Partie 2 - chapitres 1 à 22
Deuxième partie : Septième année
Chapitre un
Le vent soufflait sans relâche sur Poudlard, annonçant déjà l'automne. La nuit tombait doucement, couvrant de ses ombres le parc du château. Une chouette hulula dans le lointain, en route vers son destinataire.
Beaucoup de gens auraient trouvé cette situation angoissante. Poudlard à la nuit tombée n'était pas l'endroit le plus réjouissant au monde. Cependant Lily Evans parvenait à en tirer un certain apaisement. Peut-être était-ce parce que, pour une fois, personne ne lui hurlait dans les oreilles. Ou alors, simplement parce que cette nature agitée était sûre de revenir au calme d'ici peu, tandis que le monde de la Sorcellerie sombrait peu à peu dans les ténèbres, en un mouvement qui semblait inexorable.
La jeune fille resserra le col de son manteau autour de son cou en frissonnant. Il semblait faire bien froid après la chaude atmosphère de la cabane d'Hagrid. Chaude dans tous les sens du terme : c'était une véritable étuve, mais aussi un puits sans fond de réconfort. Lily se demandait souvent pourquoi elle avait attendu la sixième année avant de devenir amie avec le garde chasse.
Abandonnée par son copain et son meilleur ami à la fin de sa cinquième année, elle avait perdu tous moyens de quitter un peu les cours et son dortoir. Elle allait parfois se promener seule, pour décompresser, mais cela n'avait plus la saveur des jours d'antan. Puis, un soir, elle avait croisait Hagrid. Ils avaient bavardé et il avait réussi à la convaincre de venir prendre un thé accompagné de gâteaux – qu'elle avait bien vite appris à refuser poliment.
Elle emmenait parfois ses amies lorsqu'elle lui rendait visite, mais elle préférait y aller seule. C'était son moment à elle. Elle pouvait être loin des préoccupations de vernis à ongles de Jenny et des crises de folie passagère de Val. Non pas qu'elle n'aimait plus ses amies... Seulement, il lui arrivait d'avoir besoin de calme.
Frigorifiée, elle pressa le pas et passa enfin la lourde porte de bois. Elle poussa un soupir de soulagement lorsque le vent cessa enfin de lui souffler en pleine figure et s'empressa de monter jusqu'à son dortoir. C'était presque l'heure de dîner et Margaret allait sans aucun doute la tuer si elle arrivait en retard. Les tentatives de régime de Jenny n'avait servi à rien: Maggy aimait les sucreries, et personne ne pouvait rien y faire.
Lily donna le mot de passe à la Grosse Dame (« Mortem ») et traversa la Salle Commune. La plupart des élèves étaient affalés çà et là, le ventre beaucoup trop creux pour songer à travailler encore. Elle donna une petite tape en passant sur les pieds d'un sixième année, posés sur une table, tout en lui adressant un charmant sourire. Elle était préfète en chef et comptait bien se faire respecter comme telle.
Elle grimpa quatre à quatre les escaliers et ouvrit doucement la porte de son dortoir. Une odeur âcre l'assaillit aussitôt et elle grimaça.
- Val ! Tu es insupportable !
L'intéressée releva la tête de la feuille blanche qu'elle tenait entre les mains tandis que Lily jetait son manteau sur son lit. Les cheveux coupés au-dessus des épaules, Val ressemblait à présent à un petit elfe ébouriffé. Elle avait une tâche de peinture jaune sur la joue et posait de grands yeux marrons et innocents sur son amie.
- Qu'est-ce que j'ai fait ?
- De la peinture. On se croirait dans une usine de produits chimiques.
- Une quoi ?
- Laisse tomber. Ce que je veux dire, c'est que l'air est irrespirable ici. Et... Maggy, mais qu'est-ce que tu fais là ?
Margaret ôta l'oreiller de Lily de sa tête et haussa un sourcil :
- Je travaille, ça se voit pas ?
- Non, gloussa la rousse en lui remettant l'oreiller sur la tête. Qu'est-ce que tu peins cette fois, Val ?
- Un Focifère !
Intriguée, Lily alla voir par elle-même. Un grand oiseau aux plumes éclatantes s'étalait sur le papier. C'était renversant.
- C'est dingue... Ça fait partie des aptitudes exigées des Magizoologistes de savoir dessiner ?
- Tu dois être capable de reproduire tout ce que tu observes, répondit distraitement Val en ajoutant une pointe de couleur sur le sommet du crâne de la créature. Mais là je fais du travail inutile.
- Tu me le donnes ? Interrogea Lily, pleine d'espoir.
Val lui jeta un regard qui signifiait clairement « court toujours » et Lily essaya de prendre une tête de bébé au bord des larmes. Val soupira, posa soigneusement tout son attirail sur sa malle et commença d'un ton badin :
- Tu sais ce que fait un Focifère ? Il chante. D'abord, ça paraît génial. Mais ensuite... C'est digne de toi en train de chanter. Et là...
Val ouvrit de grands yeux en approchant son visage de celui de Lily et lâcha avec un voix d'outre-tombe :
- Là, tu deviens FOU !
Lily ne put s'en empêcher. Elle éclata de rire.
- Hé, c'était censé faire peur, s'insurgea Val en gloussant avec elle.
- Le jour où tu feras peur, Lily chantera juste, intervint Margaret, qui avait ôté l'oreiller de son visage.
- J'y peux rien si je n'ai aucune oreille! Protesta Lily.
- Non, en revanche tu peux t'abstenir de nous faire profiter de tes talents, rétorqua Val en se dirigeant vers la salle de bain en sautillant. Elle ressortit trente secondes plus tard, sa tâche de peinture toujours sur la joue. Elle avait simplement troqué son t-shirt de travail contre quelque chose de plus présentable. Et encore, Lily était sûre qu'elle l'avait déjà porté pour peindre.
Margaret sauta du lit de son amie, ragaillardie à l'idée d'aller manger. Elle poussa les deux autres jeunes filles dans l'escalier en assurant qu'elles trouveraient Jenny sur le chemin.
En effet, elles faillirent se rentrer dedans dans l'escalier. La blonde, qui montait quatre à quatre, les évita de justesse. Des livres sous le bras, ses cheveux s'échappant comme d'habitude de sa queue de cheval, elle avait l'air hors d'elle.
- Peeves a entassé la moitié des armures du château au milieu d'un couloir du deuxième étage ! Il est complètement bouché et personne ne peut passer. Arrêtez de vous marrer, c'est pas drôle ! J'ai du faire le tour par le quatrième, et en plus je me suis pris une peau de banane en m'approchant des armures parce que Peeves était toujours là !
- Viens, avec un peu de chance il y aura du gâteau au chocolat, répondit Margaret en prenant son bras libre.
- Maggy, la nourriture n'est pas un solution universelle, soupira Jenny en se dégageant. Allez-y, je vous rejoins. Il faut que je pose ça.
- Attention aux peaux de bananes ! Lança Lily alors que son amie s'éloignait.
- Oh, la ferme !
Jenny les rejoignit alors qu'elles s'engageaient dans l'escalier. Elle commença à leur expliquer les multiples intérêts du Moly dans un duel, visiblement passionnée par cette petite plante qui neutralisait les enchantements - d'après ce que Lily avait écouté. Alors qu'elles arrivaient presque au hall, un jeune homme brun apparut devant elles.
Lily se tendit dès qu'elle reconnut James Potter, prête à toutes ces réflexions stupides. Cependant il ne les vit pas, absorbé dans la lecture d'une lettre, les sourcils froncés. Il leva à peine les yeux pour ne pas leur rentrer dedans et continua son chemin sans un mot. Surprise, Lily tourna la tête pour le suivre du regard. Elle ne remarqua que Jenny s'était interrompue seulement lorsqu'elle lança :
- Je rêve ou tu mates Potter ?
