Partie III - Chapitre 42
Chapitre 42
Lily ne disait rien. Elle était blême, mais elle ne pleurait pas. C'était comme si elle ne ressentait plus rien – et c'était pire que tout. James savait quoi faire quand elle pleurait, quand elle était furieuse... Pas quand elle était silencieuse.
Ils avaient retrouvé Benjy dans la rue perpendiculaire à celle de la maison des Evans. Il n'avait aucune idée que c'était au-dessus de chez Lily que flottait la Marque des Ténèbres. Comment aurait-il pu ? Il n'était pas venu au mariage. Et Lily qui ne disait rien. Lily, qui fixait la maison éventrée, la lueur verdâtre qui illuminait la scène, les voitures de police qui entouraient les lieux.
Benjy grommela.
- On nous prévient toujours trop tard. La seule chose qu'on peut faire, c'est lancer des Oubliettes à tout va.
Lily tourna son regard vide vers lui, avant de faire un pas pour quitter l'ombre dans laquelle ils se cachaient.
- J'y vais, annonça-t-elle d'une voix atone.
- Ça sert à rien Evans, protesta Benjy avant que James n'ait pu faire un geste. On va y aller tous les trois et faire oublier à tout le monde qu'ils ont vu la Marque des Ténèbres. Ça passera pour une explosion de gaz.
- Non.
Elle s'avança dans la rue éclairée par les lampadaires et la lueur glauque de la Marque. Benjy tenta de la retenir mais James l'arrêta.
- Mais qu'est-ce qu'il se passe, Potter ? Ragea-t-il en le fusillant du regard.
- La maison... C'est celle... celle de mes beaux-parents.
Benjy contracta la mâchoire. Sa colère sembla s'évanouir, et il se tourna vers le 19 rue Clement Attlee. Lily marchait au milieu de la route. Des policiers tentèrent de l'arrêter mais elle les immobilisa d'un geste de sa baguette. Lorsque d'autres se retournèrent, elle leur fit subir le même sort. En l'espace de quelques secondes, la scène entière fut comme figée. Un juron s'échappa des lèvres de Benjy, mais James ignorait si c'était à cause de cette entorse au secret magique ou à cause de l'événement en lui-même. Il ne s'attarda pas sur ses états d'âme, subitement réveillé de sa propre torpeur par la vision de Lily approchant l'entrée de la maison. Elle ne pouvait pas affronter cela seule.
Il courut à sa suite, sans tenir compte de Fenwick. Il passa entre les corps immobiles des Moldus, qui fixaient le vide avec une expression d'incrédulité. La scène ne lui faisait ni chaud ni froid – il avait à peine conscience du monde qui l'entourait depuis qu'il avait lu l'adresse, trop concentré sur Lily pour se soucier du monde, ou de sa propre peine. Car Philippa et Patrick Evans, malgré les différends qu'il avait pu avoir avec ce dernier, l'avaient accueilli dans leur maison, lui avaient confié leur fille. Il avait appris à les aimer, tous les deux, même sans les connaître très bien, pour l'excellente raison qu'ils étaient les parents de Lily. Il n'osait même pas imaginer ce que les Mangemorts avaient fait d'eux.
James n'arriva pas à rattraper Lily avant qu'elle n'entre dans la maison. L'odeur du sang l'assaillit alors qu'il traversait le jardin jonché de débris ; la scène lui rappelait l'explosion de l'école, dix mois plus tôt. Il aurait donné n'importe quoi pour ne pas avoir à passer le seuil de ce qui avait été autrefois la porte d'entrée des Evans. Le perron sur lequel Lily l'avait embrassé, la première fois qu'il était venu, avait été arraché. Il prit une profonde inspiration, le regretta aussitôt, et pénétra entre les gravats.
