Partie III - Chapitre 22

Chapitre 22

Pour une fois, la salle de réunion du QG était occupée non pas par des jeunes gens à l'air grave mais par une bande d'imbéciles incapables de se concentrer. C'était en tout cas l'avis de Frank.

- Est-ce que quelqu'un a une idée qui ne soit pas complètement absurde ? Supplia-t-il, debout devant le tableau qu'il avait fait apparaître, une craie à la main.

Ils tentaient de comprendre pourquoi les Mangemorts avaient fait disparaître la maison d'Apollon Picott pour la mettre plus loin.

- Buckingham Palace ! S'exclama Sirius triomphalement.

Frank poussa un profond soupir mais écrivit tout de même sa proposition. Dans son dos, le bruit caractéristique de James tapant dans la main de Sirius se fit entendre.

- Même si je ne vois pas du tout pourquoi les Mangemorts feraient disparaître Buckingham Palace.

- Pour manger la reine ? Proposa Peter.

Tous les Maraudeurs pouffèrent – oui, même Remus.

- Ils n'ont pas mangé Picott, ils l'ont laissé en plan !

- Mais on est tous d'accord pour dire que c'était un essai, protesta James. Donc, ils ont forcément quelque chose derrière la tête.

- Certes, admit Frank. D'autres idées ?

- Le Ministère ? Proposa Margaret, qui était restée silencieuse jusque-là, se contentant de rire aux idioties des Maraudeurs.

- Trop grand, non ? Intervint Remus. Et est-ce que le Ministère est vraiment un bâtiment ? Je veux dire, comme il est sous terre...

- Demandez à Peter, lança James, il s'y connaît en souterrains.

L'intéressé devint cramoisi alors que Sirius et James riaient comme des tordus. Remus leva les yeux au ciel, mais il souriait.

Frank et Margaret dévisagèrent Peter, attendant qu'il s'explique. Le jeune homme finit par balbutier :

- J'ai toujours rêvé de devenir... euh... mineur.

Frank haussa un sourcil surpris et la jeune fille répondit poliment :

- Ça doit être intéressant.

Les trois autres Maraudeurs partirent de concert dans un fou-rire aussi Peter entreprit-il de les bombarder de boulettes de papier enchantées pour se venger.

- Pour en revenir au Ministère, reprit Frank en élevant la voix, ça doit effectivement être trop grand et il est en partie composé de galeries si je ne m'abuse. Ce n'est pas une entité homogène, quoi. Et puis le faire disparaître ferait s'écrouler une bonne partie de Londres.

Seule Margaret l'avait écouté, mais il s'en fichait.

- C'est peut-être ce qu'ils cherchent ? Souligna-t-elle sans tenir compte des quatre imbéciles qui riaient – Peter avait fini par se joindre aux autres.

- Je n'espère pas. Bon, on reprendra ça plus tard parce qu'on n'avance pas là. Dehors, bande de bouffons !

Seulement, les Maraudeurs riaient tellement qu'ils n'arrivèrent même pas à se lever.

- Je crois qu'ils sont un peu sur les nerfs, lui souffla Margaret en passant près de lui pour gagner la sortie.

Frank poussa un soupir désespéré, jeta sa craie par-dessus son épaule en quittant la salle et eut un sourire satisfait en entendant un « Aïe ! » derrière lui. Il se dirigea vers la cuisine dans l'intention de prendre un petit en-cas pour le goûter mais il tomba sur Alice, qui venait visiblement de rentrer de sa mission. Son visage s'éclaira d'un sourire fatigué quand elle le vit.

- Salut, lança-t-elle sobrement.

Il se pencha pour déposer un baiser sur sa tempe et fronça le nez.

- Pourquoi est-ce que tu sens le brûlé ?

- Oh, trois fois rien. Je me suis retrouvée face à un Mangemort, visiblement pas très expérimenté, qui a paniqué et n'a rien trouvé de mieux à faire que de mettre le feu à une voiture pour avoir le temps de s'échapper.

- Charmant. Tu veux manger un morceau ?

Il lui apporta un plat de cookies que James avait préparé – Frank ignorait qu'il s'y connaissait en pâtisserie – et voulut en prendre un à son tour quand Alice lui asséna une petite tape sur la main.

- Pas toi ! Sinon tu ne rentreras pas dans ton costume pour le mariage !

- Mais Alice, geignit-il, le mariage est dans quatre mois !

