Partie III - Chapitre 59
Chapitre 59
James avait été envoyé auprès de Carrie à la place de William. Il s'était exécuté sans rechigner, conformément à l'accord passé avec Maugrey. Sirius savait à quel point il détestait cette situation, mais c'était pour le mieux.
Avec l'aide de William, il essayait de trouver comment faire sortir Lily de prison le plus vite et le plus légalement possible. Ils étudiaient les informations rapportées par James lorsque Dorcas déboula soudain dans la cuisine du QG. Ce jour-là, elle avait les cheveux remontés en un chignon élégant et portait un tailleur très ajusté qui la faisait paraître bien moins quelconque que d'habitude. Sans leur dire un mot, elle lança un dossier sur la table et s'enfonça dans le manoir accompagnée du claquement sec de ses talons aiguilles.
- C'était qui, ça ? Interrogea William, l'air sonné.
- Dorcas Meadowes. C'est un des agents infiltrés de Maugrey. Et si tu veux mon avis, elle fait aussi du trafic de drogue.
- Rassurant, marmonna le jeune homme avant d'attraper la liasse de feuilles qu'elle leur avait laissée.
Sirius le lui arracha des mains et le feuilleta rapidement.
- C'est sur le type qui a coincé Lily. Références impeccables... Sang-mêlé, comme la plupart des gens... Pas une lumière, si tu veux mon avis.
- Comment s'appelle-t-il ?
- Gilbert Jones. (Il fronça les sourcils). Il travaille au département de la Justice magique.
- C'est là où était Lily, non ? Je croyais qu'elle connaissait tout le monde ?
- Apparemment tout le monde ne boit pas de café. Ce département est décidément très prisé par les traîtres en tout genre.
- Lily n'est pas un traître, protesta William.
Sirius leva les yeux au ciel.
- Tu vois ce que je veux dire. Allez, amène toi Hardley. On va coincer ce type.
- Quoi ? Comme ça, sans plan ?
Son acolyte, déjà à mi-chemin entre la cuisine et la porte d'entrée, se retourna avec un sourire.
- On va trouver son bureau, lui poser quelques questions, et ensuite on ira chercher Lily.
William soupira tout en vérifiant qu'il avait bien sa baguette.
- Quelques questions, hein ?
- Ouais. Un peu musclées, c'est tout.
Sirius posa la main sur la poignée mais une nouvelle intervention de William l'interrompit.
- Et ensuite ? On se fait arrêter par la Brigade pour torture, on est obligés d'avouer que Lily est effectivement une espionne, même si c'est pour notre camp, et on finit tous à Azkaban ?
- Eh bien... On trouve son adresse et on le coince chez lui !
- Ça revient au même.
- Très bien, qu'est-ce que tu proposes, Hardley ?
- Je...
A cet instant, Dorcas surgit à nouveau dans la cuisine et lança au jeune homme un flacon, qu'il rattrapa de justesse.
- Qu'est-ce que ...
- Ne vous faites pas prendre ! Lança-t-elle par-dessus son épaule avant de pousser Sirius pour quitter le QG.
Celui-ci se précipita vers William et lui arracha la petite bouteille des mains. Il examina un instant le liquide incolore qui se trouvait à l'intérieur, ôta le bouchon pour le renifler pour commenta :
- Est-ce qu'elle vient de nous donner de l'eau ? Parce qu'à l'odeur, il ne s'agit pas de vodka.
- Réfléchis deux secondes, Black. Une potion qu'elle a sans doute prise dans le bureau de Maugrey et qu'elle nous donne parce qu'on doit interroger quelqu'un, qu'est-ce que ça peut bien être ?
- Oh. On n'a jamais eu le droit de s'en servir jusque-là. Maintenant je comprends pourquoi Lily est sortie avec toi, tu t'y connais en potion.
William rougit affreusement.
- Pas tellement. Et ça n'avait aucun rapport.
Sirius leva les yeux au ciel.
- Je plaisantais. Maintenant éclaire-moi, ô grand génie des plans parfaits. Comment on fait ingurgiter ça au suspect et qui récupère sa confession ?
