Partie III - Chapitre 57
Chapitre 57
William parcourut les colonnes de la page trois sans vraiment y faire attention, trop occupé à essayer de boire sans maculer le journal de thé.
- Rien d'intéressant ? Interrogea Remus depuis l'autre bout de la table.
- Une épidémie de dragoncelle sévit dans le nord, répondit distraitement William. A part ça, il paraît que Célestina Moldubec va se produire à Londres, Plymouth et j'en passe.
Il adressa un haussement de sourcils suggestif à Remus, qui pouffa.
- Rien n'aurait pu me faire plus plaisir.
- Je m'en doutais.
William continua sa lecture mais se concentra un peu plus en arrivant aux pages qui parlaient de la guerre. Bien sûr, la une y était la plupart du temps consacrée, mais il se passait tellement de choses chaque semaine que d'autres pages en parlaient également.
- Hmm... Fabian a fait parler de lui. J'ignorais qu'il s'était battu à York.
- Il a été pris en embuscade, répondit Remus. Qu'est-ce qu'ils disent ?
- Qu'un membre de l'Ordre s'est illustré brillamment, en combattant « avec une élégance hors du commun ».
Remus se mit à rire.
- Je me demande ce qu'il a fabriqué.
- C'est ce qu'on se demande tous avec Fabian.
- Certes. Rien d'autre ?
- Des nouvelles disparitions. Oh, Merlin, on parle de Sirius.
- Sérieusement ? s'exclama Remus en se penchant sur la table. Qu'est-ce qu'ils disent ?
- « L'héritier des Black aurait été aperçu sur l'Ile de Skye, en compagnie d'un groupe d'individus non identifiés. Le rebelle de la famille aurait-il finalement emprunté le chemin de son petit frère, Regulus Black ? A-t-il un lien avec la mort de ce dernier ? Le jeune Sirius Black semble encore une fois concerné par des affaires bien sulfureuses... »
- Quoi ? éructa Remus.
William lui jeta un regard perplexe avant de relire la dernière phrase, mais le jeune homme le coupa :
- Regulus est mort ?
- Eh bien... Apparemment.
- Mais personne n'en savait rien !
- On a peut-être raté l'info. On n'a pas toujours tous les journaux. Sirius et lui étaient proches ? Je ne savais même pas qu'il avait un petit frère.
- Non... Non, mais... Merlin, est-ce qu'il le sait seulement ?
- A ton avis, qui était le « groupe d'individus non identifiés » ?
- Probablement des membres de l'Ordre, répondit Remus avec un vague mouvement d'épaule, encore sous le choc. Il faut que je lui dise.
Il se leva donc et quitta la pièce. Resté seul, William continua à parcourir le journal. Dans la rubrique nécrologique, il aperçut quelques noms qui lui étaient familiers : il s'agissait de familles qui avaient fait appel à l'Ordre pour telle ou telle raison. Visiblement, ils n'avaient pas pu les aider.
Avec un soupir, il referma le journal. La stratégie de Maugrey les avait certes rendus plus populaires, mais pas plus efficaces. L'Ordre comptait toujours exactement le même nombre de membres, et les demandes ne cessaient de s'accumuler. Il rouvrit le journal à la page qui évoquait Sirius et jura tout bas. De tels propos n'allaient faire que semer le doute dans l'esprit des gens ; s'ils se mettaient à soupçonner l'Ordre, tout était perdu.
William reposa finalement le journal, attrapa sa cape et sortit du QG. Dix minutes plus tard, il prit le relais de Margaret, qui baillait à s'en décrocher la mâchoire devant le lycée de Carrie.
- J'aimais bien les vacances, gémit-elle.
- Merlin, moi aussi.
- Hmm, ah oui ? Tes petites conversations avec Miss Butler ne te manquaient pas ?
William piqua un fard alors que Margaret partait d'un petit rire.
- Tu as de la chance de partager cette garde avec moi, sinon tu aurais tout l'Ordre sur le dos.
