Partie III - Chapitre 23

Chapitre 23

James avait raconté leur course poursuite dans Londres avec des éclairs de joie dans les yeux, sans remarquer que Lily n'avait pas l'air ravi. Néanmoins, elle ne fit aucun commentaire.

Les rondes dans Londres se multiplièrent après cette attaque surprise – mais Sirius et James avaient été interdits de moto. Maugrey craignait une attaque d'envergure dans la capitale. Pourtant, février s'écoula sans incident majeur. Au Ministère, les procès sans résultat concret se poursuivaient alors que Minchum tentait tant bien que mal de garder la Grande-Bretagne sur pied tout en empêchant le Premier Ministre moldu de paniquer.

Pour l'Ordre, les veilles épuisantes se succédaient sans que la situation évolue. Le mystère de la disparition de la maison d'Apollon Picott restait entier. Pourtant, ce n'était pas ces problèmes qui angoissaient Lily. Non, elle était juste terrifiée par la perspective de revoir sa sœur.

Elle était passée voir ses parents et sa mère l'avait harcelée jusqu'à ce qu'elle promette de dîner avec sa sœur et son fiancé. Et James. Elle avait même dû choisir une date sous les yeux de sa mère et ensuite appeler Pétunia. On était le trois mars 1979 et James et elle devaient rejoindre Pétunia et Vernon au restaurant. Elle n'avait jamais été aussi sur les nerfs de sa vie.

Ce n'était pas le cas de James, affalé dans un fauteuil, qui attendait patiemment que Lily se décide pour une robe. Il avait passé une chemise blanche et mis une cravate sur laquelle il n'arrêtait pas de tirer comme il le faisait à Poudlard. Lily resserra donc son nœud de cravate pour la troisième fois, des épingles à cheveux plein la bouche, puis remonta ses cheveux en chignon sans tenir compte des grommellements de James.

- On peut prendre la moto ? interrogea-t-il, plein d'espoir.

- Même pas en rêve. On va être en retard si on ne transplane pas, en plus. Tu as de l'argent moldu ?

- Ouep.

- Tu seras sympa avec Vernon ?

- Ouep.

- Tu éviteras de ...

- Lily ! coupa-t-il. Je sais me tenir en société !

Elle lui adressa un regard perplexe tandis que le coin des lèvres du jeune homme frémissait.

- Il faut qu'on y aille, annonça-t-il finalement, je ne voudrais pas qu'on soit en retard.

Elle lui asséna une tape à l'arrière du crâne en passant devant lui et parcourut le couloir au pas de course avant de descendre l'escalier quatre à quatre. Un quart d'heure plus tard, ils se tenaient devant un restaurant huppé de Londres et James faisait semblant de regarder impatiemment sa montre à gousset. Lily s'agrippait à son bras comme un naufragé à sa bouée.

- Oh allez, elle n'est pas si terrible, soupira-t-il.

- James, tu as peur d'elle alors que tu ne l'as jamais rencontrée !

- Je n'ai pas peur d'elle !

- Si, tu me l'as dit une fois.

- Eh bien je mentais. Eh, regarde, il y a une grande perche qui arrive avec un phoque, ce sont eux ?

- James !

- Quoi ? Regarde, il ressemble vraiment à un ...

Elle plaqua sa main sur sa bouche pour le faire taire, furieuse. Il sourit contre la paume de sa main et elle lui balança un coup de pied d'avertissement dans le mollet avant de le lâcher pour se diriger vers sa sœur.

- Bonsoir Pétunia ! salua-t-elle joyeusement.

- Lily, dit sobrement sa sœur sans la regarder, trop occupée à dévisager James qu'elle rencontrait pour la première fois.

Vernon la salua à son tour tandis que les exclamations exubérantes de James lui parvenaient. Lorsqu'elle lui fit face à nouveau, elle le trouva en pleine conversation à sens unique avec sa soeur. Il arborait son plus beau sourire espiègle alors qu'il s'arrangeait pour ne pas la laisser placer un mot. Paniquée à l'idée qu'il ne cesse pas sa logorrhée, elle ne trouva rien de mieux à faire que s'écrier :

- Je vous présente James Potter !

