Partie III - Chapitre 55
Chapitre 55
Noël n'eut pas la saveur des années précédentes. Porteur d'espoir d'habitude, il ne fut cette fois que nostalgique. Jenny était morte, la situation semblait plus noire de jour en jour. Pour Lily et James, c'était un Noël sans leurs parents, à l'exception de Fleamont Potter. Pour tant d'autres Sorciers en Grande-Bretagne, c'était un Noël dans la peur, dans le deuil. Trop de vies avaient été brisées.
Une fois Noël passé, Lily dut envisager son départ pour Londres plus sérieusement. James continuait à bouder dès qu'elle évoquait ce fait, mais elle n'y pouvait rien. Partir la rendait heureuse ; elle en avait plus qu'assez d'être enfermée au QG, à superviser les exercices de rééducation de Maugrey. L'Auror était tout sauf patient, exactement comme Lily. Merlin en soit remercié, Ethel prenait régulièrement le relais. Il se remettait bien et s'efforçait, à la grande stupéfaction de tout le monde, de marcher avec des béquilles. Ils pensaient tous qu'il était trop vieux pour réussir à s'adapter à ce nouvel état de fait. Pourtant il semblait aussi irascible et autoritaire que jamais, menant l'Ordre d'une main de fer. Lily était persuadée qu'il s'efforçait de compenser sa perte de pouvoir sur le Bureau des Aurors. Rien que pour ça, elle était prête à tout pour qu'il se remette ; mieux valait Maugrey en chef des Aurors qu'en commandant de l'Ordre.
Il se montrait impitoyable sur la cadence des missions de chacun et sur les rapports qu'ils devaient ensuite fournir. Lily ne comptait plus le nombre de fois où elle avait récupéré James en train de dormir sur leur bureau, affalé sur un bout de parchemin griffonné. En tête de chacun de ses rapports trônait souvent le nom d'un client de Barjow et Beurk. Malheureusement, les efforts de l'Ordre pour s'allier leur confiance était rarement concluant ; les Sorciers avaient souvent déménagé ou disparu, ou bien ils lançaient aux trousses de l'Ordre un ou deux sbires de Voldemort.
Le seul avantage de ce dernier point était que l'Ordre faisait parler de lui, conformément aux instructions de Maugrey. Tout avait commencé avec l'interpellation avortée de Remus, qui avait bénéficié d'un article assez conséquent dans la Gazette du Sorcier. Remus bénéficiait depuis lors, à sa plus grande gêne, du surnom de « héros masqué ». James et Sirius étaient horriblement vexés de ne pas avoir droit au même statut quasi-légendaire. Ils s'accrochaient tous à cet engouement pour Remus, espéraient que, par-là, les Sorciers comprendraient qu'il y avait un espoir, que tout n'était pas perdu.
Mais lorsque Lily vit revenir James et Peter de leur avant-dernière mission de l'année 1979, elle eut quelques doutes. Elle vérifiait les stocks de potion dans l'infirmerie lorsqu'ils poussèrent la porte. James marchait appuyé sur Peter, dont la cape semblait empoissée de sang. Tous deux avaient le visage tuméfié.
- Oh, Merlin, lâcha-t-elle en se précipitant vers eux, qu'est-ce qui vous est arrivé ?
- Bonne question, marmonna Peter.
Il aida James à s'installer sur un lit avant de se laisser tomber à côté de lui.
- Lequel est le plus amoché des deux ? Interrogea Lily en les scrutant tour à tour, incapable de se décider. Ou plutôt, incapable d'être impartiale ; elle aurait préféré s'occuper de James d'abord, mais celui-ci désigna Peter, qui ne fit rien pour s'en défendre.
- Je crois que j'ai le nez cassé, commenta-t-il.
- C'est de là que vient tout ce sang ? Demanda-t-elle tout en palpant délicatement son visage.
- Non. Coupure au bras.
- Sortilège ?
- Couteau. James a arrêté le saignement.
Lily haussa un sourcil.
- Est-ce que ce sont des Sorciers qui vous ont attaqué ?
- Ouais, mais pas les plus évolués que j'ai rencontrés, répondit James. Tu veux bien me passer une bassine ou un bol s'il-te-plaît ?