Il haussa les épaules.
- On lui fait avaler de force, on écoute ce qu'il a à dire et on transmet à Maugrey qui se chargera du reste.
- On lui réserve un comité d'accueil chez lui, tu l'immobilises, je lui fourre ça dans le gosier et on attend. Ça te va ?
- Parfait. Plus qu'à trouver son adresse.
- Je suis sûr qu'elle est dans le dossier de Dorcas.
Il ne lui fallut que quelques secondes pour trouver l'information qu'il cherchait.
- C'est dans le Surray, annonça-t-il. Allons-y maintenant, s'il a entouré sa maison de défenses magiques on aura le temps de les faire sauter avant son retour.
- Ça me paraît trop facile, commenta William en emboîtant le pas à Sirius.
- Ne te plains pas, pour une fois que ça l'est.
- Et si c'était un piège ?
- Tu as vu le piège qu'il a tendu à Lily ? Non, ce type n'a pas grand-chose dans la cervelle. Tous les sbires de Voldemort ne sont pas des lumières, tu sais. Ils ne seraient pas de son côté, sans ça. Regarde mon frère, un vrai crétin.
William ne répondit rien, un brin choqué qu'il parle en ces termes de son frère récemment décédé. Il ne comprendrait décidément jamais Sirius.
- En attendant, il s'en sort pas mal avec son armée de crétins, finit-il par dire alors qu'ils traversaient à grands pas le parc du manoir.
- La cruauté est la meilleure arme. Si Dumbledore était là il me répondrait sans doute que l'amour est plus fort que tout, mais ce sont des conneries.
William s'arrêta net.
- Ça veut dire que tu comptes aussi être cruel.
- Non, simplement que je ne crois pas ses théories foireuses. Il faut être juste, c'est tout.
- Mais encore ?
- Merlin, Hardley ! Explosa Sirius en faisant volte-face, la main posée sur la grille du jardin. On n'est pas là pour débattre d'éthique mais pour sortir Lily de prison ! Et on s'apprête à forcer un type à avaler un produit qui l'obligera à nous révéler tous ses secrets alors ne viens pas m'étaler tes bons sentiments sous le nez maintenant.
Il ouvrit rageusement la porte, attrapa le bras de William et transplana sans prévenir.
***
Gilbert Jones était assez satisfait. Sa journée au Ministère s'était bien passé. La petite secrétaire du deuxième étage semblait enfin être sensible à son charme et il n'avait plus à s'inquiéter des faits et gestes de cette fouineuse du stand café. Il avait géré cette situation avec brio.
Plein de cette aveugle confiance en lui, il monta en sifflotant les marches qui menaient à son appartement. Pris dans un grand solo de Célestina Moldubec à propos d'un crapaud, il tourna la clef – c'était un appartement moldu – sans faire attention à ce qui l'entourait et entra.
Le sort qui le cueillit en pleine tête l'envoya violemment valser contre la porte. Son cri de douleur se perdit dans le claquement de la porte juste avant que l'immobilité ne le gagne. Effaré, il vit un jeune homme aux cheveux châtains se pencher sur lui.
- Il a dû se prendre la poignée. Il saigne.
- Est-ce qu'on en a quelque chose à faire ? Non, je ne crois pas.
Quelqu'un d'autre l'attrapa sous les bras et le traîna dans son salon. On le jeta sans considération sur une chaise. Un autre jeune homme, brun celui-ci, fit son apparition dans son champ de vision.
- Il a la bouche fermée, commenta le premier.
- Certes.
- Il va falloir lever le sort, insista-t-il.
- Oh Merlin... On a une corde ?
- Heureusement que j'ai écouté en cours.
Il fit apparaître une corde et le brun enchaîna :
- Très bien. Je le tiens et tu l'attaches ?
Jones songea avec satisfaction que ces imbéciles ne l'avaient même pas privé de sa baguette. Il se préparait à se défendre lorsque le brun attrapa ses bras figés. Il grimaça ; il avait plus de poigne qu'il n'en avait l'air.