Lily se tenait, immobile, au milieu de ce qui avait un jour été son salon. Ses mains pendaient mollement sur le côté, sa baguette au repos. Tous les meubles avaient été détruit, pourtant la table tenait toujours sur ses quatre pieds, de même qu'une chaise. Phil Evans y était assise, la tête posée sur la table. Une flaque de sang s'étalait sous sa tête, gouttait au sol en un bruit régulier, ténu, et pourtant assourdissant. James ne voyait pas sa blessure mais ne voulait pas savoir de quoi il s'agissait. Il ne voulait pas non plus voir le corps de Patrick.
- Lily...
Elle ne tourna pas la tête vers lui, ne manifesta aucunement qu'elle l'avait entendu. Il s'approcha un peu plus d'elle et prit sa main libre. Elle était froide et molle, comme si c'était elle le cadavre.
- Lily, tu n'es pas obligée de rester. Rentre au QG.
Cette fois, elle secoua la tête.
- Mais tu...
- Papa. Il faut que je trouve Papa.
Elle se libéra de son étreinte, contourna la table, les yeux fixés droit devant elle plutôt que sur sa mère. Elle marcha dans une flaque de sang mais n'y prêta pas attention, puis disparut dans la cuisine.
James, incapable de supporter le regard sans vie de sa belle-mère et de laisser son corps exposé de la sorte, fouilla la pièce du regard avant d'apercevoir un bout de rideau dépasser de sous un guéridon en morceaux. Il le tira, s'aperçut qu'il était entier et en couvrit le corps de Philippa Evans. Il s'aperçut, ce faisant, qu'on avait coupé un de ses doigts. Il s'écarta précipitamment et vomit derrière les restes du buffet.
- Potter ?
Il se redressa en chancelant et s'essuya la bouche avec sa manche. Benjy le fixait depuis l'entrée de la maison.
- Où est Lily ?
James fit un vague geste de tête vers la cuisine avant de s'engager dans cette direction d'un pas hésitant. Si Benjy le nota, il n'en dit rien. La petite pièce avait bizarrement été épargnée par le cataclysme qui avait ravagé le salon et la salle à manger. Seule une traînée de sang, sur le sol, rappelait ce qu'il s'était passé. La porte menant au jardin pendait sur ses gonds. James se revoyait à cet endroit même, presque deux mois plus tôt. Lily, dans sa robe blanche, l'entraînait vers la rue. Il était deux heures du matin, et dans le jardin fonctionnait encore le tourne disques.
Mais pour l'heure, l'extérieur n'était que ténèbres. Il distinguait à peine Lily, dont la silhouette était auréolée du vert glauque de la Marque. Elle fixait un arbre, au fond du jardin. James s'approcha, sans se soucier de ce que faisait Benjy. L'herbe brûlée par le soleil crissait sous ses pas.
Il s'arrêta derrière la jeune femme et aperçut enfin le sujet de son attention. Un corps était empalé contre le tronc de l'arbre. L'une de ses jambes formait un angle impossible, sa tête pendait sur sa poitrine – poitrine transpercée par une énorme branche d'arbre. Une forme, au sol, attira l'attention de James. Ce qu'il savait être un fusil gisait au sol, le canon tordu par la force de la magie.
Patrick avait essayé de se défendre, réalisa-t-il. Il avait dû essayer de défendre sa femme, et en échange on l'avait supplicié.
- James ?
Il sursauta. Dans ce paysage désolé, immobile, il avait presque oublié qu'ils étaient encore vivants.
- Je suis là.
- Allons-nous-en, chuchota Lily, les yeux toujours fixés sur l'arbre. S'il-te-plaît, allons-nous-en.
Il lui prit doucement la main et la tira vers la maison. Elle trébuchait derrière lui, comme incapable de faire fonctionner son corps. Il comprenait – lui-même se sentait anesthésié, l'esprit flottant hors de son corps.
