Partie III - Chapitre 16
Chapitre 16
Les rues de Londres étaient presque aussi animées qu'en plein jour. Des gens, passablement éméchés pour beaucoup, arrivaient de tous les coins de la ville pour se masser sur Trafalgar Square. Gideon s'adossa au mur de la National Gallery avec un soupir las tandis qu'Emmeline buvait une canette de bière.
- Je déteste le Nouvel An.
- Pourquoi est-ce que tu n'as pas demandé à Fabian de faire ça à ta place ?
- J'étais chez Molly pour Noël, c'est à son tour d'y aller.
- Tes neveux sont toujours aussi insupportables ?
- Bill et Charlie, oui. Percy pleurniche sans arrêt et les jumeaux sont les bébés les plus baveux que j'ai jamais vus.
Emmeline ne put s'empêcher de sourire face à la tentative de Gideon pour faire comme s'il se fichait éperdument de ses neveux. Tout le monde au QG savait que Fabian et Gideon adoraient ces enfants.
- Si tu l'ouvres, je te vole ta bière, prévint Gideon, alors qu'un sourire étirait également ses lèvres.
- C'est ça, ouais. Viens avec moi, il faut que je trouve une poubelle.
- Tu as le droit de boire de l'alcool sur une place publique ? Interrogea Gideon en la suivant à travers la foule qui se faisait de plus en plus dense malgré le froid.
- Ne fais pas comme si la légalité avait la moindre importance pour toi, lança Emmeline par-dessus son épaule.
Elle repéra une poubelle un peu plus loin et se faufila entre deux types d'une quarantaine d'années qui semblaient complètement ivres. Sur une estrade, un type s'égosillait dans un micro de mauvaise qualité. Une horloge géante était installée près de lui. Mais ce que tout le monde attendait, c'était les douze coups de minuit sonnés par Big Ben. Emmeline jeta sa canette au moment où l'animateur de la soirée hurlait que 1979 allait être une belle année.
- Dans ses rêves, peut-être, commenta Gideon, qui l'avait suivie jusque-là. Tant que cet imbécile de Voldemort sera toujours là, ça ne risque pas d'être une belle année.
- Peut-être que c'est l'année où on va l'avoir, répondit Emmeline distraitement.
Il lui semblait avoir entendu un craquement semblable à ceux produits par un transplanage mais avec le nombre de pétards qui ne cessaient d'exploser dans tous les coins, impossible de dire s'il s'agissait vraiment de ça.
- Tu as entendu ça ?
- Ce type vomir ? A mon avis il a abusé de la vodka.
Son ton dégoûté faillit arracher un sourire à Emmeline mais elle était inquiète. Il y avait des centaines de gens sur cette place, voire des milliers. Elle ne distinguait que des chapeaux de fête, des banderoles et des écharpes multicolores.
- Rappelle-moi pourquoi on est que deux ? Interrogea-t-elle à mi-voix, sans vraiment compter sur Gideon pour l'entendre.
- Parce qu'on est seuls face à un groupe bien plus nombreux dans cette satanée guerre, répondit Gideon sur le même ton.
Après lui avoir jeté un bref coup d'œil, elle constata que lui aussi était tendu.
- Tu crois que des sorciers viennent ici ? Pas forcément des Mangemorts, je veux dire.
- Aucune idée. Même si c'est le cas, je ne pense pas qu'on puisse compter sur eux. Les gens ont de plus en plus peur.
- On va tous crever, hein ? Commenta-t-elle après un instant de silence durant lequel ils scrutèrent tous les deux la foule.
- Sans doute. Le pire, c'est que les petits nouveaux ne l'ont toujours pas compris.
- Ils le comprendront bien assez tôt.
- Tu ne trouves pas ça cruel que personne ne le leur dise ?
Emmeline aperçut un petit garçon juché sur les épaules de son père et pria pour qu'il n'y ait pas d'attaque ce soir-là.
