Partie III - Chapitre 40

Chapitre 40

- Sirius ?

- Hmmm ?

- T'es encore assez sobre pour faire ton discours ?

- Quoi ? C'est le moment ?

- Étant donné que tout le monde te regarde, je pense que oui.

Sirius releva le nez de son assiette pour s'apercevoir que Remus n'avait pas tort. McGonagall, Marlène, Peter et même Fleamont le fixaient avec insistance. Il gémit, avala avec peine sa dernière bouchée de viande puis recula sa chaise pour se redresser. Toutes les conversations s'interrompirent aussitôt. Au bout de la table, Lily et James le regardaient avec amusement. Il tripota un instant le morceau de parchemin qui traînait au fond de sa poche avant de renoncer à le prendre. Il l'avait tellement lu et relu qu'il le connaissait par cœur. Et de toute façon, il comptait bien improviser un peu.

- Bonsoir à tous ! Mrs. Evans, le dîner est excellent – je suis ravi de ne pas avoir tout mangé tout à l'heure.

Il y eut quelques rires autour de la table et Lily le fusilla du regard. Il leva son verre dans sa direction, amusé.

- Désolé, Ev... Potter, il fallait bien que je fasse quelque chose pour t'agacer le jour de ton mariage. Il ne fallait pas me choisir comme témoin. Ce qui m'amène d'ailleurs à ce qui nous occupe : ce satané discours que Remus m'a obligé à écrire. J'ai certes plus ou moins forcé James à me choisir comme témoin mais je n'avais pas anticipé l'obligation de faire un discours. Enfin, nous y voilà. Je ne vous présenterai pas à nouveau Lily et James, le professeur Dumbledore a bien résumé la situation : « Par la barbe de Merlin, Lily Evans et James Potter ! ». Merci professeur, vous avez toujours su trouver les mots justes.

Il s'inclina vers le Sorcier, qui le remercia d'un hochement de tête, les yeux pétillants d'humour.

- Vous le savez tous, la relation de nos mariés se résument à une suite de disputes sans queue ni tête dont personne n'a jamais réussi à saisir la logique. Par contre, il y a une constante : la fréquence à laquelle l'insulte « crétin » revient. Lily, je suis ravi de t'annoncer que nous avons compté le nombre de fois où tu l'as dit lorsque nous étions en Cinquième année, et tu dépasses la centaine. Deux explications : soit tu les enchaînais à une vitesse phénoménale, soit tu passais beaucoup plus de temps avec James que tu ne voudras jamais l'admettre. Je vous laisse deviner la bonne réponse. Il y a une deuxième constante : la réponse de James à chaque fois qu'on a sous-entendu qu'il était amoureux de Lily, entre la Quatrième et la Sixième année. Ce qui est bien, c'est que ces deux constantes sont liées : James était effectivement un crétin parce qu'il refusait d'admettre ce que tout le monde, à l'exception de lui-même et Lily, savait. Bien sûr il a plusieurs fois admis qu'elle était jolie et qu'il flirtait, mais il a fallu attendre un temps fou avant qu'il avoue que c'était plus que ça. Au risque de vous étonner, je peux vous affirmer que ça a été beaucoup plus rapide pour Lily. Certes, elle l'a détesté pendant six ans. Mais une fois ce stade passé, il l'a convaincue à une vitesse très impressionnante, je dois dire. Je suis néanmoins ravi de vous annoncer que la constante du crétin est restée !

Il y eut quelques gloussements parmi les membres de l'Ordre alors que Lily et James échangeaient un regard entendu et dégoulinant d'amour.

- James est donc un homme martyrisé et insulté, mais malgré tout très heureux. Quant à Lily, eh bien ! Elle a trouvé quelqu'un à sa mesure. Quelqu'un capable de la supporter, d'abord. Quelqu'un avec du répondant. Quelqu'un.... Qui m'a traîné à la bibliothèque pendant tout le mois de septembre de notre Septième année juste pour la voir !

- Eh ! S'insurgea James alors que tout le monde éclatait de rire. C'est faux !

- Je soutiens Sirius, annonça Remus en levant la main. Pas vrai Queudver ?

