Partie III - Chapitre 38
Chapitre 38
Sirius s'adossa à un des piliers de la gare, sa cigarette coincée entre les lèvres. James avait presque arrêté de fumer, même si Lily ne lui avait jamais rien dit. Sa réprobation silencieuse lui pesait sans doute plus que des reproches. Lui-même ne comptait pas se priver de ces quelques instants de détente.
Des familles commencèrent enfin à sortir du quai 9 3/4. Le jeune homme fut frappé par l'air inquiet des parents, qui jetaient des coups d'œil furtifs autour d'eux. Il ne s'était pas rendu compte que la peur était omniprésente chez n'importe quel Sorcier comme elle l'était chez les membres de l'Ordre. Il y avait des sourires et des blagues, mais l'habituelle insouciance des fins d'années manquait. Après tout, aucun endroit n'était plus sûr que Poudlard et tous les jeunes Sorciers venaient de quitter l'école.
Le cœur serré, Sirius oublia un temps pourquoi il était là. Puis l'apparition d'un jeune homme à l'air austère l'arracha de ses pensées. Il traînait sa malle derrière lui en essayant d'avoir l'air digne. Comme Sirius le pensait, il était seul. Il écrasa sa cigarette sous sa chaussure avant de s'avancer dans le hall de King's Cross pour barrer le chemin à son frère. Regulus écarquilla les yeux en le voyant surgir sur son chemin mais il n'eut pas le temps de protester : Sirius l'attrapa par le bras et le traîna à l'écart de la foule, dans un coin sale où s'entassaient plumes et fientes de pigeon.
- Qu'est-ce que tu fous là ? Gronda Regulus en essayant, sans succès, de se libérer de la poigne de son frère.
- Ne rejoins pas les Mangemorts, asséna Sirius sans répondre à sa question. On ne fait peut-être plus partie de la même famille mais s'il te plaît, ne fais pas ça.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ? Lâche-moi, bon sang !
- Pas avant que tu m'aies promis de ne pas le faire.
- Je fais ce que je veux !
- Arrête de faire le bébé et réfléchis deux minutes ! Explosa Sirius. Tu veux vraiment te joindre à ça ? Il tue des innocents !
- Des moins que rien !
Son frère aîné lui tordit le bras dans le dos. Regulus poussa un cri de douleur dont il ne tint pas compte. Le visage déformé par la colère, il siffla :
- Ne t'avise plus jamais de dire ça.
- Je vais me gêner, grinça-t-il.
- Ce sont des êtres humains !
- C'est toi qui le dis.
- Espèce d'imbécile.
- C'est comme ça que tu espères me convaincre de rallier ton camp ?
- J'ai perdu tout espoir il y a trente secondes. Je ne pensais pas qu'on t'avait lavé le cerveau à ce point.
Sirius le lâcha et recula d'un pas. Il s'aperçut alors que Regulus avait lâché sa malle pour saisir sa baguette. Pourtant, il ne l'avait pas utilisée. Les deux frères se fixèrent un moment en silence. Sirius articula enfin :
- Tu vas te faire tuer.
- Parle pour toi.
- Si je te vois faire du mal à quelqu'un au nom de tes principes débiles, je ferai tout ce que je peux pour t'arrêter.
- Si on me donne l'ordre de te tuer, je le ferai, répliqua Regulus sans ciller.
Sirius eut un sourire narquois.
- T'es bien trop faible pour ça.
- C'est faux !
Le jeune homme éclata de rire. Regulus réagissait toujours comme un enfant.
- Adieu, morveux ! s'exclama-t-il sans tenir compte de son air dépité.
Il était à peu près certain qu'il s'agissait des derniers mots qu'il échangerait jamais avec son frère. Il sortit une autre cigarette de son paquet tout en quittant la gare. Regulus était un petit imbécile pour lequel il ne pouvait plus rien, et c'était presque un soulagement. Presque. Il retrouva sa moto garée devant King's Cross, l'enfourcha et mit les gaz. Faire des tournées de surveillance impromptues dans Londres était l'une des choses qu'il préférait.
Lorsqu'il revint au QG, la nuit était en train de tomber. Lily se trouvait dans la cuisine, plongée dans un monceau de parchemins qui concernaient certainement son mariage. Il tira une chaise près d'elle avant de s'affaler sur la table.
