Partie III - Chapitre 61

Chapitre 61

Un grommellement suivi d'un choc étouffé s'immisça dans les rêves de Lily. Elle prit conscience de ses orteils gelés et de l'absence la source de chaleur qu'était James. Un nouveau juron lui indiqua l'emplacement de celui-ci.

- James ? Marmonna-t-elle.

Un des coins du lit s'abaissa alors qu'il s'asseyait au bord.

- Je ne voulais pas te réveiller, chuchota-t-il.

- C'est pour ça que tu as décidé de donner des coups de pied partout ? Interrogea-t-elle dans un bâillement.

- Très amusant. J'ai trébuché en essayant de mettre ma chaussette.

- Malin, avec ça.

- Lily ! Geignit-il. C'est pour ça que je me lève tôt, tu vois. Tu es tellement insupportable que je fuis dès que je peux.

- Ça tombe bien, comme ça je peux prendre toute la couverture.

- Ouais, comme si tu ne faisais pas ça même quand je suis là.

- Oh, allez, je sais que tu n'as pas besoin de couverture. Tu es un radiateur à toi tout seul.

- Un quoi ?

Elle pouffa.

- Un poêle.

- Oh. Eh bien toi, tu es un... Une... Une gazinière !

Cette fois, elle rit franchement.

- Je me demande bien ce que je dois comprendre.

- Sans doute ce que je dois comprendre quand je me fais insulter de stupide poêle, rétorqua-t-il.

- Je n'ai jamais dit « stupide ».

- Je suis sûr que tu le penses. Bon sang, mais où est cette chaussette...

- Pourquoi est-ce que tu n'allumes pas la lumière ?

Il y eut un silence. Puis :

- Parce que je suis un stupide poêle ?

Il alluma donc sa lampe de chevet sous les quolibets de sa femme puis poussa un cri de triomphe lorsqu'il mit la main sur sa chaussette.

- Trouvé !

Il l'enfila avant de se tourner vers sa femme. Seule sa tête dépassait des couvertures. Il sourit et roula sur le lit pour aller l'embrasser.

- Tu es vraiment heureuse que je m'en aille ?

- Très. Tu ronfles.

- Toi tu donnes des coups de pied, grommela-t-il.

- C'est parce que tu me colles, expliqua-t-elle en jouant avec ses cheveux.

- Possible. Et tu sais pourquoi ? (Une expression triomphante se peignit sur son visage). Parce que tu prends toute la couverture et que c'est le seul moyen d'en bénéficier.

- Ouch. Très bien, tu gagnes.

Fier de lui, il lui vola un autre baiser.

- Où est-ce que tu vas ? Interrogea-t-elle alors qu'il pressait ses lèvres contre sa tempe.

- Aucune idée. C'est Sirius qui gère.

- C'est lui qui est venu te réveiller ?

- Mmm. Tu sais qu'il est cinq heures ?

- Sérieusement ? (Elle se redressa un peu). Ça veut dire que tu vas rentrer tôt ?

- Je ne sais pas, Lily.

Elle soupira.

- Très bien. Fais attention à toi.

- Toujours, promit-il.

- Tu m'as dit ça il y a deux jours et tu es revenu avec un bout de sourcil en moins.

- Je pensais que le côté pirate balafré te plairait, se justifia-t-il.

- Imbécile, rétorqua-t-elle en le gratifiant d'une tape sur l'épaule. Sérieusement, James, fais attention.

- Je suis sérieux !

Il piqua un dernier baiser sur ses lèvres puis se contorsionna pour sortir du lit.

- Rendors-toi, ordonna-t-il.

- Fais attention à Sirius ! Il pourrait se blesser avec sa cuillère.

James pouffa tout en fourrant sa baguette dans sa poche.

- C'était gratuit mais plutôt amusant. Même si je ne suis pas sûr qu'il trouve ça drôle.

- Tu n'es pas obligé de lui dire !

- Oh que si !

Lily attrapa son oreiller pour le lui jeter dessus, mais il esquiva sans mal et disparut dans le couloir. La jeune femme grommela et étendit le bras pour éteindre la lumière qu'il avait laissée allumée. Elle tenta de se rendormir, mais ses pensées tourbillonnaient dans tous les sens. Malgré cela, elle n'en voulait pas du tout à James de l'avoir réveillée. Elle n'aimait rien tant que les moments qu'elle pouvait passer avec lui dans leur chambre, pour la bonne raison que, lorsqu'il s'y trouvait, elle était sûre qu'il était en sécurité.