La jeune femme s'exécuta tout en allant chercher des onguents en tout genre pour Peter. James s'empressa de cracher dans le récipient qu'elle lui tendait et contempla avec une satisfaction évidente tout le sang dont il venait de se débarrasser.
- Tu as perdu une dent ou quoi ? S'exclama Lily, horrifiée.
- J'ai dû me mordre la joue.
- Merlin, mais qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ?
- On était chez un client de Barjow et Beurk, expliqua Peter alors qu'elle appliquait un peu de pommade autour de son nez. Un gros client, pas juste quelqu'un de superstitieux. Lily, ce truc a une odeur infecte.
- Ça t'évitera de trop souffrir quand je remettrai ton nez en place, rétorqua-t-elle. Continue, je t'en prie.
Il grimaça mais obtempéra :
- Vu comme il est impliqué dans la magie noire, on n'a même pas essayé de l'approcher. On a juste observé pour voir s'il avait des accointances avec Tu-Sais-Qui.
- Queudver, grommela James. Appelle-le par son nom, bon sang.
Peter se racla la gorge mais ne prononça pas le nom de Voldemort. Lily jeta un bref coup d'œil à James, qui avait fermé les yeux. Elle savait que les Sorciers commençaient à ne plus prononcer le nom de Voldemort, mais elle ignorait que cette lubie avait pris racine au sein de l'Ordre.
- Et-Et puis, continua le jeune homme, légèrement perturbé par le fait que Lily pointait sa baguette sur lui, comme il ne se passait rien d'inhabitu... AÏE Lily !
- Quoi ? Ton nez va mieux, non ?
- Tu avais dit que ça ne ferait pas mal !
- Est-ce que ça a vraiment fait mal ?
Après un instant de réflexion, Peter marmonna à contre-coeur :
- D'accord, c'est peut-être juste le déplacement de l'os qui m'a surpris.
- Tu vois !
Elle capta le sourire amusé de James et pressa brièvement sa main, posée sur le lit.
- Et donc ?
Peter lui adressa un regard mauvais avant de reprendre :
- Comme tout semblait normal, on s'est dit qu'on allait rentrer et prévoir d'autres veilles. Mais au moment où on partait, un groupe nous est tombé dessus.
- Pas des Mangemorts, ajouta James.
- Ils étaient six ou sept et nous ont demandé ce qu'on faisait là. Alors, James a...
- J'ai suivi les ordres de Maugrey, coupa celui-ci. J'ai dit qu'on était des membres de l'Ordre du Phénix.
Peter baissa les yeux, mais Lily était sûre que ce n'était pas pour observer le traitement qu'elle réservait à sa blessure au bras.
- Ils n'ont pas apprécié, j'imagine ?
- Non. Et ils ont une manière de se battre assez peu... Conventionnelle.
- En effet, commenta Lily tout en écartant doucement les couches de vêtement de Peter pour mieux observer la blessure.
Il s'agissait d'une coupure nette, assez profonde. C'était une chance que James ait su arrêter le saignement. Le moindre mouvement devait sans doute faire souffrir Peter.
- Je vais refermer ta blessure, annonça-t-elle finalement, mais il faudra garder le bras en écharpe pour environ deux jours. La magie va mettre du temps à opérer en profondeur.
Le jeune homme hocha la tête, livide. Lorsque cela fut fait, Lily lui donna une solution de force, une potion pour atténuer la douleur et une pommade pour ses autres contusions, puis il quitta la pièce d'un pas traînant.
- Vous vous êtes disputés ? Demanda Lily à voix basse tout en auscultant son mari.
- Pas vraiment, soupira James. C'est juste que... Cette peur panique du nom de Voldemort m'agace. Parfois je me dis... Qu'il aimerait être ailleurs.
- C'est notre cas à tous, non ?
- Dans une certaine mesure, concéda-t-il, mais chez Peter ça me paraît différent.
- Il a peur, c'est tout.
James soupira, avant d'exprimer ce qu'il avait vraiment sur le cœur :
- J'ai peur qu'il finisse par nous haïr parce que nous l'avons entraîné là-dedans alors qu'il ne voulait pas vraiment.
- Oh, James...Je te rappelle qu'il est allé demander lui-même à Dumbledore s'il pouvait rejoindre l'Ordre. Et puis, personne n'imaginait que ce serait comme ça. Il peut partir, s'il le souhaite.
