Partie III - Chapitre 62

Chapitre 62

Le centre de la ville était calme. Il y avait peu de passants, sans doute à cause de la pluie fine qui ne cessait de tomber. Sirius avait cessé d'y faire attention depuis plusieurs heures déjà et déambulait tête nue, les cheveux aussi trempés que sa cape. A ses côtés, Remus frissonnait, transi jusqu'aux os.

- Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de suspect ici, commenta-t-il pour la cinquième fois.

- Ordre de mission, Remus, rétorqua Sirius avec lassitude. Je ne pensais pas qu'un jour ce serait à moi de te demander de suivre le règlement.

- Il pleut.

- Tu n'es pas en sucre.

Remus tira sur les bords de sa capuche pour lui jeter un regard en biais.

- Quelque chose ne va pas ?

Son ami passa une main dans ses cheveux trempés et rabattit quelques mèches trop longues en arrière. Il ne les avait pas coupés depuis le mariage de Lily et James. Il soupira profondément, les yeux fixés droits devant lui, avant de lâcher :

- Ethel.

- Elle ne s'est pas remise de l'attaque sur le Chemin de Traverse ?

- Non, ce n'est pas ça. Elle... Elle est redevenue comme avant. Avant qu'elle ne me fasse confiance.

- C'est peut-être juste un coup de déprime. C'est dur pour tout le monde, en ce moment. Laisse-lui un peu de temps.

- Je ne sais pas lâcher l'affaire, tu le sais très bien. J'ai l'impression de la harceler en permanence pour obtenir un sourire.

- C'est probablement contre-productif et tu le sais.

- Très intéressant comme remarque, Lunard. Ça m'aide.

- Le mauvais esprit c'est précieux aussi, répliqua-t-il.

Ils se fusillèrent du regard, aussi agacé l'un que l'autre.

- Tu as raison, répondit finalement Sirius, on ferait mieux de rentrer.

- Quoi ? Non, je me plaignais juste mais... Sirius, attends !

Le jeune homme était déjà parti à grands pas pour trouver un endroit tranquille où transplaner. Il finit par s'arrêter mais resta dos à Remus.

- Je suis désolé, d'accord ? Soupira celui-ci. Je sais que ça ne t'aide pas mais je ne connais pas bien Ethel.

- Parce que tu n'as jamais fait l'effort d'aller vers elle, grinça Sirius en se tournant lentement.

- Pas du tout ! S'offusqua-t-il. Je lui parle beaucoup plus que ... Que James par exemple ! Merlin, je veux bien faire des efforts mais si tu n'en fais pas de ton côté ça ne sert à rien.

Les deux garçons s'affrontèrent du regard mais Sirius finit par capituler.

- Je suis désolé, marmonna-t-il.

Il reprit sa ronde dans la ville, Remus sur ses talons. La distance qu'il maintenait entre eux renseigna bien Remus sur son état d'esprit, mais il ne fit aucun commentaire. Il était d'une humeur massacrante, mais pas nécessairement en colère contre lui. Alors qu'ils repassaient par la place du village pour la dixième fois, Sirius lança :

- Si je trouve qui lui a fait ça, je le tuerai.

- Tu sais bien que ce n'est pas une solution, soupira Remus tout en laissant retomber sa capuche pour mieux entendre ce que grommelait Sirius.

- Bien sûr que si. Quand tu tues quelqu'un, il ne peut plus faire de mal.

- Sirius, ne plaisante pas avec ça. On a suffisamment d'ennuis comme ça. Tu n'as pas lu cet article sur l'attaque à Pré-au-Lard ? Apparemment « l'arme secrète » du Ministre serait responsable.

- Je ne plaisante pas. La seule chose qui m'empêche de le traquer c'est qu'Ethel a à peine vu son visage.

Remus lui attrapa le bras pour l'obliger à se retourner. Son ami affichait un air borné qui lui déplaisait au plus haut point.

- Tu ne tueras pas ce Mangemort, gronda-t-il.

- Et qui es-tu pour m'en empêcher ?

- Ton ami ! Merlin, Sirius ! Tu crois que ça va arranger les choses ? Tu crois que le tuer te fera te sentir mieux ?

