Partie III - Chapitre 29
Chapitre 29
- Non James, moi vivante tu ne monteras pas sur un balai avant encore une semaine !
Le jeune homme fusilla Lily du regard.
- Trois jours.
- Six.
- Quatre.
- Cinq, et je ne descendrai pas plus.
Il lui adressa un regard furieux mais elle ne plia pas. Elle commençait à avoir l'habitude. Il laissa finalement échapper une sorte de feulement avant de s'exclamer :
- Très bien, j'accepte, espèce de mégère !
Elle marmonna quelques insultes à son encontre alors qu'il pivotait sur ses talons pour quitter le salon. Elle l'entendit monter les escaliers et son cœur se serra légèrement lorsqu'elle s'aperçut qu'il ne les montait pas deux à deux comme il en avait l'habitude au QG. Elle se laissa tomber sur le canapé avec un soupir exaspéré et contempla d'un œil vide le gâteau au chocolat posé sur la table basse.
Ils étaient à Godric's Hollow depuis cinq jours et James était terriblement lunatique. Il pouvait être absolument adorable un moment puis s'agacer soudain et devenir irascible pour le reste de la journée. Lily s'efforçait d'être indulgente mais sa patience avait des limites. Fleamont lui-même ignorait son fils quand il devenait trop désagréable.
Elle avait prévu de lui apprendre des jeux de cartes moldus mais elle savait qu'elle allait se faire insulter si elle proposait, aussi voulut-elle attraper son livre qu'elle avait posé sur le fauteuil... puis s'aperçut qu'elle l'avait remonté dans leur chambre un peu plus tôt. Avec un grognement, elle s'extirpa du canapé et monta lourdement à l'étage en s'apprêtant mentalement à devoir ignorer James. Elle pensait le trouver assis sur le lit en train de lire des vieux magazines de Quiddtich, mais il était en fait installé au milieu d'un monceau d'objets hétéroclites qui provenaient apparemment du tiroir à présent vide de sa table de chevet. Il ne releva même pas la tête quand elle entra et attrapa un vieux morceau de parchemin qu'il roula en boule pour le jeter dans la corbeille, à l'autre bout de la pièce. Il manqua sa cible.
- Je ne suis même pas capable de faire ça, marmonna-t-il pour lui-même avant de reprendre son tri.
Lily leva les yeux au ciel tout en attrapant son livre sur sa propre table de chevet. Elle en avait plus qu'assez qu'il s'apitoie sur lui-même en permanence. Pourtant elle ne dit rien, soucieuse de lui éviter une autre dispute, et reprit le chemin du couloir lorsqu'un objet sur le lit attira son attention. Elle s'approcha, surprise, et prit la photo sans tenir compte du coup d'œil mauvais de James.
Dans un cadre en bois se trouvait une photo où on les voyait tous les deux rire aux éclats, sans doute dans la salle commune de Gryffondor. Elle n'avait jamais vu cette photo en la possession de James.
- D'où est-ce que ça vient ? Interrogea-t-elle en songeant que c'était la belle époque, avant qu'elle ne se change en garde-malade pour un enfant capricieux.
Il releva la tête de son bazar avec un soupir exagéré et lui prit l'objet des mains. Il contempla un instant leurs doubles qui riaient et lorsqu'il lui répondit, elle eut l'impression qu'il avait l'air un peu honteux.
- Les Maraudeurs me l'ont offert à Noël. Noël 1977.
- On n'était pas encore ensemble, observa-t-elle.
- Ouais, c'était ça la blague, paraît-il.
- C'est Val qui l'a prise ?
- Oui.
Lily se sentit mal en songeant qu'elle n'avait pas pensé à Val depuis une éternité. Elles s'envoyaient quelques lettres, de loin en loin, mais cela se faisait de plus en plus rare.
- Pourquoi elle était planquée dans ton tiroir ?
- Je ne voulais pas que tu la voies avant que... J'avais peur que tu m'accuses d'être trop présomptueux.
- Je l'aurais sans doute pensé, acquiesça-t-elle, songeuse. J'avais tellement peur que tu te foutes de moi que...
- Je ne suis pas sans cœur, coupa-t-il. Je n'aurais jamais fait une chose pareille, à personne.
- Je sais, soupira-t-elle en s'asseyant sur le lit. Je le sais bien.
Comme elle fixait toujours la photo, James la lui tendit.
- Tu veux la garder ?
Lily se figea et leva un regard légèrement paniqué vers lui.
- T'es pas en train de me larguer, hein ?
Il fut tellement surpris qu'il en oublia d'être en colère contre elle.