Ils passèrent dans le salon ravagé sans s'arrêter, sans croiser Benjy non plus. Dehors, tout était encore immobile. Tout... ou presque. Un mouvement capta son regard. Il fit volte-face, juste à temps pour parer le sortilège qui filait vers lui. Un homme encapuchonné se tenait au milieu de la rue, au milieu des policiers inconscients. Quelque chose dans sa façon de se tenir lui était familière. Un simple sortilège suffit à faire voler sa capuche et le visage émacié de Voldemort apparut. L'homme lui adressa un rictus. Une rage sans nom enflamma James – une rage qu'il s'efforçait de contrôler depuis le jour où il avait sauté de la falaise.
- Diffindo ! Hurla-t-il.
Voldemort éclata de rire tout en écartant le maléfice d'un simple mouvement de baguette. Il sembla vouloir parler mais James l'en empêcha d'un nouveau sortilège. Il était hors de question qu'il le laisse approcher de Lily. S'il devait mourir, soit, mais il emporterait Voldemort dans la tombe avec lui.
Le duel s'engagea, certes épuisant, mais ce n'était rien de comparable avec la dernière fois qu'ils s'étaient affrontés. James n'oublierait jamais sa faiblesse d'alors, son sang qui coulait à flot et le bruit de la mer dans son dos. Cette fois-ci, ils étaient sur un pied d'égalité. Il parvint à faire flancher le mage noir ; touché à la jambe, il vacilla. James en profita pour attaquer encore, lui entaillant légèrement le front. Voldemort, furieux, leva sa baguette... et jeta un sort par-dessus l'épaule de James. Horrifié, il se retourna pour voir le trait de magie disparaître dans les ténèbres, bien loin de Lily, qui le dévisageait, la bouche entrouverte. Avant qu'il n'ait pu faire volte-face, un sortilège le percuta.
***
Lily n'eut pas la force de crier quand James s'écroula. Tout le temps de leur duel, elle avait été incapable d'agir. Elle n'arrivait à rien, ne ressentait rien. Le choc de voir ces six mots inscrits sur un bout de parchemin avait été trop fort. Elle sentait également une aura de magie l'envelopper, fourmiller autour de ses pieds et de ses mains – d'une manière ou d'une autre, Voldemort avait réussi à l'immobiliser en partie. La sensation s'envola dès que James toucha terre. Le mage noir lui fit face, tout en restant à distance respectable.
- C'était vous ? Interrogea-t-elle d'une voix à peine audible.
- C'était moi, Evans, répondit tranquillement Voldemort. Et j'avoue qu'il y avait longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à tuer quelqu'un. Ton père a chèrement défendu la vie de sa femme... L'achever devant lui a été un véritable plaisir.
Un frisson parcourut l'échine de Lily. Ses doigts se resserrèrent autour de sa baguette. Au fond de son esprit, une étincelle jaillit.
- Tu vas sans doute me demander pourquoi, n'est-ce pas ? Pourquoi assassiner tes parents, cette vermine insignifiante, quand j'aurais pu m'occuper de ton cas ? Pourquoi ne pas avoir déjà tué Potter, alors que j'aurais pu si facilement le faire ? Pourquoi me préoccuper de toi, une Sang-de-Bourbe, d'autant plus méprisable qu'elle a souillé une race de Sang-Pur par le mariage ?
Chaque mot de Voldemort atteignit Lily en plein cœur, plus sûrement que les images du corps supplicié de ses parents. Elle comprenait un peu plus, à chaque seconde qui passait, que ça n'avait pas été nécessaire. Que tout cela n'était qu'un jeu, un immense jeu morbide dont Voldemort était le maître. Qu'il avait fait souffrir ses parents par plaisir. Par plaisir, et rien de plus.
Ainsi, chaque mot attisa l'étincelle qui vibrait au fond de son esprit et en fit un véritable brasier. Une colère telle qu'elle n'en avait jamais connu, même contre Yaxley, la submergea. Avant que Voldemort n'ait eu le temps de continuer, elle leva sa baguette et attaqua.
