Partie III - Chapitre 56

Chapitre 56

Elizabeth Porter ajusta son écharpe autour de son cou et s'enveloppa dans les plis de sa cape. Elle vérifia qu'elle avait bien fourré le parchemin avec toutes les coordonnées au fond de sa poche puis se tourna vers son meilleur ami.

- Alors ?

- Presque méconnaissable, assura Sirius.

- Presque ?

- Les yeux, sourit-il. Mais c'est parce que je te connais.

- Eh bien, espérons que je ne croiserai personne que je connais.

- Même s'il a des gens de Poudlard, ils t'auront oubliée, plaisanta-t-il. Après tout tu n'as jamais hurlé des obscénités à un certain Gryffondor en pleine Grande Salle.

La jeune femme grimaça un sourire.

- C'était la belle vie. Pas de mari surprotecteur, pas de rôle à jouer dans la guerre.

- Tu t'ennuierais sans lui, protesta-t-il.

- Hmm, c'est possible. Est-ce que tu veux bien lui donner ça, d'ailleurs ?

Elle lui tendit une lettre pliée en deux, qu'il accepta volontiers.

- Si tu l'ouvres, je te découpe en petits morceaux et je cacherai ton corps, promit-elle.

- J'ai peur, répondit-il en roulant des yeux.

- Tu devrais. Avec tous mes dérèglements hormonaux je peux devenir très violente.

- C'est complètement faux. James m'a assuré que tu étais juste une loque la plupart du temps.

Lily fronça les sourcils puis tendit la main.

- Donne-moi ce parchemin. Il faut que je barre l'endroit où j'ai écrit que je l'aimais.

Sirius rit tout en tenant la lettre hors d'atteinte.

- Je lui transmettrai toutes les menaces de mort que tu veux, promit-il. Vas-y, tu vas être en retard. Ce serait bête de rater ton premier jour de travail, Lizzie.

- Merlin, j'espère que je vais réagir quand on m'adressera la parole, grommela-t-elle.

- Tout ira bien, assura-t-il.

- Espérons. Si James est furieux contre moi, essaie de le calmer, d'accord ?

- Oh, non. J'essaierai plutôt de gagner son amour. J'attends ma chance depuis trop longtemps.

Elle le gratifia d'un petit coup dans l'épaule.

- Crétin.

- Ton préféré, rit-il.

- Tu sais lequel est mon préféré.

Il leva les yeux au ciel avant de l'attirer dans ses bras, à la plus grande surprise de Lily.

- Je ferai attention à lui, promit-il contre son oreille. A la condition que tu prennes bien soin de toi. Pas de bêtise, et rentre tout de suite si ça ne va pas.

- Tu es pire que lui, gémit-elle en s'écartant. Et fais attention à toi aussi ! La témérité est une mauvaise chose, rappelle-toi. Pareil pour la mauvaise humeur.

Il lui fit une grimace et la poussa dehors.

- Va-t-en, Elizabeth Porter. Ta nouvelle vie t'attend.

Elle attrapa sa valise de justesse, se retourna pour lui faire un dernier signe puis quitta le QG. Elle entendit la porte se refermer derrière elle et dut se faire violence pour ne pas jeter un coup d'œil à la fenêtre de sa chambre. James dormait, épuisé par sa veille de nuit. C'était aussi bien comme ça ; il aurait fait tout un scandale pour l'empêcher de partir.

Alors qu'elle traversait le jardin, elle voulut jouer avec l'une de ses mèches de cheveux, comme elle en avait l'habitude, mais ses doigts ne rencontrèrent que l'air froid. Avec un soupir, elle rajusta son bonnet et glissa une mèche de cheveux châtains derrière son oreille. Celle-ci vint lui chatouiller le cou, là où elle s'arrêtait désormais. Elle n'avait jamais eu les cheveux courts, avant. Pas plus que châtains, d'ailleurs. Merlin, elle avait bien cru que James allait faire une crise cardiaque lorsqu'il l'avait vue. Il n'avait pas arrêté de gémir jusqu'à ce qu'il parte finalement en mission.

