Partie III - Chapitre 31
Chapitre 31
James eut dix-neuf ans sans vraiment s'en apercevoir, trop pris qu'il était par les missions qu'il accumulait. Lily lui proposa de prendre un jour pour fêter ça mais il refusa, trop désireux d'aider après les trois semaines qu'il avait passé dans un lit.
Avril arriva, avec ses quelques rayons de soleil, son vent frais... Et ses attaques. Les escarmouches ne cessaient pas. Des sorts jaillissaient parfois d'un coin de rue et lorsque la victime s'y ruait, il n'y avait plus personne. Plus que jamais, les forces de Voldemort étaient des ennemis fantômes. Jenny avait abandonné ses recherches au Ministère après avoir failli se faire prendre. De toute façon, elle ne trouvait rien. Personne ne trouvait rien. La Marque des Ténèbres continuait pourtant d'apparaître, des gens disparaissaient, mais depuis l'enlèvement de Minchum, les Mangemorts n'avaient plus opéré aucune grosse démonstration de force.
Cette méthode était presque plus efficace : la peur progressait dans les cœurs, insidieuse. Tous les Sorciers savaient que la mort pouvait leur tomber dessus à n'importe quel moment. Quant aux Moldus, ils craignaient une menace dont ils n'avaient même pas conscience.
James posa sa tasse de café avec fracas sur la table et sursauta au bruit émis. Il était rentré deux heures plus tôt d'une veille de nuit dans Londres et il repartait dans moins d'une heure pour escorter un transport de potions magiques en direction de Ste-Mangouste. Près de lui, Emmeline grommela une insanité. Elle lisait un exemplaire de la Gazette du Sorcier qu'il avait ramassé au Chaudron Baveur.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Une famille assassinée dans l'Essex. Ils laissent deux enfants à Poudlard, en deuxième et quatrième années.
James jura à son tour et attrapa la cafetière pour se resservir une tasse.
- Qu'est-ce que dit la Gazette ?
- Avada Kedavra. Oh, Merlin... le père a été torturé, apparemment.
- Comment s'appelait-il ?
- Albert Cattermole. Par tous les caleçons de Merlin !
- Quoi ?
- « Sang-Mêlé » !
- Hein ?
Emmeline poussa un cri de rage et roula en boule le journal avant de le jeter contre un mur. James, effaré, recula légèrement sa chaise.
- Un problème avec les Sang-Mêlés ?
- Ils indiquent le statut du sang dans le journal maintenant ! Bon sang ! Quelle bande d'imbéciles ! Je vais les ... Argh !
- Euh... Ok, je vais juste...
- Non mais tu te rends compte ? Le statut du sang dans le journal ! C'est quoi ici, le IIIè Reich ?
- Pourquoi est-ce qu'on parle de Nazis ? Interrogea une voix ensommeillée depuis la porte de la cuisine.
James se retourna pour adresser un sourire chaleureux à Lily. Elle le lui rendit, les yeux dans le vague.
- C'est quoi les Nazis ? Interrogea-t-il alors qu'elle entrait dans la pièce en traînant les pieds.
- Des gens pas très recommandables, bailla-t-elle. Des espèces de Mangemorts moldus.
- Et quel est le rapport avec le troisième empire ?
- Tu parles allemand ? Releva Lily en se penchant par-dessus sa chaise, sa tête posée contre la sienne.
- Je sais dire ça et « Ich mag Pizza ».
- J'ai seulement compris Pizza, lança Emmeline, qui fusillait toujours du regard la boule de papier qui était autrefois un journal.
- Les Nazis ont créé le IIIè Reich, expliqua Lily. Mais laisse tomber, c'est pas très important. Pourquoi vous parlez de ça ?
- C'est Emmeline qui a commencé.
- Ils ont mis le statut du sang d'un cadavre dans un article ! Brailla-t-elle.
- Oh, Seigneur, marmonna Lily contre son épaule. On va tous finir en camps de concentration.
- En quoi ? Arrêtez de faire des références de moldus, pitié, gémit James.
