Partie I - Chapitre 13
Chapitre 13
L'instinct de Lily avait pris le dessus lorsque James l'avait poussée vers le château et elle lui avait donc obéit. Cependant elle n'avait pu aller bien loin.
Les mains levées face au centaure, elle louchait sur la tête de la flèche pointée sur elle. Elle serrait sa baguette comme si c'était le seul objet de son salut ... A bien y réfléchir, cela l'était. Seulement, menacée de la sorte, elle ne pouvait pas faire grand-chose. Et comme ce crétin de Potter devait sans doute avoir été réduit en miettes à l'heure qu'il était, elle ne voyait pas trop comment s'en sortir.
Puis, alors qu'elle pensait que le centaure allait tirer sur la corde de son arc et libérer la flèche, un glapissement lui parvint.
Le centaure regarda derrière elle, puis dit d'une voix de basse, à peine audible :
- Il ne fait pas bon pour vous être dans la Forêt, humains.
Lily aurait bien répondu « Non, sans blague ? » mais retint sa langue face à la stature de la créature. Dans un visage arrogant brillaient deux yeux aussi noirs que les ténèbres des bois. Il avait les cheveux bruns et lisses qui balayaient ses épaules. Son torse nu était traversé par la lanière de son carquois, dont Lily apercevait un bout par-dessus son épaule.
En bref, rien de très engageant.
- On ... on s'en va, si vous le voulez bien.
Un bref rire glacial lui répondit et le centaure baissa son arme. Ce n'est qu'à cet instant que la jeune fille se rendit compte à quel point elle avait été tendue. Ses bras retombèrent le long de son corps et elle soupira.
- Si nous n'avions pas été là, la bête vous aurait tués.
Lily se retourna et croisa le regard de James, sous la garde d'autres centaures, avant d'apercevoir le cadavre du loup-garou sur le sol. Un violent frisson la secoua et elle reporta son attention sur la créature devant elle.
- Merci.
- Nous n'avons pas fait ça pour vous. Il nous faut préserver la forêt des Ténèbres.
- C'est à cause de ça qu'il était là, sous cette forme ?
Les yeux noirs du centaure se portèrent sur James, qui venait de parler.
- La Nature est plus réceptive à la Magie Noire. Cet endroit sent les forces qui agitent le Monde de la Magie et y réagit en conséquence. Elle a tenté de vous empêcher de fuir car elle est devient de plus en plus pervertie à mesure que les Ténèbres progressent. Les bêtes maléfiques s'y sentent attirer car ces bois recèlent suffisamment de noirceur pour les contenter. Plus encore qu'avant. Ce loup-garou aimait assez le crime pour conserver sa forme en permanence et nous le pourchassions depuis quelques jours. Vous nous avez fourni l'appât idéal.
« Sympa », songea Lily.
- Ils ne gagneront pas.
La jeune fille se retourna, surprise par le défi qui vibrait dans la voix de Potter.
Il regarda le loup-garou puis de nouveau son interlocuteur et répéta :
- Ils ne gagneront pas.
- Ils sont puissants. Et sans pitié. Les qualités de ceux qui habitent ce château les mèneront à leur propre perte au nom de principes désuets.
- Vous êtes puissants et pourtant vous ne nous avez pas tués.
- Nous pouvons encore le faire.
Lily gémit intérieurement en songeant que Potter avait un sens de la diplomatie assez restreint.
- Non. Parce que vous êtes bons.
Une dague s'appuya soudain sur la pomme d'Adam du jeune homme alors que le cercle de centaures autour d'eux semblait se resserrer. Lily ferma instinctivement les yeux, persuadée qu'elle allait se retrouver avec le cadavre de James sur les bras.
Cependant, un bruit de sabots emplit l'air nocturne et lorsqu'elle ouvrit les paupières James se tenait seul face à elle, toujours bien en vie. En revanche, il n'y avait plus aucune trace des centaures.
Les deux jeunes gens se regardèrent dans le blanc des yeux pendant quelques instants, trop hébétés pour aligner deux pensées cohérentes.
Enfin Lily percuta que James était toujours vivant et qu'elle pouvait donc décemment partir sans culpabiliser d'avoir abandonné son cadavre à la merci de n'importe quelle bête sauvage. Elle fit volte-face et reprit la route du château, l'esprit complètement vide. Elle était dans la Forêt Interdite au milieu de la nuit en compagnie de James Potter. Ils avaient failli se faire bouffer par un loup-garou alors que ce n'était pas la pleine lune puis un centaure psychotique avait sérieusement envisagé de les tuer. Et à cause de qui ? De ...
- Evans ? T'as rien ?
***
James évita de justesse la main de Lily en songeant qu'il aurait peut-être mieux fait de se taire.