- Parfaitement !

- Est-ce que tuer l'assassin de Jenny a aidé ?

- Oh, tu n'imagines pas à quel point.

Remus le lâcha, choqué. Sirius croisa les bras sur sa poitrine, le visage fermé.

- On ne gagnera pas cette guerre à coups d'Expelliarmus et de Stupefix, reprit-il. Benjy l'a bien compris, lui. Tant qu'on ne jouera pas sur le même terrain qu'eux on ne pourra rien faire pour les contrer.

- Benjy déteste utiliser la magie noire ! Ça le dégoûte !

- Et tu crois que ça ne me dégoûte pas ? Mais parfois il faut savoir se sacrifier pour les autres. Si je dois jouer ma liberté pour en terminer avec Voldemort, alors qu'il en soit ainsi.

- Ta liberté ? C'est bien plus que ta liberté ! C'est une question d'intégrité ! Comment est-ce que tu peux envisager de ...

- Peut-être que l'intégrité est seulement un prétexte de lâche, coupa Sirius d'une voix glaciale.

Bouche bée, Remus le dévisagea sans répondre. Il ne reconnaissait plus son ami. Il avait bien conscience que la guerre les avait tous changés, mais Sirius dépassait les bornes. Conscient que s'il restait près de lui, il risquait de le comparer à sa famille, il fit volte-face et quitta la rue principale. Un coup d'œil en arrière lui permit de constater que Sirius ne le suivait pas. Lorsqu'il se trouva hors de vue d'éventuels passants, il pivota sur lui-même et transplana.

***

Le manoir était silencieux. Les quelques membres présents dormaient profondément, épuisés par leur mission. D'autres rentreraient sans doute au cours de la nuit. Lily laissa donc des restes du dîner sur la table, auprès d'une pile d'assiettes et de couverts. L'horloge sonna une heure, aussi reposa-t-elle son troisième tricot raté sur la table. Elle allait devoir se résigner à aller se coucher même si James n'était pas encore de retour. L'arrivée de Sally, dix minutes plus tôt, lui avait causé un faux espoir.

Elle laissa une lampe allumée dans le salon et monta sans bruit les marches, évitant soigneusement celles qui craquaient le plus fort. Elle voulut faire de même dans le couloir du deuxième étage mais des sanglots lui parvinrent, la détournant de son objectif. Elle tendit l'oreille pour en identifier la provenance et se laissa guider jusqu'à la deuxième porte sur sa gauche, qui était entrouverte. C'était la chambre d'Amanda, qui n'avait pas quitté le manoir de la journée car elle était trop faible. Elle poussa le battant. Eclairée seulement par la faible lueur de sa baguette, Sally était prostrée sur le bord du lit, secouée de sanglots. Amanda, dont Lily apercevait vaguement la silhouette, ne bougeait pas. La gorge serrée, Lily s'approcha sans même que Sally lui prête attention. Elle chercha doucement le pouls de la jeune fille mais fut incapable de le trouver. Le maléfice qui la rongeait avait fini par avoir raison d'elle.

Le réveil fut douloureux pour tout le monde. La nouvelle de la mort d'Amanda circula à toute vitesse et, à dix heures du matin, Marlène McKinnon vint chercher son corps pour qu'il soit rendu à sa famille. Sally était inconsolable et le QG était plongé dans une ambiance morose. Les mauvaises nouvelles s'enchaînaient à une vitesse effroyable. La mauvaise opinion d'eux qu'avait la Gazette du Sorcier ne les aidait en rien. Se faire le plus discrets possible était redevenu leur but. Ils aidaient dans l'ombre, du mieux qu'ils pouvaient, mais ils avaient tous conscience que c'était insuffisant. Le tableau disposé dans la salle de réunion se remplissait trop lentement à leur goût. Peu à peu, ils reconstituaient des réseaux de Mangemorts, mais chaque information était obtenue de haute lutte. Le nombre total de blessures pour le mois de février était plus élevé que pour les deux mois précédents mis ensemble.