Elle soupira tout en s'enroulant dans ses couvertures. Ses réflexions la menèrent jusqu'à Martin. C'était elle qui était allée le relever, après qu'il se fut écroulé dans l'herbe. Les genoux couverts de boue, le visage strié de larmes, il balbutiait qu'il devait aller à Poudlard. Bien entendu, Lily l'avait laissé partir. Le voir dans cet état lui avait brisé le cœur, car elle avait vécu exactement la même chose que lui près d'un an plus tôt. Lily savait ce que c'était que de perdre celui ou celle qu'on aime lorsqu'on n'a que dix-huit ans. Seulement, elle n'avait eu à le supporter qu'un quart d'heure. Un minuscule quart d'heure qui lui avait semblé durer l'éternité. Elle n'osait imaginer ce que Martin devait ressentir.

La nouvelle avait été dure pour James, qui avait été un coéquipier d'Anne pendant cinq ans. Pourtant, il faisait ce qu'il avait promis : il s'efforçait d'être fort. Lily n'était toujours pas convaincue de l'être elle-même, mais la situation lui convenait. Ils arrivaient à être heureux, en un sens. Ils s'y efforçaient, bien conscients que la vie serait intenable s'ils n'essayaient même pas.

Après une heure passée à chercher en vain le sommeil, Lily se décida finalement à se lever. Elle enfila un pull qui appartenait à James – ils étaient plus larges que les siens -, mit une paire de chaussettes supplémentaires, coinça sa baguette dans son pyjama et sortit finalement dans le couloir glacé.

Elle tomba sur Margaret, qui se dirigeait en bâillant vers la salle de bain.

- Salut, Lily, articula-t-elle, sa main devant la bouche.

- Salut Maggy. Chocolat chaud ?

- S'il-te-plaît. (Elle glissa un bras autour de ses épaules et déposa un baiser sur la joue de son amie). Merci, tu es un amour.

Lily lui adressa un clin d'oeil avant de descendre prudemment les escaliers. Trois semaines avaient suffi aux membres de l'Ordre pour s'habituer à la présence continuelle de Lily au QG. Elle avait fini par leur faire admettre que, puisqu'elle était là, elle pouvait bien les materner un peu. Leur consommation de pâtes s'était considérablement réduite depuis qu'elle était là pour préparer à manger – il y avait eu quelques dîners malheureux, mais elle s'améliorait.

Alors qu'elle sortait des bols d'un placard tout en surveillant du coin de l'oeil la casserole de lait posée sur la gazinière, elle songea à quel point sa vie avait pris un tournant improbable. Trois ans plus tôt, elle n'aurait jamais imaginé être enceinte de James Potter et ainsi devoir jouer les femmes au foyer pour un groupe de résistants. Néanmoins, elle était contente de pouvoir faciliter quelque peu la vie des autres membres, puisqu'elle ne pouvait plus les aider sur le terrain. Quitte à être coincée au QG, autant se rendre utile.

Au moment où Margaret s'installait pour son petit-déjeuner, Remus et Amanda débarquèrent, l'air gelé. Le jeune homme se laissa tomber sur une chaise alors qu'Amanda gagnait sa chambre. Lily la suivit des yeux, inquiète.

- Je n'ai pas l'impression que son état s'améliore. Ça fait quoi, un mois et demi qu'elle a été attaquée ?

- Au moins, répondit Margaret. Je suis à peu près sûre qu'elle a encore maigri.

- J'ai cru qu'elle allait s'évanouir, confia Remus tout en se frottant les yeux. Elle ne devrait pas faire de mission.

- Où étiez-vous ? Interrogea Lily tout en poussant la cafetière vers lui.

- Dans la campagne, du côté de Leicester. C'était la dernière piste de Frank, mais on n'a rien trouvé.

Les deux jeunes femmes soupirèrent. Ils cherchaient toujours le QG des Mangemorts mais n'avaient aucune réelle piste pour le moment. Frank avait surpris une conversation lors d'une mission d'espionnage qui les avait poussés à explorer quelques lieux mais rien n'en était ressorti. Tout ce qu'ils avaient trouvé était un chaudron de Polynectar dans une vieille cave abandonnée.

