Partie III - Chapitre 47


Chapitre 47

Des éclats de verre rebondirent contre les bras repliés d'Alice. Elle entendit un impact près d'elle et ouvrit les yeux : Frank, sa baguette tendue, les protégeait. La jeune femme profita du bouclier pour contre-attaquer. Son sortilège se perdit dans l'ombre du fond de l'impasse, là où leur assaillant se cachait. Entre les deux camps se tenait un jeune homme à l'air effaré qui tremblotait sur ses jambes frêles.

Le silence tomba sur l'impasse. Frank et Alice, hors d'haleine après leur course, tentaient de percer les ténèbres. Le jeune homme, au milieu du champ de tirs, regardait de tous côtés comme un lapin pris au piège. De l'autre côté, c'était l'inconnu. Alice ne savait même pas ce qu'ils faisaient là, entre les hautes maisons en briques et les poubelles abîmées par les intempéries.

Frank fit signe au jeune homme d'avancer vers eux. Ce dernier repoussa une mèche de cheveux bruns de son œil et amorça un pas dans leur direction.

- Au moindre geste, on le descend !

Il se figea, à présent face à Alice et Frank. La jeune femme pinça les lèvres, le cœur battant. Qu'il s'agisse d'un bête règlement de comptes ou de quelque chose de plus grave, la situation ne semblait pas prête de s'arranger.

- Si vous partez maintenant, reprit la voix, vous n'aurez pas d'ennuis.

- Laissez-le tranquille et on partira, répliqua Frank d'une voix froide, ses yeux bleus fixés sur le fond de l'allée.

Alice déglutit en jetant un regard inquiet à son mari, qu'elle reconnaissait à peine.

- Qu'est-ce que vous pouvez bien en avoir à foutre, de ce qu'on va faire de lui ? Asséna quelqu'un d'autre avec un fort accent cockney.

- Il n'est pas d'ici, murmura Alice.

- Je sais, répondit Frank sur le même ton. L'autre non plus. Je ne pense pas que ce soit un règlement de comptes.

- Quoi, alors ?

Avant qu'il n'ait pu répondre, la deuxième voix hurla :

- Qu'est-ce que ça peut vous foutre, hein ?

La tension dans les épaules de Frank s'accrut encore. Il prit une profonde inspiration puis annonça d'une voix calme :

- Nous sommes des membres de l'Ordre de Phénix et nous ne laisserons pas un innocent souffrir.

L'innocent en question les regarda d'un air perplexe. Dans son dos, une dispute menée à voix basse éclata. Seul un brouhaha de chuchotements leur parvenait. Frank adressa un nouveau signe au jeune homme, qui avança d'un pas. Une lumière rougeâtre éclaira brièvement les murs de brique avant qu'il ne s'effondre avec un hurlement de douleur.

Alice et Frank dressèrent aussitôt un bouclier devant eux alors que des cris retentissaient à l'autre bout de l'impasse.

- Mais qu'est-ce que t'as foutu ?

- Il est juste blessé, calme-toi !

- Il avait dit en bon état !

- Il n'avait pas dit que l'Ordre allait arriver !

Profitant de la pagaille, Frank se rua vers le jeune homme, Alice sur les talons. Elle étendit le bouclier alors qu'il le soulevait sans délicatesse. Un sortilège explosa sur la surface magique. La force de l'impact secoua les bras d'Alice, qui grimaça. A reculons, elle suivit Frank qui courait vers la sortie de l'impasse. Elle voulait lui crier de transplaner sans elle mais elle craignait de perdre ainsi sa concentration. Les sorts continuaient à ricocher sur le bouclier. Elle grimaça lorsqu'un maléfice particulièrement puissant faillit la faire tomber. Au même instant, Frank cria derrière elle. Par réflexe, elle se retourna.

Frank se tenait face à un mur d'énergie qui bouchait l'entrée. Au pied de l'obstacle se trouvait Voldemort en personne.

***

Lily fronça les sourcils en avisant le bras de James, qu'il tenait replié contre son torse dans une position aussi peu naturelle que possible.

- Tu es blessé ? L'apostropha-t-elle.

