Partie III - Chapitre 24
Chapitre 24
- Identifiez-vous !
- Je suis James Potter et je suis accompagné de Lily Evans ! Nous voulons voir Alastor Maugrey !
- Vous êtes en ligne de mire, au moindre mouvement la Brigade vous immobilisera ! Attendez que quelqu'un vienne confirmer votre identité !
Lily retint un gémissement, les bras toujours en l'air. James l'avait emmenée jusqu'à l'entrée de service du Ministère mais ils n'avaient même pas eu le temps d'entrer dans les toilettes publiques : on avait braqué des lumières aveuglantes dans leur direction, ainsi, sans doute, qu'une dizaine de baguettes magiques.
Au bout de cinq minutes, une voix bien connue se fit entendre :
- Potter, qui a gagné aux échecs la dernière fois qu'on a joué tous les deux ?
- On a jamais joué aux échecs, Fabian, répondit aussitôt James. Quand tu m'as proposé, Sirius a répondu à ma place en te disant qu'il voulait prendre sa revanche.
- Et je l'ai encore écrasé ! Tu réponds d'Evans ?
- Évidemment !
Les lumières s'éteignirent et des bras happèrent les deux jeunes gens. Quelques instants plus tard ils se trouvèrent dans le hall d'entrée du Ministère. Lily oublia un instant l'urgence de la situation pour admirer le haut plafond et la fontaine centrale. Mais un tumulte de voix la ramena bien vite à la réalité alors que Fabian les entraînait vers Maugrey. Il donnait ses ordres depuis le milieu du hall, où une énorme table avait été installée. Lily n'en distinguait qu'un bout car un groupe de la Brigade Magique se pressait autour de l'Auror. Des ordres brefs furent donnés et ils se dispersèrent dans un bruissement de voix, révélant Alastor Maugrey et deux hommes penchés sur des plans du Ministère. Le premier était Benjy Fenwick, le second Albus Dumbledore.
- Ils sont là, annonça Fabian.
Le directeur de Poudlard releva la tête pour leur adresser un sourire chaleureux avant de donner un conseil à Maugrey à propos d'une évacuation possible. Maugrey grommela pour toute réponse, sans lever les yeux vers les nouveaux venus. Quant à Benjy, un sourire sans joie étira ses lèvres.
- Juste au bon moment, lança-t-il.
- En retard, rétorqua Maugrey.
- On est venus dès qu'on a su, protesta Lily.
- Je n'en doute pas, sourit Dumbledore.
- Qu'est-ce qu'on peut faire ? Lança James pour couper court à cette conversation inutile.
- Retrouver Minchum, asséna Maugrey.
- M. le Ministre, reprit Dumbledore.
- Cet imbécile de Minchum ! Prewett, qu'est-ce que tu fous encore là ? Remonte là-haut soutenir la Brigade, au lieu de traîner n'importe où.
L'intéressé s'exécuta avec un soupir déçu alors que Lily et James arboraient toujours un air perplexe. Maugrey attrapa une carte sur la table et la jeta à Lily.
- La Grande-Bretagne, annonça-t-il. Il s'y trouve forcément, je vous laisse vous débrouiller pour le trouver, j'ai autre chose à faire. Fenwick vous accompagnera. Vous devez le retrouver le plus vite possible.
- Qui nous dit qu'il est vivant ? Fit remarquer James.
- S'il était mort, on aurait tous les Mangemorts et Voldemort lui-même sur les bras.
- Quel intérêt ont-ils à le garder en vie ? Murmura Lily en fixant la carte qu'on venait de lui donner, perplexe.
Mais Maugrey n'écoutait déjà plus. Il tapota la carte du premier niveau du Ministère, se redressa soudain et se dirigea à grandes enjambées vers les ascenseurs.
- Quelle est la première chose à laquelle vous avez pensé quand vous avez appris que le Ministre avait été enlevé, Miss Evans ? Interrogea Dumbledore doucement.
- Qu'il fallait envoyer tout le monde à sa recherche !