Remus avala son café d'une traite avant de tirer à lui l'assiette de tartines pour tout engloutir. Lily le regarda manger avec plaisir ; les répercussions de l'attaque à Pré-au-Lard ne l'avaient pas épargné non plus et il lui paraissait plus fatigué et maladif que jamais.

- Les Maraudeurs sont là ? Demanda-t-il entre deux bouchées.

- James et Sirius sont partis ce matin et Peter... (elle jeta un coup d'œil au tableau accroché dans la cuisine). Il est à Brighton.

- Tout seul ?

- Apparemment. Une filature sans doute.

Alors que Remus haussait les épaules, une lueur bleue envahie la pièce et le patronus en forme de porc-épic de la petite Sally se matérialisa dans la pièce.

- Chemin de trave...

Son indication se changea en cri de douleur et l'animal disparut subitement. Remus jura et quitta en courant la cuisine, suivi de Margaret. Lily se leva, affolée, avant de réaliser qu'elle ne pouvait rien faire. Il n'était pas même pas question d'aller réveiller quelqu'un d'autre : seules deux personnes partaient pour les urgences, c'était la règle.

Elle se laissa finalement retomber sur sa chaise et fixa tristement le bol entamé de Margaret. C'était pour cette raison qu'elle aimait tant sa chambre. Tant qu'elle ne la quittait pas, elle n'avait conscience de rien de tout cela.

***

Il aurait dû s'agir d'une simple patrouille de routine. Elles avaient été doublées depuis l'attaque à Pré-au-Lard, mais jusque-là rien n'était arrivé sur le Chemin de Traverse. Ethel prêtait donc attention à son environnement, mais son esprit vagabondait.

A côté d'elle, Sally scrutait les vitrines.

- C'est devenu déprimant.

Ethel hocha la tête distraitement. Tout le monde avait cessé de se formaliser de son absence de réponse, de toute façon. Elle perçut un mouvement derrière une vitrine poussiéreuse et vide et s'arrêta net. Les quelques passants leur jetèrent un regard désintéressé avant de reprendre leur chemin.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je crois avoir vu quelqu'un...

Elles aperçurent la lueur rouge du sortilège juste avant qu'il ne fasse exploser la vitrine, provoquant les cris des quelques Sorciers présents. Des morceaux de verre les atteignirent alors qu'une silhouette masquée sautait dans la rue. Le bras devant son visage pour se protéger, Ethel n'eut pas le temps de riposter ; un maléfice la percuta en plein ventre et elle bascula en arrière. Sally hurla mais Ethel souffrait trop pour comprendre ce qu'elle disait. On l'attrapa brutalement par le poignet pour la remettre sur ses pieds, non sans lui avoir confisqué sa baguette. Elle trébucha et fut prise d'un haut le cœur mais on la tirait déjà loin de la bagarre. Elle tenta néanmoins de se débattre et aperçut Sally et les passants, aux prises avec trois Mangemorts. Une violente secousse l'envoya valser contre un mur. A moitié assommée, elle n'eut d'autre choix que de suivre son agresseur. Ils s'arrêtèrent enfin dans une allée déserte, occupée seulement par quelques poubelles. Le Mangemort lâcha son poignet pour l'attraper à la gorge, tout en arrachant sa cagoule de sa main libre. Ethel, le souffle coupé, écarquilla un peu plus les yeux.

- Tu me reconnais ? Cracha-t-il.

Elle tenta de tirer sur ses doigts pour qu'il relâcha la pression autour de sa gorge. Sa seule réaction fut de serrer un peu plus. Elle fixa ses yeux bleus, en partie cachés par quelques mèches de cheveux d'un blond presque blancs. Il pinça les lèvres et la lâcha finalement.

Ethel tomba au sol, la gorge en feu, les poumons désespérément vides. Il lui fallut plusieurs minutes pour réussir à prendre son souffle, minutes durant lesquelles sont agresseur se contenta de faire les cent pas devant elle. Un peu plus loin, elle entendait les autres se battre.

- Tim, articula-t-elle finalement.

Il pointa aussitôt sa baguette sur elle.

- Bien joué, commenta-t-il avec une pointe d'accent qu'il n'avait pas autrefois.

Il s'était agenouillé devant elle et leurs yeux étaient à la même hauteur. Son petit frère avait bien grandi depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu, huit ans plus tôt, lorsque leurs parents s'étaient séparés et qu'elle avait décidé de rester en Angleterre avec leur père pour poursuivre sa scolarité à Poudlard. Tim, âgé de dix ans, était parti avec leur mère au Danemark, le pays d'origine de leurs deux parents. Il était ensuite allé à Durmstrang. Ethel savait ce qu'on disait sur cette école, mais elle n'avait jamais imaginé que Tim aurait pu être touché.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Hoqueta-t-elle d'une voix râpeuse.

