Partie III - Chapitre 20

Chapitre 20

Le vent balaya une nouvelle fois le petit jardin et Lily jura pour la 356ème fois de la journée. Elle surveillait la maison d'un Langue-de-Plomb qui avait eu l'idée complètement absurde de s'établir sur la côte écossaise. Il s'appelait Colum McKenzie, et elle le détestait. D'abord parce qu'il habitait en Écosse, ensuite parce qu'il n'avait pas eu la décence de lui apporter une tasse de thé.

Le pire, dans tout cette affaire, ce que c'était le jour de son anniversaire.

Alors que le 357è juron de la journée s'apprêtait à sortir, la pétarade d'une moto attira son attention. Elle se cacha un peu plus derrière le groupe de sapins qui lui servait d'abri puis sortit sa baguette, méfiante. Elle attendit un long moment avant que la moto ne s'arrête devant la maison – la seule du coin. Quelques bruits de pas lui parvinrent puis, enfin, une silhouette bien connue apparut. Mais qu'est-ce qu'il faisait là ?

Elle se décida à sortir de sa cachette mais garda sa baguette tendue vers l'intrus. James leva les mains, non sans sourire, et lança :

- Alors, quelle question tu vas trouver cette fois ? Joyeux anniversaire, au fait.

Lily prit sur elle pour ne pas lui rendre son sourire et demanda d'une voix qu'elle espérait totalement neutre :

- Qu'est-ce que tu as cassé chez mes parents le jour de Noël ?

- La tasse préférée de Pétunia, mais comme je suis un Sorcier et qu'en plus je suis sympa, je l'ai réparée.

Lily rangea sa baguette et laissa enfin libre cours à sa joie de le voir ici. Il rit lorsqu'elle se jeta sur lui pour le serrer dans ses bras et elle enfouit son visage gelé contre son cou.

- Cette tasse était vraiment très laide, continua James. Sérieusement, un papillon rose sur fond jaune ? C'est tellement laid que ça méritait d'être cassé.

- Alors pourquoi est-ce que tu l'as réparée ? Interrogea Lily sans se détacher de lui.

- Parce que je suis un sale petit faux-jeton qui essaie désespérément de bien se faire voir par tes parents. Je ne m'en tire pas trop mal avec ta mère, ton père c'est autre chose. Je suis sûr que tu tiens ton caractère de lui ! Tu crois qu'il me faudra six ans pour le conquérir ?

- Tu comptes conquérir Papa ? Releva Lily.

- Après t'avoir assassinée, ouais. Comme ça je m'approprierai la fortune des Evans !

- T'as plutôt intérêt à m'épouser et à assassiner Papa ensuite non ?

- Parce qu'il y a vraiment une fortune Evans ?

Lily faillit lui servir une réponse argumentée sur le thème de « l'argent ne fait pas le bonheur » puis se rendit compte que cette conversation n'avait aucun sens et pouffa.

- Non. Qu'est-ce que tu fais là, Jamesie ?

- Beurk, je déteste ce surnom, grimaça-t-il.

- Oh, je sais. C'était l'une de tes copines de quatrième année qui t'appelait comme ça. C'était proprement horripilant.

- Je ne m'en rappelle pas, PEC.

- Elle s'appelait... Mais on s'en fiche ! Arrête de détourner la conversation et répond moi !

- Est-ce que tu promets de ne plus jamais m'appeler Jamesie ?

- Je te le promets, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel.

- Sur la tête de ton premier-né ?

- James ! N'essaie même pas de me soutirer mon premier-né ! Qu'est-ce que tu en ferais de toute façon ?

Il haussa les épaules avec un sourire malin.

- Si tu veux vraiment garder ton bébé, tu seras obligée de l'avoir avec moi, expliqua-t-il, l'air très content de lui.

Lily rougit et décida finalement de passer à l'attaque pour échapper à cette conversation qui risquait de les mener vers des terrains dangereux et inexplorés – comme par exemple l'éventualité de finir leur vie ensemble. Elle l'attrapa par les pans de sa cape et tenta de le secouer dans tous les sens.

