Partie III - Chapitre 60


Chapitre 60

Ethel regarda le parchemin se consumer jusqu'à ne plus former qu'un minuscule tas de cendres. Elle attrapa le soufflet posé contre la cheminée de sa chambre et éparpilla les particules. Même un sort ne pourrait pas reconstituer cette lettre.

Agitée d'un soudain frisson, elle referma les bras contre sa poitrine. Elle ne regrettait rien. Deux coups contre la porte l'obligèrent à détourner son attention du feu. La voix de Peter retentit alors qu'elle se dirigeait vers le battant.

- E... Ethel ? Balbutia-t-il. Tu es l...

Elle ouvrit grand la porte et la phrase de Peter s'acheva dans un couinement. Elle haussa un sourcil pour l'inviter à continuer.

- Il y a une réunion en bas, expliqua-t-il après avoir déglutit. D'urgence. Tu, euh... Voilà.

Il se passa la main dans la nuque avant de déguerpir pour aller frapper aux autres portes. Ethel s'engagea dans le couloir, non sans jeter un regard agacé au petit blond. Elle appréciait tous les Maraudeurs, mais Peter... Elle ne pouvait s'empêcher de le mépriser un peu parce que seule la peur conduisait ses actions.

Ethel descendit au rez-de-chaussée sans l'attendre. Des éclats de voix parvenaient de la salle de réunion, où elle entra sans faire de bruit. Fabian, Gideon, Lily, Amanda, Benjy et Sirius, ainsi que les Londubat, étaient rassemblés autour de la grande table. Sirius agitait un journal dans tous les sens et tout le monde parlait en même temps, à part Lily qui essayait visiblement de se mettre au tricot.

La jeune femme prit une chaise le plus loin possible des hommes, qui gesticulaient en tous sens.

- Il faut qu'on retourne la situation ! s'écria Frank.

- Et comment ? Railla Sirius. En allant distribuer des fleurs et se dresser en chevaliers de la justice à tous les coins de rues ? On a essayé et ça n'a pas marché.

Ethel se pencha vers Alice, assise près d'elle.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Chuchota-t-elle.

Son amie ramena une mèche blonde et bouclée derrière son oreille tout en répondant :

- Tu sais, Gilbert Jones ? Le type que des Aurors devaient récupérer mais qui a été assassiné, avec les deux Aurors de Maugrey ? La Gazette a écrit un article où elle explique qu'ils se sont tous les trois entre-tués mais que les Aurors ont attaqué d'abord.

- Ça n'a absolument aucun sens, objecta Ethel.

- Depuis quand est-ce que les gens lisent la Gazette pour y lire des choses rationnelles ? Maintenant tout le monde accuse le Bureau des Aurors, et nous par la même occasion, d'être sanguinaire. D'autant plus que le procès de Lily et Jones s'est tenu à huis clos, donc personne ne sait rien de l'implication de Jones. Et les gens préfèrent se voiler la face plutôt qu'admettre qu'il y a des partisans de Voldemort au Ministère.

- Ça m'a l'air bien compliqué.

- Est-ce qu'on peut se poser les vraies questions ? Intervint Gideon alors que Peter se faufilait sans bruit dans la pièce. Comment ont-ils découvert que Jones les avait trahis ? Parce que c'est certainement pour ça qu'ils l'ont liquidé.

Sirius et Frank se turent aussitôt, à court de répartie.

- On nous suit, proposa Lily.

- Ou alors ils ont d'autres traîtres au Ministère, ajouta Benjy.

- Hé ! Protesta la jeune femme. Je n'ai trouvé personne !

- Parce qu'ils ne sont sans doute pas tous aussi stupides que Jones. D'ailleurs, les seuls à être au courant des révélations de Jones avant ton procès, c'était les Aurors. Donc, certains ont dû changer d'allégeance là-bas.

- Si Maugrey les trouve, ils sont morts, commenta Sirius.

- Justement pas, parce qu'on ne tue pas les gens, nous, rétorqua Benjy.