Le lendemain de la mort d'Amanda, tout le monde partit en mission pour se changer les idées. Lily, restée seule, entreprit de défaire son tricot pour en commencer un autre. Assise dans la cuisine, une tasse de thé près d'elle, elle louchait sur son manuel pour essayer de comprendre ce qu'elle faisait de mal. James ne cessait de se moquer d'elle car elle connaissait a priori par cœur la théorie mais était incapable de la mettre en pratique.

La porte de la cuisine s'ouvrit et elle releva la tête, surprise. Elle n'attendait personne avant plusieurs heures. De fait, ce n'était pas un habitant du QG qui se tenait dans l'encadrement de la porte mais Albus Dumbledore en personne.

- Bien le bonjour, Lily, salua-t-il chaleureusement tout en ôtant sa cape trempée pour la poser sur une chaise. J'espère que je ne vous dérange pas !

- Pas du tout, bégaya-t-elle. Asseyez-vous, je vous en prie.

- Vous êtes seule ?

- Tout le monde est parti, confirma-t-elle alors que Dumbledore agitait sa baguette pour qu'une tasse vole jusqu'à lui.

Il saisit la théière avec un soupir.

- J'aurais dû m'en douter. J'espérais pouvoir tous vous voir.

- Une annonce particulière à faire ? S'étonna Lily.

- Une mauvaise nouvelle, j'en ai bien peur.

Lily se laissa retomber contre le dossier de sa chaise, les yeux fermés.

- Encore une.

- C'est pour cette raison que je souhaitais venir. J'ai bien conscience que les choses doivent être difficiles en ce moment.

La jeune femme rouvrit les yeux ; il la scrutait par-dessus ses lunettes en demi-lune.

- En effet.

- J'ai été désolé d'apprendre pour votre beau-père, dit-il d'une voix douce. Mais je me réjouis de l'arrivée de votre bébé !

- Merci, sourit-elle. C'est pour lui que j'essaie désespérément de tricoter.

- Je connais un excellent sortilège pour tricoter des chaussettes, proposa-t-il tout en sirotant son thé.

Lily retint un sourire tout en déclinant son offre.

- J'aimerais faire ça sans magie, expliqua-t-elle. Mais je ne veux pas vous retenir, puisque les autres membres ne sont pas là vous avez sans doute d'autres choses à faire...

- Par les chaussettes de Merlin, si je suivais cet argument je ne prendrais jamais le temps de dormir. Ne vous en faites pas, il s'agit aujourd'hui de ma seule journée de vacances. Les élèves de Poudlard sont partis en vacances ce matin donc j'ai un peu de temps devant moi.

- Vous n'avez pas eu trop d'ennuis à la suite de l'attaque à Pré-au-Lard ? S'enquit Lily.

- Cette affaire m'a pas mal occupé, je vous l'accorde, répondit-il avec un sourire triste. Cela a d'ailleurs un rapport avec la nouvelle que je voulais vous annoncer. Je suis désolé, il vous faudra la transmettre aux autres.

Lily se carra dans son siège, prête à tout.

- Allez-y.

- J'avais quelques candidats potentiels pour rejoindre l'Ordre, en septième année. Miss Shirley comptait parmi ceux-là. Sa mort a jeté un froid sur leur résolution et ils ont tous abandonné. Nous ne pouvons donc désormais compter que sur nous-mêmes.

- Oh, Merlin, murmura Lily en passant une main sur son visage. Je n'avais pas pensé à ça. Entre ça et les horreurs qu'a raconté la Gazette sur nous, nous sommes encore plus isolés qu'avant.

- Le Ministère ne nous abandonnera pas, je vous le garantis. Alastor est plus respecté que jamais, depuis son retour, et, sans vouloir me vanter, mon avis compte trop pour qu'on nous évince.

- Mais les élections...

- Je suis sûr que le nouveau Ministre saura comprendre la situation, la rassura Dumbledore.

- Professeur, est-ce que ... Vous pensez que ça va encore durer longtemps ?

Dumbledore prit le temps de terminer sa tasse avant de répondre.

- C'est difficile à dire, dit-il finalement en reposant l'objet.

Ses longs doigts tapotèrent le bois patiné de la table un instant avant qu'il ne les croise, les yeux fixés dessus.