Avec un ricanement, le témoin reprit :

- Cela étant dit, l'inverse est vrai : Qui d'autre que Lily aurait pu convenir à James ? Elle ne l'écoute pas quand il parle de balais, il ne l'écoute pas quand elle parle d'Histoire de la Magie. Il supporte tous ses coups, elle accepte toutes ses blagues de mauvais goût. Il est le meilleur cavalier dont elle aurait pu rêver, même si elle l'a regretté pendant plusieurs semaines. Mais si je sais que c'est la fille qu'il fallait à mon meilleur ami, c'est parce qu'elle a réussi à intégrer le groupe des Maraudeurs. Lily Evans, la préfète parfaite, nous a couvert quelques fois – désolé de divulguer tes noirs secrets devant notre directrice de maison, mais c'est pour la bonne cause –, nous a souvent réprimandé mais a gardé beaucoup de secrets. Je ne te l'ai jamais dit Lily, mais ton arrivée dans le paysage a suscité quelques angoisses chez moi. Qu'allais-je devenir, maintenant que mon meilleur ami pouvait passer tout le temps qu'il voulait avec la fille de ses rêves ? Même si je l'avais toujours soutenu, il y a quelques moments où j'ai été mort de jalousie. Je me trompais sur toute la ligne, évidemment. James et Lily n'ont pas changé, une fois en couple. Ils sont restés ces deux imbéciles qui s'insultaient. Il est resté mon meilleur ami, toujours là pour moi, pour Remus, pour Peter. Elle est restée la préfète qui nous beuglait dessus parce qu'on faisait quelque chose d'idiot – elle le fait toujours, d'ailleurs. Bref, j'ai réalisé que James n'avait pas brisé notre groupe en y incluant Lily.

Il prit une profonde inspiration. C'était la partie la plus difficile, celle où il laissait tomber le masque d'indifférence qu'il affichait la plupart du temps. Il chercha les yeux de Lily et s'aperçut qu'ils brillaient de manière inhabituelle. La gorge soudain serrée, il continua :

- J'ai réalisé qu'en l'épousant, il ne me faisait pas perdre un ami mais gagner une sœur. Je ne sais pas si c'est pour ça que tu m'as demandé d'être ton témoin, Lily, mais c'est comme ça que je le vois. Alors je propose que nous levions nos verres à Lily et James Potter, qui comptent parmi les meilleurs amis que j'aurai jamais. A Lily, parce qu'elle a su devenir le cinquième Maraudeur, et à James, pour sa confiance et son amitié indéfectibles. Sans ton absurde optimisme, Lily Evans ne s'appellerait pas Potter à l'heure qu'il est.

Sirius saisit son verre de vin et le leva bien haut, les yeux rivés sur les mariés. James se leva, aussitôt suivi de Lily. Après une brève accolade de son meilleur ami, Lily se rua dans ses bras.

- Hé, Potter, tu te rappelles que je suis contre les câlins ?

- Chut. Sinon je dis à tout le monde que tu es en train de pleurer.

James, qui avait entendu, rit doucement.

- C'est vrai qu'il y a un drôle de truc dans tes yeux.

- C'est complètement faux, protesta-t-il en battant des paupières. Lily, on dirait une vraie sangsue.

Elle se détacha enfin et lui sourit.

- Merci, Patmol. C'était à la hauteur de ce que tu nous avais annoncé.

Il lui fit un clin d'œil en réponse avant de donner un coup de poing dans l'épaule de James.

- Sirius Black est toujours à la hauteur.

Lily rit, déposa un baiser sur sa joue et regagna sa place d'un pas sautillant. Son mari l'observa en souriant et Sirius ricana.

- Vous me dégoûtez, tous les deux. Vous êtes beaucoup trop heureux.

- Je sais, répondit James avec un rire clair. Allez, vas noyer ton cynisme dans ton vin.

- Compte sur moi.

Lorsqu'il se rassit, un sourire jouant toujours sur ses lèvres, il capta le regard d'Ethel, assise quelques places plus loin. Elle rougit légèrement mais ne détourna pas les yeux. Au contraire, elle lui sourit.