- Dit celui qui a tué un vieillard du Magenmagot.

L'accusé soupira profondément.

- Je maintiens que c'était Vance ou lui, mais Emmeline a raison. Ils sont en train de nous faire passer pour les barbares.

- Je ne compte pas devenir un martyr juste pour prouver que nous sommes les gens sympas, prévint Sirius.

Ethel ne comptait pas intervenir, mais elle était d'accord avec lui. Elle jeta un coup d'œil autour de la table ; Amanda, pâle et maigre depuis sa blessure, écoutait en silence, tout comme Peter. Lily jetait des regards furibonds à Sirius, Frank semblait chercher une solution quelque part du côté du plafond, et les deux frères Prewett échangeaient à voix basse. Quant à Benjy, il avait l'air agacé.

- T'es vraiment d'aucune aide, Black.

- Parce que toi tu...

- Très bien, maintenant on la ferme ! Explosa finalement Gideon. On n'est pas là pour se disputer mais pour trouver une solution concrète à un problème concret, qui est : comment font les Mangemorts pour dégotter nos infos ?

- C'est l'heure de la grande théorie du traître, marmonna Sirius. Aïe, Lily !

La jeune femme prit un air innocent mais entreprit de jouer avec ses aiguilles à tricoter d'un air menaçant.

- Peut-être qu'on vous a simplement suivis, comme le disait Lily, reprit Gideon. Après tout, ce n'est pas la première fois qu'un truc bizarre du genre arrive. Quand ils ont attaqué la petite Carrie, ils savaient visiblement où allaient se trouver la gamine et Hardley.

- Il existe des tas de potions pour localiser les gens, intervint Lily. Mais la plupart ne fonctionnent que dans un périmètre défini et si on possède un objet appartenant à la personne. Et je ne parle pas seulement d'une petite cuillère, il faut que ce soit quelque chose qui soit en permanence en contact avec la personne visée. Des Sorciers du XVIè pensent qu'un tel objet absorbe une partie de l'essence de son propriétaire et...

- Ça va PEC, on a compris, coupa Siruis avec une moue amusée.

- Merlin, Sirius ! Explosa-t-elle. Tu es insupportable ! Ça t'arrive d'être agréable de temps en temps ?

- Jamais quand il est question d'Histoire de la Magie.

- Très bien Black, dehors, décida finalement Gideon, excédé.

- Hé, on n'est pas à Poudlard, je peux rester si je v...

- DEHORS !

Sirius finit par lever les mains en l'air en signe de reddition et quitta la pièce en marmonnant. Lily poussa un soupir de soulagement alors qu'Alice adressait un regard amusé à Ethel.

- Il est survolté, en ce moment.

La jeune femme haussa les épaules. Elle mettait cela sur le compte de la mort de Regulus mais, à vrai dire, elle n'en savait rien.

- Bon, exhala Gideon. Evans, tu disais ?

Si Sirius avait encore été là, il aurait probablement corrigé en « Potter », mais tout le monde semblait en avoir assez des interruptions.

- Euh... Oui, les potions de traçage... Elles sont rarement efficaces, pour tout dire. Quant aux sortilèges, c'est un peu la même chose. Le meilleur est celui qu'on a utilisé quand Minchum a disparu l'an dernier, mais il est assez extrême. Je pense qu'on l'aurait remarqué si les Mangemorts l'utilisaient.

- Mais tout ça, ce ne sont que des moyens classiques, intervint Benjy.

- A vrai dire, c'est plutôt difficile à réaliser et...

- Non, ce que je veux dire c'est qu'il ne s'agit pas de magie noire. Or, ils y ont bel et bien recours. Ils sont un niveau au-dessus de nous et on ne pourra jamais les rattraper.

- Il faut savoir, soupira Alice, ce sont eux ou nous les barbares ?

Il la fusilla du regard.

- Eux, mais comme ils sont discrets personne ne sait quels abominables sortilèges ils utilisent.

- Bon, intervint Gideon, en somme, même s'ils nous suivent à la trace on ne peut rien faire contre ça ?