Lily reporta aussitôt son attention sur la blonde, cramoisie.
- Bien sûr que non ! Arrête de raconter n'importe quoi !
Terrifiée à l'idée que l'intéressé ait entendu, elle tourna de nouveau la tête et croisa la regard de James. Arrêté sur le palier du premier étage, le visage légèrement tourné vers les quatre jeunes filles, il affichait un petit sourire amusé.
Lily gémit intérieurement, descendit aussi vite que possible les dernières marches et gronda à l'attention de Jenny :
- Je vais t'étriper.
- Oh, non. Tu vas essayer mais comme je suis le meilleur futur-Auror de tous les temps, tu vas te retrouver au tapis en moins de deux.
- Ah tu crois ça ?
Sans crier gare, Lily lui sauta dessus. Jenny esquiva de justesse avec un petit cri et se carapata aussi vite que possible. Elle remonta les escaliers, Lily toujours derrière elle, et passa devant Potter. Celui-ci se retourna, surpris, pour se prendre Lily de plein fouet. Elle se contenta de crier « Désolée ! » et repartit aussi sec, laissant un James légèrement perplexe derrière elle.
Elle parvint à attraper le t-shirt de Jenny alors que celle-ci tournait dans un autre couloir et s'engagea alors une bataille de chatouilles digne des plus longues guerre entre trolls tant elle fut violente.
Gloussant comme des dindes, elles reprirent le chemin de la Grande Salle après que Jenny eut admis que Lily était un génie de l'attaque.
Elles passèrent les portes en même temps que trois Premières Années, et Lily sentit son cœur se serrer. Ces Premières Années étaient tous à Gryffondor... Et représentaient à eux seuls l'effectif de première année pour la maison.
Depuis que Lily était entrée à Poudlard, la Répartition se faisait de plus en plus courte. Le pire avait été cette année-ci, où seulement douze nouveaux élèves étaient arrivés à Poudlard, et aucun n'était allé chez les Serpentards.
Dans la Grande Salle, seul un léger brouhaha régnait, pour la bonne raison qu'il n'y avait que très peu d'élèves. Certains avaient tout bonnement disparu au cours d'un été. On avait plus eu de nouvelles, et personne ne savait ce qu'il était advenu de l'élève ou de sa famille. D'autres avaient été retiré de l'école par leurs parents suite à l'affaire Hall. Ils avaient estimé cela être plus sûr que de les laisser dans un lieu où les mangemorts entraient comme dans un moulin. Enfin, Serpentard se vidait peu à peu. Il y avait deux élèves de deuxième année, guère plus en troisième. Les élèves les plus proches des examens étaient pour la plupart restés, malgré les oppositions de plus en plus fortes entre Serpentard et les trois autres Maisons. L'année passée, il y avait des affrontements presque tous les jours. En somme, Poudlard avait connu de jour meilleur. Mais Lily aimait trop cet endroit pour croire qu'il finisse totalement abandonné. La situation s'améliorerait, elle en était certaine.
* * *
James Potter entendit les hurlements de Jenny alors qu'il continuait son trajet vers la tour de Gryffondor et ne put s'empêcher de sourire : quoique l'on puisse penser sur l'avenir du monde de la magie, il y aurait toujours des gens pour rire. Selon lui, c'était là le plus important.
Il grimaça légèrement en donnant le mot de passe à la Grosse Dame, se demandant pour la centième fois depuis le début de l'année pourquoi, par Merlin, elle avait choisi un mot aussi horrible. Cela n'avait rien de très encourageant.
Il repéra aussitôt Sirius affalé sur le canapé, mâchonnant sa plume d'un air distrait. Il avait posé ses pieds sur la table, devant le feu, et James espérait bien que ses chaussettes allaient s'enflammer. Cela aurait sans doute était le cas s'il était resté plus longtemps, mais James était bien obligé de le déranger.
- Patmol, j'ai des nouvelles.
Sirius leva aussitôt la tête vers lui, les sourcils légèrement froncés.
- Et alors ?
Pour toute réponse, James lui donna sa lettre froissée. Il laissa son ami à sa lecture et monta jusqu'au dortoir, dans l'espoir de trouver Remus. Il n'y avait en fait que Peter, occupé à lire un épais traité sur les différents sorts pour disparaître.
James resta un instant à l'entrée de la chambre, amusé, et finit par lancer :
- Arrête d'essayer de comprendre et viens dîner, tu veux ?
Peter sursauta et fit tomber son livre sur son pied. Il poussa un glapissement et tomba à la renverse sur son lit en serrant sa jambe contre lui. James éclata de rire et ramassa le livre pour le poser sur la malle du jeune homme. Il lui prit la main, le mit debout et le poussa vers la porte même s'il gémissait toujours.
-Tu sais ce qu'on mange ce soir ?
- Du poulet à l'orange ? Interrogea le petit blond, plein d'espoir.
- Exactement !
- Chouette !
Lorsqu'ils furent dans la Salle Commune, James croisa le regard de Sirius, à présent assis correctement sur le canapé. Il poussa Peter vers la porte en lui demandant d'aller chercher Remus et s'assit près de son ami, qui lui tendit sa lettre.
- Ça m'agace qu'on ne puisse pas la voir avant les vacances de Noël, commença Sirius.
- Moi aussi. Surtout qu'elle doit s'ennuyer, et papa doit aller travailler. Bathilda vient la voir de temps en temps, mais elle est assez occupée.
Sirius gloussa en se laissant aller dans le fauteuil.
- Ah, Bathilda. Un sacré cas. Je n'arrive toujours pas à croire que tu sois le voisin de Bathilda Tourdesac.
- Si tout le monde la connaissait, les gens la respecteraient moins. La plupart des autres voisins pensent qu'elle est devenue sénile.
- Sénile ? Quelqu'un qui joue aussi bien au Quidditch à un âge pareil, je n'appelle pas ça « sénile ». Je vais lui écrire, tiens. Peut-être qu'elle me donnera des tuyaux sur les mœurs des Trolls.
- Cours toujours ! J'ai déjà essayé, elle m'a juste répondu « Travaille, espère de cancre », sourit James.
- Elle t'a bien cerné. Encore une preuve qu'elle est loin d'être folle. Ne t'en fais pas pour ta mère, s'il y a bien quelqu'un qui peut la distraire, c'est Bathilda. Allez viens, on va retrouver les autres. Et puis le poulet à l'orange est la recette miracle pour soigner tous les maux du monde, c'est bien connu.
Remus et Peter arrivaient lorsqu'ils sortirent de la Salle Commune. Chargé, comme d'habitude, d'une multitude de parchemins et de livres, Remus était toujours aussi maigre et pâle. James était cependant persuadé qu'il avait réussi à séduire une Sixième Année de Gryffondor, qui gloussait comme une dinde à la moindre de ses remarques. Le pauvre Remus était affreusement gêné quand James et Sirius lui en faisait la remarque, ce qui ne faisait qu'accroître leurs moqueries.
Peter se servit copieusement du fameux poulet – pour une fois, James n'avait pas menti, alors que ses amis pariaient sur le nombre d'heures de colle qu'ils allaient avoir cette année là. Le compteur était pour le moment à zéro, ce qui était un record. Leur plus belle performance avait été en cinquième année, lorsqu'ils avaient été collé dès le premier soir.