- Dumbledore et Londubat leur ont dit ce qu'ils risquaient. Et depuis quand est-ce que tu es aussi sentimental, Prewett ?
Elle cessa de fixer la foule pour reporter son attention sur Gideon.
- Ils n'ont que dix-huit ans, répondit-il avec un haussement d'épaules.
- Ce qui ne t'empêche pas de coucher avec Halloway, fit-elle remarquer.
- Il ne s'est rien passé entre Halloway et moi, assura-t-il avec une moue amusée. Mais ça me fait rire que tout le monde le croie.
- Cette gamine est amoureuse de toi, Gideon, ça crève les yeux.
- Ne te mêle pas de ça, Vance. Sinon je peux aussi partir sur le sujet Fenwick.
La jeune femme pinça les lèvres et s'apprêta à répliquer mais un homme lui donna un coup de coude en passant près d'elle. Elle se retourna pour fusiller le malotru du regard mais se figea en le reconnaissant.
- Jugson ? Robert Jugson ?
Le jeune homme aux cheveux ternes et aux yeux marrons tout aussi banals s'arrêta pour la dévisager un instant avec attention avant de lui sourire.
- Emmeline Vance ! On ne s'est pas revus depuis Poudlard, hein ?
- En effet ! Gideon, je te présente Robby Jugson, il était à Serdaigle, la même année que Benjy et moi.
- Fenwick ? Releva Jugson avec intérêt. Tu le vois toujours ?
- De temps en temps, mentit Emmeline. Qu'est-ce que tu fais maintenant ?
Gideon se détourna avec agacement de la conversation. L'horloge indiquait qu'il était vingt-trois heures cinquante-six. Bientôt, minuit sonnerait et la foule se disperserait. Dans un peu plus d'une heure, ils pourraient rentrer.
Nerveux, il joua avec sa baguette dans sa poche. A côté de lui, Vance et Jugson riaient en se rappelant une quelconque anecdote à propos de Poudlard. Du haut de ses vingt-cinq ans, Vance n'était pas tellement plus âgée que les nouvelles recrues. Gideon considéra un instant la cicatrice qui partait de l'oreille de la jeune femme pour descendre le long de son cou. Les horreurs qu'elle avait vues lui donnaient sans doute l'impression d'être beaucoup plus vieille qu'eux.
Son regard passa sur Jugson et ses yeux accrochèrent un instant les siens. Le jeune homme les détourna aussitôt, mais au lieu de regarder Emmeline, il tourna un instant la tête pour voir ce qu'il se passait derrière lui. Gideon remarqua aussitôt le tic nerveux qui agitait le coin de ses lèvres. Il scruta alors la foule derrière Jugson. Un flot de visages, de sourires et de couleurs l'empêchait de distinguer quoi que ce soit. Il trépigna sur place, de plus en plus nerveux. Sur l'estrade, l'animateur s'égosillait encore, tourné vers l'horloge. La grande aiguille était sur le point de rejoindre la petite. C'est à ce moment-là qu'il vit les capuches noires et pointues. Il ouvrit la bouche pour hurler quelque chose à Emmeline mais Big Ben se mit à sonner.
***
Marlène McKinnon éclata d'un rire convenu à la plaisanterie du chef du département des jeux et sports magiques. C'était un petit homme chauve et bedonnant tout à fait sympathique, mais Marlène n'était pas d'humeur à badiner. Il était presque minuit, et bientôt tous porteraient un toast en l'honneur de la nouvelle année. Elle aurait aimé être avec son mari pour lui souhaiter une bonne année mais il était à l'autre bout de l'entrepôt transformé en salle de bal, occupé à discuter avec Minchum. Le Ministre était d'une pâleur et d'une maigreur effrayante. Il était de plus en plus amorphe depuis la mort de son fils, âgé de sept ans. Quant à sa femme, nul ne l'avait vue depuis des semaines. Sans doute les rumeurs sur son départ étaient-elles fondées.