- Sirius ! Tu prends toute la place !
- C'est toi qui prends toute la place, protesta-t-il d'une voix étouffée.
- J'ai du travail.
- Tout ce qui ne concerne pas l'Ordre n'est pas du travail. C'est du loisir.
- Se marier n'a rien d'un loisir, grogna-t-elle avant de tirer un parchemin qui était coincé sous sa tête.
Sirius se redressa subitement pour la fixer.
- Alors pourquoi tu le fais ?
- Pourquoi je fais quoi ?
- Pourquoi tu te maries ?
- Parce que James me l'a demandé ?
- Lily ! Pourquoi tu te maries vraiment ?
La jeune femme soupira, lâcha la lettre qu'elle tenait et appuya son visage sur sa main.
- Parce que je ne veux pas de provisoire.
- Un couple est forcément provisoire sans mariage ?
- Tant qu'on n'est pas mariés, il y a toujours une porte de sortie. Enfin c'est la façon dont je vois les choses. Et puis... j'aime James, c'est tout. Je veux qu'il sache que je me donne totalement et complètement à lui parce que je lui fais confiance.
Sirius afficha un air perplexe qui la fit sourire.
- Est-ce que ce n'est pas un peu extrême ?
- Pas s'il voit les choses comme moi – et je sais que c'est le cas. Je me donne à lui, il se donne à moi, et on est sur un pied d'égalité.
Le jeune homme fit la moue puis secoua la tête.
- Toujours pas convaincu.
Lily haussa les épaules, fataliste.
- Je ne te demande pas de l'être. Essaie juste d'avoir l'air heureux pour James dans dix jours, ok ?
- Je suis heureux pour vous ! Protesta-t-il. Ça m'échappe un peu, c'est tout. Je veux dire, vous vivez déjà ensemble, qu'est-ce que ça vous apporte de vous marier ?
- Une nouvelle vie. Des projets. La certitude qu'on sera toujours là l'un pour l'autre, quoi qu'il arrive. Une famille ! Bref, plein de choses.
- Que tu peux avoir sans te marier, riposta-t-il.
- Si tu le dis. Mais ça me paraîtrait égoïste de ne pas épouser James.
- Quoi ?
- C'est ce que je te disais à l'instant sur la porte de sortie. Ça me donnerait l'impression que je me laisse la possibilité de changer tout d'un coup d'avis parce qu'il m'agace un peu, sans me soucier de savoir si ça va lui briser le cœur. Ce serait comme si je restais avec lui simplement en attendant de trouver mieux, ou me disant « oui, mais si je rencontre quelqu'un qui me plaît plus ? ». Je n'ai plus envie de penser à moi, Sirius. Je veux juste penser à lui – et je veux qu'il le sache. C'est pour ça que je veux me marier avec lui. Pour ne plus être égoïste.
- Donc même si tu ne l'aimes plus tu vas rester avec lui pour qu'il soit heureux, alors que toi ça te rend malheureuse ?
- Si je ne l'aime plus on travaillera pour réparer notre couple, rectifia-t-elle. S'il est heureux c'est parce que je suis heureuse, et vice-versa. Et non, ce n'est pas présomptueux de dire ça. C'est un des principes de base du mariage, si tu veux mon avis. Travailler à rendre l'autre heureux, parce que c'est ça qui te rendra heureux.
- Ce n'est pas égoïste, ça ?
- Disons que le mariage est un drôle de mélange entre l'abnégation la plus totale et l'égoïsme, proposa Lily.
Sirius la fixa un instant avant de secouer la tête.
- Tu m'embrouilles plus qu'autre chose.
- Désolée, sourit-elle. C'est pourtant clair dans ma tête.
- Parce que c'est toi la mariée.
Elle eut un sourire joyeux.
- Peut-être bien. Enfin, si je me trouve un témoin.
- Tu n'as pas de témoin ? S'étonna-t-il. Et Jenny et Maggy ?
- Justement, laquelle des deux ? Gémit-elle. Je me pose la question depuis un mois et je n'ai toujours pas décidé.
- Demande à Maugrey.