- Tout dépend de ce que nous sommes prêts à sacrifier, reprit-il.

- Comment ça ? Nous avons déjà tout sacrifié ! Nous vivons reclus ici, tous les membres passent leur journée à patrouiller et à se battre, Jenny, Amanda et tant d'autres sans doute sont morts...

- Mais ce n'est pas suffisant pour atteindre la même puissance que Voldemort, s'expliqua-t-il.

Lily le dévisagea, stupéfaite.

- Vous voulez que nous pratiquions la magie noire ?

- Il y a plusieurs sortes de magie, Lily. Dont deux aussi puissantes l'une que l'autre quoi que complètement opposées. Voldemort est passé maître dans l'exercice de la magie noire. Il nous faut donc pousser l'autre forme de magie jusqu'à son plus haut degré.

- De quoi s'agit-il ? Interrogea-t-elle, perdue par ses paroles sibyllines. Pourquoi ne pas nous en avoir parlé plus tôt ?

- C'est une forme de magie bien plus difficile à pratiquer que la magie noire, expliqua-t-il. A vrai dire, elle ne se pratique pas vraiment. C'est plutôt... Une manière de vivre. Ou de mourir.

- Je ne vous suis pas, confessa Lily.

- Qu'êtes-vous prête à sacrifier ? Demanda-t-il en guise de réponse. Pour quoi êtes-vous prête à mourir ? Et pour qui ? Jenny, Amanda... Elles ont été tuées alors qu'elles se battaient, même si Amanda a connu une abominable agonie. Elles sont mortes en défendant leur vie. Je reconnais la valeur de leur sacrifice au nom de notre cause. Mais nous avons besoin de plus que ça. Le jour où nous parviendrons à mourir par amour alors nous atteindrons la même puissance que Voldemort, voire une puissance supérieure. C'est le sacrifice ultime, l'abnégation la plus totale et parfaite dont un être humain sera jamais capable. Malheureusement c'est aussi un acte extrêmement rare car il requiert une force phénoménale, surtout lorsqu'on protège des inconnus.

- En quoi... En quoi mourir par amour pourrait-il nous aider à éliminer Voldemort ? Si l'on est mort...

- Je ne sais pas, confessa-t-il en remontant ses lunettes sur son nez. C'est une forme de magie très ancienne et oubliée de tous, dont personne ne connaît les implications exactes. Quant à la manière de la déclencher, le sacrifice est la seule dont j'ai pu trouver trace.

- Et c'est, selon vous, la seule magie assez puissante pour contrer de la magie noire ? Il n'y a pas d'autres moyens ?

- Peut-être pas. Tout ça est très théorique.

Il acheva son thé et se leva, une expression lasse sur le visage.

- Oubliez ce que je vous ai dit. Ce ne sont probablement que les élucubrations d'un vieux fou.

- Vous y seriez prêt ? Interrogea-t-elle sans tenir compte de sa dernière phrase. A mourir par amour ?

Le vieux Sorcier attrapa sa cape et s'en drapa les épaules, les yeux perdus dans le vague.

- J'aurais dû l'être, articula-t-il. Je suis désolé, je ne pourrai pas repasser pour voir les autres membres. Dîtes leur de tenir le coup de ma part, voulez-vous ? Et prenez soin de vous.

Lily hocha la tête et le laissa partir sans un mot, perturbée par leur échange. Tout ce qu'il lui avait dit lui semblait terriblement confus. En quoi la mort de Jenny et Amanda ne tenait-elle pas du sacrifice ?

La subite réapparition de Dumbledore la tira de ses pensées. Sa capuche toujours sur la tête, il lança :

- Pour mourir par amour il faut d'abord vivre d'amour, Lily. Je vous ai parlé de mort mais c'est la façon dont vous vivez qui compte le plus.

Avant qu'elle n'ait pu répondre, il fit volte-face et quitta le QG en quelques grandes enjambées. Stupéfaite, Lily resta prostrée sur sa chaise, son tricot à côté d'elle. Voilà qui rendait tout son discours encore plus confus. Peu sûre de ce qu'il cherchait à lui dire, elle décida finalement de ne plus y penser.