- Tu as refusé leur proposition ? Éructa-t-il sans tenir compte de sa question.

- Comment...

Son visage aux traits fins et à la peau pâle, si semblable au sien, se couvrit de plaques rouges.

- Ils le savent depuis le début ! Qu'est-ce que tu crois, que ce sont des amateurs ? Ils ont toujours su que ma sœur travaillait pour le Ministère, simplement ils attendaient le bon moment !

Elle secoua la tête, complètement perdue. Elle était rarement prise au dépourvu mais, pour une fois, elle n'avait pas la moindre idée de ce qui était en train de se passer.

- Pourquoi... Pourquoi j'aurais dit oui ?

Tim lui enfonça sa baguette dans les côtes.

- Parce qu'ils ont notre mère, Ethel, gronda-t-il. Et que maintenant ils vont faire bien pire que la tuer.

- Quoi ? Mais... Quoi ?

- On n'a pas le temps ! C'était ma dernière chance de te parler, et ils ne vont pas tenir des heures là-bas ! Est-ce que tu le feras ?

- Je...

- Ethel !

Elle leva les yeux vers lui et perçut la détresse dans son regard. Elle songea à sa mère, qu'elle n'avait pas vu depuis près de deux ans, à la lettre qu'elle avait reçue d'elle au moment de Noël, à son père qui ne s'était jamais soucié d'elle. Elle prit une profonde inspiration.

***

Lorsque Margaret prit pieds sur le Chemin de Traverse, c'était le chaos. Remus était déjà aux prises avec un Mangemort, alors qu'un autre se battait contre trois Sorciers qui lui étaient inconnus. Au loin, elle entendait des sifflets indiquant que la Brigade arrivait. Elle participait aux rondes dans les endroits publics mais ne pouvait être partout à la fois.

Margaret évita de justesse un sortilège. Elle riposta mais son opposant se pencha pour esquiver. Son sort atteignit alors l'un des Sorciers qui se battait contre un Mangemort.

- Note ça ! Entendit-elle derrière elle. L'Ordre du Phénix s'en prend encore aux habitants !

Elle fit volte-face, furieuse, et fut éblouie par un flash.

- Margaret, attention ! Hurla-t-on derrière elle.

L'avertissement vint cependant trop tard ; un maléfice la percuta à l'arrière du crâne. La sensation de brûlure qui s'en suivit fut si douloureuse qu'elle s'évanouit.

Quand elle reprit connaissance, la rue était redevenue calme – du moins dans une certaine mesure. Elle se redressa précautionneusement tout en grimaçant. L'arrière de sa tête lui faisait un mal de chien. Elle aperçut Remus, un peu plus loin, qui discutait avec animation avec deux types, respectivement pourvus d'une plume à papote et d'un appareil photo. Quelques blessés étaient assis par terre mais tout le monde semblait vivant. Les façades les plus proches souffraient de quelques dommages, mais les conséquences de l'attaque n'étaient pas si graves que l'avait imaginé Margaret quand ils avaient reçu le message de Sally.

Elle chercha celle-ci des yeux et finit par la trouver, adossée à un réverbère. Elle se leva, chancela sur quelques mètres mais atteignit tout de même la jeune fille.

- Ça va ? Interrogea-t-elle en s'agenouillant devant elle.

Du sang séché lui couvrait la moitié du visage et elle peinait à ouvrir son œil gauche. Néanmoins, elle grimaça un sourire.

- Pas trop, avoua-t-elle.

- Tu as autre chose, à part ton visage ?

- J'ai l'impression qu'on m'a broyé le coude droit.

Margaret jeta un coup d'œil à l'endroit indiqué et grimaça ; son bras était enflé et violacé au niveau de l'articulation. Elle palpa délicatement le membre mais Sally poussa aussitôt un cri de douleur.

- Très bien, on va te trouver une potion pour atténuer la douleur puis on avisera, conclut Margaret. Qui était en mission avec toi ?

- Ethel. Elle ... Elle a été touchée dès le début de l'attaque, je ne sais pas ce qui lui est arrivé.

L'oeil valide de Sally s'emplit de larmes alors que sa lèvre inférieure commençait à trembler.