- Qu'est-ce que Hardley fait là ? Répliqua-t-il. Et qu'est-ce qui est arrivé à ton visage ?

Sans répondre, la jeune femme glissa ses doigts sur son poignet. Il eut aussitôt un mouvement de recul.

- Cramé, Potter. Qu'est-ce que tu t'ais fait ?

- Je crois qu'il est foulé, répondit-il avec réticence. Ça ira mieux demain.

- Ne fais pas le crétin, je vais mettre quelque chose dessus et comme ça, ça ira vraiment mieux demain.

- Lily, je t'assure que...

- Si tu essaies de faire l'homme invincible seulement pour pouvoir continuer à fusiller William du regard plus longtemps, je te casse les dents, coupa-t-elle.

- Je ne...

Un simple haussement de sourcils suffit à le faire taire. Il se laissa entraîner jusqu'à l'infirmerie sans plus protester. Lily le fit asseoir sur un lit et prépara une pommade. Comme il ne disait toujours rien, elle lança :

- Tu es bien silencieux.

- Tu me fais peur quand tu es en colère alors je me tais.

Elle pouffa tout en écrasant des feuilles avec un pilon. Une douce odeur d'herbes s'éleva.

- C'est faux. Le seul moment où tu te tais c'est quand tu as mal quelque part.

- Hmm.

- Tu n'es pas jaloux, n'est-ce pas ?

- ... Non.

- Tu as hésité trop longtemps, mon chéri.

Elle farfouilla dans une étagère puis en sortit une potion dont elle versa quelques gouttes sur sa préparation. Elle mélangea le tout quelques instants, l'étala sur une compresse et revint vers lui. Ses yeux noisettes suivirent son geste lorsqu'elle mit soigneusement le bandage autour de son poignet. Un soupir de soulagement lui échappa.

- Tu es un idiot, James, commenta-t-elle en fixant le pansement.

- Tu sais bien que j'utilise rarement mon cerveau.

- Parce que tu en as un ?

Il lui donna un petit coup de pied qui la fit rire. Son regard croisa son sourire et elle posa une main sur sa cuisse.

- Je ne vois pas pourquoi tu en fais tout un plat, reprit-elle. Tu es sorti avec Jenny et je n'ai jamais piqué une crise.

- Parce que je n'ai jamais été amoureux d'elle.

- On avait seize ans.

- J'étais déjà amoureux de toi, à seize ans. Je ne m'en rendais pas vraiment compte, mais quand même.

- Et moi je n'étais pas amoureuse de William comme je le suis de toi, justement parce que j'avais seize ans. C'était une amourette, et tu le sais très bien.

Il fronça le nez.

- Ça m'avait l'air plutôt sérieux.

- James, je vais t'en coller une.

Il lui tendit docilement la joue et elle dut se mordre la lèvre pour ne pas sourire.

- Je suis sérieuse, prévint-elle.

- Pas du tout. Ton œil droit palpite, ça veut dire que tu te retiens de rire.

- Merlin, tu m'énerves.

Il sourit, fier de lui.

- C'est mon unique but dans la vie.

- J'avais remarqué.

Comme il lui souriait d'un air désolé, elle glissa une main sur sa joue et soupira.

- Tu sais... je n'ai jamais pu dire à William que je l'aimais. Tu es le seul à qui je l'ai dit. Et...

- Dès le premier soir, compléta-t-il. Je me rappelle.

- Bien. Alors tu vas être le jeune homme sympathique que tu es la plupart du temps même en présence de William, d'accord ? Sinon, je te mords.

- Ne me tente pas, rétorqua-t-il.

Elle leva les yeux au ciel mais l'embrassa, incapable de s'en empêcher. Il voulut la retenir contre lui mais elle souffla :

- Il faut qu'on parle de trucs sérieux... genre les géants.

Il gémit.

- Tu es insupportable. On ne peut pas prendre un peu de temps pour nous ?

- Tu l'as gâché à être jaloux.

- Hmm. J'imagine que j'ai mérité celle-là.

- Un peu, que tu l'as mérité. Tu penses qu'on a une chance ?