- Idiot, pouffa-t-elle. Mais pourquoi est-ce que les Sorciers ne peuvent avoir qu'un seul témoin, hein ? Si je pouvais choisir Jenny et Margaret ensemble ce serait beaucoup plus simple. Là, je sais que je vais en blesser une.
- Pourquoi ? Ça n'a pas dérangé Peter et Remus de ne pas être témoins.
- Vous avez toujours fonctionné comme ça, avec les Maraudeurs. James et toi, vous avez toujours eu un lien spécial.
Il haussa les épaules.
- Il m'a surtout demandé d'être son témoin pour se faire pardonner.
- Il te l'a demandé parce que tu es comme son frère, et tu le sais très bien.
- Comme ça il remplace le vrai ! S'exclama-t-il pour cacher son émotion.
- Regulus ?
- Il vient de me dire qu'il me tuerait sans hésiter si on lui en donnait l'ordre, expliqua-t-il nonchalamment.
Lily le fixa un instant, consternée.
- Quand est-ce que...
- C'était la fin de l'année scolaire, aujourd'hui. Je suis allé l'attendre à King's Cross pour essayer de le raisonner une dernière fois. Voilà ce que ça a donné.
- Quel petit crétin, marmonna-t-elle. Sirius, je suis désolée.
- Pas moi. Il va se faire tuer, et il l'aura bien cherché.
Elle se mordit la lèvre, incertaine.
- Tu es sûr que ...
- Lily, ça va. Ça fait des années qu'on ne se parle plus. Tant pis pour lui. Je lui ai dit adieu pour de bon, cette fois.
Elle soupira et agita tristement la lettre qu'elle avait délaissée.
- Ma mère vient de m'annoncer que Pétunia refusait de venir à mon mariage de monstres. Je ne pense pas non plus qu'on se reverra un jour.
- Eh, Lily... Tu te rappelles quand je t'ai proposé qu'on soit tous les deux des monstres, quand on était en septième année ?
- Comment oublier ça !
- J'avais tort, en fait. On s'en fiche complètement que notre famille ne nous accepte pas. Franchement, est-ce que tu as besoin de Pétunia dans ta vie ? Tu n'es pas un monstre, pas plus que je ne suis un traître. Tu n'as pas besoin de te laisser définir par elle. Elle ne t'aime pas, tant pis. Il y a tes parents, James, tes amis...
Elle lui sourit, les yeux brillants.
- Tu vois, tu comprends quelque chose au mariage, finalement. C'est plus ou moins ce que j'ai dit à James, le soir du mariage de Pétunia. Que je n'avais pas besoin d'elle puisqu'on allait fonder une nouvelle famille, tous les deux.
- Alors pourquoi est-ce que tu te laisses encore atteindre par ta sœur ? Viens, on va brûler cette lettre !
- Quoi ? Non ! Il y a d'autres informations importantes !
Elle se mit à rire alors qu'il se jetait sur elle pour attraper la lettre. Ils basculèrent sur le sol avec fracas et Lily roula sur la lettre pour la garder loin des mains de Sirius. Il se mit à la chatouiller et ils finirent allongés hilares sur le carrelage.
- Imbécile, pouffa Lily en défroissant sa lettre. On aurait dit Patmol.
- Ça ne me paraît pas tout à fait absurde, comme idée, rit-il.
Il se releva avant de la repousser pour l'empêcher de faire de même. Elle poussa un cri offusqué qui redoubla son hilarité. Lorsque Lily eut enfin réussi à regagner sa chaise après quelques tentatives ratées et un coup de pied dans le mollet de son agresseur, elle le considéra un instant en silence avant de lancer :
- Eh, Sirius ?
- Hmm ?
- Tu veux bien être mon témoin ?
***
Remus traversa l'atrium du Ministère, le regard fixé droit devant lui. Il s'était habitué au décor depuis longtemps et il savait qu'il valait mieux pour les membres de l'Ordre qu'ils ne s'attardent pas trop dans des endroits où on pourrait leur poser des questions. Il monta dans un ascenseur juste avant que les grilles dorées ne se referment. Quelques Sorciers lui jetèrent un coup d'œil désintéressé avant de replonger dans leurs papiers. Un hibou se posa sur l'épaule d'un petit Sorcier et lâcha une fiente sur sa robe. Tout le monde soupira à l'unisson puis quelqu'un commenta :
- Il faut vraiment qu'on change ce système.