- Pourquoi est-ce que tu es venu ? Vociféra-t-elle.

- Vous n'êtes pas censée monter la garde ? Qui est ce type ?

Les deux jeunes gens se tournèrent vers McKenzie, un petit homme dégarni à l'air renfrogné, qui venait de surgir de sa maison. Lily cessa aussitôt de brailler.

- Euh... Je vous présente James Potter. Il euh... travaille avec moi.

McKenzie haussa un sourcil et elle se rendit compte qu'une des mains de James était toujours posée sur sa taille.

- Je vois. C'était vous, sur la moto ?

- Ouais, s'exclama joyeusement James avant de lâcher Lily pour se diriger vers l'homme, la main tendue.

Son interlocuteur eut le réflexe de la saisir et James entreprit aussitôt de secouer son bras dans tous les sens.

- Voyez-vous, babilla-t-il, c'est l'anniversaire de Lily aujourd'hui et même si vous habitez dans un endroit tout à fait charmant je ne suis pas sûr que ce soit exactement ce dont elle ait rêvé pour ses... dix-neuf ans...Par Merlin, mais tu es plus vieille que moi ! Et bref, j'ai donc amené quelqu'un pour prendre la relève, j'espère que ça ne vous dérange pas ? Merci !

James reprit enfin sa respiration tandis que Lily luttait pour ne pas éclater de rire, et McKenzie récupéra sa main avec une grimace offusquée.

- Je peux savoir de qui il s'agit ?

- Lunard ! Cria James dans les oreilles de McKenzie. Ramène-toi !

Le jeune homme surgit de derrière les sapins et leur adressa un signe de la main avant de se tourner vers Lily pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Ravie de le voir, elle se précipita vers lui pour le serrer un instant dans ses bras. Il lui rendit maladroitement son étreinte puis lui sourit. Derrière eux, James et McKenzie recommencèrent à discuter.

- Tu as vraiment accepté de monter la garde à ma place ?

- James a plus ou moins harcelé tout le monde pour trouver quelqu'un pour te remplacer, mais ça me fait vraiment plaisir de vous permettre de passer un peu de temps ensemble aujourd'hui, expliqua Remus sans se départir de son sourire. Considère ça comme mon cadeau !

Lily pressa un instant sa main dans la sienne, promit qu'elle lui revaudrait ça et s'échappa vers James pour couper court aux protestations de Remus qui lui assurait qu'elle ne lui devait rien. Elle attrapa James par le bras, l'empêchant ainsi de se lancer dans une argumentation sur l'avantage des chaussettes en laine face au pauvre MacKenzie – oui, elle en était même venue à le plaindre – à qui James n'avait pas laissé la moindre occasion de protester contre ce changement impromptu de gardien.

Ils sortirent du jardin clos et débouchèrent sur la route défoncée qui serpentait le long de la côte. La moto était garée contre le muret, en équilibre sur sa béquille. Lily était à peu près sûre qu'elle avait gagné plusieurs éraflures depuis qu'elle l'avait vue pour la dernière fois. En même temps, Sirius passait son temps dessus dès qu'il était au QG.

- Vous êtes venus de loin là-dessus ? Interrogea-t-elle, méfiante, alors que James sortait les clefs de sa poche.

- La Cornouailles, répondit-il joyeusement. Et on y retourne ! Mais ne t'en fais pas, j'ai des gants et un bonnet pour toi ! A vol d'oiseau, ce n'est pas si long.

- Tu pouvais pas transplaner ? Râla-t-elle en s'installant derrière lui.

- Je ne voulais pas te priver du plaisir de me trouver sexy.

- T'es vraiment bête, tu sais.

Elle serra ses bras autour de son torse et appuya son visage contre son dos alors qu'il riait. Les accents graves de son rire se répercutèrent jusque dans la cage thoracique de la jeune fille et elle soupira d'aise.