- Ce qui aurait signifié... ?
- Laisser le Ministère sans défense, réalisa James. C'est ce que Voldemort cherche.
- Et c'est pour ça que vous ne serez que trois pour chercher Harold Minchum, compléta Dumbledore.
- Ouais, et on ferait mieux de se bouger, intervint Benjy. On va se rendre chez lui pour tenter de trouver un indice sur l'endroit où ils l'ont emmené.
Cinq minutes plus tard, ils se tenaient à leur tour devant la maison à moitié perchée sur un arbre. Par les fenêtres, Lily voyait un intérieur dévasté. Aucune chance qu'ils y trouvent le moindre indice. A côté d'elle, Benjy et James regardaient la bâtisse d'un air peu convaincu.
- Comment est-ce qu'on est censé le chercher ? Hoqueta Lily. Il pourrait être n'importe où en Grande-Bretagne ! Pourquoi est-ce que Maugrey a cru qu'on en serait capable ?
- Oh, il ne s'est pas posé la question, il a seulement pris les seuls qu'il n'avait pas déjà placé à un poste clef pour la protection du Ministère, expliqua Benjy sans quitter la maison des yeux. Vous n'êtes pas censés être des petits génies, tous les deux ? Pas d'idée brillante ?
Lily se mordit la lèvre. Comment trouver quelqu'un qu'on avait enlevé sans laisser de trace ? Une phrase prononcée par le professeur Flitwick lors d'un cours de Sortilèges lui revint en mémoire : « Chaque être vivant laisse forcément une trace de son passage dans l'air durant un temps déterminé ». Et le seul moyen de suivre cette trace, c'était la magie.
- Il faut qu'on aille à Poudlard, lança-t-elle.
- Dumbledore a enlevé Minchum ? Interrogea James, perdu.
- Bien sûr que non, crétin. J'ai déjà lu un sort de traçage dans un livre de la bibliothèque mais je ne m'en rappelle pas exactement, il faut que je le retrouve.
- Ça va nous prendre un temps fou ! Protesta Benjy.
- T'as une meilleure idée, Fenwick ? Rétorqua Lily d'un ton rogue. On peut battre toute la Grande-Bretagne en espérant leur tomber dessus mais j'ai peu d'espoir.
Ils s'affrontèrent un instant du regard puis Benjy rendit les armes.
- Très bien. Mais si tu ne trouves pas ce sort en dix minutes je m'en vais.
- Ne t'en fais pas, intervint James, Lily est un rat de bibliothèque. En fait, c'est le rat en chef de la bibliothèque de Poudlard.
Lily lui écrasa le pied en marmonnant qu'il ferait mieux de se la fermer étant donné tout ce qu'il avait à se faire pardonner et transplana sans attendre.
***
Minerva McGonagall longeait les couloirs sans faire attention au chemin qu'elle empruntait. Heureusement, elle connaissait le château par cœur. Elle avait été plus que surprise lorsqu'elle avait reçu le patronus de Benjy Fenwick l'informant de son arrivée, ainsi que de celle de Lily Evans et James Potter. Elle se trouvait dans son bureau lorsque le message lui était parvenu, puisque Dumbledore l'avait réveillée pour l'informer de son départ pour le Ministère.
Mais ce premier étonnement n'était rien comparé à la stupeur qui l'avait saisie lorsqu'elle avait vu Lily Evans et James Potter devant les grilles du château. C'était la première fois qu'elle les revoyait depuis qu'ils avaient quitté Poudlard, neuf mois plus tôt, mais c'était comme si des années s'étaient écoulées. Elle avait laissé partir des enfants pour voir revenir des adultes.