- Quoi ? Pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ?
- Tu me tends ça comme si tu me donnais un dernier souvenir à garder de nous, balbutia Lily en portant la main à son cœur. Merlin, tu m'as fichu une de ces frousses !
Contre toute attente, James éclata de rire. Elle sourit aussi, simplement heureuse de l'entendre rire.
- Tu as vraiment cru que j'allais te larguer parce que je te propose de garder une photo de nous deux ? Pouffa-t-il. C'est la chose la plus stupide que j'aie jamais entendue.
- J'en conclus que je n'ai pas de souci à me faire ?
- Pourquoi est-ce que tu... Oui, bon, d'accord, mais ce n'est pas parce que ...
- Tu es odieux que je dois me faire du souci ? Compléta-t-elle d'un ton aimable.
- Je ne suis pas...
Il s'interrompit, réfléchit un instant, ouvrit la bouche, et choisit finalement de se taire.
- J'ai cloué le bec à James Potter, commenta Lily. Ça faisait longtemps.
- Faux, répondit-il à voix basse. Tu as toujours le dernier mot.
- Tant que c'est l'impression que tu as, ça me va.
L'ombre d'un sourire effleura ses lèvres et il entreprit de remettre tout le bazar qui jonchait le lit dans le tiroir. Lily haussa un sourcil.
- Tu ne comptais pas ranger tout ça ?
- C'était seulement pour passer mes nerfs.
- Oh, c'est gentil d'avoir trouvé une autre cible que moi.
Il se racla la gorge, gêné, et continua son rangement. Lily entreprit de l'aider mais un parchemin retint son attention. C'était un poème du plus mauvais goût, écrit dans une version plus enfantine de la calligraphie de James. Elle le parcourut en gloussant avant de le lui fourrer sous le nez.
- Tu as écrit ça pour qui ?
Il fronça les sourcils un instant avant de rougir furieusement et il lui arracha le papier des mains pour le rouler en boule. Seulement le parchemin reprit aussitôt sa forme initiale, sans garder la moindre trace du traitement que James venait de lui faire subir.
- Oh, tu lui as même jeté un sort pour être sûr de le conserver toute ta vie ? Pouffa-t-elle.
- C'est les Maraudeurs ! Geignit-il.
- Oh non mon chéri, c'est bien toi qui as écrit ça ! Alors, c'était pour qui ?
Avec l'air de quelqu'un qu'on mène à l'abattoir, il marmonna :
- Judith Billberby. Elle était en Sixième année quand on était en Troisième. C'était pour la St-Valentin.
Un nouvel éclat de rire franchit les lèvres de Lily, incapable de s'en empêcher. Une expression affligée se peignit sur le visage de James et il poursuivit :
- Heureusement pour moi les Maraudeurs l'ont trouvé avant le jour J et ont trouvé ça tellement drôle qu'ils lui ont jeté un sort pour s'assurer que je ne pourrai jamais le jeter. Et ils m'ont empêché de le lui donner, du coup. Arrête de te moquer de moi, pitié !
- Merlin James, ce ne serait pas aussi marrant si je ne pouvais pas ! Vu ton talent, je me demande pourquoi tu ne m'as jamais écrit de poème.
- Très drôle. De quoi est-ce que j'aurais parlé ? De ton foutu caractère ?
- De ma sublime silhouette ?
- De tes ronflements ?
- De mes yeux de biche ?
Au lieu de répondre, il pencha la tête sur le côté, concentré.
- C'est vrai que tu as des yeux de biche.
Elle eut un petit sourire fier : Lily Evans n'était pas particulièrement enthousiaste à propos de son physique, comme la plupart des filles, mais elle était plutôt contente de ses yeux.
- Ça explique peut-être pourquoi mon patronus est une biche, même si je trouverais ça assez dégradant que ce soit basé uniquement sur mon physique alors que c'est censé refléter les caractéristiques du sorcier et... James ? Ça va ?
Il la fixait, la bouche légèrement entrouverte, les yeux écarquillés. Elle agita sa main devant ses yeux et il sursauta légèrement avant d'afficher un air troublé.
- James ?
- Une biche ?
- Oui, une biche, ça ne te convient pas ?
- Ça ne me... Par Merlin, Lily, tu ... Une biche, bon sang !
Elle secoua la tête, perdue.
- Et alors ?
La surprise de James avait fait place à une expression rayonnante de bonheur, qu'elle n'avait pas vue sur son visage depuis longtemps – et certainement pas depuis deux semaines.
Il l'observa encore un instant avant de se mordre la lèvre d'un air amusé.