- Tu vois que tu es ravie d'être sur cette moto ! Accroche-toi, il faut qu'on mette les gaz si on veut arriver avant la nuit.

- Et qu'est-ce qu'on va faire là-bas ? Tu sais qui y est en ce moment ?

- On fera ce que tu veux, et il n'y a personne.

Il s'apprêtait à démarrer, mais Lily se redressa, surprise.

- Personne ? Comme dans... personne ?

James se trémoussa, gêné de révéler ses secrets.

- Disons que je me suis assuré que tout le monde avait envie de passer la nuit chez sa famille ce soir. Enfin pour ceux qui ne sont pas en mission je ne sais où.

- James, tu es complètement...

Le rugissement du moteur couvrit ses protestations et la moto bondit à l'assaut de la route. Quelques minutes plus tard, ils quittaient la terre.

***

James ferma un bref instant les yeux quand la moto toucha terre. Les roues hésitèrent quelques secondes sur le bitume puis l'engin retrouva toute sa stabilité. James enfonça l'accélérateur et il repéra bientôt le petit bosquet qui se trouvait tout près de l'entrée du parc du QG. Sirius et lui avaient trouvé ce point de repère après que Sirius avait foncé dans la grille en fer forgé parce qu'elle s'était matérialisée au dernier moment.

Il ralentit et ne tarda pas à mettre un pied au sol. Lily sauta de la moto, chancela un instant près cette longue immobilité forcée, puis avança de quelques pas. Elle disparut soudain et James la suivit en poussant la moto. Le soleil n'allait pas tarder à se coucher. Il alla ranger la moto sous sa bâche, derrière le bâtiment, pendant que Lily s'engouffrait dans la maison. Lorsqu'il revint, elle l'attendait dans le salon, deux balais à la main et un grand sourire sur le visage.

- C'est l'heure de reprendre ta place, capitaine ! S'exclama-t-elle joyeusement. Je n'ai toujours pas eu l'occasion de tester mon cadeau de Noël et je compte bien m'y mettre ce soir !

James attrapa son balai avec un sourire plein de défi et ouvrit grand la porte pour révéler le jardin plongé dans l'obscurité.

- Tu as vraiment envie de subir un cours de vol dans la nuit ?

- Oui, ce sera encore plus marrant. En route, Potter !

- Première leçon, Evans : un balai sert à voler, pas à se déplacer sur une route.

- J'ai déjà eu droit aux leçons de base à Godric's Hollow, lui rappela-t-elle non sans l'avoir gratifié d'un petit coup de manche dans les côtes. Je veux que tu m'apprennes à vraiment voler !

- C'est-à-dire ?

- J'en sais rien moi, faire des piqués, des pirouettes, des machins !

James la suivit en riant sous cape dans le jardin mais reprit un air très professionnel lorsqu'elle se tourna à nouveau vers lui, toute excitée.

- Bon, très bien, céda-t-il. Alors première leçon de « Comment voler sans avoir l'air d'une lopette » ...

- Est-ce que tu insinues que j'avais l'air d'une lopette à Godric's Hollow ?

- Première leçon, disais-je : voler quand on y voit quelque chose, c'est mieux.

Il ne laissa pas à Lily le temps de l'insulter et leva sa baguette. Une myriade de boules lumineuses en jaillit. Elles allèrent s'accrocher dans l'air nocturne comme autant d'étoiles pour éclairer le jardin du manoir.

- Foutu charmeur, commenta Lily. Leçon n°2 ?

- On n'insulte pas son capitaine !

Elle voulut lui asséner un coup de balai mais James attrapa le manche d'un geste habile.

- Leçon n°3 : on respecte son balai comme si c'était son meilleur ami... et encore plus que si c'était sa copine.

- Espèce de sale petit...

- Quelle est la règle n°2 ? Coupa-t-il d'une voix suffisamment forte pour couvrir ses insultes.

- Va te faire foutre Potter ?

Il rit tout en tirant sèchement le balai de Lily vers lui, de sorte qu'elle lui tomba pratiquement dans les bras.