Elle se souvenait avoir eu le même choc, presque dix ans plus tôt, lorsqu'elle avait vu arriver un Benjamin Fenwick ivre de colère et de douleur, tout juste sorti d'Azkaban. Malgré cela, elle n'était toujours pas préparée à voir ses élèves de dix-huit ans devenir ces hommes et ces femmes que la guerre avait changés. Il était certes bon de savoir que James semblait avoir un sens des responsabilités plus poussé, mais elle aurait presque préféré qu'il reste cet insupportable garnement. Au lieu de cela elle se retrouvait face à un homme mince comme un fil, aux épaules plus larges qu'autrefois, aux pommettes plus saillantes. Seuls son amusement visible et son effronterie lorsqu'il lui avait fait un baisemain l'avaient rassurée sur l'évolution de son caractère : son cœur n'avait pas été durci par la guerre. Un peu d'insouciance juvénile l'habitait toujours.
Quant à Lily Evans, elle semblait toujours aussi sérieuse, toujours prête à lancer des piques à James ou à répondre vertement à qui l'insulterait. Comme James, elle lui semblait plus fine qu'autrefois. Elle avait perdu le peu de rondeur qui lui restait de l'enfance, ce qui faisait ressortir un menton pointu et fier. Le changement qui s'était opéré en elle était moins visible que chez James, jusqu'à ce qu'on croise son regard. McGonagall y avait lu la peur, la douleur... l'âme brisée d'une jeune fille qui avait vu des enfants mourir. Lorsque Dumbledore avait raconté cet épisode au professeur de Métamorphose, elle avait été horrifiée.
A présent, le sort du Ministère de la Magie reposait entre les mains de ces deux jeunes gens à peine sortis de l'enfance, assistés par un assassin poussé au crime par les abominations d'une guerre sans merci.
McGonagall ouvrit la porte de la bibliothèque d'un geste sec et les laissa entrer sans montrer son émotion. Le jour où les promotions de Poudlard cesseraient de quitter le château pour se jeter dans les affres de la guerre serait un jour béni.
Le professeur Flitwick, qui l'avait accompagnée à l'entrée de Poudlard pour lever les sortilèges de défense pendant un court instant, passa la porte le dernier. Son regard croisa un instant celui de sa collègue et il eut un sourire triste, qu'il effaça bien vite pour se porter au secours de Lily. Celle-ci se dirigeait sans aucune hésitation vers le fond de la pièce, où les deux jeunes hommes et McGonagall la rejoignirent. Elle sortit un épais volume intitulé « Sorts et enchantements : toutes les formules qu'on ne savait pas comment classer » qu'elle posa sur la table la plus proche, soulevant par la même occasion un nuage de poussière.
- Tu dois être la dernière personne à avoir ouvert ce livre, gloussa James.
- Ferme-la, Potter. T'aurais été bien embêté si je ne l'avais pas ouvert.
- On aurait pu demander au professeur Flitwick ! Vous connaissez ce sort, non ?
Le minuscule professeur, juché sur une chaise, prit un air embêté.
- Je me rappelle l'avoir étudié, expliqua-t-il de sa voix fluette, mais je serais bien incapable de retrouver la formule exacte... ni de savoir dans quel livre on peut la trouver.
Lily adressa un regard triomphant à James tout en tournant les pages du livres. Il marmonna quelques imprécations incompréhensibles pendant que Benjy, d'habitude si sérieux, couvait Lily d'un air amusé.
La jeune femme – puisque c'était ce que voyait McGonagall en elle à présent – poussa un cri de triomphe en arrivant à la bonne page. Flitwick et elle se penchèrent sur la petite écriture penchée et les schémas qui couvraient la double page alors que McGonagall demandait aux garçons :
- Et une fois que vous l'aurez retrouvé, vous avez un plan ?
Ils échangèrent un regard puis Benjy se chargea de répondre :
- On avisera. Ça dépend de combien ils sont – Maugrey dit toujours que tant qu'ils ne sont pas plus de cinq on ne doit pas appeler à l'aide.
- Sauf qu'on est trois, intervint James, ça veut dire qu'ils doivent être plus de quinze ?
Benjy haussa les épaules.
- J'imagine.
- Alastor Maugrey a dit ça ? Glapit McGonagall.