Lily et Benjy échangèrent un regard puis le second haussa les épaules.

- Sans doute pas. Pas tant qu'on ne connaît pas la méthode utilisée en tout cas.

Fabian, jusqu'alors étrangement silencieux, prit alors la parole :

- Si on obtient la formule, ce sera sans doute facile à contrer. Il suffit de casser le sortilège puis de créer le contre-sort à partir des éléments séparés.

Tout le monde le fixa avec incompréhension. Il leur adressa un grand sourire.

- Faites-moi confiance, c'est facile.

- Et comment on dégotte la formule ? Intervint Frank. Si tant est qu'elle existe.

- Véritaserum ? Proposa Peter d'une petite voix.

- Pour ça il faut avoir un Mangemort sous la main, commenta-t-il.

- Très bien, intervint Gideon. Lily, on va te faire envoyer des livres de la Réserve de Poudlard et tu vas les éplucher pour essayer de voir ce qu'ils peuvent utiliser.

- J'adore les vieux manuscrits pleins de magie noire, marmonna-t-elle.

- Si tant est qu'elle existe, insista Frank plus fort.

- Quant aux autres, on n'a plus qu'à essayer de mettre la main sur un Mangemort sans se faire tuer – ou sans le faire tuer.

- Dans ce cas-là, j'ai une proposition, annonça Benjy.

Toutes les têtes se tournèrent vers lui.

- Pourquoi ne pas leur soutirer le lieu de leur quartier général ? Ils en ont forcément un. Avec du Véritaserum ce sera facile.

- Ou pas, commenta la voix étouffée de Sirius, de l'autre côté de la porte.

Gideon poussa un soupir exaspéré alors que Fabian et Peter pouffaient de concert. D'un coup de baguette, Frank ouvrit la porte. Sirius faillit s'étaler au sol, surpris, mais il se rattrapa de justesse. Il leur adressa un sourire confiant tout en passant la main dans ses cheveux.

- Explique toi, ordonna Gideon.

- Eh bien, ce n'est pas comme ici. Tout le monde ne bénéficie pas de la confiance de Voldemort. Ça tient au fait qu'ils sont plus nombreux mais aussi que Voldemort n'a foi qu'en lui. Enfin bref, le premier crétin capable de faire un peu de magie noire que vous ramasserez sera sans doute incapable de vous dire où se trouve leur QG, pour la bonne raison qu'il n'a pas le droit de s'y rendre. Seuls les hommes de confiance connaissent son emplacement.

- Tu es bien sûr de toi, commenta Benjy.

Sirius le fusilla du regard mais, au grand soulagement d'Ethel, ne réagit pas à la provocation.

- Je connais son milieu, rappela-t-il simplement. J'ai entendu plus de conversations compromettantes que je ne le voudrais.

Pour faire court, on a intérêt à mettre la main sur un Lestrange ou autre type du même acabit ? Résuma Gideon.

- C'est ça.

- Qui est partant ?

Après un moment d'hésitation, tout le monde y alla de son assentiment. Ils avaient tous la sensation de stagner depuis des semaines ; ce nouveau défi était donc le bienvenu, même s'il était aussi affreusement dangereux. Lily et Alice, qui ne pourraient pas aller sur le terrain, affichaient d'ailleurs un air inquiet. Les autres membres avaient l'air bizarrement réjoui, comme s'il s'agissait d'une banale quête.

Ethel laissa son regard errer sur la petite assemblée et enregistra la réaction de chacun. A part les deux jeunes femmes, seul Peter semblait prendre la pleine mesure de la décision prise. Dans le fond, peut-être était-il la seule personne sensée de cet Ordre.

***

Severus avança son fou. Rabastan tourna la page de son journal avec une moue affectée.

- Excuse-moi, tu as joué ?

Son adversaire se contenta de lui adresser un regard impassible. Il aurait aimé lui faire une remarque acerbe mais Rabastan était son aîné, et bien plus haut placé que lui en matière d'influence. Non vraiment, Severus ne souhaitait pas s'attirer ses foudres. Il devait se contenter de son mépris.