Pétunia et Vernon la dévisagèrent comme si elle avait perdu l'esprit puis entrèrent dans le restaurant après quelques marmonnements incompréhensibles. James haussa les épaules à l'attention de Lily, qui soupira bruyamment avant d'emboîter le pas à sa sœur. Il en profita poser ses mains sur sa taille et murmura à son oreille :

- On se détend Lily. Ça va bien se passer.

- Pas avec Mr. Je-Suis-Un-Crétin dans les pattes, siffla-t-elle.

- Je m'efforce d'être agréable !

Lily renonça à le sermonner et s'assit le plus dignement possible en face de Pétunia pendant que James prenait place devant Vernon. Ils étaient installés dans un coin de la salle, loin des portes de la cuisine qui se balançaient silencieusement sur leurs gonds au passage des serveurs. Les lampes en verre poli accentuaient l'ambiance tamisée de la salle aux murs passés à la chaux et décorés de tableaux divers et variés. Les poutres apparentes achevaient de donner l'impression qu'on se trouvait dans une auberge huppée du XIXè siècle.

Lily leva les yeux de son menu et son regard tomba sur le profil de James, qui parlait avec animation à Vernon. Elle ne put s'empêcher de sourire en constatant la différence entre les deux hommes : d'un côté James, ses traits fins, ses épaules athlétiques et ce demi-sourire perpétuel qui jouait sur ses lèvres ; de l'autre Vernon, avec son nez porcin, ses épais sourcils et sa carrure un peu trop enrobée qui présageait un embonpoint futur. Dans le regard du premier brillaient une malice et une curiosité toujours en éveil, alors que Vernon respirait la méfiance. Pour le moment, il semblait plutôt dubitatif. Lily le comprenait. James était un interlocuteur agréable, jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il se moquait de vous. Avec un peu de chance, Vernon ne le comprendrait jamais. Après tout, il était tout à fait dépourvu de sens de l'humour.

- Lily ? Tu m'écoutes ?

La jeune fille tourna vivement la tête vers sa sœur et lui adressa un sourire incertain.

- Excuse-moi. Tu parlais du gâteau ?

Pétunia lui adressa un regard torve avant de recommencer à lui parler des préparatifs de leur mariage, qui devait avoir lieu à la fin du mois de mai. La soirée promettait d'être longue – elle lui avait promis de lui parler des ronds de serviette des invités.

***

Severus Rogue avançait à grands pas dans la rue déserte sans crainte d'être vu. Il n'y avait que ces mauviettes de l'Ordre pour se cacher plutôt qu'accepter l'affrontement. De toute façon, il n'était pas seul. Autour de lui marchaient Evan Rosier, Rodolphus et Bellatrix Lestrange. Dans leur ombre se tenait Regulus Black. C'était presque la fin des vacances d'hiver et Regulus, dans sa dernière année à Poudlard, avait réussi à se faire emmener. Rogue ne l'appréciait pas – il était trop arrogant, trop sûr de lui pour quelqu'un de son âge. Certes il n'avait qu'un an de moins que lui, mais Rogue s'estimait plus mûr. Il avait tâté de la magie noire, il y avait goûté. Il avait connu l'humiliation et la rage. Regulus ne connaissait rien de tout cela, Rogue en était certain. Il l'avait observé durant sa scolarité, d'abord parce que c'était le frère de ce traître de Sirius Black, ensuite parce qu'il l'avait vu s'intéresser à Voldemort.

Regulus Black n'avait aucune idée de ce dans quoi il allait s'engager. C'était le cas de beaucoup d'idiots, qui arrivaient plein d'allégresse, en fanfaronnant pour ensuite agir comme des lâches. Mais Regulus était loin d'être idiot. Pour cette raison, Rogue l'observait de près, se demandant comment il allait évoluer. Étant donné les antécédents de son frère, il redoutait les réactions du jeune homme. Sirius et lui étaient proches, étant enfants, d'après ce qu'il savait. Peut-être lui avait-il insufflé un peu de l'esprit de rébellion qui l'habitait.