Elle soupira, poussa la grille et transplana sans attendre. Le bruit des rues de Londres l'assaillit bien vite. Elle sortit de l'impasse où les Sorciers passaient leur temps à transplaner et se dirigea vers le métro, non sans avoir consulté le papier que Maugrey lui avait donné. L'adresse de son appartement y figurait, ainsi que l'heure à laquelle elle devait se pointer au Ministère. Secrétaire au Département de la Justice, telle était sa mission. Rien de bien palpitant, a priori, mais Elizabeth Porter n'était pas censée être quelqu'un de très portée sur l'aventure. Seulement... Eh bien, seulement une jeune femme de vingt-trois ans faisant son entrée au Ministère. Vingt-trois ans, ce qui expliquait le maquillage dont Lily avait fait usage.

Après un voyage beaucoup trop long dans le métro londonien, elle parvint enfin au pied de son immeuble, en plein Mayfair. Elle n'avait pas la moindre idée de la façon dont Maugrey avait obtenu un appartement là, mais cela lui convenait tout à fait. Elle parvint au troisième et dernier étage, sortit la clef de sa poche et pénétra enfin dans son nouveau logis.

La chambre et le salon étaient petits mais bien agencés. La cuisine ouverte n'était séparée de la pièce à vivre que par un comptoir. Bref, c'était petit mais confortable. Lily laissa tomber sa valise, posa son manteau sur la patère et se laissa tomber sur le canapé.

C'était minuscule, et pourtant elle allait se sentir affreusement seule.

***

Mon grand imbécile préféré,

excuse-moi d'être partie sans te réveiller, mais ça m'a paru plus sûr. J'ai tendance à ne pas contrôler mes canaux lacrymaux, ces temps derniers. Figure-toi qu'un bébé a décidé de jouer au yoyo avec mes hormones.

S'il-te-plaît, ne sois pas énervé contre moi. J'ai beau ne pas être là, ça me pèserait quand même. Je n'ai pas envie qu'on se dispute. Même si la petite guerre verbale qu'on menait à Poudlard me manque parfois – Merlin, j'ai l'impression que tu n'as rien fait de vraiment stupide depuis une éternité. Où est passé cet insupportable garçon qui passait ses nuits dans la Forêt interdite ou sur une moto volante ? Je vais devoir m'enfuir avec le nouveau fauteur de troubles de Poudlard, si ça continue.

Seigneur, James, comme j'aimerais avoir l'impression d'avoir dix-neuf ans plutôt que trente ! Tu te rappelles quel effet ça fait ? Moi pas.

Bref, je m'égare complètement. C'est te voir sourire dans ton sommeil qui me fait cet effet-là. La première fois que je t'ai vu faire ça, c'est la nuit où j'ai dormi avec toi après que Remus m'a tout avoué. Oh, Merlin, tu vois, je ne contrôle pas du tout mes hormones ; je suis à moitié en train de pleurer.

Concentre-toi, Lily ! Ce que je voulais te dire c'est : Je t'aime, fais attention à toi, NE FAIS RIEN DE STUPIDE. Je ne plaisante pas, James. Un mari en un seul morceau est bien plus marrant qu'un mari blessé – voire mort. Merlin, tu as beau être le pire crétin bavard que la terre ait jamais connu, je te préfère quand même vivant que mort. Alors fais un effort, sois gentil avec tes petits camarades, et surtout, surtout, ne sois pas en colère contre moi.

Je t'aime, tu sais ? Plus qu'Elizabeth Porter avec ses horribles cheveux courts ne pourra jamais l'imaginer (Très bien, c'est faux, j'aime assez ma nouvelle coupe. C'est juste pour flatter ton orgueil et essayer de me racheter).

Cordialement,

Elizabeth Porter

Ah, je plaisante !

Je t'aime (une troisième fois ? Les hormones, je t'assure),

Lily

James replia le parchemin tout en évitant soigneusement le regard amusé de Sirius.