- T'es prêt ? A trois, deux, un... Maintenant !
Jones banda ses muscles et rua dans tous les sens dès que le sortilège fut levé. Il voulut écarter les bras pour attraper sa baguette dans sa poche de pantalon mais le jeune homme l'en empêchait. L'otage tenta une nouvelle ruade, qui les envoya tous les trois valser au sol. Il essaya de rouler sur le ventre mais celui qui le tenait parvint à lui cogner violemment la tête au sol. Sonné, il essaya une nouvelle fois de se dégager mais sans grand succès. Un nouveau coup sur la tête lui fit définitivement perdre ses forces. On enroula la corde autour de ses mains et de son torse sans qu'il puisse résister.
L'un de ses agresseurs le souleva avec un grognement pour l'asseoir dans un fauteuil. Tout tournait autour de Jones, alors que quelques nouveaux mètres de corde servaient à l'attacher au meuble.
- Vas-y, entendit-il.
On lui renversa la tête en arrière tout en lui pinçant le nez. Privé d'air, il ouvrit grand la bouche. Un liquide dépourvu de goût lui coula alors dans la gorge. Il tenta de recracher mais une main s'écrasa sur sa bouche pour l'obliger à la maintenir fermée. Au bout de quelques secondes, il cessa de se débattre. Sa vision commençait à s'éclaircir alors que les échos des coups qu'il avait reçus s'estompaient légèrement. Les deux hommes se tenaient devant lui, les mains sur les hanches. Ils semblaient attendre quelque chose. Il les dévisagea, puis gloussa.
- Black ?
Le rejeton de la célèbre famille de Sang-Purs gronda, le visage tordu par la colère.
- Ferme-la, Jones.
- Tu ressembles à ton frère.
- Merlin, marmonna-t-il, dites-moi que ce n'est pas déjà le Véritaserum qui fait effet.
Son acolyte lui jeta un regard bizarre avant de se pencher vers Jones.
- Comment vous appelez-vous ?
Jones avait bien envie de l'insulter, mais à la place il s'entendit répondre :
- Gilbert Jones.
- Pour qui travaillez-vous ?
- Rodolphus Lestrange.
Il se serait bien frappé la tête par terre, malheureusement c'était impossible. Le jeune homme le regardait toujours, l'air intéressé.
- Eh bien, je m'attendais à ce que vous parliez du Ministère mais c'est bien aussi. Et Lestrange, pour qui travaille-t-il ?
- Le... Le Seigneur des Ténèbres.
- Voldemort ?
Un violent frisson parcourut le corps de Jones. Cela parut réjouir particulièrement Black.
- Alors, on a peur de lui ?
Cette fois-ci, l'esprit et la bouche de l'otage était d'accord :
- Oui !
- Vous avez tendu un piège à Lily... Elizabeth Porter ?
- Oui. Elle allait finir par me découvrir.
- Dommage pour vous qu'on l'ait fait avant, commenta Black. Viens Hardley, on a ce qu'il nous faut. Maugrey enverra un Auror s'occuper de lui.
Ce fut la dernière chose que Jones entendit avant que l'un des deux ne le stupéfixie.
Lorsqu'il reprit conscience, l'appartement était plongé dans le noir. Il essaya de se dégager mais ces petits crétins s'y connaissaient en nœuds.
- Pas la peine de te débattre, Gilbert.
Il se figea. Il connaissait cette voix.
- Jug... Jugson ? Bouge-toi, ils vont envoyer des Aurors et...
- Ils l'ont déjà fait.
- Mais...
- Il y a deux cadavres dans ton appartement, expliqua Jugson. Et bientôt il y en aura trois. On ne peut pas garder les gens qui caftent, j'espère que tu comprends.
La peur s'empara de Jones, qui commença à ruer malgré ses liens.
- Ils avaient... Jugson, ils avaient du Véritaserum, je ... Je ne pouv...
La fin de sa phrase se perdit dans un éclat vert.
***
- Faut-il vraiment qu'on soit dans les cachots ? J'ai l'impression d'être en cours de potions.