Rogue n'avait évidemment pas communiqué ses soupçons. Regulus était pour le moment sous la protection de Bella puisqu'il n'avait même pas quitté Poudlard. Après cela, il entrerait pleinement au service du Seigneur des Ténèbres et Rogue pourrait alors s'assurer de sa loyauté. Ce soir-là, il devait cependant supporter sa présence alors qu'il s'agissait d'une mission des plus importantes.

La petite troupe arriva enfin en vue de la maison qu'ils cherchaient. C'était une grande bâtisse entourée de hautes haies, qui devaient pour le moment empêcher les sentinelles de les voir – eux-mêmes ne voyaient que le toit de la maison. Rogue connaissait pourtant ses dimensions de façon exactes : c'était lui qui devait lancer le sort. Ils s'arrêtèrent devant le portail en fer forgé et Rodolphus donna un coup de baguette négligeant dans l'air nocturne. Le dôme invisible qui protégeait la maison s'illumina puis Bellatrix partit d'un rire aigu qui fut couvert par des cris dans l'enceinte du jardin. Un éclair argenté traversa le portail mais Rosier l'écarta d'un geste négligent de sa baguette.

- Vas-y, Severus, le pressa Bellatrix d'une voix enjouée. On va pouvoir jouer avec les petits agents de la Brigade pendent que tu t'occupes de la maison.

Ses boucles brunes voltèrent dans son dos alors qu'elle se tournait vers son mari. Celui-ci grimaça un sourire puis fit disparaître les protections qui entouraient la maison. Rosier se chargea ensuite de faire exploser le portail. Des éclairs de magie fusaient dans leur direction, mais Regulus se rendait utile en faisant apparaître des boucliers devant eux. Pourtant, Bella se tourna vers lui pour lui ordonner de rester avec Rogue avant de se ruer dans le jardin à la suite de Rodolphus et Evan.

Rogue tira sa baguette de sa manche et leva les mains. C'était un sortilège complexe, qui réclamait une grande concentration. Il avait déjà essayé sur la maison d'Apollon Piccot, mais la résidence du Ministre était d'une autre envergure. Il plongea dans la magie, à un autre niveau de la réalité. Les yeux fermés, il visualisa la maison, sa superficie exacte et le poids que cette masse de béton et de bois devait représenter. Il n'avait plus conscience des cris qui résonnaient dans le jardin, ni des sorts que jetaient parfois Regulus pour le protéger de maléfices égarés. Dans son esprit, la maison fut bientôt cernée d'une limite bleutée. Le sort, informulé, s'imprima une première fois dans son esprit. Il sentit les fondations se fissurer, les tuyaux se déchiqueter. La deuxième fois, le grondement sourd de la maison en train de disparaître lui parvint malgré les barrières élevées autour de son esprit pour se protéger de l'extérieur. La troisième fois, sa baguette se mit à trembler et il ouvrit les yeux juste à temps pour voir disparaître la résidence du Ministre dans un éclair bleu.

Severus Rogue chancela mais repoussa Regulus d'un geste agacé quand il fit mine de le retenir. Des cris affolés lui parvinrent, bien vite remplacés par des hurlements de douleur. Au loin, des sirènes de police se firent entendre – des Moldus avaient dû les avertir.

- Bella ! S'écria Rodolphus. On doit y aller !

Aux hurlements succédèrent un gargouillis écœurant. Comme souvent, Bellatrix avait préféré se servir de son couteau plutôt que de la magie. Quelques instants plus tard, les trois Mangemorts sortirent du jardin dévasté. Une trace de sang soulignait la joue de Bellatrix, comme si elle s'était faite des peintures de guerre avec le sang de sa victime. Rosier et Lestrange souriaient d'un air satisfait.

