Partie I - Chapitre 8


Chapitre 8



Dans la serre numéro 3, un jeune homme était avachi sur sa table, des bocaux crasseux posés devant lui. Il avait une éponge couverte d'une sorte de vase à la main mais il ronflait allégrement. Ses lunettes à moitié remontées sur le front, James dormait.

McGonagall l'avait collé tout le samedi après-midi car il n'avait pas rendu son devoir de Métamorphose, suite au tour de Lily. Le professeur Laverlane ayant besoin que ses bocaux à Veracrasse soient lavés, c'était James qui s'y collait. Seulement le jeune homme n'avait dormi que deux heures.

En effet comme Sirius, Peter et lui devaient accompagner Remus ce soir-là, ils s'entraînaient d'arrache-pied à leur métamorphose. Si les deux bruns y parvenaient presque sans difficulté, Peter avait un mal fou à devenir un petit rongeur au poil soyeux. Ses amis venaient de passer la nuit à l'aider. Ils s'étaient couchés à cinq heures du matin, priant pour que Remus ne se soit pas réveillé. Merlin soit loué, il prenait toujours un somnifère la veille de la pleine lune afin d'avoir au moins une bonne nuit de sommeil derrière lui.

Ce n'était évidemment pas le cas de James qui s'était endormi comme une masse dix minutes après que Laverlane l'eut laissé dans la serre.

Le jeune homme grogna dans son sommeil et bougea le bras ... Un bruit de verre brisé le tira brusquement de ses rêves et il se redressa, perdu. Tout était flou autour de lui.

Après un instant de flottement il finit par comprendre qu'il n'avait plus ses lunettes. Après avoir rectifié ceci, il contempla d'un œil vide les débris du seul bocal qu'il avait nettoyé. Ce faisant, son regard tomba sur sa montre. Dix-huit heure trente. Il fronça les sourcils puis lâcha un juron sonore. Il aurait dû être parti depuis une heure au moins ! Laverlane ne s'était pas soucié de savoir ce qu'il fabriquait.

Il marmonna un sort qui éparpilla les restes du bocal derrière quelques plantes (Peter étant maniaque, il avait l'habitude de ce genre d'opération) puis il partit en courant vers le château, sans se soucier outre mesure des dizaines d'aquarium qui lui restaient à nettoyer.

Remus partait en général vers dix-neuf heures. Il allait dans le bureau du Professeur Dumbledore puis un professeur l'emmenait sous le Saule Cogneur. Alors que James montait quatre à quatre les escaliers menant à la tour de Gryffondor, il se prit à repenser à la façon dont Sirius, Peter et lui avait découvert le secret de leur ami.


Trois ans plus tôt


James se jeta sur son lit avec un grognement heureux. Demain, ils reprendraient le Poudlard Express, direction la maison ! C'était les vacances de Noël, et s'il adorait Poudlard, revoir ses parents lui faisait énormément plaisir.

Il tourna la tête vers lit d'à côté et s'aperçut que Sirius avait le regard dans le vague. Décidé à le tirer de sa morosité, il s'exclama :

- Il faut qu'on fête dignement les vacances !

Aussitôt son ami se leva, les yeux pleins de malice.

- Tu penses à ...

- La cuisine ? Bien sûr ! Maintenant qu'on sait où elle est, on va quand même pas s'arrêter là !

Sirius eut un sourire ravi et lança à Peter, qui venait d'entrer :

- Peter, t'es d'accord ?

Le blond passa sa main dans ses cheveux et bâilla.

- D'accord pour quoi ?

- Faire la fête ce soir !

Il hocha la tête avec enthousiasme et jeta ses livres sur son propre lit.

- Pourquoi parliez-vous des cuisines ? interrogea-t-il en se perchant sur sa couverture.

- Hier James essayait de se planquer de Rusard et il s'est retrouvé dans un couloir peu fréquenté au rez-de-chaussée, qui se terminait en cul-de-sac, expliqua Sirius. Alors qu'il pensait qu'il était bloqué, il a vu une poire se tortiller sur un tableau !