- Tu sais bien qu'il ne le fera pas si nous ne le faisons pas. Je ne veux pas qu'il me déteste.
Son ton était si morne que Lily se pencha pour l'embrasser sur la joue, ce malgré son visage tuméfié. Il lui sourit, mais grimaça lorsque le mouvement tira sur sa lèvre légèrement fendue.
- Je suis terriblement mauvais pour me défendre au corps à corps, commenta-t-il alors qu'elle passait de la pommade sur son visage.
- Je me rappelle pourtant de certaines bagarres à Poudlard...
- J'ai perdu l'habitude, soupira-t-il. Je me suis fait massacrer par Sirius, quand on s'est disputé.
- Tu l'avoues enfin !
- Lily !
Elle rit avant de soulever son pull et son t-shirt pour évaluer les dégâts. Avec une grimace, elle demanda :
- Est-ce qu'ils t'ont roué de coups ?
- Hmm.
- Allonge-toi. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé à la jambe ?
- Sortilège cuisant, je crois, grogna-t-il tout ne se laissant tomber sur le dos.
- Je déteste savoir qu'on peut te faire autant de mal, souffla Lily tout en s'occupant du reste de ses blessures.
- Je déteste savoir que tu pars dans deux jours, rétorqua-t-il, les yeux fermés.
- Tout ira bien.
- C'est ce qu'on dit à chaque fois qu'on part, et regarde-moi.
- Ne sois pas si pessimiste.
- Si tu avais lu la dernière lettre de papa, tu ne dirais pas ça.
Lily se figea, les mains au-dessus de ses côtes.
- Quoi ?
James avait toujours les paupières étroitement closes.
- J'ai l'impression qu'il m'expose ses dernières volontés.
- Est-ce que Bathilda t'a écrit ?
- Non.
- Bon. Elle avait dit qu'elle te préviendrait si son état se détériorait.
Il ne répondit pas, la mâchoire crispée.
***
Pour ce qu'il en savait, Carrie Butler allait bien. William Hardley en avait assez de la suivre partout dans Londres alors que personne ne s'attaquait jamais à elle. Il savait qu'elle avait apparemment un traqueur, mais il n'en avait jamais aperçu l'ombre. Il s'était dit, pendant un moment, qu'il était peut-être incompétent, mais Margaret ne l'avait jamais vu non plus.
Il en avait donc conclu qu'ils perdaient tous deux leur temps pour une jeune fille au caractère insupportable. Cette appréciation légèrement partiale venait du fait qu'elle avait failli le frapper lorsqu'il avait voulu se présenter à elle. La mauvaise humeur dont elle faisait preuve depuis le début des vacances n'aidait en rien William à avoir une meilleure opinion d'elle. Il pouvait comprendre que devoir donner son planning à l'Ordre était très contraignant, mais qu'y pouvait-il ?
Elle avait apparemment décidé, en ce 31 décembre, de se rendre à l'endroit de Londres susceptible d'attirer le plus de monde : Trafalgar Square. Il espérait simplement qu'elle n'avait pas prévu de passer le nouvel an là ; pas après ce qu'il s'était passé l'année précédente.
Carrie s'arrêta au pied de l'obélisque qui trônait au centre de la place, mit les mains sur ses hanches et fit volte-face brusquement, de telle sorte que William n'eut pas le temps d'échapper à son regard. Elle avait l'air d'une humeur exécrable.
- William !
Sa voix claqua par-dessus le brouhaha des citadins et de la circulation. William grimaça : impossible de prétendre ne pas l'avoir entendue. Elle se dirigeait à présent vers lui à grands pas.
- Est-ce que vous voulez bien, s'il vous plaît, arrêtez de marcher dix pas derrière moi ? C'est ridicule. Si vous devez me protéger, très bien, mais je n'ai pas besoin d'un chien de garde.
- C'est comme ça depuis un mois, rétorqua-t-il tout en priant pour qu'elle parle moins fort.
- Et ça fait un mois que ça me hérisse le poil. Et, Dieu tout puissant, est-ce que vous pouvez me tutoyer ?
La seule chose que William trouva à répondre fut :
- Seulement si tu fais la même chose.
Pour la première fois de sa vie, Carrie lui adressa un sourire.