***

Les premières notes d'une valse retentirent. Avant que Lily n'ait vraiment eu le temps de comprendre ce que cela signifiait, son père se matérialisa devant elle, la main tendue. Elle la saisit, sauta sur ses pieds, et l'entraîna au milieu de jardin, là où, quelques heures plus tôt, se trouvaient les rangées de chaises.

Patrick posa sa main sur la taille de sa fille avec un sourire ému alors qu'ils évoluaient lentement dans le jardin.

- Ça faisait longtemps qu'on avait pas dansé, tous les deux.

- Tu n'as pas perdu la main, malgré ton grand âge, le taquina Lily.

- Très amusant. Tu dis ça juste pour te débarrasser de ton vieux père, maintenant que tu as un fringant mari avec qui danser.

- Il n'a pas ta technique, assura-t-elle.

- Tu crois qu'il va nous laisser combien de temps, avant de venir te réclamer ?

- Oh, il a bien trop peur de toi pour venir avant que tu ne lui fasses signe.

- Dans ce cas, je ne me manifesterai pas.

- Papa !

Il se mit à rire et serra un peu plus fort sa fille contre lui.

- Je plaisante, tu sais. J'apprécie James.

- Ah ?

- Je lui en ai peut-être voulu pendant un temps parce que j'avais peur qu'il te mette en danger, mais j'ai fini par me rappeler que ma fille a un caractère de cochon et que tu ne ferais pas partie de l'Ordre si tu ne le voulais pas.

- C'est si flatteur, mon cher papa, plaisanta-t-elle avant de redevenir soudain sérieuse : alors, tu l'apprécies vraiment ?

- Bien sûr que oui. Il te fait rire, c'est évident qu'il t'aime, il est intelligent, débrouillard... Et surtout, tu l'aimes. Je me fie à ton jugement. Et d'ailleurs, je crois qu'il est temps de lui faire signe.

- Papa...

Mais avant qu'elle n'ait eu le temps de poursuivre, son père s'écarta et James prit sa place avec un signe de tête reconnaissant. Alors que son mari l'entraînait à nouveau dans la danse, Lily s'aperçut que tout le monde les regardait. Elle s'empourpra, capta le regard amusé de James et leva les yeux au ciel.

- J'ai cru que ton père n'allait jamais te libérer, commenta-t-il avant de la faire tournoyer un instant.

- On parlait de toi, expliqua-t-elle lorsqu'elle lui fit à nouveau face. J'espère qu'il discutera un peu avec toi, dans la soirée.

- Ah ?

- Tu verras, sourit-elle. Merlin, mon chéri, depuis combien de temps est-ce qu'on n'a pas dansé ?

- Eh bien... (un grand sourire étira ses lèvres.) Ton anniversaire, je pense.

- Oh. Ça fait longtemps. On s'est mariés, entre temps.

- Ah bon ? Je ne m'en rappelle pas.

Elle secoua la tête, amusée. D'autres danseurs gagnèrent la piste et l'attention qu'on portait aux mariés se relâcha.

- Je me disais bien que tu avais l'air un peu absent.

- C'est parce que ne pas pouvoir épouser Sirius a brisé mon petit cœur.

- Idiot, murmura-t-elle avant d'interrompre un instant leur valse, le temps de presser ses lèvres contre les siennes.

- Eh ! Vous gênez les honnêtes gens ! Protesta le sujet de leur discussion.

Lily s'écarta de son époux pour voir Sirius passer juste à côté d'eux, tirant derrière lui une Margaret hilare. Il la fit tournoyer et la rattrapa de justesse avant qu'elle ne trébuche sur Jenny et Fabian.

- Tu crois que Maggy a un peu trop bu ?

- Pas impossible, pouffa James en entamant à nouveau quelques pas de valse, alors qu'une nouvelle musique démarrait. C'est très certainement le cas de Sirius. Sans ça, il aurait été incapable de faire un discours pareil.

- Vraiment ? Mais c'est vrai que je ne l'aurais jamais cru capable d'un truc pareil. Je veux dire, il parle rarement de ses sentiments et...

- Ça me rappelle quelqu'un, interrompit-il.

- C'est faux ! Protesta-t-elle. C'était peut-être le cas quand on a commencé à sortir ensemble, mais ce n'est plus du tout vrai.