- Et tu as tendance à t'empâter l'hiver, tu le sais bien.

- Alors je maigrirai après !

- Frank...

- Alice ?

- Ta mère serait d'accord avec moi sur ce coup.

- C'est tout à fait déloyal comme argument !

Sa fiancée eut un sourire satisfait.

- Je n'y peux rien si tu as peur de ta mère.

- Je n'ai pas peur de ma mère, râla-t-il. Je m'efforce juste de ne pas la contrarier. Elle a le cœur fragile.

- N'importe quoi ! Elle nous enterrera tous et tu le sais bien !

Frank ne put s'empêcher de sourire, parce que c'était tout à fait vrai. Sa mère était une force de la nature.

- D'abord, elle ne m'a jamais dit que j'étais trop gros.

- Non, mais elle me l'a dit à moi.

- Quoi ? Depuis quand est-ce que tu parles avec elle sans moi ? Je croyais qu'elle t'ignorait complètement quand je n'étais pas dans la même pièce !

- Dire que je lui parle est un grand mot parce qu'elle ne me laisse jamais placer un mot mais depuis qu'on est fiancés elle passe son temps à m'envoyer des lettres ou à m'attirer dans un coin de la maison pour me parler des préparatifs quand on va chez elle.

- Par Merlin... J'imagine qu'on n'a pas notre mot à dire sur les préparatifs, alors ?

- J'espère que tu aimes le gâteau aux framboises et aux fraises, répondit Alice avec un haussement d'épaules.

- Elle n'a pas fait ça ? Tout ça parce que quand j'avais cinq ans j'ai dit que c'était mon gâteau préféré !

- Le pire, dans toute cette histoire, c'est que mes parents s'entendent tellement bien avec les tiens qu'ils laisseront ta mère tout décider si ça l'amuse. Ils ne sont pas spécialement vindicatifs.

Il ne put s'empêcher de sourire.

- Comme toi.

Elle se tortilla sur sa chaise, l'air soudain gênée.

- Qu'est-ce qu'il y a ? interrogea-t-il, surpris. Tu vas m'apprendre que tu es la personne la plus bagarreuse du monde ?

- Non mais... en fait, ce n'est pas le Mangemort qui a mis le feu à la voiture... C'est moi.

Elle semblait avoir tellement peur qu'on la gronde qu'il se mit à rire.

- Tu as paniqué ?

- En fait... il semblait tellement jeune, Frank ! Je ne pouvais pas l'arrêter sans sommation, il était complètement sans défense. Alors je lui ai laissé une occasion de s'échapper. Je suis désolée, je sais à quel point c'est important pour toi qu'on arrête tous les Mangemorts qu'on peut mais...

- Eh, Alice. Calme-toi, ça n'a rien d'un crime.

Il lui sourit tendrement avant de poursuivre :

- J'y pense souvent, tu sais. A la façon dont on mène cette guerre, je veux dire. Et je pense que Dumbledore te dirait qu'être magnanime est important. Plus que de capturer des Mangemorts que le Ministère laissera s'enfuir en tout cas. Au moins, toi tu leur laisses une chance de passer dans notre camp en leur montrant qu'on vaut mieux qu'eux.

- Tu vaux mieux qu'eux.

Pour toute réponse, il porta sa main à ses lèvres puis lui sourit – mais le doute brillait toujours dans son regard.

***

C'était la première fois que Lily faisait partie d'une escorte officielle. Pour l'occasion, le Ministère lui avait fourni une cape brodée de l'emblème ministériel. Elle marchait deux pas derrière une petite Sorcière tellement maigre qu'elle semblait prête à se briser. Les cheveux gris mais le regard vif, elle faisait partie du département de la coopération magique internationale et s'appelait Rebecca Hopkins. C'était tout ce que Lily avait réussi à savoir d'elle.

Gary McKinnon, à la tête du département, l'avait envoyée auprès du chargé de communication du bureau de la coopération magique internationale américain pour une raison qu'on n'avait pas voulu donner à Lily. Elles s'y étaient rendues en taxi moldu car les transports magiques devenaient de moins en moins sûrs et Hopkins préférait qu'on ignore où elle allait.

Contrairement aux ambassadeurs moldus, les Sorciers qui s'occupaient de mettre en relation les différents États du monde n'avaient pas des résidences cossues en plein centre-ville, pour l'excellente raison qu'ils n'avaient pas besoin d'y habiter en permanence ; avec les Portoloins et autres artefacts, ils pouvaient aller d'un pays à l'autre presque sans délai.