- Parfait. Viens par-là.
Elle l'entraîna à nouveau vers le centre de la place, la moitié du visage engoncée dans son écharpe pour combattre le vent froid qui se glissait le long de la National Gallery.
- Tu étais là, l'an dernier ? Au nouvel an ? Interrogea-t-elle après s'être assise sur les marches du musée.
- Non. J'étais en Amérique.
Elle lui jeta un regard étonné avant de reporter son attention sur la place où s'affairaient beaucoup trop de Moldus.
- Moi, j'y étais, confia-t-elle.
Ce fut au tour de William d'être surpris ; il ignorait ce fait. A vrai dire, il n'avait pas la moindre idée de la façon dont Carrie avait intégré l'Ordre.
- C'est là que j'ai rencontré Gideon, poursuivit-elle. Et il y avait des morts et des blessés partout. Et de la magie. Je n'ai pas douté un seul instant de ce que je voyais, bizarrement. Peut-être parce que l'effet de la plupart des sorts était la mort.
- Carrie, je...
- Je suis contente d'avoir un rôle à jouer, tu sais, coupa-t-elle. De pouvoir essayer de mettre un terme à ça. Mais parfois c'est un peu dur.
William se trémoussa, mal à l'aise. Il n'avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle elle lui confiait tout ça, et savait encore moins quoi répondre. La jeune fille prit une profonde inspiration puis tourna la tête pour lui sourire à nouveau, plus franchement cette fois-ci.
- Excuse-moi, reprit-elle. Seulement je ne peux évidemment pas en parler à mes amis, et Margaret m'intimide beaucoup trop.
- Je serais presque vexé de ce que tu sous-entends, commenta William.
- Tu fais moins peur, confirma-t-elle.
- Si Margaret savait qu'elle te fait peur, ça la ferait mourir de rire.
- Pourquoi ça ? Elle est intimidante, c'est vrai !
- A Poudlard, elle a toujours été... la plus timide, la plus discrète, la plus gentille aussi. La guerre l'a changée, j'imagine.
- Poudlard ? Votre école, c'est ça ?
- Euh, ouais. Écoute, ce n'est pas que je n'ai pas envie de t'en parler mais je ne suis pas franchement en train de surveiller les alentours, alors...
Elle leva les yeux au ciel.
- Oh, je t'en prie ! Personne ne me menace.
- J'ai des ordres.
- C'est le nouvel an. Tout le monde se fiche des ordres.
- Comment peux-tu dire ça alors que tu étais là l'an dernier ?
Elle haussa les épaules.
- Des membres de l'Ordre étaient là. Ça n'a rien empêché.
- Ça a évité un drame bien plus terrible, protesta-t-il.
- Peut-être. Est-ce que... Est-ce que tu ne te sens pas inutile, parfois ? Comme moi quand Minchum et Thatcher se prennent le bec alors qu'ils ne sont même pas dans la même pièce et que c'est moi qui subis tout.
William avisa son air perdu, retint un soupir et entreprit de lui répondre tout en songeant que la journée allait être longue.
La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Carrie finit par se déclarer fatiguée. Ils se trouvaient sur les bords de la Tamise, où ils avaient déambulé pendant des heures. La jeune fille leur avait acheté un hot-dog, quelque part près du pont de Londres. Minuit n'allait pas tarder à sonner, et Carrie désirait rentrer chez elle avant une heure du matin. C'était la promesse qu'elle avait faite à sa mère – ou plutôt, la condition imposée pour la laisser sortir.
Comme ils ne pouvaient pas transplaner, ils se dirigèrent vers le métro, cette invention du diable où William craignait sans cesse de se cogner la tête. Comme il ignorait tout du fonctionnement et du plan de ce mode de transport, il suivait aveuglément la jeune fille. Pourtant, il s'aperçut bien vite que Carrie ignorait délibérément les bouches de métro.
- Euh, Carrie ? Est-ce que ce n'est pas encore un accès aux quais ?
- Personne ne dit ça, fit-elle remarquer, renfrognée. Et si, c'en est un.
- Alors pourquoi...
- Je n'ai pas envie de rentrer.
- Pourtant il fait un froid de canard.
- Je sais. Mais j'aime entendre Big Ben sonner les douze coups de minuit. Si nous sommes dans le métro nous risquons de le rater.