- La ferme Black, je suis pressé, grommela Maugrey tout en massant sa jambe, à l'endroit où moignon et prothèse se rejoignaient. Tu as de quoi faire sortir Evans de prison ?
Sirius lui raconta ce que Gilbert Jones leur avait révélé. Maugrey grommela.
- Heureusement que Hardley était avec toi, sinon j'aurais pu croire que tu avais tout inventé.
- Hé ! S'exclama-t-il, vexé. Je peux savoir ce que ça veut dire ?
- Juste que ta loyauté vis-à-vis des Potter est presque ridicule. Et inversement.
- Allez vous faire foutre, Maugrey. Au moins j'ai des amis, moi.
Maugrey leva les yeux au ciel.
- Hors de ma vue, misérable imbécile. Dis à Potter qu'il faudra compter encore deux ou trois jours avant qu'on ne la fasse sortir de là.
- Bien mon général !
- Tire-toi, Black !
Sirius parvint à quitter le Ministère sans se faire remarquer et regagna le QG, guilleret. Lily serait bientôt de retour et James cesserait donc d'être odieux avec tout le monde. Il poussa la porte et trouva l'objet de ses préoccupations assis sur le canapé, la tête entre les mains.
- Mission accomplie ! S'exclama-t-il. On a arrêté ce type, donc ça fait un traître en moins au Ministère et Lily va pouv...
James leva la tête vers lui, les yeux plein de larmes. Sirius se figea, glacé jusqu'au sang. James et lui partageaient beaucoup de choses, mais jamais leurs larmes. Sans un mot, James lui tendit le parchemin qu'il tenait avant de reprendre la posture dans laquelle Sirius l'avait trouvé. Ce dernier, les mains tremblantes, déplia la lettre couverte de l'écriture nerveuse de Bathilda.
« James,
ton père a attrapé la dragoncelle il a quatre jours. Je l'ai eu quand j'étais bébé alors je m'occupe de lui, mais il est hors de question que tu viennes. Tu sais à quel point cette maladie est contagieuse. Tu me répondras sans doute que tu te fiches de ta santé, mais pense à ta femme. Si Lily l'attrape, elle perdra le bébé.
Nous sommes toujours à Godric's Hollow ; l'épidémie frappe tout le pays et Ste-Mangouste est plein à craquer. Un Médicomage est venu hier mais il a jugé que c'était inutile de transférer ton père là-bas. Il n'y a plus rien à faire pour lui. Tu as vu comme il était faible ; son cas était grave depuis le début. Je te le promets, je n'abandonne pas pour autant. Je fais tout ce que je peux, mais prépare-toi. Et surtout, par pitié, ne viens pas ! Sais-tu que c'est l'unique préoccupation de ton père ? Il est terrifié à l'idée de te contaminer. Je sais à quel point c'est difficile, mais ne fais pas l'idiot. Je te tiendrai au courant de l'évolution de la situation.
Courage, Jamie.
Bathilda ».
- Mais..., balbutia Sirius. Ce n'est pas...
James donna un violent coup de pied dans la table basse, qui bascula avec fracas. Il renifla, s'essuya rageusement les yeux et se leva.
- J'en peux plus, Patmol, articula-t-il. D'abord Lily, maintenant Papa...
- Lily sera bientôt là.
- Mais elle n'est pas là pour le moment ! Merde !
Il quitta la pièce à grands pas et claqua la porte de la cuisine derrière lui. Anéanti, Sirius se laissa tomber sur le canapé que son meilleur ami venait de quitter, la lettre toujours à la main. Et dire qu'il avait cru que c'était une bonne journée.
Quelques minutes plus tard, James fit à nouveau irruption, son balai à la main. Sirius se leva mais il ne s'arrêta pas. Il sortit sans un mot, sans même refermer la porte derrière lui. Il enfourcha son balai et fila vers le ciel. Sirius se précipita dehors juste à temps pour le voir prendre la direction de la mer. La main posée sur le chambranle de la porte, il le regarda disparaître à l'horizon. La peine le gagna alors. Il referma doucement la porte et s'y adossa, les yeux fermés.
