Partie III - Chapitre 36

Chapitre 36

- On est obligé d'y aller ? Geignit James, vautré sur son lit.

- Toi, non, mais je mettrai du temps à te pardonner.

- Mais Lily, ils me détestent tous les deux !

- Ils me détestent aussi, remarqua la jeune femme en jetant une paire de chaussures dans son sac.

- Non, c'est ta sœur.

- Ça ne l'a jamais dérangée.

- Ne dis pas ça. Toi, tu l'aimes, non ?

Lily se figea, face à l'armoire. Ses épaules s'affaissèrent.

- Oui. Mais ça ne veut pas forcément dire que la réciproque est vraie.

- Tu es sa demoiselle d'honneur, ça doit bien vouloir dire quelque chose.

- James, est-ce que tu veux bien préparer tes affaires au lieu d'essayer d'analyser Pétunia ?

Il grommela quelques insanités mais se redressa. Ils étaient attendus pour dîner chez les Evans. Pétunia se mariait le lendemain. Il jeta quelques affaires dans son sac, attrapa son costume dans l'armoire et le posa sur le lit après avoir ôté sa cape du cintre. Mr. Evans devait lui fournir une veste de costume moldue.

- Excuse-moi.

Il se tourna vers Lily, surpris. Elle avait l'air honteux.

- Je n'aurais pas dû te parler comme ça, expliqua-t-elle.

Il soupira et alla jusqu'à elle pour déposer un baiser sur son front. Elle posa ses mains sur sa taille pour l'empêcher de partir et ils restèrent un moment enlacés.

- Ça t'angoisse à ce point-là ? Interrogea-t-il doucement.

- C'est notre dernière chance. Une fois qu'elle sera mariée, ce ne sera plus jamais pareil.

- Elle restera toujours ta sœur.

- Mais si ça pouvait être autrement que biologiquement, ce serait bien aussi.

- Certes. Allez, il faut qu'on y aille. On va être en retard sinon.

Elle hocha la tête avec un soupir et s'écarta pour boucler son sac. Lorsqu'ils arrivèrent chez les Evans, vingt minutes plus tard, ils trouvèrent la porte d'entrée grande ouverte. Patrick Evans était assis par terre, occupé à dresser l'inventaire d'un carton débordant de rubans et de tulle. Il releva à peine les yeux en les entendant mais adressa tout de même un sourire furtif à sa fille.

- Salut ma chérie. Tu veux bien aller dans la chambre de Pétunia ? Je crois que ta mère est en train de se battre avec des fleurs.

- Mais Papa, gémit Lily en laissant tomber son sac par terre. On vient juste d'arriver !

- Oui, et moi ça fait six mois que j'organise ce mariage, rétorqua-t-il en refermant sa boîte pour en prendre une deuxième. Oh, bonsoir James. Tu veux bien m'aider à compter les sachets de chocolat ? Lily, les fleurs !

La jeune femme s'exécuta en râlant comme un putois tandis que James se laissait tomber près de son futur beau-père. Il attrapa un carton et gémit devant la profusion de sachets qui s'y trouvaient.

- Il y aura combien d'invités ?

- Beaucoup trop, marmonna Patrick. Ce mariage va nous ruiner. Vous ne comptez pas vous marier tout de suite, Lily et toi, hein ?

- On n'en a pas parlé, répondit distraitement James en commençant à empiler des petits sacs sur le sol. Ce ne sera pas un gros mariage, de toute façon. Enfin, j'imagine. Merlin, il faut vraiment qu'on en discute.

- Vous feriez mieux de vous y mettre, parce que l'organisation de ce mariage nous a pris un temps fou. La famille de Vernon a pinaillé sur un tas de détails invraisemblables...

- Tant que je peux épouser Lily, j'avoue que je me fiche éperdument de savoir si les invités repartiront avec leurs chocolats ou non.

Comme aucune réponse ne lui parvenait, il releva la tête et croisa le regard inquisiteur de Patrick. Il déglutit, mal à l'aise.

- Je sais qu'une des raisons pour lesquelles Pétunia se marie maintenant, à seulement vingt ans, c'est qu'elle veut fuir notre maison, commença Patrick d'une voix lente. Elle veut fuir Carbone-les-Mines, sa sorcière de sœur et ses vieux parents, et je peux le comprendre même si ça me fend le cœur. Mais toi, James ? Pourquoi vouloir épouser Lily maintenant ?

James laissa retomber le sachet qu'il tenait dans la boîte et se mordit un instant les lèvres avant de répondre prudemment :

- On aurait fini par se marier de toute façon, alors pourquoi attendre ?

- Comment peux-tu en être si sûr ?

- Et vous, comment avez-vous su que vous vouliez épouser Philippa ? Rétorqua James.

Ils se jaugèrent du regard quelques instants. L'arrivée de Lily les tira finalement de leur affrontement silencieux. Ils se tournèrent tous deux vers l'escalier, qu'elle descendait à pas lourds, les bras chargés de fleurs.

- Maman vous informe que nous ne dînerons pas tant que vous n'aurez pas compté tous ces machins et que toutes les fleurs n'auront pas été mises dans le jardin, lança-t-elle en titubant jusqu'à la cuisine.

- Cette femme est un tyran, marmonna Patrick avant de reprendre son comptage.

Il n'adressa plus un mot à James, le laissant seul avec ses pensées.

***

Ils ne passèrent à table qu'une heure plus tard. Philippa resta plongée dans des listes qu'elle parcourait en marmonnant. Alors que Patrick faisait passer la salade, James interrogea :

- Pétunia n'est pas là ?

Lily se figea. Elle n'avait pas osé poser la question depuis leur arrivée.

- Vernon et elle ont dîné ici hier soir, expliqua prudemment son père. Du coup ils sont chez les Dursley ce soir.

- Elle n'est pas trop angoissée ? Se força à demander Lily en tentant de ne pas penser au fait que Pétunia avait sans doute organisé ça pour être sûre de ne pas croiser sa sœur plus que nécessaire.

- Perfectionniste comme elle est, si, répondit sa mère. Seigneur, je n'en peux plus !

- On va ranger tout ça pour le moment, dans ce cas, annonça Patrick avant de lui arracher ses listes des mains.

Philippa protesta un peu mais elle finit par capituler et se jeta sur sa salade comme si elle n'avait pas mangé depuis des jours.

- Je suis désolée de ne pas avoir pu vous aider plus tôt, s'excusa Lily en jetant un œil coupable à la liasse de papiers que tenait toujours son père.

- J'imagine que vous étiez très occupés, répondit sa mère avec un sourire crispé. Mais je te préviens, ma chérie, il va bien falloir que tu organises ton propre mariage !

- Ah, marmonna Lily en jouant avec sa salade. Zut.

- Ce sera un petit mariage, d'après James, intervint Patrick.

Lily adressa un regard interloqué à l'intéressé, qui lui servit un sourire gêné.

- C'était une supposition, s'empressa-t-il de rectifier.