Trop mortifié pour répondre, il la regarda s'éloigner et attendit patiemment que la cloche retentisse. Le flot d'élèves qui débarqua à la fin des cours ne remarqua pas la silhouette solitaire qui patientait dans l'ombre. L'arrivée de Carrie mit fin à sa discrétion car elle lui sauta dessus avant de s'exclamer :
- Alors ? Qu'est-ce qu'on fait d'intéressant aujourd'hui ? On met quelqu'un en prison ?
- Est-ce que tu n'as pas un texte d'accord à relire avant d'aller le présenter à Thatcher une cinquième fois ?
Carrie fronça le nez.
- Je le fais si tu le fais avec moi.
William soupira et prit la direction du quartier de Carrie sans attendre.
- Très bien, mais c'est la dernière fois.
- Tu as déjà dit ça pour la troisième version, fit-elle remarquer en trottinant pour le rattraper.
- Que veux-tu, je suis apparemment exploitable à merci.
- Je t'en suis très reconnaissante !
- J'espère bien.
Dès qu'ils furent installés chez Carrie – contre tous les ordres que William avait pu recevoir – la jeune fille sortit une liasse de documents d'un tiroir et la déposa sans délicatesse aucune sur son bureau.
- Est-ce qu'il n'y a pas trois fois plus de papiers que la dernière fois ? Gémit William.
- Si. Thatcher est allée trouver de nouvelles idées du côté de la législation des Etats-Unis concernant les armes.
- Mais encore ?
Carrie soupira profondément avant d'expliquer :
- Eh, bien, tu sais comme les deux autres versions traitaient du sort à réserver aux Mangemorts capturés ?
- Oui ?
- Elle aimerait bien qu'ils ne soient plus capturés, justement.
- Quoi, qu'on les laisse errer en toute liberté ? Mais ça n'a aucun...
- Pas qu'on les laisse en liberté, coupa-t-elle. Qu'on les exécute à vue.
Il accusa le coup, stupéfait.
- Mais c'est...
- Je sais, soupira-t-elle. J'ai réussi à la convaincre qu'aucune décision du genre ne pourrait être prise sans un vote du Magenmagot, mais à vrai dire je n'en sais rien. Est-ce que Minchum peut prendre des décisions unilatérales ?
- Je crois, oui. Le Magenmagot est plutôt un tribunal. Les seuls qui pourront lui opposer une certaine résistance sont les directeurs des différents Départements qui composent le Ministère. Pour ce cas, ça doit tomber sous la direction du Département de la Justice magique...
Il se creusa un instant la tête pour tenter de se rappeler tout ce qui avait été dit à propos de la mission de Lily, qui avait justement lieu dans ce Département. Le nom de son patron lui échappait.
- Je peux retrouver qui est le directeur, reprit-il. Tu crois que je peux faire part de ce projet à Maugrey ?
Carrie haussa les épaules.
- C'est censé être confidentiel, mais j'ai l'impression que l'Ordre éprouve un malin plaisir à enfreindre toutes les règles, alors fais comme tu veux.
- Déformation professionnelle, s'excusa-t-il. Ce sont les avantages de faire partie d'un Ordre secret, j'imagine.
- Je croyais que ce n'était plus le cas ? Vous êtes dans la dernière Gazette du Sorcier, en tout cas.
Il la dévisagea, interdit.
- Tu la reçois ?
- Évidemment. Comment veux-tu que je me maintienne au courant de ce qu'il se passe chez vous, sinon ? Les informations moldues ne suffisent pas ; je ne sais jamais si l'explosion d'une centrale thermique ou l'écroulement d'une mine est due à Voldemort ou aux Moldus.
- La Gazette parle vraiment de ça ?
- Eh bien... (elle fronça les sourcils). Pas vraiment, c'est vrai. Mais ça me permet de me faire une idée.
- Il y a tant d'accidents moldus inexpliqués que ça ?
- De plus en plus, avoua-t-elle en haussant les épaules, l'air défaitiste. C'est pour ça que Thatcher est de plus en plus vindicative. La situation est très tendue, politiquement parlant.
- Oui, j'imagine. Pour nous aussi. Les élections doivent avoir lieu cette année.
- Les élections ? Vous allez changer de Ministre de la Magie ?
- Ouais.