Les deux Sorcières s'étaient fait déposer à quelques rues de leur destination. Elles arrivèrent finalement devant une maison en brique avec un bow-window au rez-de-chaussée – autrement dit, rien ne la distinguait de ses voisines. Pourtant, si on y regardait bien, on pouvait apercevoir une bizarre fumée bleue s'échappant de la cheminée ou encore un oiseau en métal fixé à une branche d'arbre agiter ses ailes.

Mrs. Hopkins pénétra dans le jardinet d'un pas décidé, Lily sur ses talons. Elle frappa trois coups ferme à la porte, qui s'ouvrit sur un Puckwoodgenie en tablier. Mrs. Hopkins ne manifesta aucune surprise aussi Lily adopta-t-elle la même attitude même si elle ne pouvait s'empêcher de se pencher pour observer le petit être. Elle ignorait que c'était des créatures domestiques – à sa connaissance, seule l'école d'Ilvermorny en accueillait. Elles le suivirent dans un couloir au plancher parfaitement astiqué et aux murs couverts de photos officielles avant d'être introduites dans un petit salon décoré de façon désuète où les attendait une femme grande et sèche à l'air sévère.

- Mrs. Hopkins, salua sobrement la femme en tendant la main alors que Lily se plaçait discrètement dans un coin de la salle, le dos appuyé contre un mur.

- Miss Widlee, répondit son interlocutrice avec un sourire dépourvu de chaleur. C'est un plaisir de vous revoir.

- Pour moi aussi, lança Widlee d'un ton qui contredisait son affirmation. Je crains que ce plaisir ne soit régulièrement renouvelé parce que je dois vous dire que tous les liens entre l'Angleterre et les États-Unis ont été coupés juste après mon arrivée.

Hopkins accusa le coup, tout comme Lily au fond de la pièce. Les deux femmes s'assirent et Lily décela une pointe d'appréhension dans le regard de Widlee, malgré ses efforts pour conserver un visage neutre.

- Que voulez-vous dire ?

- Mon secrétaire devait arriver juste après moi mais il n'est jamais venu. J'ai reçu un hibou ce matin m'informant qu'une tentative d'entrée frauduleuse sur le territoire avait obligé le MACUSA à annuler tous les trajets entre nos deux pays. Je ne peux pas rentrer aux États-Unis pour le moment.

Lily était tellement prise par son récit qu'elle faillit lui suggérer d'y aller en avion, comme tout le monde, mais elle se contint juste à temps.

- Le Ministère soupçonnait déjà qu'ils contrôlaient d'une manière ou d'une autre les voyages internationaux, souffla Hopkins, mais je ne pensais pas...

- Vous savez ce que ça veut dire, Mrs. Hopkins ? Reprit Widlee. Si la situation s'éternise, l'Angleterre devra être mise en quarantaine.

Même si Hopkins lui tournait le dos, Lily devina à la tension soudaine dans ses épaules que l'idée l'horrifiait. Après quelques instants, elle dit d'un ton ferme :

- Nous n'en sommes pas encore là, Miss Widlee. Même si les États-Unis empêchent tout voyage par Portoloin ou Poudre de Cheminette, il y a toujours des moyens de gagner l'Angleterre, ne serait-ce que par voies moldues. Si vous acceptez de nous aider, vos Aurors pourront toujours venir nous soutenir.

- On ne peut pas mettre les Moldus en danger de la sorte ! Si...cet homme apprend que des renforts arrivent de l'autre côté de l'Atlantique il fera sauter les apéroports !

- Aéroport.

Lily plaqua sa main sur ses lèvres, horrifiée, alors que les deux femmes se tournaient vers elle, interloquées.

- Euh, je... excusez-moi, j'ai juste... C'est 'aéroport'.

Miss Widlee fronça légèrement les sourcils et reporta son attention sur ses doigts alors que Mrs. Hopkins lui décochait un petit sourire. Elle se tourna à nouveau vers l'Américaine et l'oublia totalement. Lily détestait jouer les larbins. Elle ronchonna en silence tout en commençant à pianoter des doigts sur le mur.

- Il suffit de prendre les mesures de précaution nécessaires pour qu'aucune information ne filtre sur l'arrivée de vos Aurors et tout ira bien !