***

James, les cheveux encore détrempés après sa douche, se laissa tomber en travers de son lit. Il n'avait pas la force de faire un mouvement de plus. Les bras étendus en croix, il ferma les yeux et s'efforça d'oublier la douleur qui pulsait dans son genou. Un sortilège particulièrement mal placé l'avait touché, plus tôt dans l'après-midi, et la pommade de Lily ne semblait pas vouloir faire effet.

La porte s'ouvrit et une personne qui, l'espérait-il, était Lily, vint s'asseoir sur le lit. Il était trop fatigué pour ouvrir les yeux. Ses doigts fins caressèrent tendrement son visage et il se détendit légèrement.

- Tu ne devrais pas enchaîner les missions comme ça. Tu es épuisé.

- On a besoin de moi, murmura-t-il.

- On a besoin d'un James Potter en forme, pas d'une loque.

- Hé, protesta-t-il en soulevant une paupière. C'est pas très sympa.

Elle lui sourit et se pencha pour l'embrasser, se faisant aussitôt pardonnée.

- Je m'inquiète juste pour toi, reprit-elle. Tu as maigri, ces derniers mois.

- Parce que ma femme m'a quitté pour aller faire l'espionne, geignit-il.

Il roula sur le côté et enfouit son visage contre la jambe de Lily.

- Je suis là maintenant. Et habillée comme un sac à patates. Alors comme tu refuses que j'aille m'acheter des vêtements de grossesse toute seule, tu n'as qu'à prendre une journée de pause demain et m'accompagner.

James pesa le pour et le contre pendant quelques minutes. L'Ordre avait besoin de toutes les forces possibles, mais Lily avait raison : dans l'état dans lequel il se trouvait, il n'était pas bon à grand-chose.

- Entendu, répondit-il finalement. Demain je suis tout à toi. Mais pas avant dix heures, pitié.

- Ça marche, accepta-t-elle joyeusement tout en caressant ses cheveux.

Il se redressa sur un coude et loucha sur son ventre, caché sous un de ses pulls.

- Je ne vois vraiment pas ce que tu reproches à mes vêtements.

- J'aimerais bien me sentir jolie, expliqua-t-elle.

- Mais moi je te trouve jolie !

- Et alors ? Ce n'est pas toi que je veux séduire.

Il fronça les sourcils, perdu.

- Quoi ?

- Merlin, tu es vraiment fatigué, rit-elle. Rien, je plaisantais. J'ai envie de me sentir jolie, moi.

James tenta vaguement de comprendre cette logique féminine mais renonça finalement. Il était trop épuisé.

- Bébé va bien ?

- Très bien.

- Il te l'a dit ?

Elle leva les yeux au ciel.

- Je n'y peux rien si je lui parle ! On a passé beaucoup de temps seuls tous les deux, quand je travaillais au Ministère. On se tenait compagnie.

Il sourit tendrement et s'appuya sur Lily pour presser ses lèvres contre son ventre.

- Tu crois qu'il sait comme on l'aime ?

- J'en suis sûre. A ce propos...

Elle lui relata sa conversation avec Dumbledore, qui le laissa tout aussi perplexe.

- Il venait nous encourager ?

- Apparemment. Il a l'air assez débordé.

- Rien d'étonnant. Il a une position importante au Ministère, en plus de son poste de directeur. Avec les élections qui approchent, la guerre qui ne s'arrange pas et l'attaque à Pré-au-lard, ça doit être difficile.

- C'est sûr. Vous avez eu de nouvelles informations, cet après-midi ?

Il soupira et se laissa retomber sur le dos.

- Non. La fille qu'on a coincée ne savait rien. Elle avait une seule mission, canarder toute personne qui essaierait d'entrer dans leur local moisi du Norfolk. Elle ne connaissait même pas le nom de la personne qui lui a demandé de faire ça, et tout ce qu'elle a pu nous donner comme description peut s'appliquer à la moitié du Royaume-Uni, si ce n'est les trois-quarts.

- Il n'y avait rien non plus, dans le local ?

- Non. Si tu veux mon avis, ils s'en servent pour torturer les gens.