Elle gémit et enfouit sa tête entre ses mains, ses cheveux retombant devant son visage.
- Il va falloir tout recommencer !
- C'est moins compliqué que si Thatcher partait, non ? Tu auras juste à présenter au nouveau Ministre les termes de votre arrangement et les décisions prises jusque-là.
- « Juste » ? grogna-t-elle. On voit bien que ce n'est pas ton job.
- Tu veux échanger ? proposa-t-il, cynique.
Elle lui adressa un regard désolé.
- Non. C'est difficile ?
- De plus en plus, soupira-t-il. Comme tu l'as dit, on n'est plus vraiment clandestin. J'ai l'impression de passer ma vie à éviter les journalistes et à me promener avec une cible vissée à l'arrière de mon crâne.
- Voilà qui me rassure.
- Je ne suis jamais plus prudent que quand je suis avec toi, promit-il. Pareil pour Margaret. Mais toutes les autres missions sont un calvaire. Le pire, c'est quand nous sommes plusieurs membres de l'Ordre en même temps. On dirait que les journalistes de la Gazette ont un radar pour savoir où nous sommes.
Carrie le dévisagea un instant, songeuse, avant de demander prudemment :
- Tu as confiance en tous les membres ?
- Bien sûr, pour... Oh. Oh, non. Non, Carrie, je t'assure qu'il n'y a pas de traître.
- Très bien, capitula-t-elle en levant les mains en l'air. Mais... reste vigilant. Je t'assure, avec ce que je vois au Parlement, je me dis qu'on n'est jamais sûr de rien. C'est comme si le but de tous les parlementaires était de se tirer mutuellement dans les pattes.
- L'Ordre n'a rien à avoir avec la politique, riposta-t-il.
- Non, mais c'est une question de vie ou de mort. Si tu veux mon avis, c'est bien pire.
Perturbé plus qu'il n'osait l'avouer, il baissa les yeux vers la liasse de documents qu'elle avait sorti et finit par les lui tendre.
- On s'y met ?
***
Lily arrivait tous les matins à sept heures quarante-cinq. Dix minutes avant huit heures, l'eau était chaude. Lorsque les femmes de ménage du Ministère arrivaient, elles pouvaient boire leur tasse de thé ou de café sans se brûler. Une heure après son arrivée, le même rituel recommençait. Finalement, à neuf heures pétantes, le premier ascenseur déversait son flot d'employés dans les couloirs du Département de la Justice magique, et Lily n'arrêtait plus de sourire jusqu'à treize heures, où elle pouvait enfin prendre sa pause déjeuner.
Une semaine lui avait suffi pour comprendre pourquoi les Sorciers avaient besoin de cet espace réservé à leur pause café alors qu'ils auraient aussi bien pu faire apparaître sur leur bureau des tasses qu'elle aurait préparé. En réalité, tous ces employés avaient besoin de parler. Cela l'arrangeait bien, dans la mesure où c'était précisément ce pourquoi on l'avait envoyée là.
Lorsqu'elle termina sa journée, le vendredi soir, elle en savait bien plus qu'à son arrivée cinq jours plus tôt. Edwin Goldwin – dont les parents avaient apparemment un sens de l'humour plus que douteux – avait trois enfants et deux chiens, jouait au golf et était aussi innocent qu'un nouveau-né. Son acolyte, Miranda Blueberry, était la pire commère de l'étage et manipulait ce pauvre Goldwin, qui ne s'en rendait absolument pas compte. Par Miranda, elle apprit que le bureau voisin de celui de Mrs. Allister était occupé par une mystérieuse sorcière que l'on n'apercevait à peu près jamais. Plus tard, Adalbert Thorne compléta cette information en apprenant à Lily que cette sorcière s'appelait Mae Mulligan et qu'elle faisait le lien entre le Département des Mystères et celui de la Justice magique. Cela avait plongé Lily dans une perplexité profonde, notamment quant aux liens que les deux Départements pouvaient bien entretenir. Une question persistait : utilisaient-ils des cobayes humains ?
Elle avait fait part de ses suspicions à Adalbert, qui avait éclaté de rire avant de lui soumettre tout un tas de propositions plus absurdes les unes que les autres. Néanmoins, il ne lui avait pas répondu.