- Je sais un truc que tu ne sais pas. Ça, c'est vraiment jouissif. J'imagine que c'est lié à mon étude des Animagi mais...
- James !
Un sourire mi-sarcastique, mi-tendre – Lily avait toujours eu du mal à faire la différence entre les deux chez James – étira ses lèvres.
- « Le Patronus est son soi secret éveillé, un soi qui sommeillait jusqu'alors et qui doit à présent surgir au grand jour... ». Tu sais qui a écrit ça ?
- Catullus Double-Blazon, évidemment, râla-t-elle. Mais encore ?
- « Son soi secret éveillé », Lily ! Tu sais quel est mon patronus, non ?
- Un cerf, mais...
Elle s'interrompit alors qu'une idée stupide, énorme, naïve au possible et pourtant parfaitement probable s'imposait à elle.
- C'est stupide, balbutia-t-elle. Ça n'existe pas.
James haussa un sourcil et fit apparaître son patronus dans la chambre. Le cerf argenté tourna sa tête vers eux en piétinant. D'une main tremblante, Lily tira sa baguette de sa poche et fit de même. Une biche apparut près du premier cervidé.
- Ça me paraît assez réel, pourtant, souffla James.
Elle se tourna vers lui. Il souriait toujours, toute trace de sarcasme envolée. Lorsqu'elle voulut à nouveau regarder les patronus, ils avaient disparu, dissipés par leur manque de concentration. James glissa ses doigts entre les siens.
- Si mon moi secret éveillé est le même que le tien, Lily, à ton avis, qu'est-ce que ça veut dire ?
- Âmes sœurs... c'est complètement idiot, c'est... un conte. James, ça ne peut pas...
Il posa sa main libre dans son cou et l'embrassa pour l'empêcher de parler, essayant de la convaincre avec ses lèvres puisqu'elle refusait de croire ce que ses yeux lui montraient. Elle se laissa faire, une main hésitante posée sur sa poitrine.
- Un cerf, une biche, toi et moi, murmura-t-il entre deux baisers. Tu penses vraiment que c'est une coïncidence ?
***
Carrie Butler. Deux grands yeux marrons, des cheveux blonds toujours emmêlés, des taches de rousseur. Dix-sept ans, pas très bonne en classe car trop rêveuse. Pas d'idée de ce qu'elle voudrait faire plus tard.
Mais une idée fixe. Une seule idée qui ne la quittait plus depuis le premier janvier 1979 : retrouver les Sorciers.
Évidemment, elle n'avait jamais pensé que ce seraient les Sorciers qui la retrouveraient.
- Carrie ?
Elle se retourna vivement, le cœur battant, la main crispée sur la bandoulière de son sac. L'homme qui l'appelait était appuyé contre un mur, les bras croisés sur sa poitrine. Il était imposant...Et roux.
- C'est vous, balbutia-t-elle. L'homme de Trafalgar Square. C'est vous n'est-ce pas ?
Il sourit et se détacha du mur pour s'approcher d'elle.
- Ouais. Gideon Prewett, c'est moi.
- Je pensais que vous étiez mort, s'exclama-t-elle sans marquer la moindre surprise de le voir là. Je vous ai vu, à un moment. Vous étiez couvert de sang.
- Ce sont des choses qui arrivent, répondit-il nonchalamment. Je ne pensais pas non plus que tu survivrais. Une Moldue dans la bataille, ça ne pèse pas bien lourd.
- Pourtant vous étiez bien content que je reste.
La surprise marqua son visage et Carrie s'autorisa un sourire satisfait. Elle connaissait l'expression « Moldu », elle avait fait des recherches. Mais il se reprit bien vite pour répondre :
- C'était très courageux de ta part.
Elle haussa les épaules en le détaillant avidement. Quelle était la différence entre lui et elle ? Pourquoi était-il un Sorcier et elle une Moldue ? Elle ne voyait rien de particulier chez cet homme. Rien qui indiquât qu'il ne faisait pas partie du commun des mortels – à part la baguette magique dont elle voyait la forme dans la poche de son pantalon.
- Vous pouvez m'expliquer ce qu'il s'est passé, là-bas ? Qui étaient ces gens avec les masques ? Qu'est-ce que vous faisiez là ?
Il eut un sourire amusé puis l'attrapa par le coude pour l'entraîner à sa suite.
- Où est-ce qu'on va ? Haleta-t-elle en marchant à grands pas pour tenter de le suivre.
- Dans un endroit discret. Pourquoi pas... là !
