Partie III - Chapitre 35
Chapitre 35
Remus poussa la porte d'entrée du manoir tout en bâillant. La dernière pleine lune avait été éprouvante et il n'avait pas eu l'occasion de véritablement se reposer. L'Ordre était sur les dents depuis l'assassinat d'Arthur Pitt et de son fils, trois jours plus tôt.
Il traîna des pieds jusqu'à la cuisine mais sursauta lorsqu'il ouvrit la porte. Une femme qu'il n'avait jamais vue était assise sur le plan de travail. Il aurait été bien incapable de déterminer son âge. Les cheveux blonds filasses, vêtue d'un pull à col roulé et d'un pantalon trop large, elle n'avait rien de remarquable. Pourtant Remus sut, lorsqu'elle planta son regard incisif dans le sien, qu'elle l'était très certainement.
Ils se dévisagèrent un instant en silence, puis la femme sauta à terre et lança :
- Remus Lupin, hein ?
Il cligna des yeux, surpris.
- Comment...
- Les cicatrices.
Il s'empourpra mais n'eut pas le temps de tenter de protéger son secret : elle enchaîna sans lui laisser le temps d'en placer une.
- Je suis Dorcas Meadowes. C'est mon métier, d'observer. Et je sais qui tu es, Maugrey me l'a dit. Ne lui en veux, c'est parce que l'Ordre a une mission pour toi et qu'il faut que je t'accompagne. Viens, on va aller dans la salle de réunion.
Le jeune homme hocha la tête par automatisme, complètement subjugué, et suivit Dorcas dans le manoir. Depuis le temps qu'il entendait parler d'elle... D'après ce qu'il avait compris, elle espionnait pour le compte de l'Ordre comme du Ministère.
Une fois dans l'immense salle de réunion, elle invita Remus à s'asseoir et jeta un sort d'insonorisation sur la pièce.
- Ce que vous avez à me dire est si secret que ça ?
- Certaines informations, acquiesça-t-elle avant de se fendre d'un sourire, le premier qu'il voyait sur son visage. Mais c'est aussi un peu compulsif, chez moi. Alors, Remus... Tu n'ignores pas que les loups-garous ont tendance à préférer le côté de Voldemort au nôtre. Et quand on sait la façon dont la communauté sorcière les traite, il est difficile de les en blâmer.
Remus déglutit, mal à l'aise. On ne lui parlait jamais aussi franchement de la condition des lycanthropes. Même ses amis n'y faisaient guère allusion : entre Poudlard et l'Ordre, ils n'avaient pas eu l'occasion de constater ce qu'était la vie normale d'un loup-garou. Mais Remus était au courant des difficultés qu'il rencontrerait, une fois qu'il aurait quitté l'Ordre. Il l'avait compris le jour où ses parents lui avaient annoncé qu'il n'irait jamais à Poudlard. Dumbledore ne serait pas toujours là pour l'aider. Il ne le souhaitait d'ailleurs pas.
- Mais, poursuivit Dorcas, nous avons l'immense chance de t'avoir, toi. Je vais être horriblement pragmatique, mais tu peux nous être utile... très utile. Les loups-garous sont des adversaires redoutables, avec qui il est complètement impossible de négocier. Mais tu es l'un des leurs. Peut-être que toi, ils pourront t'écouter.
- Vous voulez que...
- Il y a une meute, dans les Highlands. S'ils n'ont pas véritablement prêté allégeance à Voldemort ils n'hésitent pas à l'aider quand ça les arrange. Si nous pouvions au moins leur arracher la promesse de rester neutres...
- Neutres ? Comment voulez-vous qu'ils soient neutres ? Un loup-garou n'a aucune conscience du bien et du mal !
- Je ne parle pas de la pleine lune mais...
- Un loup-garou est défini par la pleine lune, coupa-t-il d'un ton sec, vous ne pouvez pas espérer négocier avec eux si vous ne prenez pas ça en compte. Être du côté de Voldemort leur permet d'éviter certaines souffrances. Pensez-vous vraiment qu'ils resteront neutres pour vous faire plaisir ?
Le visage de marbre de Dorcas se fendit d'un sourire satisfait.
- Tu es parfait, s'extasia-t-elle.
