Partie III - Chapitre 58


Chapitre 58

Emmeline plongea au sol mais les bouts de verre l'atteignirent tout de même. Elle poussa un cri de douleur, inaudible au milieu du crépitement de la magie. Le souffle court, le corps tiraillé par la douleur, elle resta un instant prostrée, les yeux fermés. Au milieu du vacarme, un juron lui parvint. Elle se força à ouvrir les paupières, à solliciter encore une fois ses muscles endoloris sans tenir compte des morceaux de verre enfoncés dans son bras. Elle posa son pied droit sur le sol couvert de débris, se redressa sur son genou gauche tout en essuyant le sang qui coulait le long de son arcade sourcilière. Sur une profonde inspiration, elle se leva finalement. Le monde chancela un instant ; la magie fusait de trois endroits différents, des meubles en morceaux s'écrasaient contre les murs... La formidable énergie dégagée par les trois Sorciers rendait la station debout pénible, pourtant Emmeline tint bon.

Alors qu'elle tentait de trouver le courage de se jeter dans la mêlée, un énorme bureau fendit l'air pour venir s'écraser contre le mur ouest. Un nouveau juron retentit alors que les vitres volaient en éclats. Des morceaux de verre et de bois tombèrent quinze étages plus bas avec fracas, mais Emmeline n'y prêtait déjà plus attention. Elle se rua vers le lieu de l'impact et constata avec soulagement que Benjy était toujours là.

- Tu en as mis du temps ! Vociféra-t-il en la voyant approcher. Je...

Emmeline se jeta derrière une armoire renversée et dérapa jusqu'à lui en glissant sur des piles de papiers froissés.

- Je pisse le sang, Fenwick ! Excuse-moi de ne pas réagir aussi vite que tu le voudrais !

- Et moi je me bats tout seul depuis une éternité !

La fin de sa phrase se perdit dans une nouvelle explosion. Le toit du bâtiment s'envola, permettant ainsi à la pluie de s'engouffrer dans l'étage dévasté. Les cheveux d'Emmeline claquaient contre son visage, chahutés en tous sens par les rafales de vent. La City s'étendait sous ses yeux, avec ses amoncellements de buildings en construction. Des tas de Moldus se pressaient dans les rues, la plupart se dirigeant vers l'endroit où ils se trouvaient.

- Il faut qu'on arrête ça ! Hurla-t-elle.

- Après toi !

Sans plus tergiverser, Emmeline bondit de son abri et se rua vers leurs adversaires. Elle n'avait pas besoin de demander à Benjy de la couvrir ; cela allait de soi. Elle plongea au sol pour éviter un sortilège, repartit de plus belle lorsque, derrière elle, Benjy ouvrit le feu. Les éclairs de magie la dépassaient en sifflant. Sans doute n'atteignaient-ils pas leur cible, mais la diversion était efficace. Elle bondit par-dessus une poutre en morceaux qui provenait probablement du toit et déboula dans le coin de la pièce où se trouvait l'un de leurs adversaires.

Il ne se cachait même pas ; il s'agissait d'un vieil homme à la longue barbe blanche et aux habits déchirés. Il pointait sa baguette vers elle sans la moindre hésitation. Elle voulut le stupéfixer mais il esquiva sans problème. Les scrupules d'Emmeline, dus à l'âge de l'homme, s'évanouirent lorsque son bouclier faillit disparaître sous la force de l'impact d'un nouveau maléfice. Elle contre-attaqua, échoua à nouveau, perturbée par le combat violent qui opposait Benjy à leur deuxième adversaire. La panique commençait à la gagner alors qu'elle songeait à tous ces Moldus qui allaient essayer d'intervenir. Et s'ils envoyaient un hélicoptère ? Non, cette situation devait cesser le plus vite possible. Elle devait...

Pendant une fraction de seconde, son regard croisa celui du vieillard. Il était vide. Complètement vide.