Il soupira et leva la tête vers la tour horloge, qui s'élevait à seulement quelques mètres d'eux.
- Très bien, attendons. Aucune chance qu'on ne l'entende pas sonner, d'ici.
Au sourire ravi de Carrie, il comprit que c'était précisément ce qu'elle voulait. Il prit donc son mal en patience et se prépara à se boucher les oreilles, aussi ridicule cela soit-il.
Minuit arriva enfin, dans son vacarme de cloches, de carillons et de pétard. William se demanda où se trouvaient tous les autres membres de l'Ordre ; à la suite des événements de l'année passée, tout le monde était sur les dents. Seules Lily et Alice n'étaient pas en mission, malgré leurs protestations. Elles se tenaient mutuellement compagnie au QG, probablement en insultant tout le monde. Il sourit à cette pensée, mais Carrie ne le remarqua pas, trop occupée à fixer Big Ben. William leva les yeux à son tour avant de pousser un juron : une fumée verte et par trop reconnaissable était en train de s'élever dans le ciel depuis le sommet de la tour.
- Il y a le feu ! S'exclama Carrie.
- Pas le feu, grommela-t-il. Des crétins de partisans de Voldemort. Reste-là. Ou mieux, rentre chez toi !
Sans attendre de réponse, il se mit à courir vers la tour. La fumée prenait forme dans le firmament, laissant deviner la tête de mort et le serpent.
- Hors de question ! Entendit-il alors.
Un bref regard en arrière lui permit de constater que Carrie le talonnait de près. Il ne protesta pas, trop préoccupé par la Marque des Ténèbres pour prendre le temps de la raisonner. Après tout, elle faisait plus ou moins partie de l'Ordre.
Ils atteignirent le pied de la tour passablement essoufflés mais en un temps record. La porte était grande ouverte, sans le moindre garde pour veiller devant. Un dernier coup de cloche retentit, ébranlant les deux jeunes gens de la tête aux pieds. William espérait de tout son cœur que les gardiens n'avaient pas fini dans la Tamise. Ils pénétrèrent dans la cage d'escalier, chichement éclairée par les lampadaires de la rue.
- Trois-cent-quarante-deux marches, haleta Carrie.
- Quoi ?
- Pour arriver en haut.
- Oh, Merlin... Monte sur la première marche.
Elle obéit sans réplique et attendit, la main posée sur la rambarde en fer forgé. William la rejoignit, sa baguette à la main et la pointa sur l'escalier.
- A ta place, je lâcherais la rampe.
Elle s'exécuta aussitôt mais lui agrippa le bras en échange. Il pointa alors sa baguette sur la dalle de pierre et murmura un sort qu'il avait appris un jour auprès du professeur Flitwick. Aussitôt, les marches disparurent, à l'exception de celle sur laquelle ils se tenaient. Elle se mit à monter, les entraînant toujours plus en hauteur dans la cage d'escalier. Carrie ne broncha pas mais elle s'accrochait avec force à son bras.
Alors que le sommet de la tour était en vue, William mit fin au sortilège. Les marches réapparurent et Carrie poussa un soupir soulagé. L'opération n'avait pris que quelques secondes, pourtant William ne doutait pas que la Marque des Ténèbres brillait à présent sans fard dans le ciel londonien.
Bien conscient du fait qu'il était inutile de demander à Carrie de rester en arrière, il commença à monter silencieusement les marches, la jeune fille à sa suite. La salle de l'horloge leur apparut graduellement, mais il n'y avait personne en vue – du moins, autant que William pouvait en juger. Les cloches occupaient trop d'espace pour qu'il puisse en jurer. Les recoins de la pièce étaient sombres, mais l'espace était faiblement illuminé par les cadrans de la tour. Pas assez au goût de William, cependant. Il entreprit de contourner les cloches de bronze, non sans jeter un regard admiratif à la plus grosse d'entre elles, la fameuse Big Ben. Il aperçut finalement une silhouette, dont l'ombre était projetée par la lumière du cadran ouest. Il se tenait dans un coin, près du numéro VII. Sans doute avait-il jeté le maléfice par un carreau de verre cassé.