- Hé, quoi qu'il lui soit arrivé ce n'est pas ta faute, lui assura Margaret. Je vais demander à Lily de venir pour toi, et puis j'irai la chercher.

Son message envoyé, elle fit rapidement le tour des blessés étendus dans la rue avant d'explorer les ruelles adjacentes. Il ne lui fallut que quelques minutes pour trouver Ethel. Elle gisait sur les pavés irréguliers, inconsciente. Des marques bleues et rouges s'étalaient sur son cou et du sang coulait lentement dans ses cheveux depuis une vilaine blessure sur son front. Inquiète, Margaret s'agenouilla auprès d'elle et tapota doucement ses joues pour la réveiller. Au bout de quelques secondes, les paupières de la jeune femme papillonnèrent et elle ouvrit les yeux.

- Ne bouge pas, murmura Margaret. Est-ce que tu as mal quelque part, à part la tête et la gorge ?

Ethel voulut parler mais en fut incapable. Elle secoua donc la tête et fit mine de se redresser.

- Tu as dû prendre un mauvais coup sur la tête, tu ferais mieux de ...

La jeune femme s'assit sans l'écouter et Margaret dut la stabiliser.

- Tu n'aurais pas dû bouger, gronda-t-elle.

Ethel grogna quelque chose d'incompréhensible avant de porter la main à sa gorge.

- Quelqu'un t'en voulait personnellement ?

Elle haussa les épaules et ferma les yeux, les traits déformés par la douleur.

- Ne bouge pas, j'ai fait venir Lily avec des potions, je vais la chercher.

Cette fois-ci, Ethel hocha la tête. Margaret regagna donc la rue principale. Remus se disputait toujours avec les deux journalistes et Lily était arrivée. Elle étalait une lotion sur le bras de Sally. Margaret la rejoignit en tâchant de faire abstraction de la douleur qui se faisait un peu plus insistante à l'arrière de son crâne.

- Désolée de t'avoir fait venir, s'excusa-t-elle. Ça m'a paru être le plus simple.

- Pas de problème, sourit Lily. On ne m'a jamais interdit d'aller soigner des gens une fois le danger écarté. Sally, on va attendre que ton bras désenfle puis on verra quels sont les dommages exacts, d'accord ?

La jeune fille hocha la tête, terriblement pâle.

- Ça va aller, la rassura Margaret. Lily t'a donné quelque chose contre la douleur, non ?

Elle acquiesça à nouveau et parvint même à sourire.

- J'ai retrouvé Ethel, on va aller s'occuper d'elle. Repose-toi.

Les deux jeunes femmes prirent le chemin de la ruelle où se trouvait Ethel, où Margaret laissa Lily pour aller rejoindre Remus.

- Vous affirmez donc que les affaires Morducru et Howse n'ont aucun rapport ? Interrogeait l'homme à la plume à papote au moment où Margaret s'approchait.

- Je n'affirme rien du tout ! S'énerva Remus. Je veux juste savoir ce que vous fabriquiez ici avec votre appareil photo au moment d'une attaque !

- Écoute, gamin, intervint le deuxième homme, plus vieux et dégarni que son confrère. On doit bien faire notre boulot.

- Pas en vous mettant en danger, ainsi que les gens qui vous entourent !

- « Esprit protecteur poussé... Trop peut-être ? », marmonna le premier, un trentenaire assez bien de sa personne.

Dès qu'il vit Margaret, il se redressa et lui adressa un sourire charmeur.

- Bonjour Mademoiselle. Antonin Pickles, à votre service.

- Epargnez-moi vos salades, j'ai été blessée à cause de vous et de votre acolyte, rétorqua-t-elle, les bras croisés. Mon ami a raison, c'était dangereux.

- « Jeunes mais bien décidés à en remontrer à leurs aînés » ... (il jeta un coup d'œil au parchemin sur laquelle écrivait la plume à papote et gloussa). C'est parfait, c'est absolument parfait.

Remus tendit la main pour attraper le papier mais il esquiva, alors que la plume ondulait d'une manière agressive.

- C'est un temps difficile non, pour l'Ordre du Phénix ? Beaucoup de victimes collatérales ? Mademoiselle, vous avez touché un brave Sorcier qui défendait sa vie, tout à l'heure. Qu'avez-vous à dire à ce propos ?

La jeune femme s'empourpra, sans trop savoir si c'était de honte ou de colère.