Il lui sourit tendrement. Le soleil s'était enfin couché et la lueur des lampes qu'ils avaient installées dans le jardin se réfléchissait dans ses lunettes.

- C'est vrai.

- Eh, James ?

- Oui ?

- Tu es beau.

Il éclata de rire avant de se pencher pour lui voler un baiser.

- Tu essaies de prouver ton point par l'exemple, c'est ça ? La seule et unique fois que tu m'as dit ça, c'était en juin dernier, je m'en rappelle très bien.

Une ombre passa dans son regard et Lily se sentit aussitôt idiote d'avoir dit cela. Elle lui avait confié cela après leur journée passée hors de Poudlard, deux mois après la mort d'Euphemia Potter.

- Pardon, James, je...

- Hé, coupa-t-il d'une voix douce, tu n'as pas à t'excuser. Maman n'est peut-être pas là, mais c'est comme si. Et ça ne m'empêche pas d'être heureux. Vraiment très heureux.

Elle l'observa un moment avant de hocher la tête.

- Moi aussi, je suis heureuse. Vraiment très heureuse.

Il rit doucement, l'attira contre lui sans plus se soucier du rythme et commenta :

- Me voilà rassuré.

Son rire vibra contre l'oreille de Lily, qui froissa légèrement l'étoffe de sa chemise entre ses doigts, le nez enfoui contre son cou.

Elle eut plusieurs cavaliers, ce soir-là. Elle dansa avec Fabian, Sirius (plusieurs fois – il était affreusement possessif), Remus, Peter, Dumbledore, juste avant qu'il ne quitte la fête, et même Jenny l'entraîna dans un rock endiablé. Tôt ou tard, elle finissait toujours pas retomber dans les bras de James. Elle l'aperçut discuter avec son beau-père et se réjouit de l'air aimable de ce dernier. Elle passa du temps avec sa mère, plaisanta avec le professeur McGonagall, apprit à mieux connaître Marlène et passa un temps fou à se débarrasser des verres que Sirius essayait de lui faire ingurgiter – Margaret fut une alliée inestimable, et Merlin en soit remercié, elle cachait les verres au lieu de les boire.

Après un rock acrobatique mené de main de maître par Sirius, Lily se laissa tomber sur une chaise, le souffle court. On poussa un verre d'eau devant elle et elle l'accepta avec reconnaissance. Lorsqu'elle eut enfin repris ses esprits, elle sourit à son sauveur. Il avait roulé les manches de sa chemise au-dessus de ses coudes depuis plusieurs heures déjà et ses cheveux étaient encore plus en désordre que lorsqu'elle l'avait épousé.

James attrapa sa main et joua un moment avec ses doigts avant de souffler :

- Il est deux heures passées.

- Vraiment ?

- Ouais. Je me disais qu'on pouvait peut-être... s'éclipser.

Il leva les yeux vers elle en prononçant le dernier mot et lui adressa un sourire à couper le souffle. Elle déglutit avant de porter leurs doigts noués à ses lèvres pour se donner une contenance.

- Ça me va, répondit-elle finalement. Je vais m'effondrer si Sirius me propose encore une danse.

James jeta un rapide coup d'œil derrière elle avant de commenter avec une satisfaction évidente :

- Il vient de s'asseoir à côté d'Ethel, donc je pense que tu es tranquille. Avec un peu de chance, il ne s'apercevra pas quand on est en train de partir.

Lily mit quelques secondes à réaliser ce qu'il se passerait si Sirius s'apercevait effectivement de leur fuite. Elle sauta sur ses pieds, la main de James toujours soudée à la sienne, et le traîna vers la maison. Personne ne leur prêta attention : la plupart des membres de l'Ordre avaient déjà quitté les lieux, hormis leurs plus proches amis. Fleamont discutait avec Peter, Patrick et Philippa dansaient, perdus dans leur bulle.

Pourtant, Lily sentit une résistance alors qu'ils passaient dans le salon. Elle se retourna et s'aperçut que Remus les avait arrêtés.

- Désolé, je ne vous retiendrai pas longtemps. Et, promis, je ne préviendrai pas Sirius. Je voulais juste vous dire au revoir ; je pars avec Dorcas dans deux jours. Enfin, demain en fait, pour être exact. Donc on ne se reverra sans doute pas avant.