- Honnêtement, je n'en sais rien. Je fais confiance à Maugrey... j'imagine.

- La dernière fois qu'il y a eu une grosse opération, tu as fini mort au pied d'une falaise, fit remarquer Lily après un instant de silence.

- Ah, merci, je suis beaucoup plus rassuré. Et je n'étais pas mort, combien de fois il faudra que je te le répète ?

- Peut-être que si tu m'embrasses ça rentrera.

Il haussa un sourcil.

- Je croyais qu'on devait parler de choses sérieuses et pas s'embrasser ?

Avec un soupir atterré, elle prit le baiser qu'il lui refusait puis proposa :

- On descend ? Je me demande ce que les autres en pensent.

- Ouais, mais explique-moi ce qui est arrivé à ton visage.

Elle lui raconta leur bataille d'ivrognes alors qu'ils gagnaient le salon. James grogna beaucoup pendant son récit mais ne s'en prit pas à Sirius, ce dont Lily lui fut reconnaissante. Elle était capable de s'occuper d'elle-même et heureuse que James s'en rende compte. Dans le salon, l'excitation était à son comble. Les nouvelles recrues hasardaient des questions à propos de cette histoire de géants tandis que les autres membres faisaient semblant de ne pas les entendre et les harcelaient à propos de leur formation de l'été. Lily repéra sans problème William, qui se tenait un peu à l'écart de la conversation. Elle traîna James vers lui. Le jeune homme se leva de son fauteuil pour les accueillir et la serra dans ses bras, l'air ravi de la voir. Un sourire toujours aussi sympathique sur le visage, il serra la main de James. Lily donna un coup d'épaule à ce dernier pour qu'il arrête de lui broyer les doigts.

- Je suis content de trouver des têtes connues, s'exclama William alors qu'ils s'asseyaient tous les trois devant la cheminée. Je veux dire, je connaissais Martin, Amanda et Sally, mais moins bien que les gens de mon année.

- Tu t'es retrouvé avec les nains, sourit Lily. On est passé par le Snargalouf l'an dernier. Enfin pas moi, mais lui oui.

Elle tapota le genou de James, qui en profita pour capturer sa main.

- Ouais, j'ai un train de retard, grimaça William. La nouvelle de l'existence de l'Ordre a mis du temps à parvenir jusqu'aux États-Unis.

- Comment tu es arrivé jusque-là ? Interrogea James d'un ton aimable et apparemment intéressé.

Lily pressa ses doigts entre les siens et il lui fit un clin d'œil. William considéra leur échange silencieux avec un sourire.

- Quand je vous aurai raconté, j'espère que vous me direz comment vous avez fini par vous marier. Martin m'a appris la nouvelle mais j'ai eu du mal à le croire.

- Euh... C'est une histoire pleine de hurlements et de vexations, alors on va commencer par le tienne, suggéra James.

***

- Je vous avais recommandé la discrétion, rappela Voldemort d'une voix étonnamment calme.

Frank n'osait pas bouger, les yeux fixés sur leur plus grand ennemi. Une envie furieuse de l'assassiner sur le champ le tenaillait mais il savait qu'il serait mort avant d'avoir pu ouvrir la bouche. Quant à Alice, il n'osait même pas imaginer ce qui lui arriverait. Il devait également penser au jeune homme qui pesait sur son épaule. Il restait donc planté là, sa baguette levée, à se demander ce que Voldemort pouvait bien manigancer avec un simple groupe de truands.

Dans leur dos s'éleva une voix tremblante :

- Il a résisté et...

- Silence ! Tonna-t-il. Je sais ce qu'il s'est passé.

Ses longs doigts blancs caressèrent sa baguette alors que son regard se promenait sur Alice et Frank.

- Il est assez remarquable que vous ayez réussi à rameuter deux éminents membres de l'Ordre du Phénix.

Frank expira bruyamment alors que sa femme soufflait dans sa nuque :

- Il est en train de se vider de son sang.

Il ne répondit pas, bien conscient du problème. Il sentait le liquide chaud imprégner sa veste.