- Mrs. Hopkins, répondit Wildee d'un ton hautain, je n'ai même pas pu venir en Angleterre sans me faire repérer alors qu'il s'agissait d'un voyage hautement sécurisé ! Pensez-vous vraiment que nous arriverons à faire venir ces hommes et ces femmes jusqu'ici sans encombre ? Les informations semblent être aussi volatiles que la moindre fumée, dans ce pays.

De là où elle se trouvait, Lily vit le bout des oreilles de l'Anglaise tourner à l'écarlate.

- Sous-entendez-vous que nous comptons des traîtres dans les rangs du Ministère, Miss Wildee ?

- Je ne sous-entends rien du tout et vous laisse tirer vos propres conclusions.

Lily mourait d'envie de lui dire que Miss Wildee, aussi désagréable soit-elle, avait raison sur ce point. Elle tapota avec plus d'insistance sur le mur sans s'en rendre compte et Mrs. Hopkins se tourna vers elle, agacée.

- Evans, quittez cette pièce ! Vous n'êtes pas ici pour vous faire remarquer ni pour vous exprimer !

Les doigts de la jeune femme s'immobilisèrent et elle prit l'air le plus digne qu'elle put pour rétorquer :

- Je vais sortir, Mrs. Hopkins, même si j'ai bien plus de légitimité que vous à m'exprimer sur le sujet de la guerre.

Cette fois, ce ne fut pas seulement les oreilles de l'Anglaise qui rougirent mais son visage entier. Miss Wildee semblait plutôt intéressée.

- Je ne vous permets pas, Evans ! Je suis envoyée par le Ministère !

- Mais étiez-vous à Trafalgar Square, Mrs. Hopkins ? Attaqua Lily en prenant soin d'appuyer sur le nom de la femme. Étiez-vous là quand le fils du Ministre est mort ?

- Vous avez donc assisté à ces événements ? Releva l'Américaine avant que sa comparse n'ait eu le temps de répondre.

Lily prit sa question comme une invitation à se joindre à la conversation et se décolla donc du mur pour faire un pas vers les deux femmes.

- J'y ai participé, Miss. Et je pense que vous avez raison quand vous dites qu'il y a sans doute des traîtres au Ministère.

- Evans ! Interrompit Hopkins, offusquée. Vous n'avez aucun droit...

- Mrs. Hopkins, coupa Widlee d'une voix forte, peut-être Miss Evans peut-elle nous aider à faire avancer nos affaires ! Asseyez-vous, mon petit, Gilbert ne devrait pas tarder à nous apporter du thé et des scones.

Lily s'exécuta, ravie, tout en prenant sur elle pour ne pas poser de question sur le Puckwoodgenie prénommé Gilbert.

- Vous faites partie de la Brigade Magique ? Interrogea Miss Widlee une fois qu'elle fut installée, sans tenir compte des grommellements de Mrs. Hopkins, qui avait sans doute trop besoin d'elle pour s'en aller en claquant la porte.

Lily se lança dans des explications embarrassées en tentant d'éviter de parler de l'Ordre du Phénix pendant que Mrs. Hopkins s'agitait, agacée.

- Où est Gilbert ? Souffla Miss Widlee au milieu du compte-rendu que lui faisait Lily de la situation actuelle.

La jeune fille s'interrompit, non pas vexée mais inquiète. Les trois femmes tendirent l'oreille un moment. Même Mrs. Hopkins avait cessé de ronchonner. Un silence de mort emplissait l'espace. Aucun bruit de circulation ne venait de la rue.

Lily se leva lentement et tressaillit lorsque le plancher craqua sous ses pas. L'Anglaise et l'Américaine ne tentèrent pas de la retenir, lui rappelant ainsi qu'elle était justement là pour ça. Elle longea le couloir dans l'espoir d'y trouver la cuisine. Aucun son indiquant la présence d'un quelconque être vivant ne lui parvenait. Le cœur battant, elle poussa la porte du fond du couloir et comprit pourquoi elle n'avait décelé aucun signe de vie : Gilbert le Puckwoodgenie gisait au sol, les yeux grands ouverts sur la mort.

La bouche ouverte sur un cri d'horreur silencieux, Lily recula d'un pas. Son regard croisa alors celui surpris d'un homme à peine plus âgé qu'elle, entièrement vêtu de noir, les cheveux ébouriffés, et un masque de Mangemort à la main.