Cependant, au beau milieu de leur débat, Sirius décrocha soudain. James remarqua aussitôt sa fourchette qui restait à mi-chemin entre son assiette et sa bouche et il se dévissa le cou pour suivre le regard de son ami. Il aperçut deux chevelures blondes qui se dirigeaient vers la table des Serdaigles, l'une coupée court et l'autre tombant en longue boucles soyeuses dans le dos de sa propriétaire. Il émit un sifflement admiratif à l'oreille de son ami, qui sursauta. Il reporta aussitôt son attention sur ses amis, le visage rouge, et Remus et James éclatèrent de rire, imité par Peter.
- Alors Patmol, tu as trouvé une cible pour cette année ? Comment elle s'appelle ?
Sirius les considéra d'abord d'un air mauvais puis un lent sourire gagna ses traits :
- Je ne sais pas. Mais elle est mille fois plus jolie qu'Evans.
- Peuh. Tu n'as aucun goût, rétorqua James, non sans jeter un coup d’œil à l'intéressée, qui riait au spectacle de Val avec des radis plantés sur les dents. C'est laquelle ? Et d'où tu la connais d'abord ? Un laideron comme toi n'as aucune chance auprès d'une fille ne serait-ce qu'un peu jolie comme Evans.
- Celle aux cheveux longs. Oh, mais je ne la connais pas. Mais comme je suis bien plus doué que toi en matière de drague, je n'ai qu'une chose à dire.
Il retroussa les lèvres en un sourire carnassier, et acheva :
- La chasse est ouverte !
- Comment comptes-tu faire puisque tu ne la connais pas ? Interrogea timidement Peter.
- Je vais la connaître. Et même tout de suite.
Il se leva sous le regard sidéré de ses amis, qui se mirent à hurler de rire une fois le choc passé. Sirius, tentant vainement de réprimer un sourire, traversa la Grande Salle jusqu'à la table des Serdaigles et s'approcha des deux blondes. Elles se retournèrent et James s'aperçut que celle aux cheveux courts étaient Alice Mill, la copine de Londubat. Sirius engagea la conversation avec elle et son amie se détourna aussitôt pour se concentrer de nouveau sur son repas. James jeta un regard à Remus et vit qu'il avait autant envie de rire que lui. Sirius et Alice discutèrent encore un peu, puis le jeune homme se tourna vers l'autre blonde, qui lui jeta un simple regard, hocha la tête, et cessa une fois pour toutes de s'intéresser à lui. Sirius resta planté là, fixant toujours son dos, puis adressa encore quelques mots à Alice, qui avait l'air désolé pour lui, et revint vers ses amis. Ceux-ci attendirent en souriant qu'il dit quelque chose, mais il se contenta de s'asseoir, un petit sourire idiot sur les lèvres. Stupéfait, James passa une main devant ses yeux pour le faire revenir à la réalité.
- Hein, quoi ?
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Elles t'ont jeté un sortilège de confusion ou quoi ?
- Ethel. Et elle est vraiment sublime.
- D'accord... Ce n'était absolument pas ma question, pouffa James.
- J'ai très bien entendu ta question, rectifia Sirius avec un geste de la main, sans pour autant expliquer sa réponse à côté de la plaque.
- Et donc, relaya Remus en voyant que James était complètement perdu, tu lui as parlé ?
- Oh non. Elle m'a juste fait un signe de tête. Je crois que je ne lui fais aucun effet.
Il débita tout cela en souriant comme un benêt et se remit à manger avec appétit.
- Tu t'en fiches ?
Sirius haussa les épaules, avala sa bouchée, et répondit :
- Je crois qu'elle est tellement belle que je lui pardonnerai n'importe quoi.
Voyant l'air sidéré de ses amis, même de Peter qui s'étonnait rarement, il s'empressa d'ajouter :
- Et puis aucune fille ne me résiste !
James leva les yeux au ciel et puis s'extirpa du banc :
- Désolé les gars, mais j'ai du travail. A plus tard.
Alors qu'il s'apprêtait à partir, il croisa le regard d'Evans. Ils s'observèrent quelques secondes, puis Lily battit des paupières en rougissant – comme d'habitude – et reporta son attention sur ses amies. James sourit, soudain plus détendu, et entendit alors le rire de ses trois comparses.
- Tu es vraiment ridicule quand tu es amoureux, commenta Remus en baissant légèrement la voix. Et toi aussi Sirius. Je me demande comment Peter et moi allons survivre cette année.
- Trouvez-vous une copine, rétorqua James en lui ébouriffant les cheveux. Et ça ne me pose aucun problème d'être ridicule.
- Tant mieux, parce que ça fait cinq ans que ça dure.
- Voire six, renchérit Sirius, qui n'écoutait la conversation que d'une oreille, trop occupé à regarder Ethel, et n'avait donc entendu que la moitié de la réflexion de Remus.
- C'est vous que ça dérange, pas moi ! Lança James en s'éloignant à reculons, goguenard. Ce faisant il percuta quelqu'un et se retourna aussitôt pour s'excuser. Il gémit intérieurement en constatant qu'il s'agissait de McGonagall, qui le gratifia d'un regard sévère.
- Ce n'est pas parce que vous n'avez pas encore mis les pieds dans mon bureau, Mr. Potter, que vous pouvez vous croire rentrer en grâce. Je pense qu'il vous faudra au moins trente ans pour expier toutes vos bêtises.
- Trente ans ? Je serai plus que ravi de les passer à vos côtés, très chère Professeur. Malheureusement je crains que ma glorieuse destinée ne m'appelle sous d'autres cieux.
Comme à son habitude, McGonagall resta impassible face à son attitude désinvolte. James espérait la faire sourire avant la fin de sa scolarité, mais il avait peu d'espoir.
- Je plains les dit-cieux, Mr. Potter, rétorqua l'écossaise avant de se diriger vers la table des professeurs, plantant là un James médusé. Un sourire naquît finalement sur son visage et il repartit d'un pas léger vers sa Salle Commune. Il avait une lettre à écrire.
Chapitre deux
Lily faisait tout son possible pour ne pas entendre le bavardage de ses trois amies. Elle fixait obstinément le livre de sortilèges posé devant elle en tentant de comprendre ce que voulait dire l'auteur par « transurbation momentanée des qualités supra-sensibles et intra-corporelles du sujet ». Elle décida finalement de passer outre et continua sa lecture, jusqu'à ce qu'elle se mette sa cuillère dans la joue au lieu de viser sa bouche. Elle marmonna un juron en essuyant le porridge qui commençait à dégouliner dans son cou et pinça les lèvres en remarquant le soudain silence autour d'elle.
- Ça ne vous arrive jamais d'avoir un moment d'inattention ? Interrogea-t-elle d'un ton badin en espérant que ses amies n'éclateraient pas de rire.
Peine perdue. Toutes les personnes présentes dans la salle se tournèrent vers elles et Lily entreprit de se cacher derrière son livre. Heureusement le courrier jugea bon d'arriver à ce moment là et elle put refaire surface. Elle fit une nouvelle tentative pour ingurgiter son petit-déjeuner, sans lire cette fois-ci. Mais Merlin avait du décider qu'elle ne viendrait pas à bout de son porridge : un minuscule hibou s'écrasa dans son assiette, éclaboussant la jeune fille et son précieux manuel. Jenny poussa un hurlement hystérique, couvert par le bruit que faisait les volatiles, alors que Lily laissait échapper une franche bordée de jurons. Le hibou, quant à lui, tentait de s'extirper de l'assiette de la rousse. A sa patte était attachée la Gazette du Sorcier, à présent illisible. Lily tenta d'attraper l'oiseau pour limiter les dégâts mais il battait des ailes en hululant joyeusement, toujours englué. Finalement, agacée, elle sortit sa baguette et marmonna : « Stupéfix Il retomba comme une masse dans l'assiette dorée, en faisant jaillir le peu de porridge qui y restait.