- Je maintiens que les avions en papier sont une bonne idée, émit une autre personne.
- Ed, on en a déjà parlé, soupira une Sorcière. Je n'en parlerai pas au conseil d'administration.
Le débat continua ainsi alors que Remus se désolait du fait que le Ministère soit plus préoccupé par des avions en papier que par la guerre. Il arriva enfin à son étage et gagna le Bureau des Aurors. Évidemment, le bureau de Maugrey était vide. Le jeune homme jura. Tout le monde arrivait à trouver l'Auror, sauf lui. Après un soupir, il fit demi-tour et se décida à descendre quelques étages plus bas pour aller voir Edgar Bones.
Il frappa à la porte de son bureau quelques minutes plus tard puis entra sur l'invitation du Sorcier. Comme souvent, la pièce était envahie par épais nuage de fumée. Remus toussota. Il distinguait tout de même Edgar, avachi à son bureau. Le jeune homme réalisa brusquement qu'il aurait dû être en train de siéger avec le Magenmagot.
- Bonjour, tenta-t-il prudemment.
Un grognement lui répondit. Il s'avança un peu plus et tressaillit en voyant le visage de son interlocuteur. Ses yeux rouges et injectés de sang étaient entourés de larges cernes et il semblait avoir maigri.
- Vous... Vous allez bien ?
- Ouais.
Il écrasa son cigare dans un cendrier déjà plein avant de demander d'une voix lasse :
- Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
- Je cherche à contacter Dorcas Meadowes.
- La plupart des gens fuient cette femme comme la peste, fit remarquer Bones.
- Je dois l'accompagner pour une mission mais il fallait que je le lui confirme. Vous savez comment je peux la joindre ?
- Elle traîne souvent dans un bar sorcier louche d'Oxford, le samedi soir. Je crois qu'elle se fait passer pour une trafiquante de bêtes magiques. Le Scamanpub, je crois.
- Comme Scamander ?
- Ouais.
- Eh bien... merci.
Edgar renifla.
- A ton service.
- Dites... vous n'êtes pas censé être avec le Magenmagot ?
- On m'a mis dehors. Il paraît que j'étais trop soûl. Enfin, comme ça je suis payé à ne rien faire.
- Ça vous ferait peut-être du bien de faire quelque chose, proposa Remus après un instant d'hésitation. Vos petits-enfants...
- Mes petits-enfants réclament leur mère trois fois par jour, coupa Bones d'une voix tremblante. Et puis.... (il déglutit pour reprendre contenance et acheva d'un ton léger :) Ma femme ne veut pas que je fume quand je suis avec eux.
Remus lui adressa un sourire de façade avant de lui tendre la main.
- Merci pour votre aide. On serait content de vous voir au QG, un de ces quatre.
Edgar serra sa main dans la sienne tout en le remerciant d'une voix émue. Remus fit un mouvement pour quitter la pièce avant de demander :
- Ça vous ne dérange pas si je laisse la porte entrouverte ? Pour aérer un peu.
- Oui...Oui, c'est une bonne idée.
Le jeune homme s'exécuta avant de quitter le Ministère, le cœur gros. Edgar Bones était l'un des Sorciers les plus intelligents de sa génération, il le savait. Le voir réduit à cet état lui faisait mal au cœur.
C'est passablement déprimé qu'il rentra au QG. Deux jours plus tard, il errait dans les rues d'Oxford, les Maraudeurs à ses côtés. Lorsqu'il avait annoncé à ses amis qu'il devait se rendre dans un bar louche, ils avaient sauté sur l'occasion. Sirius avait décrété que ce serait l'enterrement de vie de garçon de James. Quand Lily l'avait appris, elle s'était simplement déclarée soulagée qu'ils ne le fassent pas la veille du mariage parce qu'elle ne se faisait guère de doute sur l'état dans lequel ils allaient tous finir.
- C'est là ?
- Non.
- Pourtant ça a l'air louche.
- Patmol, la ferme ! Tu vas nous attirer des ennuis.