Elle s'excusa auprès de son interlocuteur et fendit la foule des employés du Ministère pour essayer d'atteindre son mari. Gary arborait un air grave. Avec sa haute stature, sa mâchoire carrée et bien dessinée parfaitement rasée, il détonait auprès du Ministre, qui gardait la tête rentrée dans les épaules et une barbe de trois jours. Auprès d'eux se trouvait le directeur du service des esprits, un certain Prosper Slyte – un type à l'air éthéré qui serait apparemment à moitié un esprit. Marlène n'avait jamais compris comment une telle chose était possible mais elle avait préféré ne pas demander de détails. Il discutait avec une Langue-de-Plomb, ce qui ne manqua pas d'amuser la jeune femme. En général, les Langues-de-Plomb évitaient les soirées du Ministère, trop habituées à garder le silence pour apprécier être en société.
Elle glissa un bras autour de la taille de Gary et il lui adressa un sourire tendre. Minchum inclina la tête dans sa direction tandis que Slyte serrait mollement sa main – tout ce que faisait cet homme était mou, sous prétexte qu'il n'avait pas une présence aussi tangible que les autres hommes dans ce monde. La Langue-de-Plomb, une jeune femme blonde à l'air renfermé, lui adressa une franche poignée de main en se présentant - « Sylvia Blithe ».
La conversation reprit sans que Marlène s'en mêle mais elle écouta, comme toujours, d'une oreille attentive.
- L'Office des Portoloins fait son possible pour sécuriser les voyages mais il semble y avoir des fuites, se lamenta Minchum du ton traînant qui le caractérisait.
- Vous avez fait enquêter le Bureau des Aurors sur les employés ? Interrogea Gary d'un ton professionnel que Marlène détestait.
- Impossible, ils sont bien trop occupés. Il faut protéger le Ministère, les membres du Magenmagot, ma résidence... Nous n'avons pas le temps de mener des enquêtes internes ! Et puis où va-t-on si nous commençons à nous méfier de tout le monde ?
Marlène avait trop de tact pour lui faire remarquer que l'instituteur de son fils l'avait tué mais elle n'en pensait pas moins. Elle savait les difficultés que Maugrey rencontrait auprès du Ministre et cette disposition d'esprit l'agaçait. Elle songea à Margaret Beadle et Remus Lupin, qui gardaient seuls l'entrepôt. Le Ministre avait décidé que chacun devait pouvoir profiter de la fête aussi tous les Aurors se trouvaient-ils dans la pièce, un verre à la main. Bien sûr, ils réagiraient aussitôt s'il y avait une attaque, mais Margaret et Remus devraient d'abord faire face seuls. Elle détestait l'idée que de si jeunes gens soient exposés à un tel danger, même si elle savait que l'Ordre n'avait pas le choix.
La voix de Slyte la ramena à la réalité.
- Les esprits préfèrent se retirer dans leur monde, vous savez, siffla-t-il, ses yeux trop pâles perdus au-delà de la réalité. Ils ne souhaitent pas prendre part à cette guerre.
- Dommage, commenta Blithe d'un ton énergique. Ce sont de sacrés défenseurs d'après ce qu'on m'a dit.
- Ils aiment la citrouille, murmura Slyte.
Marlène pouffa contre l'épaule de son mari, qui retint difficilement un sourire alors que Minchum le regardait d'un air perplexe. Le regard de Marlène accrocha l'immense horloge qui avait été hissée sous le toit de l'entrepôt. La grande aiguille en or s'approcha de la petite avec un cliquetis sonore qui fit tiquer Marlène. Elle avait toujours détesté les horloges bruyantes.
Comme la conversation sur les esprits se tarissait, Marlène interrogea du ton joyeux qui la caractérisait :
- Comment avez-vous fait de cet endroit sordide une si merveilleuse salle, M. le Ministre ?