- Tu fais tout le temps des références de satanés Sang-Pur avec Sirius, protesta Lily. Merlin, je suis fatiguée.
- Va te coucher, au lieu de m'accuser d'être un Sang-Pur.
- Tu es un Sang-Pur, fit remarquer Emmeline alors que Lily se redressait.
- Il y a Sang-Pur et Sang-Pur.
- Tant que tu es Sang-Pur-Sang-Pur-James, ça me va, gloussa Lily en se dirigeant vers les escaliers.
- Est-ce que tu as la moindre idée de ce que ça veut dire ? Interrogea James alors que le bruit de ses pas s'éteignait au-dessus d'eux.
- Pas la moindre. Merlin, il faut que je touche un mot de cette affaire à Maugrey. On ne peut pas les laisser faire ça.
- Mmh, parce que j'imagine que s'ils commencent aussi à y attacher de l'importance, tout le monde va le faire et Voldemort va devenir Ministre ?
- Ouaip. Merlin, si Maugrey pouvait prendre la place de Minchum, ce serait parfait.
- Pas sûr que la dictature par les Aurors soit vraiment une bonne chose, observa-t-il. Et puis... (il se mit à rire). Tu imagines Maugrey coincé derrière un bureau ou obligé d'aller à des soirées stupides ? Il tuerait tout le monde.
- Bon, d'accord. Ce serait un peu l'apocalypse.
- Ça l'est déjà, souligna James en avalant d'une traite son café.
Il se leva en grognant, lava magiquement sa tasse et ramassa le journal pour le reposer devant Emmeline avec un sourire :
- Tu auras besoin de preuves à montrer à Maugrey.
Le dégoût avec lequel elle considéra le journal étira un peu plus son sourire. Elle finit par marmonner :
- Ouais, j'imagine. Où est-ce que tu vas ?
- Une escorte à faire à Londres. Je suis censé retrouvé Dearborn, je crois. Tu l'as déjà rencontré ?
- Ce vieux taré de Caradoc ? Eh bien, bon courage.
- Merci, ça me rassure.
Elle se contenta de lui adresser un sourire amusé alors qu'il attrapait sa veste. Après s'être assuré qu'il avait bien sa baguette, il quitta le manoir. Un quart d'heure plus tard, il se trouvait dans un quartier délabré de Londres. Il longea plusieurs usines désaffectées avant d'arriver enfin devant un mur jaune soleil portant l'inscription « Laboratoire de Ste-Mangouste » au-dessus de la porte. On pouvait difficilement faire plus voyant.
- Potter ?
Il se tourna vivement, sa baguette brandie. Un type de taille moyenne, presque chauve, avec des lunettes énormes, le dévisageait d'un air curieux.
- Range ça, mon garçon. On pourrait te voir.
- On pourrait me voir ? Non mais vous avez vu ce bâtiment ? Personne ne vous a jamais demandé ce qu'était Ste-Mangouste ?
- Les Moldus ne peuvent pas le voir, voyons.
James grommela, sans pour autant baisser sa baguette. Ses récentes mésaventures l'avaient rendu méfiant et il répugnait particulièrement à lâcher sa baguette – surtout depuis qu'il n'en possédait plus qu'une.
- Qui êtes-vous ?
- Caradoc Dearborn, mais tu peux m'appeler Doc, comme tout le monde.
- Comment je peux savoir que vous ne mentez pas ?
- Ah oui, bien sûr... marmonna le petit homme. Il faut s'identifier, hein ? Eh bien... tu connais bien cette rousse qui a fait un stage à Ste-Mangouste cet été, je crois ?
- Ouais.
- Quelle note a-t-elle obtenu en Potions aux ASPIC ?
- Optimal, mais...
- Parfait ! S'exclama-t-il joyeusement. Nous voilà rassurés sur notre identité mutuelle !
- Quoi ? Mais pas du tout, il n'y avait que cinq options possibles, et n'importe qui peut savoir ça ! Et...
- Merlin, mon garçon, ferme-la un peu tu veux ? On a des potions à transporter à l'hôpital. Suis-moi.