- Imperium ! Hurla-t-elle tout en se défendant du mieux qu'elle pouvait.

Il était hors de question qu'elle attaque un innocent. La seule chose à faire était d'arrêter le second Sorcier, qui devait contrôler celui-ci. Elle tenta donc d'immobiliser le vieil homme, mais il ne cessait d'éviter ses sorts. Les Mangemorts ne l'avaient sans doute pas choisi au hasard ; il était doué, beaucoup trop doué.

Des sirènes de police hurlèrent au milieu du vacarme de la pluie alors que des sons inarticulés, sans doute prononcés dans un mégaphone, leur parvenaient.

Emmeline décida de tenter le tout pour le tout et se rua vers l'adversaire de Benjy sans plus se soucier de l'homme qu'elle laissait dans son dos. Son ami tourna la tête vers elle, sans doute surpris par son brusque mouvement. Ses yeux s'agrandirent d'horreur lorsqu'il vit à quel point elle était exposée et il braqua immédiatement sa baguette dans sa direction. Le sort passa à un cheveu de son oreille mais cela n'arrêta pas sa course. Elle avait confiance en Benjy, plus qu'en quiconque.

Leur second ennemi apparut enfin dans son champ de vision ; c'était une grande femme aux cheveux bruns et aux yeux déments qu'Emmeline reconnut sans peine. Bellatrix poussa un cri de joie en la voyant mais, au lieu de l'attaquer, visa Benjy. Emmeline l'entendit se jeter au sol, aussi attaqua-t-elle la Mangemort pour laisser à son ami le temps de se relever.

Bellatrix contrait toutes ses attaques comme si c'était un jeu d'enfants, quoi qu'avec de grands gestes inutiles. Emmeline espérait que cela affaiblirait sa garde, mais il n'en était rien. Ses sortilèges étaient trop faibles par rapport à Bellatrix ; la magie noire contrecarrait chacune de ses tentatives.

Puis, soudain, un sortilège passa. Il percuta de plein fouet son épaule gauche, laissant une traînée de sang derrière lui. Bellatrix fixa ses yeux noirs dans ceux d'Emmeline et, au lieu de l'invectiver, sourit.

- Avad...

- Avada Kedavra !

Emmeline fit volte-face, le coeur battant à tout rompre. Benjy était toujours debout, baguette tendue. Face à lui, le vieil homme gisait au sol, les bras en croix.

- Dommage, commenta alors Bellatrix.

Les deux Sorciers se tournèrent vers elle et attaquèrent au même moment. Elle éclata de rire, pivota et disparut. Leurs sorts firent exploser une nouvelle portion du mur et la partie du toit qui ne s'était pas envolée s'affaissa dans un vacarme de fin du monde.

- Il était sous Imperium ! Cria Emmeline alors qu'un hélicoptère approchait du bâtiment. Tu...

- Il faut qu'on parte ! Coupa-t-il.

La cage d'escalier était obstruée par des débris en tout genre mais Emmeline pouvait entendre les forces de l'ordre qui s'efforçaient de se frayer un passage parmi les décombres. Affolée, elle jeta un coup d'œil autour d'elle. Ils étaient perdus en plein ciel, au dernier étage d'un immeuble dévasté, ils avaient tué un innocent et la moitié du monde moldu avait probablement les yeux rivés sur eux. Elle fut saisie de vertiges, mais la voix de Benjy la rappela à l'ordre.

- Emmeline ! Viens !

Debout près du corps, il lui tendait la main. Elle se précipita vers lui, attrapa ses doigts, et ils disparurent.

***

Benjy lâcha le bras du mort. Emmeline recula précipitamment, comme si elle n'avait jamais vu un cadavre de sa vie. Celui-ci n'était même pas hideux. Ou peut-être l'était-il pour elle, parce que c'était lui, Benjy, qui l'avait réduit à cet état-là.