- Rien qui vous intéresse, répondit-elle finalement, les mâchoires serrées.

- Oh, je me permets de vous contredire là-dessus. Les lecteurs de la Gazette rêvent d'en savoir plus sur l'Ordre mais vous êtes... bizarrement insaisissables. Pourtant on vous a vu vous affirmer au grand jour il y a quelques mois. Qu'est-ce qui vous a fait basculer du secret à la pleine lumière ?

A présent, Margaret avait envie de pleurer. Ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour résister, pour susciter un peu d'espoir, et de simples journalistes suffisaient à réduire leur travail à néant simplement parce qu'ils cherchaient un scandale.

- Viens Remus, ça ne sert à rien.

Elle fit volte-face et s'éloigna à grands pas, bientôt suivie de Remus mais aussi des journalistes.

- Diriez-vous qu'on vous a enrôlé de force dans cette organisation ? Avez-vous subi des abus lors d'un entraînement intensif et peut-être illégal ? Est-ce une secte ? Pour qui travaillez-vous réellement, le Ministre ou Albus Dumbledore ? Etes-vous responsable de la mort d'Hannah Howse ?

Margaret savait comme cette question était douloureuse pour Remus. Elle savait comme il s'en voulait. C'en fut trop pour elle. Elle se retourna brusquement, fit un pas supplémentaire pour se retrouver juste devant le visage souriant d'Antonin Pickles et lui envoya son poing dans la figure.

Il vacilla avec un cri de douleur alors que le photographe poussait une exclamation offusquée.

- Vous ! Éructa Margaret. Vous mériteriez la même chose pour m'avoir flashée en pleine attaque !

- Margaret, calme-toi, l'exhorta Remus en l'attrapant par la taille pour la faire reculer. Viens, ils ont compris.

Elle se laissa entraîner loin d'eux, toujours aussi furieuse. Les deux jeunes gens gagnèrent l'autre côté de la rue, où se trouvaient à présent Sally, Ethel et Lily. Cette dernière fixait Margaret, stupéfaite.

- Incroyable, commenta-t-elle lorsqu'ils arrivèrent à sa hauteur. Cette guerre t'a vraiment changée, Maggy.

- Est-ce qu'on peut rentrer avant qu'ils ne nous intentent un procès ? Gémit-elle.

- Bon plan, approuva Remus. Je suis désolé Margaret, mais je crains que ça ne remonte aux oreilles de Maugrey. Voire de la Grande-Bretagne.

Lily le fusilla du regard et pressa la main de son amie dans la sienne.

- Je suis sûre qu'ils le méritaient. Vous pouvez transplaner avec Ethel et Sally ? Je suis incapable de réaliser des transplanages d'escorte depuis que je suis enceinte.

Remus pencha la tête sur le côté, intrigué.

- Tu crois que c'est parce que tu as déjà quelqu'un en plus avec toi ?

- On se penchera sur la question plus tard, répondit Lily tout en levant les yeux au ciel. Allez, rentrons.

***

James et Sirius rentrèrent en fin de journée, plus tôt qu'ils ne l'avaient imaginé. Ils trouvèrent la cuisine en ébullition. Remus, qui semblait sortir de son lit, se trouvait là, ainsi que Lily et Benjy. Ces deux derniers discutaient vivement et remarquèrent à peine l'arrivée des nouveaux venus.

- Ça fait toujours plaisir, marmonna James en tirant une chaise près de son ami.

Sirius s'installa de l'autre côté et fit venir à lui un verre d'un coup de baguette.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Interrogea-t-il.

Remus leur résuma l'attaque du matin, ce qui déclencha le départ immédiat de Sirius pour aller voir Ethel et un éclat de rire de James.

- Sérieusement ? Margaret – notre Margaret – a mis son poing dans la figure d'un journaliste ?

- Un sacré beau crochet en plus, si tu veux mon avis. Enfin ça fait moins rire Benjy, qui craint les conséquences.

- Sans doute à juste titre, concéda James. Mais ça devait être marrant à voir.

- Pas marrant, Potter ! Rugit Benjy. C'est mauvais pour tout le monde !

- James ! S'exclama Lily comme si elle venait seulement de remarquer sa présence.

- Lily ! Singea-t-il en gesticulant dans tous les sens.

Elle plissa les yeux et lui adressa un regard mauvais, auquel il répondit par un grand sourire.

- J'espère que ta mission s'est mieux passée, Potter, grommela Benjy.