- Bien envoyé, concéda-t-il, ses yeux rieurs tout proches des siens. Maintenant monte sur ton balai, que je t'apprenne à faire autre chose qu'à te traîner dans les airs comme un pigeon asthmatique.

- Je te retiens, espèce de tyran, prévint-elle en s'exécutant. Tu ne paies rien pour attendre !

- Tu dis ça à chaque fois et j'attends toujours mon châtiment, rétorqua-t-il, hilare, alors qu'elle s'élevait doucement dans les airs avec la grâce d'un pachyderme ayant mangé trop de cacahuètes.

Réprimant à grand peine son rire, il enfourcha à son tour son balai, donna un coup de pied et s'élança dans les airs avec un sentiment de joie intense. Si voler sur la moto l'amusait, ça n'avait aucun rapport avec un bon vol en balai. Celui-ci était bien plus maniable, et surtout bien plus discret que la moto. C'était ce que James aimait, dans le Quidditch : être furtif, ingénieux, rapide. Pas foncer dans le tas avec une moto.

Lily semblait apprécier cette dernière méthode car elle fonçait à toute allure vers un arbre, ramassée sur son balai comme un paresseux accroché à sa branche. Il leva les yeux au ciel et fila dans sa direction pour lui crier de tirer sur le manche de son balai. Elle s'exécuta un tout petit peu trop tard et se prit plusieurs branches de sapin dans le visage avant de réussir à vraiment dévier sa course.

- Règle n°4, annonça-t-il lorsque, le souffle court, elle s'arrêta près de lui : ne pas aller trop vite quand on ne sait pas se servir d'un balai.

Lily ôta une branche de ses cheveux et lui adressa un grand sourire.

- Mais c'est aller vite qui est amusant !

- Pas quand on finit avec un bras cassé, la réprimanda-t-il. Où est passée ma préfète-en-chef, hein ? C'est toi qui es censée me dire d'arrêter d'être imprudent, pas le contraire ! Bon, tiens-toi plus droite sur ton balai... voilà... Quand tu veux accélérer, penche-toi légèrement en avant mais efforce-toi de garder le dos droit, ça te permettra de mieux te contrôler...

- Franchement, je trouve que je ne me débrouille pas si mal.

James, occupé à faire sauter des pommes de terre, ricana. Lily s'était pris approximativement quatre arbres, avait fait un looping arrière sans le vouloir, était rentrée dans James deux ou trois fois et avait fait exploser une fenêtre du rez-de-chaussée – elle était tombée de son balai, qui lui avait continué sa course.

- Sérieusement ! Protesta-t-elle, vexée qu'il rit. Et est-ce que je peux arrêter d'astiquer ce satané balai ?

Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour observer le balai dernier cri qu'il lui avait offert à Noël. Elle n'avait aucune idée de la valeur de cet objet – Sirius avait piqué une crise quand il avait vu que James le lui avait offert. Le manche avait été éraflé à plusieurs reprises par les piètres performances de Lily aussi lui avait-il apporté son nécessaire d'entretien.

- Non. Il y a un coin qui brille moins, là, sous ton pouce.

- Tu te moques de moi, Potter !

- Pas du tout ! Un balai en bon état est un balai heureux, conclut-il d'un ton sentencieux.

- A ce niveau-là il n'est pas seulement en bon état, il est carrément en meilleure forme qu'il ne l'a jamais été !

James délaissa ses pommes de terre pour s'approcher et observer vraiment le manche. Effectivement, il était impeccable. Il fronça le nez puis lui tendit son propre balai.

- Bon, tu peux t'occuper du mien alors !

- Mais James, gémit-elle, pourquoi je devrais faire ça ?

- Parce que je fais la cuisine ?

- Normal, c'est mon anniversaire ! S'il-te-plaît épargne-moi ça, pitié...

Il leva les yeux au ciel.

- Très bien. Je ne comprends pas pourquoi tu n'aimes pas faire ça, j'adore cirer mon balai !