- Allons-y, souffla Rodolphus avant de transplaner dans un craquement.

Rosier l'imita aussitôt. Rogue allait faire de même lorsqu'il aperçut Bellatrix s'approcher de Regulus. Avec un sourire presque tendre, elle leva vers son visage ses doigts écarlates de sang et traça sur sa joue la même ligne rougeâtre qui ornait la sienne. Regulus ne broncha pas mais Rogue était sûr de l'avoir vu pâlir – lui-même n'en aurait pas mené large. Il transplana sans attendre, son méfait accompli. D'autres avaient la charge d'aller chercher Minchum dans la maison qu'il venait de déplacer.

***

- Alors, Potter, tu as une voiture correcte ?

L'air presque paternel de Vernon provoqua un début de sourire chez James, qui s'efforça de ne pas le montrer. S'il lui disait non, il allait sans doute lui dresser une liste de tous les avantages que sa voiture devrait avoir – il venait de le faire à propos des perceuses. Apparemment, un homme digne de ce nom se devait d'avoir une perceuse de la meilleure qualité. James avait tenté quelques allusions graveleuses mais Vernon n'avait pas réagi. En revanche, il avait vu le visage de Lily devenir cramoisi alors qu'elle faisait semblant d'écouter sa sœur.

- Superbe, répondit-il finalement. Il monte jusqu'à 190 km/h en dix secondes.

Vernon eut l'air impressionné, aussi James continua-t-il ses explications enthousiastes :

- Il y a eu cinq autres modèles avant le mien, moins performants bien sûr. La stabilité était bien moins bonne et la résistance au vent tout simplement abominable. Impossible d'atteindre les 60 km/h par grand vent.

- Vraiment ? Pourtant ça a l'air d'être un véhicule très puissant, remarqua Vernon en appuyant son menton sur son large poing.

- Ah mais on ne peut pas tout avoir ! Il est parfait par beau temps. Même sous la pluie d'ailleurs. Il n'y a que le vent qui fait défaut. J'en changerais sans doute, si je faisais encore des compétitions.

- Tu fais des courses ? S'étonna-t-il avec une pointe d'incrédulité dans la voix.

James hocha la tête et s'aperçut que les filles Evans l'écoutaient à présent. Lily l'écoutait comme si elle cherchait à comprendre ce qu'il était en train de raconter.

- Je m'arrange toujours pour qu'il soit reluisant avant un match ! Je le cire toute la nuit et...

- Comment est-ce qu'on peut faire des matchs de voiture ? Coupa Pétunia d'une voix tranchante.

- Eh bien, quand on a un balai c'est plus facile, répondit aimablement James en laissant enfin s'épanouir le sourire qu'il retenait depuis dix minutes.

- Pour nettoyer ta voiture ? Releva Vernon, perdu.

- Non, pour disputer le match ! Répondit James joyeusement. Mon Brossdur 6 m'a accompagné pendant les trois dernières coupes de Quidditch de Poudlard et...

Vernon vira au blanc cassé alors que Pétunia rougissait – elle prenait la même teinte que Lily quand elle était embarrassée.

- James était capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor, expliqua Lily d'une petite voix pour briser le silence. Il est vraiment très doué.

Il se tourna vers elle pour lui faire remarquer que c'était bien la première fois qu'elle lui faisait un tel compliment mais s'aperçut qu'elle observait sa sœur d'un air suppliant. Finalement, Pétunia avala une gorgée de vin et dit d'une voix étranglée :

- Vernon et moi allons souvent assister à des courses de chevaux. Vernon est très doué pour repérer le cheval gagnant.