Des sortilèges et maléfices dont elle avait même oublié connaître l'existence lui venaient à l'esprit. De sombres mots, emprunts de toute la noirceur du monde, glissaient sur ses lèvres. La douleur alimentait la colère, la colère alimentait son désir de tuer. Toute lucidité l'avait désertée, la laissant incapable de voir que Voldemort jouait avec elle ; il ne contre-attaquait pas, mais repoussait simplement ses sorts. Il la laissait approcher, lentement mais sûrement. Quelques sorts brisèrent malgré tout ses défenses. Un peu de sang perla au sommet de son crâne de serpent, une douleur telle que doivent en ressentir ceux qui reçoivent une balle de fusil lui traversa l'épaule.
Lily le savait car elle sentait le destin de chacun de ses sorts. Elle percevait ceux qui traversaient sa chair, ceux qui disparaissaient dans l'air nocturne et ceux qui disparaissaient purement et simplement. Ces minuscules victoires la poussaient en avant, si bien que lorsque Voldemort la désarma avec une terrible simplicité, elle était juste devant lui.
Malgré la perte de sa baguette, la colère ne reflua pas. Elle refusa de se laisser happer par la peur. Il n'aurait pas cette satisfaction là. Seule et désarmée, elle fit la dernière chose qu'elle pouvait pour lui manifester son mépris : elle lui cracha au visage.
Une étincelle de haine passa dans les yeux de plus en plus rouges de Voldemort qui, vif comme un serpent, lui attrapa le bras et le tordit dans son dos. Elle cria de douleur. En plus de la torsion qu'il lui imposait, son simple contact était une torture. Des éclairs de douleur traversaient son corps, se concentraient dans son ventre.
- Maintenant qu'on a bien joué, Evans, siffla-t-il tout contre son visage, je vais enfin pouvoir répondre à tes interrogations. Pourquoi tous ces morts ? Pourquoi Potter respire-t-il encore, pourquoi ne t'ai-je pas encore tuée ? Parce que je veux que tu apprennes le prix du sang, Lily Evans.
Il tordit un peu plus son bras et un voile noir brouilla un instant les yeux de Lily. S'il tirait plus, il le lui déboîterait.
- Potter aurait dû mourir en haut de cette falaise. Tu n'as pas payé le prix du sang, pas ce soir-là. Tu avais une dette envers moi. Mais ne crois pas qu'elle soit soldée ; seul le sang de James Potter me satisfera. Je ne le prendrai pas ce soir, pas encore. Je veux que tu souffres. Je veux que tu souffres mille morts, Lily Evans. Je veux que tu apprennes la stupidité de cet amour dont vous ne cessez de vous réclamer. Je veux que tu saches qu'il te rend faible. Et quand il sera mort, quand tu n'auras plus de famille, plus d'amis, quand tu seras la seule encore debout, je veux que tu viennes me supplier de te tuer, parce que tu seras trop lâche pour le faire toi-même.
Il exerça une nouvelle torsion sur son bras, qui se déboîta avec un craquement. Lily s'effondra avec un cri de douleur. Elle flotta un court instant dans l'inconscience, avant que la voix de Voldemort ne lui parvienne une dernière fois :
- Nous avons une dette de sang toi et moi, Lily Potter.
Il y eut un instant de silence, suivi d'un hurlement. Une odeur de chaire brûlée envahit ses narines, puis plus rien.
***
Dumbledore s'assit un instant dans sa chaise de bureau avant de se relever aussitôt, agité. Fumseck, depuis son perchoir, le suivait du regard. Le phénix était dans la pleine force de l'âge et avait encore un peu de temps devant lui avant de se réduire en cendres.
Les yeux de Dumbledore se posèrent sur La Gazette du Sorcier, posée sur son bureau. Les événements tragiques de Carbone-les-Mines n'y figuraient pas, à sa demande expresse. Nul ne devait apercevoir le nom des Evans. Voldemort et ses partisans étaient certes friands de massacre, mais ils déchaînaient rarement une telle violence contre des Moldus. Si on commençait à poser des questions, c'en était fini de la tranquillité de l'Ordre. Jamais les journalistes ne devaient remonter la piste de Lily Potter.