La jeune femme sentit son euphorie retomber. James fixait son ami comme s'il le découvrait pour la première fois. Il serra un peu plus fort les doigts de Lily entre les siens.

- Fais attention à toi, Lunard.

- T'en fais pas, j'aurai une espionne folle pour veiller sur moi. Et puis Hagrid sera là aussi, du moins pendant une partie du voyage.

- Quand est-ce que tu rentres ? Interrogea Lily.

Remus baissa la tête, les mains enfoncées dans ses poches.

- Je ne sais pas. Avant l'automne, j'espère.

Elle ouvrit de grands yeux alors que James se crispait. L'automne lui paraissait à une éternité de là. Il s'était passé tant de choses, durant les mois qui venaient de s'écouler, qu'elle avait peur que septembre n'arrive jamais. Ou peut-être l'espérait-elle.

- Lunard..., commença James, mais Remus l'interrompit aussitôt.

- Ne vous en faites pas pour moi. Je ne veux pas que vous vous inquiétiez. Surtout pas ce soir.

Il asséna une tape sur l'épaule de James.

- Rentrez bien !

Lily l'enlaça brièvement. Il lui sourit puis les laissa partir. Les mariés sortirent enfin dans la rue. Ils restèrent silencieux jusqu'au moment où ils atteignirent l'impasse où ils transplanaient habituellement. Lily sortit de ses réflexions pour s'étonner :

- Tu ne m'as pas dit où tu m'emmenais.

- Surprise, la taquina-t-il. Donne-moi la main.

- Tu es insupportable.

- Il paraît, répondit-il nonchalamment, la main tendue. Tu viens ?

Elle obtempéra avec une grimace et ils disparurent dans un craquement. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle ne put retenir une exclamation dépitée :

- Godric's Hollow ? Sérieusement ?

- Je savais que tu allais râler, s'exclama-t-il joyeusement en la tirant vers la maison. Je n'ai pas eu le temps de trouver mieux.

Elle secoua la tête avec un petit rire alors qu'il l'entraînait à l'intérieur. Il monta quatre à quatre les escaliers, poussa la porte de sa chambre... et se vautra de tout son long sur le lit.

- Merlin, exhala-t-il. C'était épuisant.

- Pour moi aussi, alors tu veux bien me faire une place ?

Avec un grognement, il roula sur le dos et se cala contre ses oreillers. Lily s'installa sans façon sur lui, les jambes repliées contre ses hanches. Il haussa les sourcils.

- C'était bien la peine de me demander de te faire de la place.

- Je peux aller dormir dans la chambre de Sirius, si tu veux.

- Parce que quelqu'un a prévu de dormir ?

Elle lui asséna une tape sur l'épaule et il glapit.

- Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

- Tu ne pourrais pas essayer d'être un peu plus subtil ?

Avec un grand sourire, il secoua la tête. Lily poussa un soupir à fendre l'âme, qu'il ignora totalement pour lancer :

- Tu sais ce que je me suis dit quand je t'ai vu arriver, tout à l'heure ?

- Quoi ?

- Que je ne t'avais jamais vue aussi couverte de taches de rousseur avant cet été.

- Merci, je suis très flattée.

- Hé, je trouve ça très mignon !

Elle fronça le nez et le sourire de son mari s'agrandit.

- C'est encore plus mignon comme ça.

- Infâme flatteur, marmotta-t-elle.

Il rit, glissa une main sur sa joue et l'embrassa tendrement.

- Je ne fais que dire la vérité, assura-t-il avant de faire glisser ses lèvres contre sa mâchoire.

- Tu t'enfonces, le prévint-elle dans un murmure.

- Me couvrir de ridicule pour que ma femme puisse se moquer de moi est le but ultime de ma vie, tu le sais bien.

Elle le repoussa légèrement, tout en tentant de réprimer un sourire. Elle voulut répondre par une réprimande quelconque mais en fut incapable.

- Je t'aime.

Il fronça les sourcils.

- Ta tête ne va pas du tout avec ce que tu dis.

- James, tais-toi, rit-elle avant de poser ses lèvres sur les siennes.