Ils se trouvaient au beau milieu d'une forêt sombre et silencieuse, dont les seuls avantages étaient que la pluie n'y tombait pas et qu'il n'y avait pas de Moldus. Ils reprirent leur souffle un moment. A chaque inspiration, la douleur croissait dans ses membres. Repoussée jusque-là par l'adrénaline, elle revenait à présent en force.

Emmeline s'agenouilla avec un petit cri de douleur auprès du vieil homme. Elle fouilla un moment ses vêtements déchirés, jusqu'à tirer une carte d'une des poches.

- Merlin, Benjy... murmura-t-elle.

- Quoi ?

- C'était un membre du Magenmagot. Sylbertin Morducru.

- Porté disparu il y a trois semaines, se rappela-t-il. Maintenant on sait ce qu'il s'est passé.

Emmeline leva un regard furibond vers lui.

- Ne plaisante pas avec ça ! Tu vas être accusé de meurtre, et sans doute de trahison !

- Il allait te tuer, Emmeline, répondit Benjy d'une voix froide. C'était lui ou toi. Excuse-moi de t'avoir choisie.

Elle prit une profonde inspiration avant de se redresser. Sa manche était imbibée d'un sang qui n'arrêtait pas de couler. Il pouvait voir les morceaux de verre enfoncés dans sa chair. Il n'avait aucune idée de la façon dont elle arrivait à tenir le coup.

- Il faut que tu te caches.

- Maugrey arrangera ça, répliqua-t-il. Nous n'avions pas le choix.

- Cet homme n'aurait pas dû mourir, Benjy.

- Alors quoi, on va se laisser tuer sous prétexte qu'un crétin s'est fait enlever et manipuler ? Explosa-t-il.

- Il s'est fait enlever parce que nous n'avons pas réussi à le protéger ! Et puis... C'est peut-être les Mangemorts qui l'ont enlevé, mais c'est nous qui l'avons tué.

Benjy se figea, frappé par ses paroles. Il revit l'air dément de Bellatrix, son sourire satisfait. Avait-elle prévu cela depuis le début ? Cela expliquait-il toutes ces disparitions ? Allaient-ils devoir tuer des innocents pour continuer à vivre.

- Si ça s'apprend... Commença-t-il.

- Si ça s'apprend, l'Ordre est mort.

Le jeune homme baissa les yeux sur le cadavre. Il se sentait faiblir alors que la douleur qui irradiait dans tout son corps devenait insoutenable.

- Il faut qu'on le ramène au QG. Qu'on dise la vérité à Maugrey. Il saura quoi faire.

- Maugrey n'est plus au Ministère, rappela Emmeline avant de se laisser glisser au sol avec un gémissement de douleur.

- Il saura quoi faire, répéta Benjy avant d'attraper la main du mort et celle d'Emmeline.

Lorsqu'ils arrivèrent au QG, tous deux au bord de l'évanouissement, les quelques membres présents se ruèrent sur eux.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Les pressa Martin alors que Margaret soutenait Emmeline pour l'emmener jusqu'à l'infirmerie.

- Tout le monde ne parle que de ça ! s'exclama Amanda.

- Parle de quoi ? Grommela Benjy.

- De la destruction de la Bourse de Londres, répondit Remus d'un ton sombre.

***

Patrick Mouret se hâtait dans les couloirs du métro parisien. Il espérait de tout son cœur que les rumeurs étaient fausses. Pourtant, lorsqu'il sortit dans la rue et arriva en vue de l'énorme bâtiment de la Bourse, il dut se rendre à l'évidence : c'était la panique. Une foule d'hommes se pressaient pour entrer et essayaient de sauver ce qui pouvait l'être. Il s'approcha et saisit quelques mots :

- ... attentat..

- Complètement détruit ! Du sol au plafond et...

- Cette guerre civile, c'est...

- Que fait Thatcher, bon sang !