- Nous nous sommes déjà rencontrés, n'est-ce pas ? Reprit Voldemort. Frank et Alice Londubat... Un bien beau mélange de Sang-Purs. Dommage que vous soyez des traîtres. Neil, capturez-moi ça.

Frank fit aussitôt volte-face, un bouclier déployé devant lui. Les premiers sorts le percutèrent violemment alors qu'Alice laissait échapper un petit cri de terreur. Néanmoins elle se reprit bien vite et contre-attaqua. Frank jeta un rapide coup d'œil derrière eux et s'aperçut que, contrairement à ce qu'il pensait, Voldemort n'avait pas quitté les lieux. Le menton levé, il fixait le mur qui bordait la ruelle sur leur gauche. Un choc contre leur bouclier obligea le jeune homme à reporter son attention sur leurs assaillants. Les tirs cessèrent soudain, comme s'ils essayaient de déterminer quel était le meilleur angle d'attaque pour percer leur défense. Alice lui souffla qu'elle prenait le relais et fit apparaître à son tour un bouclier devant eux. Elle avait toujours été meilleure que lui pour cet enchantement.

- Il faut qu'on se débarrasse d'eux, grogna-t-il.

- Mais Voldemort...

Un sifflement l'interrompit ; ils tournèrent vivement la tête pour voir le sol exploser aux pieds de Voldemort. Il tendit aussitôt le bras vers le ciel et visa le haut du mur. Frank se rendit alors compte qu'une fenêtre donnait sur la ruelle. Une corde en jaillit soudain, alors qu'une voix vaguement familière criait :

- Montez !

Sans la moindre hésitation, Frank poussa Alice vers leur unique voie de sortie. Voldemort voulut s'en prendre à eux mais un feu nourri de sorts et maléfices l'assaillit d'en haut. Alice attrapa la corde à pleine main et entreprit de se hisser. A chaque centimètre gagné, elle glissait à nouveau de quelques millimètres. Son mari, occupé à essayer de la protéger des attaques qui venaient du fond de la ruelle, craignait que leur sauvetage ne tourne court. Il cria finalement :

- Je vais enchanter la corde ! Couvre-nous !

Il détourna aussitôt son attention de leurs assaillants pour poser sa baguette sur le filin. A la périphérie de son champ de vision, il aperçut un sortilège percuter un bouclier. Bien que concentré sur son enchantement, il sourit. Il savait qu'il pouvait faire confiance à Alice.

Enfin, la corde partit brusquement vers le haut. La jeune femme poussa un cri de surprise et Frank fit volte-face pour affronter à nouveau le danger. Derrière lui, Voldemort était toujours aux prises avec leur mystérieux assaillant. Quelques secondes plus tard, la corde redescendit. Il s'y était à peine accroché d'une main, l'autre occupée à tenir le corps sur son épaule, qu'elle fut tirée vers le haut à une vitesse hallucinante. Un sortilège cuisant lui brûla la jambe mais il atterrit sain et sauf sur le sol d'une pièce sombre. Le blessé roula à quelques centimètres de lui, laissant sur son sauveur une large tache de sang. Frank jura à cause de la douleur et leva les yeux juste à temps pour voir l'encadrement de la fenêtre exploser.

- Reculez ! Hurla leur sauveur.

Frank s'exécuta à reculons, en rampant à moitié sur le sol. Une boule de feu jaillit par la fenêtre détruite ; l'inconnu jura, plongea en avant pour attraper le bras de Frank et la main d'Alice, puis pivota.

Le monde s'évapora dans un tourbillon. Malgré la main qui le tenait fermement, Frank avait l'impression d'avoir été poussé dans le vide. Enfin, ils percutèrent violemment le sol. Un nouveau juron échappa au jeune homme.

- Désolée pour le mode de transport un peu brutal, commenta leur sauveur.

Ils avaient atterri en pleine nature, sur une herbe rase et drue qui souffrait déjà de la rigueur de l'hiver. Frank, encore sonné, leva les yeux et fixa avec stupéfaction Dorcas Meadowes, dont le visage était éclairé par sa baguette. Sa silhouette se découpait vaguement dans la nuit.

- Dorcas ? S'exclama Alice avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche.