Il poussa la porte d'un pub au hasard et la tira à l'intérieur. L'endroit était bondé et ils durent se tasser dans un coin, entre deux tables de jeunes gens très bruyants.
- C'est discret, ça ?
- Qui pourrait nous entendre ?
Elle lui concéda ce point d'un haussement d'épaule avant de se mettre à rire.
- Quoi ? Sourit-il, des pattes d'oie discrètes se creusant aux coins de ses yeux.
- Je viens de suivre un inconnu dans un bar au lieu de rentrer chez moi faire mes exercices de physique.
- De quoi ?
- Vous ne connaissez pas la physique ?
- Est-ce que j'ai une tête à connaître la physique ? Je fais de la magie moi, mademoiselle.
- Et vous avez le droit d'en parler ? J'ai lu quelque part que vous n'aviez pas le droit.
Il ouvrit la bouche, se repassa sa phrase dans sa tête, et lui jeta un regard inquiet.
- Comment ça, tu l'as « lu quelque part » ?
Carrie eut un sourire espiègle.
- Vous savez, nous ne sommes pas complètement idiots, nous les Moldus. On se rend bien compte que de drôles de choses se passent. Certains font des recherches.
Surprise et inquiétude se battirent quelques instants sur le visage de Gideon avant qu'il ne se recompose une expression neutre. Carrie voulut s'exprimer à nouveau mais un serveur se pointa. Gideon commanda deux bières d'un air distrait avant de commenter :
- Eh bien, j'imagine que vous êtes plus malins qu'on ne le pense.
- Merci, grinça-t-elle. Je suis très flattée.
- Oh mais toi tu es encore plus maligne que les autres !
Elle haussa un sourcil perplexe. Ses professeurs n'étaient pas tout à fait d'accord avec ça.
- Ah oui ?
- C'est pour ça que je t'ai retrouvée. Tu as l'air suffisamment intelligente pour ne pas avoir peur de nous.
- Eh bien, je n'adore pas franchement les hommes masqués mais...
- Je parle des Sorciers en général, coupa-t-il. Tu n'as même pas semblé étonnée, à Trafalgar Square.
Carrie haussa les épaules, les joues rougissantes.
- Je suis difficilement impressionnable. Pourquoi vous m'avez retrouvée, à part pour vous extasier devant mon stoïcisme ?
- Tu pourrais nous aider. Si tu en as envie, bien sûr.
- A faire quoi ?
L'étincelle de malice dans les yeux de Gideon s'éteignit et il se pencha vers elle.
- Il y a une guerre en cours, Carrie. Elle fait rage en plein Londres et personne ne s'en rend compte. C'est une guerre de Sorciers, mais si l'issue est mauvaise pour nous, alors ce sera la fin de la Grande-Bretagne que tu connais.
L'imagination débordante de Carrie suffit à lui faire imaginer une théorie du complot sur fond d'images par trop réelles qu'elle avait vues à Trafalgar Square. Mais comme elle l'avait dit, elle était difficilement impressionnable. Elle haussa à nouveau les épaules.
- Je ne vois pas trop quel rôle je pourrais jouer.
- Un stage à Downing Street, ça te tente ?
- Quoi ?
Très content de son petit effet, il eut un sourire suffisant qui donna aussitôt envie à la jeune fille de le frapper. Le serveur parvint un instant à la distraire, ce qui suffit à Gideon pour reprendre :
- Vois-tu, nous avons un Ministre de la Magie, qui est en lien avec le Premier Ministre britannique.
- Sérieusement ? Pourquoi on ne sait pas ça ?
- Parce que les gens normalement constitués essaient de nous brûler, pas de nous aider, rétorqua-t-il.
- Je suis normalement constituée, je vous remercie. Continuez.
Gideon fronça les sourcils en essayant de prendre un air menaçant.
- Tu es beaucoup trop autoritaire, comme gamine. Donc, il y a les deux Ministres, mais le problème c'est que James Callaghan a tendance à paniquer un peu et à ne pas comprendre un traître mot de ce que raconte notre Ministre. En fait, il refuse même de le recevoir. On a besoin de quelqu'un pour faire la liaison.
Il se tut et le silence s'étira quelques secondes avant que Carrie ne comprenne ce qu'il sous-entendait.
- Quoi ? Moi ? Vous êtes sérieux ? Mais ... je ne vais pas aller discuter avec des Ministres !
- Tu pourrais ! Assura-t-il. Ce sont tous les deux des crétins, ce ne sera pas très compliqué.
Elle pouffa malgré elle avant de poursuivre :
- Je ne vois vraiment pas ce que je pourrais apporter là-dedans.