- Ben... ouais, balbutia James, apparemment surpris par son éclat.
- Il est complètement inconscient ! On ne sacrifie pas des jeunes gens de la sorte ! Oh, Dumbledore va m'entendre, Mr. Potter, vous pouvez en être sûr !
Un air amusé se peignit sur le visage de l'interpellé, qui interrogea avec une jubilation non dissimulée :
- Seriez-vous inquiète pour vos anciens élèves adorés, chère professeur ?
- Cessez de vous faire des idées, Potter, répliqua-t-elle. Et arrêtez la flatterie : je vous ai répété un nombre incalculable de fois, ainsi qu'à Black, que ça ne marchait pas avec moi.
- A mon époque, ça fonctionnait pas trop mal, intervint nonchalamment Benjy.
- Fenwick ! Protesta le professeur alors que James se mettait à rire.
- On ne vous dérange pas ? Appela Lily d'un ton sec. J'ai besoin de vous, les garçons.
La bonne humeur du petit groupe se dissipa aussitôt et les deux jeunes gens se rapprochèrent de Lily pour écouter ce qu'elle avait à leur dire. McGonagall ne put retenir un sourire nostalgique : Lily Evans avait toujours su mener son monde.
- On a besoin d'un objet porté par Minchum. L'un d'entre vous ira chercher ça chez lui pendant qu'on ira au QG chercher des balais, et on se retrouvera là-bas.
- Pourquoi des balais ? Releva Benjy, les deux mains appuyées sur le plateau de la table.
- Parce que l'objet ensorcelé filera droit vers son propriétaire, expliqua Flitwick. Il ne vous laissera aucun répit. D'ailleurs, Miss Evans : pensez à l'ensorceler pour que vous puissiez le voir dans le noir, sans quoi vous le perdrez immanquablement.
- Bien, c'est comme un Vif d'Or, commenta James, déterminé. Allons-y, nous n'avons pas de temps à perdre.
Il avait à peine fini sa phrase que Benjy et lui s'éloignaient déjà vers la sortie. Lily prit juste le temps de dupliquer la page du livre avant de les suivre. Mais elle n'avait pas passé la porte de la bibliothèque que James revint, le sourire aux lèvres. Il plaqua un baiser sur la joue de l'Écossaise stupéfaite, serra vigoureusement la main du professeur Flitwick et s'en alla sur un tonitruant « Merci pour tout ! ».
***
- Sérieusement, Fenwick ? Ça devait être un caleçon ?
James se retint de rire face à la mine dégoûtée de Lily et s'aperçut que Benjy faisait exactement la même chose.
- Il est propre ! Et puis d'après ce qu'on m'a dit ce n'est pas la première fois que tu touches un caleçon.
- FENWICK !
Cette fois, James ne put se retenir de pouffer, évacuant ainsi un peu de la tension qui l'habitait.
- Oh toi, arrête de te marrer ! C'est ton imbécile de meilleur ami qui a raconté ça à tout le monde !
- Je crois que Halloway s'y est mise aussi, glissa Benjy.
- Fermez-la tous les deux et laissez-moi me concentrer !
James s'exécuta après avoir adressé un clin d'œil à Fenwick et attendit que Lily ait enchanté le caleçon qui devait les mener à Minchum. Il était sur son balai, prêt à prendre son envol. Benjy avait le balai de Lily, qui était installée devant lui. James avait refusé qu'elle s'envole seule, persuadé qu'elle se prendrait une maison ou se perdrait. Finalement, elle avait admis qu'il avait raison. Il l'aurait bien pris avec lui mais c'était lui qui avait le plus de chance de pouvoir suivre de près l'objet, et jamais il n'y arriverait avec un poids supplémentaire sur son balai. Il fallait impérativement qu'il colle au caleçon car il lui faudrait l'arrêter une fois qu'il penserait être arrivé à destination. Toute cette affaire reposait donc sur une question de jugement et d'habilité. James aurait été bien incapable de dire s'il adorait ou s'il détestait ça.