- Eh, on se calme, Evans !
- On se calme ? ON SE CALME ? On a failli y passer, espèce de crétin ! Tout ça parce qu'un abruti a voulu prouver sa virilité !
- Ma ... ?
James éclata de rire, évacuant une bonne partie de sa tension.
- Arrête de rire tout de suite ! C'est quand même toi qui as voulu te dresser tout seul face à un loup-garou !
Le rire de James devint légèrement amer car il ne pouvait pas se défendre par respect pour ses amis. Lily, après un dernier regard excédé, tourna les talons et se fraya un passage à travers les bois. Il la rattrapa, tout en évitant les branches qu'elle faisait exprès de ne pas retenir.
- Justement, on était exactement dans la même galère. Tu pourrais donc en conclure, si tu avais un minimum de cervelle, que mon but n'était pas de te tuer.
- Oh, charmant. C'était quoi alors, me blesser ou me mutiler gravement ?
- Arrête de faire ta victime deux minutes ! Je ne pouvais pas prévoir qu'il y aurait un loup-garou ! Et si je voulais vraiment qu'il t'arrive malheur, tu crois que je serais revenu ?
Ils étaient enfin parvenus à l'orée de la Forêt. Le château se dressait devant eux, brillant d'un éclat argenté à la lueur de la lune.
Elle continua son chemin comme s'il n'avait rien dit et James jura. Non seulement elle était bornée mais en plus dépourvue de cervelle : elle traversait le parc comme si elle avait tout à fait le droit d'être là. Il hésita quelques instants, se disant que de toute façon leurs traces de pas étaient visibles et qu'à tout prendre, il préférait ne pas lui révéler l'existence de sa cape.
Finalement, il s'engagea dans les traces de la jeune fille et allongea le pas pour arriver à sa hauteur. Elle était presque parvenue à l'entrée du passage, évitant sans sourciller la porte du château.
- Crois-moi, je n'aurais pas du tout apprécié que tu meurs, et pas parce que j'aurais dû réussir à convaincre tout le monde que je ne t'avais pas assassinée.
Elle s'arrêta et fit volte-face.
- Ne fais pas semblant de m'apprécier, Potter.
- Là n'est pas la question. Je ne veux la mort de personne. Et la mienne non plus, d'ailleurs. C'est pour ça que je n'avais aucune raison de te laisser dans un guet-apens pour ensuite venir te chercher.
Lily lâcha un soupir agacé et renifla. Le jeune homme se rendit alors compte que ses yeux brillaient de façon inhabituelle.
- Tu pleures ? balbutia-t-il, stupéfait.
Elle poussa un cri de frustration en s'essuyant les yeux et lança « Le choc, c'est tout » en se retournant. Elle se planta devant le mur, les poings sur les hanches.
- Evans ?
Elle se pencha et mit ses mains dans la neige. James fronça les sourcils, intrigué. Mais qu'est-ce qu'elle faisait ? Lorsqu'elle se retourna et brandit le bras, il n'eut pas le temps d'éviter la boule de neige qui lui explosa en plein visage.
- Hé ! Mais ça va pas !
- Espèce ... d'abominable ... CRETIN !
Elle ponctua chacun de ses mots par une boule de neige que James parvint plus ou moins à éviter.
- Mais qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu me pardonnes ? Je ne pouvais même pas imaginer que ça allait tourner comme ça ! S'écria-t-il en se penchant pour échapper à la dernière.
Il planta son regard furieux dans celui de la jeune fille qui croisa les bras, le visage fermé.
- Très bien. Je ne te déteste pas plus qu'avant. Et maintenant, ouvre cette porte, je meurs de froid.
- C'est tout ce que j'obtiendrai ?
- Ouais. Ou une boule de neige en plus si tu ne te bouges pas.
***
James suivit la jeune fille dans les couloirs à distance respectable, bien conscient qu'elle n'avait sans doute aucune envie de le voir. Ils parvinrent, par miracle, sans encombre à la Salle Commune. Lily monta dans son dortoir sans se retourner et James songea, après un instant de déception, que c'était sans doute mieux ainsi.
Il regagna sa propre chambre, secoué de frissons incontrôlables. Perdu dans ses pensées, il poussa la porte et poussa un cri perçant lorsque Sirius et Remus se ruèrent sur lui. Ils s'immobilisèrent aussitôt, stupéfait par sa réaction. Une main sur son cœur, James reprit sa respiration en se laissant tomber sur la malle de Remus. Ses deux amis le dévisagèrent, stupéfaits.
- On t'a fait un lavage de cerveau c'est ça ? Interrogea finalement Sirius, voyant que James ne semblait pas décidé à parler mais plutôt à fixer le sol d'un air absent.
