment où Marlène arrivait, un Martin à demi-conscient appuyé sur elle.

- On va avoir besoin de toi à l'infirmerie, l'informa la Sorcière sans lui laisser de temps de demander quoi que ce soit.

Elle les doubla sans rien ajouter et gagna le premier étage. Inquiètes, les deux jeunes femmes regardèrent les autres membres défiler, tous en piteux état. Frank ne tarda pas à arriver et Alice se jeta dans ses bras. Lily entreprit d'examiner les Sorciers épuisés qui se laissaient tomber sur les canapés afin de déterminer qui avait le plus urgemment besoin de soin. William lui adressa un pâle sourire, auquel elle répondit par un regard inquiet.

- Tu es blessé ?

- Je crois que je me suis foulé la cheville... Pour le reste ça va.

Il se mordilla la lèvre avant de demander :

- Est-ce qu'on t'a dit ? Pour Sally ?

Lily eut le réflexe de la chercher du regard mais William l'interrompit dans sa quête.

- Elle a été tuée quelques minutes avant qu'on ne quitte le manoir.

La jeune femme ferma un instant les yeux puis demanda dans un murmure :

- Est-ce que ça a servi à quelque chose ?

- Non.

L'affirmation fut aussi douloureuse pour l'un que pour l'autre, aussi Lily fut-elle heureuse de voir son attention détournée par l'arrivée de Remus, un Peter couvert de sang sur le dos. Horrifiée, elle les envoya aussitôt vers l'infirmerie. Benjy, malgré une épaule probablement luxée et des pertes de sang considérables, l'aida. Sirius, uniquement vêtu d'un sweat ouvert sur son torse nu, les regarda partir, l'air sombre. Lily grimaça en avisant les bords d'une brûlure sur sa poitrine. Il suivit son regard et haussa les épaules.

- C'est rien, marmonna-t-il.

- Ça ne m'empêchera pas de m'occuper de toi, menaça-t-elle. Où est ton t-shirt ?

- Sur le bras de Peter.

- Oh.

Son regard fit le tour de la pièce. Elle osa finalement demander d'une voix tremblante :

- Où est James ?

- Il arrive. Il va bien.

Il avait à peine fini de parler que le jeune homme entra. Son bras droit pendait contre son flanc et il avait le visage couvert de sang. Malgré cela, il lui sourit. Elle le rejoignit pour le serrer précautionneusement contre elle. Il sentait la sueur, le sang et la poussière.

- En pleine forme, tu vois, dit-il d'une voix fatiguée tout en refermant son bras valide autour de sa taille.

- C'est ça, ouais, marmonna-t-elle, la tête posée dans le creux de son épaule.

- Est-ce qu'on t'a un peu raconté ?

Lily s'écarta avec un soupir. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû prendre le temps de rester avec James alors que tout le monde avait besoin de soins mais c'était plus fort qu'elle.

- William m'a dit pour Sally.

- Mais pas... Pas pour Ethel ?

- Ethel ? Je pensais qu'elle était derrière toi. Qu'est-ce que...

- Elle est morte. Enfin, sans doute.

Lily ouvrit de grands yeux horrifiés.

- Comment... ? Sirius...

James prit une profonde inspiration tremblotante puis articula péniblement :

- Ce n'est pas tout. Elle... C'était un piège. Tout ce qu'il s'est passé cette nuit. Ethel nous a trahis.

Lily ne put que le dévisager bouche bée, les doigts crispés sur ses vêtements poussiéreux et tachés de sang.

- Il faut... Il faut que j'y aille, balbutia-elle. Aider les autres. Je...

Sans terminer sa phrase, elle lâcha son mari et gagna l'infirmerie, le cœur lourd. Quand William lui avait annoncé que la mission avait été un échec, elle était loin d'imaginer une telle chose. Elle rejoignit Marlène à l'étage supérieur et elles s'occupèrent ensemble des blessés. L'activité détourna l'esprit de Lily de la trahison d'Ethel mais l'arrivée de Sirius dans la pièce l'y ramena brutalement. Il était dans les derniers à se faire soigner. Restaient seulement Gideon, Fabian et James.