Le caleçon s'illumina soudain, d'une lueur rose et criarde.
- Bon, bah on le ratera pas.
- Tais-toi Potter.
- Elle est d'une humeur de dogue, commenta Benjy.
- Ouais, je me suis mis à dos sa sœur et son futur beau-frère alors...
- Je suis là, bande de crétins !
James grimaça. Elle était en effet d'une humeur massacrante. Le silence s'installa pendant quelques minutes – quelques minutes suffisantes pour que le caleçon du Ministre s'envole dans la nuit glacée. Alors qu'il s'élançait à sa suite, James songea que Lily avait été bien inspirée de l'obliger à mettre un pull et à prendre sa veste lorsqu'ils étaient passés chercher les balais. Elle-même avait troqué la robe qu'elle portait pour la soirée contre un pantalon et un pull en laine. Ils étaient certes pressés, mais ça ne les aurait pas beaucoup avancé d'arriver complètement gelés à l'endroit où Minchum était détenu.
Le traceur allait à toute allure et évitait à peine les obstacles. James avait besoin de toute sa concentration pour réussir à le suivre. Ils prirent le chemin le plus court pour Londres depuis la Cornouailles, c'est-à-dire droit au-dessus de la mer. Mais James ne vit les lumières de la capitale que de loin : le caleçon continua sa course folle au milieu des champs gelés. Ils passèrent au beau milieu d'une ville heureusement presque totalement endormie. Sans cela, ils auraient certainement renversé plus d'un passant tant le traceur volait bas.
Ils gagnèrent à nouveau la campagne, tout en restant près de la côte. James commençait à ne plus sentir ses doigts et le vent glacé lui arrachait des larmes depuis un bon moment déjà. Ils dépassèrent plusieurs villages, puis se trouvèrent à nouveau complètement isolé au milieu d'un océan désolé de champs fossilisés par l'hiver. Et au milieu de tout cela, une lumière brillait.
James jura dans le vent et tenta de pousser son balai pour rattraper le caleçon mais il était déjà à son maximum. Il avait beau tendre le bras, il ne pouvait pas l'attraper. Il évita de justesse un arbre auquel il n'avait pas prêté attention dans sa hâte d'attraper le traceur puis se concentra. C'était le match le plus important qu'il ait jamais joué – et le deuxième de sa vie qu'il jouait à ce poste. Il prit une profonde inspiration, puis se jeta sur le caleçon.
Il l'attrapa du bout des doigts avant de rouler au sol – Merlin en soit remercié, le caleçon volait tout près du sol. Néanmoins, le choc fut rude. Benjy et Lily s'arrêtèrent à sa hauteur presque une minute plus tard, preuve qu'il avait bien fait de partir seul.
Alors que Lily se précipitait vers lui, pleine de sollicitude, Benjy interrogea :
- Tu penses que c'est là ?
- Je ne vois pas ce que cette lumière isolée ferait là sans ça, grimaça-t-il. Oh bon sang, je déteste être Attrapeur. Les Poursuiveurs finissent plus rarement par terre.
- J'avais oublié que tu avais failli être Attrapeur, commenta Lily en lui tâtant le dos. Je te donnerai quelque chose quand on rentrera.
- Si on rentre un jour, rétorqua Benjy. On a un ministre à sauver.
- Et comment on fait ça ?
- D'abord on s'approche en silence, ensuite on voit combien ils sont, et de toute façon on attaque comme des brutes.
- Quoi ? Protesta Lily. Pourquoi ?
- Effet de surprise, répondit James en se redressant. Et puis on a pas le choix.
- Exactement ! Approuva Benjy. Qu'est-ce qu'on fait des balais ?
James les adossa à un énorme chêne près d'eux en assurant qu'ils reviendraient les chercher plus tard, tout en se disant qu'il n'en aurait peut-être jamais l'occasion. Maugrey les avait envoyé dans une mission suicide – ce serait un miracle qu'ils en ressortent tous les trois vivants.