- Non, puisqu'on est pas encore dans le quartier louche.
- On est dans le quartier louche mais il y a encore plus louche. Merlin, tu me donnes mal au crâne.
- T'es vraiment une petite vieille Lunard. Ça fait trop longtemps que tu n'es pas sorti.
- Tu ne te rappelles pas, grinça-t-il, j'avais rendez-vous avec la lune au début de la semaine.
- Oh, allez, détend-toi ! Asséna James en abattant son bras sur ses épaules. On est là pour faire la fête.
- On est là pour trouver quelqu'un surtout. C'est peut-être là ?
Le jeune homme désignait une allée particulièrement sombre. Un panneau indiquait qu'elle s'appelait Hollywood Alley. Sous le nom en anglais, on pouvait lire des caractères en runes.
- Ouais, vraisemblablement, approuva Sirius. Même si je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il y a écrit.
- Sans doute un truc glauque, commenta Peter. Du genre « Les survivants seront poursuivis ».
- D'où est-ce que tu sors ça ? Pouffa James. Bon on y va ?
Il poussa Remus dans l'allée. Quelques notes leur parvinrent alors qu'ils s'enfonçaient dans les ténèbres. Sirius murmura un mot et l'extrémité de sa baguette s'alluma. Au bout de quelques secondes, il y eut un « pop » et une porte apparut sur le mur.
- Bingo, s'exclama Sirius.
Il poussa le battant et s'engouffra à l'intérieur, suivi des deux autres. Remus entra après eux, plus méfiant. Une odeur d'alcool bon marché et de vieux tabac l'assaillit. Bones n'avait pas menti, ce bar n'avait rien du Chaudron Baveur. Des Sorciers et créatures de toutes espèces étaient rassemblées dans la petite pièce obscure. Elle était si mal éclairée qu'il n'en distinguait pas bien les limites.
- Eh, il y a du sang sur cette table, commenta Peter alors qu'ils se faufilaient entre des meubles en bois sévèrement amochés.
Ils parvinrent au comptoir, où un Sorcier borgne officiait.
- Quatre Whisky-Pur-Feu, demanda Sirius, très à l'aise.
L'homme le fixa un instant de son unique œil avant de hocher la tête.
- On se croirait à la Tête-de-Sanglier, souffla James, extatique. Merci Remus, je n'aurais pas pu rêver mieux pour mon enterrement de vie de garçon !
- Ce qui me désole le plus, c'est que je sais que tu es sincère, répondit-il en fouillant la pièce du regard.
Les autres ricanèrent alors qu'il comptait trois Sorciers cachés sous d'immenses capuches ou des bandelettes, deux gobelins qui se montraient leur dague, un être indéfinissable qui semblait à moitié Être de l'eau, à moitié troll, et quatre autres Sorciers qui avaient l'air normal. A première vue, nulle trace de Dorcas. Remus espérait qu'elle viendrait vers lui.
Ils saisirent leur verre et se dirigèrent vers une table, non loin de celle de l'hybride. James et Sirius ne se gênaient d'ailleurs pas pour le dévisager tout en faisant des commentaires à voix basse.
- Bien sûr que c'est une femme. Regarde, elle a des seins !
- Mais non, il a plein de poils sur le torse.
- C'est ta strip-teaseuse James, plaisanta Peter.
Ils pouffèrent de concert. Fort heureusement, la créature garda les yeux fixés sur son verre. Remus n'osait pas imaginer ce qu'il adviendrait d'eux si jamais elle entendait leur conversation.
- Vous ne voulez pas être un peu plus discrets ? Marmonna-t-il.
- Détends-toi Mumus ! Protesta James en lui assénant une tape dans le dos. C'est la fête ! Peut-être même que Dorcas ne viendra pas !
- Moins fort ! Et puis je n'ai pas demandé à ce que vous m'accompagniez.
- Quel rabat-joie, sourit Sirius. Tu es ravi qu'on soit là !
Remus se contenta de grogner tout en jetant un coup d'œil discret autour de lui. Une personne était entrée et s'était assise au comptoir, mais il n'avait aucun moyen de savoir si c'était Dorcas.