Lily s'étira tout en le gratifiant d'un regard amusé.

- Le pire, dans toute cette affaire, c'est que je sais que tu es parfaitement sérieux. Eh bien j'aime les livres, tu aimes les balais, voilà tout.

- Je t'aime toi, surtout, rétorqua-t-il avant de l'embrasser.

Elle glissa ses doigts dans ses cheveux avant qu'il n'ait eu le temps de s'écarter et lui rendit son baiser. Après quelques instants, elle s'écarta légèrement pour murmurer :

- Tes patates vont brûler.

Pour toute réponse, James plaqua à nouveau ses lèvres contre les siennes. Les doigts de Lily effleurèrent légèrement sa peau sous le col de sa chemise. Une odeur de brûlé commença alors à se répandre dans la cuisine et il s'écarta avec un grognement frustré pour se précipiter vers sa poêle. Il y eut un instant de silence alors qu'il les remuait puis Lily lança :

- Maudites soient les patates.

***

Lily trépignait sur sa chaise. James aurait pu faire apparaître directement sur la table le dessert qu'il avait préparé mais il voulait l'apporter lui-même. Il entra enfin avec une tarte aux fraises surmontée d'une unique bougie. Lily se mit à rire.

- J'ai un an ? Je suis ravie de me savoir aussi jeune !

Pour toute réponse, il se mit à chanter d'une voix de stentor qui la fit rire encore plus. Elle en pleurait pratiquement quand il posa la pâtisserie devant elle et elle faillit bien ne pas réussir à souffler sa bougie.

- Je crois que tu as craché sur mon gâteau, commenta James lorsqu'elle fut finalement venue à bout de la petite flamme.

Elle pouffa en réponse mais s'interrompit lorsqu'elle croisa le regard de James.

- Qu'est-ce qu'il y a ? s'étonna-t-elle.

Il se racla la gorge puis s'accroupit près de sa chaise avant de balbutier :

- Lily... je suis désolé, je n'ai pas eu le temps de te trouver de cadeau... Il y a eu Trafalgar Square, puis toutes les missions, et...

- Oh, James, ça n'a aucune importance ! Coupa-t-elle. Absolument aucune !

L'air toujours inquiet, il demanda :

- Vraiment ?

- Bien sûr que oui. Tu es là, ça me suffit largement. Et en plus tu m'as fait une tarte aux fraises !

Il sourit enfin puis se redressa, non sans déposer un baiser sur sa tempe au passage.

- Joyeux anniversaire, Lily.

Elle sourit joyeusement et découpa deux parts gargantuesques. Ils s'étaient installés dans sa chambre plutôt que dans la cuisine, qu'ils trouvaient tous les deux glauque au possible à cause du tableau qui indiquait les emplacements de différents membres de l'Ordre.

Lily avala une quantité incroyable de tarte sous les encouragements de James, qui promit qu'il la produirait en spectacle en tant que « plus grosse mangeuse de tarte du monde sorcier ». En guise de représailles, Lily entreprit de le bombarder de mie de pain. Pour échapper à l'attaque, il partit en courant dans le couloir. Elle pensait qu'il allait rentrer aussitôt mais cinq minutes passèrent sans qu'elle ne le voie revenir. Perplexe, elle allait partir à sa recherche lorsque la porte s'ouvrit à nouveau, poussée par un gramophone qui flottait dans l'air. James débarqua juste derrière, un grand sourire aux lèvres et un paquet de disques sous le bras.

- Je n'ai pas de cadeau, mais j'ai de la musique ! S'exclama-t-il joyeusement.

Ravie, Lily sauta sur ses pieds et lui arracha presque les disques des bras. Elle tomba aussitôt sur une valse de Strauss qu'elle s'empressa de mettre. James s'inclina devant elle, elle fit une révérence, puis il l'attrapa par la taille et ils commencèrent à tournoyer dans la petite pièce.

- C'est pour nous consoler d'avoir raté le bal de du Nouvel An de la maison de retraite, expliqua James en évitant de justesse la table.