Sirius s'assit sur le lit devant elle, impassible. Il était pâle et avait les yeux cernés, comme tous les autres. Elle le soigna sans rien dire, parce qu'elle était trop épuisée pour parler mais surtout parce qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait bien lui dire. Il avait tant lutté pour obtenir l'attention d'Ethel, tant cherché son amour. Lily ne pouvait s'empêcher de se demander si elle avait feint d'aimer Sirius, si tout n'avait été qu'une vaste mascarade destinée à les mener dans ce piège. Si elle se posait la question, il était certain que c'était également le cas de Sirius.

Elle banda son torse puis leva les yeux vers son visage. Il fixait le vide, la mâchoire crispée. La fatigue combinée au choc fit monter en Lily une irrépressible envie de pleurer, qu'elle cacha en prenant Sirius dans ses bras. D'abord surpris, il lui rendit néanmoins son étreinte. Elle voulait tant qu'il sache que James et elle étaient et seraient toujours à ses côtés. Mais elle savait aussi que ce ne serait jamais tout à fait assez. Il voulait l'amour d'une femme, comme il avait sans doute autrefois voulu l'amour de sa famille, mais cela lui était encore une fois arraché.

- Je t'ai déjà dit que j'étais contre les câlins, Potter, plaisanta-t-il doucement.

- C'est toi qui m'en as fait un la première fois, rappela-t-elle à mi-voix.

- C'est vrai ? J'avais oublié. Il faut croire que tu m'aies sympathique.

Elle sourit puis s'écarta, les mains posées sur ses épaules. Il lui adressa également un minuscule sourire, sans doute le mieux qu'il puisse faire. Il ne lui demanda pas si elle était au courant mais se contenta de presser la main posée sur son épaule.

- Merci, Lily, dit-il finalement sans qu'elle sache s'il parlait des soins ou de son étreinte.

- Tu devrais aller te coucher.

- Tu n'aurais pas une potion, ou...

- Toutes celles que je t'ai fait essayer ont échoué, rappela-t-elle. Mais on peut toujours réessayer.

Elle fouilla dans une armoire avant de lui tendre une fiole remplie d'un liquide violet. Il la remercia d'un hochement de tête et sortit en traînant les pieds. Lily espérait de tout cœur que le somnifère fonctionnerait. Sinon, elle risquait de le retrouver ivre mort le lendemain matin. James lui avait raconté qu'ils s'étaient saoulés après la mort de Regulus. Bien qu'elle trouvât l'idée stupide, elle n'avait aucun droit de s'assurer que Sirius ne viderait pas une bouteille de whisky tout seul. Il était adulte et... eh bien, peut-être avait-il droit à une nuit d'oubli.

Elle soupira en se massant la nuque, les yeux fermés. Les semaines à venir allaient être difficile. Lorsqu'elle rouvrit les paupières, Marlène lui sourit.

- Je me suis occupée des Prewett. Tu peux aller te coucher. C'est ce que je vais faire, en tout cas.

- James n'est pas venu ?

- Non.

Perplexe, Lily la remercie et gagna l'étage supérieur. James n'était pas non plus dans leur chambre. Elle s'approcha de la salle de bain et perçut le bruit de l'eau qui coulait.

- James ? Appela-t-elle en frappant. C'est toi ?

- Ouais.

Elle appuya sur la poignée et la porte s'ouvrit sans difficulté. La pièce baignait dans un nuage de brume. James se tenait sous la pomme de douche, les yeux fermés. L'eau dégoulinait sur son corps immobile. Après un instant d'hésitation, Lily ôta ses vêtements et le rejoignit.

***

- Sérieusement, je ne comprends pas comment tu as pu prendre une douche avec toutes ces blessures. Ça a dû faire un mal de chien.

James grimaça quand Lily appliqua une pommade puis un bandage sur son tibia.

- Ça faisait déjà mal au départ. Je n'ai pas tellement senti de différence.

Il était assis sur leur lit, une serviette nouée autour de la taille. Lily, enveloppée dans un peignoir, considéra son corps couvert de compresses et onguents divers avec réprobation.