- Quoi ? Mais...
- Tu les connais ! Tu sauras quoi leur dire !
- Ils ne m'écouteront pas !
- Tu peux au moins essayer !
- Pourquoi vous n'y allez pas, vous ?
- Parce que je ne les connais pas ! Je sais des tas de choses concernant les loups-garous mais je ne les comprendrais jamais comme toi tu le fais ! On a besoin de toi Remus.
Il se renfonça dans son siège, les lèvres pincées.
- Je ne sais pas si je peux le faire.
- Si tu veux le faire, rétorqua-t-elle.
- Vous ne comprenez pas...
- Je sais, c'est pour ça que je m'adresse à toi. Tu es le seul qui en es capable.
Comme il fixait obstinément le bois vernis de la table, elle se leva et lança :
- Penses-y. Je pars d'ici deux mois, le temps qu'on mette toute l'opération sur pieds, avec ou sans toi. Hagrid sera avec moi.
- Hagrid ? Releva-t-il en se décidant à la regarder. Pourquoi Hagrid ?
- Eh bien, c'est la partie confidentielle de l'affaire...
Elle planta son regard acéré dans le sien, les deux mains appuyées sur la table.
- Les géants se sont ralliés à Voldemort.
- Les géants ? Bégaya-t-il. Mais...
- Oui, c'est plutôt mauvais pour nous. C'est pour ça qu'un ou deux loups-garous en moins contre nous ne feraient pas de mal.
- Oh, Merlin, souffla Remus avant d'enfouir son visage entre ses mains. Mais comment... Qu'est-ce qu'on va faire ?
- Le maximum. Envoie-moi une lettre quand tu auras pris ta décision... Un oui ou un non suffira.
Sans attendre de réponse, elle quitta la pièce. Remus, le ventre noué, contemplait le tapis. Des géants, des loups-garous...
- Et après ? Marmonna-t-il. Des Inferi ?
Il se leva en faisant racler sa chaise sur le sol, agité, et parcourut la pièce en long et en large. Le manoir lui parut soudain minuscule face à la menace que Dorcas venait de lui révéler. Devait-il le dire aux autres ? Alice et Frank, Lily et James... Ils allaient se marier, commencer une vie de famille. A quoi bon, si c'était pour se faire piétiner par des géants contre lesquels ils ne pouvaient rien ou presque ? A quoi bon...
La porte, laissée entrouverte par Dorcas, s'ouvrit un peu plus en grinçant. Il se retourna vivement et croisa le regard de Margaret. Impassible, elle marmonna :
- Désolée, je me demandais juste qui était là.
Elle claqua aussitôt la porte au nez de Remus, qui cessa pour une fois de réfléchir et se précipita à sa suite.
- Margaret !
Elle tourna légèrement la tête vers lui, immobile au milieu du couloir.
- Quoi ?
- Est-ce qu'on peut parler ? S'il-te-plaît ?
Avec un soupir, elle pivota tout à fait vers lui, croisa les bras et fixa le sol entre ses pieds. Gêné, Remus se balança un instant avant de lancer :
- Je suis désolé, pour la dernière fois. D'avoir réagi comme ça.
Margaret lui adressa un regard farouche et Remus songea encore une fois combien elle avait changé.
- Il faut que tu arrêtes de croire que tout le monde t'en veux.
- Tu as parlé avec Sirius ou James ? Marmonna-t-il.
- Figure-toi que oui. Sirius m'a dit qu'il était temps que tu comprennes que le monde entier n'était pas ligué contre toi.
- Quoi ? Le sale traître ! Les Maraudeurs sont censés se soutenir !
Un sourire effleura les lèvres de Margaret.
- C'est ce qu'il a fait.
Remus secoua la tête, atterré, avant de demander timidement :
- Tu me pardonnes ?
- Ça dépend, tu me crois quand je te dis que je n'ai pas peur de toi ?
- Oui. Mais je suis un peu instable. Ça va avec... le reste.
- Toi. Avec toi. Remus Lupin. Ça contribue à faire de toi celui que tu es, et je ne comprends vraiment pas pourquoi tu ne l'acceptes pas.