- Ça me manque, soupira Lily. De ne jamais danser. Normalement, je passe toutes les soirées de l'été à danser avec papa pendant que Pétunia fait la rabat-joie ou sort avec cet imbécile de Vernon.

- On dansera plus souvent, promit-il. Quand tout ça sera terminé.

Lily baissa les yeux, troublée. Que le même sujet revienne deux fois dans la soirée, c'était trop pour elle. Pour le moment, elle avait horriblement peur de faire des projets. Pourtant, elle n'arrêtait pas d'y penser – surtout quand elle recevait des lettres de sa mère qui parlait de Pétunia et de son fiancé. Après tout, elle n'avait qu'un an de plus qu'elle.

La musique s'arrêta subitement, tirant Lily de ses pensées.

- Valse ou rock ? Interrogea James en levant deux disques.

- Rock ! S'exclama-t-elle, dans l'espoir que cette danse l'empêcherait de penser.

Une heure et beaucoup de 78 tours plus tard, James remit la valse que Lily avait choisie au début de la soirée. Elle se laissa attirer dans ses bras et ils dérivèrent doucement dans la pièce, hésitant entre la valse et le slow. Finalement, Lily glissa sa main sur la joue de James pour attirer son visage vers le sien et l'embrasser. Elle en mourait d'envie depuis qu'il l'avait embrassée dans la cuisine. Ils s'immobilisèrent sans vraiment s'en rendre compte. De tendre, le baiser devint passionné. James lâcha sa main pour la rapprocher de lui tandis qu'elle tirait sur sa chemise pour la sortir de son pantalon. Les doigts de James coururent le long de ses côtes, remontèrent jusqu'à son visage. Sans même y réfléchir, Lily commença à le tirer vers le lit. Elle trouva sa peau sous sa chemise, écarta brusquement ses lèvres de siennes pour prendre une profonde inspiration. Ses mains tremblaient légèrement.

Puis soudain, James fut loin. Beaucoup trop loin. Complètement débraillé, il tentait de reprendre le contrôle des battements désordonnés de son cœur.

- Pardon, balbutia-t-il. Je sais que... enfin, l'autre fois tu m'as dit que... que ça te faisait paniquer, et je ...

Les joues rouges, Lily secoua la tête. De plus en plus perdu, il fronça les sourcils.

- Tu... ?

- Non, je ne...

Elle prit une profonde inspiration, amusée, au fond, de leurs balbutiements.

- Disons que j'ai découvert qu'il y avait des choses bien plus terrifiantes que...

- Que ?

Cette fois, Lily devint cramoisie en se rendant compte que James attendait vraiment une réponse. Paniquée, elle sortit les premiers mots qui lui passèrent par la tête sans même réfléchir à ce qu'elle disait :

- Te faire l'amour.

Ce n'est qu'en s'entendant prononcer ces mots qu'elle prit conscience de ce qu'elle racontait : la température de ses joues dépassait sans doute tous les records sorciers et moldus. James la fixait comme si elle était devenue complètement folle. Mortifiée que la soirée ait tourné court de la sorte, elle était en train de se dire que rien ne pourrait être pire lorsque James éclata de rire. Cet imbécile éclata de rire !

- James ! S'exclama-t-elle, horrifiée. Arrête ! Tu es affreux !

Avant qu'elle n'ait le temps de continuer à l'invectiver, il franchit la distance qui les séparait et écrasa ses lèvres sur les siennes. Elle comptait le repousser mais au lieu de ça elle se retrouva en train de s'agripper à lui, les doigts enfoncés dans ses cheveux, en équilibre précaire dans ses bras. Lorsqu'il s'écarta légèrement, elle souffla :

- Je te déteste.

- Je sais, répondit-il dans un murmure rauque avant de l'embrasser à nouveau.