***

Sirius se laissa tomber sur une chaise près d'Ethel. Il ne l'avait pas vue danser de la soirée mais avait été trop occupé à faire tournoyer Lily dans tous les sens pour venir la voir plutôt. Elle lui sourit et lui tendit un verre de cidre qu'il avala d'une traite.

- Est-ce que ce n'est pas un peu épuisant, tous ces rocks ? Sourit-elle.

- Je suis infatigable dès qu'il s'agit de danser, l'assura-t-il. Frank et Alice sont partis ?

- Oui, il y a vingt minutes. Frank était épuisé.

- Il se remet bien ?

Ethel haussa les épaules.

- S'il acceptait de vraiment de se reposer, ça irait sans doute plus vite. Tu sais qu'ils ont acheté une maison ?

Comme Sirius hochait la tête, elle poursuivit :

- Il a entrepris de repeindre le salon. Enfin, Alice le repeint et s'arrange pour l'envoyer faire des choses moins fatigantes.

- Et peindre avec la magie, ça lui a effleuré l'esprit ?

- Tu sais bien que c'est tout aussi fatiguant. Et s'il ne se concentre pas assez ça va faire n'importe quoi. Je crois qu'ils ont essayé mais que les pinceaux se sont rebellés.

Il pouffa.

- Ils se sont retrouvés couverts de peinture ?

Elle tenta vainement de réprimer un sourire.

- Peut-être bien.

Il rit plus franchement, avala un petit-four rescapé du dîner et reprit :

- Tu sais quand ils quittent le QG ?

- Eh bien, quand la peinture aura séché je suppose... Ou quand Frank ira vraiment mieux. Ça rassure Alice d'avoir du monde avec eux. Lily et James vont déménager, eux aussi ?

Sirius se figea. Il n'avait pas envisagé cela et son meilleur ami ne lui en avait rien dit. La gorge soudain serrée, il reposa son verre.

- Aucune idée, répondit-il sombrement.

Ethel pencha la tête, les sourcils légèrement froncés, l'invitant à expliquer son subit changement d'humeur.

- Ça fait huit ans qu'on vit ensemble la majeure partie de l'année, développa-t-il après un instant de silence. S'il part ...

- Tu sais que vous n'allez pas pouvoir faire une colocation pour le restant de vos jours, n'est-ce pas ? Dit-elle doucement, l'ombre d'un sourire jouant sur ses lèvres.

Conscient d'être idiot, il haussa les épaules.

- J'imagine que j'espérais juste que ça durerait plus longtemps.

- Remus et Peter resteront sans doute au QG.

- Ouais. Mais un jour il faudra bien qu'on grandisse.

Elle se redressa et jeta un coup d'œil au jardin des Evans. Avec un soupir, elle fit remarquer :

- C'est déjà le cas. Ma meilleure amie s'est mariée, ton meilleur ami aussi. Tu sais que Frank et Alice veulent avoir un bébé ?

- Quoi ?

Affligé, Sirius se renfonça dans son fauteuil. Il n'avait pas vraiment réalisé à quel point James entrait dans un monde dont la porte lui était fermée – d'autant plus que la vie de famille était une chose qui lui échappait complètement. Il resta un moment silencieux, le regard dans le vide. Finalement, il s'aperçut qu'Ethel tapait du pied en rythme.

- Ethel ?

- Oui ?

- Tu as refusé quand je t'ai invitée au bal, il y a un an et demi de ça, mais est-ce que tu veux bien danser avec moi cette fois ?

Elle rougit avant de tourner vivement la tête vers lui. Ses cheveux blonds cascadèrent le long de son épaule gauche, recouvrant la bretelle de sa robe bleu nuit. Sa rougeur s'accentua lorsqu'elle prit conscience de l'étude dont elle était l'objet. Sirius attendait, l'air impassible mais le cœur battant. Ce n'était pas anodin, et elle le savait aussi bien que lui. Après ce qui lui parut durer une éternité, elle saisit sa main.

Un grand sourire étira aussitôt les lèvres de Sirius, qui se leva d'un bond et l'entraîna sur la pelouse. Le twist qui passait se termina et une valse commença. Le jeune homme jeta un coup d'œil vers le tourne-disque, juste à temps pour voir Peter lui faire un clin d'œil, un disque à la main. Il réprima un rire et reporta son attention sur sa cavalière, qui l'observait d'un air embarrassé.