- Tu as de la chance que ta blessure à la tête ne se soit pas rouverte. On se serait retrouvé dans une mauvaise adaptation de Psychose.

- De quoi ?

- Un film moldu. Il y autre chose ?

- Mon dos, avoua-t-il avec une grimace. J'ai porté pas mal de... choses.

- Très bien, soupira Lily. Je vais chercher une pommade à l'infirmerie, je reviens. Mais ensuite tu as intérêt à me raconter dans le détail ce qu'il s'est passé.

James hocha la tête sans piper mot. Il ne lui avait toujours pas dit qu'Ethel avait essayé de le tuer. Il fit jouer son bras droit devant lui. Margaret avait trouvé le contre-sort en un rien de temps, avant qu'il ne s'éclipse pour attendre que Lily ait fini. Il aurait probablement souffert moins longtemps s'il s'était rendu à l'infirmerie comme tous les autres mais il voulait avoir sa femme rien que pour lui.

Lily revint et lui demanda de s'allonger sur le ventre pour qu'elle puisse le masser. C'était une routine dont ils avaient l'habitude depuis l'année précédente. James souffrait régulièrement de douleurs dans le dos depuis son plongeon de la falaise et les multiples trajets de la nuit passée exécutés avec un Mangemort sur le dos n'avaient rien arrangé. Alors qu'elle laissait courir ses mains le long de sa colonne vertébrale, il lui raconta la nuit passée. Il butait sur les mots, gêné par le fait qu'il ignorait ce qu'il s'était réellement passé cette nuit-là. Chacun avait lutté pour sa peau, jusqu'à ce que Remus et Sirius ordonnent à tout le monde de quitter les lieux car le manoir risquait d'exploser. Il n'avait pas la moindre idée de la façon dont ils avaient appris cela, pas plus qu'il ne savait ce qu'avait fait Ethel pendant toute l'attaque, ni pourquoi elle s'en était prise à lui.

Arrivé à cette partie du récit, il se tendit. Lily ne manqua pas de le remarquer et posa sa main à plat sur son dos avant d'interroger :

- James ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Ethel a essayé de me tuer, avoua-t-il finalement.

Les doigts de Lily se crispèrent sur sa peau.

- Quoi ?

- Le sortilège est passé au-dessus de ma tête.

- Quel sortilège ?

- Lily...

- Elle t'a lancé un Avada Kedavra ?

James se retourna avec un soupir pour regarder sa femme. Lily était encore plus pâle que précédemment, même si deux taches rouges dues à la colère coloraient ses joues.

- Oui, admit-il. Mais je pense qu'elle a fait exprès de me rater. Elle était à deux mètres de moi, il n'y avait aucune chance qu'elle ne me touche pas.

Lily prit une profonde inspiration avant de répondre d'une voix crispée :

- Parce que ça change quelque chose pour toi ? Je me contrefous qu'elle ait fait exprès de viser au-dessus de tête.

Il se redressa avec une grimace pour prendre sa main dans la sienne.

- De toute façon, elle est sans doute morte. Ça ne fait aucune différence maintenant.

- Comment ça, « sans doute » ?

- Sirius a tout vu. D'après ce que j'ai compris, il l'a propulsée à l'autre bout de la pièce et elle ne s'est pas relevée. Elle y était toujours quand nous sommes partis.

La colère céda la place à l'horreur sur le visage de Lily.

- Tu veux dire que Sirius...

- Je ne sais pas, coupa-t-il. Elle était peut-être seulement inconsciente. Mais si personne ne l'a sortie de là, alors...

- Oh Merlin...

Lily ôta sa main de celle de James pour se redresser et faire les cent pas dans la pièce.

- Ça fait... trop d'un coup, avoua-t-elle. Merlin, je...

- Ce n'est pas la peine d'y penser maintenant, dit-il doucement. Il est quatre heures du matin, Lily.

- Et on a encore essayé de te tuer, répliqua-t-elle, les bras croisés sur sa poitrine.

- Exactement, et j'ai besoin de toi pour me soutenir psychologiquement. Allez, viens-là, ajouta-t-il en tapotant le matelas près de lui.