- Tu as souri, annonça-t-il.

- Faux.

- Merlin, Cornedrue, tu es en train de sourire à l'instant même. Allez, dis-lui que tu n'es pas en colère contre elle.

- Mais je le suis !

Sirius haussa un sourcil et James capitula avec un soupir.

- Très bien, je ne lui pas.

- Parfait, s'extasia Sirius, je viens d'accomplir mon devoir de meilleur ami et de témoin ! Je suis merveilleux.

- C'est ça, berce-toi d'illusions.

- Hé !

James se mit à rire avant de se lever.

- Tu m'excuseras, mais je dois répondre à ma femme. Apparemment, je ne suis pas énervé parce qu'elle est la personne la plus ridicule du monde. Après toi, s'entend.

- Est-ce que ça veut dire que si Lily n'avait pas existé tu m'aurais épousé ?

- Évidemment ! Répondit James depuis l'escalier. D'ailleurs je vais demander le divorce de ce pas !

- Fabuleux !

James était de bien meilleure humeur lorsqu'il revint dans sa chambre. Bien sûr, il détestait l'idée que Lily soit seule à Londres, mais il ne lui en voulait plus. Il attrapa un bout de parchemin, saisit sa plume et écrivit une réponse lapidaire :

Trente ans ? Et moi qui pensais que tu en avais quarante. C'est sans doute ton caractère de mégère qui m'a induit en erreur, PEC.

Je te retourne le conseil : fais attention à toi, pas de bêtise, ne fricote pas avec un jeune et talentueux Sorcier ou je serai obligé de l'assassiner.

Au fait, Sirius espère m'épouser, alors à ta place je ne tarderais pas trop à revenir. Son incroyable humour risquerait bien de me séduire. Mais pour l'instant je t'aime toujours et je ne t'en veux pas, parce que je suis le plus incroyable des maris, malgré mes dix-neuf ans (mon amour pour la Forêt interdite est toujours là, promis. Seulement un peu oblitéré par la fatigue).

Arrête de blâmer les hormones, je sais que tu ne peux pas te passer de moi (et moi non plus d'ailleurs – Merlin, je ne sais jamais comment conclure mes lettres... Je t'aime?)

James

Il roula le parchemin en songeant qu'il était aussi ridicule qu'elle et alla voler le hibou de Peter – le sien n'était pas revenu de Godric's Hollow. Une fois son message parti, il s'assit de nouveau à son bureau et entreprit de rédiger le rapport de sa dernière mission.

Emmeline Vance et lui avaient traîné autour d'un bar de York pour s'assurer qu'aucun Mangemort ou quelconque partisan de Voldemort ne s'y trouvait – un informateur, que James soupçonnait fortement d'être Dorcas Meadowes, pensait qu'une réunion allait se tenir là. Malheureusement, c'était le cas. Le bar avait été à moitié détruit et Amanda avait dû venir en renforts pour effacer la mémoire de tout le monde. Quant aux quatre adeptes du Maître des Ténèbres, ils s'étaient envolés. James et Emmeline avaient tellement essayé de protéger les Moldus présents qu'ils n'avaient pas pu les intercepter. Cependant, James était à peu près sûr qu'il avait cassé la jambe de l'un d'eux et fait pisser le sang d'un autre. Quant à Emmeline, elle avait failli arracher la tête d'un des types. Dommage qu'il ait évité le bar qu'elle lui avait jeté à la figure.

James ne put s'empêcher de gratter son épaule, là où des éclats de verre avaient profondément pénétré la chair. Ethel l'avait soigné lorsqu'il était rentré, mais la cicatrice le démangeait. De plus, le moindre mouvement brusque le faisait souffrir. Ce genre de choses lui donnait l'impression d'avoir trente ans. Pour le reste, il se sentait toujours l'âme d'un Maraudeur. Il espérait seulement que les douleurs cesseraient – s'il devait souffrir pour le restant de ces jours en plus d'être couturé de cicatrice, il risquait effectivement de vieillir prématurément.