C'était donc vrai. Le bâtiment qui abritait la Bourse de Londres avait été attaqué. Encore un coup des Irlandais, peut-être. Patrick se secoua ; il se fichait de la raison. Tout ce qu'il savait, c'est que les cours s'effondraient. Avec la montée en puissance des économies asiatiques, ça ne pouvait qu'être mauvais – pour tout le monde. Si on pouvait s'attaquer à la puissance financière qu'était le Royaume-Uni en toute impunité, alors plus rien n'était sûr sur le territoire anglais. Les entreprises allaient perdre leurs fonds, les riches étrangers cesser d'investir... Il allait falloir sauver les meubles, et Mouret était en dernière place pour cela.

Il joua des coudes sans vergogne aucune au milieu de la foule paniquée et, malgré de nombreuses insultes, il parvint à atteindre l'entrée de la Bourse. Un homme agita le bras en le voyant. Il le rejoignit aussitôt. Son bon ami, Charles Bouthier, tenait des liasses de graphiques qu'il s'empressa de lui montrer. Alors que Mouret jetait un coup d'œil à l'état de leurs actions, paniqué, Bouthier alignait une suite de mots dépourvue de sens :

- Angleterre... Comprends pas, tous ces malheurs... Quelque chose... Quelque chose cloche !

- Dans nos finances ? Aucun doute là-dessus, grommela Mouret.

- Dans ce pays !

Bouthier lui arracha les graphiques des mains et se mit à gesticuler, sans se soucier des papiers qui volaient dans tous les sens.

- Ils sont maudits, Mouret ! Tout se passe mal chez eux depuis quelques années ! Les destructions, les...

- Ce n'est pas le mauvais sort, c'est juste de la finance, rétorqua Mouret sans vraiment l'écouter. Il faut qu'on rattrape ça.

- Pas avec des actions anglaises, marmonna son ami.

- Justement ! Ecoute, on va...

Alors que Mouret lui explosait ses plans, Bouthier continuait à fouiller la pièce du regard, comme si un être maléfique allait jaillir d'un coin et proclamer qu'il s'acharnait sur l'Angleterre. Mouret ne s'inquiétait pas ; la Bourse connaissait des hauts et des bas, c'était le jeu. Quoi qu'il se passe en Angleterre, c'était de la pure malchance. Exactement comme la maladie du mildiou en Irlande, au XIXe siècle. Une pluie torrentielle pendant des jours et des jours, des pommes de terre malades... Parfois, la conjoncture était mauvaise. C'était l'une de ses époques pour la Grande-Bretagne, mais il ne se laisserait pas abattre.

***

- Très bien les enfants, la situation est grave.

Remus avait du mal à se concentrer sur ce que Maugrey racontait, trop absorbé par sa jambe de bois toute neuve.

- Nous sommes maintenant certains que Voldemort cherche à détruire les structures du monde moldu. Ou du moins, à les déséquilibrer. Le monde va maintenant avoir les yeux braqués sur la Grande-Bretagne, ce qui est la parfaite opportunité pour Voldemort. S'il veut répandre définitivement la terreur, c'est maintenant.

- Cela lui permettrait sans doute de couper l'Angleterre du reste du monde, ajouta Gideon. Si elle n'est plus fiable, les puissants ne s'y intéresseront pas.

- Ce qui veut dire qu'il faut arrêter cette guerre le plus vite possible, acheva Maugrey. Ne me regardez pas comme ça, je sais que c'est ce qu'on essaie tous de faire depuis le début. Mais il va falloir redoubler d'efforts. S'il faut raccourcir vos jours de repos pour ça, alors ainsi soit-il. Quant à moi, je vais reprendre ma place au Bureau des Aurors dès lundi prochain, que Minchum le veuille ou non.

Remus leva finalement les yeux de la jambe de bois pour interroger d'une voix neutre :

- Plus concrètement, qu'est-ce qu'on est censé faire ? On passe notre temps sur le terrain et rien ne bouge.

Les quelques membres de l'Ordre rassemblés autour de la table marquèrent leur assentiment d'un grommellement général.