- De toute façon, qu'on ne vienne pas me parler d'un autre mariage que celui de Tunie avant la semaine prochaine, trancha Philippa. Cette cérémonie va me tuer.

- Une fois que ça aura commencé, ça ira mieux, tenta de tempérer Patrick.

- Quoi ? Bien sûr que non ! Il va falloir vérifier que c'est bien le champagne du cocktail qui est servi au cocktail, et non celui du dessert, empêcher Betty de mettre ses doigts dans le gâteau...

- Phil ! Elle ne l'a fait qu'une fois, et c'était parce qu'elle avait trop bu !

- Empêcher Betty de trop boire, riposta-t-elle, surveiller le chien de Marge Dursley, réussir à amener tout le monde à table à la bonne heure, faire en sorte que George ne casse pas encore une vingtaine de verres...

- Phil, coupa à nouveau son mari, ce n'est pas la garderie, on ne te demande pas de t'occuper de tout le monde !

- Et si je ne le fais pas, qui le fera, hein ?

- Je m'en chargerai, si tu veux, offrit Lily. De toute façon, je ne connaîtrai personne à part la famille.

- Eh, protesta James, je suis là !

Elle lui adressa un sourire penaud et posa sa main sur la sienne par-dessus la table.

- Lily ! Glapit soudain sa mère. C'est ta bague de fiançailles ? Tu ne l'avais pas la dernière fois !

Gênée, la jeune femme ôta sa main de celle de son fiancé pour la tendre vers sa mère. Son père scrutait sa bague, impassible. Elle avait la bizarre impression de trahir ses parents en exhibant ainsi le fait que bientôt elle ne serait plus leur petite fille mais la femme de James – leur maison ne serait plus tout à fait la sienne.

- James, elle est superbe, s'exclama Philippa.

- Elle appartenait à ma mère.

- C'est si mignon, s'extasia-t-elle.

Lily secoua la tête avec un sourire atterré alors que James la couvait d'un air tendre.

- Mais je croyais que tu ne voulais pas entendre parler d'un autre mariage, Maman ? Souligna Lily.

- Oh, tais-toi, répondit-elle avec un coup de coude joueur pour sa fille. Et puis il y a mariage et mariage.

- Mais encore ? Railla son mari.

- Vous êtes infernaux, tous les deux ! Il y a le fait que mon tout petit bébé va se marier et l'organisation dudit mariage. Et l'un des deux est bien plus réjouissant que l'autre.

- Personnellement je trouve l'organisation du mariage plus plaisante.

- Patrick, gronda Phil. Tu m'as encore dit la semaine dernière comme ça te faisait plaisir que Lily épouse James.

- Phil ! Tu ruines ma couverture ! Siffla-t-il avec un regard faussement inquiet en direction de James.

- Vraiment James, il est très heureux, confia-t-elle avec un clin d'œil en direction de son futur gendre.

Il se mit à rire, accompagné de Lily. Il se montra bien plus détendu durant le reste du repas, faisant prendre conscience à Lily combien l'avis de son père l'angoissait. Ils passèrent encore deux heures à finaliser les préparatifs du mariage, une fois le repas terminé. Lily s'efforçait de se trouver de nouvelles occupations pour attendre le retour de Pétunia. Elle réussit à obliger un James tombant de fatigue à monter se coucher. Il découvrit avec plus ou moins de bonne humeur qu'il dormait dans la chambre d'amis mais s'y résigna sans trop rechigner ; il n'avait pas spécialement envie de se faire étriper par le père de Lily.

Lily se retrouva bientôt seule dans le salon, occupée à compter pour la deuxième fois les sachets de chocolats. Une voiture s'arrêta enfin devant la maison. Une portière claqua, et quelques instants plus tard Pétunia entra. Elle portait une robe habillée et était soigneusement maquillée, comme elle le faisait toujours lorsqu'elle se rendait chez les Dursley. Elle se figea lorsqu'elle aperçut sa sœur. Lily se redressa lentement et lança timidement :

- Salut Tunie.

- Salut.

- Tu as passé une bonne soirée ?

- Ouais. J'avais oublié que tu venais.

Lily fronça les sourcils, perdue.

- Que je venais ? A la maison ?

- A mon mariage.

- Mais... Pétunia, comment j'aurais pu rater ça ? Je suis ta demoiselle d'honneur, en plus !

Ce fut au tour de Pétunia d'afficher une expression perplexe.

- Ma demoiselle d'honneur ? Qui t'a dit ça ? C'est Emma, ma demoiselle d'honneur, certainement pas toi.

Elle avait craché les derniers mots. Elle retira sa veste d'un geste sec pour l'accrocher au porte-manteau, sans plus se soucier de sa sœur au bord des larmes.

- Maman m'avait dit que...

- Maman se fait des idées, coupa Pétunia en faisant volte-face. Qu'est-ce que tu t'imaginais, Lily ? Que les choses allaient s'arranger d'un claquement de doigts ? Tu as vu la façon dont ça s'est terminé, la dernière fois ? La façon dont toi et ce... ce garçon nous avaient traités ?

- Vernon et toi n'avaient pas été mieux !

- Mais moi au moins je me soucie de ma famille !

- Moi aussi !

- Ah oui ? Releva Pétunia d'une voix tremblante de colère. Combien de fois tu es venue voir Papa et Maman cette année ? Est-ce que tu t'es seulement demandée si on avait besoin de ton aide pour préparer mon mariage ? Je me marie demain, Lily, et tu n'es arrivée qu'aujourd'hui ! Pourquoi est-ce que j'aurais choisi une étrangère comme demoiselle d'honneur ?

Lily chancela comme si elle l'avait frappée.

- Je suis ta sœur ! Protesta-t-elle d'une voix tremblante.

- Ce n'est pas pour ça que tu fais partie de ma vie, trancha Pétunia. Et tu t'en es exclue toi-même.

- Tu m'as repoussée ! Quand je suis entrée à Poudlard, tu m'as traitée comme une moins que rien !

- C'est toi qui as décidé d'aller dans cette école de dégénérés !

- Parce que je suis une Sorcière, Pétunia ! Ça fait partie de moi !

- Personne ne t'obligeait à y aller ! A être comme eux !

- C'est dans ma nature !

- Dans ce cas, tu es vraiment un monstre, cracha-t-elle. Un monstre égoïste qui a abandonné sa famille pour rejoindre les autres monstres.

- Arrête de dire ça, hoqueta Lily. C'est faux, c'est complètement faux !

- Alors où étais-tu ces dix derniers mois ?

- Je me battais !

Cette exclamation eut le mérite de déstabiliser Pétunia, qui ouvrit de grands yeux.

- Quoi ?

- Toutes les destructions, les disparitions, toutes les morts bizarres dont parle la presse... C'est la guerre chez les Sorciers, Pétunia, expliqua Lily d'une voix tremblante. Et ça touche le monde moldu aussi.

- Quel est le rapport avec toi ?

- Je me bats. James aussi. On essaie... on essaie d'arrêter ça.

Pétunia la dévisagea quelques instants avant de conclure :

- Tu vois, j'avais raison. Vous êtes dangereux.