Peter ouvrit de grands yeux et souffla :

- Noooon ? Et alors ?

James, très fier de lui, reprit le récit en main.

- Si je t'assure ! J'ai posé ma main dessus et elle a commencé à glousser, alors j'ai continué, d'autant plus que j'entendais le vieux arriver. Et là, le pan de mur sur lequel était accroché le tableau a pivoté ! J'ai pas réfléchis et je me suis rué à l'intérieur. Devine quoi ? C'était plein d'elfes de maison en train de préparer le dîner ! Ils m'ont offert des gâteaux et ils m'ont dit que je pouvais rester autant que je le voulais.

- Donc tu penses qu'ils nous donneront à manger ce soir ?

- J'en suis sûr !

Remus pénétra à cet instant dans la chambre. Pâle, les traits tirés, il adressa un petit sourire à ses amis. Sirius l'interpella et, tout excité, lui rapporta leur plan. Le garçon grimaça et répondit :

- Ce sera sans moi, je suis fatigué.

Ses trois amis se mirent aussitôt à protester mais Remus resta inflexible : qu'ils fassent la fête s'ils le voulaient, mais qu'ils ne l'obligent pas à participer. Dépités, ils continuèrent à programmer leur plan, avec peut-être un peu moins d'enthousiasme.

A l'heure du dîner, Remus déclara qu'il était malade et partit à l'infirmerie. Peu après vingt-et-une heure, Sirius et James s'éclipsèrent de la Salle Commune en se cachant sous la cape d'invisibilité et se rendirent aux cuisines. Ils en ressortirent les bras chargés de gâteaux puis décidèrent d'en déposer à Remus à l'infirmerie. Seulement, alors qu'ils traversaient le Hall, deux ombres glissèrent le long des murs. L'une était clairement celle d'un adulte et la seconde celle d'un élève.

Les deux amis se jetèrent un regard surpris et, sans se concerter, suivirent les deux personnes qui sortaient dans la nuit. Elles s'approchèrent du Saule Cogneur. La plus haute silhouette leva la baguette et l'arbre cessa presque aussitôt de s'agiter. Puis, elles disparurent entre les racines.
James et Sirius prirent le même chemin, persuadés que c'était Remus qu'on emmenait.

Ils pénétrèrent dans un tunnel étroit et durent ôter la cape pour continuer à avancer. Seulement, alors qu'ils apercevaient une porte, l'adulte revint.

Les deux garçons se figèrent, le cœur battant à tout rompre. Ils passaient déjà pour les élèves les plus insupportables que Poudlard ait connus, mais jamais ils n'avaient craint l'expulsion. Cependant lorsque James vit la longue barbe d'Albus Dumbledore, il fit silencieusement ses adieux à l'école.

Ils attendirent que la sentence tombe ... Seul un bon sourire fleurit sur la figure du directeur.

- Mr. Potter, Mr. Black ! Je savais bien que je vous croiserais par ici un jour ou l'autre. Montons donc jusqu'à mon bureau, nous avons des tas de choses à nous dire. Nous allons également inviter Mr. Pettigrow à nous rejoindre.

Trop étonnés pour réagir, les deux garçons rebroussèrent chemin sans un mot puis suivirent le directeur jusqu'à son antre.

Un quart d'heure plus tard, les deux bruns sautillaient dans le bureau en hurlant qu'avoir un meilleur ami loup-garou était la chose la plus géniale au monde tandis que le blond, très pâle, tentait d'assimiler la nouvelle.

Le lendemain matin, Remus, mis au courant par le directeur que ses amis savaient tout, arriva très inquiet dans sa chambre. Il fut accueilli à coups d'éclairs au chocolat.


Retour au présent


James déboula dans la Salle Commune et rentra de plein fouet dans Lily, qui sortait. Ils s'écrasèrent sur la moquette rouge et la jeune fille jura avant de se mettre à le frapper. Le brun éclata de rire et roula sur le côté pour la laisser se relever. Il aurait bien profité de la situation mais il était pressé. En plus, il avait une petite amie officielle.