Peut-être était-ce lâche d'attaquer quelqu'un par derrière, mais William n'en avait cure. Voldemort et ses Mangemorts avaient brisé toutes les lois de la guerre et de l'honneur des années plus tôt. L'important était de les arrêter, pas d'être honorable. Il leva donc sa baguette, prêt à le stupéfixer, mais un projectile l'atteignit à la tête au même moment.
Il chancela avec un cri de douleur alors que l'homme qu'il visait se retournait. Des cheveux longs, plutôt claires, un visage taillé à la serpe, c'est tout ce que William put voir avant de se jeter au sol pour éviter le sort qui lui était destiné. Il roula sur lui-même, attaqua dans la direction d'où avait jailli leprojectile et se remit sur ses pieds, baguette brandie.
- C'est un type de l'Ordre ! Brailla quelqu'un dans l'ombre de Big Ben. Il était à Inverness.
William déglutit tout en se demandant combien d'assaillants exactement se cachaient dans l'ombre.
- Toujours là pour gâcher la fête, commenta l'homme qui lui faisait face. De toute façon, je ne comptais pas m'attarder. Liquidez-le.
- Et la fille ? Interrogea une autre voix.
- La même chose.
Alors que William songeait que c'était le bon moment pour se jeter sur Carrie et tenter de la protéger, un sortilège fusa sur sa gauche et faillit bien atteindre le Mangemort. Il afficha une mine offusquée avant de pivoter sur ses talons et de disparaître dans un « crac » sonore.
Les sorts et maléfices se mirent aussitôt à pleuvoir de toutes parts, mais William était déjà auprès de Carrie, un bouclier devant eux, la cloche dans leur dos. Les traits de magie faisaient résonner la carcasse de bronze, qui vibrait contre eux.
- Will ! Hurla une voix. C'est le moment de transplaner !
- Moldue ! Répondit-il sur le même ton.
Le vacarme l'empêchait d'identifier le nouveau venu mais c'était apparemment un ami. Il n'avait besoin de rien d'autre. Un petit homme surgit soudain de l'ombre pour foncer sur eux, une espèce de batte à la main, sa baguette coincée entre ses dents. William n'ayant aucune idée de la résistance de son bouclier magique face à une telle attaque, il poussa Carrie au sol et se jeta à terre à sa suite. La batte s'écrasa sur la cloche tandis que Carrie décochait un coup de pied dans les jambes de leur agresseur. Déséquilibré par la force de son attaque, celui-ci partit en avant et s'assomma sur la paroi de bronze. William l'attrapa aussitôt et le jeta sur son dos, non sans avoir rétabli leur bouclier.
- On va courir ensemble vers la sortie ! Cria-t-il à Carrie. Je te couvre !
Sa baguette pointée devant eux et l'homme dans son dos lui servant de bouclier, ils s'élancèrent vers la cage d'escalier. Un sortilège Cuisant l'atteignit à l'épaule mais il ne broncha pas, malgré le poids de l'homme qu'il devait soutenir d'un seul bras. Leur comparse finit heureusement par apparaître : il s'agissait de Remus qui, campé devant les marches, attaquait sans relâche leurs ennemis. Il avait été touché plusieurs fois, pour autant que William puisse en juger, mais il ne flancha pas. Ils le doublèrent et commencèrent à dévaler la cage d'escalier, non sans que William n'ait lâché son bouclier humain au milieu des marches. Bientôt, ils entendirent Remus descendre à leur suite. Il leur cria :
- J'ai bloqué l'accès à l'escalier par un sort, ça devrait nous faire gagner un peu de temps !
William ne répondit pas, trop occupé à conserver son équilibre et à s'assurer que Carrie ne parte pas tête la première dans l'escalier. Leurs poursuivants se firent bientôt entendre derrière eux, mais ils étaient déjà presque en bas.
- Cours jusqu'à la première station de métro, haleta William, et monte dans le premier train.
- Entendu.
L'air froid de la nuit les accueillit finalement au pied de la tour. Dans la rue, des gens montraient le sommet de Big Ben, apeurés. Les deux jeunes gens ne leur prêtèrent pas attention, pas plus qu'aux hommes et aux femmes revêtus de capes noires qui attendaient à l'entrée de la tour. Carrie suivit les ordres de William et, bientôt, ils se trouvèrent assis dans une rame de métro bondée malgré l'heure tardive, à bout de souffle et suant à grosses gouttes.