Il détourna le regard, gêné. Cependant le silence n'eut pas le temps de s'installer : le parquet craqua sous les pas de Margaret, qui vint l'attraper par le bras en lui proposant un goûter. Il lui adressa un large sourire et la suivit sans rechigner.
***
- James ! Rends-moi ça !
- Seulement quand je l'aurai lue !
- Espèce de ... Potter !
James déboula dans la cuisine, évita de justesse la chaise sur laquelle se trouvait Remus mais rentra dans le placard au fond de la pièce. Lily lui sauta dessus et il leva le bras pour l'empêcher d'attraper la lettre qu'il tenait à la main. C'était une lettre adressée à Benjy et il voulait absolument savoir ce qu'elle contenait.
- Sale imbécile ! Brailla-t-elle tout en sautillant autour de lui. Crétin ! Donne-moi ça Potter ! C'est mon courrier !
- Pourquoi est-ce que tu ne veux pas que je le lise ? Aïe ! Lily !
- Pour le principe ! Je ne veux pas que tu surveilles ma correspondance ! Potter !
- Tu sais que bientôt ça te désignera aussi ?
- N'essaie pas de m'avoir en jouant la corde sensible, gronda-t-elle en lui assénant un coup de poing sur le torse. Donne-moi cette lettre !
- Sinon ?
- Sinon je te largue et je retourne vivre chez mes parents !
- Lily ! Pour une simple lettre ?
- C'est toi qui as commencé ! Sérieusement, rends-moi ça ! C'est ridicule, James !
- Je suis jaloux, j'y peux rien, rétorqua-t-il, la lettre toujours au-dessus de sa tête.
Lily lâcha un soupir exaspéré et, sans crier gare, attrapa son visage entre ses mains pour l'embrasser sans aucune retenue. James ne pensa même pas à résister ; il abaissa aussitôt le bras pour la prendre par la taille mais Lily lui échappa en un mouvement souple et lui arracha le parchemin des mains.
- J'ai gagné, triompha-t-elle.
- Tu es insupportable, Evans, ronchonna-t-il.
- Dit celui qui m'a volé mon courrier, accusa-t-elle en faisant volte-face.
Elle se figea lorsqu'elle s'aperçut que Remus et Margaret avaient assisté à toute la scène, y compris la partie où elle l'embrassait sauvagement. En règne générale, Lily ne faisait pas ce genre de choses devant témoins, même si c'était déjà arrivé à Poudlard à cause du manque d'intimité.
- Oh, commenta-t-elle.
- Salut, répondit Remus après avoir fait un clin d'œil à James, qui pouffa dans le dos de sa fiancée.
- Euh... Désolée pour le dérangement. Attendez une minute... Vous vous êtes réconciliés ?
- Beau changement de conversation, murmura James.
Remus camoufla son rire par une toux alors que Margaret haussait les épaules en adressant un petit sourire à Lily.
- Quel est l'objet du litige ? S'enquit Margaret.
- James veut savoir ce que j'écris à Benjy, marmonna Lily en prenant place à table, non sans fusiller son fiancé du regard.
- Elle ne veut pas me dire ce que c'est, donc j'en conclus que c'est suspect, se justifia-t-il.
- Elle ne te le dit pas parce que tu lui casses les pieds pour savoir, rétorqua Margaret.
- Oh, Merlin. Il y a un mode d'emploi avec ce truc ?
- C'est de moi que tu parles ? S'offusqua Lily. Ce truc il va te laisser dormir tout seul cette nuit. Ou tu peux prendre ma bague avec toi, si tu veux.
- T'as perdu ton sens de l'humour ?
- Parce qu'elle en a déjà eu un ? Intervint Remus, faisant éclater de rire James.
- Ils sont infernaux, geignit Lily. Maggy, je veux pas l'épouser !
- T'as qu'à épouser Benjy à la place, attaqua aussitôt James.
- Ouais, c'est ce que je lui propose dans ma lettre d'ailleurs.
- Evans...
- Potter ?
- Je suis en train de chercher comment te faire payer.
- Fais attention Cornedrue, prévint Remus nonchalamment, tu vas te faire avoir.