Elle s'exécuta avec un soupir. Lorsqu'elle fut allongée contre lui, il sourit contre sa tempe.

- Tu sais, c'est pour ça que je suis content que tu sois restée ici. Pas seulement parce que je te savais en sécurité, mais parce que je suis celui qui a le plus besoin de réconfort. Tu vas être obligée de t'occuper de moi, conclut-il joyeusement.

- Je ne te laisserai plus jamais quitter ce manoir, prévint-elle.

- Dans tes rêves.

Elle lui donna une petite tape sur le ventre.

- Tu es un aimant à problème.

- Il paraît, ouais. Eh, Lily ?

- Hmm ?

James ferma les yeux, le ventre tordu par le chagrin et sa colère envers Ethel.

- Je n'ai pas la moindre idée de ce que je dois dire à Sirius.

- C'est toi l'expert, murmura-t-elle. Je n'en sais rien non plus.

- En fait, j'ai plutôt peur de sa réaction. Comme quand il a appris pour le bébé. Il a ... Il a encore perdu quelqu'un qu'il aimait, et moi j'ai ma famille. Je n'ai pas envie de lui étaler ça sous le nez.

- On n'y peut rien, James, répondit-elle doucement. Les choses sont ce qu'elles sont et tu n'as pas à te sentir coupable parce que tu as une famille.

- Peut-être... Peut-être, mais je ne peux pas comprendre, et il le sait très bien.

- Eh, arrête de torturer l'esprit. Vous êtes là pour lui, les Maraudeurs et toi. C'est tout ce qui compte.

James rabattit la couverture sur eux avec un soupir. Dans le fond, il savait que Lily avait raison. Être présent aux côtés de Sirius était le plus important. Néanmoins il aurait aimé l'aider à l'instant, faire en sorte que les choses aillent déjà mieux.

Lily éteignit la lumière d'un coup de baguette magique. Il sursauta légèrement et elle glissa ses doigts entre les siens.

- Ça va aller ?

- Je ne sais pas.

- Réveille-moi si tu n'arrives pas à dormir. Je te tiendrai compagnie.

- Hors de question.

- Imbécile borné, marmonna-t-elle.

- Heureusement que je ne suis pas mort, tu n'aurais plus eu personne sur qui exercer ton art de l'insulte.

Elle aurait sans doute ri si un bâillement ne l'avait pas interrompue. James mourait d'envie de prolonger la conversation mais il se retint. Il cherchait simplement à retarder le moment de s'endormir, car il savait d'expérience qu'avec le sommeil viendraient les souvenirs de la bataille. Il allait glisser vers le sommeil puis le souvenir de la porte qui explose le réveillerait. Cependant, Lily n'avait pas à en faire les frais. A en juger par sa respiration, sans doute dormait-elle déjà. Allongé dans le noir, les yeux grands ouverts, il n'arrivait à penser qu'à Sirius et Ethel.

***

Sirius s'immobilisa devant la porte de la salle de réunion. Il n'avait aucune envie d'entrer. Benjy les avait tous convoqués pour qu'ils tentent de comprendre ce qu'il s'était passé la nuit précédente ; on allait l'interroger sur Ethel, le considérer avec pitié, éviter son regard. Il ne voulait pas de ça.

Il prit une profonde inspiration et passa la main dans ses cheveux. Il n'avait pas dormi de la nuit, malgré la potion de Lily, aussi ses blessures n'avaient-elles pas cicatrisé correctement. Pour ne rien arranger, il avait les yeux injectés de sang à cause du manque de sommeil. Les autres membres allaient sans doute croire qu'il avait la gueule de bois.

- Patmol ?

Sirius adressa un regard sombre à James, qui se contenta de désigner la porte.

- Tu comptes entrer ?

- 'Sais pas.

- Je peux leur dire que tu dors, proposa-t-il.

- James, qu'est-ce que tu fais encore là ? Benjy a dit quinze heures et on est déjà en ret...

Lily s'interrompit en avisant Sirius. Elle était trop occupée à tenter d'ajuster son pantalon de grossesse pour le remarquer plus tôt.