Au cours de la semaine écoulée, elle avait également compris qu'elle n'avait aucun souci à se faire par rapport à Adalbert. Les coups d'œil qu'il échangeait avec l'assistant de Gary McKinnon était suffisamment éloquent. Ce fameux assistant, Henry Delware, passait son temps à leur étage alors qu'il n'avait rien à y faire. Aussi charmant qu'Adalbert quoi qu'un peu plus timide, il avait tout de même permis à Lily d'en savoir plus sur les secrétaires de l'étage, qui tournaient autour des jeunes hommes comme des abeilles attirées par un pot de miel. Tout ce qu'en avait retiré la jeune femme était qu'elles étaient toutes aussi écervelées les unes que les autres.
Cela étant dit, elle se méfiait. Il n'y avait pas meilleure technique pour éviter l'attention des gens que de prétendre être sans cervelle. Elle gardait donc l'œil ouvert et, surtout, écoutait tout ce qui se disait.
L'être le plus insaisissable du Département, exception faite de Mae Mulligan, était Barty Croupton lui-même. Il n'adressait jamais plus d'un signe de tête à Lily, et encore cela tenait-il du miracle. Il ne buvait aucune boisson chaude, ne prenait pas de pause, ne semblait même pas déjeuner. Adalbert ne fournissait aucune information sur lui à Lily. Elle rongeait donc son frein, bien décidée à réussir à apprendre ce qu'il se passait exactement au Département de la Justice magique. Ce n'était certes pas son objectif premier, mais Croupton l'intriguait – ainsi que Mulligan.
Ses matinées étaient également occupées, lorsque la pause café était finie, à courir partout. Elle était apparemment corvéable à merci et s'occupait donc de transporter des piles de dossiers d'un bout à l'autre du Ministère. C'est ainsi que, les bras chargés de documents assemblés en des colonnes instables, elle fouinait sans vergogne. Cachée derrière sa paperasse, elle écoutait toutes les conversations qu'elle surprenait, observait tous les gens qu'elle croisait. Certains avaient l'air sûr d'eux, d'autres apeurés, d'autres furieux. Elle les épiait tous avec la même intensité, persuadée qu'un traître caché au Ministère devait être suffisamment bon pour être imperturbable dans son rôle.
Ce fameux vendredi soir, elle en savait donc beaucoup plus qu'auparavant. Elle savait que les Sorcières de l'Atrium quittaient toujours leur poste deux minutes trop tôt, que le Ministre ne prenait qu'un sucre dans son café, et que les Langues-de-Plomb adoraient les ragots, dès qu'ils ne portaient que sur des histoires sans la moindre conséquence.
Et surtout, elle savait que le samedi après-midi était consacré à la réunion hebdomadaire inter-départementale, qui réunissait tous les directeurs de Départements et le Ministre. Ce qui signifiait que les bureaux étaient vides, exception faite des gens comme Lily qui apportaient des dossiers et servaient du café approximativement toutes les deux heures, de quatorze heures à vingt heures. Cela laissait largement le temps à Lily de fouiller tous les bureaux possibles.
Ce samedi de début janvier, comme tous les autres samedis de l'année, les locaux du Ministère se vidèrent à une allure alarmante dès que midi sonna. En trente secondes, tout le monde avait déguerpi, qu'ils aient terminé leur dernier dossier en date ou non. Le week-end, qu'on soit Moldu ou Sorcier, en temps de guerre ou de paix, était sacré. Même Mae Mulligan daigna sortir de son bureau, un air presque enthousiaste sur le visage. Lily, vautrée dans son fauteuil préféré, se plut à imaginer tout un tas de scénarios absurdes mettant en scène une Mulligan complètement délurée.
A treize heures, la session commença. Lily était à son poste, des dossiers plein les bras. La tasse de café de Minchum était déjà posée devant lui. Le directeur du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques commença ; Lily distribua d'un coup de baguette magique le document qu'on lui avait remis, puis s'éclipsa. Tout le monde avait déjà l'air de s'ennuyer à mourir.