Mais ce n'était pas là le plus gros souci de Dumbledore. Non, ce qui l'inquiétait était l'intérêt de Voldemort pour Lily et James. C'était d'autant plus suspect que Lily était une Née-Moldue, et donc indigne d'intérêt, selon la perspective de Voldemort.
Le directeur de Poudlard avait parlé à Lily, quelques heures après l'attaque. Benjy Fenwick l'avait prévenu et avait ramené Lily et son mari au quartier général. Lily lui avait parlé du prix du sang. Pire, de la dette de sang. Dumbledore n'avait trouvé qu'une seule explication plausible et satisfaisante : Voldemort voulait jouer, et il avait désigné ses victimes. Pour Lily et James, la guerre n'était plus une simple affaire de défense du monde qu'ils connaissaient, mais de survie face à quelqu'un qui leur en voulait personnellement.
Il repensa aux initiales gravées au fer rouge sur l'épaule de James : « LV ». Lily n'était pas encore au courant de ce fait, lorsqu'il l'avait vue, et il n'avait pas eu le cœur de lui en faire part. Elle semblait complètement hébétée après la mort de ses parents.
Trois coups frappés à sa porte le tirèrent de ses réflexions. Sur son invitation, le visiteur entra. La rentrée étant dans moins d'une semaine, il s'attendait à voir arriver Argus Rusard. Pourtant, ce fut un jeune homme brun qui entra, marchant d'un pas décidé malgré ce qu'il venait de traverser.
- Bonjour, Professeur, le salua James Potter en fermant la lourde porte derrière lui.
Dumbledore lui rendit son salut tout en masquant sa surprise. Il enchaîna :
- Je pensais vous trouver auprès de Lily.
- Elle dort, expliqua James. Margaret lui a donné un somnifère.
- Vous a-t-elle parlé de ce qu'il s'était passé ?
- Non... Non, pas encore. Mais il faut qu'elle le fasse. Il faut que ça sorte.
Une expression déterminée se peignit sur son visage et Dumbledore lui sourit. James Potter était un battant.
- Mais je suis venu pour parler... de ça.
Il désigna son épaule gauche, celle marquée par Voldemort.
- Lily est au courant ?
- Non. Je voulais d'abord discuter des significations de cette... chose avec vous.
- Asseyez-vous, James, l'invita Dumbledore en prenant lui-même place derrière son bureau.
Le jeune homme s'exécuta et attendit que son ancien directeur prenne la parole.
- Vous savez bien sûr ce qui a été dit entre Lily et Voldemort, commença-t-il. Il semblerait qu'il... qu'il ait décidé de la faire souffrir à travers vous.
James hocha la tête, sans doute bien conscient de cela.
- Par cette marque il vous désigne comme une victime future. Il ne cessera pas de vous traquer, James. Et même s'il vous trouve, il vous laissera sans doute en vie le plus longtemps possible pour que Lily en souffre encore plus.
- Est-ce que la plaie est ensorcelée ? Je veux dire, peut-il me trouver grâce à sa marque ?
- Non. De cela je suis sûr, il n'y aucune magie dans cette blessure, si ce n'est celle qui l'a créée. Nous ne pouvons pas la faire disparaître.
James hocha lentement la tête avant de s'abîmer dans ses pensées. Son interlocuteur reprit d'une voix douce :
- L'Ordre peut vous cacher. Nous pouvons assurer votre protection et...
Le jeune homme haussa un sourcil, l'ombre d'un sourire sur les lèvres.
- Professeur, vous pensez vraiment que je vais attendre qu'il me trouve ? Je suis un Maraudeur !
Dumbledore sourit à son tour, tâchant de cacher son inquiétude.