A contre-cœur, James s'exécuta. Caradoc se tourna vers le bâtiment – vraisemblablement un ancien entrepôt investi par le laboratoire magique. Il s'arrêta devant une petite porte, sur le côté droit, et frappa trois fois avec sa baguette sur la poignée, avant de donner un coup sur chaque charnière. Le battant pivota et un effluve d'odeurs nauséabondes saisit James à la gorge.
- Est-ce que les potions doivent nécessairement être dégoûtantes et sentir mauvais ? Marmonna-t-il.
- En quoi serait-ce amusant de les faire boire aux malades sinon ? Répondit Caradoc par-dessus son épaule. Tu n'imagines pas le nombre de soirée que j'ai passé à imiter les grimaces des patients avec les autres Médicomages.
James ne prit pas la peine de répondre, trop impressionné par les multiples passerelles qui s'étageaient jusqu'au plafond de l'entrepôt. Des centaines de chaudrons y étaient répartis, parfois surmontés d'un couvercle, parfois sous l'attention d'un ou plusieurs Sorciers qui y remuaient des cuillères, y mettaient des ingrédients, ou réglaient le feu qui les maintenaient au chaud. Des vapeurs et fumées multicolores saturaient l'air. Tout un mur était occupé par d'énormes armoires vitrées où s'entassaient les bocaux, les fioles et les sachets pleins de plantes. Des Sorciers couraient partout, des parchemins ou des ingrédients à la main. De temps en temps, un cri retentissait (« Pas les limaces ! Pas les ... Bon sang, Hershel ! »).
- Potter ? Eh, tu m'écoutes ? Ne me dis pas que tu te sens mal à cause de toutes ces vapeurs ! J'ai déjà dû renoncer à Fabian Prewett parce qu'il s'évanouit à chaque fois qu'il vient mais...
James pouffa à cette image. Son émerveillement lui avait fait oublier ses réticences premières. Il s'imaginait déjà venir ici avec Lily : il faudrait sans doute l'arracher de force au laboratoire. Merlin, elle allait adorer cet endroit.
Caradoc claqua des doigts sous son nez et James revint enfin à la réalité.
- La caisse est là-bas, prend-là, ordonna-t-il avant de se retourner vers le Sorcier vêtu d'une robe tachée avec qui il discutait.
- Parce que c'est moi qui dois la porter ?
- Tu as cru que tu étais là pour quoi, gringalet ? Pas de tire-au-flanc dans mon hôpital !
En marmonnant, le jeune homme s'exécuta et souleva la caisse en bois avec un grognement d'effort. Elle pesait une tonne, et en plus elle était énorme.
- On ne peut pas la réduire ? Grogna-t-il, sa voix étouffée par les planches.
- Non, ça endommage les potions. Ne fais pas ta chochotte.
James se garda de répondre mais il n'en pensait pas moi. Il attendit encore cinq minutes, sa caisse dans les bras, que Caradoc ait fini de discuter avec son interlocuteur. Il tenta de poser son fardeau mais Caradoc lui aboya aussitôt dessus. Ils quittèrent enfin le laboratoire et son atmosphère nauséabonde. James fit trois pas dans la rue avant de s'arrêter pour demander :
- Comment va-t-on à Ste-Mangouste ?
- En marchant, pardi, s'exclama Caradoc. Que voulais-tu qu'on fasse d'autre ? Qu'on prenne un tapis volant ?
Il éclata de rire comme s'il avait réellement fait une bonne blague.
- Vous vous foutez de moi ? Ste-Mangouste est de l'autre côté de la Tamise ! Pourquoi est-ce qu'on ne transplane pas ?
- Pour la même raison qu'on ne réduit pas la taille de cette caisse, lança Caradoc, déjà cinq mètres devant.
James jura et se dépêcha de le rattraper pendant qu'il continuait à déblatérer sur les potions :
- ... très dangereuses, instables et fragiles, alors le moindre changement d'état peut changer complètement leur effet. Tu n'es pas sans savoir que le transplanage nécessite une modification de la structure moléculaire qui ne pose pas de problème chez les Sorciers mais qui ne plaît pas du tout aux potions, et ...