- Je n'ai pas de conseil particulier à donner, gamin, répondit Maugrey. Cette guerre n'a plus de règles, depuis un moment déjà. On a essayé d'en fixer, mais ça n'a pas marché. Tout ce que je peux vous dire c'est : ne vous faites pas tuer.

- Même quand un type sous Imperium essaie de nous achever ? Lança Martin.

Maugrey hésita longuement avant de répondre.

- Evitez de les toucher à tout prix. Mais si vous ne pouvez pas faire autrement, faites ce qu'il faut.

Remus eut un rictus. C'était la seule réponse à donner pour ne pas condamner Benjy. Même si Remus comprenait très bien pourquoi il avait agi ainsi – et sans doute aurait-il fait pareil – il ne pouvait s'empêcher de comprendre les raisons de la colère d'Emmeline. Benjy et elle se disputaient encore alors que Margaret, aidée de Remus, s'occupait de leurs blessures. Elle avait raison ; c'était l'Ordre qui avait commis le pire forfait, pas les Mangemorts. Ils avaient fait tout ce qu'ils avaient pu pour que la population leur fasse confiance, mais si cette affaire se savait, ils étaient fichus. La seule chose qui consolait Remus dans tout cela était qu'ils allaient peut-être pouvoir retourner à la clandestinité.

Maugrey se leva avec peine pour quitter la pièce mais, avant qu'il ait pu s'éloigner de la table, Marlène McKinnon entra dans la pièce, un parchemin à la main. Elle fouilla la pièce du regard avant de fixer son attention sur James, qui semblait morose. Il releva la tête en sentant l'attention de tout le monde sur lui. Marlène s'approcha, lui tendit la lettre et annonça :

- Lily a été arrêtée.

James, qui s'apprêtait à se saisir du parchemin, se figea. Remus se leva à demi de sa chaise, prêt à le calmer, mais il ne bougea pas. Les mâchoires serrées, le teint pâle, il articula :

- Quoi ?

- Elle...

Il se leva brusquement et abattit son poing sur la table. Ils sursautèrent tous, même Remus qui s'y attendait pourtant. Il ne se rappelait pas avoir déjà vu son ami dans une telle rage.

- Elle a quoi ? Vociféra-t-il.

- Potter ! Aboya Maugrey. McKinnon...

- Vous ! Rugit-il. C'est vous qui l'avez envoyée là-bas !

Pendant un instant, Remus crut qu'il allait le frapper. Il sembla cependant considérer que son énergie serait plus utile ailleurs et quitta la pièce à grands pas.

- Qu'est-ce qu'il va faire ? Demanda Martin, l'air inquiet.

- Oh, Merlin, il va prendre d'assaut les prisons du Ministère, marmonna Remus avant de se précipiter à sa suite.

***

Tout cela était la faute du bébé. James allait sans douter clamer que c'était celle de Maugrey, mais Lily savait que ce n'était pas le cas. C'était bel et bien celle du bébé.

Quelques jours avant son anniversaire, alors que Lily enfilait un pantalon, elle s'aperçut qu'elle était incapable de fermer la braguette. Perplexe, elle tira dessus pendant quelques minutes avant de retirer le vêtement fautif. Plantée de profil devant son miroir, elle souleva son t-shirt et se mordit la lèvre. N'importe quelle mère se serait sans doute réjouie de voir son ventre prendre de l'importance, mais pas Lily. Ce petit ventre qui l'empêchait de rentrer dans ses vêtements signifiait qu'elle allait bientôt devoir rentrer au QG, sans avoir rien découvert. Elle grommela tout en passant la main sur sa peau. Il n'était plus temps de sonder le terrain. Elle enfila à la va vite une jupe à élastique et un pull trop large avant de quitter en trombe son appartement.

Trois jours passèrent. Trois jours de tension, passés à fureter dans tous les coins du Ministère. Jusqu'au moment où, dans un bureau délaissé pour la journée, elle ouvrit le bon tiroir.