Avec une grimace de dégoût, Lily détacha le journal et fit mine de le jeter sur Jenny. Puis, elle prit le hibou et interrogea, pleine d'espoir :
- Val, tu sais comment on nettoie cette chose ?
- Beurk, non, répondit-elle avec ne grimace. Les hiboux sont les volatiles les moins intéressants du monde. Mais réveille le, s'il te plaît, ça me fait de la peine de le voir comme ça.
- Mince. J'espérais que tu t'en occuperais. Et non je ne le réveillerai pas, sinon c'est pour moi que tu auras de la peine.
- Ou pas ! rit la jeune fille. Et tu vas devoir te débrouiller toute seule !
Lily soupira et se leva :
- Vous voulez bien prendre mes affaires ? Je vous retrouve aux cachots.
Elle quitta la Grande Salle, son oiseau toujours inerte dans les mains. Alors qu'elle se dirigeait vers la volière, elle fut pris d'un sentiment de culpabilité en se rappelant ce que Val avait dit, et réanima l'oiseau. Il tenta aussitôt de s'envoler, mais ses plumes pleines de porridge l'en empêchaient. Lily le rattrapa avant qu'il ne s'écrase au sol et le tint fermement entre ses mains, tout en consultant sa montre. Elle allait être en retard à cause de ce stupide oiseau, et en plus elle était couverte de porridge. O joie, O bonheur. La journée s'annonçait bien.
Elle monta aussi vite que possible les marches de la volière et ne put se départir d'un certain sentiment d'apaisement en arrivant au sommet. La petite tour dominait la lande derrière Poudlard, comme éloignée du monde, et le doux hululement des hiboux contrastait avec les hurlements habituels des élèves.
La jeune fille s'avança et se figea en apercevant un élève, debout près d'une des fenêtres. Sa haute taille et ses cheveux bruns en bataille le rendaient reconnaissable entre tous. James Potter ne l'avait pas entendue, occupé à fixer une lettre à la patte d'une chouette hulotte. Cependant étant donné le boucan que faisait le petit hibou dans ses mains, cela n'allait pas tarder. Hésitant encore sur le seuil de la pièce, elle en voulut soudain au jeune homme pour lui causer autant de tracas : pourquoi sa présence devait-elle autant lui importer ? Elle avait autant le droit que lui d'être là. D'un pas décidé, elle avança jusqu'à la vasque qui se trouvait au milieu de la volière. Alors qu'elle commençait à arroser le volatile tout en le tenant au-dessus du bassin, un bruit d'ailes se fit entendre. Distraite, elle s'absorba dans la contemplation de Potter qui observait sa chouette s'envoler à tire-d'ailes, les mains appuyées sur le rebord de la fenêtre. Le hibou de la Gazette profita de ce moment d'inattention pour tenter de s'échapper et planta ses serres dans la main de Lily. Celle-ci poussa un petit cri et le lâcha aussitôt. Elle se mit à sautiller d'un pied sur l'autre en secouant sa main douloureuse, tout en essayant de rattraper le hibou. Il lui fallut quelques instants pour se rendre compte qu'elle ne risquait pas d'aller très loin en procédant de la sorte mais lorsqu'elle s'en aperçut enfin, Potter avait déjà attrapé le rapace. Il souriait, goguenard.
- On ne peut pas tous avoir des réflexes d'attrapeur, lança-t-il en s'approchant d'elle.
- Si ça doit nécessairement s'accompagner de stupidité je crois que je préfère m'en passer.
- Je suis arrivé en septième année, alors ça de ne doit pas être si violent que ça. Qu'est-ce que tu voulais à cette pauvre bête ?
- Hé, ne dis pas ça que comme si je la martyrisais, c'est elle qui m'a griffée !
- Sans doute parce que tu la martyrisais, raisonna James, l'air très content de lui.
- Non. Et rends moi ce hibou, si tu es là seulement pour être désagréable.
Elle tendit les mains vers lui, bien décidée à se débrouiller sans Potter, mais il leva les bras en souriant de plus belle. Il était apparemment décidé, lui, à lui mettre des bâtons dans les roues. Quel imbécile ! C'était la première fois depuis cette scène au bord du lac qu'ils se parlaient autant, et Lily s'en serait bien passé. Elle détestait James Potter.
- Je suis toujours gentil et charmant voyons. Dis-moi juste ce que tu lui voulais et ensuite je le ferai. (Il grimaça) Enfin d'abord je vais le laver.
- Ah, tu n'es peut-être pas si bête que ça, commenta Lily en croisant les bras. C'est justement ce que je comptais faire.
- Avec un peu de chance ça n'a rien à voir avec mon intelligence et ce sont juste mes talents en divination qui s'éveillent enfin, après six années de dur labeur inutile à coups de feuilles de thé.
La jeune fille tenta de réprimer un sourire , mais c'était trop tard : James l'avait perçu. Il eut soudain l'air un peu plus joyeux et plongea énergiquement le hibou dans la vasque. Cela parut plaire particulièrement au volatile qui se mit à hululer en battant l'eau avec ses serres. Une moue perplexe se peignit sur le visage de Potter, et cette fois Lily grommela :
- Ce truc est insupportable. Je ne sais pas ce qu'ils font de leurs hiboux à la Gazette, mais j'ai du hériter du fond du fond.
- Je pensais que c'était le tien, remarqua-t-il. C'est bien un truc de filles d'avoir un mini-hibou.
- Beurk, les filles que tu fréquentent doivent avoir très mauvais goût. Ah mais oui, suis-je bête, puisque ce sont tes amies.
Il lui jeta un rapide coup d’œil et rétorqua :
- C'était facile ça, Evans. Figure toi que ce ne sont pas mes amies justement. Par Merlin ! Je vais lui couper la tête à ton hibou !
Celui-ci, presque entièrement débarrassé de son porridge, tentait de voler vers la liberté. Il avait encore le crâne couvert de nourriture, mais cela ne paraissait pas l'embêter. Potter abandonna finalement sa lutte acharnée contre l'instinct de survie et le hibou jaillit de ses mains comme une fusée, pour se prendre ensuite l'épaule d'une Lily prise au dépourvu. Elle n'en souffrit pas beaucoup, étant donné le gabarit du volatile, mais l'oiseau un peu plus. Qu'est-ce que c'était que ces oiseaux qui étaient apparemment incapables de faire trois mètres sans tomber ? La Gazette avait du le recruter dans un élevage de hiboux de cirque.
Elle le ramassa en se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir faire de cette calamité. Si elle le lâchait dans la nature, il ne reviendrait sans doute jamais à bon port. Une petite voix malicieuse lui chuchota que ce ne serait plus de son ressort mais une mini-Val courrait partout dans sa tête en l'accusant d'avoir abandonné le pauvre bébé-chou aux Focifères et aux Pitiponks.
- Evans ? Tu es tombée amoureuse du hibou ou quoi ?
- Hein ?
Elle cligna plusieurs fois des yeux, brusquement ramenée à la réalité.
- Je te demandais si tu étais tombée amoureuse de cette sale bête, répéta Potter en haussant les sourcils.
- Non, mais comme il m'est plus sympathique que toi je préfère le regarder. Et je me demandais ce qu'on allait bien pouvoir en faire.
- Mangeons-le, proposa-t-il avec un sourire carnassier, les yeux pétillants pour une raison qui échappait totalement à Lily. Ses souffrances seront finies.
- Très bien, je te laisserai te débrouiller avec SOS animaux, rétorqua-t-elle en se creusant les méninges. Si elle restait plus longtemps avec Potter elle allait faire une crise de nerfs.
- S... quoi ? Encore une référence moldue ?