Le jeune homme se déconnecta de son discours. Il avait l'habitude ; il faisait tout le temps ça avec Lily. Merlin, une fois lancée sur les potions elle était intarissable. Elle se rendait parfois compte qu'il ne l'écoutait pas et elle le gratifiait alors d'une tape sur la tête mais la plupart du temps elle continuait juste son discours. Peut-être qu'elle était juste contente de pouvoir parler de ce qui la passionnait. Après tout, elle n'écoutait pas la moitié de ce qu'il disait quand il commençait à parler Quidditch.
Une main se posa sur son bras, le ramenant brutalement sur terre. Caradoc s'était tu. Ils s'étaient immobilisés dans une rue un peu plus passante, et les promeneurs les évitaient en leur jetant des coups d'œil agacés. Caradoc regardait autour de lui comme un animal traqué.
- Viens, souffla-t-il finalement. Prenons par-là.
Il l'entraîna prestement dans une rue beaucoup plus encombrée, où voitures et passants se confondaient dans un imbroglio indémêlable.
- Vous avez vu quelque chose ? Haleta James alors qu'il essayait de tenir le rythme que lui imposait Caradoc.
- Je ne suis pas sûr. On n'est jamais trop prudent.
- Mais... tous ces Moldus...
- Ils ne nous auront jamais dans une telle masse.
- Mais s'ils font sauter tout le monde !
- Ah... eh bien, espérons qu'ils ne le feront pas.
James jura et accéléra le pas pour rester à sa hauteur. La caisse le ralentissait considérablement.
- Pourquoi est-ce que des Mangemorts essaieraient de voler des potions, au juste ? Ils peuvent juste les faire, non ?
- Certains ingrédients sont très rares, nous sommes les seuls à les avoir, expliqua à toute vitesse Caradoc. D'autres potions sont vraiment très complexes, et franchement, mon garçon, tu penses vraiment que tous ces Mangemorts sont capables de réaliser nos exploits ?
- Ils ont Severus Rogue, marmonna James.
- Qui ça ?
- Un foutu génie des potions.
- Comment sais-tu ça ?
- On était ensemble en classe... malheureusement.
Il se garda bien d'ajouter qu'il était aussi l'ex-meilleur ami de sa copine et qu'il en était toujours terriblement jaloux, même s'il évitait de le montrer à Lily. Il n'avait pas envie de déclencher la 357ème crise Severus Rogue.
- Hmm.
- Donc je ne vois vraiment pas pourquoi ils s'en prendraient à une malheureuse caisse de remèdes.
- Peut-être parce qu'il y a du Véritaserum dedans ? Proposa faiblement Caradoc.
- Quoi ?
James trébucha et Caradoc l'attrapa par le coude pour le maintenir d'aplomb, faisant montre d'une robustesse étonnante pour quelqu'un de sa taille.
- Et on n'est que deux pour une satanée caisse avec du... Merlin ! Comment est-ce qu'ils savent ça ?
- Je ne sais pas s'ils le savent, mais à mon avis oui. Et nous ne sommes pas que deux.
- Ah oui ? Grinça James, furieux et légèrement paniqué. A part votre ami imaginaire, je ne vois personne d'autre.
Caradoc balaya ses enfantillages d'une main.
- Il y a un autre membre de l'Ordre qui nous suit, normalement, j'ignore qui.
James eut beau se creuser la tête, il n'avait en fait aucune idée de ce que faisait les autres. Caradoc leva les yeux sur un immeuble, jura dans sa barbe et attira James dans une autre rue, un peu plus calme cette fois.
- Vous savez que la Tamise est de l'autre côté ?
- Oui, mais je suis sûr d'avoir vu quelqu'un de suspect, là-haut, près de l'enseigne de cette banque moldue. On ne va jamais pouvoir traverser le pont.
- Il ne fallait pas faire du trafic de Véritaserum, marmonna James.
- Va dire ça à Maugrey !
- Qu'est-ce que Maugrey vient faire là-dedans ? Il ne travaille pas à l'hôp... Attendez une minute, pourquoi est-ce que vous avez besoin de Véritaserum dans un hôpital ?