Il releva néanmoins la tête pour répondre :
- Je crois que c'est la soirée la plus éprouvante que j'ai vécu de ma vie. Pire que notre première pleine lune, Rem'.
L'interpellé prit aussitôt un air horrifié.
- Ça a mal tourné ? Lily va bien ?
- Ouais, mais j'ai bien cru qu'on allait tout les deux finir en charpie ou transpercés.
- Qui doit finir en charpie ? Interrogea un voix ensommeillée dans un coin de la chambre.
Toutes les têtes se tournèrent vers Peter qui dégringola plus qu'il ne descendit de son lit et, sa couverture drapée autour des épaules, vint s'asseoir en tailleur devant James, bâillant à s'en décrocher la mâchoire.
Le regard du brun passa du petit blond, enseveli sous sa couverture, à Remus, toujours debout, les traits tirés par la fatigue et l'inquiétude, puis à Sirius, à présent adossé à la colonne de son lit, les bras croisés, le visage neutre. Ils étaient tous attentifs. Alors, il ouvrit la bouche et leur raconta.
Dès lors qu'il fit mention du loup-garou, Remus se mit à faire les cent pas dans la chambre, marmonnant des jurons à voix basse, et Peter se ratatina un peu plus, l'air apeuré. Seul Sirius conserva son visage inexpressif, jusqu'à ce que son ami ait terminé. Puis, à l'étonnement général, il éclata de rire.
Devant les visages de ses amis, il expliqua, un grand sourire sur les lèvres :
- Non mais tu te rends compte ? T'as vu des centaures ! Il paraît que seul Hagrid est autorisé à les voir de temps en temps ! Et un vrai loup-garou !
- Hé ! je suis pas en guimauve, protesta Remus.
- Dans la nature, je veux dire ! C'est ce genre de choses qu'on a toujours voulu vivre, et toi tu rentres avec une tête d'enterrement. Ta précieuse Lily aurait été défigurée, j'aurais compris, mais là... Tu te ramollis, mon vieux.
- C'est pas « ma précieuse Lily », grommela James, se demandant si son ami n'avait pas raison.
Cependant Remus l'empêcha de pousser plus loin sa réflexion en intervenant :
- Mais t'es malade ? Tu vois ce que ça a fait de moi, un loup-garou en liberté ? Rien de très enviable, crois-moi. Et si James était revenu avec une flèche en travers de la gorge, t'aurais été moins euphorique !
- Justement Rem' ! C'est le risque qui rend la vie amusante !
Son ami le dévisagea en secouant la tête, l'air sombre.
- Je n'ai pas envie de me disputer avec toi, Sirius. Mais ne me demande pas d'entrer dans d'autres combines du genre.
Son ton sec fit froid dans le dos à James, qui ne l'avait jamais entendu parler comme cela ; il avait déjà essayé de s'élever contre les idioties que Sirius et lui accomplissaient, mais jamais de façon aussi nette et claire. Avec un haussement d'épaules, il conclut que le sujet des loup-garous le rendait plus sensible et décréta que Sirius avait raison.
Seulement lorsqu'il alla se coucher, il ne put s'empêcher de repenser avec angoisse au moment où le loup-garou s'était jeté sur lui, gueule ouverte, pour finalement mourir à ses pieds.
***
Lily Evans fit un cauchemar cette nuit-là, plein de monstres et d'arbres qui essayaient de la retenir entre leurs branches. Elle se réveilla le cœur battant, tremblante, et pourtant incapable de se confier à l'une de ses amies. Elles dormaient toutes lorsqu'elle était montée et, si à ce moment là elle aurait pu tout leur raconter, elle n'en avait à présent plus aucune envie. Le secret devait être gardé, ne serait-ce que pour Potter.
Elle aurait pu le dénoncer, mais il aurait sans nul doute été renvoyé sur le champ. Or elle avait beau le détester, elle savait que plus aucun avenir ne l'attendrait s'il devait être chassé de Poudlard.
Bizarrement, elle n'eut aucun mal à se taire. Peut-être simplement parce qu'elle ne voulait pas le revivre. Durant les jours qui suivirent ses amies soutinrent qu'elle avait l'air exténué mais elles ne poussèrent pas leur investigation plus loin.
Au bout d'une ou deux semaines elle parvint à chasser presque entièrement l'événement de son esprit et elle évita Potter autant que possible. Seul son inconscient ne voulait pas la laisser tranquille. Elle continuait à se réveiller avec une horrible impression de danger, sans pour autant se rappeler de ses rêves. Lorsqu'elle s'attardait sur ce fait, elle en concluait que c'était plus les paroles du centaure sur l'avenir du monde des Sorciers que le loup-garou qui la perturbaient.