- Quoi ? Non, ce n'est pas... Pas plus que des Moldus !

- Je te préviens Lily, s'il se passe la moindre chose anormale demain...

- Il n'arrivera rien ! Je ne laisserai rien arriver le jour de ton mariage !

- Si tu n'étais pas venue, on en aurait au moins été sûrs.

- Comment tu peux dire ça ? Balbutia Lily.

- Comment tu as pu lâcher ta famille comme ça ? Rétorqua Pétunia. Tu passes ton temps à faire la victime Lily, mais tout ça, tu l'as cherché. Tu n'as jamais été là pour moi. Jamais. Alors ne viens pas te plaindre maintenant.

Sans laisser à sa sœur le temps de répondre, elle s'engagea dans les escaliers et disparut à l'étage. Lily resta prostrée dans le salon, anéantie. Les larmes commencèrent à dégringoler le long de son visage sans qu'elle ne puisse rien faire pour les arrêter. Elle se laissa tomber par terre, le corps secoué de violents sanglots, le cœur déchiré.

Une main se posa sur son épaule. Elle releva la tête et croisa le regard désolé de James. Il l'attira contre lui sans un mot. Elle s'agrippa à son t-shirt, dévastée, alors qu'il caressait doucement ses cheveux. Au bout d'un moment, il murmura :

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Elle me déteste, hoqueta-t-elle.

- Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

- Que j'avais... Que j'avais abandonné ma famille et que...

Sa voix s'étouffa dans un nouveau sanglot.

- Lily, calme-toi, chuchota-t-il en appuyant ses lèvres contre sa tempe. Tu n'as pas abandonné ta famille.

- Je ne viens jamais voir mes parents, bredouilla-t-elle, je...

- Moi aussi je vais rarement voir Papa, coupa-t-il d'une voix douce. C'est notre participation à l'Ordre du Phénix qui veut ça. Quand ce sera fini, ça ira mieux.

- Mais... Pétunia... Elle ne me pardonnera jamais.

Il l'écarta doucement de lui et prit son visage entre ses mains. Les larmes s'écoulaient toujours en un flot continu des yeux de Lily, brouillant les traits du jeune homme.

- Pétunia et toi... Vous ne faites pas partie du même monde.

- Mais...

- Lily, écoute-moi. Je sais que tu voudrais que ça marche mais bientôt... bientôt on sera mariés, et tu auras une vraie vie de Sorcière. Jusque-là, c'était ici chez toi. Mais après... Tu vivras dans une maison avec des lampes à huiles, des chaudrons, des manuels de magie, et tu t'y sentiras chez toi. Parce que tu es une Sorcière. Mais si Pétunia ne peut pas l'accepter, alors tu ne pourras pas faire partie de sa vie.

- Je peux... je peux être une Moldue, pour elle...

- Mais est-ce qu'elle l'acceptera ? Est-ce que quand tu rentrais pour les vacances, que tu rangeais ta baguette et tes livres d'école, elle ne voyait plus la Sorcière en toi ?

Un nouveau sanglot déchira sa poitrine alors qu'elle secouait la tête.

- J'étais en haut de l'escalier, à la fin de votre conversation, confia-t-il après un instant d'hésitation. Tu sais, je pense que si elle déteste tant Poudlard, et la magie, c'est parce qu'elle a l'impression que le monde magique lui a volé sa sœur.

- C'est elle qui m'a repoussée, hoqueta Lily.

- Parce qu'elle a eu l'impression que tu l'abandonnais.

Lily secoua la tête, les doigts serrés sur les avant-bras de James, les yeux obstinément fermés.

- Il faut que tu acceptes que vous ne ferez jamais parties du même monde, chuchota-t-il. Tu as fait ton choix et elle a fait le sien.

Elle appuya sa tête contre son cou, le cœur en miettes. Elle aurait aimé lui hurler qu'il avait tort.

- Je suis désolé, Lily. Je suis vraiment désolé.

***

James ouvrit sans bruit la porte de Lily et se faufila à l'intérieur. Il s'accroupit au pied de son lit pour caresser sa joue.

- Lily... Réveille-toi.

- Hmmmm.

- Il est sept heures trente et je crois que ta mère est en train de faire une crise d'angoisse.

- Je veux pas y aller, murmura-t-elle, les doigts crispés sur sa couverture.

- Moi non plus. Mais plus vite ce sera terminé, plus vite on pourra rentrer.

Pour toute réponse, elle enfouit son visage dans son oreiller. James soupira avant de s'asseoir au bord de son lit.

- Lily... Je suis désolé, pour hier soir. J'ai peut-être été un peu brutal, mais...

- Non, coupa-t-elle, sa voix étouffée par l'oreiller. Tu as raison.

Elle bascula sur le dos et ouvrit enfin les yeux.

- On ne pourra jamais s'entendre. Mais mes parents ne doivent pas le savoir.

- Je doute qu'ils aient raté votre dispute, hier.

- Ils seraient descendus, s'ils nous avaient entendu. Papa a un sommeil de plomb et Maman prend des médicaments pour dormir parce que le mariage l'angoisse trop.

Elle expira bruyamment avant de tourner son regard vers le sien.

- Descends, je te rejoins. Sauf si tu as trop peur que Maman t'attaque ou t'oblige encore à compter des chocolats.

- Je vais survivre, assura-t-il avec un sourire. Eh, Lily ?

- Oui ?

- Je t'aime.

Elle sourit faiblement et attira son visage vers le sien. Lorsqu'il se redressa, elle avait les larmes aux yeux.

- Non, Lily, pleure pas...

- Ça va aller, bredouilla-t-elle. T'en fais pas pour moi, va rejoindre Maman avant qu'elle ne vienne nous chercher.

Après lui avoir adressé un dernier regard inquiet, il s'exécuta. Lorsqu'il arriva dans la cuisine, il trouva Pétunia appuyée contre le plan de travail, une tasse de café fumant dans les mains. Elle lui adressa un regard méfiant. Il prit sur lui pour lancer une salutation aussi aimable que possible. S'il lui en voulait pour le mal qu'elle infligeait à Lily, il reconnaissait qu'elle-même devait souffrir de la situation.

- Bonjour, lui répondit-elle prudemment.

- Belle journée pour se marier, commenta-t-il en désignant la vitre illuminée de soleil.

- Sans doute.

Elle avala d'une traite le contenu de sa tasse, la posa dans l'évier et sortit de la pièce.

- Tunie ! entendit-il derrière lui. On part dans une heure ! Tes affaires sont prêtes ? Tu ne repasseras pas ici !

- Oui Maman, détends-toi, répondit Pétunia d'un ton doux qu'il ne lui connaissait pas.

- Est-ce que tu as vu Lily ?

- Non. Mais ce garçon est dans la cuisine.

- James ? James, tu es là ?

L'interpellé fit volte-face et adressa un grand sourire à Philippa.

- Tu es allé réveiller Lily ?

- Elle arrive, assura-t-il.