Un verre apparut dans son champ de vision. Il se concentra à nouveau sur ses amis et croisa le regard de Peter, qui poussa un peu plus le whisky vers lui. Avec un soupir, il se résigna à le prendre. Une demi-heure – et beaucoup trop de verres pour un laps de temps si court – après, il avait presque oublié pourquoi il était là. Sirius s'était lancé dans une tirade anti-mariage pour essayer de persuader James de rester vieux garçon avec lui. Ils riaient si fort qu'ils n'entendirent pas les deux gobelins renverser leurs chaises, pas plus que l'éclat de leur voix nasillarde. Ce n'est que lorsque la table tomba au sol avec fracas, emportant les verres et bouteilles posées dessus, qu'ils sursautèrent.
Les gobelins roulèrent au sol avec des cris perçants. L'hybride se redressa, sortit une sarbacane de sa poche et la pointa vers la table des Maraudeurs. Sirius poussa un cri d'avertissement mais c'était trop tard : James s'écroula avec un cri, la main plaquée sur son cou. Il s'affala sur la table alors que Peter disparaissait subitement. Remus sentit un animal glisser entre ses jambes mais n'y prêta pas vraiment attention, trop occupé à empêcher Sirius de tirer sur tout le monde. Il le plaqua au sol et le sort qu'il destinait à l'hybride fit exploser une lampe.
Sirius poussa un cri de rage qui se perdit dans les hurlements des gobelins. D'après l'odeur du sang qui montait, l'un avait dû poignarder l'autre. Remus n'avait pas le temps de regarder : il balança un coup de pied dans le tibia de l'hybride, qui s'écroula sur eux. Sirius se jeta aussitôt sur lui et coinça ses doigts aux longues griffes au-dessus de sa tête. L'animal – Remus avait dû mal à le voir autrement à cet instant précis – feula tout en se débattant. Alors qu'il allait lui pointer sa baguette sous la gorge pour obtenir des explications, il y eut une détonation. Même le gobelin blessé cessa de gémir. Sirius continua à fixer l'hybride, les mâchoires serrées, mais Remus se retourna. Dans l'entrée se tenait un Sorcier, sa capuche rabattue sur la tête. Il pointait sa baguette vers eux.
- Athénaïs !
L'hybride feula à nouveau.
- Pourquoi tu t'attaques à ces blanc-becs ?
Sirius sauta sur ses pieds et se rua vers le Sorcier, les traits déformés par la fureur. Celui-ci l'arrêta d'un simple mouvement de baguette.
- Qu'est-ce qu'elle a fait à James ? Hurla-t-il, sa baguette tendue vers le nouveau venu. C'était quoi ? Qu'est-ce que vous nous voulez ?
Remus allait lui crier de se calmer lorsqu'on le plaqua au sol. Il voulut protester mais on releva sa tête en lui tirant les cheveux pour glisser une griffe sous son cou. Lorsqu'il déglutit, il la sentit entailler sa peau.
- Athénaïs, soupira le Sorcier, qui tenait toujours Sirius en respect. Laisse-le partir.
- Il a parlé de toi, croassa l'hybride.
- Vraiment ? Dans ce cas il ne connaît rien à la prudence la plus élémentaire. Laisse-le partir.
- Seulement si tu me dis où se trouve ce satané document !
- Laisse-le partir d'abord, ensuite on parlera. Une fois que j'aurai touché deux mots à ce garçon et que tu leur auras donné l'antidote. Est-ce que quelqu'un veut bien faire taire ce gobelin ?
Sirius, subjugué par le calme du Sorcier, se retourna. Remus aurait bien fait de même mais il avait malheureusement l'équivalent d'une dague sous la gorge. Il entendit des bruits de pas, puis un bruit écœurant. Le gobelin avait cessé de gémir.
Le Sorcier expira bruyamment.
- Merde, Sully, tu ne pouvais pas le soigner ?
- Je suis sûr qu'au moins un organe vital était touché, rétorqua avec flegme le dénommé Sully. Bon, l'hybride, tu lâches ton otage ? J'aimerais bien reprendre ma soirée tranquillement. Eh, Tip, sors-moi ce macchabée.