« Les qualités de ceux qui habitent ce château les mèneront à leur propre perte au nom de principes désuets », avait-il dit. Or, elle était loin de partager l'enthousiasme débordant de Potter quant à la victoire du Bien. Elle s'aperçut qu'elle n'avait aucune idée de ce qui se passait à l'extérieur de Poudlard, aussi s'abonna-t-elle à la Gazette du Sorcier.
Elle resta sur sa faim, n'y trouvant que quelques informations çà et là sur des événements liés aux Mangemorts. De Celui-Dont-Il-Ne-Faut-Pas-Prononcer-Le-Nom, pas de nouvelles. C'était à croire que les Mangemorts étaient seulement un groupe de terroristes un peu agressif et dépourvu de tête pensante.
Ce qui la renseignait le plus, c'était la rubrique nécrologique. Elle avait la terrible impression que les morts âgés de moins de cinquante ans se multipliaient à une vitesse alarmante. On ne disait jamais comment ils étaient morts, mais c'était pour Lily assez évident.
Le dernier samedi avant les vacances de Noël, elle descendit prendre son petit-déjeuner avant ses amies, la Gazette sous le bras. Elle la posa contre le pichet de jus de citrouille et entama son repas tout en lisant. Alors qu'elle beurrait une quatrième tartine, une voix bien connue et empreinte de mépris lui parvint.
- Tu lis ce torchon ?
Lily leva la tête et croisa le regard noir de Severus. Elle sourit et enleva son sac du banc pour qu'il puisse s'asseoir à côté d'elle.
- C'est sûr qu'il n'y a à peu près aucune information intéressante, mais si on fouille bien on parvient à en trouver.
- Comme quoi ? Demanda son ami en se servant de pudding. La recette du gâteau citrouille-concombre ?
- Non. (Lily prit un air détaché, guettant du coin de l'œil la réaction du jeune homme.) Des nouvelles sur les Mangemorts par exemple.
A sa plus grande stupéfaction il garda exactement la même expression. Cependant son ton un tout petit peu trop détaché le trahit.
- Ah ? Je croyais que le Ministère empêchait les journalistes de divulguer des informations pour ne pas effrayer la population ?
- Je pense que ça fait partie du problème, mais il y a autre chose. Ils ne parlent que des actes ouvertement commis par des Mangemorts. A mon avis, ils n'ont pas de preuve pour les autres, rien qui indique que ce ne soit pas de la simple malchance.
- T'as l'air bien au courant.
- Ce sont les petites annonces les plus intéressantes. Beaucoup de gens disent qu'un membre de leur famille a disparu. Il est évident que ce sont eux. Mais si la Gazette devait faire un article pour chaque disparition inexpliquée ça leur prendrait des pages et des pages et ça déclencherait effectivement un mouvement de panique. Alors ils font comme si le Ministère gérait la situation et ils ne mentionnent que les fait avérés et signés.
- Belle analyse, inspecteur Evans, complimenta Severus avant d'avaler son petit-déjeuner.
Considérant qu'elle l'avait suffisamment torturé, Lily changea de sujet.
- Tu rentres chez toi pour Noël, comme d'habitude ?
Son ami sembla s'étouffer avec sa bouchée puis il répondit d'une voix légèrement étranglée :
- Euh, c'est-à-dire que ...
- Sev' ! Et notre Noël ?
- Lily je suis désolé ! Mais je me suis encore disputé avec ma mère, ça fait plus d'un mois qu'elle ne m'a pas écrit. Je n'ai aucune envie d'aller là-bas.
- Tu peux loger à la maison ! Ça ne posera aucun problème à mes parents et...
Elle s'interrompit sous le regard moqueur de son ami.
- Bon d'accord, Pétunia ne sera peut-être pas ravie mais ...
- Lily, tu sais bien qu'on va s'entre-tuer. En plus je ne suis pas sûr que tes parents m'apprécient.
- Ils te connaissent à peine donc je ne vois pas comment ils pourraient te détester.
- Certes. Écoute je suis vraiment désolé, mais j'ai déjà dit que je restais.
- Ce ne sera pas pareil, si je ne te retrouve pas le soir de Noël.
- Pour moi non plus. Mais on pourra le faire quand tu rentreras !
Lily soupira. Le 25 au soir ils se rejoignaient toujours dans la cabane construite par Lily et Pétunia dans le grand chêne de leur jardin lorsqu'elles étaient enfants. Ils amenaient la nourriture qu'ils pouvaient, leur cadeau et assez de bougies pour s'éclairer toute la nuit. C'était le meilleur moment des vacances de la jeune fille, et son meilleur ami allait lui enlever cela.
- D'accord. Mais tu es obligé de trouver un endroit à peu près aussi bien que la cabane.
Severus sourit, apparemment heureux d'avoir remporté la partie.
- Je te le promets !
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