La voix de James s'était réduite à un grognement.

- Qu'est-ce que je peux les détester, marmonna-t-il. Tous autant qu'ils sont, les chefs comme les larbins.

- On va s'en sortir, répondit Lily en s'allongeant près de lui, une main posée sur son torse.

- Dans combien de temps ?

- James... On ne peut pas se laisser décourager.

- Une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal.

- Ne sois pas cynique, s'il te plaît, murmura-t-elle, le visage enfoui dans son cou. Sirius est déjà suffisamment difficile à gérer.

- Ne m'en parle pas. Je n'arrive pas à croire que Remus et lui se soient disputés.

- Ils ne se sont toujours pas réconciliés ?

- Si, en quelque sorte. Disons que je les ai forcés à se serrer la main et qu'ils se parlent à peu près normalement. Mais je ne suis pas sûr que Remus arrive à aller au-delà de ce qu'a dit Sirius.

- A savoir ?

- Ils ne te l'ont pas dit ? s'étonna-t-il. Moi qui pensais que tu étais devenue la psychologue de tout le monde. Sirius a dit que recourir à la magie noire et au meurtre serait nécessaire pour qu'on gagne cette guerre.

- Il n'est pas sérieux ? s'offusqua-t-elle.

- Dans le fond, j'espère que non. Qu'on s'en soit pris personnellement à Ethel l'a rendu fou de rage.

Lily réfléchit un moment avant de proposer :

- On pourrait lui demander maintenant d'être le parrain du bébé, non ? Peut-être que ça le calmerait un peu.

- Tu penses ?

- Eh bien... S'il doit s'occuper de notre bébé, ça lui donnera une raison pour faire attention à lui et rester un modèle.

- En tout cas ça lui remonterait le moral, réfléchit tout haut James. A moins qu'il panique.

- Dans tous les cas ça lui donnera un objectif. Il m'a l'air un peu perdu, en ce moment.

James tourna la tête vers elle et lui sourit.

- Tu es incroyable, tu sais.

Surprise, elle haussa les sourcils.

- Qu'est-ce que j'ai fait ?

- Je t'explique que Sirius ne voit pas d'inconvénient au fait de tuer les gens et tu me réponds qu'on devrait lui annoncer qu'il devra élever notre enfant s'il nous arrive malheur.

Elle haussa les épaules.

- C'est Sirius. Il reste ton meilleur ami.

- Et le tien, souligna-t-il.

Elle pouffa et étira le cou pour l'embrasser.

- C'est toi, mon meilleur ami. Depuis que j'ai appris à te connaître, ça a toujours été toi.

- Vraiment ? s'étonna-t-il, ravi.

- Ne prends pas trop la grosse tête, Sirius est juste derrière.

- On en revient toujours à ça, de toute façon. Je sais que si je meurs de façon tragique tu l'épouseras aussitôt.

- Comme ça il pourra remplir son rôle de parrain ! N'est-ce pas merveilleux ?

Il grogna, peu convaincu, alors qu'elle souriait d'un air moqueur.

- Jaloux ?

Il fronça les sourcils avant de se tourner résolument vers l'autre côté de la chambre. Amusée, Lily lui donna une petite tape sur la hanche.

- Alors, on lui demande dès que possible ?

- Quoi ? Grommela-t-il. De t'épouser ?

Elle le força à se rallonger sur le dos et l'embrassa longuement. Lorsqu'elle s'éloigna légèrement, James s'empressa de glisser sa main sur sa nuque pour l'empêcher de bouger.

- Pars pas déjà, geignit-il.

- J'attends juste ta réponse, souligna-t-elle tout en s'efforçant d'éviter ses lèvres.

Il leva les yeux au ciel.

- Oui, oui, on lui demandera, mais je crois qu'il est parti. Maintenant tais-toi et laisse-moi t'embrasser.

Elle pouffa mais ne prononça plus un mot.