Une fois seule dans les couloirs déserts du Ministère, Lily jeta un coup d'œil à sa montre ; elle avait exactement une demi-heure devant elle avant qu'on ne passe au Département suivant. Elle entreprit tout d'abord de faire le tour des Départements pour voir si personne ne traînait, ce qui aurait été pour le moins suspect. Elle gloussa en songeant que c'était exactement sa situation, mais après tout, elle était une espionne. Tout le monde savait que c'était le moment idéal pour fouiner dans le Ministère.
Elle commença donc par son propre département, mais n'y trouva personne. Contrairement à ses espérances, Mae Mulligan n'était pas revenue pour trafiquer des choses louches. Le Département des jeux et sports magiques était tout aussi vide. Ce n'était pas le cas du Département des Transports magiques, mais cela n'avait rien d'étonnant : quelqu'un assurait une présence de jour comme de nuit, au cas où il y aurait un problème avec un Portoloin. En l'occurrence, il s'agissait d'un pauvre type entre deux âges qui somnolait sur sa chaise. Il n'aperçut pas Lily, qui s'empressa de s'éclipser. Elle avait un mal fou à venir fouiner dans ce coin-là, malgré leur certitude qu'un espion à la solde de Voldemort sévissait là.
Perturbée par cette pensée, elle s'arrêta au milieu du couloir. L'employé dormait... C'était l'occasion ou jamais d'aller fouiller. Elle allait rebrousser chemin lorsqu'elle eut la présence d'esprit de consulter sa montre. Avec un juron, elle s'aperçut qu'elle n'avait que deux minutes pour regagner la salle de réunion. Lorsqu'elle en sortit, dix minutes plus tard, il était question de Quidditch. Les directeurs avaient l'air vaguement plus intéressés. Tout en se demandant pourquoi le Ministre gardait tous les sujets importants pour la fin de la réunion, elle regagna le Département des Transports magiques. L'employé dormait toujours, aussi se faufila-t-elle vers le cœur du Département.
Une immense salle tenait lieu de centre du Département. Des tables occupaient l'espace central et les murs étaient cachés par d'immenses étagères à tiroirs. Après quelques secondes d'observation, Lily s'aperçut qu'à chaque étagère correspondait une aire géographique. Chaque tiroir était étiqueté avec une plage horaire. Elle en ouvrit un au hasard, surprise de pouvoir le faire si facilement, et tira une fiche cartonnée.
Lundi 9 Janvier, Eli Swimney, Masha Swimney, Bath – roue de vélo.
Un nouveau coup d'œil dans le tiroir lui permit de voir que des destinations plus précises que « Sud-Ouest GB » étaient indiquées sur des intercalaires. Elle grommela tout en rangeant soigneusement la fiche. C'était un scandale que n'importe qui ait accès à ces informations ! Elle allait écrire à Maugrey sur le champ.
Comme entrer dans les bureaux en douce s'avéreraient trop compliqué et risqué, elle quitta les lieux. L'après-midi se déroula ainsi, sans qu'elle ne trouve rien de concluant. Vers dix-sept heures, elle regagna la salle de réunion et décida cette fois d'y rester en entendant le ton monter :
- ... Cet arrêté n'a aucun sens !
- Et pourtant, nous travaillons dessus, répondit Croupton d'une voix lasse.
Les pensées de Lily cessèrent de vagabonder alors qu'elle essayait de comprendre ce qu'il se passait.
- Le Magenmagot fait ce qu'il peut, fit remarquer une Sorcière à lunettes qui, d'après Lily, était la directrice du Département des accidents et catastrophes magiques.
- Ce que vous savez parce que vous y siégez si souvent, persifla un petit Sorcier chauve, le directeur du Département des jeux et sports magiques.
- Je ne vous permets pas !
- S'il-vous-plaît, coupa Minchum d'une voix sèche. Nous ne sommes pas ici pour régler nos comptes mais pour exposer les actions de la semaine. Croupton, allez-y.
Ragaillardi, le directeur se redressa dans son fauteuil très certainement inconfortable et reprit la parole :
- Le Bureau des Aurors ne cessent de se plaindre que ses cellules débordent, aussi nous efforçons-nous de trouver une solution. La plus simple semble être d'envoyer les prisonniers suspectés de crime grave à Azkaban en attente de jugement.