- Sirius ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi est-ce que Cornedrue court partout ?
Il ouvrit les yeux pour s'apercevoir que Remus se tenait dans l'encadrement de la porte de la cuisine, l'air perplexe. Incapable de trouver comment lui annoncer convenablement la nouvelle, il répondit d'une voix morne :
- Fleamont a attrapé la dragoncelle.
- Oh, Merlin... Et Lily qui n'est pas là.
- Mais les Maraudeurs le sont, rappela Sirius.
Remus hocha la tête.
- On sera toujours là, assura-t-il tristement.
Lorsque James revint au QG, la nuit était tombée. Sirius, qui montait la garde dans le salon, sauta sur ses pieds en le voyant entrer. Il avait les joues rougies par le froid et les cheveux plus en bataille que d'habitude. Il adressa un regard vide à son meilleur ami, qui osa tout de même demander :
- Où es-tu allé ?
- Au-dessus de la mer. Et... Je ne sais pas. Loin.
- Pose ton balai, on prend la moto.
- Qu... Quoi ?
- Cornedrue, fais ce que je te dis.
Il s'exécuta finalement, une lueur méfiante dans le regard, puis suivit son ami dans la nuit froide.
- Où est-ce qu'on va ?
- Dans un endroit qu'on n'a pas vu depuis longtemps.
- Merlin, Sirius, arrête de parler par énigme.
- Alors arrête de poser des questions ! Rétorqua-t-il en tirant la bâche qui couvrait la moto.
Il l'enfourcha et fit signe à James de le rejoindre.
- J'adore quand on est aussi proche, plaisanta-t-il alors que son ami s'installait derrière.
James lâcha un grognement qui ressemblait vaguement à un rire, à la plus grande satisfaction de Sirius. Il démarra la moto sans attendre et ils filèrent dans la nuit. Grisé, comme toujours, Sirius en oublia presque que Fleamont était en train de mourir.
Lorsqu'il aperçut les lumières de Pré-au-Lard, il piqua vers le sol. Ils atterrirent sur la route, juste à l'extérieur du village. Un dérapage presque contrôlé leur permit de prendre la direction de la lande. Une fois arrivés à la barrière, il coupa le contact.
- La Cabane Hurlante ? Commenta James. Vraiment ?
- Quoi ? Ça fait longtemps, non ?
James le gratifia d'une tape à l'arrière du crâne avant d'enjamber souplement la barrière. Malgré la nuit noire, il marchait sans hésiter. Sirius le suivit après avoir caché la moto ; ils avaient parcouru tant de fois ce chemin sous leur forme animale qu'il aurait pu le faire les yeux fermés. Avec un sourire, il se transforma et courut à grandes foulées vers James. Celui-ci se retourna en entendant le tambourinement des pattes du chien sur la terre meuble d'Ecosse. Le grand cerf apparut aussitôt et, comme si souvent autrefois, ils firent la course jusqu'à la cabane. Lorsque Cornedrue céda la place à James, il riait.
- Je suis toujours plus rapide, plaisanta-t-il.
- Je suis plus lourd, répliqua Sirius en poussant la porte de la cabane. Et avant que tu ne dises quoi que ce soit : c'est parce que je suis plus musclé.
James lui donna un coup de coude dans les côtes. Sirius répondit par un coup de poing dans le ventre, mais la voix de Remys les interrompit.
- Ça suffit les enfants !
James lâcha la tête de Sirius, qu'il avait coincé sous son bras, et adressa un regard surpris au lycanthrope.
- Lunard ?
Ce dernier lui lança une bouteille de bière, qu'il attrapa adroitement.
- Sale champion de Quidditch, commenta Sirius à voix basse.
Son meilleur ami le poussa avec un rictus amusé. Une petite tomate l'atteignit en plein front.
- Woh ! C'est la soirée « on s'en prend tous à Sirius » ou quoi ? Râla-t-il.