- Tu en as mis du temps, railla Caradoc en louchant sur un panneau. C'est pour le Ministère, mais nous devons quand même les apporter à Ste-Mangouste.
- C'est légal ?
- Certainement pas. Minchum refuse de soumettre les membres du Ministère au Véritaserum. En même temps, c'est vrai que c'est parfaitement illégal. Merlin, pour un Auror, Maugrey est peu respectueux de la loi.
- On avait remarqué. Torturer les stagiaires n'est pas autorisé non plus.
Caradoc lui jeta un regard perplexe avant de le pousser dans une autre rue. James grogna en évitant de justesse une femme et sa poussette.
- Vous pourriez prévenir plus tôt ?
- Non.
Un bruit assourdissant couvrit la rumeur de la circulation, empêchant James de se plaindre plus avant. Caradoc se tendit mais James sourit. Il savait maintenant qui était l'autre membre chargé de protéger cette satanée caisse pleine de Véritaserum. Le bruit se rapprocha et quelques instants plus tard une moto s'arrêta près d'eux, à moitié sur le trottoir. Quelques klaxons retentirent mais les trois Sorciers n'y prêtèrent pas attention. James adressa un immense sourire à Sirius, qui le lui rendit rapidement, avant de dire à toute vitesse :
- Des Mangemorts traînent dans le coin, on a pas beaucoup de temps. Vous ne traverserez jamais le pont comme ça, mais si j'emmène la caisse avec moi sur la moto il y a moyen qu'on s'en sorte. Au pire, on s'envolera.
- En plein Londres ? Objecta James en jetant un coup d'œil inquiet autour de lui.
- On s'en fout, bon sang ! Monte sur cette moto avant qu'ils ne perdent patience et attaquent au beau milieu des Moldus !
Il s'empressa d'obéir, sans tenir compte de Caradoc qui cherchait à en placer une depuis l'arrivée de Sirius. James dut placer la caisse devant Sirius, lui obstruant ainsi presque complètement la vue, mais ils n'avaient pas le choix. Il s'assit rapidement derrière lui et passa ses bras autour de lui pour tenir la caisse. Sirius démarra aussitôt, plantant là un Caradoc complètement perdu.
- J'adore quand on est aussi proche ! Hurla James par-dessus la pétarade de la moto.
- Moi aussi mais on en discutera plus tard ! Dis-moi s'il y a des voitures qui arrivent sur les côtés !
James se pencha sur le côté, déséquilibrant momentanément la moto, alors que Sirius se redressait autant qu'il le pouvait pour voir au-dessus de la caisse.
- Vire à gauche ! Tourne à droite, le pont est dans l'autre rue ! Voiture droit devant !
Des voitures klaxonnaient de tous côtés alors qu'ils approchaient du pont. A l'entrée de celui-ci, il aperçut une silhouette enveloppée dans une cape noire, adossée à un lampadaire. L'homme les regarda passer, bouche bée. James poussa un cri de joie, qui se changea en cri d'effroi quand Sirius fit une embardée sur le côté. La caisse bougeait dans tous les sens entre ses mains.
- Un policier à droite ! Il veut qu'on s'arrête !
- Rien à battre ! Regarde, c'est Rosier, juste là !
- Quoi ? Mais... prend la rue à droite !
La moto s'engagea à toute allure dans une rue étroite, loin du Mangemort qui était en train de sortir sa baguette.
- Je crois qu'on a failli tuer quelqu'un ! Hurla Sirius en prenant une rue sur la gauche. Tu sais où on va ?
- On est à Greenwich, il faut qu'on aille jusqu'à Soho et ensuite tout droit jusqu'à Ste-Mangouste !
Sirius lança un juron dans le vent qui leur fouettait le visage. Il avait légèrement ralenti, maintenant que la principale menace qu'était le pont était derrière eux.
- C'est à l'autre bout de la ville !
Devant eux, un feu vira au rouge. Sirius ralentit de plus en plus.
- On n'a pas le temps de s'arrêter ! Protesta James. Ils vont nous rattraper !
- T'as vu toutes les voitures qui coupent la route ? Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ?