Lily délaissa ses cheveux pour glisser ses mains jusqu'à sa chemise. Elle commença à défaire les boutons, fébrile, tout en le tirant vers le lit. Il la lâcha un instant, le temps d'envoyer voler sa chemise, mais Lily perdit l'équilibre et ils tombèrent lourdement sur le lit. James étouffa son petit rire en l'embrassant et elle fit glisser ses mains de sa nuque jusqu'à son ventre, toute gêne oubliée. Tout lui semblait évident, à présent.

Sa peau nue contre celle de James. Ses lèvres brûlantes sur sa gorge. Et une vague de désir, inextinguible.

Le soleil n'allait pas tarder à se lever, ce qui signifiait qu'il devait presque être huit heures. Lily aurait aimé pouvoir se dire qu'il était trop tôt, pourtant elle savait qu'elle devait se lever. Il fallait forcément monter la garde quelque part, escorter quelqu'un...

Malgré cela, elle s'autorisa à rester blottie sous les couvertures quelques instants supplémentaires. Elle sentait le souffle régulier de James sur sa main, repliée devant son visage. L'une de ses jambes était posée sur les siennes. Il faisait tout le temps ça. A chaque fois qu'elle dormait avec lui, il prenait trop de place. Mais ça ne la gênait pas.

Les yeux ouverts dans l'obscurité, elle distinguait vaguement son visage, la forme de son corps sous les couvertures. Ils n'avaient toujours pas parlé de ce qui arriverait une fois que la guerre serait terminée, mais elle avait moins peur de l'avenir maintenant.

Après une dernière hésitation, elle se leva enfin. Elle prit garde à ne pas déranger James, ramassa des vêtements au hasard par terre, les enfila à la va-vite et se dirigea vers la salle de bain.

Lorsqu'elle débarqua dans la cuisine un quart d'heure plus tard, vêtue du pull de James qu'elle avait pris sans faire exprès, elle eut la surprise d'y trouver Sirius, le nez plongé dans un bol de café sans doute trop fort. Il releva la tête en l'entendant et ce n'est qu'à ce moment-là que Lily se rendit compte qu'elle souriait comme une imbécile depuis qu'elle s'était levée.

Elle tenta de camoufler ce sourire ridicule en lançant un tonitruant « Salut Sirius ! » qui les fit tous les deux grimacer.

- 'lut, répondit-il simplement.

Lily sautilla jusqu'à la cuisinière, prise d'une subite envie de faire des pancakes, tout en interrogeant :

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je faisais partie de l'escorte du Ministre hier soir, expliqua-t-il dans un grognement, donc je suis rentré dormir ici, puisque contrairement aux autres je n'ai pas de famille chez qui aller comme sa majesté James nous l'avait demandé.

Lily décida d'ignorer la fin de sa phrase et répondit simplement :

- On ne t'a pas entendu.

- Je suis rentré tard.

- Et donc tu t'es levé tôt ?

- Insomnie.

- Ah.

Non, décidément, Lily n'arrivait pas à avoir l'air désolée ce matin.

- T'auras qu'à faire la sieste, dit-elle joyeusement tout en sortant des ingrédients des placards.

- Merci pour ce conseil plus qu'utile, railla-t-il. Tu m'as l'air d'une bonne humeur débordante... vous avez passé une bonne soirée ?

Elle hocha la tête, trop occupé à prélever la quantité de sucre nécessaire pour lui répondre – et puis si elle se penchait sur la question, elle allait se mettre à rougir.

Le silence s'installa tandis que Sirius sirotait son café et Lily put se concentrer sur ses pancakes. Elle venait de déposer le premier dans une assiette lorsqu'un fracas se fit entendre dans l'escalier. James déboula dans la cuisine quelques instants plus tard, poussa un cri de joie en apercevant son meilleur ami et lui ébouriffa les cheveux en braillant des propos incompréhensibles. Lily eut juste le temps de voir le visage stupéfait de Sirius avant que James ne se jette sur elle pour plaquer un baiser sur ses lèvres. Elle se mit à rire et il lui adressa un grand sourire en réponse.

- Il est encore bourré ? Interrogea Sirius derrière lui.