Peter, l'air suprêmement fier de lui, avala une autre tomate et en lança une à James. Il parvint à la gober au vol, pour le plus grand plaisir de son public. Il riait lui aussi, malgré l'ombre au fond de ses yeux. Sirius attrapa à son tour une bouteille de bière et en fit sauter la capsule.
- Eh, Peter, appela-t-il. File-moi une de ces tomates.
Le petit blond s'exécuta, faisant preuve une nouvelle fois de son étonnante habilité à lancer correctement un si petit aliment. Au contraire, Sirius ne parvint pas à l'attraper et dut ramper sous un meuble pour aller la chercher.
- Me dis pas que tu vas manger ça, s'exclama Remus, dégoûté, en examinant la tomate couverte de poussière.
- Oh non.
Sans attendre qu'ils lui demandent plus d'informations, il visa Peter en pleine tête.
- Cinquante points ! Rit-il alors que les autres, y compris Peter, éclataient de rire.
Si la Cabane Hurlante fut hantée ce soir-là, ce ne furent certainement pas des hurlements de désespoir qui y retentirent.
***
En un sens, Lily était plutôt bien installée. Elle ignorait comment cela était possible alors qu'elle avait entendu dire tant de mal des cellules pleines du Ministère, mais elle était toujours seule. Elle était nourrie correctement et un médecin était passé la voir. Un livre était même apparu mystérieusement dans sa cellule – un mot d'Edgar Bones glissé à l'intérieur avait éclairci le phénomène. C'était un roman de Jane Austen qu'elle avait déjà lu, mais elle s'y replongea avec plaisir. Au bout de trois lectures complètes, la porte de sa cellule s'ouvrit enfin définitivement.
L'officier de la Brigade qui se tenait dans l'embrasure lui sourit :
- Je ne sais pas qui vous connaissez là-haut, Porter, mais votre cas est passé devant le Magenmagot ce matin. Vous pouvez rentrer chez vous.
Elle fut tellement soulagée qu'elle faillit fondre en larmes. Il l'escorta jusqu'à la sortie, deux étages plus haut. Elle dut signer un nombre invraisemblable de papiers avant de gagner le hall d'entrée. Elle ressentit un pincement de déception en constatant que c'était Margaret qui l'attendait et non James. La jeune femme lui adressa un grand sourire avant de la serrer dans ses bras.
- Enfin ! S'exclama-t-elle. Je n'arrive pas à croire qu'ils t'aient gardée si longtemps !
- J'avoue que je pensais que ça durerait plus longtemps, sourit Lily. J'ai hâte de rentrer à la maison.
- Bien sûr, viens.
Margaret glissa son bras sous le sien et l'entraîna à l'extérieur.
- James est en mission ? Interrogea Lily dès qu'elles furent hors de portée d'oreille.
- Pas... Pas exactement.
- Il est blessé ?
- Oh, non, ne t'en fais pas ! Il va bien, c'est juste qu'il ... Il n'a pas reçu de très bonnes nouvelles.
Lily l'arrêta, les sourcils froncés.
- De Godric's Hollow ? C'est Fleamont ?
Margaret se mordit la lèvre.
- Lily, je ... Il m'a fait promettre de ne rien te dire. Il t'expliquera tout lui-même, d'accord ? Il est allé voir Bathilda mais il m'a dit qu'il rentrerait avant la tombée de la nuit.
- Quel imbécile, marmonna-t-elle. Il ne se dit pas que je vais m'inquiéter encore plus ?
- Allons-y Lily, insista doucement Margaret. Mettons-nous au chaud.
La jeune femme la suivit et, après quelques minutes de marche dans les rues de Londres, elles transplanèrent.
Comme promis, James rentra alors que le ciel se teintait de rouge. Lily, qui avait attendu tout l'après-midi assise dans le canapé, tourna la tête en entendant la porte s'ouvrir. La vue du costume noir de James lui suffit à comprendre. Ses yeux accrochèrent les siens alors qu'il défaisait l'attache de sa cape. Lily posa sa tasse sur la table basse, les mains tremblantes, avant de se lever.
- Ne me dis pas... balbutia-t-elle.
- La dragoncelle, répondit-il en passant une main dans ses cheveux. Ça n'a duré qu'une semaine.