La pression sous la gorge de Remus se fit moins forte. Enfin, l'hybride lâcha ses cheveux. Son visage s'écrasa au sol. Il gémit mais respira plus librement lorsque la dénommée Athénaïs se leva. Il voulut se redresser mais une main le saisit par le col et le souleva du sol. Sonné, il fit face un instant au visage du Sorcier. Il voulut ouvrir la bouche mais il lui fit signe de se taire et le repoussa contre une table.
- Athénaïs, je compte sur toi pour que ce garçon ait retrouvé ses esprits quand je reviendrai. Pas de blague, sinon tu ne reverras jamais le soleil.
Remus n'eut pas le temps de déchiffrer l'expression sur le visage de l'hybride ; le Sorcier l'attrapa par le bras et le traîna vers un coin de la salle. Il ouvrit une porte, le poussa à l'intérieur et referma derrière lui. Remus fit volte-face, juste à temps pour voir Dorcas arracher sa capuche. Elle était furieuse.
- Mais qu'est-ce que tu fais là ? Vociféra-t-elle.
- Euh, je... je cherchais à vous contacter.
- Qui t'a envoyé ici ?
- Euh ...
Il jeta un coup d'œil inquiet à la porte. Dorcas soupira bruyamment.
- C'est insonorisé. Cette pièce est l'un des endroits les plus discrets du monde, malgré les apparences.
Remus scruta les murs couverts de moisissures et le parquet défoncé avant de hausser les épaules.
- Edgar Bones.
Dorcas leva les yeux au ciel.
- Quel imbécile. Je n'arrive pas à croire que tu aies dit mon nom !
- Ce n'était pas moi ! C'est la faute de James.
Il se mordit la lèvre, conscient d'avoir répondu de manière puérile. Il marmonna :
- Excusez-moi.
- Pourquoi est-ce que tu as amené ta petite bande ?
- Ils se sont imposés. Vous allez avoir des ennuis ?
- Non, mais vous auriez pu en avoir. Athénaïs n'est pas du genre miséricordieuse. Si je n'étais pas arrivée, elle vous aurait sans doute tous enfermés et torturés jusqu'à ce que je la trouve.
- Quoi ? Mais pourquoi ?
- Chantage, répondit Dorcas, impassible. Qu'est-ce que tu voulais me dire ?
Remus ferma un instant les yeux pour reprendre ses esprits.
- Euh... La mission. J'en suis.
- Mouais. Après ce soir, je ne sais pas si je veux de toi.
- Mais...
- On part dans deux semaines. Emporte le strict minimum pour survivre en montagne.
- Ça va durer combien de temps ?
- Aucune idée. Allez, dehors. Je ne veux plus jamais te revoir ici. Oh, et laisse un pourboire généreux à Sully si tu veux sortir de l'allée vivant.
Il ouvrit de grands yeux mais ne put pas poser plus de questions ; elle le poussa dehors sans cérémonie et claqua la porte derrière lui. Dans la salle, tous avaient les yeux rivés sur lui. Il se racla la gorge, évita de regarder la flaque de sang qui tachait le parquet derrière leur table et rejoignit ses amis. Peter était de retour et James semblait reprendre doucement ses esprits. Quant à Sirius, il noyait sa détresse dans le whisky.
- Venez, on se tira, marmonna Remus en tirant James par le bras.
Le jeune homme chancela, marmonna quelques mots incompréhensibles et s'agrippa à son ami. Il fouilla dans sa poche de sa main libre, en tira beaucoup plus de gallions que nécessaires et les jeta sur la table. Il croisa le regard sombre de l'hybride en sortant mais n'y prêta pas attention. Ils cheminèrent en silence dans Oxford jusqu'à ce que Sirius propose :
- Ce qui s'est passé au Scamanbar...
- Reste au Scamanbar, s'empressa d'acquiescer Peter.
- Sûr que c'était pas ton heure de gloire, railla Remus, qui soutenait toujours James. Est-ce que tu t'es vraiment transformé en rat ?
- J'ai paniqué ! Protesta-t-il, cramoisi.
- Sirius aussi. J'ai cru que tu allais atomiser tout le monde.
- Eh, t'as fini Lunard ?
L'interpellé ricana avant d'enchaîner sur plus demoqueries. Au moins, la soirée n'était pas perdue pour lui.
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