James se contenta de lui adresser un grand sourire avant de se lever sans un mot et de quitter la pièce, certain que Lily suivait le moindre de ses gestes. Il monta jusqu'au premier étage, s'arrêta sur le palier et attendit. Quelques secondes plus tard, les marches craquèrent et une tête rousse fit son apparition. Avant qu'elle n'ait eu le temps de réaliser qu'il était là, il la plaqua contre le mur et écrasa ses lèvres sur les siennes. Elle protesta bien un peu mais rendit vite les armes, les doigts enfoncés dans ses cheveux. James pressa un peu plus son corps contre le sien avant de rompre le baiser, le souffle court.
- T'as pas le droit de me faire ça, Potter, bredouilla-t-elle. Je suis censée partir dans dix minutes.
- « Censée », releva-t-il avec un sourire suggestif.
- Je ne me laisserai pas mettre en retard, prévint-elle dans un soupir alors qu'il déposait ses lèvres à la base de son cou.
- T'es pas très convaincante.
- Mais toi, tu t'en sors pas trop mal. Oh, Merlin...
Elle se contorsionna pour éviter que les lèvres de James ne se posent à nouveau sur sa peau et attrapa ses mains pour les empêcher de continuer à la tripoter. James pouffa, fier de son petit effet, avant de poser son front contre le sien.
- Avoue que tu ne me remplacerais pas contre Fenwick.
- Certainement pas, souffla-t-elle. Mais je ne te ferai pas lire cette lettre, juste pour te faire les pieds.
- Ça marche. Il te reste encore combien de temps, avant de partir ?
- Un peu plus de cinq minutes.
- Parfait, murmura-t-il avant de poser à nouveau ses lèvres sur les siennes.
Il la souleva contre lui et elle crocheta ses jambes autour de sa taille. Elle n'aurait sans doute jamais été à l'heure pour sa mission si la voix de Remus ne leur était pas parvenue :
- James ! Un incendie du côté de Leeds !
Le couple ne réagit pas, bien trop occupés à profiter du peu de temps qu'ils avaient ensemble.
- Cornedrue ! Je sais que vous êtes sur le palier ! C'est un Feudeymon, ils ont vraiment besoin de renforts !
Lily arracha ses lèvres de celles de James pour lui adresser un regard hagard.
- Feudeymon ? Balbutia-t-elle.
James lâcha Lily et une flopée de jurons à la fois, avant de se ruer en bas de l'escalier, suivi par la jeune femme. Margaret les poussa vers la sortie dès qu'ils déboulèrent dans la cuisine. Dix minutes plus tard, ils se trouvaient sous la pluie, dans la banlieue de Leeds. Une fumée noire s'échappait d'un immeuble. Des membres de l'Ordre s'étaient placés en cercle autour, ainsi que quelques membres de la Brigade Magique. Ils avaient tous leurs baguettes levées, sans doute pour réussir à maintenir le feu dans le bâtiment. Un Feudeymon pouvait détruire une ville entière en un rien de temps s'il n'était pas contrôlé.
- Comment on arrête ça ? Souffla Lily alors qu'ils s'approchaient de l'incendie.
- Aucune idée, répondit James sur le même ton. Et les Moldus vont rappliquer.
- Ils ont dû jeter un sortilège Repousse-Moldu.
- Avec une fumée pareille, tu penses qu'il va faire effet quand même ?
Lily hocha la tête, les yeux toujours fixés sur le bâtiment. On voyait les flammes danser à travers les ouvertures. Les fenêtres avaient explosé sous l'effet de la chaleur et de temps en temps des boules de feu jaillissaient vers la foule de Sorciers qui se tenaient en contrebas.
Au moment où ils arrivaient à la hauteur de Fabian, placé à un coin de l'immeuble, un cri retentit. Quelques secondes plus tard, la Marque des Ténèbres vint illuminer les lieux de sa lueur malsaine. Un frisson remonta le long de l'échine de James, comme chaque fois qu'elle apparaissait. Mais il ne s'attarda pas sur ce détail : il était déjà en train de courir vers l'endroit d'où le maléfice était venu.
Remus se joignit aussitôt à lui. Ils contournèrent le bâtiment et débouchèrent dans un parc vide – sans doute les Moldus avaient-ils fui.
- Tu vois quelque chose ? interrogea James, aux aguets.