La conversation dériva sur les compétitions hippiques et James tenta d'y prendre part en parlant à couvert des courses de rats qu'ils organisaient entre Peter et des rats sauvages, quand ils étaient en sixième année. Lily finit par lui écraser le pied alors que Vernon posait une question complètement à côté de la plaque pour la troisième fois. Elle parvint finalement à changer de sujet, mais tomba sur une autre conversation pour le moins embarrassante puisque les questions gênantes commencèrent à pleuvoir. Bientôt, ils eurent droit au récit émouvant de la façon dont Vernon avait demandé à Pétunia de l'épouser. Cet épisode eut l'avantage de susciter une once de pitié chez James envers Vernon, qui semblait affreusement gêné de devoir raconter cela sans doute pour la millième fois. D'ailleurs Pétunia ne cessait de l'interrompre.

- C'était en octobre 1977...

- Un mardi !

- Oui, c'est ça, un mardi et...

- Il était dix-sept heures dix-neuf !

- Oui, et les Evans m'avaient invité à prendre le goûter...

- Lily, ton père ne m'invite jamais à prendre le goûter.

- Ferme-la James.

- Et puis Mrs. Evans a quitté la salon...

- Je suis sûre qu'elle s'en doutait ! Maman a tellement de tact parfois !

- Et je me suis agenouillé...

A ce point du récit, Vernon vira au rouge brique – une couleur qui ne lui convenait pas du tout, comme James mourait d'envie de lui dire.

- Et il m'a demandé de l'épouser !

Le cri hystérique de Pétunia résonna dans le restaurant et Vernon s'empressa d'enfouir son visage brûlant dans son verre de vin, avant de s'acharner sur son steak à peine entamé. Mais Pétunia ne lui laissa pas le temps de porter sa fourchette à sa bouche et attrapa son menton entre ses doigts pour déposer un baiser sur sa joue. Lily grimaça, ce qui fit pouffer James. Pétunia l'entendit et un sourire mauvais étira ses lèvres.

- Et toi, James ? Tu comptes demander Lily en mariage ?

- PETUNIA ! Hurla Lily, écarlate.

James posa sa main sur celle de Lily pour la calmer mais elle continua à fusiller sa sœur du regard. En face de lui, Vernon semblait ravi que James se ridiculise à son tour.

- A vrai dire, Pétunia, cette question ne te regarde pas du tout, répondit-il calmement.

La jeune femme, piquée au vif, pinça ses lèvres déjà trop minces.

- Il s'agit de ma sœur, rétorqua-t-elle.

- Peut-être que si tu prenais plus souvent des nouvelles d'elle je te répondrais.

- James !

- Quoi ? C'est vrai !

- Je ne vais quand même pas envoyer des lettres avec des... hiboux !

Le dernier mot fut presque inaudible. Pétunia le regardait avec des yeux exorbités de l'autre côté de la table. Quant à Vernon, il était devenu vert.

- Et pourquoi pas ? Tu...

- James ! Coupa à nouveau Lily, qui semblait au bord de l'explosion. Pétunia et moi ne nous écrivons pas, c'est comme ça. Ce n'est la faute de personne.

- Personne ne prend des nouvelles de ses frères et sœurs, fit remarquer sa sœur d'un ton hautain.

- Ouais, reprit Lily, l'air peu convaincu. Personne.

James faillit se lancer dans une tirade sur l'amour fraternel en prenant comme exemple sa relation avec Sirius mais il se retint au dernier moment. Il grommela quelques jurons bien sentis et entreprit d'avaler ses tomates. Les doigts de Lily glissèrent sur sa nuque quelques instants plus tard, l'obligeant à lever les yeux vers elle. Elle lui adressa un regard d'excuse et caressa ses cheveux qui bouclaient légèrement à la base de son cou. Tout son agacement s'évanouit alors qu'il lui souriait. Le visage de Lily reprit un peu de couleur. Elle se tourna à nouveau vers sa sœur et James s'aperçut qu'elle les observait, les yeux plissés. Sa bouche formait un pli amer. Au fond de ses yeux brûlait cette jalousie qui l'avait éloignée de sa sœur.

***

- Le Ministre a disparu !

Sirius leva la tête vers Emmeline Vance, qui venait de débarquer en catastrophe dans la cuisine du QG. Remus, assis face à lui, la fixait avec des yeux effarés.