Lily commença pour soulever quelques feuillets sans importance, des lettres d'information à l'intention des employés du Ministère. Sous ceux-ci, elle trouva une enveloppe, qu'elle ouvrit sans vergogne aucune. Elle contenait des parchemins en tout genre, à en-tête de différents départements. Elle se trouvait pourtant dans la sous-section des créatures magiques. Elle rangea tout correctement, se redressa et quitta le bureau, non sans noter le nom du propriétaire. Le service était désert à cause d'une conférence sur les Acromentules. Elle rasa les murs jusqu'à l'escalier de service. Elle allait s'y engager lorsqu'une main agrippa sans douceur son avant-bras. Elle voulut pousser un cri mais un sortilège l'en empêcha. Furieuse, elle dévisagea les deux hommes qui lui faisaient face.

L'un, petit et replet, le cheveu rare, semblait déçu. L'autre, à peine plus grand et dotés d'yeux bleus perçants, triomphait.

- Je t'avais bien dit que cette gamine fouillait, lança-t-il à son acolyte.

Lily résista à l'envie de leur jeter un sort. S'ils appelaient la Brigade Magique, elle n'aurait qu'à expliquer qu'un espion sévissait au Ministère et qu'elle avait trouvé des papiers compromettant dans le bureau de Jack Lovett.

- Alors, tu as trouvé des choses intéressantes dans le bureau de ce vieux Lovett ? Reprit l'homme aux yeux bleus en donnant un coup de coude à son camarade. Il a bien voulu me prêter son bureau pour te tendre un petit piège.

Les yeux de Lily s'agrandirent.

- Allez, on va te remettre aux Aurors. On verra ce qu'ils font des traîtres.

Elle ne réagit pas ; si elle était conduite au Bureau des Aurors, Maugrey finirait par l'apprendre, d'une façon ou d'une autre. L'Ordre allait la sortir de là, même si elle était fautive. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle se soit laissé avoir de la sorte.

Lorsqu'elle se retrouva dans une des cellules du Snargalouff, deux heures plus tard, elle se sentait moins confiante. Adalbert avait eu l'air si choqué en la voyant escortée par deux Aurors. Tout le monde devait être au courant maintenant. Tout le monde devait la mépriser.

Elle s'assit sur le lit de camp installé au fond de la cellule et s'enroula dans les deux couvertures en laine qu'on lui avait fourni. On lui avait évidemment refusé sa baguette. Calée contre le mur, elle caressa son ventre. James allait être furieux contre elle. Elle retint un sanglot tout en maudissant ses nerfs à vif et sa grossesse.

« Quel désastre », songea-t-elle alors que sa gorge se serrait à nouveau. Elle n'avait même pas trouvé de traître. Elle s'était simplement laissée avoir. Elle fondit finalement en larmes, incapable de se retenir. La panique la gagnait ; et si elle restait en prison pendant des semaines et des semaines ? Serait-elle bien nourrie ? Elle se fichait éperdument d'avoir faim mais son bébé...

Ses sanglots redoublèrent. Et si elle faisait une fausse-couche ? Elle ne se le pardonnerait jamais. James ne lui pardonnerait jamais. Il avait été contre cette mission, dès le début. Elle aurait dû l'écouter. Merlin, elle voulait rentrer à la maison.

Elle finit par s'endormir, épuisée par ses pleurs.

Après un porridge passable, une longue journée d'attente commença. Lily savait qu'elle n'allait pas être jugée avant des semaines et des semaines, mais elle espérait avoir des nouvelles de l'Ordre. Les yeux douloureux d'avoir trop pleuré, elle attendit donc.

En vain.

Ce n'est que le troisième jour qu'une jeune femme vint lui annoncer qu'elle avait de la visite. Dans sa précipitation pour se lever, Lily trébucha mais se rattrapa de justesse au mur. Elle suivit la femme jusqu'à un parloir. C'était une petite salle, triste et vide, occupée par une table et deux chaises, chacune d'un côté de la table. Installé sur l'une d'elle se trouvait James.