Rabastan reporta son attention sur leur jeu. Il observa la nouvelle disposition, fronça les sourcils, laissa ses doigts errer autour du plateau. Une fois encore, il allait jouer trop vite. Dans le fond, c'était aussi pour ça que Severus prenait son temps pour jouer ; pour que Rabastan ne se rende pas compte qu'il était bien meilleur que lui et qu'il pouvait l'écraser en un rien de temps.

Sa main s'immobilisa mais, contre toute attente, il la laissa retomber. Le mouvement de son adversaire semblait l'avoir surpris. Severus se carra au fond de son fauteuil, content de cette pause. Ils jouaient depuis une heure déjà.

De sa place, il apercevait la une de la Gazette que Rabastan avait momentanément délaissée. Sur la photo de couverture, Minchum tentait de repousser les journalistes, un air fatigué sur le visage. Derrière lui, se distinguaient quelques vitrines sales et abandonnées du Chemin de Traverse.

En un sens, ils avaient atteint leur objectif ; le pays était plongé dans le chaos, du côté magique comme moldu. Leur ministre ne savait plus quoi faire, les gens avaient peur, se barricadaient chez eux, ne faisaient plus confiance à personne. S'ils continuaient comme ça, ce serait bientôt la guerre civile et Voldemort n'aurait plus qu'à cueillir le pays.

Severus n'était pas sûr d'aimer la façon dont ils étaient arrivés jusque-là. Il n'aimait pas terroriser les gens pour le plaisir de leur faire peur. Il préférait agir lorsqu'il y avait un but précis. Détruire la Bourse, par exemple ; ça c'était important. Peu de partisans de Voldemort comprenaient l'importance d'un tel lieu, cependant. Pour eux, ce n'était qu'une stupide invention moldue. Mais lui savait que l'argent dominait le monde des Moldus, que sans cet endroit essentiel qu'était la Bourse de Londres, ils paniqueraient. Severus voulait détruire le pays et ses institutions plus que les gens qui le peuplaient. Avec un nouveau mode de gouvernement, de nouvelles lois, ils prendraient le contrôle bien plus facilement. Il avait bien conscience que le monde sorcier devait être purgé de certains éléments, et que les Sorciers, les vrais, devaient reprendre leur juste place. Mais il était persuadé qu'il y avait un moyen plus subtil que la force brute d'y parvenir.

Malheureusement les gens se dressaient sur leur chemin. En dehors de ces moins que rien de l'Ordre du Phénix, d'autres personnes faisaient preuve de ce qu'elles prenaient sans doute pour un courage héroïque. Des gens tentaient de barricader leur porte lorsque les Mangemorts arrivaient, d'autres se plaçaient devant leurs enfants pour tenter de les protéger. Mais tous, lorsqu'ils voyaient la mort venir, flanchaient. Certains reculaient et gagnaient leurs rangs, d'autres tombaient à genoux et demandaient grâce, toute dignité envolée. Severus les détestait pour leur faiblesse, tous autant qu'ils étaient. Tous ces bons sentiments le répugnaient, lui qui ne les avait jamais vraiment connus. Il ne voulait pas de cette humanité faible et lâche. La société que voulait Voldemort était celle des gens sûrs d'eux, forts, confiants.

Le claquement sec d'une pièce de bois qui se déplace sur l'échiquier le ramena à la réalité. Rabastan reprit son journal, l'air fier de lui. Severus porta son attention sur la nouvelle formation, à nouveau concentré sur la partie. Alors qu'il s'apprêtait à avancer l'une de ses tours qui se tortillait, la porte de la bibliothèque s'ouvrit sur un petit elfe de maison tout rabougri. Severus le considéra avec dégoût alors qu'il se dirigeait à pas traînant vers son maître. Il n'avait jamais compris comment des êtres aussi misérables que les elfes de maison pouvaient être dotés d'une magie aussi puissante.

- Maî... Maître, bredouilla la créature tout en lui tendant un rouleau de parchemin.