- Je sens quelque chose, surtout.
- Pratique, Lunard. Où ça ?
Sans un mot, Remus l'entraîna dans une allée. On n'entendait que le crépitement du Feudeymon derrière eux. Ils avançaient prudemment en évitant les brindilles qui jonchaient le sol. James se sentait épié. Alors qu'ils allaient emprunter un nouveau chemin, Remus le poussa soudain au sol avant de suivre le mouvement. Un sortilège fit voler l'écorce d'un arbre à leur gauche. Les deux garçons sautèrent aussitôt sur leurs pieds, baguettes brandies, mais personne n'était visible. Remus était aux aguets.
James leva un peu plus sa baguette et murmura : « Hominum Revelio ». Deux silhouettes se détachèrent peu à peu de la masse de la végétation, à une dizaine de mètres de l'endroit où ils se tenaient. Remus tenta aussitôt d'en stupéfixer un mais son sortilège s'écrasa sur un bouclier. James eut juste le temps de les couvrir avant qu'un sort ne fuse vers eux. Les Mangemorts avaient à présent totalement abandonné leur camouflage. L'un d'eux était tourné vers l'immeuble en feu, les deux bras levés. Le deuxième, le visage masqué, le protégeait.
- Il contrôle le Feudeymon, murmura Remus alors que James maintenait le bouclier devant eux, même si le second Mangemort avait cessé ses attaques.
- J'imagine que le neutraliser ne suffira pas à arrêter le Feudeymon ?
- Je ne pense pas. Je crois me rappeler que seule la glace peut étouffer ce maléfice.
James grogna.
- Évidemment, personne ne maîtrise la magie élémentaire dans l'Ordre. Si on se décidait à nous l'enseigner ça nous faciliterait la vie.
- Je ne parierai pas là-dessus. C'est bien le genre de Marlène ou d'un des Prewett de savoir ça.
- Pourquoi est-ce qu'il n'attaque pas ?
- Peut-être qu'il se pose la même question. Et si tu baisses le bouclier, il se passe quoi ?
James abaissa lentement sa baguette. Aussitôt, un jet de lumière rouge fusa vers eux. Un nouveau bouclier l'arrêta.
- Il n'a pas l'air très décidé, commenta Remus.
- Si on lui saute dessus on peut sans doute l'avoir sans problème.
- Et le deuxième ?
- Si on a neutralisé l'autre ça devrait aller.
- Bon, c'est parti, soupira Remus. T'essaie de le stupéfixer et moi de le désarmer ?
Son comparse hocha la tête avant de faire disparaître son bouclier. Ils lancèrent leur sort en même temps mais James dut éviter une nouvelle attaque de leur adversaire. Son propre sortilège alla se perdre dans le parc alors que celui de Remus frôlait l'épaule du Mangemort qui leur tournait le dos. Il tressaillit et se retourna lentement tout en ôtant son masque. James lâcha un juron avant de jeter un autre sortilège, cette fois bien plus agressif que le précédent, sur celui qui contrôlait le Feudeymon. C'était Yaxley.
Les mains de James commencèrent à trembler légèrement. Yaxley lui évoquait cette nuit du mois de mars, mais aussi la douleur qu'avait endurée Lily quand il avait fait sauter son école. S'il y avait bien un Mangemort qu'il détestait par-dessus tout, c'était lui.
Sans attendre Remus, il se mit à courir vers lui. Le second Mangemort était de toute façon trop occupé à se battre avec le lycanthrope pour s'occuper de lui. Il entendit distinctement la voix de Yaxley alors qu'il sautait par-dessus les racines :
- Endoloris !
James se jeta sur le côté, roula au sol, sauta sur ses pieds et reprit sa course en jetant tous les sorts offensifs qu'il connaissait. Un Maléfice Cuisant finit par atteindre Yaxley au bras, au moment où une coupure apparaissait sur la joue de James. Il n'était plus qu'à deux ou trois mètres l'un de l'autre à présent. Le jeune homme s'arrêta. Il voyait nettement les yeux froids et cruels de Yaxley, ses cheveux blonds tirés en arrière. Et derrière lui, le rougeoiement de l'incendie.
- Potter, commenta Yaxley. Je pensais que la nouvelle de ta survie n'était qu'une rumeur.