- Ouais. Je crois qu'on a trouvé un nouveau maillon.

- Un quoi ? Releva Lily, perdue.

- Sérieusement Lily, il faut que tu arrêtes de dormir pendant les réunions. Viens, je vais t'expliquer.

Il se leva d'un bond, l'attrapa par la main et l'entraîna vers la salle de réunion.

- Je ne dors pas pendant les réunions, lui expliqua Lily alors qu'ils traversaient le manoir. En général je suis en train de lire tous les horribles livres de magie noire que Gideon m'a dégotté.

- Excuse-moi mais la dernière fois tu étais dans la salle, et tu dormais sur mon épaule.

- Elle est confortable, se justifia-t-elle.

James poussa la porte de la salle de réunion, amusé, et la fit asseoir à la grande table, face à un tableau recouvert d'un drap blanc.

- Il y a un peu plus d'une semaine, on est arrivé à la conclusion que Voldemort avait des espèces de lieutenants, des chefs qui gèrent ses autres partisans. Ce sont eux, les vrais Mangemorts, ceux qui ont sa confiance, même si plein d'autres portent ces stupides masques.

- Ça paraît assez logique, dans la mesure où Voldemort ne semble presque jamais impliqué dans les attaques, acquiesça Lily.

- Voilà, exactement. Il y aurait donc des espèces de réseaux, gérés par un Mangemort directement en contact avec Voldemort. Gilbert Jones, ton traître du Ministère... Il nous a dit qu'il travaillait pour Rodolphus Lestrange, pas pour Voldemort. Donc on essaie de reconstituer ces réseaux, homme par homme, jusqu'à remonter à la source. On l'avait déjà dit, seuls les proches de Voldemort sont susceptibles de connaître l'emplacement de leur QG. Si on les trouve, on trouve le QG.

- C'est un travail de longue haleine, non ? Commenta Lily alors qu'il découvrait le tableau.

Plusieurs noms étaient affichés, juste en dessous de Voldemort. La plupart leur avait été donnés par Sirius, qui les connaissait par sa famille. Il y avait Rodolphus et Rabastan Lestrange, Bellatrix, Lucius Malefoy, MacNair, et d'autres encore. En dessous se trouvaient quelques noms, mais bien trop peu au goût de Lily.

James attrapa un parchemin sur la table pour y griffonner quelque chose avant de l'épingler au-dessus du nom de Gilbert Jones.

- De qui s'agit-il ?

- Robert Jugson. On a trouvé son nom en fouillant l'appartement de Jones, associé à quelques trucs pas très nets. On va essayer de le trouver. Même si on sait déjà qu'ils travaillaient pour Lestrange, ça nous permettra peut-être de trouver Lestrange.

- Ça fait beaucoup de conditions, soupira Lily. J'ai l'impression qu'on avance tous en plein brouillard.

James s'assit sur une chaise près d'elle et passa une main dans ses cheveux.

- Malheureusement, Benjy a raison. Ils auront toujours une longueur d'avance sur nous parce qu'ils utilisent une magie plus puissante.

- Mais monstrueuse. Tu n'imagines pas les horreurs que je peux lire dans tous ces grimoires que Poudlard m'envoie.

Il grimaça.

- Ce ne sont pas des livres dangereux au moins ? Je me rappelle avoir été un peu empoissonné par un livre de la Réserve, en sixième année.

- Livre que tu as ouvert illégalement ?

- Tu me connais trop bien, PEC.

Elle le gratifia d'un petit coup de genoux.

- Est-ce que c'est pour ça que Remus m'a demandé des conseils pour un antidote qu'on n'était pas censé préparer en classe ?

- Peut-être bien, pouffa-t-il.

- Merlin, je ne comprends pas comment McGonagall a fait pour ne pas devenir folle.

- Et moi je ne comprends pas comment j'ai fait pour te convaincre de m'épouser ! Rétorqua-t-il joyeusement.

Elle ne put s'empêcher de sourire et l'attrapa par le menton pour déposer un baiser sur sa joue.

- Oh, James, avant que tu ne l'apprennes par quelqu'un d'autre : je suis allée sur le Chemin de Traverse, une fois l'attaque terminée, pour m'occuper de Sally et Ethel.

- Quoi ? Mais...

- Pas de panique d'accord ? Coupa-t-elle. Je sais que ça aurait pu être dangereux mais tout s'est bien passé alors pas la peine de t'énerver.