***

Sirius, plus las que jamais, poussa la porte de la cuisine et grimaça lorsque la salutation sonore de Lily lui parvint. Il la fusilla du regard, avant de se rendre compte que James se trouvait également là, entouré d'un nombre impressionnant de sacs plastiques. Lily était tout sourire mais James semblait fatigué. Il sirotait une bière d'un air absent. Son regard se posa sur son meilleur ami et il posa aussitôt sa bouteille avec fracas avant se ruer vers lui.

- Patmol ! Sauve-moi ! Elle m'a traîné dans des magasins toute la journée !

Sirius répondit d'un ricanement alors que James le prenait par les épaules tout en le secouant dans tous les sens.

- Et je n'ai même pas eu droit à une glace après !

Cette fois-ci, Sirius rit franchement.

- Arrête de te plaindre, intervint Lily. Au moins je vais arrêter de te voler tes vêtements !

- Tu as vidé mon compte en banque à la place, souligna son mari.

- Notre compte en banque, rappela-t-elle. Fallait pas m'épouser.

Il lui fit une grimace. Sans s'en offusquer, Lily se leva et adressa un grand sourire à Sirius.

- Regarde ! Je ne suis plus habillée comme une poubelle !

- Tu ne portes plus les vêtements de James, constata-t-il, incapable de trouver autre chose à dire.

Après un temps de réflexion, il parvint tout de même à ajouter :

- T'as pris de la poitrine, non ?

James partit d'un grand rire alors que Lily se renfrognait et rougissait tout en même temps.

- Est-ce que vous voulez bien arrêter de me faire cette réflexion en permanence ?

Les deux amis échangèrent un regard avant de répondre par la négative avec un enthousiasme débordant.

- Vous êtes insupportables, marmonna-t-elle.

- Toujours sûre de toi ? Railla James. Je te rappelle qu'il a une moto volante. Et il lui arrive souvent de puer le chien mouillé.

Sirius lui adressa un regard perplexe.

- Je peux savoir ce que j'ai fait pour m'en prendre plein la figure comme ça ?

- Oui, James, pourquoi tu le détruis comme ça ? Renchérit Lily. C'est ton meilleur ami au départ.

- Ça m'étonne simplement que tu te ranges à mon avis, expliqua-t-il.

- Eh, ça suffit ! Je suis là ! s'agaça Sirius.

James plissa les yeux derrière ses lunettes.

- Ah bon ?

Sirius lui asséna une tape à l'arrière du crâne, sous le regard goguenard de Lily.

- Assieds-toi, lui proposa-t-elle. On va t'expliquer.

- Très bien, marmonna-t-il. Mais je veux aussi un café.

- Utilise ta baguette, gros bébé.

- Mince. J'espérais réussir à te donner un ordre, un jour.

- Cours toujours, rétorqua-t-elle alors qu'une tasse flottait vers Sirius, vite suivie du pot de café.

Il attrapa la bouilloire posée devant Lily alors que ses deux amis échangeaient un regard.

- Vous allez vous décider à parler oui ou non ?

- James c'est toi qui commences, répondit aussitôt Lily à toute allure.

- Hé ! Je suis un garçon, c'est à toi de dire les trucs sentimentaux !

- Merlin, James, tu es la seule personne dans ce couple qui sait exprimer ses sentiments.

- Ça va durer encore longtemps, votre petit cirque ? Interrompit Sirius, qui s'amusait bien plus qu'il ne voulait le laisser paraître.

James jeta un coup d'œil à Lily avant de se jeter à l'eau :

- Eh bien, comme tu l'as remarqué, on vit une époque un peu instable et dangereuse. Comme on ne peut pas exclure la possibilité qu'on, euh... Qu'on meure, Lily et moi, on préfère prévoir ce qui va advenir de notre bébé.

Sirius haussa un sourcil.

- Il faudrait quand même un sacré coup de malchance pour que vous y passiez tous les deux.

Il préférait prendre cela sur le ton de la rigolade plutôt qu'imaginer qu'ils pourraient effectivement disparaître. Il ne laisserait pas une telle chose arriver.

- On ne sait jamais, insista James. Et même si ça n'arrive jamais, on sera content qu'il y ait quelqu'un d'un peu spécial dans sa vie, qu'il puisse aller voir quand il ne pourra plus nous supporter pendant sa crise d'adolescence.