Les bras croisés sur la poitrine, il la fixait, impassible. Elle ouvrit la bouche mais il l'enjoignit à se taire d'un minuscule mouvement de tête. Lily fit son possible pour ne pas fondre en larmes alors qu'elle prenait place face à lui. L'agent de la Brigade se posta au fond de la pièce.

- Salut Lizzie, commença James d'une voix légèrement éraillée tout en lui adressant finalement l'esquisse d'un sourire. Contente de voir ton vieux Mike ?

Entrant aussitôt dans le jeu, elle sourit timidement à son tour.

- Merci d'être venu. Je...

- On va te sortir de là, promit-il. Ce vieux Al est sur les dents depuis qu'il a repris son travail, mais il fait ce qu'il peut.

Elle haussa les sourcils, surprise. Maugrey était donc de retour au Bureau ?

- Ce n'est qu'un malentendu, n'est-ce pas ? Reprit James. Qu'est-ce qu'il s'est passé, exactement ?

Lily se retint de jeter un coup d'œil à l'agent de la Brigade. Elle réfléchit un instant, le temps de choisir ses mots, puis commença :

- Je faisais mes recherches habituelles, et j'ai... j'ai trouvé les papiers qu'il me fallait. C'était parfait, plein d'informations. Comme j'avais ce que je voulais, je suis partie mais deux hommes ont surgi et m'ont accusé de fouiller. Ils m'ont... Ils m'ont dit qu'ils avaient mis ces papiers exprès sur mon chemin.

James fronça les sourcils.

- Comment savaient-ils ce que tu cherchais ?

- Je...

Elle se figea. C'était une bonne question. Si Lovett et son acolyte, dont elle ignorait toujours le nom, avaient remarqué qu'elle fouillait les bureaux ils auraient pu simplement l'interpeller dans un bureau. Pourquoi avaient-ils fait croire que Lovett était un traître ?

- Je ne sais pas, dit-elle finalement.

- On va en parler avec les garçons, conclut-il.

- Plus que cinq minutes, lança la femme du fond de la pièce.

James grimaça avant de reprendre :

- Elizabeth, est-ce que... Est-ce que tu leur as dit ?

- Dit quoi ?

- Tu sais, ce n'est pas parce que cet imbécile t'a larguée quand il l'a su que tu dois cacher ta grossesse à tout le monde.

Elle se figea tout en le fusillant du regard. Il avait même haussé le ton pour être sûr d'être entendu par l'agent.

- J... Mike, c'est mon problème, pas le tien, siffla-t-elle.

- Ah oui ? Pourtant...

Elle lui donna un coup de pied sous la table avant qu'il ne commence à dire qu'il avait sa part de responsabilité là-dedans. Mais déjà, la femme s'approchait d'eux.

- Est-ce vrai, Miss Porter ?

A contre-coeur, Lily hocha la tête.

- Vous auriez dû nous le dire. Il y a des procédures à suivre dans ce genre de cas.

- Parfait, commenta James. Elle adore les procédures.

Elle le fusilla à nouveau du regard alors qu'il se levait.

- Je crois que le temps est écoulé, annonça-t-il.

L'agent hocha la tête et le laissa partir avant d'ouvrir la porte à Lily.

- Venez, Miss Porter.

***

- Alors ?

James lança sa cape sur le dossier du canapé.

- Elle ne leur avait pas dit, pour le bébé. Pourtant, ça se voit.

Il se laissa tomber sur un fauteuil, les mains légèrement tremblantes. Cet exercice lui avait demandé une grande maîtrise de lui-même. Voir Lily visiblement enceinte n'avait pas aidé.

Sirius s'installa à côté de lui.

- Tu es peut-être le seul à le voir parce que tu la connais bien.

- Hmm.