- Seigneur, ce n'est vraiment pas le bon jour pour faire la grasse matinée !

- Il n'est même pas huit heures, tenta prudemment James.

- Mais il faut que nous soyons sur les lieux dans une heure et demie pour mettre les fleurs sur les tables, ensuite il faudra vérifier que tout est à sa place puis déjeuner puis accueillir la coiffeuse, ensuite Lily aidera Pétunia à mettre sa robe et ...

- Euh, Maman ? intervint Pétunia en faisant à nouveau irruption dans la cuisine. C'est Emma qui m'aidera à m'habiller, pas Lily. D'ailleurs, j'aimerais bien savoir pourquoi tu lui as dit que c'était ma demoiselle d'honneur alors que tu sais bien que ce n'est pas le cas.

James vit le visage de Philippa se décomposer.

- Mais... Ma chérie, tu peux bien avoir deux demoiselles d'honneur...

- C'est mon mariage, Maman. C'est moi qui choisis ce dont j'ai envie ou non. Et je n'ai certainement pas envie que ma petite sœur anormale me traîne dans les pattes.

- Tant mieux, je n'en ai pas envie non plus, rétorqua une voix atone depuis l'escalier.

Quelques marches craquèrent et Lily fit son apparition, toujours en pyjama.

- Salut Maman, lança-t-elle avec l'ombre d'un sourire. T'en fais pas pour cette histoire, on en a déjà parlé Pétunia et moi. On ne voudrait pas déclencher la troisième guerre mondiale au milieu de l'allée.

Elle avait débité la fin de sa phrase sur le ton de la plaisanterie, poussant même le vice jusqu'à faire un clin d'œil à sa sœur. Pétunia grinça une vague réponse avant de disparaître à l'étage en faisant bien attention à ne pas toucher Lily.

Philippa, toujours secouée, bredouilla :

- Lily, tu es sûre que...

- Mais oui, ne t'en fais pas, assura-t-elle en déposant un baiser sur la joue de sa mère. Qu'est-ce qu'on peut faire pour t'aider ?

- Eh bien, t'habiller, par exemple. Et préparer ta robe. Nous partons dans une heure Lily ! Et il faut charger la voiture avant ça !

- Je peux aider, s'empressa de proposer James. Pendant que Lily se prépare.

- Merci mon chéri, sourit Lily avant de chasser quelques mèches noires de son front, sous l'œil attendri de sa mère. Tu vois Maman, tout va bien. Nous serons parfaitement à l'heure.

Une heure et demie plus tard, ils étaient dans le parc d'un immense manoir. Pétunia braillait contre son père sous prétexte qu'il ne faisait pas suffisamment attention à sa robe en la sortant de la voiture, Philippa donnait trois ordres en même temps, empêchant tout le monde de comprendre ce qu'elle voulait, et Lily observait les environs d'un air critique. Une arche du plus mauvais goût avait été montée au milieu du parc, devant des rangées et des rangées de chaises – leur nombre donnait le vertige à James. Le tout était enturbanné de rubans roses et blancs qui donnaient l'impression d'être face à un énorme gâteau trop sucré.

- Ça a dû coûter une fortune à mes parents, marmonna Lily.

- Tu vois pourquoi j'ai dit qu'on aurait un petit mariage ?

- N'importe quel mariage aurait l'air petit par rapport au leur.

- Un point pour toi.

- Lily, James ! Ces fleurs ne vont pas se porter toutes seules !

Lily leva les yeux au ciel puis attrapa James par le coude pour le tirer vers la voiture de sa mère.

La famille de Vernon arriva une demi-heure après eux et ils durent gérer la crise de nerfs de Pétunia qui assura qu'elle ne pouvait pas voir son fiancé avant l'heure fatidique. Lily marmonna qu'elle aurait mieux fait d'y penser avant de prévoir de faire les derniers préparatifs le jour J, déclenchant un rire nerveux chez James qui leur valut un coup d'œil désapprobateur de la tribu Dursley au grand complet.

Il y avait bien sûr Vernon-la-face-de-morse, mais aussi sa sœur Marge-tête-de-bouledogue, et ses parents, deux nouveaux spécimens de la race de pachyderme, selon l'avis de James. Lorsqu'il fit part de ces observations à Lily une heure plus tard, elle lui balança un coup de coude dans le ventre. Un cri aigu lui échappa, lui attirant une nouvelle fois les foudres de la belle-famille occupée un peu plus loin dans le parc.

- Lily, gémit-il en disposant les dernières fleurs sur les tables disposées au rez-de-chaussée du manoir. Tu m'aides vraiment pas !

- Mais tu me fais rire ! Geignit-elle. Et après on va nous demander ce qu'il y a de si drôle et ils vont comprendre que tu te moques d'eux !

- Quand tu me frappes c'est parce que je te fais rire ? C'est nouveau, ça.

- Ça a toujours été comme ça.

- Oui mais tu ne m'en avais pas informé. Tu vois, il me faudrait un mode d'emploi.

- Je t'en offrirai un à Noël, promit-elle.

- Mais c'est dans sept mois !

- Peut-être que d'ici là tu auras compris tout seul, rétorqua-t-elle en s'éloignant.

- Tu es insupportable, Evans !

- Viens m'aider à mettre des sachets de chocolats près de chaque assiette, au lieu de te plaindre ! Sinon Maman ne nous laissera jamais déjeuner.

- C'est donc de là que ça vient ?

- James !

Il la rejoignit en pouffant et l'attrapa par la taille avant de demander :

- Et si tu créais une diversion pendant que j'utilise un peu la magie ?

Un sourire malin étira les lèvres de Lily.

- Ça marche, Potter.

***

- Vous avez déjà terminé ?

Lily réprima un sourire devant l'air incrédule de sa mère tout en hochant la tête. Elle ne voyait pas James mais elle était à peu près sûre qu'il affichait cette tête d'imbécile qu'il prenait toujours lorsqu'il s'efforçait d'avoir l'air innocent.

- On peut déjeuner ? Interrogea-t-elle joyeusement.

- C'est par là, indiqua sa mère en montrant un coin du parc où une petite table avait été installée. Les Dursley sont à l'autre bout du manoir.

- Toute cette histoire est vraiment stupide, marmonna Lily pendant que James l'entraînait d'un pas enthousiaste vers le déjeuner.

Pétunia grignotait des sandwichs d'un air pressé et demandait régulièrement à son père de lui indiquer l'heure. Entre deux bouchées de viande froide, Patrick lui répondait un peu au hasard sans qu'elle n'ait l'air de s'en rendre compte. Lily songeait, amusée, qu'il ressemblait à ce canari qu'elle avait transformé en horloge parlante lors de sa quatrième année. Le tout était presque parfait, sauf qu'il donnait des heures au hasard.

Elle croisa le regard de James et comprit à son sourire narquois qu'il pensait exactement à la même chose – il s'était vanté toute la soirée d'avoir mieux réussi qu'elle. Lily pouffa malgré elle, entraînant James à sa suite.

- Quoi ? Réagit aussitôt Pétunia.