- Il semblerait.

Il se redressa en s'appuyant avec prudence sur sa jambe blessée et interrogea :

- Mais qu'est-ce que vous faites là ?

Sans même la laisser répondre, il s'exclama :

- Le blessé ! On l'a laissé derrière !

- Il était mort, rétorqua Dorcas.

- Quoi ? Comment le savez-vous ?

- Organes vitaux touchés, d'après l'angle de tir et le maléfice jeté. Ce type a visé n'importe comment. Et puis il s'est vidé de son sang un certain temps.

Stupéfait, Frank la fixa sans savoir quoi répondre. Dorcas, l'air parfaitement sereine, reprit :

- Comment êtes-vous arrivés là ?

- On a entendu du grabuge alors on est venu. Merlin, ne me dites pas qu'on a saboté votre mission sauvetage ?

- Non, je n'étais pas là pour le gamin. Enfin, j'aurais sans doute pu le sauver si vous n'étiez pas intervenu, mais ce n'était pas mon but.

- Alors qu'est-ce que c'était ? Demanda Alice en se frottant l'arrière du crâne.

- Pas faire brûler cette maison, en tout cas, marmonna Dorcas en leur tournant le dos.

Frank suivit son regard et grimaça. A bonne distance d'eux les lumières d'une ville scintillaient. On distinguait parfaitement, au milieu de l'éclairage électrique, la lueur orange d'un incendie.

- C'était qui, ce groupe ? Reprit-il.

- La nouvelle trouvaille de Voldemort. Des types moins importants que des Mangemorts, donc plus discrets, qui peuvent accomplir des tâches ingrates et jugées peu dignes d'intérêts par les serviteurs du « Maître ». C'était la première fois qu'il envoyait l'un de ces groupes enlever quelqu'un. Il tenait sans doute à vérifier le déroulement des opérations.

- Où était-il caché ?

- Il a dû se rendre invisible.

- Je ne comprends pas pourquoi il ne nous a pas tués dès qu'on est arrivé, souffla Frank, les yeux fixés sur la ville.

- Les Potter doivent se poser la même question, répondit Dorcas d'un ton laconique. Tout comme la plupart des gens qui ont pu le regarder droit dans les yeux et sont encore là pour en parler. Il aime garder en vie les personnes intéressantes.

- Ce garçon qui est mort, commença Alice d'une petite voix. Qui était-ce ?

- Vous n'avez pas à le savoir.

- Il s'est sacrifié juste pour que vous puissiez observer ce groupe ? Devina Frank.

Dorcas soupira et leur tourna le dos.

- Tout ça fait partie d'un plan mis en place depuis des mois, qu'on est obligé d'adapter à chaque fois que Voldemort nous sort une nouveauté. Ça ne concerne pas l'Ordre, seulement le Bureau des Aurors. Si vous tenez vraiment à le savoir, il n'aurait pas dû mourir dans le processus.

- C'est de notre faute ? Souffla Alice.

- Non. Ou peut-être que si. Mais s'il n'était pas mort tout de suite il aurait très certainement été emmené et torturé. Son but était de s'échapper mais nous savions tous qu'il n'y parviendrait jamais sans aide extérieure.

- Que vous ne lui auriez pas fournie ?

- Non.

Le mot claqua dans l'air froid de la nuit. Frank contempla un instant le profil si banal de cette femme capable de tout avant de porter son attention sur le visage de sa femme. Son regard accrocha aussitôt le sien et il y lut la même lassitude que la sienne.

- Vous avez besoin de nous ?

- Rentrez au QG si vous voulez, répondit-elle. J'ai un rapport à faire. Je vais être obligée de vous mentionner.

Frank ne répondit pas. Il prit la main d'Alice et transplana.

***

- Nos grands-parents nous donnaient des cours, expliquait Hardley. Au bout de deux ans, j'ai passé les Aspics à New-York avec deux autres Britanniques de mon âge qui vivaient aux États-Unis.

- Mais il y a une école de Sorcellerie là-bas, non ? Interrompit James en cessant de s'intéresser aux cercles que les doigts de Lily traçaient sur son genou.