- Elle t'a raconté ce qu'il s'était passé ?

James soupira et lui expliqua ce qu'il avait compris avant de lui faire part de ses conclusions :

- Ces hommes savaient qu'elle cherchait un traître. Tu sais ce que ça veut dire ?

- Que ce sont eux les traîtres, répondit Sirius après un instant de silence. Si on les démasque...

- On innocente Lily.

- Elle a des noms ?

- Elle ne m'a rien dit, mais Maugrey doit se charger de son interrogatoire. Elle pourra lui dire.

- S'il trouve le temps, fit remarquer Sirius. Il est débordé.

- Il m'a promis qu'il le ferait avant la fin de la semaine, marmonna James. De toute façon, il sait que s'il ne s'y tient pas je vais débarquer au Snargalouf et sortir Lily de là de force.

- Evite, s'il te plaît, rétorqua Sirius en lui donnant une tape dans le dos. On a déjà suffisamment de problème comme ça.

James expira lentement, bien conscient qu'il ne pouvait rien faire pour Lily pour le moment. Il se força à penser à autre chose.

- Du genre ?

- Du genre le monde entier a remarqué que quelque chose n'allait pas en Grande-Bretagne. Tu as remarqué l'atmosphère, dans Londres ? On dirait que tout le monde craint de se faire attaquer à n'importe quel moment.

- Pas fait attention, non.

Avant que Sirius ne tente une nouvelle fois de lui changer les idées, une lueur bleue éclaira la pièce et une cigogne fit son apparition. Les deux garçons sautèrent sur leurs pieds alors que le Patronus ouvrait le bec pour parler avec la voix de William :

- Embuscade, Carrie blessée. Envoyez Margaret chez elle.

Sirius, le plus réactif des deux, fila vers le deuxième étage. James attrapa sa cape, prit celle de Margaret et attendit la jeune femme, la porte ouverte. Rien ne pouvait être fait pour Lily pour le moment et, de toute façon, il n'en avait pas le droit. C'était l'accord passé avec Maugrey : il pouvait lui rendre visite à condition de ne pas prendre part à sa sortie de prison, quelle que soit la manière utilisée. Maugrey craignait, sans doute à juste titre, qu'il se laisse emporter par ses sentiments et mette tout le monde en danger.

Margaret arriva enfin, les cheveux en pétard et l'air endormi. Elle attrapa la cape que lui tendait James et se hâta vers la sortie du parc.

Quelques minutes plus tard seulement, ils retrouvèrent William dans la chambre de Carrie. James se demanda vaguement où étaient ses parents avant de jeter un coup d'oeil à la jeune fille. Elle était inconsciente et souffrait de quelques contusions sans gravité. William était dans un état bien plus lamentable, mais parfaitement réveillé. Sa jambe fraîchement réparée étendue devant lui, il fixait James, l'air grave.

- Ils veulent éviter de nouvelles négociations. Ils espèrent que Carrie ne pourra pas arranger les choses entre Thatcher et Minchum.

- Un conflit contre le monde moldu ne nous aiderait pas, acquiesça James, adossé à la porte de la chambre. Mais si... (il adressa un bref regard à Carrie avant de baisser la voix : ) Si Carrie meurt, elle pourra être remplacée.

- Ce n'est pas si facile. Elle a mis du temps à gagner la confiance des deux Ministres, et la situation n'était pas aussi tendue. Non, leur attaque a du sens. Ça veut dire que Carrie ne sera plus jamais à l'abri.

- Comme à peu près tout le monde, fit remarquer James.

William passa la main dans ses cheveux empoissés de sang – la plaie avait été refermée – et soupira.

- Si on lui dit de partir, on joue leur jeu. Si on la laisse remplir son rôle, elle risque sa vie.

- Est-ce qu'elle se laissera mettre hors-jeu ?

- Non. Non, je ne pense pas.

- Eh bien dans ce cas elle va faire comme nous touset y risquer sa peau, conclut James.

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