- Aucun rapport avec toi, assura James, le regard pétillant.

- Une histoire entre James et moi, assura Lily en fixant un morceau de salade d'un air obstiné pour ne pas avoir à regarder sa sœur.

Pétunia grommela et demanda à nouveau l'heure.

- Midi et dix minutes, Tunie, répondit Patrick, la bouche pleine.

Lily prit une profonde inspiration. « Plus que douze heures », songea-t-elle. Au même moment, Pétunia glapit que la coiffeuse allait bientôt arriver et s'enfuit vers le manoir. Lily soupira puis, s'apercevant que son père la fixait d'un regard soucieux, elle s'efforça de sourire.

- Ça va, avec Pétunia ?

- Aussi bien que d'habitude.

- Tu ne me rassures pas vraiment, tu sais.

- Ne t'en fais pas, on ne va pas s'étriper au milieu de son mariage. Et puis Vernon m'en débarrasse pour toujours, ça se fête.

- Lily, la gronda-t-il doucement.

- Je plaisante, assura-t-elle en levant les yeux au ciel.

- J'espère bien. Tu sais ce que fait ta mère ? Elle va s'évanouir en pleine cérémonie si elle ne déjeune pas.

- Je vais la chercher, proposa-t-elle en attrapant un petit-four. Tu évites de tuer James, s'il-te-plaît ?

L'intéressé commença à s'étouffer avec sa gorgée d'eau alors que son père la fusillait du regard. Elle éclata de rire et s'éloigna en mordant à pleines dents dans son toast. Si elle n'avait pas pu se moquer de James, cette journée aurait certainement été la pire de sa vie – si on excluait la semaine où James avait failli mourir bien sûr.

Lorsqu'elle eut réussi à convaincre sa mère qu'elle devait se sustenter, elle la ramena auprès de son père et se laissa entraîner loin de là par James, qui entreprit de la chatouiller dès qu'ils furent hors de vue.

- James ! Hurla-t-elle en se tortillant pour essayer de lui échapper. Arrête ! Qu'est-ce que je t'ai fait ?

- Tu m'as laissé seul avec ton père ! Rétorqua-t-il, hilare, alors qu'elle se laissait tomber au sol en braillant.

- Non, arrête ! Pitié !

Elle tenta de le frapper mais il attrapa ses poignets et bloqua ses bras au-dessus de sa tête. Au moins, il avait arrêté de la chatouiller.

- Voilà une situation intéressante, commenta-t-il avec un sourire suggestif.

- Je vais t'étriper, sale babouin, grinça-t-elle en se tortillant pour essayer de se dégager.

- J'avais d'autres idées en tête.

- James !

Il se mit à rire et lui vola un baiser. Elle grimaça.

- Quoi ? Sourit-il.

- C'est tout ?

- Evans ! Il faut savoir ce que tu veux.

- Toi, rétorqua-t-elle avec un faux air énamouré.

- Oh, je t'en prie, pouffa-t-il. C'est vraiment de très mauvais goût.

- Dit celui qui est à moitié allongé sur moi alors que mes parents sont dix mètres plus loin et que toute ma famille va débarquer d'une minute à l'autre, railla-t-elle. De quoi on va avoir l'air ?

- De deux fiancés très amoureux ?

- De...

- Lily !

James lâcha ses poignets pour se redresser sur ses bras alors qu'elle tournait la tête vers la personne qui l'avait interpellée.

- Oh non, gémit-elle.

- Est-ce que je devrais avoir peur ? Chuchota James.

- Lève-toi, gros bouffon ! Siffla-t-elle en appuyant ses deux mains sur son torse.

Il s'exécuta en jurant pour faire face à la femme grande et mince qui se hâtait vers eux. Elle portait l'immonde tailleur couleur prune qu'elle arborait à chaque réunion de famille.

- Qu'est-ce que c'est que ces manières, Lily ? La réprimanda-t-elle en arrivant à leur hauteur.

- Désolée Betty, grimaça la jeune femme. Je te présente James Potter, mon fiancé.

Elizabeth Evans, la sœur aînée de Patrick, fronça les sourcils en direction du jeune homme.

- Ce n'est pas parce que vous êtes fiancés que vous pouvez agir de la sorte !

- Nous pensions être seuls, répondit aimablement James avant que Lily ne lui écrase le pied.

- Ce n'est pas ce qu'il voulait dire, assura-t-elle alors que Betty pâlissait légèrement.

- Ça m'étonne que ton père laisse passer ce genre de choses, glapit-elle.

- Plus ou moins, grommela James. Non, me frappe pas !

Lily, qui s'apprêtait effectivement à lui filer un coup de coude, le dévisagea avec étonnement avant d'éclater de rire, plongeant sa tante et James dans la confusion la plus totale. Secouée de rire, elle appuya sa tête contre l'épaule de James, qui lui tapota le dos en expliquant à sa tante que c'était le stress du mariage. Quelques instants plus tard, Betty s'éloigna, sans doute pour se plaindre du comportement scandaleux de sa nièce auprès de ses parents. Il fallut quelques secondes supplémentaires à Lily pour se calmer. Lorsqu'elle finit par relever la tête, elle croisa le regard confus de James.

- Je t'aime, expliqua-t-elle.

- Ah ? Tant mieux, répondit-il avec un sourire incertain.

Elle le lui rendit avant de poser sa main sur sa joue pour l'embrasser. Il s'écarta au bout de quelques trop courts instants.

- On ferait mieux d'aller s'habiller, avant que quelqu'un d'autre ne nous surprenne dans une position compromettante.

- Au point où on en est, je pense qu'on n'a plus grand-chose à perdre, fit-elle remarquer.

- Pas du point de vue de tes parents.

Elle lui concéda cela avec un soupir et l'attrapa par la main pour l'emmener vers le manoir, où on avait réservé quelques chambres pour la famille. C'était la folie au premier étage : Pétunia donnait des ordres d'une voix sèche à la coiffeuse pendant que sa demoiselle d'honneur et deux autres de ses amies bavardaient à tort et à travers d'une voix stridente. Lily poussa James dans la chambre où son costume avait été entreposé et se rendit dans la chambre voisine de celle de sa sœur en tentant de faire abstraction de tout le bruit qui lui parvenait de la pièce d'à côté.

Un quart d'heure plus tard, on frappa à la porte. James passa sa tête dans l'embrasure sans lui laisser le temps de répondre.

- Frapper c'est bien, mais attendre qu'on te réponde, c'est mieux, le réprimanda-t-elle tout en se battant avec la fermeture-éclair de sa robe. Voyant cela, il entra, s'empressa de la remonter et déposa un baiser dans le bas de sa nuque.

- Tu comptes ressortir cette robe à chaque grande occasion ?

- Figure-toi que je n'ai pas eu le temps d'aller faire du shopping, grinça-t-elle en considérant la robe rouge qu'elle avait porté lors du bal d'Halloween puis de celui de la maison de retraite, en 1977. Et puis toi aussi tu portes toujours le même costume.