Lily claqua la porte en glapissant « Collaporta ! ». Un impact se fit entendre alors que la porte se verrouillait avec un bruit de succion. Elle détala dans le couloir, glissant sur le parquet trop bien ciré, et déboula dans le salon où elle faillit rentrer dans Miss Widlee.

- Sortez de là ! S'écria-t-elle en poussant les deux femmes vers la porte d'entrée. Transplanez à l'abri !

Lily ouvrit à la porte à la volée, pour se retrouver face à un deuxième Mangemort. Celui-ci fut plus rapide que son collègue et Lily eut juste le temps de se baisser avant de se recevoir un sortilège en plein visage. Miss Widlee n'eut pas cette chance et elle s'effondra, le nez en sang, alors que Lily fauchait l'intrus d'un maléfice en pleines jambes. Mrs. Hopkins se chargea de verrouiller la porte. Lily croisa son regard affolé, mais elle mit de côté sa panique pour aider Miss Widlee à se relever. La jeune fille s'apprêtait à regarder son nez lorsqu'une explosion se fit entendre au bout du couloir.

Lily jura bien plus fort qu'elle ne l'aurait dû et se précipita dans le salon dont elle ouvrit grand l'une des fenêtres. Le premier Mangemort fit son apparition à l'entrée de la pièce au moment où elle se retournait. Elle l'envoya voler avant qu'il n'ait eu le temps de lever sa baguette et il s'écrasa violemment contre les cadres accrochés au mur. Elle ne prit pas le temps de le stupéfixer, trop occupée à sécuriser le jardin pendant que Miss Widlee et Mrs. Hopkins passaient tant bien que mal par la fenêtre.

La porte d'entrée vola en éclats comme Mrs. Hopkins se stabilisait dans l'herbe. Lily jeta un coup d'œil à la rue, à cinq mètres d'elles, puis au jardin des voisin, juste de l'autre côté de la haie. L'enchantement qui empêchait de transplaner dans la maison ne s'étendait sans doute pas au-delà de la propriété.

Un cri dans la maison l'obligea à se décider : elle tendit sa baguette vers la haie. Quelques instants plus tard, les thuyas s'étaient transformés en herbe rase que les trois femmes traversèrent sans problème. Le deuxième Mangemort, par la fenêtre ouverte, lança un maléfice. Elles transplanèrent.

Ce fut le pire transplanage que Lily n'ait jamais fait. Tout son corps brûlait, elle avait l'impression de se heurter le crâne contre toutes les réalités qu'elle traversait. Enfin, le tourbillon cessa et elle roula au sol. Loin de cesser, la brûlure ne fit que croître.

Par-delà la douleur, elle reconnut l'air iodé et l'odeur d'herbe fraîche et mouillée qui environnaient toujours le QG. Elle fit un effort considérable pour se redresser. Le maléfice l'avait sans doute atteinte au moment même où elle transplanait. Il fallait qu'elle rentre au manoir.

Après s'être hissée sur ses pieds, elle tituba jusqu'à l'endroit où elle savait se trouver l'entrée du domaine. La grille apparut enfin ; elle la poussa de ses doigts tremblants, les yeux voilés par la douleur. Elle eut juste le temps de lancer des étincelles rouges en direction du manoir avant de s'écrouler.

***

- J'ai l'impression que tu passes ton temps à me veiller...

James reposa le livre qu'il faisait semblant de lire pour sourire à Lily.

- C'est parce que tu prends beaucoup trop de risques. Pourquoi tu n'as pas demandé de l'aide ?

- Ils n'étaient que deux.

- Lily, s'il fallait écouter les conseils de Maugrey quand il est question de survie, on serait déjà tous morts.

- Pas eu le temps.

- Mais tu as pris un sale coup.

- Au moment où je transplanais, expliqua-t-elle en grimaçant. Je pense que ça a aggravé la chose.

- Peut-être bien... Margaret pensait que c'était un Maléfice Cuisant mais on ne comprenait pas pourquoi ça t'avais mis K.O. de la sorte.

Lily secoua la tête et se hissa sur ses coudes, aidée par James.

- Au lieu de viser un endroit précis, comme c'est normalement le cas, le maléfice s'est atomisé à cause du transplanage et attaqué tout le corps. Enfin je pense.

- C'est assez impressionnant pour une simple théorie, sourit-il. Margaret dit que tu seras sur pied demain.

- Je pense que si tu m'embrassais j'irais tout de suite mieux.

Il pouffa avant de s'exécuter.