Lily se redressa et lui donna un léger coup de pied dans les côtes avant de s'éloigner en pestant entre ses dents contre les « crétins qui ne regardent pas où ils vont ».

James sauta sur ses pieds, débordant d'énergie après sa sieste improvisée. Il monta quatre à quatre l'escalier menant aux dortoirs et ouvrit la porte en braillant :

- C'EST MOI !

Il se prit un coussin dans la tête et le renvoya aussitôt à l'expéditeur, c'est-à-dire Sirius.

- Pas trop tôt. Allez, on va bouffer ! J'espère que t'as bien lavé tous les bocaux, parce que sinon c'est moi qui vais le faire.

James récupéra quelque chose dans sa malle puis ils descendirent ensemble.

- Qu'est-ce que t'as encore fait ?

- Tu n'as pas répondu.

- Toi non plus.

- J'ai repeint un couloir du troisième en rose. Alors, je vais me taper un boulot monstre ?

- Plutôt ouais, j'ai dormi pendant quatre heures.

Sirius éclata de rire alors qu'ils dévalaient les escaliers vers la Grande Salle.

- Qu'est-ce que t'as fait de Peter et Remus ?

- Ils travaillent à la bibliothèque.

Ils s'assirent à la table des Gryffondors et furent vite rejoints par leurs deux amis. A dix-neuf heures Remus s'éclipsa avec un clin d'œil. Deux minutes plus tard ses trois amis filèrent vers un coin sombre du hall et disparurent dans un placard caché dans l'ombre. La porte se rouvrit quelques instants plus tard, mais personne n'en sortit. Du moins c'est ce que tout spectateur normal aurait cru.
Les trois jeunes hommes, difficilement cachés sous la cape (ils avaient pris un peu d'ampleur depuis leur première année), sortirent sans bruit dans le parc déjà plongé dans la nuit. Ils se hâtèrent jusqu'au Saule Cogneur. Une brindille s'envola sans raison apparente et l'arbre s'immobilisa. Remus leur avait raconté par le menu comment il allait jusqu'à la cabane Hurlante.
Enfin, ils disparurent entre les racines et purent ôter la cape.

Il était loin le temps où James et Sirius passaient sans problème dans le tunnel ! Ils devaient à présent marcher courbés. Sirius, en tête de file, put finalement se redresser et poussa la porte de la salle que James avait visitée quelques semaines plus tôt.

Peter referma la porte derrière lui puis ils se considérèrent quelques instants en silence. La pièce leur paraissait bien petite pour y être enfermés avec un loup-garou. Finalement, James lança :

- A tout à l'heure les gars !

Puis, après avoir rangé la cape dans sa poche, il se transforma après quelques secondes de concentration. Un magnifique cerf se tenait à présent à sa place, balançant sa tête en soufflant. Comprenant qu'il les pressait de faire comme lui, Sirius ferma les yeux et récita la formule. Il ne lui fallut pas plus longtemps qu'à James pour devenir un grand chien noir au poil luisant.

Peter déglutit en les voyant. Et s'il n'y arrivait pas ? Il inspira profondément et se lança. Les minutes s'écoulèrent sans que rien ne se passe et le blond paniquait de plus en plus, ce qui ne l'aidait pas. Finalement Sirius s'approcha et tapota son museau contre la main moite du jeune homme. Peter, affreusement pâle, sourit puis réessaya. Il lui fallut encore quelques instants mais, enfin, un petit rat soyeux courut sur le plancher sale et alla se cacher sous un meuble.

Sirius parvint à se glisser sous le lit mais James ne pouvait faire de même. Pourtant, il ne devait pas risquer d'être vu par l'adulte qui accompagnait Remus ! Après un instant d'hésitation, il se glissa dans l'ombre du grand lit, sa tête disparaissant sous les rideaux mités qui pendaient aux fenêtres.
Après un temps qui leur parut infini, la porte grinça et Remus entra, accompagné encore une fois du professeur Dumbledore. Le directeur adressa un sourire d'encouragement au jeune homme puis s'éclipsa. Un bruit de verrou indiqua qu'ils ne pourraient sortir tant qu'on ne viendrait les délivrer.
Remus alla à la fenêtre et regarda dehors, les traits tirés. Attendre de se transformer en bête féroce sans rien pouvoir faire devait être terrible.