- Parce que je suis suprêmement beau dedans, plaisanta-t-il alors qu'elle s'écartait pour se regarder dans le miroir.

- Imbécile, rétorqua-t-elle avant d'attraper sa cravate pour le tirer jusqu'à elle et l'embrasser.

- Visiblement, ce costume te fait toujours autant d'effet, sourit-il après s'être écarté, satisfait.

- Parce qu'il est connu pour m'avoir fait de l'effet ?

- C'est après m'avoir vu dedans que tu m'as appelé « James » pour la première fois, alors j'en conclue que oui.

- Ça n'avait aucun rapport avec ta tenue, mon chéri. Tu es prêt ?

- Ouais. Et toi ?

Elle soupira avant d'enfouir son visage contre son cou.

- Si je lui dis que je lui souhaite d'être heureuse, tu penses qu'elle va me cracher au visage ?

- A ta place, je me tiendrais très loin d'elle et Vernon. Comme je suis sympa, je veux bien te garder un peu avec moi, même si tu m'insupportes.

- Très amusant, Potter. Quelle heure est-il ?

- Treize heures.

- Qu'est-ce qu'on va faire pendant une heure ? Gémit-elle. Hors de question qu'on traîne en bas et qu'on soit obligé de dire bonjour à tout le monde !

- Une petite partie de Bataille Explosive ?

- Parce que tu as un jeu, peut-être ?

Avec un sourire victorieux, il tira un paquet de cartes de sa poche.

- Sale Maraudeur, commenta-t-elle en lui donnant un petit coup d'épaule.

- Toujours, assura-t-il avec un clin d'œil. Je distribue ?

***

- Encore gagné !

- En fait, tu as passé ta scolarité à jouer aux cartes avec les Maraudeurs, commenta Lily d'un ton consterné en ramassant les cartes. Ça explique beaucoup de choses.

- Eh, il m'arrivait de travailler ! Et quand j'avais encore du temps libre, je le passais à te courir après.

- A être insupportable serait plus juste.

- Lily, geignit-il en portant la main à son cœur.

- Tu sais bien que c'est ça qui m'a fait tomber sous ton charme, rétorqua-t-elle avec un sourire ironique.

Des exclamations admiratives retentirent dans la pièce attenante, les ramenant à la réalité. Philippa était en train de s'extasier sur la tenue de sa fille, d'après ce que James parvenait à entendre.

- Il faut peut-être qu'on descende ? Interrogea-t-il en tirant sa montre de sa poche.

- J'imagine, soupira Lily en se redressant.

Elle réajusta sa robe puis sortit dans le couloir, James à sa suite. Par-dessus sa tête, il vit Pétunia quitter sa chambre exactement au même moment. Profitant du fait qu'elle avait le regard fixé sur ses pieds, sans doute pour vérifier qu'elle ne marchait pas sur sa robe, Lily s'éclipsa sans bruit dans l'escalier en tirant James par la main.

- Hmm, Lily ? Appela-t-il alors qu'ils traversaient la salle de réception pour sortir.

- Oui ?

- Est-ce que... est-ce que cette chose était la robe de Pétunia ?

- Eh bien, puisqu'elle la portait, j'imagine que oui.

Un rire irrépressible le saisit. Il eut beau tenter de se retenir, un gloussement s'échappa de ses lèvres.

- Mais elle est ...

- Je sais, soupira-t-elle laconiquement. Maman m'a envoyé une photo il y a quelques mois.

- Les... les manches...

- Figure-toi que c'est à la mode.

Incapable de se retenir plus longtemps, il fut pris d'un fou-rire qui les arrêta à la sortie du manoir. La robe de Pétunia avait des manches bouffantes qui ne se resserraient qu'au niveau de ses poignets. Un col en dentelle montait jusqu'au raz-du-cou, donnant l'impression qu'il était encore plus long que d'habitude. Avant que Lily ne l'entraîne au rez-de-chaussée, il avait pu apercevoir le voile en tulle qui surmontait la tête osseuse de la mariée.

- Pitié, hoqueta-t-il, dis-moi que tu ne porteras pas un truc pareil à notre mariage.

- Tu es terriblement critique, rétorqua-t-elle d'un ton pincé, les bras croisés sur la poitrine.

- Je t'en prie ! Tu la trouves aussi...

Lily plaqua sa main sur sa bouche, l'empêchant de faire une bourde monumentale alors que Emma, la demoiselle d'honneur, arrivait dans le hall. Elle aussi portait une robe du plus mauvais goût, d'un rose pâle hideux.

- Qu'est-ce que vous faites là ? Demanda-t-elle d'un ton sec. Le mariage va commencer !

- On s'en va, assura Lily en poussant James dehors.

- Avoue que tu la trouves immonde, chuchota-t-il par-dessus son épaule.

- Mais non.

- Lily... Les manches ! Et je parie qu'il y a un énorme nœud derrière.

- Il y a un énorme nœud derrière, acquiesça-t-elle alors que la commissure de ses lèvres se relevait légèrement.

- Oh, Merlin, exhala James, au comble de la béatitude. Quand je vais raconter ça à Sirius !

- Ne t'avise pas de faire une chose pareille !

- Et pourquoi pas ?

- Parce que je ne veux plus jamais entendre parler de ce mariage une fois que ce sera fini.

James se tut alors qu'ils arrivaient près de l'endroit où devait se tenir la cérémonie. Tout le monde était déjà installé et une rumeur assourdissante s'élevait de la foule assemblée. Un petit homme vêtu de noir se tenait sous l'arche, un livre à la main. Il voulut demander à Lily de qui il s'agissait mais elle le traînait derrière elle sans ralentir. Ils longèrent les rangées de chaises en ignorant superbement les quelques personnes qui interpellèrent la jeune femme. Lorsqu'ils atteignirent enfin le premier rang, où des places avaient été réservées pour la famille, ils aperçurent Patrick Evans qui exhala un soupir de soulagement.

- Où est-ce que vous étiez passés ? Les réprimanda-t-il alors qu'ils prenaient place près de lui.

- On jouait aux cartes, expliqua Lily d'un ton las. C'est pas grave, on a rien raté.

- Toute la famille m'a demandé où tu étais, fit-il remarquer.

- J'aurai largement le temps de les voir après.

- D'ailleurs, Elizabeth m'a dit qu'elle était scandalisée par votre attitude mais je n'ai pas réussi à savoir de quoi il retournait.

- Venant de la part de quelqu'un qui met ses doigts dans les gâteaux, je trouve ça un peu gonflé, rétorqua Lily avec un sourire.

- Lily ! Tu ne vas t'y mettre ! Ta mère passe déjà son temps à me rappeler cette histoire.

- Parce que ta sœur est terriblement mal élevée, mon cher Papa.