- Salut Sirius, sourit-elle.

Il ne put s'empêcher de faire de même. Malgré la nuit passée, elle avait bonne mine. La grossesse avait légèrement arrondi son visage, ce qui lui conférait un air de bonne santé permanent.

- Allez-y, dit-il finalement. Je vous rejoindrai... peut-être.

- On ira faire un tour après, si tu veux, proposa James.

- Moto ?

- Ou...

Sirius hocha la tête pour indiquer qu'il avait compris puis il les laisse entrer. Lorsqu'ils ouvrirent la porte, le brouhaha qui régnait dans la salle leur parvint. Lily grimaça mais s'avança courageusement, suivie de James. Ce dernier adressa un dernier regard à son meilleur ami avant de refermer le battant.

Il resta encore quelques secondes devant la porte close avant de s'éloigner à grandes enjambées. Il ne voulait pas savoir ce que Remus avait à raconter sur Ethel. Il ne voulait pas faire face à leur dégoût et leurs accusations, pas quand il se fichait éperdument de l'Ordre et ne pensait qu'à lui. C'était probablement égoïste, mais il ne pouvait faire autrement. De plus, tout l'Ordre se souciait déjà de découvrir quelles informations elle avait divulgué et depuis combien de temps elle était un agent double. Ils n'avaient pas besoin de lui pour ça.

Le jeune homme quitta l'atmosphère étouffante du QG pour rejoindre la moto. Il ignorait à quel moment elle avait cessé d'être à James et lui pour lui appartenir uniquement, mais tel était le cas. Il n'avait pourtant rien demandé à James, qui avait peu à peu commencé à la considérer comme la propriété de son ami.

Les Maraudeurs étaient les personnes qui comptaient le plus au monde pour lui. Ethel le savait. Elle le savait très bien et ça ne l'avait pas empêché d'essayer de tuer James. La même colère que celle qui l'avait saisi lorsqu'il avait assisté à la scène l'envahit. Il envoya son poing dans l'arbre le plus proche avec un cri de rage et en tira une certaine satisfaction, malgré la douleur. Mais le sentiment ne dura pas ; alors qu'il fixait le tronc en se frottant la main, la question qu'il s'était posé toute la nuit revint le hanter. Avait-il tué Ethel ? Il était à peu près sûr de la réponse, car même s'il ne l'avait pas tuée sur le coup, il était responsable de sa mort. Il l'avait aperçue avant de transplaner, toujours écroulée au même endroit.

Avec un grognement de frustration, il fit volte-face, enfourcha la moto et mit les gaz. Le manoir ne tarda pas à disparaître derrière lui. La poussière volait autour de lui alors qu'il filait à toute allure sur les petites routes boueuses de Cornouailles. Il évita de justesse un tracteur avant de prendre un virage serré qui l'amena sur un chemin de terre. Il ne ralentit pas malgré les cahots et atteignit finalement un bosquet. Il arrêta là la moto, la poussa à l'abri des regards puis emprunta le sentier qui serpentait à travers les arbres. Enfin, il aperçut la mer. Il y avait des moyens bien plus simple de l'atteindre depuis le QG mais Sirius aimait particulièrement cet endroit car il était à l'écart de tout.

Il s'assit en tailleur au bord de la falaise et enfouit son visage entre ses mains. S'il n'avait pas ressenti autant de haine envers Ethel, il aurait sans doute pleuré. Mais le dégoût face à sa trahison prenait le pas sur la douleur de la perte. Elle était morte à ses yeux au moment il avait compris qu'elle avait trahi. Sa mort physique ne changeait rien.

Une larme glissa malgré tout entre ses doigts. Après un instant d'étonnement, il réalisa qu'elle n'était pas due à la mort d'Ethel. Elle était due à la solitude dans laquelle sa mort le plongeait à nouveau. Quand il était plus jeune, il rêvait d'avoir une famille. Ses parents ne pouvaient pas lui offrir cela, mais il avait cru jusqu'à ses douze ans que Regulus serait sa famille. Passé dix-sept ans, il s'était imaginé fonder un jour sa propre famille. Il n'en avait jamais rien dit à ses amis, parce que lui-même se trouvait ridicule. Il n'avait jamais été ce genre de personne – ou du moins ne l'avait jamais montré. Mais dans le fond, c'était ce qu'il avait toujours voulu. Une famille. Il ignorait où ils allaient, avec Ethel, mais c'était la première fois de sa vie qu'il vivait une relation suivie. Il s'était dit que, peut-être, un jour...