- Callaghan angoisse à la simple idée de se trouver face à un Sorcier. Il paniquera moins avec toi.
- Je suis une gamine de dix-sept ans, releva-t-elle.
- Une gamine capable de comprendre deux mondes. Ça me paraît largement suffisant pour remplir cette tâche. Tout ce qu'on te demande, c'est d'expliquer la situation à Callaghan et de lui transmettre les souhaits du Ministre de la Magie de manière à ce qu'il n'ait pas l'impression d'avoir affaire à une sorcière vaudoue qui utiliserait des poupées et des aiguilles. Il faut qu'on protège les Moldus et on n'y arrivera pas sans Callaghan, sauf qu'il est persuadé que notre guerre ne doit concerner que nous. Ça ne marche malheureusement pas comme ça, et c'est de ça que tu dois le convaincre, au cours des échanges que vous aurez.
Carrie secoua la tête en se mordant la lèvre.
- C'est complètement insensé.
- Tu m'as l'air très impressionnée, tout d'un coup, railla-t-il.
- Downing Street ! S'exclama-t-elle. Évidemment que je suis impressionnée ! Vous me proposez de m'entretenir avec James Callaghan !
- Mais voir des Sorciers en action ça en jette moins ?
- Carrément moins, confirma-t-elle. Concrètement, ça me prendrait combien de temps ? Je fais des études, moi. Je ne peux pas faire apparaître de l'argent par magie.
- Nous non plus, figure-toi. Je ne peux pas te dire combien de temps, tout ce que je sais c'est que si tu acceptes on te contactera une fois de temps en temps quand notre Ministre aura des choses à demander à Callaghan, ou qu'il y aura des situations de crise.
- Comme Trafalgar Square ?
- Ouais. Écoute, tu n'es pas obligée de me répondre tout de suite. Fais brûler ça quand tu voudras me contacter, je te trouverai.
Il lui tendit un papier sur lequel était inscrit son nom et elle le saisit sans poser de question. A quoi bon essayer de comprendre la magie. Gideon se leva et s'apprêta à quitter le pub en lui laissant le soin de régler l'addition lorsqu'elle bondit de sa chaise pour l'intercepter.
- Pas la peine ! Je vais le faire !
Un grand sourire étira les lèvres de Gideon :
- Je savais que je pouvais compter sur toi.
***
Lily s'assit en tailleur sur lit en se demandant vaguement comment ils en étaient arrivés là. L'après-midi n'était pas censée se terminer de la sorte.
Elle tendit la main et caressa doucement le dos nu de James, qui dormait profondément. Il ne réagit même pas à son contact. Il s'était un peu laissé emporter par cette histoire de patronus, qui laissait Lily perplexe. Elle avait la bizarre impression d'avoir été manipulée par une quelconque force supérieure qui souhaitait qu'elle passe le restant de ses jours avec James. Ou peut-être était-ce juste le destin. Ou Merlin. Ou...
Lily soupira et ramena le drap sur sa peau nue. Ce n'était pas rationnel et cela l'agaçait. C'était pour cette raison qu'elle avait des réactions tellement stupides dès qu'il s'agissait de James : son amour pour lui n'était pas rationnel non plus et cela lui faisait peur. Encore plus depuis qu'il avait failli mourir. Sa raison l'avait complètement délaissée au moment où il avait disparu et elle avait bien failli se précipiter à sa suite. Voilà où l'amour avait failli la mener : au pied d'une falaise. Merlin, si elle avait été capable de vivre sans, ça lui aurait sans doute été très bénéfique.
Son regard erra sur James et elle sourit. Impossible pour elle de vivre sans ce grand bouffon étendu là, aussi stupide que ça paraisse. Pour cette raison, ils allaient devoir trouver un autre moyen pour ne pas se disputer continuellement que de finir dans le même lit. Leur relation, au point où elle en était, était loin d'être saine. James était la pire tête de mule qu'elle n'ait jamais rencontré en dehors d'elle-même et elle était trop fière pour laisser passer toutes ses sautes d'humeur.
Ses doigts atteignirent l'extrémité de sa cicatrice, au-dessus de sa hanche droite. Lorsqu'elle lui avait retiré son t-shirt, il l'avait arrêté, le visage dur, et lui avait demandé si ça la dégoûtait. Elle s'était contentée d'embrasser la peau boursouflée. James ne comprenait rien. Il ne comprenait pas son inquiétude, ne comprenait pas à quel point elle avait eu peur. Il aurait aussi bien pu finir défiguré, ça ne l'aurait pas dérangée. Il était vivant, et c'était tout ce qui comptait. Mais ce n'était pas assez pour James, qui aurait aimé être invincible. Ce garçon était un pur produit de Gryffondor.