- Il a quoi ? Bredouilla Margaret.

- Disparu ! Le chef de la Brigade Magique a contacté Maugrey en catastrophe, mais personne d'autre n'est au courant parce qu'on ne veut pas semer la panique ! Sa maison a disparu comme celle d'Apollon Piccot !

- Mais... c'est le Ministre, remarqua bêtement Sirius.

Margaret, Remus et Jenny commencèrent à parler en même temps alors qu'Emmeline se précipitait vers le placard qui renfermait le whisky Pur-Feu. Elle se servit un verre, l'avala cul-sec, puis beugla :

- SILENCE !

Les trois jeunes gens se turent et trois paires d'yeux se fixèrent sur elle.

- Bien. Maugrey ne souhaite pas que la rumeur s'ébruite parce que ça entraînerait un mouvement de panique et que c'est exactement ce que cherche Voldemort. Ça veut dire qu'on doit retrouver le Ministre le plus vite possible. Cette nuit, en fait.

- Sa maison a disparu, releva Remus. Elle peut être n'importe où.

- Non, Marlène maintient qu'on ne peut pas déplacer une maison sur une longue distance. Elle doit toujours être quelque part près de son emplacement d'origine. On part MAINTENANT !

Son éclat de voix agit comme un détonateur et ils jaillirent tous de leur chaise. Un quart d'heure plus tard, ils se trouvaient devant le jardin vide de Minchum. La battue s'organisa au milieu des voitures de police moldues qui patrouillaient dans le quartier. Le terrain étant placé sous un sortilège Repousse-Moldu, ils étaient persuadés d'avoir été appelé non pas pour une attaque dans une maison mais pour du simple grabuge dans la rue. Ils n'avaient nullement conscience du jardin où l'on ne voyait plus que des bouts de tuyaux et de béton arrachés.

Ce fut finalement Margaret qui la trouva. Lorsque Sirius arriva sur le lieu, à deux kilomètres de l'emplacement originel de la maison, il trouva Margaret debout devant une maison immense embrochée sur un arbre.

- Si Minchum est toujours là-dedans, je ne suis pas sûre qu'il soit encore en très bon état, commenta-t-elle lorsqu'il s'approcha.

Une fois que Remus, Jenny et Emmeline furent arrivés, ils entreprirent de trouver comment entrer dans la maison sans que tout s'écroule. Sirius se dévoua finalement pour se faufiler par l'embrasure d'une fenêtre cassée qui menait à la cuisine. Une fois qu'il fut sûr qu'on ne pouvait plus le voir, il se transforma en chien et entreprit d'explorer la maison. Il évita les meubles fracassés et le plancher éventré agilement. En trois bonds, il réussit à atteindre l'étage malgré l'escalier défoncé. Mais pas plus qu'au rez-de-chaussée il ne trouva quelqu'un. La maison était vide.

Il se métamorphosa avant de sortir de la cuisine et croisa le regard affolé des trois autres.

- Personne, annonça-t-il. Minchum n'est pas là-dedans.

Ils se détendirent légèrement, sans doute soulagés de ne pas apprendre qu'il était mort. Une disparition valait toujours mieux qu'un décès.

- Ils l'ont enlevé ? Interrogea Margaret d'une voix tremblante.

- Ou alors ils l'ont tué et jeté son cadavre dans un fossé, commenta Sirius.

- Mais pourquoi s'être fatigué à mettre sa maison là ? Releva Jenny.

- Pour brouiller les pistes ? Proposa Remus.

- Et gagner du temps, renchérit Emmeline, plongée dans une réflexion intense. Pourquoi est-ce qu'ils ont fait ça ? Pourquoi faire disparaître la maison de Minchum... sans Minchum dedans ? Ou avec Minchum ? Pourquoi ne pas le tuer tout de suite ? Obtenir des avantages ?

- Ou lancer une chasse à l'homme, réalisa Remus. Une chasse à l'homme qui jettera tous les Aurors et tous les officiers de la Brigade Magique aux quatre coins de l'Angleterre et laissera...