- C'est moi qui demande ça, d'habitude, fit-il remarquer.

- Les choses changent, répondit-elle simplement avec ce sourire qu'elle lui réservait exclusivement.

Il l'embrassa à nouveau sans qu'elle ait le besoin de demander mais elle le repoussa bien vite pour interroger :

- Vous avez eu des nouvelles de Mrs. Hopkins ? Je ne me suis pas accrochée à elle quand elle a transplané avec Miss Widlee et je ne sais pas où elles ont ...

- Lily, coupa-t-il. Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu racontes !

Elle lui expliqua tout ce qu'il s'était passé d'une voix un peu trop faible mais tout ce que retint James fut :

- Ils vont mettre l'Angleterre en quarantaine ?

- Non, pas... pas tout de suite. Mais peut-être...

James enfouit son visage entre ses mains sans l'écouter plus avant. Si les États-Unis songeaient à isoler complètement l'Angleterre, alors la situation était encore pire que ce qu'il imaginait. On allait les abandonner alors qu'ils étaient dans une situation critique.

- James...

Les doigts de Lily glissèrent dans ses cheveux mais il n'y trouva aucun réconfort – seulement le sentiment déchirant de savoir qu'il pouvait la perdre.

- Ce n'est pas... ils ne peuvent pas faire ça. Il y a des lois internationales, ils ne peuvent pas nous abandonner. Miss Widlee... Quand je lui ai parlé de ce qu'on avait vécu elle avait l'air décidé à faire quelque chose.

- Et s'ils ne le font pas ?

- Alors on fera ce qu'on peut.

- Et on crèvera dans l'indifférence générale.

- Ne dis pas ça ! On dirait Sirius.

Il releva enfin la tête et considéra son visage blême marqué par la souffrance.

- J'en ai marre de toujours être optimiste. C'est mon jour de repos.

- Pas de repos pour les braves, mon chéri, asséna-t-elle en caressant sa joue.

Il haussa un sourcil, l'air déjà moins sombre.

- C'est nouveau, ça.

- Je te l'ai dit, les temps changent. Je ne peux pas passer mon temps à t'insulter, et « Jamesounet » est décidément hors course.

- Va pour « mon chéri », Lily-Jolie.

- Mais tu peux toujours courir pour que je t'appelle comme ça en public.

- Hé !

Il s'apprêtait à se lancer dans une argumentation quand il capta son petit sourire satisfait et comprit qu'elle avait atteint son but : lui remonter le moral en deux minutes top chrono. En même temps, il n'avait jamais été du genre à s'apitoyer sur son sort.

Il abandonna tout idée de se plaindre pour déposer un rapide baiser sur ses lèvres puis se leva et annonça :

- Je vais te chercher à dîner !

***

Sirius tapa du pied une nouvelle fois, agacé. James finit enfin par arriver, les mains tranquillement enfoncées dans ses poches. Par les pans ouverts de sa veste, il distinguait le t-shirt qu'ils s'étaient amusé à faire quelques jours plutôt : on y voyait un phénix qui semblait prêt à s'envoler. C'était Peter qui l'avait dessiné. C'était de la provocation pure, et c'était pour ça que Sirus les aimait autant

- Te dépêche pas surtout !

- J'étais avec Lily, râla-t-il avant de piquer un sprint pour grimper sur la moto derrière son meilleur ami. On a enfin réussi à avoir des nouvelles des ambassadrices.

- Et alors ?

- Elles ont atterri chez la sœur de Mrs. Hopkins, dans le Kent, se sont reposées puis sont retournées faire leur rapport au Ministère. Maintenant, on va devoir les surveiller elles aussi.

La bouche de Sirius se crispa en un pli soucieux puis il soupira :

- Bon, en attendant on a un autre tour de garde qui nous attend. C'est parti pour Londres ?

- C'est parti !

Sirius mit aussitôt les gaz et ils quittèrent le parc du manoir sur les chapeaux de roues avant de s'envoler dans le ciel où ne brillait aucune lune. Ils volèrent en silence pendant près d'une heure puis enfin les lumières de Londres apparurent. Sirius piqua vers le sol et James poussa un hurlement de joie. Son ami l'imita sans pouvoir s'en empêcher. Ils touchèrent enfin terre avec une secousse brutale – l'atterrissage n'était pas trop leur fort.

Ils se trouvaient dans un quartier désert de Londres qu'ils avaient déjà repéré lors de précédentes patrouilles. Sirius coupa le moteur pour tourner la tête vers son ami.