Le claquement émis par la porte d'entrée la tira de ses réflexions et elle s'empressa de se lever, peu désireuse que Fleamont Potter viennent voir ce qu'ils faisaient. Elle s'habilla sans bruit, ferma doucement la porte derrière elle pour ne pas réveiller James et descendit à la cuisine. Mr. Potter était en train de sortir des ustensiles des placards. Il se retourna en l'entendant et lui sourit.
- Salut Lily. Bonne journée ?
- Jusqu'à ce que James devienne insupportable, oui ça allait, sourit-elle. Désolée pour le dîner, d'ailleurs. On s'est endormis.
Après tout, ce n'était même pas un mensonge.
- Pas de problème. Je me laisse trop aller en ce moment, je ne saurai plus me nourrir convenablement quand vous repartirez !
- Vu vos talents culinaires, je ne m'inquiète pas trop, remarqua-t-elle avec un sourire. Je peux vous aider ?
- Tu peux préparer la salade, si tu veux. James dort toujours ?
- Je ne pense pas qu'il émerge pour le dîner.
- Ce sera toi et moi alors ! S'exclama-t-il joyeusement. Pas de mauvaise humeur Jamesienne pour nous ce soir.
Lily pouffa. Tourner James en ridicule avec son père était bien plus amusant que se sentir blessée par ses crises de colère.
Une heure plus tard, Lily posa sa cuillère dans son assiette et lança :
- Vous avez des histoires de Sang-Pur à me raconter !
Les yeux de Fleamont se plissèrent en un sourire alors qu'il avalait son dernier morceau de pudding.
- James ne mentait pas quand il disait que tu apprenais tout ce qui te passait sous la main, commenta-t-il avec amusement. Où en étions-nous ?
- Le registre des Sang-Pur, répondit-elle avidement.
Elle attendait de pouvoir reprendre cette conversation depuis qu'elle était arrivée. Peut-être allait-elle enfin pouvoir comprendre les tenants et les aboutissants de cette guerre.
- Ah, oui. Le registre des Sang-Pur. On ne sait pas qui l'a établi mais il date des années trente. En fait, il a seulement rendu plus officielle une hiérarchie qui existait déjà dans la société sorcière. Les vingt-huit familles qui en font partie comptent comme de la noblesse depuis des siècles. Aussi bizarre que ça puisse paraître, il faut remonter à la Révolution française pour comprendre.
- La Révolution française ? Releva Lily, perplexe.
- Tu sais de quoi il s'agit ?
- Bien sûr, mais c'est un événement moldu, non ? Qu'est-ce que les Sorciers ont à faire là-dedans ?
Fleamont prit un instant de réflexion avant de répondre :
- Il faut remonter un peu plus loin encore pour t'expliquer ça... Au Moyen-Age, en fait. (Il eut un sourire amusé). Il est encore temps de fuir si tu ne veux pas être prise dans une discussion historique interminable.
- Hors de question ! S'offusqua-t-elle.
- Très bien. Alors, comme tu le sais certainement, les Moldus étaient terrifiés par la magie durant le Moyen-Age...
- A tel point qu'ils brûlaient les Sorciers – ou ceux qu'ils prenaient pour tels, oui, acquiesça-t-elle.
- Exactement. Cette peur de la magie venait de la religion, puisque pour eux la magie était une malédiction apportée par le Diable, la figure la plus crainte des gens de ce temps. Brûler un Sorcier, c'était conjurer le Malin. A cette époque-là, il n'y avait pas de débat sur la pureté du sang chez les Sorciers pour l'excellente raison que les Sorciers ne se mariaient pas avec les Moldus. Ils y auraient risqué leur peau, et auraient conduit à une mort douloureuse leur mari ou leur femme. Quant aux Nés-Moldus, ils étaient malheureusement trop souvent abandonnés aux carrefours. Leurs parents pensaient qu'ils étaient possédés et tentaient de les exorciser. Comme ça ne fonctionnait évidemment pas, ils finissaient par les abandonner et ils mouraient souvent seuls, perdus dans la nature. Certains Sorciers les recueillaient mais c'était très rare. La situation était en tout point similaire en Grande-Bretagne. Helga Poufsouffle passait son temps à recueillir les jeunes Sorciers abandonnés, d'après ce qu'on dit, mais peut-être n'est-ce qu'une légende. Quoi qu'il en soit, les Sorciers restaient entre eux et nul n'aurait songé à considérer certains inférieurs aux autres. Puis la Révolution française est arrivée.