Il leva les yeux au ciel, non sans sourire. Une musique se déclencha, quelque part derrière eux, l'empêchant de répondre. Patrick jura soudain, se leva d'un bond et partit en courant. Lily le suivit des yeux en pouffant avant d'expliquer à James qu'il était censé attendre Pétunia à l'autre bout de l'allée. James sourit à son tour et ils se levèrent avec le reste de l'assemblée. C'était la première fois de sa vie qu'il assistait à un mariage – un mariage moldu qui plus est. Alors que tout le monde pivotait pour voir un Vernon rouge comme un Souaffle remonter l'allée au bras de sa mère, James souffla à Lily :

- Tu m'expliques un peu comment ça se passe ?

- C'est une cérémonie religieuse, murmura-t-elle en glissant son bras sous le sien. Là, sous l'arche, c'est un pasteur. Pétunia et Vernon vont se marier devant Dieu et le pasteur est là pour recueillir leur promesse et les bénir.

James hocha la tête tout en observant Vernon, qui s'était placé devant le pasteur, un peu à sa droite. Deux hommes se tenaient un peu en retrait, sans doute ses témoins. Philippa débarqua soudain près d'eux, essoufflée, et adressa un sourire furtif à sa fille avant de se tourner vers l'allée.

- Ce n'est pas très différent d'un mariage sorcier, commenta-t-il. Il y a des gens chargés d'officier pendant les mariages, un peu comme ton pasteur.

- Mais il y a un contrat magique, non ?

- Ouais. Je ne sais pas trop comment ça marche mais je crois que c'est inscrit dans ton sang. Un peu comme la Trace quand tu as moins de dix-sept ans.

La musique changea, empêchant Lily de répondre. Un murmure parcouru la foule alors que Pétunia faisait son entrée dans son immonde robe. James dut se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas éclater de rire alors qu'elle passait devant eux.

James passa le reste de la cérémonie à essayer de comprendre ce qu'il se passait. Quelques personnes lurent des textes dont il ne comprit pas un traître mot, il y eut quelques témoignages sur Pétunia et Vernon, puis enfin l'échange des consentements. Il oublia un instant que c'était un couple tout droit issu de l'enfer qui se mariait devant lui pour s'imaginer qu'il s'agissait de Lily et lui. Alors que Pétunia jurait d'aimer son mari toute sa vie d'une voix tremblotante, il saisit la main de la jeune femme qui se tenait à ses côtés et la porta à ses lèvres. A sa droite, Philippa pleurait à chaudes larmes, agrippée à la main de son mari. Un léger reniflement lui parvint alors de sa gauche et il tourna légèrement la tête pour s'apercevoir que Lily avait également les yeux rouges. Mais au lieu de regarder le couple qui se mariait juste devant eux, elle le fixait lui, un sourire tendre sur les lèvres. Il le lui rendit.

***

- Je vous présente James Potter, mon fiancé.

- Ta mère ne m'avait pas dit ! Enchantée, jeune homme. Vous vous êtes rencontrés dans cet internat ?

- Exactement. James fait... Qu'est-ce que tu fais, James ?

- Euh... de la pâtisserie.

- Voilà qui est original.

Lily avait l'impression d'avoir eu cette conversation au moins une centaine de fois. Et cet imbécile de James qui prétendait étudier la cuisine ! Bizarrement, quelques personnes avaient paru étonné avant d'annoncer qu'on leur avait dit qu'il faisait de la magie. La plupart était des invités des Dursley, qui avaient sauté sur Lily en sa qualité de sœur de la mariée.

Ils durent également affronter le cousin George : il s'agissait d'un cousin de sa mère, très gentil mais aussi très collant. Il avait parlé tout seul pendant presque trente minutes jusqu'à ce que nulle autre que Marge vienne les sauver en annonçant que le photographe réclamait les membres de la famille pour une séance de photos. James dut y traîner une Lily plus que récalcitrante, qui faisait remarquer, à juste titre, que Pétunia ne voulait pas d'elle sur ses photos de mariage. Elle posa finalement une fois avec ses parents, les mariés et la famille Dursley, avant que sa mère ne réussisse à traîner James auprès d'eux en arguant qu'il ferait bientôt partie de la famille. Le photographe passa une bonne minute à répéter aux mariés de sourire, mais tout ce qu'ils parvenaient à faire était avoir l'air réprobateur. Lily s'enfuit finalement en remorquant James derrière elle, laissant les mariés retrouver le sourire.

- Est-ce qu'on pourra bientôt partir ? Gémit James en saisissant la coupe de champagne que Lily réussit à lui attraper sur le buffet pris d'assaut.

- Dans tes rêves, mon pote, grommela-t-elle avant d'avaler la moitié du contenu de son verre en une gorgée. Il reste le dîner, et il faut au moins qu'on soit là pour la première danse des mariés.

Il poussa un gémissement à fendre l'âme. Lily lui tendit un petit four pour tenter de l'apaiser.

- Après ça, on pourra s'en aller, promit-elle.

Le dîner fut enfin annoncé. Lily avait l'impression que le cocktail avait duré une éternité – mais peut-être était-ce dû au nombre de coupes de champagne qu'elle avait bu. Les deux jeunes gens se hâtèrent vers la salle de réception pour trouver où était leur table. Mais lorsqu'ils parvinrent devant le panneau, James jura. Lily se haussa sur la pointe des pieds pour lire par-dessus son épaule, puis jura encore plus fort. Ils n'étaient pas à la même table.

- Je vais les étriper, assura Lily entre ses dents serrées.

- Ils sont conscients que je risque bien plus de faire une bourde si tu n'es pas avec moi ? Marmonna James, le visage sombre.

- Tant pis pour eux, ils l'auront bien cherché. Oh, Merlin, je crois que tu es avec des amis de Vernon en plus.

Ils s'écartèrent pour laisser les invités qui arrivaient regarder à quelle table ils se trouvaient. Ils s'installèrent à la table de James et prirent un malin plaisir à médire des mariés pendant que les autres invités prenaient place. Un groupe, composé de deux couples et d'une jeune femme seule, finit par se diriger vers eux. Ils riaient forts et parlaient de perceuses.

- Chouette, je vais pouvoir faire des blagues déplacées, commenta James à voix basse en se levant pour les accueillir.

- Si ça peut te faire plaisir, soupira Lily en quittant la place qu'elle avait investie.

Un homme malingre, aux cheveux blonds et filasses, se détacha du groupe et tendit la main à James.

- C'est vous, James Potter ? Je suis Emmett Smith et voilà ma femme, Vanessa. C'est vous qui êtes magicien, n'est-ce pas ?

- Ma... magicien ? Bredouilla James, à nouveau pris au dépourvu par cette drôle d'idée qui ne cessait de revenir. Qui vous a dit ça ?

- Vernon bien sûr ! S'exclama Emmett avec un sourire faux. Où est-ce que vous vous produisez ? Dans un cirque ?

Lily, le cœur serré, vit James perdre ses moyens pour la première fois. Pour lui laisser le temps de reprendre contenance, elle s'interposa entre les deux hommes, tout sourire, la main entendue.

- Vous êtes un collège de Vernon ? Babilla-t-elle. Je suis Lily, la sœur de Pétunia ! Vous travaillez chez Grunnings, alors ?