- Je ne suis pas très douée pour la valse.

- Aucune importance, assura-t-il en posant une main sur sa taille. C'est à moi de guider.

Elle posa une main hésitante sur son épaule et ils engagèrent quelques pas. Ce n'est qu'au bout de quelques mesures qu'elle se détendit légèrement et osa enfin le regarder. Son visage était tout proche du sien, plus qu'elle ne s'y attendait sans doute ; un air surpris se peignit sur ses traits et ses yeux papillonnèrent de la bouche de Sirius à ses yeux.

- Tu t'es coupé en te rasant ? Balbutia-t-elle.

- Ouais. Je n'ai pas l'habitude.

- Tu devrais le faire plus souvent.

- Me couper ?

Elle leva les yeux au ciel et se détendit un peu plus.

- Te raser. Ça te va bien. Et les cheveux courts aussi.

- J'y songerai, promit-il avec un sourire, amusé par ses joues rouges. Si tu me promets de danser à nouveau avec moi.

- Quand tu veux.

Il secoua la tête et raffermit sa prise sur sa taille, de peur que ses prochaines paroles ne l'effarouchent :

- Tu es une énigme, Ethel. Qu'est-ce qui a bien pu se passer cette année, pour que tu acceptes si facilement ce que tu m'as refusé si nettement à Halloween ?

Elle se raidit mais resta dans ses bras. Elle garda même le visage levé vers lui.

- Tu le sais très bien.

- Je ne suis jamais sûr de rien, avec toi.

- Je te l'ai déjà dit. J'ai dû mal à ... m'attacher.

- Parce que tu en es encore à ce stade ? Interrogea-t-il plus sèchement qu'il ne l'avait voulu.

- Non, répondit-elle froidement. Ça aussi, tu le sais très bien. Arrête de me pousser, s'il-te-plaît.

- Je ne te pousse pas, je te tends des perches.

- Sirius, s'il-te-plaît.

Il soupira profondément et l'attira un peu plus contre lui. Elle se laissa faire, l'enlaça à son tour et cala son visage sous son menton. Ils avaient cessé de se mouvoir mais ça n'avait pas la moindre importance.

- Dis-moi juste... Dis-moi juste si je n'espère pas en pure perte. Et ne me réponds pas que je le sais.

Elle enfouit un peu plus son visage contre son cou. Il sentait sa poitrine se lever et s'abaisser au rythme effréné des battements de son cœur. Enfin, elle murmura, de façon presque imperceptible :

- Ce n'est pas en pure perte.

- Ce n'est pas exactement ce que j'attendais, souffla-t-il contre sa tempe.

- Je suis désolée, gémit-elle. Je ne peux pas...

- Ça n'a pas d'importance.

Elle s'écarta brusquement et le cœur de Sirius se serra lorsqu'il aperçut ses yeux rouges.

- Ça en a pour toi, protesta-t-elle. Et je ne peux pas...

- Pourquoi tu ne peux pas ?

Elle secoua la tête, incapable d'en dire plus. Il allait renoncer lorsqu'elle plaça ses mains sur ses joues. Il eut juste le temps d'apercevoir ses yeux bleus avant qu'elle ne l'embrasse. Cela ne dura qu'un instant – un instant qui foudroya Sirius sur place.

Ethel se détacha de lui et s'enfuit avant qu'il n'ait eu le temps de reprendre ses esprits. De l'autre côté du jardin, Remus et Margaret l'observaient, la mâchoire décrochée. Il n'avait donc pas rêvé.

- Où est-ce qu'elle est partie ? Balbutia-t-il.

Remus désigna la maison et Sirius s'y rua aussitôt. Mais il eut beau la fouiller, il n'y trouva pas la jeune femme. Son sac à main avait disparu. Il alla se planter dans la rue, avec l'absurde espoir qu'elle était simplement sortie se promener. Il attendit, mais elle ne revint pas. Il sourit aux étoiles. Ça n'avait pas d'importance. Elle finirait par lui revenir.

- Je le sais très bien, murmura-t-il.

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