- Il ne fera pas de crise d'adolescence parce que ce sera un enfant adorable, intervint Lily.

- Les gars, est-ce qu'on peut en venir au fait ? Coupa Sirius en voyant que James s'apprêtait à répondre.

Ils le dévisagèrent tous les deux comme s'il était stupide.

- Tu n'as pas encore compris ? Demanda Lily.

- Désolé d'être un peu lent, grommela-t-il, mais vous n'êtes pas franchement clairs, avec toutes vos interférences.

- On est en train d'essayer de te demander si tu veux bien être le parrain de notre bébé, intervint James, redevenu parfaitement sérieux. Si on meurt, est-ce que tu voudras bien nous remplacer ?

Sirius les fixa, bouche bée. S'il n'avait pas saisi, c'est que cette idée ne lui avait jamais traversé l'esprit. Il était instable, venait d'une famille versée dans la magie noire, se déplaçait sur une moto volante gagnée au poker, était un animagus non déclaré... Il y avait tellement de raisons pour lesquelles cette proposition était absurde qu'il n'arrivait même pas à les compter.

- Quoi ? Coassa-t-il.

- On te fait confiance, dit doucement Lily. Tu es notre témoin, notre ami... Le presque-frère de James. Ça n'a peut-être pas l'air comme ça, mais je t'assure que ça a du sens. C'est ce qu'on souhaite tous les deux. Mais tu es libre de refuser, bien sûr.

Le regard de Sirius passa de l'un à l'autre et glissa jusqu'au ventre de Lily, qui était bien plus mis en valeur qu'auparavant, probablement grâce à ses nouveaux vêtements. Il n'avait pas la moindre idée de la façon dont on devait élever un enfant. Il ne pouvait même pas se baser sur sa propre expérience car son enfance n'avait rien eu d'exemplaire. Il s'apprêtait à dire non lorsqu'une pensée lui traversa l'esprit. S'il avait été si malheureux, enfant, c'était parce que ses parents ne lui avaient jamais accordé la moindre marque d'amour. Tout ce qu'il connaissait d'eux c'était au mieux l'indifférence, au pire le mépris. Il déglutit. Une telle chose n'arriverait pas au bébé de ses meilleurs amis. Si la garde de cet enfant devait lui revenir, alors il apprendrait. Et il l'aimerait, quoi qu'il arrive.

- D'accord, articula-t-il finalement.

Un grand sourire s'épanouit sur le visage de Lily alors que James lui assénait de grandes tapes dans le dos.

- Merci, mon vieux ! Tu n'imagines pas comme ça nous soulage.

Sirius, toujours un peu sous le choc, répondit faiblement :

- Vous envisagez votre propre mort avec un peu trop d'enthousiasme.

- Vaut mieux en rire qu'en pleurer, fit remarquer Lily tout en sirotant son thé.

- Je vais être obligé de vous protéger tout le temps maintenant, si je ne veux pas me retrouver avec un lardon sur les bras, grommela-t-il tout en buvant son café pour cacher son émotion.

Lily posa alors sa main sur son bras. Il leva les yeux vers elle. Elle lui souriait, presque timidement.

- Merci, dit-elle doucement. Vraiment. On sait que c'est une charge énorme, même si on espère qu'elle ne t'échoira jamais.

De l'autre côté de la table, James acquiesça. Incapable de trouver quoi répondre, Sirius se pencha et serra Lily dans ses bras. Elle lui rendit son étreinte avec ce qui ressemblait à un sanglot. Cependant, au plus grand soulagement de Sirius, elle ne pleurait pas lorsqu'ils s'écartèrent.

- Ne comptez pas sur moi pour lui faire des cadeaux tout le temps, prévint-il pour détendre l'atmosphère.

Lily rit alors que James protestait avec véhémence. Finalement, il attrapa sa bouteille de bière et lança :

- A notre mort ! Puisse-t-elle n'advenir que dans très longtemps !

- Suffisamment longtemps pour que tous vos enfants soient majeurs, renchérit Sirius en entrechoquant sa tasse avec la bière de son ami.

- Très, très longtemps, conclut Lily, sa tasse levée.

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