- Ilvermorny, ouais. C'est impossible de s'y inscrire en cours de scolarité comme ça, surtout lorsque tu n'es pas né sur le continent. Enfin, peut-être que c'est possible, mais pour ça il faudrait trouver l'école. Je crois qu'à moins qu'ils ne te trouvent, il n'y a aucun moyen d'y accéder. Bref, après ça j'ai voulu suivre une formation de Sortilège avancée mais j'ai eu un mal fou à y parvenir. Les Sorciers américains sont très méfiants dès qu'on vient de Grande-Bretagne. J'ai attendu tout l'été que mon dossier soit traité et comme je n'avais rien à faire j'ai pas mal erré dans les lieux sorciers de New York, à la recherche d'informations sur ce qu'il se passait ici.

- Ils n'en parlent pas dans les journaux ? S'étonna Lily.

- A peine. Il y a une colonne dessus en général, mais c'est tout. J'ai fini par tomber sur un journal clandestin tenus par des Britanniques réfugiés à Manhattan, et de là je suis remonté jusqu'à eux. Je les ai pas mal fréquentés, même après le début de ma formation. J'écrivais des articles pour eux à partir de lettres qu'ils recevaient d'amis restés en Angleterre. Finalement, vers le mois de mars, on nous a envoyé une famille qui arrivait de Portsmouth. Ils avaient réussi à atteindre les États-Unis en passant par la France, et ils nous ont dit que c'était l'Ordre qui les avait exfiltrés.

- Je ne me rappelle pas du tout que quelqu'un ait fait cette mission, commenta James.

- Normal, tu étais mort.

- Bon sang, Lily !

William les regardait tour à tour, perplexe.

- Tu es mort ? Bredouilla-t-il.

- Oui, répondit Lily très sérieusement. Pendant environ cinq minutes. Ensuite il a essayé très fort de mourir à nouveau.

- Lily, gronda James, les yeux plissés. Arrête ça.

- Apparemment vous avez vécu une année pleine de rebondissements, commenta prudemment William.

- Ouais, mais Lily n'a pas intérêt à se pencher sur la question alors, je t'en prie, continue ton histoire, répliqua l'autre en fusillant sa femme du regard.

Cette dernière leva les yeux au ciel et se renfonça dans le canapé alors que William reprenait :

- Euh... oui, j'ai donc entendu parler de l'Ordre. Apparemment c'est Fabian qui s'était occupé d'eux. J'ai pris des dispositions pour rentrer, même si ça ne plaisait pas à mes grands-parents. Quant aux autorités américaines, ils étaient trop heureux de me voir retourner là-bas. Je suis arrivé à Londres au début du mois de mai et là j'ai essayé de mettre la main sur ce Fabian Prewett dont je ne connaissais que le nom.

- Comment tu as fait ça ? Interrompit Lily, stupéfaite.

- Je ne l'ai pas fait, rit-il. J'ai commencé à chercher dans des archives de journaux et j'ai pu remonter sa trace jusqu'à l'Académie des Aurors, mais ensuite plus rien. Alors je suis allé au Bureau des Aurors et j'ai demandé si je pouvais le voir. On m'a dit qu'il n'était pas membre du Bureau, alors je suis reparti, et j'avais à peine fait trois pas que je me suis fait stupéfixer. Quand on m'a libéré, j'étais dans un bureau vide du Ministère, en compagnie de Maugrey qui menaçait de m'arracher tous les doigts de la main si je ne lui disais pas tout de suite ce que je voulais à Fabian Prewett. Et c'est comme ça que je me suis retrouvé intégré à l'Ordre. Enfin, après deux semaines à attendre de pouvoir rencontrer Dumbledore. Maugrey m'a considéré comme un imposteur tout ce temps.

- Tu sais ce qu'on dit, commenta James.

- Vigilance constante ! S'exclama Lily.

- Et alors, comment est-ce que vous avez fini ensemble ? Aux dernières nouvelles, vous vous détestiez.

- C'est toujours le cas, assura-t-elle avec un clin d'œil. Tout le monde sait que je l'ai épousé uniquement pour sa fortune et son joli minois.