- Oh, nous avons sécurisé le bâtiment puis nous avons envoyé des sorciers pour la décorer !
Gary aperçut au pli qui se forma au coin de la bouche de son épouse qu'elle était agacée mais il n'intervint pas. Marlène se rappelait que Maugrey, qu'elle avait croisé au Ministère un jour où elle rendait visite à son mari, s'était plaint que deux membres de l' Ordre devaient garder un entrepôt pour le Ministère, qui n'avait pas daigné lui dire ce qu'il y avait dedans. Maintenant elle le savait : une stupide salle de bal.
- Une fabuleuse idée, s'exclama-t-elle avec emphase.
Le regard réprobateur de Sylvia Blithe ne lui échappa. Sans doute la prenait-elle pour une potiche que Gary McKinnon avait épousé pour son sang-pur et son joli minois. Marlène s'en fichait : beaucoup de gens pensaient ça d'elle. Et ceux qui ne partageaient pas cet avis avait peur d'elle.
L'aiguille fit un nouveau bruit trop fort. Agacée, Marlène leva la tête juste à temps pour voir l'aiguille bouger sans bruit. Sa main se crispa sur le bras de son mari qui lui jeta aussitôt un regard inquiet.
- Quelque chose ne va pas, murmura-t-elle.
Minchum et Slyte continuaient à se plaindre mais Blithe l'écoutait, les yeux plissés. Il y eut un nouveau cliquetis mais l'aiguille resta parfaitement immobile. Dans deux minutes, on serait en 1979.
- Les protections, comprit soudain Marlène. Ils font sauter les protections.
Ses yeux croisèrent ceux de son mari et, sans réfléchir, elle attrapa son visage entre ses mains pour l'embrasser. Un hoquet surpris s'échappa de la gorge du Ministre, mais les McKinnon ne lui prêtèrent pas attention. Gary hocha la tête, sa femme lui sourit, puis leva le bras, sa baguette à la main. Des étincelles rouges en jaillirent et il y eut quelques cris dans la salle. Marlène grimaça : des cris d'émerveillement. Ils devaient croire que c'était une animation. Néanmoins, elle aperçut plusieurs personnes autour d'elle sortir leur baguette. Des Aurors sans doute.
La grande aiguille fit un nouveau pas vers la nouvelle année. Minchum harcelait de questions Gary pour savoir pourquoi sa femme agissait de la sorte, mais McKinnon se contenta de le pousser vers une porte à l'arrière de la salle. Des sortilèges anti-transplanage avaient été lancés, ce qui signifiait qu'on ne pouvait ni transplaner directement dans la salle, ni en partir en transplanant. Bien sûr, la situation changerait sans doute si les Mangemorts entraient par force. Mais pour le moment, la meilleure chose à faire était d'essayer d'éloigner le Ministre de l'endroit.
Marlène leva la tête vers l'horloge. L'aiguille n'allait pas tarder à rejoindre le 12. A côté d'elle, Blithe sortit sa baguette.
- Votre mari est parti ?
- Il faut bien que quelqu'un s'occupe des enfants, répliqua Marlène d'une voix tranchante, bien différente de celle avec laquelle elle s'était adressée au Ministre. Préparez-vous.
La grande aiguille rejoignit la petite. Une cloche invisible se mit à sonner. L'entrée principale du bâtiment vola en éclats.
***
Lily regarda le cygne en papier s'envoler dans la cuisine du QG, rêveuse. Jenny le suivit à son tour des yeux, un petit sourire sur les lèvres. Les restes de leur repas étaient encore sur la table. Lily consulta sa montre puis se mit à rire.
- Il est minuit depuis deux minutes, informa-t-elle.
- Yippe, lança James d'une voix endormie alors que Peter levait le pouce en l'air.