- Le Ministère sans défense ! Hurla Emmeline avant de transplaner.

***

- Tu ne fais pas vraiment d'études, je crois, Potter ?

- Eh bien non, Dursley, pas pour le moment. Enfin si, je me forme.

Lily mourait d'envie de planter sa fourchette dans la main potelée de Vernon. Il tenait de faire passer James pour un crétin depuis une demi-heure mais James lui répondait avec un sourire sarcastique – du moins jusqu'à cette question que Lily savait délicate.

- C'est-à-dire ? Tu vas avoir un travail ensuite ?

- Bien sûr.

- Vraiment ? Parce que je pensais que les... gens de votre espèce ne travaillaient pas. Je veux dire, vous ne pouvez pas faire de travaux... normaux. Avec vos... machins, vous n'en avez pas besoin. J'imagine que vous faites pousser l'argent dans les arbres ? Ou est ce qu'on vous le donne ?

Les petits yeux porcins de Vernon les fixaient d'un air méchant. Les doigts de Lily se crispèrent sur sa fourchette mais James répondit d'un air détaché :

- Nous travaillons, mais à vrai dire je pourrais très bien m'en passer grâce à ma fortune familiale.

Lily faillit bien s'étouffer en même temps que Vernon. C'était la première fois qu'elle entendait parler de ça.

- Fortune familiale ? Releva Vernon.

- Des lingots d'or, chez Gringotts, expliqua James. Assez pour que je mène une vie tranquille pendant un bout de temps.

- Lingots d'or ? S'étrangla Pétunia.

Maintenant que James avait leur attention, il rayonnait de nouveau de malice. Il se pencha sur la table et prit une voix mystérieuse pour chuchoter :

- Gardés par des gobelins... et un dragon !

Pétunia se figea et Vernon croqua si fort dans sa fraise qu'ils entendirent tous ses dents s'entrechoquer.

- Des gobelins avec des oreilles très velues.

- Et un dragon avec des dents très pointues, ajouta Lily en jouant avec sa glace aux trois-quarts fondue.

- Exactement ! Triompha James. Et donc il y a tous ces lingots d'or entreposés là-dedans, et si quelqu'un essaie de les voler il se fait manger !

De l'autre côté de la table, Vernon lui adressa un regard perplexe – perplexe et agacé.

- Très amusant, grogna-t-il.

- Eh bien... je ne pense pas que ce soit si amusant pour la personne qui se fait avaler, remarqua James en léchant sa cuillère d'un air songeur. Enfin il paraît que les gobelins peuvent être très cruels alors peut-être qu'il vaut mieux se faire avaler tout rond par le dragon. En fait non, pas tout rond, sinon on se fait digérer et...

- Tu n'as qu'à devenir un écrivaillon miteux, coupa Vernon, puisque tu as l'air très doué pour inventer des histoires. Ça te permettra de gagner un peu ta vie... Et j'imagine que les Sorciers sont capables d'écrire ?

- Heureusement pour eux ils sont incapables d'être aussi grossiers que les Moldus, rétorqua Lily sans laisser à James le temps de répondre.

Un silence de mort flotta autour de la table tandis que Lily ne se privait pas de fusiller Vernon du regard. Il s'empourpra avant de balbutier :

- Au moins je ne suis pas un bon à rien qui passe son temps à balayer et à inventer des histoires sur des... des...

- Ce ne sont pas des histoires, bon sang ! Sérieusement, Pétunia, fallait-il qu'il soit aussi borné ?!

- Ne t'avise pas de l'insulter ! S'écria Pétunia en postillonnant sur sa sœur. Ce Potter arrive avec ses histoires abracadabrantes et c'est Vernon qui est borné ? Tu te moques de moi !

- Je ne te demande pas de me comprendre, Pétunia, simplement d'accepter mon monde ! Pas la peine de prendre mon copain pour un menteur !

- Mais tu entends ce qu'il raconte ?