Rabastan, sans même lever les yeux de son journal, tendit la main. L'elfe y déposa la lettre et s'en alla à reculons, les yeux baissés. Ce ne fut qu'une fois la porte refermée que Rabastan daigna baisser les yeux sur la missive. Il la décacheta, la déroula et la parcourut rapidement. Un sourire éclaira son visage impeccablement rasé.

- On fait une descente à Pré-au-lard. Tu viens avec nous, Rogue ?

Le jeune homme savait que ce n'était pas vraiment une question, aussi hocha-t-il la tête.

- On va emmener la fille.

Il haussa les épaules. Le sort de la fille Howse lui importait peu. Si Rabastan avait envie de s'amuser avec son nouveau jouet, il n'allait pas l'en empêcher.

Ils quittèrent donc la maison de Lestrange, perdue dans la campagne, quelques minutes plus tard, la fillette blonde marchant devant eux, contrôlée au fil de la baguette de Rabastan. Malgré le mépris de Severus pour cette terreur gratuite qu'ils dispersaient, il ne put contenir un frisson de satisfaction lorsqu'ils transplanèrent au beau milieu du village sorcier, un samedi après-midi. D'autres Mangemorts, dont Avery, étaient arrivés avant eux et semaient déjà la pagaille dans la rue principale. Les élèves de Poudlard en sortie s'enfuyaient en hurlant. Un jeune homme, probablement en sixième ou septième année, était étendu dans la neige, face contre terre. Une fille hurla un nom avant de se ruer sur eux, ses cheveux blonds battant l'air. L'expression déterminée peinte sur son visage lui rappela un instant Lily. Le cœur de Severus manqua un battement, mais il se reprit vite. Ce n'était pas Lily Evans, et même si ça avait été le cas, ça n'aurait rien changé. Elle n'était qu'une Sang-de-Bourbe. Elle avait épousé Potter. Sa bouche se tordit alors qu'il réalisait que son amertume n'avait en rien diminué. Furieux contre lui-même et contre Lily, il pointa sa baguette vers la fille. Il fut surpris de rencontrer une résistance ; son sort ricocha sur un sort du Bouclier parfaitement maîtrisé. Il en fut bizarrement réjoui ; il allait pouvoir mettre à profit toutes ses capacités.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour parvenir à la blesser. Un sort qu'il avait mis lui-même au point, une version moins radicale du Sectumpsempra, la heurta à l'épaule. Elle s'effondra sur le dos avec un cri de douleur. La neige fut vite teintée par son sang alors qu'elle tentait de se relever. Severus marcha vers elle d'un pas tranquille, sûr de lui. Sans doute s'était-elle précipitée pour défendre le garçon, étendu non loin d'elle. Qu'ils soient en sixième ou en dernière année, ils ne faisaient pas le poids face à lui.

La fille se redressa, cracha quelques insultes puis un maléfice qui le percuta sans vraiment l'arrêter. La peau de son bras gauche se mit à brûler mais il se contenta de grimacer. Elle recula, l'air toujours aussi furibonde. Cela ne fit que renforcer l'agacement de Severus ; c'était ce stupide courage auquel il songeait un peu plus tôt, cette fierté mal placée qui rendait la fin plus difficile. Il n'était plus temps de jouer. Il leva sa baguette.

***

Remus trébucha à l'arrivée de son transplanage ; ce faux pas lui sauva la vie. Un maléfice de mort passa à l'endroit où il aurait dû se trouver s'il avait gardé son équilibre et alla se perdre dans la vitrine de Zonko, qui explosa avec fracas. Le Mangemort qui avait fait ça regardait dans la direction de Remus, immobile. A cause de sa cagoule, il ne pouvait lire l'expression de son visage. A vrai dire, il n'en avait pas vraiment le temps : il attaqua sans plus attendre.