Il acheva son rapport et descendit au rez-de-chaussée pour le remettre à Maugrey. Sur un grognement de celui-ci, il entra dans son bureau et fronça le nez à cause de la fumée de cigare qui opacifiait l'atmosphère.

- Je croyais que Lily et Ethel réprouvaient toute cette fumée, toussa-t-il.

- Elles ne sont là ni l'une ni l'autre, alors je ne vois pas où est le problème, Potter, commenta Maugrey en mâchouillant son cigare.

- Elles sont dotées d'un nez.

- Tant mieux pour elles. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Mon rapport, pour la nuit dernière.

- Pose-le sur le bureau.

James s'exécuta et son attention fut captée par un drôle d'objet posé là.

- Qu'est-ce que c'est ? Ne put-il s'empêcher de demander.

- Ma porte de sortie, annonça Maugrey, à la plus grande surprise de James – il était persuadé qu'il n'obtiendrait pas de réponse.

- Mais encore ?

- Apprend à observer, Potter. Je ne suis pas ta baby-sitter, trouve les réponses tout seul.

Prenant cela pour un encouragement, le jeune homme saisit l'objet et le leva à hauteur de ses yeux. Il comprit bien vite de quoi il retournait :

- C'est une prothèse ?

- Ouais.

James tâta le bois, le renifla, puis commenta :

- On dirait le même vernis que sur mon balai.

- Sans doute parce que ce sont les frères Windurby qui l'ont mise au point.

- Windurby comme dans... les Windurby ?

- Eux-mêmes.

- Merlin, les créateurs des Nimbus vous ont taillé une jambe de bois ?

- Potter, si tu n'arrêtes pas de poser des questions immédiatement j'écrase mon mégot sur ce joli minois dont tu sembles être bien trop fier, marmonna l'Auror.

- Est-ce qu'elle vole ? Demanda James sans tenir compte de son interruption, tout en réprimant une furieuse envie de rire.

- Sors d'ici ! Rugit Maugrey. Et va me chercher Ethel si elle est là !

- Bien mon capitaine !

- Dehors !

James s'exécuta en riant comme le garnement qu'il était toujours et s'empressa d'aller chercher Ethel. La jeune femme lui adressa un regard paniqué quand il lui parla de la nouvelle acquisition de Maugrey et s'empressa de descendre. Sirius, qui se trouvait dans la chambre de la blonde, lui jeta un regard torve.

- Quoi ? S'enquit James.

- Tu viens de gâcher mon après-midi.

- Parce que ... ?

- Parce que je m'apprêtais à verrouiller cette porte pour...

- Oh, Merlin, je ne veux pas savoir, gémit James. Pas les détails, pitié !

- Maintenant tu comprends ce que je ressens, le nargua Sirius.

- Je n'ai jamais fait ça ! Bon, peut-être une ou deux fois mais...

- Tu vois, j'ai une revanche à prendre.

- Très bien, annonça James, si tu le prends comme ça je vais aller monter la garde devant une maison de retraite ou quelque chose d'aussi palpitant. Ça m'évitera tes histoires sordides.

***

Lily était un peu en avance, comme elle l'avait prévu. L'Atrium était calme durant l'heure de la pause déjeuner, ce qui lui permit de découvrir les lieux en toute quiétude. Sa robe noire du Ministère volant derrière elle, elle se dirigea à pas lents vers les ascenseurs et monta dans le premier qui arriva. Il n'y avait que quelques autres Sorciers à l'intérieur, ainsi que deux hiboux. Elle atteignit son étage sans encombre puis jeta un coup d'œil au papier de Maugrey : « Mrs. Primesautière Allister, à gauche au bout du couloir, puis à droite, la troisième porte ». Elle suivit ses instructions en se demandant pour la millième fois ce qui pouvait bien passer par la tête des parents Sorciers lorsqu'ils choisissaient les prénoms de leurs enfants. Une main inconsciemment posée sur son ventre, elle songea au prénom de son bébé, un léger sourire sur les lèvres.