- Si cette marque n'est pas ensorcelée, alors elle ne change rien à ma vie. Je refuse... Je refuse qu'il m'empêche de vivre comme je l'entends. Il n'aura pas ce plaisir-là. Et je ne crois pas à sa dette de sang, professeur. Il ne connaît pas Lily, il n'a aucune idée de la force qui est en elle. Tout ce qu'il réussira à faire, c'est à se forger un ennemi encore plus redoutable. Non, professeur, je ne me cacherai pas. Je lui ai échappé une fois ...
- Deux fois.
- Et je le ferai une troisième fois. Merci de vos éclaircissements, professeur. Il faut que j'aille retrouver ma femme.
Il se leva, serra la main du directeur et quitta la pièce d'un pas assuré. Mais avant qu'il ne referme le battant, Dumbledore le rappela :
- Mr. Potter ! Je suis désolé pour vos beaux-parents.
James s'arrêta dans l'embrasure. Il baissa la tête et un peu de son assurance sembla lui échapper.
- Moi aussi, répondit-il à voix basse. Moi aussi.
***
Lily ouvrit difficilement les paupières. Quoi qu'on lui ait fait avaler, c'était bien trop fort à son goût. En plus, elle leur avait dit qu'elle n'en voulait pas. Il lui fallut une dizaine de minutes pour réussir à sortir de son lit. Une image de James racontant un tas d'absurdité après une sieste, à Godric's Hollow, lui vint à l'esprit. Elle faillit sourire, puis son épaule douloureuse se rappela à elle. Un haut-le-cœur la saisit et elle se rua vers la salle de bain. Lorsqu'elle en ressortit, aucune larme n'avait coulé sur son visage.
Prostrée contre l'encadrement de la porte, elle fixa le vide un long moment. Elle tentait de chasser les images qui s'imposaient à son esprit, mais c'était peine perdue. Et pourtant, elle ne ressentait rien.
Elle chancela jusqu'à l'escalier, le descendit d'un pas hésitant et entra dans la cuisine. James, adossé contre le plan de travail, parlait avec Sirius. Ils s'interrompirent à son entrée. James chercha son regard mais elle l'évita. Quant à Sirius, il se passa la main dans les cheveux avant de fuir vers le salon, non sans avoir marmonné une vague salutation à Lily.
James et Lily restèrent face à face un moment, les yeux de Lily fixés sur l'épaule de James, lui détaillant son visage. Il ouvrit finalement la bouche :
- Tu as bien dormi ?
Elle haussa les épaules.
- Tu veux manger quelque chose ?
Elle fronça un instant les sourcils, arriva à la conclusion qu'elle n'avait pas faim et secoua la tête. James soupira.
- Tu as raté plusieurs repas. Tu devrais vraiment essayer d'avaler quelque chose.
Elle leva enfin les yeux vers lui, croisa brièvement son regard et interrogea :
- Quelle heure est-il ?
- Presque dix-huit heures.
Elle se laissa tomber sur une chaise.
- Je veux bien une ... une tisane ou je ne sais quoi. Je m'en fiche.
James s'exécuta en silence. Il posa une tasse devant elle et s'assit en face. Elle choisit, cette fois-ci, de fixer ses mains. Elle en connaissait les contours et chaque cicatrice. Elles étaient rassurantes – grandes et fortes. Un éclair de douleur la traversa, et elle fixa la table. James, par son amour et sa sollicitude, par tout ce qu'il signifiait pour elle, ouvrirait à n'en pas douter les vannes à sa douleur si elle se laissait aller. Le moindre affleurement de sentiment déclencherait une cascade impossible à endiguer. Elle ne pouvait pas se le permettre. Ne le voulait pas.
- Lily...
Elle ne bougea pas.
- Lily, s'il-te-plaît... Regarde-moi.
Elle secoua la tête, aussi posa-t-il sa main sur la sienne. Sa chaleur atteignit son cœur, déchira un instant le brouillard qui cachait tous ses sentiments. Elle tressaillit.