- Passe par-dessus ! Ce sera pas la première fois !
Son ami jura une nouvelle fois et prit de l'allure. James ferma les yeux par réflexe alors qu'ils approchaient dangereusement près de la voiture arrêtée au feu. Sirius poussa un cri et il sentit la moto décoller d'un ou deux mètres avant qu'ils ne rebondissent sur le toit de la voiture. Sirius était passé maître dans l'art de passer par-dessus les autres véhicules sans vraiment les toucher, donnant l'illusion qu'il roulait réellement sur leur toit et non qu'il était en train de voler.
Des cris retentirent dans la rue et la caisse de potions faillit s'envoler un bon nombres de fois. Une fois rendus sur le sol, James parvint à se concentrer suffisamment pour jeter un sortilège à la boîte, qui se stabilisa magiquement. Des sirènes de police commencèrent à retentir derrière eux, comme lors de leur escapade dans Londres deux mois plus tôt.
- Ça m'étonne que Maugrey t'ait laissé prendre la moto, s'écria James pour couvrir les vrombissements de l'engin.
- Il n'est pas au courant ! Eh, le Square Grimmaurd est par là !
Sur ce, il prit la direction opposée.
***
Sirius avala une gorgée de son whisky Pur-Feu et soupira de plaisir. Les Guérisseurs – ou plutôt une troupe de Guérisseuses – les avaient installés, James et lui, dans leur salle de garde et leur avaient apporté à boire. La caisse de médicaments avait été portée précautionneusement jusqu'au bureau de Caradoc, où elle attendait d'être ouverte. Il avait entendu quelques conversations excitées des Guérisseuses à propos des potions rarissimes qui s'y trouvaient. L'une d'entre elle, plus hardie que les autres, était allée jusqu'à poser une main caressante sur son torse, à moitié pressée contre lui, en le remerciant pour « l'extraordinaire façon dont il s'était mis en danger ». La moto était décidément une arme de séduction massive dans le monde Sorcier, tant c'était inhabituel.
Il ricana et chercha James du regard. Il s'était éclipsé quelques minutes après leur arrivée, tanguant légèrement sur ses jambes, et avait alpagué une Guérisseuse dans le couloir. Sirius l'avait aperçu en se penchant dans son fauteuil. Il n'avait pas entendu leur conversation mais il se doutait bien de ce que son meilleur ami demandait. Il attendait à présent dans le même couloir. La jeune femme revint finalement et lui tendit une fiole, qu'il avala d'une traite avant de la remercier. Il patienta encore quelques secondes, adossé contre le mur, puis se décida finalement à revenir vers la salle de garde. Son visage avait repris quelques couleurs.
Curieux de savoir ce qu'il allait lui raconter, Sirius se contenta de pousser vers lui un deuxième verre de whisky Pur-Feu.
- Ils savent accueillir les gens, dans cet hôpital, commenta James joyeusement. Il est bon ?
- Ouais. Qu'est-ce que tu fabriquais ?
- Je demandais si Caradoc était arrivé.
Sirius pouffa dans son verre et le reposa sur la table.
- Je t'ai vu, Cornedrue.
- Hein ?
- Dans le couloir. Tu es allé demander une potion.
James se figea. Il abaissa lentement son bras sans avoir porté son verre à ses lèvres et jeta un bref coup d'œil vers son ami.
- Les dernières semaines ont été un peu dures.
- J'ai eu l'impression, ouais. Tu n'étais pas obligé de te dépenser autant.
- Bien sûr que si, s'agaça James en passant une main dans ses cheveux. J'en ai marre qu'on me traite comme si j'étais en sucre. Gideon aussi a failli crever en janvier et personne n'a passé son temps à le couver !
- C'est parce que personne n'aime Prewett, plaisanta Sirius.
- Désolé Patmol, mon cœur est déjà pris.
- Par ladite personne qui passe son temps à te couver, hmm ?
- Ouais. Elle s'inquiète beaucoup trop.
- J'ai eu l'impression qu'elle s'améliorait, ces derniers temps.
James hocha la tête, presque à contre-cœur.