- Pourquoi la Révolution française et pas l'anglaise ? Intervint Lily, qui écoutait attentivement, le visage appuyé sur ses mains. Elle est advenue plus tôt...
- Mais elle n'a pas eu les mêmes répercussions. Le Roi est resté sur le trône – enfin, un nouveau roi, pas celui décapité – et surtout la religion n'a pas été abolie. En France, tout a été bouleversé. Ils sont passés d'un roi de droit divin à une République laïque. Les gens ont cessé de croire en Dieu et d'avoir peur du Diable. Bien sûr, ça ne concerne pas toute la population. Les moins instruits ont continué à craindre la Sorcellerie. Mais pour les autres, les intellectuels, ce qu'on prenait pour des actions diaboliques est devenu une source de curiosité, de découvertes. Ils ont fait des recherches, ont fini par tomber sur des Sorciers. Les unions entre Sorciers et Moldus ont commencé, les représentants de l'école Beauxbâtons ont enfin pu aller voir les familles des enfants Nés-Moldus sans crainte d'être livrés aux autorités... Les relations entre les deux mondes se sont considérablement accrues.
- Comment est-ce que tout ça a pu avoir une influence sur l'Angleterre ?
- J'y viens, promit-il. Par Merlin, je ne suis pas aussi bon professeur que Bathilda ! Tu aurais dû lui demander.
- Je ne suis pas capable d'endurer une leçon de huit heures sur l'Histoire de la Magie, quoi qu'en dise James, rit-elle doucement.
- C'est sans doute ce qu'elle aurait fait, admit-il. Bref, en Grande-Bretagne, la situation moldue était donc différente et les relations entre Moldus et Sorciers encore peu développées. Mais chez les Sorciers il y avait déjà une sorte d'aristocratie, un peu comme dans n'importe quelle société. Certaines familles étaient simplement plus riches, plus puissantes, et en jouaient parfois un peu trop. Mais la pureté du sang n'avait encore rien à voir là-dedans. Seulement les intellectuels français et anglais collaboraient depuis des années déjà, ils ont échangé leurs observations, et petit à petit les Moldus anglais ont commencé à rentrer en contact avec les Sorciers. C'était une période de progrès, pour les Moldus comme pour les Sorciers, le début d'une nouvelle ère. La religion avait perdu de son importance partout, qu'importe le régime politique en vigueur. Au milieu du XIXè siècle, les mariages mixtes entre Sorciers et Moldus étaient devenus monnaie courante. Cinquante ans ont suffi à mélanger nos deux mondes... Le changement a été très brutal, Lily, surtout pour ceux attachés à la tradition. Du côté sorcier comme moldu, certains étaient terrifiés. Quelques familles sorcières ont vu d'un mauvais œil les Moldus entrer dans leur monde. Ils se sont sentis menacés par ces Moldus trop ingénieux qui risquaient de mettre leur suprématie en péril et se sont ainsi refermés sur eux-mêmes. Sans souhaiter la mort des Moldus ou des Nés-Moldus, ils préféraient éviter de les côtoyer. Les mariages arrangés ont commencé. J'ignore si c'est la souffrance causée par des unions malheureuses qui a aigri certains Sorciers, mais quelques grandes familles sont devenues de plus en plus vindicatives.
- Comme les Black ?
- Comme les Black, oui. Les Selwyn, les Malefoy... Elles se sont coupées de la société sorcière qu'elles jugeaient indignes d'elles. Quand le XXe siècle est arrivé, les Sorciers de Grande-Bretagne étaient divisés en plusieurs catégories bien définies : Sang-Pur, Sang-Mêlé et Né-Moldu. Les Sang-Pur aiment rajouter « traître à son sang », pour définir les Sang-Pur qu'ils jugent indignes de ce rang. C'est ça le problème, Lily. Dire qu'on est Sang-Mêlé parce que son père est Moldu et sa mère Sorcière n'a rien de répréhensible, pas plus que d'annoncer être Né-Moldu. Mais donner une valeur au sang, là est le problème. C'est de là que tout est parti. Les privilèges des vingt-huit familles, autrefois issus de l'argent et de la renommée, sont devenus les privilèges du sang. Quelqu'un a fini par rendre ça presque officiel avec le Registre des Sang-Pur. Quoi qu'on dise, les Sang-Pur sont généralement considérés comme de meilleurs Sorciers que les autres. Tu es bien la preuve que non, ma petite Lily. Ça n'a rien à voir avec ça. Merlin, le sang n'a vraiment aucune importance, étant donné qu'on ignore d'où vient l'étincelle magique qui fait d'un Sorcier ce qu'il est. Il y a des Cracmols dans chaque famille, et sans doute autant de mariages mixtes. La pureté du sang est une simple invention la plupart du temps. Les Potter sont considérés comme des Sang-Pur mais je suis presque sûr qu'il y a un Né-Moldu quelque part dans notre arbre généalogique. Une enfant abandonnée ayant épousé un Potter par exemple.