- Il semblerait que non, marmonna-t-il avant d'attaquer.
Son adversaire fit un simple pas de côté pour éviter le sort, un air amusé sur le visage.
- Tu m'as l'air tout tremblant, mon pauvre garçon.
James s'empourpra et tenta de contrôler sa main. Il tendit le bras, pointa sa baguette sur le cœur de Yaxley.
- Arrêtez le Feudeymon.
- Je ne peux pas.
- Alors qu'est-ce que vous foutez là ?
Au lieu de lui répondre, Yaxley voulut le désarmer mais James fit apparaître un bouclier juste à temps. Heureusement qu'ils s'étaient entraînés à ce genre d'exercices avec Sirius.
- J'ai l'impression que ton ami est en difficulté, lança Yaxley en regardant derrière James.
Celui-ci prit sur lui pour ne pas se retourner, bien conscient que ce serait une erreur fatale.
- Il se débrouillera.
- Et toi ? Qu'est-ce que tu vas faire ?
- Vous arrêter.
- Et si je te prends de vitesse à chaque fois, et que tu fais exactement la même chose ? Combien de temps est-ce qu'on...
James tenta un sortilège d'Entrave mais Yaxley le bloqua une nouvelle fois. Il eut un sourire amusé et poursuivit :
- ... va rester là ?
James ouvrit la bouche mais un craquement se fit entendre derrière les arbres. Yaxley fit aussitôt volte-face en jetant un sortilège. James ne perdit pas une seconde :
- Stupéfix !
Yaxley s'écroula, assommé. Il n'avait même pas touché le sol qu'un deuxième sortilège de stupéfixion vint agiter son corps immobile, vite suivi d'un sortilège d'Entrave. James fouilla les sous-bois du regard et tomba sur une chevelure rousse.
Lily se dirigea à pas lents vers eux, un air de dégoût peint sur le visage, sa baguette pointée vers Yaxley.
- Merci pour la diversion, lança James avant de se rappeler brusquement de Remus.
Il fit volte-face puis se mit à rire lorsqu'il aperçut son ami, tranquillement assis par terre près d'un arbre auquel était attaché le Mangemort contre qui il se battait.
- Désolé, lança-t-il, il m'a donné du fil à retordre ! Merci Lily, tu l'as distrait aussi !
La jeune femme hocha la tête sans quitter Yaxley du regard.
- Il ne faut pas qu'il s'échappe.
- Il vient de se prendre deux sortilèges de Stupéfixion dont un en pleine tête, la rassura James. Je pense qu'il en a pour un moment.
Elle consentit enfin à lever les yeux et pâlit légèrement.
- Tu saignes.
Il porta la main à sa joue et grimaça lorsque ses doigts entrèrent en contact avec le sang chaud qui s'écoulait de sa plaie.
- Ce n'est pas grand-chose. Où ils en sont, là-bas ?
- Edgar Bones est arrivé. Apparemment, c'est un spécialiste de l'apparition de glace.
- Drôle de spécialité, releva James.
- Parfaite pour quelqu'un qui boit du whisky à longueur de journée, rétorqua Remus. Qu'est-ce qu'on fait de ces deux-là ?
- Les Prewett doivent savoir, répondit Lily, qui scrutait toujours le visage de James d'un air inquiet. Vous vous rendez compte que c'est la première fois qu'on arrête nous-mêmes des Mangemorts ?
- C'est parce qu'on est un peu nul, sourit James avec un clin d'œil avant de jeter un sortilège de lévitation sur Yaxley.
Remus détacha le deuxième Mangemort et ils se dirigèrent à grands pas vers l'immeuble. L'air était devenu proprement irrespirable. Un cercle de Sorciers entourait toujours le bâtiment. Ils avaient fait appel au sortilège de Têtenbulle pour pouvoir rester sur place. La scène était de plus en plus surréaliste.
- Ça n'a pas l'air de s'améliorer, toussota Lily plissant les yeux en direction de l'incendie.
- Si, regarde ! S'exclama Remus, le doigt pointé vers un coin de l'immeuble.