- Bon, quel arrondissement ?

- On a quadrillé Hackney l'autre fois, on peut tenter du côté de Kensington et Chelsea.

Après un hochement de tête, Sirius remit le contact et ils filèrent dans les rues. Ils dépassaient les voitures sans complexe, grillaient les feux et roulaient beaucoup trop vite – bien plus vite qu'une moto normale n'aurait pu. Et quand Sirius s'apprêtait à rentrer dans quelqu'un, la moto s'élevait de quelques mètres avant de retomber sur le bitume dans une pétarade. Les passants hurlaient et juraient mais les deux garçons n'en avaient cure.

Ils approchaient de Kensington lorsqu'un éclair argenté fit soudain exploser la route devant Sirius. Il jura et fit s'envoler la moto juste à temps. Derrière lui, James débitait toutes les insultes qu'il connaissait tout en se tortillant pour sortir sa baguette de sa poche.

- Où sont-ils ? hurla-t-il alors que Sirius dérapait à toute berzingue dans une rue plus étroite.

- J'en sais rien ! Ça venait de là-haut !

Il passa sur le toit d'une voiture sans vraiment y prendre garde, trop occupé à essayer de repérer leurs assaillants. Enfin James poussa un cri et pointa le doigt vers cinq formes qui évoluaient dans les airs.

- Trop nombreux ? interrogea-t-il alors que Sirius faisait une embardée pour éviter un nouveau maléfice.

- Tu te fous de moi Cornedrue ?

Son acolyte éclata de rire et attaqua les Mangemorts qui les poursuivaient en balai. Sirius prit un nouveau virage serré et ils arrivèrent dans une rue plus fréquentée. Ils se faufilèrent entre les voitures alors que des éclairs colorés fusaient autour d'eux. Les Moldus criaient mais les deux garçons n'en tinrent pas compte. Ils s'engagèrent dans une rue étroite en sens interdit, passèrent par-dessus une voiture qui arrivait en face puis tournèrent encore.

- On en a perdu un ! s'écria James après avoir regardé derrière lui. Il s'est pris un lampadaire je crois !

- Et les autres ?

- Toujours derrière ! Vire à droite !

Sirius s'exécuta dans un crissement de frein puis enfonça encore l'accélérateur. Le vent lui fouettait les tempes en même temps que l'adrénaline. James jeta un nouveau sortilège et poussa un cri de joie quand l'un de leurs assaillants alla valser contre un mur avant de s'écraser au sol.

Ils revinrent dans une artère commerçante et grillèrent un feu avant de passer devant une petite impasse sombre. La sirène de gyrophares se fit alors entendre. James se retourna et lança :

- La police ! Mais plus de Mangemorts ! Accélère !

(Le passage qui suit a été entièrement écrit par JK Rowling ; il s'agit de la préquelle d'Harry Potter qu'elle a posté il y a quelques temps)

La motocyclette prit le virage serré en trombe ; elle allait tellement vite que les deux policiers qui la poursuivaient en voiture s'exclamèrent « Whoa ! » Le sergent Fisher appuya à fond sur le frein, persuadé qu'il était que le passager arrière avait dû tomber sur la chaussée. Mais la motocyclette tourna sans faire tomber ses passagers et elle disparut dans une ruelle dans un clignement de phare arrière.

« On va les avoir ! » cria l'agent Anderson, tout excité. « C'est une impasse ! »

Fisher tourna le volant à fond, passa toutes les vitesses les unes après les autres et érafla la moitié de l'aile de la voiture en forçant le passage dans la ruelle.

Les phares projetaient de la lumière sur ceux qu'ils poursuivaient. Ils s'étaient assis, enfin immobiles après une chasse qui avait duré au moins un quart d'heure. Les deux motards étaient coincés entre un grand mur de briques et la voiture de police, qui se ruait sur eux comme un prédateur grognant aux yeux de lumière.

Il y avait tellement peu de place entre les portières de la voiture et les murs de la ruelle que Fisher et Anderson eurent du mal à s'extraire du véhicule. Ils se sentaient offensés d'avoir à avancer vers les mécréants à petits pas de crabes. Le ventre généreux de Fisher frottait contre le mur, déchirant les boutons de sa chemise au passage ; il finit par arracher le rétroviseur avec son dos.