- Je croyais que vous étiez considérés comme des traîtres ? Releva Lily en se rappelant de leur précédente conversation.
- Oh oui, pour une stupide histoire datant de la Première Guerre mondiale. Mon père, Henry Potter, souhaitait aider les Moldus mais tout le Magenmagot s'y est opposé. Il a ensuite accusé publiquement le Ministre de la Magie de l'époque à cause de ça. Nous étions encore considérés comme une famille de Sang-Pur jusque-là mais ça a été la fin. Le Registre des Sang-Pur a été rédigé une décennie plus tard et les Potter n'y ont pas été inclus. D'autres, comme les Weasley, ont clamé avoir du sang moldu et en être fier, mais ils sont restés sur le Registre tout de même. Tout ça est une histoire de point de vue, si tu veux mon avis. Le problème c'est que le statut du sang a pris des proportions exagérées, et voilà où nous en sommes : à l'extermination des Nés-Moldus, et même des Moldus, au prétexte d'une stupide suprématie sorcière. Voldemort ne s'est sans doute jamais penché sur toutes les inventions moldues, sinon nous n'en serions pas là.
Il se tut et le silence tomba sur la cuisine alors que Lily réfléchissait à tout ce qu'il venait de lui apprendre. Au bout d'un moment, elle interrogea :
- C'est parce que vous êtes un traître à votre sang qu'un Selwyn vous a fait un croche-pied quand vous êtes arrivés à Poudlard ?
Il hocha la tête avec l'ombre d'un sourire et ajouta :
- Et à cause de mon prénom. Tu n'imagines pas le nombre de fois où j'ai dû me battre parce qu'on se moquait de moi.
- C'est pour ça que vous avez choisi le prénom le plus neutre possible pour votre fils ? Pouffa-t-elle.
- Merlin, oui ! Euphemia voulait l'appeler Childebert ou une absurdité dans le genre. Heureusement pour ce pauvre bébé, elle était trop fatiguée pour se battre avec moi au sujet du prénom.
Lily sourit, amusée, pour remarqua le visage tiré par la fatigue de son interlocuteur. Elle se leva, attrapa la vaisselle sale et lui certifia cinq fois qu'elle allait se débrouiller avant qu'il n'accepte de monter se coucher. Lorsqu'elle gagna l'étage à son tour, elle trouva James toujours endormi. Elle attrapa son pyjama sur un fauteuil, se changea et se glissa doucement à ses côtés. Il grogna et glissa un bras autour de sa taille pour l'attirer contre lui. Elle sourit légèrement contre son torse.
- Tu dors ?
- Stupide question, marmonna-t-il.
- Certes. Tu as raté le dîner.
- Pas faim, souffla-t-il dans ses cheveux. Merlin, tu sens bon.
Sa main glissa le long de ses côtes, sur son pyjama, et il grommela :
- Trop de vêtements.
- On appelle ça un pyjama.
Il se décala légèrement, posa un baiser au hasard près de son oreille.
- J'aime pas les pyjamas.
Lily pressa ses lèvres contre sa clavicule.
- Je n'aime pas non plus quand tu portes un t-shirt mais je ne me plains pas.
Il pouffa tout en entremêlant ses jambes aux siennes.
- Tu pourrais. N'importe quoi pour toi, Evans.
- Je crains que ce ne soit considéré comme une atteinte à la décence.
- Depuis quand est-ce que je respecte les règlements ? Souligna-t-il dans un bâillement en repoussant la bretelle de son débardeur pour embrasser son épaule.
- Tu es à moitié endormi, protesta-t-elle sans pouvoir s'empêcher de faire glisser ses doigts dans ses cheveux.
- Hmm.
Sa main glissa dans sa nuque, elle attrapa son visage et l'obligea à remonter vers le sien pour l'embrasser.
- Je t'aime, murmura-t-elle contre ses lèvres quelques instants plus tard.
Sa bouche s'étira en un sourire contre la sienne et il s'écarta légèrement.
- Ça veut dire que je peux t'enlever ton pyjama ?
- Crétin, pouffa-t-elle avant de l'embrasser ànouveau.
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