Satisfait dans son orgueil, Emmett se mit à déblatérer sur les perceuses pendant que sa femme, une blonde certainement refaite, hochait la tête en regardant son mari avec une adoration servile. Les autres convives prirent place en bavardant entre eux. Lily sentit une main se poser dans le bas de son dos avant que James n'interrompe la tirade de Smith d'une voix plus assurée que précédemment :

- Tu devrais regagner ta place, Lily. Je crois que les mariés attendent que tout le monde soit installé pour faire leur entrée.

Elle hocha la tête, déposa un baiser sur sa joue sans se soucier d'appuyer ses lèvres contre sa peau plus longtemps que la décence ne le permettait, et gagna sa table à grands pas, énervée. Vernon avait osé raconter à tous ses amis et à sa famille que James était une espèce de saltimbanque. Elle savait que, pour un Sorcier, se faire traiter de vulgaire magicien était très insultant. Ça l'était d'autant plus quand on était aussi sûr de soi que l'était James.

Elle tira sa chaise un peu trop brutalement et se laissa tomber près de Rachel, une amie d'enfance de Pétunia qu'elle connaissait à peine. La tablée était constituée d'amis de lycée de Pétunia, qui jetèrent à peine un coup d'œil à cette sœur dont Pétunia avait toujours dit tant de mal. Lily ne fit d'ailleurs aucun effort pour être aimable. Elle s'enferma dans le mutisme tout le long du repas. De temps en temps, elle cherchait James du regard. Un sourire crispé sur le visage, il s'efforçait de bavarder avec ses voisins de table.

Alors qu'ils attendaient l'arrivée du dessert, Lily laissa son regard errer sur la salle. Elle aperçut ses parents à la table des mariés : sa mère rayonnait et son père plaisantait avec Vernon. Son regard dériva jusqu'à Pétunia, qui tenait la main de son mari en souriant d'un air béat. Ses yeux s'emplirent de larmes bien malgré elle. Jamais elle ne voyait un tel sourire sur le visage de sa sœur, car elle n'était que désapprobation lorsqu'elles étaient ensemble. Pétunia n'avait pas eu un mot gentil pour elle depuis qu'elle avait reçu sa lettre de Poudlard.

L'arrivée des serveurs attira son attention. Elle arracha son regard de la table des mariés pour le laisser vagabonder sur la salle. Se faisant, elle aperçut une silhouette familière se frayer un chemin entre les tables : James tentait de sortir de la salle, le visage fermé.

Sans hésiter, elle se leva aussitôt. La valse des serveurs lui permit de passer inaperçue et elle gagna la sortie sans encombre. Bien qu'il fût presque minuit, elle repéra sans problème James, qui s'éloignait à grands pas. Elle le suivit silencieusement et ne le rattrapa que lorsqu'il s'immobilisa sous un énorme chêne, dans le coin du parc le plus éloigné du manoir.

- James ? Appela-t-elle doucement en s'approchant.

- Désolé, marmonna-t-il. Ce n'était pas très poli de partir comme ça.

Elle glissa son bras autour de sa taille et appuya sa tête contre son épaule.

- Ils ont été insupportables ?

- Pire que ça.

- Je suis désolée.

Avec un soupir, il referma ses bras sur elle.

- Tu sais ce que c'est pour nous, un magicien, murmura-t-il. J'ai l'impression de ne savoir que faire quelques tours de passe-passe.

- Tu es un Animagus, rappela-t-elle, le nez enfoui contre son cou.

- Ah, c'est vrai.

- Et tu vaux bien mieux que tous ces crétins prétentieux.

- Je croyais que j'étais un crétin prétentieux ?

- Oui mais tu en as le droit parce que tu es James Potter.

- Je vois, commenta-t-il, mais elle sentit le sourire dans sa voix.

- Est-ce que tu veux rentrer ?

- Je croyais qu'il fallait attendre la première danse ?

- Qu'ils aillent se faire voir. Je dirai à mes parents que j'avais trop mal aux pieds et que j'ai réussi à te convaincre de rentrer, même si tu mourais d'envie de rester.

- J'avoue que tu es en train de gâcher le plus beau jour de ma vie.

Elle s'écarta et sourit dans l'obscurité, sa main soudée à celle du jeune homme.

- On y va ?

- Avec joie.

Une vingtaine de minutes plus tard, ils étaient de retour chez les Evans. La maison semblait étonnamment calme après l'effervescence de la veille. Lily troqua sa robe contre un pyjama en songeant qu'elle ne pourrait plus jamais la porter : elle était maintenant associée à un horrible souvenir.

Elle rejoignit James dans le salon et le trouva occupé à observer des photos posées sur un guéridon. Elle s'approcha sans bruit et entoura son torse de ses bras avant de déposer un baiser entre ses omoplates. Il entrelaça ses doigts aux siens.

- Je ne te remercierai jamais assez d'être venu, souffla-t-elle.

- Tu aurais assassiné quelqu'un si je n'avais pas été là, rétorqua-t-il d'un ton léger.

Lily sourit avant de l'obliger à se retourner pour le regarder. Elle voyait le reflet de son propre épuisement sur son visage – mais aussi son sourire tendre.

- Je m'en fiche si je n'ai plus de sœur, murmura-t-elle après l'avoir observé un moment. C'est toi, ma famille. Tant pis pour Pétunia si elle ne l'accepte pas. Je sais que mes parents y arriveront.

Il sourit un peu plus, ému, et se pencha pour l'embrasser. Elle s'écarta au bout de quelques instants pour demander :

- Tu veux bien m'épouser très bientôt ?

- Demain ?

- Idiot, pouffa-t-elle avant qu'il ne l'embrasse à nouveau.

- Le mois prochain, supplia-t-il contre ses lèvres.

- Il y a déjà le mariage d'Alice et Frank.

- Alors en juillet. Le premier samedi de juillet, murmura-t-il, son front posé contre le sien.

Un grand sourire apparut sur le visage de Lily, comme si cette horrible journée n'avait pas eu lieu.

- D'accord. Où ça ? A Godric's Hollow ?

- Ici, proposa-t-il. Pour que tes parents ne soient pas trop perdus.

Elle hocha la tête, pressa une nouvelle fois ses lèvres contre les siennes.

- Avec qui ?

- L'Ordre. Ou juste toi. Tant que tu es là, je m'en fiche.

Elle pouffa.

- Je ne suis pas sûre que Sirius soit d'accord avec toi.

- Ce n'est pas Sirius que j'épouse, pointa-t-il. On n'a qu'à s'enfuir aux Bahamas, se marier là-bas puis s'installer à Haïti.

Elle rit un peu plus en resserrant l'étreinte de ses bras autour de son cou.

- Espèce d'idiot.

- Je t'aime, riposta-t-il.

Lily enfouit à nouveau son visage contre son cou.James était son foyer. La maison de ses parents n'était plus la sienne car ilsallaient fonder leur propre famille. La présence ou non de Pétunia Dursley danssa vie n'avait aucune importance, tant que James Potter s'y trouvait.

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