Le visage de Lily se contracta alors qu'elle tentait de retenir ses larmes.
- Tu as pu... Tu as pu le voir ?
Il détourna le regard et elle le vit déglutir difficilement.
- Non.
Lily parvint finalement à rassembler assez de force pour marcher jusqu'à lui et le prendre dans ses bras. Ils allaient probablement s'effondrer tous les deux, mais ça n'avait pas vraiment d'importance. Il glissa ses bras autour de sa taille et enfouit son visage dans ses cheveux.
- Il m'a laissé un mot, souffla-t-il. Il ... il n'arrête pas de s'excuser et c'est... C'est tellement stupide, Lily, ce n'est même pas sa faute et... je... Papa...
Un sanglot l'interrompit. Lily n'avait rien à répondre à ça.
Etonnamment, le dîner se déroula dans une ambiance calme. James était silencieux mais sans avoir l'air désespéré pour autant. Margaret mit Lily au courant des derniers événements et ils parvinrent même à rire de la dernière bêtise de Fabian. Martin arriva au moment du dessert, l'air épuisé, et tendit une lettre à James.
- Je suis tombé sur un dénommé Mondingus Fletcher, qui m'a dit que Maugrey lui avait dit de te donner ça.
- Mondingus Fletcher ? Releva Margaret.
Il haussa les épaules.
- Probablement un membre de l'Ordre. Il avait l'air bizarre.
- Qu'est-ce qu'il dit ? Interrogea Lily.
- Le type qui t'a tendu ce piège... Deux Aurors devaient l'arrêter après l'interrogatoire de Sirius et William mais ils ne sont jamais revenus. Ils ont tous été assassinés. Maugrey nous conseille d'être très prudents.
- Parce qu'on ne l'était pas avant, peut-être, marmonna Martin tout en allant chercher le reste de pommes de terre.
- Il faut croire qu'on est plus observé qu'on ne le pensait, répondit James en repliant le message.
- Ou alors... commença Margaret.
- Ou alors quoi ? L'encouragea Lily.
- Peut-être qu'il pense qu'il y a un tr...
- Est-ce que tout le monde veut bien arrêter avec cette histoire de traître ? Explosa James. On a tous choisi d'être là et on se soutient tous, non ? Ça n'aurait aucun sens que l'un d'entre nous trahisse !
Il repoussa sa chaise avec brusquerie et disparut à l'étage. Margaret adressa un regard désolé à Lily.
- Excuse-moi. Je n'aurais pas dû...
- Ne t'excuse-pas, l'interrompit-elle. Il n'aurait pas dû te parler comme ça. C'est juste que...
Margaret sourit et posa sa main sur la sienne.
- Je sais. Ne te gêne pas pour nous si tu veux le rejoindre.
Lily hocha la tête et quitta la table. Ce n'est que dans l'ombre de l'escalier qu'elle s'autorisa à laisser couler quelques larmes. La lumière était éteinte dans leur chambre ; James avait apparemment mis ces quelques minutes à profit pour aller se coucher. Elle se changea donc sans bruit et s'allongea près de lui. Après un instant d'hésitation, elle passa son bras par-dessus sa taille et enfouit son visage contre son dos. Il glissa ses doigts entre les siens et Lily soupira. Elle aurait tant aimé retrouver leur vie commune dans d'autres circonstances.
***
Un baiser sur sa joue. Un autre sur son front, puis un sur le bout de son nez. Elle fronça les sourcils et agita la main devant son visage, atteignant ainsi le front de James.
- Ouch, Lily !
Elle ouvrit un œil pour lui jeter un regard surpris.
- Hein ?
- Tu viens de me frapper, expliqua-t-il.
- Oh. (Il déposa un baiser sur ses lèvres). Hmmm.
Il lui adressa un petit sourire. Le soleil commençait à apparaître à l'est, éclairant la pièce d'une lueur grisâtre.
- J'ai été un peu... Submergé par mes émotions hier alors je n'ai pas eu le temps de le dire : tu n'imagines pas à quel point je suis heureux que tu sois rentrée.