- Suspectés ! Releva la Sorcière qui avait pris la parole plus tôt. C'est inhumain, Croupton, voilà ce que c'est !
- Est-ce mieux de laisser ces femmes et ces hommes croupirent dans des prisons surchargées où ils n'ont même pas la place de bouger ? Rétorqua Croupton d'une voix sèche.
- Les Détraqueurs sont mieux, peut-être ? S'offusqua le directeur du Département des Mystères.
Tout le monde se tourna vers lui, suffoqué. Il était de notoriété publique que cette ancienne Langue-de-Plomb ne parlait jamais. Le sujet devait lui tenir à cœur.
- Il a raison, l'appuya la Sorcière. Un innocent n'a rien à faire à Azkaban. Un détraqué résistera peut-être à l'influence des Détraqueurs, mais un pauvre innocent deviendra fou en quelques semaines.
- C'est bien pour cela que j'ai précisé qu'il s'agissait uniquement des crimes graves, rappela Croupton.
- Vous savez aussi bien que moi que quelqu'un qui a l'air coupable ne l'est pas forcément ! Protesta-t-elle. Pensez à ...
- L'innocence de Lucy Spike n'a toujours pas été prouvée ! Coupa Croupton d'une voix forte. Cette femme a assassiné trois Moldus.
- Sous influence d'un Impardonnable !
- C'est ce qu'elle dit !
- Croupton ! Callaghan ! S'exclama finalement Minchum. Cette question n'a pas à être débattue ici ! Deux tribunaux extraordinaires ont déjà été convoqués pour évoquer cette question...
- Et c'était déjà beaucoup trop, s'insurgea Croupton. Nous avons des dizaines et des dizaines de suspect sur les bras, nous ne pouvons pas passer des semaines et des semaines à les interroger pour tenter de savoir si, oui ou non, ils sont coupables. Cette situation n'est pas viable, M. le Ministre ! Quelqu'un prit en flagrant délit d'assassinat est coupable, qu'importe les Impardonnables !
- Cette conception de la Justice est la pire que je n'aie jamais entendue ! Hurla la Sorcière, bien vite soutenue par d'autres Sorciers. Des innocents soumis à de la magie noire n'ont rien à faire à Azkaban !
- Et comment distinguer la vérité du mensonge, Callaghan ? De toute façon, un homicide, involontaire ou non, reste un homicide ! On ne peut relâcher dans la nature des gens qui ont assassiné d'honnêtes Sorciers ou Moldus !
- Mais les envoyer à Azkaban ?
- SILENCE !
Croupton et Callaghan, qui s'étaient tous les deux lever, tournèrent la tête vers Minchum. Celui-ci, debout également, les mains posées à plat sur la table, les dévisageait, furieux.
- Je me fous de vos atermoiements à tous, commença-t-il d'une voix froide. Ce n'est ni le lieu, ni le moment de discuter de tout ceci.
- Mais quand, M. le Ministre ? L'interpella Callaghan. Vous ne cessez de repousser les prises de décisions ! La situation de détériore de jour en jour et ...
- Je fais ce qu'il me paraît nécessaire, Mrs. Callaghan ! Maintenant veuillez vous asseoir et écouter la suite du compte-rendu, sans quoi je vous prierai de sortir. Quant à vous, Croupton, passez au sujet suivant.
Après un instant de silence tendu, Callaghan s'exécuta. Croupton fixa Minchum, les yeux emplis de mépris, puis fouilla dans ses papiers pour évoquer un sujet moins controversé. Le Ministre, les yeux fermés, écouta sans mot dire. Lily observa son visage pâle, ses traits tirés, ses épaules affaissées, et en conclut que les prochaines élections seraient les bienvenues.
***
Le dîner était silencieux. Seuls Sirius, Maugrey, Gideon et James se trouvaient réunis dans la cuisine. De l'étage leur parvenaient les cris de douleurs d'Amanda, qui avait été prise dans une embuscade. C'était un Auror qui l'avait retrouvée, inconsciente dans une mare de sang. Après quelques sortilèges et un tour à Ste-Mangouste, elle avait eu l'air remise. Seulement, deux heures après son retour au QG, elle s'était effondrée en hurlant de douleur. Depuis, Ethel faisait ce qu'elle pouvait, mais elle ignorait quel sort avait frappé la jeune fille.