Il l'observa un moment puis poussa un profond soupir.

- Très bien, tu gagnes. Allez, viens, on meurt de froid ici.

***

Sirius poussa doucement la porte sans frapper. Ethel était assise dans son lit, un livre entre les mains. Elle releva la tête et l'observa alors qu'il entrait, sans lui adresser l'ombre d'un sourire.

- Ça va ? Interrogea-t-il en se dirigeant vers elle. Lily m'a dit que tu avais été blessée.

- Oui, répondit-elle d'une voix cassée. Ce n'est pas grand-chose.

Il fronça les sourcils en avisant les marques bleues sur son cou.

- Est-ce qu'on a essayé de t'étrangler ?

- Sirius...

- Quelqu'un t'en veut personnellement ?

- Je ne sais pas, c'était juste... C'était juste un Mangemort, est-ce qu'ils ont besoin d'une raison pour faire du mal aux gens ?

- A quoi il ressemblait ? Insista-t-il.

- Parce que tu vas le pourchasser et te venger ? Laisse tomber Sirius, ce n'est pas grand-chose.

Ils s'affrontèrent du regard quelques instants, mais Sirius finit par capituler avec un soupir.

- Très bien. Mais je reste avec toi.

Il s'installa donc sur son lit et glissa un bras autour des épaules de la jeune femme. Elle se raidit et Sirius se décala aussitôt.

- Excuse-moi, je t'ai fait mal ?

- Je... Oui. C'est pas grave.

- Ethel, tu es sûre que ça va ?

- Je suis fatiguée, c'est tout, répondit-elle vaguement, les yeux tournés vers la vitre.

Comme Sirius ne s'avouait pas facilement vaincu, il posa délicatement les doigts sur sa joue et tourna son visage vers lui pour pouvoir l'embrasser. Elle se laissa faire, et finit même par lui rendre son baiser. Il s'écarta finalement pour lui sourire, mais elle était impassible.

- Ethel ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu ne devrais pas t'occuper de moi, souffla-t-elle.

- Quoi ? Pourquoi ?

- Je suis ... Je suis fatiguée, de mauvaise humeur. Tu devrais passer du temps avec les garçons.

- Mais c'est avec toi que j'ai envie de passer du temps.

- Je vais juste... Je vais juste dormir, tu sais. Vraiment, ne perds pas ton temps avec moi.

- Eh, Ethel... Je ne perds jamais mon temps avec toi.

Elle le scruta un court instant avant de se serrer contre lui. Il lui rendit doucement son étreinte.

- Sirius ? Murmura-t-elle au bout d'un moment.

- Ouais ?

- Tu... tu n'as jamais aimé ta mère, n'est-ce pas ?

- Non. Non, je ne crois pas. Parce qu'elle ne m'aimait pas non plus. (Il déposa un baiser sur le sommet de son crâne). Pourquoi ça ?

- Je me demandais juste à quel point ça avait été difficile de tourner le dos à ta famille.

- Pas si difficile que ça, en somme, parce qu'il y a tellement d'autres personnes à qui je tiens, et qui tiennent à moi.

- Et Regulus ? Tourner le dos à Regulus, ça a été difficile ?

Sirius était surpris, car Ethel n'avait jamais posé de questions à ce sujet tant qu'il n'en parlait pas lui-même. Néanmoins, il répondit :

- Eh bien... Oui. C'était mon petit frère. Il a peut-être fait l'imbécile mais.... (il prit une profonde inspiration). Je le méprise vraiment, mais c'était quand même...

Il se tut, incapable d'en dire plus. Ses sentiments à l'égard de Regulus étaient mitigés et le seraient toujours. Il ne voulait pas avoir de la peine pour quelqu'un qui s'était jeté droit dans la gueule du loup, en pleine conscience et avec fierté. Quand Sirius disait qu'il avait eu ce qu'il méritait, il le pensait. Mais une part de lui ne pouvait s'empêcher d'être profondément choqué par sa mort. Fort heureusement, c'était une part qu'il arrivait facilement à cacher.

Ethel se dégagea finalement et lui adressa un pâle sourire.

- Excuse-moi de t'avoir parlé de ça. Je pense que je vais dormir un peu.

A force de l'entendre répéter cela, il finit par la croire et se leva.

- Repose-toi bien.

Il quitta la pièce, alla chercher ses clefs de moto et partit se changer les idées dans l'air nocturne.

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