Mais encore une fois, le rêve s'écroulait. Bien sûr, il avait les Maraudeurs. Même s'ils formaient comme une famille, ça ne pouvait pas être la même chose. Il suffisait de regarder James. Il était bien plus heureux depuis qu'il était avec Lily. Il avait toujours été un garçon joyeux - voire même trop – mais Lily lui apportait le bonheur, le vrai. Quelque chose de bien plus profond que la joie. Même la guerre ne parvenait pas tout à fait à éclipser cela.

Il choisit une position plus confortable et finit par s'endormir à même le sol, bercé par le bruit du ressac.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, transi, une conversation lui parvint. Perdu, il se redressa avec un grognement. Un feu de camp brillait non loin de lui, projetant une claire lumière dans le crépuscule. Peter, Remus et James étaient assis autour.

- Je te proposerai bien une bière, lança Peter, mais je ne suis pas sûr que tu en meures d'envie là tout de suite.

- Sans blague, marmonna Sirius.

Il se frotta les yeux et s'assit près d'eux, toujours confus.

- Qu'est-ce que vous faites-là ?

- On s'inquiétait de ne pas te voir revenir alors on a lancé Cornedrue et Queudver sur tes traces, répondit James avant de taper dans la main de Peter.

- Et je les ai suivis à pied, compléta Remus. Autant te dire qu'ils sont arrivés bien avant moi.

- Même Queudver ?

- Monté sur le dos de Cornedrue. C'est bien la chose la plus absurde que j'aie jamais vue.

- Comment s'est passée la réunion ? Interrogea Sirius dans un bâillement.

- Oh, comme d'habitude. Tout le monde parlait en même temps, Frank a dit plein de choses alarmantes, Lily a beaucoup levé les yeux au ciel, Benjy a fait des remarques sarcastiques, Gideon a engueulé tout le monde et les autres ont tout écouté avec un air consterné, résuma Peter.

Remus et James pouffèrent en entendant sa description mais Sirius ne réagit pas. Il s'éclaircit finalement la gorge pour demander :

- Est-ce qu'on me... soupçonne de complicité ?

- QUOI ?

Ses trois amis avaient réagi en même temps et le dévisageaient à présent, stupéfaits.

- Ça ne paraît pas si..., commença Sirius avant que Remus ne lui assène une tape à l'arrière du crâne.

- Bien sûr que c'est absurde !

- T'étais pas obligé de me frapper, geignit son ami.

- Je ne peux pas m'en empêcher quand tu dis des trucs débiles, rétorqua-t-il. Ça n'a traversé l'esprit de personne, d'accord ? Je te le jure.

Sirius se sentit aussitôt soulagé. Il attrapa la gourde que lui tendait James – la bière au réveil n'était pas trop son truc – et en avala une longue gorgée.

- Et alors, reprit-il, qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

- On fait cuir les brochettes que Lily nous a données ? Proposa Peter.

- Non je veux dire... Pour la guerre.

Il était à peu près sûr qu'ils avaient parfaitement compris mais préféraient ignorer la question. Les trois autres échangèrent un regard sombre puis James prit la parole :

- On se méfie de tout le monde. Y compris au sein de l'Ordre. Les consignes n'émaneront plus que de Maugrey et seront adressées directement à la personne concernée.

- Donc Voldemort a réussi, conclut Sirius. Il nous a monté les uns contre les autres.

- Disons que ça dépend pour qui, corrigea Remus en levant sa bière vers ses amis. Aux Maraudeurs, qui ont toujours détesté le principe même de « vigilance constante » !

Les autres levèrent leur bières et gourde avec un sourire. Pourtant, ils avaient bien conscience que la situation n'avait rien de risible.

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