Trop absorbée par ses pensées, elle ne remarqua pas que l'épaisse moquette rouge et les dorures cédaient la place à un parquet usé et du papier peint défraîchi. Ce n'est qu'une fois arrivée devant la porte de Mrs. Allister qu'elle nota l'aspect moins luxueux de ce couloir. Elle grommela intérieurement : comment Maugrey espérait-il qu'elle entende la moindre information intéressante si elle était coincée dans un bureau de moindre importance ? Elle comprit soudain bien mieux pourquoi Maugrey lui avait dit de traîner dans le Ministère autant que possible.

Avec un soupir, elle consulta sa montre, attendit que l'aiguille atteigne le « 2 » et frappa.

- Entrez, ordonna une voix sèche et qui n'avait certainement rien de primesautier.

Lily prit son courage à deux mains et poussa la porte, révélant ainsi une minuscule pièce où tenaient tout juste deux bureaux et des piles impressionnantes de papiers. Derrière l'une des tables se trouvait une femme d'une soixantaine d'années qui avait manifestement développé une passion malsaine pour la couleur lilas. Ses cheveux gris étaient retenus par une pince violette, d'une teinte légèrement plus foncée que la couleur de ses lunettes. Sous sa robe noire du Ministère, elle portait un tailleur de la même couleur. Elle leva les yeux vers la nouvelle venue et pinça les lèvres.

- Vous êtes ?

- Elizabeth Porter, madame, répondit Lily sans la moindre hésitation.

Mrs. Allister jeta un bref regard à sa montre, s'aperçut qu'elle était parfaitement ponctuelle et se leva pour lui serrer la main.

- Bien, Miss Porter, bienvenue au Ministère. Vous n'avez pas eu de problème à trouver ?

- Aucun, assura Lily, vaguement perturbée par le fait d'être à nouveau une « Miss ».

Par habitude, elle toucha l'emplacement de son alliance mais n'y trouva évidemment rien. Elle avait laissé l'anneau sur la table de chevet de James, à côté de ses lunettes.

- Ceci sera votre bureau, continua Mrs. Allister sans se rendre compte de son malaise. Vous connaissez déjà vos horaires, je crois ? Bien. Comme vous le voyez, nous avons beaucoup de travail en retard. Vous savez quels genres de dossiers nous traitons, n'est-ce pas ?

- Tous les litiges concernant la propriété privée, répondit aussitôt Lily.

- Bien. Je m'occupe évidemment de régler les litiges, vous mettrez simplement aux propres les notes que j'ai prises et informerez les deux partis de la décision prise. Certains cas donneront lieu à des jugements, d'autres à de simples rencontres pour régler la question à l'amiable. Vous pourrez assister à certaines si cela vous intéresse. Cependant vous risquez d'avoir pas mal de paperasse à rattraper pour le moment. Vous feriez mieux de vous y mettre, d'ailleurs.

Lily acquiesça, s'assit, et tenta de mettre dans l'ordre dans les piles de dossier que lui donna sa supérieure.

Trois heures plus tard, Lily demanda grâce et fut autorisée à aller prendre un café. Alors qu'elle allait sortir, Mrs. Allister l'interpella :

- Au fait, Miss Porter... Repérez bien le coin café ; le Ministère n'a pas les moyens de vous engager toute la journée pour moi donc vous passerez vos matinées au service de tout le département.

- On m'a dit ça, en effet, répondit Lily.

Mrs. Allister lui adressa un regard d'excuse.

- Je crains qu'on ne vous réclame beaucoup de tasses de café et de copies pendant les semaines qui vont suivre. Allons, dépêchez-vous de prendre votre pause.