Une couche de glace apparaissait. Elle prenait possession des murs, les enveloppait d'une épaisse couche. Elle remplaça les vitres qui avaient explosé, s'insinua à l'intérieur. Par la force de la magie, elle ne fondait pas malgré la chaleur de plus en plus forte.
- Je n'aurais jamais cru que Bones était capable de ça, souffla Remus.
***
Edgar Bones avait fini par s'évanouir sous l'effort. Benjy, à la surprise de tous, avait pris sa place. Les deux hommes, boostés par des solutions de force, s'étaient ainsi relayés pendant des heures et des heures jusqu'à ce que le Feudeymon soit enfin anéanti.
Une fois le danger maîtrisé, la plupart des membres de l'Ordre était retourné à leurs occupations. Étant donné que tous les résidents de l'immeuble avaient réussi à fuir dès les premières flammes, il n'y avait pas de blessés à gérer. Plus tard sans doute, les Moldus reviendraient voir l'étendue des dégâts.
Lily avait tenu à rester. Officiellement, elle fournissait Bones et Benjy en potions. Officieusement, elle voulait garder un œil sur Yaxley. Fabian lui avait conseillé d'attendre que Bones soit en état de statué sur son sort ; en tant que membre du Magenmagot, il y avait des chances qu'il arrive à le faire passer en justice très vite. Lily ne pourrait pas dormir tranquillement tant qu'il ne serait pas envoyé à Azkaban.
Le soleil était en train de se coucher lorsque les dernières flammes furent étouffées sous la glace. Le visage rougi, les yeux irrités, les quelques personnes qui étaient toujours sur place purent enfin souffler un peu. Edgar, qui avait achevé d'éteindre le feu, réclamait du thé à cor et à cri. Benjy, assis près de Lily sur le bitume, achevait d'avaler sa troisième tablette de chocolat.
- Ça va aller ? S'inquiéta la jeune femme en considérant ses yeux injectés de sang à cause de la fumée.
- Avec un peu de repos, ouais, acquiesça-t-il.
- Je ne savais pas que tu maîtrisais la magie élémentaire comme ça.
- C'est une forme de magie comme une autre. Quand tu lances un Aquamenti, c'est de la magie élémentaire.
- Oui, mais y a une différence entre faire apparaître un filet d'eau et invoquer un tsunami.
- C'est bien pour ça qu'on ne vous enseigne pas ce genre de sorts à Poudlard. Tu imagines Sirius Black avec la formule nécessaire pour faire apparaître une vague de quinze mètres de haut ? Poudlard n'aurait jamais survécu.
- Vu comme ça... C'est pourtant sacrément utile.
- Ouais, parce qu'on a tous les jours besoin d'éteindre un Feudeymon, railla-t-il.
Elle le gratifia d'un petit coup d'épaule.
- Arrête de te moquer de moi. Tu sais que James a fait une crise de jalousie, ce matin ? Il est persuadé que je vais le larguer pour m'enfuir avec toi.
- L'imbécile, commenta Benjy avant d'enfourner son dernier morceau de chocolat.
- Tu devrais aller lui dire.
- Hors de question, il va me frapper.
- Il le fera si jamais tu m'embrasses ou un autre truc dégoûtant du genre.
- Dégoûtant ? Releva-t-il en tournant un visage amusé vers le sien. Ça n'a pas l'air de te déranger quand c'est James.
- Parce que c'est James. Mais avec quelqu'un d'autre ce serait... beurk. Surtout un ami.
Benjy secoua la tête avant de conclure :
- Il n'a vraiment aucun souci à se faire. Tu comptes attendre Edgar longtemps ?
- Je veux qu'il les emmène.
- Les Mangemorts, tu veux dire ?
- Ouais.
Benjy jeta un coup d'œil aux deux hommes attachés. Ils étaient toujours inconscients – Lily leur jetait un sort dès qu'ils remuaient un orteil.
- Qu'est-ce que tu aimerais que le Magenmagot fasse de Yaxley ?
- De la chair à pâté ?
Benjy la gratifia d'un regard sévère et elle soupira :
- Qu'ils l'envoient à Azkaban le plus vite possible. Ce ne serait que justice.
Le jeune homme hocha la tête avant de passer la main dans ses cheveux courts.
- Je crois que je vais aller dormir.