- Depuis qu'on est rentré de Godric's Hollow, en fait, mais...
- T'es le seul à croire que tu es encore trop faible, James, interrompit Sirius.
- Parce que je le suis, bon sang !
- Parce que tu n'as dormi que trois heures cette nuit ! Je sais que tu fais le maximum de missions possible parce que tu as peur de passer pour un convalescent mais enchaîner les nuits blanches n'est pas franchement la meilleure solution. On sait que tu es capable de tenir le rythme, pas la peine de te monter la tête.
James, après avoir laissé errer ses yeux bien trop longtemps sur le tapis, planta son regard dans celui de son meilleur ami. Ils s'affrontèrent un instant mais il finit par rendre les armes avec un soupir. Sans avoir touché à son whisky, il se leva et annonça :
- Je vais me coucher.
Sirius eut un sourire amusé. Il était assez content d'avoir réussi à lui faire entendre raison alors que Remus avait lamentablement échoué quelques jours plus tôt.
- Bonne nuit ! S'exclama-t-il joyeusement. N'en profite pas pour fricoter avec Evans !
- La ferme Patmol ! Lança James par-dessus son épaule tout en s'éloignant dans le couloir. Et merci !
- Ravi d'avoir eu le dernier mot !
Si James avait encore été en vue, il était certain qu'il lui aurait fait un doigt d'honneur. Sirius finit son verre et fut finalement assez raisonnable pour ne pas boire celui de James. Il s'étira en grognant et finit par se redresser. La journée était loin d'être finie et il pouvait encore se rendre utile avec la moto, même si Maugrey leur avait interdit de faire des missions avec.
Alors qu'il sortait de la salle de garde, un cri l'interrompit.
- Vous, là ! Le taré à la... au... machin avec des roues !
Sirius gloussa dans sa barbe et fit volte-face. Le petit homme chauve à lunettes qui accompagnait James une heure plus tôt se dirigeait vers lui à pas furieux. Ses vêtements fumaient légèrement.
- Qui diable êtes-vous ? Postillonna-t-il.
- Sirius Black, pour vous servir, l'informa le jeune homme avec une révérence moqueuse. Et le machin à roues est une moto.
- Je me fiche de savoir ce que c'est ! Où sont mes potions ?
- Sur ton bureau, Doc ! Lança un homme à l'air amusé en passant près d'eux. Personne n'y a touché, comme tu l'as ordonné !
Il s'éloigna dans le couloir sans laisser à Caradoc le temps de répondre. Le Médicomage gratifia Sirius d'un regard mauvais.
- J'espère pour vous qu'elles sont intactes. C'était vous, la deuxième personne envoyée avec Potter ?
- Ouaip. Pourquoi vous fumez comme ça ?
- Parce que vous m'avez laissé seul face à ces imbéciles de ...
Il s'interrompit brusquement en se rappelant où il était, attrapa Sirius par le coude et l'entraîna dans la salle de garde qu'il venait juste de quitter. Il ferma la porte d'un coup de baguette et se mit à vociférer à voix basse :
- Ils m'ont retrouvé et m'ont pourchassé dans la moitié de Londres ! Je crois bien que j'en ai mis un ou deux dans la Tamise mais... Vraiment, cette fuite était totalement insensée !
- Au moins les potions sont arrivées à bon port... et puis vous aussi, remarqua nonchalamment Sirius.
- Peut-être, mais je n'apprécie guère vos méthodes, jeune homme ! J'en toucherai un mot à Maugrey.
Sirius grimaça. S'il trouvait le temps, l'Auror allait sans doute venir lui passer un savon.
- Tant pis, soupira-t-il. Je peux y aller ?
- Oui, c'est ça, déguerpissez ! Je ne veux plus jamais vous voir, ni cette sumo de malheur !
- Moto, pouffa-t-il en sortant.
- Dehors !
Sirius rejoignit sortit de l'hôpital, rêveur. Ladernière fois qu'on lui avait parlé de la sorte, c'était à Poudlard...probablement dans le bureau de McGonagall. Il sourit largement en enfourchantsa moto et démarra.
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