- Comment ça « encore » ? J'en fais tant que ça ?
- Tu m'as parlé de Sherlock Holmes la dernière fois.
- Quand ça ? Je te rappelle qu'on ne s'adresse à peu près jamais la parole.
- En cinquième année.
- En cin...
Lily le dévisagea, sidérée.
- Et tu t'en rappelles encore ?
James haussa les épaules, mais il avait l'air un peu gêné.
- Bah oui, ça m'a interpellé. Bref, j'ai fini par trouver qui c'était. Alors, c'est qui SOS-Machin ?
La jeune fille lui expliqua en trois mots ce que c'était, ne parvenant toujours pas à s'en remettre. Pourquoi, par Merlin, Potter se rappelait-il aussi bien ce qu'elle lui avait dit deux ans plus tôt ?
- Mais en fait je parlais de Val, acheva-t-elle en tentant de se reprendre, c'est-à-dire d'arrêter de le fixer comme s'il avait un pingouin sur la tête.
- Argh. Ok, on annule l'opération brochette parce que cette fille est la plus tarée de toutes tes amies tarées.
- Elles ne sont pas tarées, protesta Lily.
- Bien sûr que si. Je suis sûr que c'est Val qui a eu l'idée de faire voler toutes les plumes des dortoirs des filles l'année dernière.
Lily leva les yeux au ciel
- Non, ça c'était moi.
James la dévisagea, stupéfait.
- Non ? Sérieusement ? C'était toi ? Tu as vidé les oreillers et pris les plumes de toutes les élèves ?
- Sois pas si étonné, je ne fais pas que travailler dans la vie. Et oui, on a absolument tout vidé. Avec un sort bien placé c'était rapide.
Le jeune homme pouffa et secoua la tête.
- J'en reviens pas. Le plus dégoûtant dans toute cette histoire c'est que vous avez tout rangé avant que McGonagall arrive.
- Qu'est-ce que tu crois, on est pas des bleus. Contrairement à toi.
- Je me fais rarement prendre, figure toi. Sauf quand tu t'en mêles.
- Je ne suis pas préfète en chef pour rien.
- Si McGonagall apprend tes exactions, tu risques de ne pas le rester très longtemps.
- Si tu me balançais elle ne te croirais même pas, rétorqua Lily.
Elle leva la main pour chasser une mèche de cheveux qui l'agaçait et, ce faisant, aperçut sa montre. Huit heures quarante. Oups.
- On est salement à la bourre ! S'exclama-t-elle, horrifiée, en amorçant un mouvement vers la porte de la volière.
- Hé, on se calme, lança le jeune homme. Déjà, ne bouge pas. Tu es couverte de porridge.
Avant que Lily ait pu dire quoique ce soit, il sortit sa baguette et donna un petit coup sec dans l'air. Elle ne savait absolument pas en quoi consistait ce sort, mais en tout cas c'était efficace.
- Euh, merci, lâcha-t-elle, légèrement interloquée par l'aide gratuite que Potter venait de lui apporter.
- Je t'en prie. Bien, qu'est-ce qu'on a comme cours ?
Lily tergiversa quelques instants, puis décida finalement qu'il avait droit à un geste bon de sa part :
- Bouge-toi, et ensuite je te répondrai.
James la suivit docilement dans les escaliers, qu'elle dévala quatre à quatre. Par Merlin, elle détestait être en retard !
Alors qu'ils traversaient le hall au pas de course, elle reprit :
- Je te ferai remarquer qu'on est rentré depuis trois semaines et tu ne connais toujours pas ton emploi du temps !
- Non. Alors, qu'est-ce qu'on a ?
- Potions. Heureusement que tu as été gentil, Slug t'épargnera peut-être aussi.
- Ce cher Slug... Est-ce qu'il t'a déjà demandé en mariage ?
- Oh la ferme, abruti.
Ils arrivèrent aux cachots, essoufflés. James s'apprêta à frapper mais Lily posa une main sur sa poitrine pour le repousser, toqua à la porte et prépara son plus beau sourire pour ce cher Slughorn. Après avoir débité toute leur histoire, elle alla s'asseoir, ignorant les regards stupéfaits de ses amis. Elle détestait Potter, n'est-ce pas ?
***
James était euphorique. Il s'était fait reprendre trois fois par McGonagall parce qu'il n'écoutait pas, s'était renversé de la sauce dessus pendant le déjeuner et venait de faire passer des essais désastreux pour l'équipe de Quidditch, mais il s'en fichait. La seule pensée de Lily disant « on » le réjouissait au plus haut point. La dernière fois qu'ils avaient été aussi proche, c'était en cinquième année, avant qu'il ne recommence à la draguer sans aucune finesse vers la fin de l'année. Puis il y avait eu cette terrible dispute au bord du lac. James avait cru que c'était fini, qu'elle avait tué les minces espoirs qu'il conservait... Comme d'habitude, il s'était trompé. Evans le fascinait toujours autant en sixième année qu'elle ne le faisait autrefois et ne cesserait jamais de le faire. Il avait continué à essayer de la faire rire mais elle se contentait en général de l'ignorer ou alors le collait. En somme, c'était la plus longue conversation qu'ils aient eu depuis leur cinquième année. Une dizaine de phrases à propos d'un hibou, quelques sourires et un petit service rendu. Une façon banale de démarrer une amitié, même si cela venait six ans trop tard. James ignorait si cela allait accrocher ou non, mais il comptait bien essayer. Cette fois, Evans ne lui filerait pas entre les doigts.
Les cheveux humides après une douche bien méritée, il descendit dîner. Ses amis, ces traîtres, avaient refusé de l'attendre en prétextant qu'il mettait toujours trois heures à prendre une douche. Ce qui était tout à fait faux.
Il les retrouva à table, riant aux éclats. Peter était en train de raconter, à coups de grands gestes et d'exclamations, une histoire à propos d'un sorcier malvoyant et d'une goule. Sirius était plié en deux, le nez dans son assiette, Remus effondré sur son épaule.
- J'ai l'air d'avoir raté quelque chose d'épique, commenta James en se glissant près de Peter, qui avait l'air très fier de lui.
- Oh ouais, t'as raté la meilleure histoire de l'année, répondit Sirius en poussant la tête de Remus de son épaule.
- T'en fais pas James, je te la raconterai ce soir, le rassura Peter joyeusement.
- Merveilleux ! Merci Queudver.
Le blond se contenta de sourire, ravi, puis interrogea avidement :
- Comment étaient les essais de Quidditch ?
- Absolument affreux. Il y avait une large majorité de filles qui étaient là juste pour glousser, apparemment, un Deuxième Année qui ne sait pas tenir sur un balai et un Cinquième Année qui avait peur de se salir.
- C'est tout ? Aucun n'était potable ?
- Si, une fille de Cinquième Année, mais elle s'est mise à me draguer quand je l'ai retenue alors ça m'a énervé, et je l'ai virée. Du coup il ne restait plus qu'un Quatrième Année qui manque un peu de pratique, mais je pense qu'il peut être vraiment bon. Par contre, il nous manque toujours un batteur.
- Tu prends ça vachement au sérieux, commenta Remus en mordant dans une pomme.
- Tu me le reproches ? Sourit James en se servant de frites. Les trois garçons ne l'avaient pas du tout attendu pour manger. Si on perd la Coupe cette année, McGonagall va faire en sorte que je ne quitte pas Poudlard vivant.
- Ah, ne parle pas de quitter Poudlard, pitié, supplia Lunard en grimaçant. Ça va être terrible.
- Oh le bébé-chou, il veut pas quitter sa maison ! Se moqua Sirius.
- Tu sais très bien pourquoi ce sera terrible, rétorqua son ami en le fusillant du regard.