Lorsqu'il revint vers Benjy et Lily, il trouva la jeune femme avec les bras en l'air, sa baguette tendue vers la lueur qu'ils apercevaient.
- Rien, annonça-t-elle, médusée. Pas un seul sortilège, pas le moindre Protego-Maxima. Aucune protection.
- Bon. Ils nous attendent. Ils veulent qu'on vienne le chercher.
- En espérant qu'on va abandonner le Ministère, ouais, releva James, mais pourquoi aucune protection ? C'est beaucoup trop facile !
- Peut-être qu'ils sont cinquante là-bas ? Proposa Lily.
- Ou qu'ils nous réservent une horreur, annonça calmement Benjy. Le seul moyen de le savoir, c'est d'y aller. On y est obligé, de toute façon.
- C'est parti, lança James d'un ton qu'il s'efforça de rendre enthousiaste.
Ils avancèrent le plus silencieusement possible dans la campagne déserte. On n'entendait que le ressac régulier de la mer venant frapper les falaises, à quelques mètres sur leur droite. Il n'y avait rien pour les cacher, à part un arbre de temps en temps, planté au milieu d'un champ. Bientôt, ils distinguèrent mieux la source de la lumière. C'était une lampe accrochée au plafond d'une cuisine. La maison était petite et délabrée, située à la croisée de plusieurs routes étroites. Ils observèrent la petite pièce de loin pendant un moment, jusqu'à ce que Benjy pousse un grognement :
- Ce sont bien eux, marmonna-t-il. Le type entravé doit être Minchum.
Les trois Sorciers durent enjamber une haie pour sortir des champs avant de pouvoir réellement s'approcher de la maison. Pendant encore quelques minutes, ils s'arrangèrent pour rester dans l'angle mort de la fenêtre de la cuisine. Lorsqu'ils furent juste en dessous, James s'aperçut qu'ils n'avaient aucun plan. Ils allaient vraiment foncer dans le tas.
Benjy, accroupi juste devant lui, leva silencieusement trois doigts. Sa main droite pointait sa baguette sur le mur et il regardait James d'un air insistant. Lorsqu'il comprit ce qu'il attendait de lui, il leva sa baguette et murmura quelques mots. Un bouclier invisible s'étendit juste au-dessus du petit groupe.
Trois. James dut prendre sur lui pour ne pas fermer les yeux. Deux. Derrière lui, Lily posa sa main contre son dos. Un.
***
Lily se redressa d'un bond sous les débris qui pleuvaient toujours et stupéfixa la première silhouette qu'elle vit. L'homme s'effondra sans avoir pu opposer la moindre résistance, mais elle y prêta à peine attention pour envoyer valser un deuxième Mangemort qui était en train de se battre en duel avec James. Aussitôt, le silence retomba.
- C'est tout ? Lança Lily en tournant sur elle-même dans la cuisine dévastée. Sérieusement ?
- Restez sur vos gardes, prévint Benjy tout en libérant Harold Minchum de ses liens magiques.
Le ministre, assis sur une chaise et soumis au sortilège d'Entrave, s'effondra sur la table qui se trouvait devant lui, inconscient.
- Il est vivant ? Demanda James, un peu inquiet.
- Ouais. Je crois qu'il a pris un morceau du mur sur la tête mais Evans peut arranger ça.
Lily s'empressa de fermer la blessure superficielle qu'il avait au front, contrôla son pouls puis fit signe que c'était bon. Benjy le hissa sur son épaule et Lily nota qu'il regardait tout autour de lui d'un air inquiet.
- Tu crois qu'ils sont au Ministère ?
- Si c'est le cas, ils vont avoir du fil à retordre. Maugrey a établi un plan de fou pour le défendre.
- C'est pour ça que nous allons nous arranger pour que vous fassiez venir vos précieux alliés jusqu'ici.