Alors qu'il joutait avec le Mangemort, il entendit le bruit distinctif émis par quelqu'un qui transplane. Il espéra de tout son cœur qu'il s'agissait de Peter, qui aurait déjà dû être là. Distrait, il ne put éviter un maléfice qui lui entailla méchamment l'épaule. Un cri de douleur lui échappa au moment même où son adversaire glissait dans la neige à moitié fondue. Il sut saisir sa chance et le Mangemort s'écroula, stupéfixé.

Fier de lui mais aussi couvert de sang, il engagea le combat avec un autre Mangemort. Il s'en tirait plutôt bien jusqu'au moment où un sortilège cuisant étrangement faible vint le frapper à la jambe pour le déséquilibrer. Il jeta un coup d'oeil sur sa gauche pour évaluer le danger mais ce qu'il vit le figea sur place.

Une fillette blonde, baguette tendue, le fixait avec des yeux vides. Il reconnut son visage sans peine ; c'était Hannah Howse, la jeune élève de Poudlard qui avait disparu au cours des vacances de Noël. Margaret et lui n'avaient jamais réussi à retrouver sa trace.

Un maléfice le cueillit en plein ventre et il alla s'étaler dans la neige, quelques mètres plus loin, le souffle coupé. Toussant et crachotant, il tenta de se relever mais son épaule avait repris un coup et la douleur le clouait au sol. Il vit alors Hannah s'avancer, le visage toujours aussi inexpressif.

- Hannah, appela-t-il entre deux quintes de toux. Hannah, ré...réveille-toi.

Elle tendit sa baguette vers lui, ouvrit la bouche et prononça d'une voix morne :

- Avada Kedavra.

Un minuscule jet de lumière verte sortit de la pointe de sa baguette et atteignit les côtes de Remus. Il ressentit une légère douleur, mais rien de plus. Stupéfait, il fixa la fillette qui avait baissé son bras et attendait sans doute l'ordre suivant. Mais au lieu d'agir à nouveau, elle fut illuminée par une lueur verte et malsaine. Ses yeux se révulsèrent alors que son corps partait vers l'avant, percuté dans le dos par le Sortilège Impardonnable. Elle s'écroula dans la neige, inerte.

Remus, horrifié, le cœur au bord des lèvres, trouva dans sa haine la force de se relever. Il était seul dans la rue face à un Mangemort. Un autre se battait avec une jeune fille qu'il n'eut pas le temps de reconnaître. Plus loin, du côté du château, résonnait des bruits de lutte. Les professeurs de Poudlard avaient dû arriver.

- Ces enfants n'ont vraiment aucune puissance, commenta le Mangemort, sa voix étouffée par sa cagoule.

Remus tenta de le désarmer, mais en vain. Il tremblait de rage autant que d'épuisement ; son sang coulait à flot, dégoulinait le long de son bras et gouttait au bout de ses doigts jusqu'à venir s'écraser dans la neige. Il esquiva de justesse un maléfice, riposta maladroitement. Intérieurement, il se traitait d'incapable ; il n'avait même pas tenu cinq minutes. Il serra les dents, et essaya de gagner un peu plus de temps. Les Trois Balais était sans doute plein à craquer d'élèves paniqués ; il ne pouvait pas les laisser tomber tout de suite.

Alors qu'il ripostait à nouveau, encore une fois sans succès, la baguette du Mangemort jaillit de ses mains et tourbillonna dans l'air froid jusqu'à Albus Dumbledore qui, debout au milieu de la rue, irradiait d'une rage contenue. De soulagement, Remus se laissa tomber au sol. Le Mangemort, paniqué, se précipita sur un étudiant étendu au sol et attrapa sa baguette. Son congénère, celui qui se battait avec la fille quelques secondes plus tôt, parvint à le couvrir pendant ce temps-là. Ensemble, ils transplanèrent loin du seul Sorcier que craignait Voldemort.

Des pas lourds firent trembler le sol et Hagrid se matérialisa près de Remus. Il était si inquiet qu'il semblait au bord de larmes. Il l'aida à se relever, lui arracha un cri de douleur en serrant trop son bras blessé, mais Remus n'y prêta pas vraiment attention. Son regard était tourné vers l'endroit où avait disparu les deux derniers Mangemorts. McGonagall et Flitwick étaient agenouillés dans la neige, penché sur quelqu'un – probablement la fille qu'il avait vue un peu plus tôt. Près d'eux, le professeur Sinistra aidait le jeune homme dont on avait volé la baguette à s'asseoir.