- Par tous les saints, haleta Carrie. J'ai bien cru qu'on était cuit.
- Moi je le suis, rétorqua William. Maintenant mon patron va savoir que tu t'es retrouvée au milieu de tout ça.
- Je plaiderai en ta faveur, promit-elle avec l'esquisse d'un sourire, affreusement pâle mais une lueur espiègle dans le regard.
- Ça ne fera qu'aggraver mon cas, assura-t-il.
Elle le gratifia d'une bourrade dans l'épaule.
- En tout cas c'était... Amusant.
Il leva les yeux au ciel et tâcha de récupérer une respiration normale.
***
Lily, les mains serrées autour de sa tasse de thé, se mit à rire. William avait l'air si déconfit qu'elle ne pouvait s'en empêcher.
- Tu l'as entraînée là-dedans ?
- Elle s'est imposée !
- T'as vraiment aucune autorité, Hardley, commenta James avec un sourire.
- J'en ai bien peur, concéda-t-il avec un soupir. Maugrey va m'étriper.
- Tout le monde s'en est tiré sans problème, alors ça devrait aller, lui répondit Lily.
- Même Remus ?
- Ce ne sont que des égratignures, il l'a dit lui-même. Quand il se réveillera il n'y paraîtra plus.
Les trois jeunes gens étaient avachis dans le salon, autour d'un bon feu. C'était le premier janvier, il faisait un temps abominable, et les deux garçons étaient épuisés. James était avachi sur elle depuis qu'ils s'étaient levés et William semblait déterminé à passer la journée dans son fauteuil.
- Est-ce qu'il sait qui était le Mangemort ?
Lily se rembrunit aussitôt.
- Yaxley.
Son ton sec attira l'attention de William alors que James prenait sa main pour en caresser doucement le dessus.
- Tu le connais ?
- Hmm.
Il sembla réaliser qu'il valait mieux ne pas approfondir et changea de sujet :
- Et ceux qui l'accompagnaient ? Ils n'avaient pas franchement un style de combat très... mangemoresque.
Son néologisme fit sourire les Potter. James répondit :
- On pense que ce sont de simples partisans, pas des hommes de confiance de Voldemort mais seulement des hommes de main. On a eu affaire au même genre de gars, Peter et moi. Pas très doués en magie, selon toute vraisemblance, mais de vraies brutes.
- Ça ne va pas nous faciliter la tâche, commenta William.
- Je ne sais pas... Ils sont plus nombreux mais pas si dangereux que ça, et surtout incapables de prendre les bonnes décisions. Regarde, ils se sont jetés tout droit dans les filets des Aurors, alors qu'ils auraient bien dû se douter que des renforts débarqueraient. Remus vous avait bien trouvés.
Lily hocha la tête tout en sirotant son thé. Remus patrouillait dans Londres quand il avait vu la Marque des Ténèbres apparaître, aussi s'était-il précipité vers Big Ben. Les Aurors avaient eu exactement la même réaction, et n'avaient eu qu'à cueillir les malfrats qui s'étaient précipités à la suite de William, Carrie et Remus. Si ces derniers avaient attendus en haut de la tour, les malfrats auraient sans problème pu neutraliser un grand nombre d'Aurors grâce à leur position surplombante. Merlin en soit remercié, ils n'y avaient pas songé un seul instant. Le Bureau avait donc mis la main sur sept partisans de Voldemort, mais l'Ordre doutait qu'ils leur fournissent la moindre information intéressante. Voldemort gardait jalousement ses secrets, et seuls ses plus proches Mangemorts connaissaient ses plans – c'était du moins ce que l'Ordre pensait. Pour vérifier cela, il aurait fallu mettre la main sur l'un de ses Mangemorts. Lily adorerait qu'il s'agisse de Yaxley.
Elle frissonna et avala le reste de son thé tout en s'efforçant de penser à autre chose. Avec sa mission qui approchait, ce n'était pas chose difficile ; ses affaires étaient déjà prêtes pour Londres, elle avait la clé de son appartement, sa robe du Ministère, ses horaires, ses faux papiers... Ne manquait plus que son déguisement, mais pour ça elle devait convaincre James de la laisser s'éloigner.
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