Tout en marmonnant contre les Sorciers qui ne savaient pas se servir de leur baguette et les études trop longues qui menaient à servir du café, Lily rejoignit le couloir principal du Département et repéra le coin café. D'un coup de baguette, elle réchauffa le liquide qui tiède qui stagnait dans la cafetière puis se servit une tasse. Elle grimaça en goûtant l'infâme breuvage et se promit que si elle était condamnée à servir le café tous les matins, elle ferait en sorte qu'il soit bon.

Elle se laissa tomber dans un fauteuil, sa tasse fumante de jus de chaussette entre les mains, et tâcha de ne pas s'endormir. Être enceinte était bien plus épuisant qu'elle ne l'aurait jamais imaginé.

- Tout va bien ?

Lily se redressa aussitôt dans son fauteuil, les yeux subitement bien ouverts. Un Sorcier se tenait devant elle, une expression amusée sur le visage. Il devait avoir une trentaine d'années mais semblait déjà avoir une place importante dans le Département, à en juger par les barrettes violettes sur son épaule. Il devait participer à certains types de procès.

- Le café est terrible, s'entendit-elle répondre.

L'homme se mit à rire face à une Lily mortifiée.

- Vous avez bien raison. Vous êtes nouvelle dans le Département ?

- Je suis la nouvelle secrétaire de Mrs. Allister, acquiesça-t-elle. Li...zzie Porter.

Elle bénit intérieurement l'inspiration de Margaret pour son nom d'emprunt alors qu'elle serrait la main du nouveau venu.

- Adalbert Thorne, se présenta-t-il. L'assistant de Mr. Croupton.

- Oh, eh bien, enchantée, balbutia-t-elle alors qu'elle essayait de se rappeler en quelle occasion elle avait déjà entendu parler de Croupton.

- Vous devriez être un peu plus impressionnée, plaisanta Thorne, une étincelle amusée dans ses yeux bleus.

- Je fais le café, rétorqua Lily. Que vous travailliez pour le Ministre ou le responsable des ascenseurs, ça ne change rien au fait que vous buvez du café.

Il essuya un petit rire puis haussa un sourcil.

- Je croyais que vous travailliez pour la vieille Allister ?

- Je partage ma journée. Apparemment, la journée ne peut être consacrée qu'au café.

- Je me réjouis de vous retrouver à votre poste demain matin, dans ce cas.

Il lui adressa un dernier sourire puis repartit vaquer à ses propres affaires. Lily reprit enfin son souffle ; elle n'avait plus l'habitude d'interagir avec des gens qui ne faisaient pas partie de l'Ordre. Elle acheva son café et regagna son bureau, préoccupée par l'idée qu'Adalbert Thorne avait tenté de flirter. Merlin, James allait assassiner quelqu'un avant la fin du mois de janvier. Tout en insultant intérieurement les maris trop possessifs, elle poussa la porte de Mrs. Allister et tenta de se remettre au travail.

***

Remus inspectait la pièce alors que Margaret discutait avec la mère éplorée. Il pinça les lèvres en entendant un nouveau sanglot ; la détresse des parents le touchait particulièrement. La fille unique de ce couple de Sorciers avait disparu trois jours plus tôt. Le Poudlard Express allait partir sans elle le lendemain matin. Remus aurait adoré leur ramener leur fille à temps, mais un an au service de l'Ordre lui avait appris qu'un porté disparu était rarement retrouvé vivant.

Il alla inspecter la cuisine, sans vraiment savoir ce qu'il cherchait. Après tout, la pauvre gamine ne s'était sans doute pas cachée dans un placard. Ce qu'il ne comprenait pas, c'était pourquoi on s'en était pris à elle. Les Howse étaient Sorciers depuis une éternité, et sang-mêlés depuis aussi longtemps. La petite Hannah, âgée de quatorze ans, n'avait a priori rien fait pour s'attirer les foudres des partisans de Voldemort. Cependant, Remus avait bien conscience qu'ils n'avaient pas forcément besoin d'une raison. La « relation », à défaut d'autre terme, qui unissait les Potter à Voldemort en était bien la preuve : c'était complètement irrationnel, mais cela ne semblait pas arrêter leur ennemi.