James laissa tomber sa fourchette dans son assiette, dégoûté.
- Je déteste la magie noire, marmonna-t-il.
Quelques grommellements lui répondirent. Maugrey fixait son assiette, l'air ailleurs. Quant à Sirius, il semblait prêt à assassiner son verre d'eau. Il était dans cet état depuis que Remus lui avait appris la mort de Regulus.
Comme s'il sentait le regard de James sur lui, il releva les yeux, l'air toujours aussi assassin.
- Quoi ?
- Rien, je...
- Si c'est à propos de Regulus, pas la peine de me regarder comme ça, coupa-t-il.
Gideon les dévisagea alors que Maugrey faisait reculer son fauteuil roulant et quittait la pièce sans un mot.
- Ce petit crétin a eu ce qu'il méritait, reprit-il. J'ignore comment il est mort, mais il l'a cherché.
James ouvrit la bouche mais un regard d'avertissement de Sirius suffit à le faire taire. Au-dessus de leur tête, Amanda hurla.
- Il faut que je sorte d'ici, marmonna Sirius.
Il abandonna son assiette et se leva dans un grincement de chaise. Gideon et James se dévisagèrent un instant en chiens de faïence avant de quitter à leur tour la table. Sans hésiter, James suivit Sirius à l'extérieur, non sans attraper une lanterne. Il gelait à pierre fendre, mais au moins il ne pleuvait pas. Il s'enroula dans sa cape et hâta le pas pour rattraper son ami, qui se dirigeait vers la falaise. James dut rassembler son courage pour le suivre : il n'avait pas précisément peur du vide, mais le bruit du ressac associé à l'altitude évoquait pour lui de mauvais souvenirs.
Néanmoins, il suivit Sirius et ils se retrouvèrent bientôt à marcher côte à côte, silencieux dans la nuit noire. Lorsqu'ils finirent par s'arrêter, la mer s'agitait à leurs pieds. Ils l'entendaient plus qu'ils ne la voyaient. Sirius sortit un paquet de cigarettes de sa poche alors que James posait sa lanterne au sol. Il accepta une cigarette après un instant d'hésitation. Lily n'était pas là et, à vrai dire, il en avait vraiment besoin.
- J'aurais dû prendre une bouteille de whisky, commenta-t-il, sa cigarette au bout des doigts.
Sans un mot, Sirius agita sa baguette. Une flasque apparut dans sa main un instant plus tard.
- Cachée en permanence dans mon armoire, expliqua-t-il succinctement.
Il avala une lampée puis la tendit à son meilleur ami.
- Sale journée, hein ? Commenta James au bout d'un moment.
- Mmh.
- C'était ton petit frère.
- Tu ne peux pas t'empêcher d'insister, hein ? T'es vraiment chiant, Cornedrue.
- Il paraît, ouais.
Sirius se détourna avec un soupir.
- Il l'avait bien cherché, répéta-t-il. Mais oui, c'était mon petit frère. Content ?
James se retint de lever les yeux au ciel.
- Très, merci.
Il prit une nouvelle gorgée de whisky.
- Tu n'aurais rien pu faire. Probablement pas sans finir dans leur camp, en tout cas.
Sirius hocha la tête sans rien dire, les yeux rivés sur la mer. Finalement, il laissa échapper d'une voix légèrement étranglée :
- Je n'ai pas été un très bon grand frère, hein ?
- Parce qu'il ne t'a pas laissé faire.
- Je l'ai repoussé parce que c'était plus facile comme ça.
- Tu l'as repoussé parce que c'était ce qu'il cherchait. Je suis bien placé pour savoir quel frère incroyable tu peux être, non ?
Sirius eut un vague rire, qu'il étouffa dans une nouvelle rasade, avant de porter sa cigarette à ses lèvres.
- Une bonne cuite, ça te dit ?
- Ça marche.
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