- Oh allez, je plaisante Lunard, calme-toi.
Ils commencèrent à se chamailler et James saisit son assiette pour reprendre des frites. L'entraînement l'avait affamé alors qu'il n'avait même pas volé. La conclusion de cette histoire, c'était qu'être capitaine de Quidditch était à se flinguer.
Il baissa les yeux sur son assiette pour y mettre de la nourriture et …
- Aaaah !
L'assiette retomba en cliquetant contre la table alors que James la regardait avec des yeux hallucinés. Sans se rendre compte que ses amis le dévisageaient comme s'il était devenu fou, il posa prudemment ses doigts sur la vaisselle et retint son souffle lorsque les lettres dorées apparurent de nouveau.
« Quinze octobre la dame au chapeau pointu »
. D'abord surpris, James ne ressentait plus à présent que le frisson de l'aventure. Tout excité, il regarda le message disparaître, se creusant déjà les méninges. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Y avait-il un fantôme avec un chapeau pointu ou bien...
- Euh, James ? Tout va bien ?
Il braqua son attention sur Sirius, qui le considérait comme un psychiatre observant un fou potentiellement dangereux.
- Il vient de se passer un truc de dingue. J'ai...
Le jeune homme s'interrompit brusquement en sentant sa langue se coller à son palais. Il ne lui fallut que quelques instants pour comprendre : « Langue de plomb ».
La sensation passa et James marmonna à voix haute, de plus en plus intrigué :
- Langue de plomb. Ouah, c'est la première fois que je le subis, c'est vraiment pas agréable.
Remus et Peter joignirent leur expression intriguée et assez effarée à celle de Sirius. James haussa les épaules et recommença à manger en toute insouciance.
- Me regardez pas comme ça, je ne peux pas vous expliquer de toute façon.
- J'ai l'impression que cette conversation n'a pas grand sens, commenta Peter à voix basse.
- Elle n'en a même aucun, renchérit Remus.
James cessa de prêter attention à ce qu'ils racontaient. Il cherchait mentalement une dame au chapeau pointu mais ne trouvait rien. Et, par Merlin, d'où venait ce message ? Pourquoi sur son assiette ? Et pourquoi le sortilège de Langue de plomb ? Le message était apparu lorsqu'il avait touché la vaisselle, donc il devait lui être destiné à lui seul, sinon il aurait été visible dès le début du repas. Que pouvait-on lui vouloir ? Pourquoi le quinze octobre, et pas tout de suite ? Il avait l'impression d'être dans un jeu d'énigmes, un peu comme dans ces histoires de Sherlock Holmes qu'il avait lu durant l'été, à cause d'Evans.
Un juron étouffé le tira de ses réflexions et il fronça les sourcils en direction de Sirius, qui clignait des yeux devant son assiette. Il tourna la tête vers son ami et fit simplement :
- C'est bizarre. Très, très bizarre.
***
- Cet endroit est vraiment devenu déprimant, commenta Jenny en jouant distraitement avec ses haricots verts.
- Quoi, Poudlard ? Interrogea Margaret avant d'avaler ses frites.
- Non, le Groenland.
Lily promena son regard sur la Grande Salle et dut s'avouer que Jenny avait raison.
- Toutes ces places vides, c'est terrible, fit-elle.
- Ouais. Même Potter et Black ont arrêté de faire n'importe quoi. Où va le monde, je vous le demande.
- Oh, ça m'étonnerais qu'ils aient arrêté pour longtemps.
L'expression distraite de Jenny s'effaça pour faire place à un gros sourire et elle s'exclama :
- Mais c'est vrai que vous êtes meilleurs amis maintenant !
- Jenny, tu es insupportable ! Je t'ai déjà expliqué que tout ce que j'ai raconté à Slug est vrai ! On ne se roulait pas un patin dans un placard !
Val et Margaret pouffèrent et la rousse les fusilla du regard.
- Lily, rit Jenny, quand vas-tu comprends que ça ne sert à rien de te défendre ? Tant que Potter sera dans les parages à te regarder quand tu passes, je ne te lâcherai pas !
- Jenny, Jenny, Jenny... soupira Lily, tu n'as pas changé depuis qu'on est entrées à Poudlard.
- Eh non ! Merveilleux, hein ? Je trouve que la constance est une valeur plutôt pas mal par les temps qui courent.
- Je suis entièrement d'accord, lança une voix indubitablement masculine derrière la blonde.
Lily sentit son visage se vider de son sang et leva lentement les yeux du visage de son amie, qui semblait sur le point d'exploser tant elle avait envie de rire. La jeune fille n'aperçut que le dos de Potter, qui s'éloignait en compagnie de ses amis, mais c'était largement suffisant pour la faire mourir de honte. Aucun doute qu'il avait tout entendu. Il tourna alors la tête vers elle, un petit sourire indéchiffrable sur les lèvres, puis disparut derrière les portes.
- Jenny. Je vais t'étriper.
- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que cette situation se répète en permanence ? Gloussa la coupable.
- Parce que tu parles en permanence de Potter ! Je parie que tu es encore amoureuse de lui.
- Peuh, bien sûr que non. Je préfère les hommes plus mûrs.
Lily la dévisagea, légèrement interloquée, jusqu'à ce qu'elle agite les mains devant son nez :
- Eh ! Je rigole ! On se détend la préfète !
- Tu es vraiment hyper bizarre comme fille, commenta Lily. Et …
Elle fut interrompu par un soudain raclement de chaise juste à côté d'elle. Surprise, elle dévisagea Margaret qui regardait son assiette comme si elle allait la mordre. Prudemment, elle en approcha les doigts et sembla cesser de respirer.
Lily consulta ses deux autres amies du regard et s'aperçut que Jenny était dans le même état que Margaret.
- Val ? Murmura-t-elle. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Aucune idée. Tu crois que les assiettes ont des pouvoirs hypnotiques ?
- Ça m'étonnerait.
- Les filles, est-ce que vous connaissez le...
La voix de Magaret s'interrompit brusquement et elle sembla chercher son souffle quelques instants, les yeux écarquillés. Le malaise passa et elle balbutia :
- Je ne comprends pas ce qu'il se passe...
- Maggy, tu as vu les...
Comme Margaret un instant plus tôt, Jenny fut incapable de continuer sa phrase. Lily, taraudée par la curiosité et une certaine excitation, baissa les yeux sur son assiette. Apparemment, tout venait de là. Elle approcha sa main et la posa dessus. Aussitôt des lettres apparurent sur le pourtour :
« Douze octobre, Par une froide nuit d'été ».
La jeune fille releva le tête et son regard passa de Jenny à Margaret, qui discutaient du sortilège de Langue de plomb. Aussi resta-t-elle silencieuse, l'esprit en ébullition : qu'est-ce que tout cela pouvait bien vouloir dire ?
Chapitre trois
James avait beau se creuser les méninges, il ne comprenait pas qui la dame au chapeau pointu pouvait bien être. Il observait tous les fantômes du château depuis trois jours, et avait même interrogé Nick-quasi-sans-tête. En vain, évidemment, puisqu'il l'avait appelé par son surnom et non son titre. Nick était très susceptible à ce propos.
Le jeune homme vit donc le mois d'octobre arriver avec frustration, terrifié à l'idée de rater ce qui l'attendait le quinze octobre. Il flairait là la grande aventure et n'avait aucune envie de passer à côté.
Cependant octobre cesse bien vite d'être de mauvaise augure. Lorsque James et ses amis entrèrent dans la Salle Commune après les cours, ils trouvèrent un attroupement devant le panneau d'affichage. James se haussa sur la pointe des pieds, persuadé qu'il s'agissait juste de la première sortie à Pré-au-Lard. Cependant la première chose qui lui sauta aux yeux fut : « Bal d'Halloween ».