- Remus ? Appela Margaret depuis le salon. Tu peux venir s'il-te-plaît ?

Il s'exécuta, sous l'œil éploré de Mrs. Howse.

- Mrs. Howse me fit qu'Hannah avait un comportement bizarre depuis quelques jours, résuma Margaret.

Comprenant qu'elle voulait son avis sur la question, il s'assit et interrogea :

- Bizarre dans quel sens ?

- Eh bien, il lui arrivait d'avoir des absences, répondit la mère d'une petite voix. Elle ne semblait pas elle-même et ensuite ne se rappelait pas ce qu'elle disait. Quelques jours après Noël elle... Elle avait sa baguette en main et j'ai cru qu'elle... Qu'elle allait la pointer sur moi.

Remus tourna les yeux vers Margaret, qui hocha la tête.

- Elle a sans doute été soumise au sortilège de l'Imperius, soupira Remus avant de chasser la mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux.

- Le...

Mrs. Howse fondit en larmes, à la plus grande confusion de Remus. Margaret, assise près d'elle, lui tapota le dos.

- Ça explique sans doute sa disparition, poursuivit-elle d'une voix douce. Nous allons faire ce que nous pouvons pour la retrouver.

- Mais qu'est-ce qu'ils veulent lui faire faire, hoqueta Mrs. Howse. Elle... C'est une petite fille... petite fille innocente.

- Personne n'en doute, l'assura Margaret. Nous allons la retrouver.

Remus tiqua en entendant la nuance plus affirmative de cette phrase. S'ils échouaient, les Howse risquaient de leur en tenir rigueur. Ce qu'il craignait par-dessus tout était que les Mangemorts monnaient la petite contre la participation des parents Howse à leurs activités. Cela allait contre tout ce que Maugrey essayait de faire.

- Si on vous approche, dit-il, si on vous demande quoi que ce soit en échange de la vie de votre fille, surtout contactez-nous et attendez avant d'agir.

Mrs. Howse lui jeta un regard terrifié alors que Margaret le fusillait du regard.

- Ce qu'il veut dire, corrigea-t-elle, c'est que nous nous occupons de tout. Hannah vous reviendra très vite.

Elle lui jeta un regard reconnaissant puis les laissa fouiller la chambre à la recherche du moindre indice. Leur recherche étant infructueuse, ils quittèrent la maison.

- Tu pourrais être un peu moins brusque, lui reprocha aussitôt Margaret.

- Je ne veux pas leur donner de faux espoirs ! Se justifia-t-il. Rien ne nous dit qu'on va la retrouver vivante. Je ne vois vraiment pas ce que les Mangemorts peuvent bien faire d'une gamine de quatorze ans. Elle n'est même pas à Poudlard, elle ne peut pas espionner pour leur compte ! De toute façon, ça sous-entendrait qu'il y aurait un Mangemort dans le coin. Non, je ne vois vraiment pas ce qu'ils vont faire d'elle, à part être cruels.

Margaret poussa un profond soupir et passa ses mains sur son visage alors qu'ils avançaient à grande enjambée dans la petite ville dont Hannah Howse était originaire.

- Je n'ai pas envie de décevoir ces gens.

- Moi non plus, acquiesça-t-il. Malheureusement on n'obtient pas toujours ce qu'on veut.

Les deux jeunes gens échangèrent un regard gêné avant de détourner prestement les yeux.

- Par quoi est-ce qu'on commence ? Demanda finalement Margaret alors qu'ils arrivaient à leur lieu de transplanage.

- J'ai pris un de ses vêtements si on veut lancer un sortilège de repérage, mais il va falloir être prudent.

- Un peu trop voyant, non ? Protesta Margaret. On ne pourra pas les approcher discrètement pour récupérer la petite.

- Je sais bien, soupira-t-il. On pourrait essayer un sortilège pour repérer son emplacement directement sur une carte mais ça va nous prendre du temps. Il faut la bonne potion à répandre sur la carte, et...