Lily se figea. La voix glaciale qui venait de résonner dans la nuit provoqua un frisson le long de sa colonne vertébrale. Une peur irrationnelle se saisit d'elle parce qu'elle était à peu près sûre de savoir qui était derrière eux. Elle se tourna lentement pour tourner le dos à la cuisine détruite et fit face, pour la première fois de sa vie, à Voldemort en personne.
Le crâne chauve, d'une blancheur maladive, les yeux oscillant entre le marron et le rouge... Si on ne regardait que le bas de son visage, il aurait presque paru normal, mais le haut était proprement inhumain. Lily, son regard planté dans le sien, ne voyait que le monstre qu'il était.
Son attention fut détournée par les silhouettes qui s'agitaient, déployées en arc-de-cercle autour d'eux. Il avait amené ses Mangemorts avec lui – ils encerclaient la maison. Lily prit une profonde inspiration. Cette fois c'était terminé pour eux.
- Benjy ? Murmura-t-elle.
- Quoi ?
- Transplane avec Minchum.
- Non. Tant qu'il sera là, on est sûr que le Ministère ne craint rien.
- Benjy, mon ami ! Appela Voldemort. Veux-tu cesser ces messes basses je te prie ?
Fenwick marmonna quelques insultes bien senties pour toute réponse.
- Nous voilà dans une impasse, n'est-ce pas ? Commenta aimablement Voldemort. Vous avez le Ministre, je veux le Ministère, et je ne peux pas l'avoir sans tuer le Ministre. Mais si je le tue tout de suite, je n'aurais jamais le Ministère. Vous avez une idée de la façon dont on va se sortir de ce problème ?
Évidemment, les trois sorciers restèrent silencieux.
- Puisque vous ne semblez pas avoir d'idées, je vais vous aider : l'un de vous va envoyer un patronus désespéré à mon bon ami Alastor et le supplier de venir vous secourir parce que Lord Voldemort est là et que vous ne parviendrez pas à lui échapper bien longtemps. Nous sommes près du village de Downfall, dans le Kent.
Lily s'apprêtait à le fusiller du regard pour lui dire qu'il pouvait toujours aller se faire voir, mais Benjy l'en empêcha en levant sa baguette. Un lynx argenté s'en échappa et il annonça d'une voix forte :
- Voldemort est là, on a besoin d'aide. Downfall, Kent.
Le lynx se volatilisa dans la nuit, sous le regard choqué de Lily. Elle n'arrivait pas à croire que Benjy ait fait une chose pareille.
- J'ai toujours su que tu étais quelqu'un d'intelligent, Fenwick. Et quelqu'un qui tient à la vie. Dis-moi, qui sont les jeunes gens qui t'accompagnent ?
- Leur vie ne m'appartenant pas, c'est à eux de vous le dire, rétorqua-t-il d'un ton dégoûté.
- Tu as raison, Fenwick. Toujours apprendre un nom de la bouche même de celui à qui il appartient... C'est bien plus puissant. Alors, à qui ai-je l'honneur ?
James et Lily restèrent silencieux, les doigts serrés sur leur baguette qu'ils ne songèrent pas un seul instant à utiliser – ils auraient fini carbonisé dans la seconde.
- Allons, dites-moi vos noms !
Aucun des deux n'ouvrit la bouche et Benjy ne broncha pas non plus. Une moue agacée plissa les lèvres trop pâles de Voldemort, qui appela :
- Bella !
- Endoloris !
Lily voulut crier mais le hurlement de James couvrit sa voix. Il tomba au sol, les doigts enfoncés dans l'herbe gelée. La jeune femme dut prendre sur elle pour ne pas se précipiter vers lui, mais elle aurait volontiers arraché la tête de tous ces Mangemorts – ainsi que celle de Benjy, qui restait parfaitement impassible alors qu'il venait de leur faire perdre le Ministère. Elle ne devait pas leur montrer à quel point le sort de James lui importait. Le jeune homme, au sol, cessa bientôt de crier de douleur. Des grognements sourds s'échappaient de ses lèvres ; il essayait de lutter.