Il l'annonça en gloussant à ses amis et continua sa lecture sans prêter attention à leur réaction. « A l'occasion de ce bal des cours de danse sont proposés une fois par semaine jusqu'au 31 Octobre, par séance de deux heures. Les Quatrième années auront cours le lundi, les Cinquième années le mardi, les Sixième années le mercredi et les Septième années le jeudi. »
- Ce n'est autorisé qu'à partir de la quatrième année ? S'étonna Remus.
- Ouais, mais les petits ont autre chose prévu pour la journée du 31, expliqua Sirius en louchant vers la gauche du panneau. Apparemment ils vont bien s'éclater pendant qu'on travaillera, avant d'aller se remuer sur de la musique des années 10.
- T'es jaloux Patmol ? Rit James. Tu préfères faire une chasse au trésor qu'avoir une occasion de danser avec Ethel ?
Sirius plissa les yeux et sembla reconsidérer la question. Finalement, un sourire naquit sur ses lèvres. Remus haussa un sourcil et commenta :
- Si cette fille peut même te convaincre de danser c'est que t'en es vraiment mordu.
Le coin des lèvres de Sirius se contracta légèrement :
- Tu te rends compte du jeu de mots que tu viens de faire ?
Ses trois amis, après un temps d'incompréhension totale, éclatèrent de rire.
- Et pour que j'aille danser, il faudrait déjà qu'elle accepte. Le problème c'est que je ne lui ai parlé qu'une fois et elle m'a salement snobé.
- Je suis le seul à trouver ça drôle que ce beau gosse de Patmol se fasse repousser par la seule fille qui l'aie jamais vraiment intéressé ? interrogea James.
- Dit celui qui court après la même fille depuis six ans ! C'est l'hôpital qui se fout de la charité, Cornedrue. Oh, tiens, salut Evans !
James fit volte-face pour chercher la rousse du regard mais fut vite déçu. Derrière lui, Sirius éclata de rire. Le jeune homme se tourna lentement vers son ami et commenta :
- T'as intérêt à courir vite.
Sirius partit comme une flèche, poussant les élèves et les meubles sans faire aucune distinction entre les deux, et James s'élança à sa suite. Il bondit par-dessus une chaise que Sirius venait d'envoyer valdinguer, et fonça dans le couloir. Il éclata de rire en le voyant se prendre un mur en tentant de tourner et rit un peu moins lorsqu'il lui arriva exactement la même chose. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher de sourire : il allait l'étriper.
***
Lily profita un instant des rayons du soleil, postée sur le pas de la porte d'Hagrid, puis se décida finalement à frapper.
Des aboiements firent alors résonner la petite cabane de bois et Lily fit aussitôt un pas en arrière. Est-ce que Hagrid s'était transformé en chien, ou bien avait-il été avalé par l'une de ses bêtes préférées ?
La voix du garde chasse ne tarda cependant pas à se faire entendre :
- Couché Crocdur ! Couché !
La porte s'ouvrit sur le grand sourire du garde-chasse, qui tenait par le collier un chien faisant la taille d'un bébé Saint-Bernard et qui était très agité. Il essayait d'échapper à la poigne d'Hagrid pour se ruer sur Lily, et elle se demanda si c'était une bonne chose pour son espérance de vie ou non.
- Entre Lily ! Je vais te présenter Crocdur !
- Euh... D'accord, marmonna la jeune fille en passant prudemment devant eux, priant pour que le chien ne lui bouffe pas un morceau de mollet au passage.
Dès que la porte fut refermée, Hagrid lâcha la bête. Avant que Lily aie pu émettre une objection, le chien se rua sur elle et commença à lui lécher frénétiquement le visage. Elle éclata de rire, une fois remise de se stupéfaction.
Hagrid vint à son secours et garda Crocdur sur ses genoux. Celui-ci se calma presque aussitôt, se roula en boule et s'endormit.
- Les bébés ont besoin de beaucoup de sommeil, commenta Hagrid en souriant tendrement.
Lily avait un doute quant au fait d'appeler cela un « bébé » mais elle s'abstint de le dire.
- D'où vient-il ?
- Il y a un marché aux animaux à Londres une fois par an, je ne comptais rien acheter mais... Il était si mignon, roucoula-t-il.
- Je vois... Si c'est un bébé, je présume que ce n'est pas sa taille adulte ?
- Oh non ! Je ne sais pas exactement à quoi il ressemblera, mais il sera beaucoup plus grand. Enfin la taille importe peu, puisqu'il est très gentil. Un peu de thé ?
Lily vit qu'il s'apprêtait à soulever le chien – en était-ce un, d'ailleurs ?, menaçant de le réveiller, aussi s'empressa-t-elle de se lever. Hagrid la remercia alors qu'elle posait des tasses sur la table, et commença à discuter du temps, de Crocdur et des citrouilles. Elle servit finalement deux tasses fumantes puis s'assit, plaçant ses deux mains contre la sienne. Elle se laissa aller au fond de sa chaise, savourant la chaleur du récipient et tout le bien-être qui émanait de cet endroit.
- En parlant de citrouille, reprit-elle, est-ce que vous savez pourquoi il y a ce bal ?
- Eh bien, pour s'amuser, non ? répondit Hagrid d'un ton un peu trop détaché.
- Je ne savais pas que le but de cette école était qu'on s'amuse.
- Une fois n'est pas coutume ! Pourquoi cette question, ça ne te fait pas plaisir ?
Il avait l'air sincèrement déçu, ce qui fit sourire Lily.
- Si, bien sûr. Seulement je ne comprends pas pourquoi il y a ce bal qui sort de nulle part, qui plus est avec des cours. On va perdre un temps fou sur notre travail.
- Lily, tu es brillante. Tu auras tes ASPICs sans problème.
- Merci Hagrid, rit la jeune fille avant d'avaler une gorgée de thé. Admettons que ce soit vrai pour moi, ça ne l'est pas pour tout le monde.
Le garde-chasse se tortilla sur sa chaise, puis finit par dire :
- Eh bien, le professeur Dumbledore a pensé que ce serait bien d'introduire un peu de joie dans ce château, par les temps qui courent.
- Ca ne m'étonne pas que ce soit son idée. Je suis sûre que McGonagall était contre.
- A ta place je n'en serais pas si sûr.
Lily faillit en recracher son thé : McGonagall était capable de s'amuser ?
- Sérieusement ?
- Attends un peu de voir qui va vous donner les cours !
Cette fois, Lily s'étouffa.
- McGonagall ? Non, vous vous moquez de moi !
Hagrid gloussa tout en grattant les oreilles de Crocdur.
- Pas du tout.
- Si vous m'annoncez qu'elle danse avec Slughorn ce sera la fin d'un mythe.
- Oh il lui arrivé de danser avec lui je pense, répondit-il, songeur. En fait la dernière fois que je l'ai vu danser, c'était à l'anniversaire du professeur Dumbledore, il y a deux ou trois ans.
- Quoi ? Dumbledore fête son anniversaire ?
- Bien sûr ! Pourquoi est-ce qu'il ne pourrait pas ?
Lily gloussa en imaginant tous les professeurs de Poudlard en train de faire une soirée pyjama dans le bureau du directeur.
- Je ne sais pas moi, il est...vieux. Est-ce qu'il y avait des ballons ?
- Vieux ? Tu dis ça parce que tu ne le connais pas, rit Hagrid. Évidemment qu'il y avait des ballons, et des cornets surprises. Et des chapeaux pointus. Il adore tout ce genre de choses.