- Si seulement ça avait été un petit peu plus tôt, soupira-t-elle tout en s'étirant.
- Ça n'aurait rien changé, assura-t-il. Je n'ai plus de parents, toi non plus, mais nous sommes là tous les deux. C'est tout ce qui compte.
Lily se mordit la lèvre. Ils n'évoquaient jamais les Evans.
- Je le vois, tu sais, reprit-il. Quand tu fais tout ce que tu peux pour ne pas montrer le vide qu'ils ont laissé en toi. Je sais que tu le fais parce qu'on ne sait pas si on sera encore vivant demain et je... J'essaierai d'être aussi fort que toi.
- James...
Il attrapa sa main pour la porter à ses lèvres. Elle libéra ses doigts pour les glisser dans ses cheveux et l'embrassa.
- Tu m'as tellement manqué, murmura-t-elle entre deux baisers.
- Oh, Merlin tout puissant... toi aussi.
- Ça n'a duré qu'un mois, fit-elle remarquer alors qu'il déposait une série de baisers le long de sa mâchoire. On a fait pire.
Il ne répondit pas, trop occupé à l'embrasser. Il s'écarta néanmoins au bout de quelques secondes, un air perplexe sur le visage.
- Quoi ? S'amusa-t-elle.
- Est-ce que tu rentres encore dans tes soutiens-gorges ?
- James ! S'écria-t-elle, scandalisée, tout en lui assénant une tape sur le torse.
Il pouffa.
- C'est une question sérieuse, Lily.
- Tu es le pire imbécile que la terre aie jamais porté, pesta-t-elle en le repoussant.
Il roula sur le dos et elle en profita pour s'asseoir sur ses hanches.
- Si tu veux tout savoir, c'est surtout dans mes pantalons que je ne rentre plus.
Elle souleva son haut de pyjama et prit sa main pour la poser sur son ventre.
- Ça se voit à peine, tu sais. Je crois que tu es le seul à avoir remarqué.
- Parce que je te connais mieux que personne, répondit-il distraitement. Si seulement papa avait pu vivre jusqu'à sa naissance.
Lily posa sa main sur la sienne alors qu'il évitait soigneusement de croiser son regard.
- Tu te rends compte que ce petit bébé n'aura pas de grands-parents ? Enfin, je n'en ai pas eu non plus mais...
- Il faut qu'on lui trouve un parrain de choc pour pallier ça.
- Un parrain ? Releva James.
Elle lui adressa un petit sourire.
- Tu sais très bien à qui je pense.
Il ne pouvait s'empêcher d'être surpris. Il y pensait depuis le début mais n'osait pas le proposer de peur qu'elle lui réponde qu'il n'était pas assez sérieux.
- Vraiment ? Sirius ?
- S'il veut bien, oui. Qui d'autre ?
- Quelqu'un qui ne possède pas une moto volante ?
Lily rit puis se pencha pour l'embrasser.
- Quoi qu'on décide, j'ai vraiment hâte de le voir paniquer la première fois qu'on lui mettra le bébé dans les bras.
- Je risque de paniquer aussi, tu sais, répliqua-t-il en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille. Eh, Lily ?
- Quoi ?
- Je déteste vraiment ta couleur de cheveux.
- Crétin, pouffa-t-elle en lui assénant une nouvelle tape sur le torse. Espèce d'infâme crétin imbuvable.
- Mais bécottable ?
- Tu es tellement insupportable, gémit-elle en se laissant basculer sur le côté.
- Mais bécottable, insista-t-il tout en se penchant sur elle.
- C'est ça, oui, marmonna-t-elle, la main posée sur sa joue.
Elle allait à nouveau l'embrasser lorsque la voix de Sirius retentit de l'autre côté de la porte :
- En tout cas vos gloussements à n'importe quelle heure du jour et de la nuit ne m'avaient pas manqué !
Lily et James pouffèrent de concert. Il combla finalement la minuscule distance qui les séparait et s'émerveilla qu'avec elle, il parvienne encore à rire.
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