- Voilà un esprit fort ! S'exclama joyeusement Voldemort. Ça suffit, Bella. Alors, jeune homme, tu as quelque chose à me dire ?
- James, articula-t-il entre ses dents.
- James comment ? Aboya le Mage Noir.
- Brown !
- Il ment, maître ! Intervint une voix étouffée. C'est James Potter, le fils de Fleamont et Euphemia Potter.
- Parfait Wilkes ! Et elle ?
- Une Sang-de-Bourbe, répondit une autre voix, que Lily eut l'impression de reconnaître même si elle ne l'avait entendue qu'une seule fois.
- Un traître à son sang avec une Sang-de-Bourbe, rien de très étonnant dans l'Ordre du Phénix, cracha Voldemort. Quel est son nom ? Ou peu importe, un nom de Sang-de-Bourbe n'a aucune importance.
- Elle s'appelle Lily Evans, répondit la même voix.
Son propriétaire s'avança et arracha sa capuche d'un geste sec. Lily se figea alors que la haine qu'elle avait réussi à contenir jusque-là s'allumait au fond d'elle. Dans la faible lumière dispensée par la lampe de la cuisine, elle reconnut sans peine Yaxley. Ils s'affrontèrent du regard quelques instants avant que le Mangemort ne se tourne vers son maître :
- Evans a lamentablement essayé de me lancer un Sortilège Impardonnable la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Comme tous ceux de son espèce, elle est trop faible pour y parvenir.
- Je l'aurais fait ! Éructa-t-elle sans réfléchir ni remarquer le geste que tenta de faire Benjy pour l'empêcher de parler. Je l'aurais fait s'il ne m'en avait pas empêché !
- Qui ça ? Interrogea Voldemort d'un air intéressé. Potter ? Eh bien, petite vermine, on va voir si tu en es vraiment capable : essaie donc sur ce traître de Potter. Fenwick, écarte-toi. Et pose Minchum.
Tout le sang de Lily se retira de son visage alors que des ricanements excités s'élevaient autour d'elle. Elle fixa Voldemort, les yeux écarquillés. Agacé par son manque de réaction, il tendit sa baguette vers James :
- Fais-le, ou je le tue tout de suite.
James, qui s'était assis, la tête pendant entre ses jambes, releva les yeux. « Laisse-moi mourir », supplia-t-il silencieusement.
- Tu as dix secondes pour te décider, Sang-de-Bourbe !
Ils allaient mourir de toute façon, réalisa-t-elle. Benjy savait très bien ce qu'il faisait quand il avait envoyé le patronus. Personne ne viendrait. Un sanglot l'étouffa. Elle ne pouvait pas laisser James mourir, pas tout de suite, pas sous ses yeux.
- Trois, deux...
Lily leva sa baguette vers James. Elle tenta de lui dire que tout irait bien, mais il la regardait comme si elle l'avait trahi. Voldemort avait arrêté son compte à rebours. Sans plus attendre, elle pivota brusquement en visant la tête de Voldemort :
- DIFFINDO !
Une pluie de sortilèges et maléfices s'abattit sur elle et elle roula au sol, le visage en sang, les yeux brûlants.
- Voilà qui était tout à fait stupide, lança Voldemort d'un ton sec. Fini de jouer, Sang-de-Bourbe. On ne manque pas de respect de la sorte au Seigneur des Ténèbres. Je n'ai pas besoin de toi pour faire rappliquer l'Ordre ici. Yaxley, je te la laisse.
- Arrêtez ! Protesta James d'une voix affaiblie. Benjy... Tu ne peux pas... arrêtez !
- Trop tard, Potter, s'exclama Voldemort avec jubilation alors que Yaxley relevait Lily d'un geste sec et se plaçait à quelques pas d'elle. La petite Sang-de-Bourbe va mourir.
- Allez vous faire foutre ! Hurla une voix dans l'ombre.
Avant que Lily n'ait eu le temps de comprendre de qui il s'agissait, une onde de choc balaya tout le monde.
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