- Non, juste euphorique, répondit James avec un clin d'œil à Lily avant de se tourner à nouveau vers son meilleur ami. Et toi, Patmol, t'as l'air aussi heureux que le jour où Slug t'a obligé à nettoyer les toilettes de Mimi Geignarde.

Sirius le fusilla du regard pour toute réponse. Lily vit dans le regard de James qu'il s'apprêtait à l'embêter aussi tira-t-elle le bas de son pull pour attirer son attention.

- Tu me ferais un café, s'il-te-plaît ? Demanda-t-elle, dans l'espoir qu'il laisse Sirius comater un peu.

Il acquiesça joyeusement et ouvrit un nombre invraisemblable de placards avant de les refermer en les faisant claquer dans le but de trouver une tasse. Lily se désintéressa de son boucan pour se concentrer sur ses pancakes mais il revint à la charge quelques minutes plus tard en l'enlaçant, son torse plaqué contre son dos. La joue appuyée contre son crâne, il interrogea d'une voix amusée :

- C'est pas mon pull ça ? Impossible de mettre la main dessus ce matin.

Lily se troubla à son contact et oublia de retourner l'un de ses pancakes, destiné à brûler sur les feux de la cuisinière.

- Je ne voulais pas te réveiller, alors j'ai pris ce que je trouvais, expliqua-t-elle à voix basse.

Même si elle ne voyait pas comment Sirius pourrait deviner quoique ce soit avec cet échange – après tout, ils dormaient tout le temps ensemble – elle avait horriblement peur qu'il sache.

James déposa un baiser sur sa joue, attrapa un pancake sur l'assiette et mordit dedans à pleines dents avant de lui tendre son bol de café fumant. Il alla ensuite s'asseoir face à Sirius et le silence s'installa. Une minute passa, puis deux. Ce n'est qu'au bout de la troisième que Lily se rendit compte que c'était suspect. Elle fronça légèrement les sourcils au-dessus de ses pancakes et faillit leur accorder le bénéfice du doute. Faillit, car Sirius choisit ce moment-là pour éclater de rire.

Elle fit volte-face et fusilla du regard un James hilare. Sirius, écroulé de rire sur la table, se redressa subitement, apparemment dans l'intention de taper dans la main de James, puis il vit Lily. Même cramoisie, elle pouvait faire peur. Son expression réjouie se ternit légèrement et il adressa des regards désespérés à son meilleur ami, qui se tourna lentement vers elle avec un sourire innocent.

- Plus de café ? Proposa-t-il affablement.

Lily étudia quelques instants son expression avant de soupirer profondément. Sirius semblait sur le point de partir dans un fou-rire.

- Tu lui as dit, hein ?

- Lui dire quoi ? Et puis tu nous as entendu parler ?

Elle agita les mains dans leur direction avant de tirer une chaise pour s'asseoir entre eux.

- Non, mais je suis sûre que vous avez un moyen de Maraudeur pour communiquer. James, tu es désespérant. Puisque tu tiens tellement à partager tous les détails de notre vie avec Sirius, je propose qu'on l'inclue dans notre couple.

- Pour faire un trouple ? Interrogea Sirius, une étincelle malicieuse dans les yeux.

Apparemment, cette histoire l'avait tout à fait réveillé.

- Exactement ! Je serai avec Sirius les jours impairs et avec James les jours pairs.

- Ça me paraît équitable, acquiesça Sirius.

- Eh ! Protesta James. Je ne suis pas d'accord !

- Oh allez Cornedrue, sois sympa ! Ça va être super !

Il se pencha vers Lily, la bouche en cœur comme s'il voulait l'embrasser. Lily pouffa alors que James se mettait à brailler. Il tira sa chaise de son côté et Sirius éclata de rire, vite suivi par sa complice. Leur victime les gratifia d'un regard mauvais.

- Je vous déteste.

Lily se figea et rougit en croisant son regard.Très fier de son petit effet, il lui adressa un sourire narquois, auquel ellerépondit par un coup de pied.

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