Lily chassa quelques mèches du front de James avec un sourire attendri tandis que Jenny trinquait avec Peter. Mais une lueur bleutée illumina alors la cuisine et un cygne fit son apparition sur le carrelage de la pièce. Paniquée, Lily eut le réflexe de chercher des yeux sa création de papier, mais elle gisait au sol, loin du cygne grandeur nature. Il les regarda un instant avant de se dissiper.
- A qui est ce patronus ? Interrogea James d'une voix pressante, tout d'un coup parfaitement réveillé.
Jenny se rua vers le panneau d'affichage pour parcourir la liste de noms.
- Pas Margaret ni Peter... Vance ? Non, pas Gideon...
Il y eut un deuxième éclair bleuté et un grizzli fit trois pas dans la pièce avant de disparaître.
- Ça, c'était Gideon, souffla Jenny, alarmée.
Sans plus attendre, elle se rua hors de la salle pour courir à toutes jambes vers l'extérieur du domaine, où elle pourrait transplaner.
- Je vais avec elle ! S'exclama James.
Il détala sans attendre de réponse, laissant Lily et Peter complètement perplexe face au mystère du patronus en forme de cygne. L'arrivée d'un nouveau patronus les tira d'embarras : c'était un loup.
- Remus ! S'écria Peter.
Il jeta un coup d'œil à l'adresse inscrite sur le panneau et disparut à son tour dehors. Lily n'hésita même pas : elle le suivit. Ils arrivèrent dans une zone industrielle de Liverpool pleine d'entrepôts mais n'eurent aucun problème pour trouver leur destination : une tâche de lumière détonait au milieu des bâtiments noircis par les ans. Des hurlements et des craquements leur parvenaient. Ils coururent vers le lieu, baguettes en main. Alors qu'ils s'approchaient, Lily aperçut une silhouette qui se tordait de douleur sur le sol. Peter le reconnut avant elle.
- LUNARD ! Hurla-t-il.
Les hurlements du jeune homme cessèrent aussitôt car le Mangemort s'était tourné dans leur direction. Mais Lily se désintéressa aussitôt de la scène, attirée par un deuxième corps au sol. Comme le Mangemort était occupé à se battre avec Peter, elle se précipita vers Margaret.
- Enervatum, souffla-t-elle, les mains moites.
Merlin en soit remercié, Margaret ouvrit aussitôt les yeux. Lily ne s'attarda pas. Elle lui tapota simplement la joue pour l'aider à reprendre conscience puis se leva d'un bond et se rua dans l'entrepôt.
Un petit groupe, massé au milieu de la salle, tenait tête à une vingtaine de Mangemorts. L'un d'eux aperçut Lily, qui n'eut que le temps de se réfugier derrière un pilier en métal. Le sort l'effleura et il se mit aussitôt à fondre. Terrifiée, Lily prit une profonde inspiration avant de sortir de sa cachette. Elle jeta un sortilège qui fit s'envoler quelques Mangemorts occupés à attaquer les gens rassemblés au centre de la salle et glissa jusque sous une table. Une odeur de roussi lui apprit que le bout de ses cheveux n'avait pas échappé à la riposte de son adversaire. Un coup d'œil inquiet lui confirma que le reste de sa chevelure n'avait pas pris feu.
Elle souleva légèrement la nappe pour voir ce qu'il se passait et constata avec soulagement que les assaillis semblaient reprendre le dessus à la suite de sa diversion. Son agresseur gisait au sol, inconscient. Elle rampa hors de sa cachette, évita de justesse un Mangemort volant et se rua vers les combattants, le sang fouetté par l'adrénaline dont Maugrey l'avait trop longtemps privée.
Alors qu'elle courait, elle glissa soudain et reprit son équilibre de justesse. Elle reprit sa route aussitôt, tout en évitant habilement les sorts qui fusaient, mais elle n'avait pu s'empêcher de remarquer ce sur quoi elle avait glissé : une flaque de sang.
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