- Mon monde, Pétunia ! Je n'ai jamais cessé d'en parler mais tu n'as jamais voulu écouter ! Si tu l'avais fait, tu saurais que tout ça est parfaitement vrai !

- Pourquoi est-ce que j'aurais écouté tes inepties ?

- Parce que tu es ma sœur ! Ma grande sœur, bon sang !

- Et bien j'imagine que je pourrais invoquer la même raison pour que ton copain arrête de se moquer de mon fiancé !

Lily ne put que la dévisager, la bouche entrouverte sur une insulte qui ne décida pas à sortir. A chaque dispute c'était la même chose : il y avait des torts des deux côtés, et en général c'était Lily qui avait commencé les hostilités. Sur ce coup, James était indéfendable.

Comme elle ne répondait pas, Pétunia finit par se lever en traînant Vernon derrière elle.

- Puisqu'aucun de vous deux ne semble prêt à s'excuser, Vernon et moi allons rentrer, lâcha-t-elle d'une voix glaciale.

Vernon jeta deux billets sur la table avant de suivre sa fiancée hors du restaurant d'un air digne. Les regards des autres clients pesèrent un long moment sur Lily et James, restés seuls à leur table. Lily fixait l'assiette non terminée de sa sœur.

- Lily...

- Ferme-la, hoqueta-t-elle.

- Non, Lily, pleure pas ! Je ne voulais pas...

Elle fondit en larmes avant qu'il n'ait fini sa phrase et partit en courant vers les toilettes. Elle entendit vaguement James jurer. La porte claqua derrière elle et il l'appela de l'autre côté du battant mais elle ne répondit pas. Il abandonna vite – trop vite – et le silence se fit. Lily pleura tout son soûl pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'un petit coup frappé à la porte se fasse entendre.

- J'ai essayé de les rattraper mais Vernon a failli me renverser avec sa voiture, expliqua doucement James. Je suis désolé, Lily, vraiment. Je ne pensais pas... Enfin, tu me connais. J'aime rire. Je ne pensais pas qu'il le prendrait mal.

- Je t'avais parlé d'eux, James !

- Je sais, mais... je suis désolé. Vraiment.

Elle s'adossa à la porte, un peu calmée. Après tout, ce n'était pas sa première dispute avec Pétunia.

- Elle a pris le prétexte de Vernon mais en fait c'est toujours la même histoire, hoqueta-t-elle après un instant de silence. Elle refuse l'idée que je sois une Sorcière.

- Parce qu'elle est stupide. Désolé, Lily, mais c'est vrai. Tu es merveilleuse. Une merveilleuse personne et une merveilleuse Sorcière. N'importe quelle fille devrait être fière de t'avoir pour petite sœur même si vivre avec toi ne doit pas être évident parce que tu es insupportable.

- Tu vis avec moi, remarqua-t-elle avec un petit rire entrecoupé de sanglot.

- Oui mais moi je peux t'embrasser quand tu m'énerves trop.

- Si tu fais ça, je te gifle.

Il rit doucement.

- C'est vrai. Mais n'empêche, Lily... Elle ne sait rien de ta vie. Quel genre de sœur est-ce que c'est ?

- Je ne sais rien de sa vie non plus.

- Alors j'imagine qu'il y a des efforts à faire des deux côtés. Et aussi du mien.

C'était dur à entendre, mais juste. Lily soupira et déverrouilla la porte.

Ils sortirent du restaurant quelques minutes plus tard, toujours suivi par le regard curieux de plusieurs clients. Ils marchèrent un moment au hasard des rues de Londres, silencieux. Ce n'est que lorsqu'un hibou vint presque percuter James qu'ils revinrent à la réalité. Il déroula le parchemin attaché à sa patte sous l'œil inquiet de Lily et le lut à voix haute :

- « Minchum a été enlevé. On pense qu'il est toujours vivant. Pour l'instant le Ministère est calme mais on redoute une attaque. Venez le plus vite possible ».

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