« Descendez de la moto ! » hurla-t-il aux deux jeunes qui souriaient d'un air narquois et se prélassaient dans la lumière bleue clignotante, comme s'ils s'amusaient.

Ils firent comme on leur disait. Fisher réussit enfin à se libérer du rétroviseur cassé et les dévisagea. Ils avaient un peu moins de vingt ans. Le conducteur avait de longs cheveux noirs ; son charme insolent rappelait à Fisher le petit ami de sa fille, ce fainéant de guitariste. Le deuxième garçon avait aussi des cheveux noirs, mais ils étaient coupés plus court et partaient dans tous les sens. Il avait des lunettes et un large sourire. Ils portaient tous deux des T-shirts décorés d'un grand oiseau doré – certainement l'emblème d'un groupe de rock assourdissant et discordant.

« Vous n'avez pas de casques ! » cria Fisher, montrant du doigt leurs têtes découvertes. « Vous dépassiez la limitation de vitesse de – de beaucoup ! » (En fait, la vitesse enregistrée était tellement élevée que Fisher refusait de croire qu'une motocyclette pouvait aller aussi vite.) « Vous ne vous êtes pas arrêtés, alors que la police vous l'avait ordonné ! »

« Nous aurions adoré nous arrêter pour un brin de causette », répondit le garçon aux lunettes, « mais nous essayions... »

« Ne joue pas au malin avec moi – vous allez avoir un paquet d'ennuis ! » répliqua Anderson d'une voix hargneuse. « Des noms ! »

« Des noms ? » répéta le conducteur aux cheveux longs. « Eh bien, voyons... Il y a Wilberforce... Bethshabée... Elvendork... »

« Ce qu'il y a de bien avec celui-là, c'est que ça marche pour une fille et pour un garçon », ajouta le garçon aux lunettes.

« Ah, vous vouliez dire NOS noms ? » demanda le premier. Anderson bafouilla de rage. « Il fallait le dire ! Lui, c'est James Potter, et moi, je suis Sirius Black ! »

« Ça va être sérieusement black pour toi dans une minute, espèce de petit insolent... »

Mais ni James ni Sirius n'écoutait ce qu'il disait. Soudain, ils étaient devenus plus alertes qu'un chien de chasse. Ils regardaient quelque chose derrière Fisher et Anderson, au-dessus du toit de la voiture de police, dans la bouche noire de la ruelle. D'un même mouvement fluide, ils tendirent la main vers la poche arrière de leurs pantalons.

Pendant un instant, les deux policiers s'imaginèrent qu'ils allaient sortir des pistolets, mais une seconde plus tard, ils réalisèrent que les motards n'avaient sorti que –

« Des baguettes de tambour ? », railla Anderson. « Vous êtes des petits rigolos, pas vrai ? Bon, je vous arrête pour – »

Mais Anderson n'eut pas le temps de dire pourquoi il les arrêtait. James et Sirius avaient crié quelque chose d'incompréhensible, et le faisceau lumineux des phares avait bougé.

Les policiers se retournèrent, puis reculèrent en titubant. Trois hommes volaient – VOLAIENT – vers eux sur des balais, et en même temps, la voiture de police partait en marche arrière sur ses roues de derrière.

Les genoux de Fisher l'abandonnèrent ; il tomba en position assise ; Anderson trébucha sur les jambes de Fisher et lui tomba dessus, alors que FLOMP – BANG – CRUNCH – ils entendirent les hommes sur les balais s'écraser contre la voiture qui était maintenant debout ; les hommes tombèrent par terre, apparemment insensibles, alors que des bouts de balais s'entrechoquaient bruyamment autour d'eux.

Le moteur de la motocyclette s'était remis à ronronner. Bouche bée, Fisher trouva la force de regarder les deux garçons de nouveau.

« Merci beaucoup ! » cria Sirius par-dessus le bruit du moteur. « On vous doit une fière chandelle ! »

« Oui, ravis de vous avoir rencontrés ! » ajouta James. « Et n'oubliez pas : Elvendork ! Ça marche pour les deux sexes ! »

Il y eut un fracasdévastateur, et Fisher et Anderson se jetèrent dans les bras l'un de l'autre depeur ; leur voiture venait de retomber par terre. C'était maintenant au tour dela motocyclette de faire marche arrière. Incrédules, les policiers la virents'élever dans les airs : James et Sirius s'élançaient vers le ciel, leur pharearrière scintillant comme un rubis qui se volatilisait.

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