- Chez Emmeline ?
Il fronça les sourcils.
- Comment tu sais ça, toi ?
- Fabian a cafté, je ne sais plus quand. Alors ?
- Non, pas chez Emmeline, grinça-t-il. Je te préviens Evans, si cette conversation revient sur le tapis je vais aller raconter des absurdités à James.
Lily leva les yeux au ciel avant de se lever d'un bond pour l'aider à faire de même.
- C'est bon, je ne dirai plus rien. Repose-toi b...
Un cri déchirant l'interrompit. Un cri de bête blessée, touchée à mort. Les deux jeunes gens se retournèrent vivement, juste à temps pour voir Edgar Bones se ruer vers l'immeuble calciné. Un homme se rua à sa suite.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Balbutia Lily.
- Aucune idée... Pourquoi est-ce que Podmore...
Un craquement sinistre se fit entendre, vite suivi d'une dégringolade. Un instant plus tard, un pan entier de l'immeuble s'effondrait, saturant l'air de poussière. Lily et Benjy se protégèrent juste à temps à l'aide d'un bouclier. Lorsque la poussière retomba enfin, ils virent Bones et Podmore sortirent des ruines du bâtiment, miraculeusement entier. Podmore traînait un Bones apathique derrière lui.
Benjy, après un coup d'œil échangé avec Lily, se dirigea à grands pas vers les deux hommes. Ils étaient en train de rejoindre deux jeunes femmes, l'une entre deux âges avec un uniforme de la Brigade Magique, l'autre avec un visage plutôt enfantin couvert de taches de rousseurs. Le membre de la Brigade Magique tenait un parchemin et affichait un air désolé.
Lorsque Benjy et Lily parvinrent à leur hauteur, Podmore venait de laisser tomber Bones sur une chaise apparue par magie. Le membre du Mangenmagot fixait le sol, blême. Lily leva les yeux vers Sturgis Podmore, un Sorcier de taille moyenne à la calvitie naissante qu'elle rencontrait pour la première fois. Il fixait Bones d'un air atterré. Quant à la jeune blonde aux taches de rousseur, elle avait l'air perdu.
- Que se passe-t-il ? Souffla finalement Lily sans trop savoir à qui elle s'adressait.
Sturgis dirigea son attention sur elle, observa un instant le parchemin que tenait l'officier de la Brigade Magique, puis les attrapa toutes deux par le coude pour les éloigner d'Edgar. Il murmura :
- La fille aînée de Bones... Elle a disparu ce matin et ce message est arrivé il y a une heure au bureau d'Edgar.
Il fit un signe de tête à l'officier, qui tendit la lettre à Lily. Elle la prit d'une main hésitante, pas tout à faire sûre de vouloir en connaître le contenu. Il n'y avait qu'une ligne : « Un beau feu pour mourir... C'est sans doute ce qu'Alexandra a toujours voulu ».
Horrifiée, Lily balbutia :
- Ça veut dire... l'incendie, c'était...
- Oui.
- Mais... Pourquoi est-ce que personne n'a su qu'on l'avait enlevée ?
- Le mari d'Alexandra n'a pas réussi à joindre son beau-père. L'information ne lui ait jamais parvenue. Il est vraisemblable qu'un sort d'Oubliettes ait été jeté à toutes les personnes qui ont eu vent de l'affaire. Peut-être même à la famille d'Alexandra.
Lily sentit les larmes s'accumuler au coin de ses yeux.
- Une famille ? Elle avait des enfants ?
- Trois, je crois, souffla Podmore. Mon Dieu, ce pauvre Edgar...
- Pourquoi lui ?
- Il a fait passer des mesures favorables aux Nés-Moldus, il fait partie de l'Ordre... c'est largement suffisant.
Sturgis secoua la tête avant de revenir vers Edgar.Benjy, à quelques pas du malheureux père, discutait avec la jeune fille blonde.Lily, le cœur gros, ne put se résoudre à les rejoindre. Elle regagna lentementl'endroit où étaient entravés les deux Mangemorts. Mais lorsqu'elle fut toutproche d'eux, elle se figea. Yaxley avait repris conscience. Même immobilisé,humilié, meurtri, il souriait d'un air satisfait.
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