- Lily ?
Il se pencha vers elle, prit son autre main dans la sienne. Son alliance brilla un instant. Les barrières de Lily commencèrent à s'effondrer. Elle se recroquevilla sur elle-même, ses mains toujours dans celles de son mari.
James la lâcha un court instant, ce qui fut cependant suffisant pour que le froid et l'indifférence envahissent Lily. Mais lorsqu'il s'assit près d'elle et l'obligea à se tourner vers lui, l'hébétude reflua, la chaleur prit sa place et avec elle vint la douleur, plus forte que précédemment. Une larme coula sur sa joue, la première en vingt-quatre heures. Elle leva la tête vers James et croisa son regard noisette. D'autres larmes suivirent et un sanglot lui coupa le souffle. Elle se plia en deux sous le coup de la peine qui la dévorait. James l'attira à lui, l'entoura de ses bras et posa sa tête contre la sienne. Elle s'agrippa à sa chemise.
- Je suis désolé, murmura-t-il. Mon amour, je suis tellement désolé.
- Ils sont... ils sont morts, James, je ne peux pas...
Il la serra seulement un peu plus fort contre lui. Alors qu'elle pleurait toutes les larmes de son corps, elle se rappela qu'il avait perdu sa mère, qu'il savait ce que c'était. Que, même si sa mort avait été moins violente, il comprenait. Il était là et il le serait toujours... Quoi qu'il arrive, il le serait toujours.
- Euh... Il y avait une boîte de mouchoirs dans le salon et je me suis dit que peut-être...
Lily leva ses yeux rougis vers Sirius, qui hésitait sur le pas de la porte. Il tenait effectivement une boîte de mouchoirs. James jeta un coup d'œil incertain à Lily, qui tendit la main vers Sirius.
- Donne. Je me suis suffisamment mouchée dans la chemise de James.
Sirius n'hésita pas. Il lui donna la boîte puis s'assit sur une chaise près d'elle, tandis que James mettait des pâtes dans de l'eau bouillante. Pour lui faire plaisir, elle avait accepté d'avaler quelque chose.
- C'est vrai qu'il m'a l'air assez morveux, observa Sirius.
Lily observa un instant son mari et esquissa un sourire.
- Même morveux il est beau.
- Quoi ? Ce veracrasse ? En fait non, tu as raison : la morve cache sa laideur.
- Je te retiens, Patmol, commenta James tout en sortant une passoire d'un placard.
- Avoue que tu n'en espérais pas tant de ma part ; un veracrasse, c'est déjà pas si mal.
James lui concéda cela avec une moue avant de reprendre :
- Et toi, tu serais quoi ? Lily, une idée ?
- Un nain. Je suis sûre que les nains n'aiment pas les câlins.
Sirius soupira.
- Tu veux un câlin ?
- S'il-te-plaît.
Il l'attira contre lui et elle cala sa tête sur son épaule. Il reprit son absurde conversation avec James et ils réussirent presque à la faire sourire. Alors qu'elle les écoutait tout en observant son mari, elle réalisa qu'elle réussirait à s'en remettre. Ça ne faisait que vingt-quatre heures, mais déjà elle était bien décidée à se relever. Elle se souvenait très bien de qu'elle avait dit à James, deux mois après la mort de sa mère ; qu'ils avaient peut-être peu de temps devant eux, qu'il fallait continuer à vivre. C'était ce qu'elle comptait faire. Faire son deuil, mais en poursuivant sa vie. Son mari était là pour l'aider, tout comme Sirius, comme tous les autres.
Ce serait certainement la chose la plus durequ'elle ait jamais faite, mais elle y arriverait. Voldemort, avec ses menaces,n'aurait pas le dernier mot. Alors que le rire de James résonnait dans la cuisine,elle réalisa que Voldemort n'était rien tant qu'ils auraient envie de se battrepour leur vie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top