- Tu aurais au moins pu mettre joli minois d'abord, fit remarquer James avec un air suprêmement indifférent. Quant à moi je ne dirai pas pourquoi je l'ai épousée, parce que ce n'est pas très correct dans une conversation.

- James ! S'insurgea Lily. Tu es dégoûtant !

Il éclata de rire alors qu'elle lui assénait un coup sur le torse.

- Hé ! Protesta-t-il. Je suis blessé ! Me touche pas !

Aussitôt, Lily s'écarta de plusieurs centimètres et croisa les bras sur sa poitrine.

- Bon très bien. Je dormirai dans la chambre de Margaret.

- Mais Lily...

- En fait ça n'a pas changé, commenta William, perplexe.

- Pas le moins du monde, assura Martin en s'asseyant par terre entre les trois jeunes gens. Ils nous ont autant cassé les oreilles en septième année qu'avant. Moi qui pensais être débarrassé d'eux...

- Le ferme, Ranger ! Répondirent en choeur les Potter.

- On se croirait de retour à Poudlard, s'émerveilla William.

James cessa aussitôt d'embêter Lily pour se tourner vers lui, la mine grave.

- C'est faux, corrigea-t-il. Ça en a l'air au début, mais ce n'est pas du tout le cas. La guerre nous rattrape toujours bien trop vite.

Un silence pesant tomba sur le salon. James jeta un rapide coup d'œil à Gideon, persuadé qu'il allait le réprimander, mais il se contentait de fixer la fenêtre d'un air songeur. Ce fut Sirius qui se manifesta le premier :

- Merci Cornedrue, t'as vraiment le chic pour mettre l'ambiance.

- Il a raison, intervint Fabian, à la surprise de tous. La situation est encore pire que quand vous êtes arrivés au QG et les jeunes ont le droit de le savoir. Cette bataille contre les géants... Ce n'est pas à prendre à la légère.

James capta le regard inquiet de Martin, qui semblait chercher du réconfort auprès de lui. Il se contenta de lui adresser un bref sourire ; il n'était plus capitaine de Quidditch. Il ne contrôlait plus la situation.

- Enfin si certains veulent se détendre un peu, j'ai une moto, commenta Sirius.

- On a une moto, rectifia machinalement James.

- Tu crois vraiment qu'il se rappelle qu'elle est à vous deux ? Souffla sa femme alors que Martin bondissait sur ses pieds pour demander de plus amples informations à Sirius.

- Il s'en fiche complètement.

La porte du manoir s'ouvrit à ce moment-là pour révéler Ethel, qui observa tout ce monde avec étonnement. Sirius délaissa son auditoire pour se précipiter vers elle, ce qui ne fit qu'accentuer la rougeur de ses joues.

William, qui n'avait pas bougé de sa place, interrogea :

- Vous passez souvent d'une humeur à l'autre comme ça ?

- On fait ce qu'on peut pour rester optimiste mais lucide, répondit James en haussant les épaules.

- Vous n'avez jamais eu envie de quitter l'Ordre ?

Ils secouèrent la tête en même temps et Lily expliqua :

- Entre avoir peur et se battre et avoir peur sans rien faire, le choix est vite fait. Et puis on est en sécurité ici. On a de quoi se soigner, et on retrouve toujours des gens pour s'occuper de nous. Et une fois dehors, il y a toujours quelqu'un pour couvrir nos arrières.

- Je vois.

- Sur ce, s'exclama James en se levant, vous m'excuserez mais je vais me coucher. Il y a forcément une mission qui nous attend demain !

- C'est ça, va-t-en, répondit Lily en le poussant vers la cuisine.

- Hé, Lily-Jolie, tu plaisantais quand tu as dit que tu dormirais dans la chambre de Margaret, hein ?

- Tu verras bien !

- Mais Lily !

- Allez, oust !

Quand James eut disparu en grommelant, Lily se retourna vers son ami et lui sourit.

- Je ne vais pas tarder à le rejoindre, ça a été une longue soirée. Ça me fait plaisir que tu sois là en tout cas et ... Bienvenue dans l'Ordre du Phénix, William

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