- La faire sécher, je sais, coupa Margaret avec l'ombre d'un sourire. J'ai suivi les mêmes cours que toi. Est-ce qu'il ne faut pas trois semaines pour préparer la potion ?

Comme Remus hochait sombrement la tête, elle prit une profonde inspiration.

- Bon, on a qu'à faire cette potion, et en attendant qu'elle soit prête, éplucher les journaux à la recherche d'indice de la présence d'Hannah. Si les Mangemorts ont des plans pour elle, on risque d'en entendre parler.

- Ça me va. On rentre ?

Margaret hocha la tête, mais l'interrompit alors qu'il faisait un pas en avant.

- Hé, Remus ?

- Oui ?

- Tu crois que quelqu'un est à l'abri ? Je veux dire, ils enlèvent même les enfants pour en faire leurs esclaves, maintenant.

Après un instant d'hésitation, il saisit sa main et la pressa doucement.

- Tant que l'Ordre existera, on fera en sorte de préserver la sécurité d'autant de gens que possibles, la rassura-t-il avec un sourire. Ils n'ont pas encore gagné.

- Et si ça arrive ?

- Ça n'arrivera pas. Viens, rentrons. On pourra se faire un chocolat chaud au QG.

Elle sourit.

- Tu as raison. Après tout, le chocolat résout tout.

***

Cher crétin,

voilà trois jours que je suis là, et je n'arrive toujours pas à croire que les hommes puissent ingurgiter une telle quantité de café. Je suis sûre que certains ont plus de café dans le corps que d'eau – et Mrs. Allister compte parmi ceux-là. Elle cachait bien son jeu, le premier jour.

J'ai aperçu le grand Croupton, ce matin. Il a jeté un regard dégoûté à ma cafetière et s'est enfui vers son bureau – je lui aurais bien jeté à la figure, tiens.

Rien d'intéressant à signaler pour le moment. Mon appartement me paraît terriblement vide. Je déteste vivre seule ! Quand on pense que j'ai partagé ma chambre avec quatre filles puis un grand escogriffe toute ma vie, ce n'est pas si étonnant. Malheureusement je ne peux pas le remplir de choses inutiles parce que mes coffres sont complètement vides ; je te jure, les Gobelins vont finir par me poursuivre ! Enfin, avec mon travail j'arriverai peut-être à trouver un bon avocat.

Oh, tu te rappelles de la voisine dont je t'ai parlé ? Elle ne sort jamais de chez elle, c'est fou. Je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe derrière sa porte. J'ai demandé au concierge, qui n'en sait pas plus. On se croirait au Département des Mystères !

Passe-me voir un de ces jours, je te ferai du café (le meilleur du Ministère, d'après Adalbert Thorne!)

A très vite,

Lizzie

Lily mâchouilla sa plume. Cette lettre lui semblait assez innocente. Si elle était interceptée, elle doutait qu'on y trouve une information intéressante. Pourtant, il y avait quelques bribes qui mériteraient une attention plus minutieuse. Maugrey saurait sans doute décrypter ce qu'il fallait. Elle était désolée pour son mari, dont elle ne pouvait même pas écrire le nom en haut de la lettre. Depuis la première lettre qu'il lui avait envoyée, bien trop transparente quant à leur identité, elle l'avait engagé à plus de prudence. Résultat des courses, ils restaient tous deux sur leur faim. Ces lettres ne compensaient en rien l'absence de l'autre.

Alors qu'elle attachait le parchemin à la patte deson hibou, elle songea soudainement qu'une lettre d'amour sans aucun nom niaucune information intéressante ne pouvait pas être dangereuse. Avec unsourire, elle envoya le hibou porter la première missive, saisit à nouveau saplume et entreprit d'écrire vraiment à son mari.


[Fun fact : la première fois que j'ai écrit une lettre à mon fiancé, j'ai terminé par "Cordialement" puis j'ai fait une vraie conclusion, comme Lily... Et il a pas kiffé du tout hahaha]

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