Cette pensée poussa James à sortir de sa cachette. Se faisant, l'un de ses bois percuta la jambe de son ami. Celui-ci se recula précipitamment en laissant échapper un petit cri. James se dressa devant lui et reprit sa forme humaine sans trop réfléchir à ce qu'il se passerait si la lune apparaissait soudain.
Remus poussa de nouveau un cri, d'horreur cette fois. Si James restait là, il allait devenir comme lui, ou mourir ! Il avait à peine fait attention au fait que le cerf avait disparu pour laisser la place au jeune homme, trop angoissé par cette idée.

- Va-t'en ! James bon sang, pars tout de suite !

Son ami, au lieu de bouger, ferma les yeux ... Et le cerf réapparut. Remus se figea, l'esprit de plus en plus confus. Au même instant, un grand chien noir sortit de dessous le lit.

Cette fois, il ne comprenait plus rien. Si James était un cerf, alors ce chien était sans doute quelqu'un...
- Sirius ?

Le chien pencha la tête sur le côté, l'air de rire « A ton avis, abruti ? »

Remus frissonna. Par Merlin, mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ?

- Peter ? Tu es là ?

Un grattement se fit entendre puis le petit rat alla jusqu'au pied du jeune homme.
- Bien. Très très bien. Je suis un loup-garou, je vais me transformer d'une minute à l'autre et je suis dans une cabane avec mes trois amis qui se transforment à volonté. Oui, c'est parfait.

Les trois animaux le regardèrent d'un air perplexe qui déclencha la crise de nerfs que Remus sentait venir.

- MAIS QU'EST-CE QUE VOUS FOUTEZ LA ?

Le chien aboya ce qui ressemblait à un rire et s'assit tranquillement.

- Sirius je t'en prie ! Ça n'a rien de drôle ! Je vais vous tuer !

Le cerf secoua la tête.

- James ! Je sais que tu es complètement inconscient mais essaie de faire marcher ton cerveau pour une fois !

- Hé, je ne suis pas un crétin ! rétorqua le jeune homme en reprenant instantanément sa forme humaine. Ferme la Remus, tant que nous sommes des animaux tes morsures ne peuvent rien nous faire.
Sans attendre qu'il réponde, il se transforma de nouveau, en se demandant avec un peu d'inquiétude si ses multiples allers-retours entre humain et animal n'allaient pas pomper toute son énergie.

- Tu es sûr de toi ? interrogea Remus après s'être mordu la lèvre.

Le cerf hocha la tête et se mit à trotter en rond dans la pièce. Visiblement l'hyperactivité concernait aussi bien les hommes que les animaux.

Alors qu'il entamait son troisième tour, une soudaine clarté éclaira la pièce.

Remus tourna brusquement la tête vers la fenêtre et déglutit difficilement. La lune apparut derrière les nuages.

Le regard du grand chien croisa celui du cerf tandis que le rat allait se blottir contre l'un des piliers du lit. Ils étaient arrivés jusque-là. En sortiraient-ils ?

Un grognement attira leur attention. Remus avait la tête tendue vers le plafond. Les mâchoires serrées, les poings crispés, il tremblait de tous ses membres. Ses amis observèrent sa transformation souffrant en silence pour lui. Devenir un animagus n'entraînait aucun problème majeur. Être un loup-garou était un long chemin de douleur.

La bête (James avait du mal à percevoir cet être hybride comme son ami) tourna la tête vers eux. Il gronda et approcha de Sirius. Celui-ci ne bougea pas et se laissa approcher. Le loup-garou approcha brusquement sa tête de la sienne et renifla. Il fit de même avec les deux autres animaux. James tenta de scruter son regard mais ne vit qu'un instinct animal dans les yeux de la bête – mais rien de sanguinaire. Il était sûr que, quelque part derrière la carcasse du loup-garou, son ami avait toujours conscience d'exister.  

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