- Je veux aller les voir, bredouilla Remus en se dégageant de la poigne d'Hagrid, qui s'était sensiblement adoucie depuis son cri de douleur.

- Remus, protesta le demi-géant, tu ne devrais pas...

Il ne l'écouta pas et se dirigea d'un pas hésitant vers ses anciens professeurs. Il aperçut des cheveux blonds étalés dans la neige, puis un petit nez un peu retroussé et une bouche toute prête à afficher un sourire espiègle. Il le savait, car c'était Anne Shirley qui gisait dans la neige, les yeux fermés, immobile.

***

Peter s'était assuré que tous les élèves étaient à l'abri. Il avait parcouru les petites rues du village et avait aidé les retardataires à se mettre à couvert. Puis il avait rejoint les professeurs de Poudlard et s'était battu avec eux. Il avait fait ce qu'il fallait.

Il marchait à présent vers le QG, un Remus silencieux à ses côtés. Madame Pomfresh l'avait remis sur pieds en un rien de temps. Dumbledore leur avait assuré qu'ils feraient mieux de rentrer au QG directement ; il n'y avait rien d'autre qu'ils puissent faire, pas même concernant Hannah Howse. Les Aurors se chargeraient de rapporter son corps à ses parents.

Ils atteignirent la porte d'entrée, que Peter poussa sans hésitation. Remus resta en arrière, les bras ballants.

- Lunard ? Bafouilla Peter. Entre, on gèle dehors.

- Est-ce que... Martin est là ?

- Pas dans le salon. Allez, viens. Ce n'est pas comme si c'était ta faute.

Remus lui adressa un regard vide mais finit par lui emboîter le pas. La porte d'entrée se referma en claquant, ce qui attira l'attention des occupants de la cuisine. Lily en émergea, suivie d'Alice. Leurs sourires fanèrent lorsqu'elles avisèrent l'expression de Remus.

- Tu es blessé ? Demanda aussitôt Lily.

- Je... Non, plus maintenant. Pomfresh...

Lily se détendit aussitôt. Comme tout le monde, elle avait une confiance absolue dans les capacités de Madame Pomfresh. Avant que quiconque ne puisse ajouter quelque chose, la porte s'écarta un peu plus et Martin fit son apparition, un morceau de gâteau dans la main, l'air aussi réjoui que d'habitude.

Lorsqu'il le vit, Remus devint livide. La salutation joyeuse de Martin mourut dans sa gorge lorsqu'il remarqua ce changement et son regard passa d'une personne présente à l'autre.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Comme Lily et Alice n'en savaient pas plus, elles se tournèrent également vers les deux garçons. Peter adressa un regard suppliant à Remus, qui déglutit avec peine.

- Martin..., commença-t-il.

- Quoi ? Le pressa-t-il à nouveau. Remus, quoi ?

- Anne... Anne est... Elle a été...

Toute couleur déserta le visage de Martin. Il fit un pas vers lui.

- Blessée ? Supplia-t-il. Anne a été blessée ?

Les larmes remplirent les yeux de Remus, qui détourna la tête. Un sanglot s'échappa des lèvres de Lily alors que Martin, la bouche entrouverte, fixait toujours Remus. Alice voulut poser sa main sur son bras mais il se dégagea d'une violente secousse. Il traversa à grands pas le salon, bouscula Remus et Peter au passage et ouvrit grand la porte. Il sortit en courant, trébucha dans l'herbe humide et s'écroula. Il se ramassa sur lui-même, comme pour se relever, mais reste prostré dans l'herbe, le visage posé sur ses avant-bras, les poings enfoncés dans la boue. Les autres membres de l'Ordre virent son corps se contracter juste avant que son cri de douleur ne leur parvienne.

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