- Dis donc. Moi qui le prenait pour quelqu'un de sérieux. Et vous, est-ce que vous avez dansé avec McGonagall ?
- Oui, une valse je crois. Après ça, elle m'a proposé de me donner des cours. Mais et toi Lily, avec qui vas-tu aller au bal ?
La jeune fille rougit légèrement. C'était le sujet fâcheux du jour : Jenny en parlait depuis qu'ils avaient appris qu'il y aurait un bal. Elle avait passé en revue à peu près tous les garçons de sixième et septième années, cherchant ceux qui seraient assez bien pour elle et ses amies.
- Je n'en sais rien. Je ne suis pas sûre que j'y aille accompagnée.
- Mais tu ne pourras pas danser si tu n'es pas accompagnée !
- Oh, je suis sûre que Margaret ou Val m'accorderont une danse !
- Et pas Jenny ? interrogea Hagrid en fronçant les sourcils.
Lily sourit. Il devait craindre qu'elles se soient disputés. C'était bien Hagrid, toujours attentif à l'humeur de son interlocuteur.
- Si, sans doute, seulement elle n'aura aucun mal à trouver un cavalier.
- Toi non plus.
Un sourire espiègle étira les lèvres de Lily.
- Ce n'est pas parce qu'un garçon aura envie d'y aller avec moi que j'aurai envie d'y aller avec lui.
- Tu es cruelle, Lily. Je suis sûre que tu brises le cœur de plein de garçons.
- Oh, non ! Et puis je n'ai pas dit que je refuserai. Ils n'ont qu'à tenter leur chance, on verra si je suis de bonne humeur.
Hagrid se leva alors pour remettre de l'eau à chauffer, mais il avait complètement oublié Crocdur. Le chien sauta de ses genoux sur le table, réveillé en sursaut, et glissa sur le bois vernis, sans que Lily ou Hagrid puissent l'arrêter, trop stupéfaits. Il renversa la théière et la tasse de Lily avant de sauter sur celle-ci. Elle eut l'impression de recevoir un boulet dans le ventre et tenta d'échapper à la peur dévastatrice du chien, qui essayait apparemment de disparaître sous son pull. Hagrid finit par l'attraper entre ses grosses mains et le souleva, libérant la jeune fille. Un bout de son pull partit avec les griffes de Crocdur. Elle leva les yeux vers le garde-chasse, qui avait l'air absolument désolé, puis son regard passa sur les quelques miettes qui restaient du service à thé. Elle tenta de se retenir, mais dû vite s'avouer vaincue : on ne peut pas contenir un fou-rire.
***
Les cours de danse commençaient dans deux jours. James avaient hâte de savoir ce que ça allait donner. Ce qui était encore mieux, ce que les professeurs avaient promis de leur donner moins de devoirs étant donné qu'ils auraient un peu moins de temps pour travailler.
Le jeune homme se hâtait dans les couloirs pour rejoindre la Salle Commune après un court séjour à la bibliothèque pour trouver un livre de potions. Il réfléchissait au devoir qu'il avait à finir tout en laissant son regard errer sur les tableaux.
- Potter !
Il sursauta légèrement, tiré de ses pensées, et se retourna pour faire face à une McGonagall échevelée qui se dirigeait à grands pas vers lui.
- Ce n'est pas moi, professeur ! J'étais à la bibliothèque !
- Mais de quoi est-ce que vous parlez ? s'agaça-t-elle.
- Quoi ? Vous ne venez pas pour me coller ?
- J'ai d'autres fonctions dans cet établissement que vous courir après. Enfin pour vous coller du moins. Non, c'est plus grave : un des batteurs de Poufsouffle s'est cassé le bras aussi ont-ils déclarés forfait. Nous jouons samedi contre Serdaigle.
L'information mit un certain temps à aller jusqu'au cerveau de James, tellement il était à mille lieux de penser qu'une telle chose allait lui tomber dessus. Enfin, il balbutia :
- Same... C'est hors de question, on a qu'un seul batteur ! Et on a même pas commencé les entraînements !
- Eh bien dépêchez-vous d'en trouver un, Potter !
Et elle le planta là.
Ils étaient mal. Mais alors, vraiment très mal.
Oubliant totalement son devoir de potion, James se rua jusqu'à la Salle Commune et beugla :
- Je veux toute l'équipe sur le terrain dans un quart d'heure ! Pas de protestations, y a urgence !
Tout le monde se mit à parler en même temps dans la salle mais James n'y prêta pas attention. Il se jeta sur Sirius, qui travaillait jusque là sagement dans un fauteuil, et l'attrapa par le col de son t-shirt pour le secouer dans tous les sens.
- Il-me-faut-un-batteur-pitié-aide-moi-s'il-te-plaît-joue-au-poste-de-batteur-pitié-pitié-pitié !
- Aaaaah! Lâche-moi !
James s'exécuta. Sirius était sa seule chance de salut, alors il ferait tout ce qu'il lui demanderait jusqu'à la fin de leur vie s'il voulait bien les aider.
- Bon. Qu'est-ce qui se passe ?
James n'eut pas l'occasion de lui expliquer parce que les autres membres de l'équipe, l'ayant repéré sans trop de mal, s'agglutinèrent autour d'eux en vociférant pour avoir des informations. Leur capitaine, mit à bout de nerfs en un temps de record de trois minutes, finit par exploser.
- LA FERME !
Tout le monde se tut aussitôt, pas seulement autour de lui mais dans toute la salle.
- On joue samedi.
Si la situation n'avait pas été aussi désespérée, James se serait sans doute amusé de la façon dont trois mots peuvent faire passer les gens d'un sentiment à un autre plus facilement qu'un long discours. Les trois joueurs présents, puisque les deux cinquièmes années du lot étaient à leur cours de danse, le dévisagèrent, la bouche grande ouverte.
- Je sais. Alors maintenant vous allez chercher vos affaires et on se retrouve sur le terrain dans DIX MINUTES !
Il n'avait pas eu l'intention de hurler les derniers mots mais rester calme pendant une minute était actuellement son grand maximum.
Ernie, tout juste recruté, Héléna et Martin se précipitèrent vers les dortoirs sans demander leur reste.
James prit une profonde inspiration et se tourna de nouveau vers son ami.
- Pitié ?
- Je veux bien, fit Sirius en haussant les épaules, mais ça ne t'apportera rien. Je te rappelle que je n'ai pas été pris aux essais en quatrième année.
Cornedrue dû faire un énorme effort sur lui-même pour ne pas se remettre à hurler. Sirius était persuadé qu'il était mauvais joueur de Quidditch depuis qu'il avait été recalé. Il avait seulement eu affaire à plus fort que lui.
- Te fous pas de moi, tu t'es énormément amélioré depuis. Pitié pitié pitié !
- Ok ok ! Mais ne viens pas te plaindre quand tu te prendras un cognard parce que je n'ai pas réussi à l'avoir.
- Merci !
James saisit son visage entre ses mains pour lui planter un bisou sur le sommet du crâne, avant de se précipiter à son tour vers les dortoirs. Ce serait dommage qu'il soit en retard.
En quittant la salle commune au pas de course, il faillit percuter Remus qui arrivait de la bibliothèque. Avant qu'il ait pu dire quoique ce soit, James s'écria :
- Lunard ! Anne Shirley et Elphias MacLagan, tu vois qui c'est ?
- Euh, oui mais...
- Ils sont en cours de danse, trouve les quand ce sera fini et envoie les sur le terrain de Quidditch fissa. Et je me contrefous qu'ils n'aient pas dîné !
Sans attendre de réponse, il disparut dans l'escalier.
Il était vingt-deux heures trente. La salle commune était vide, à l'exception de sept élèves exténués. James regarda tour à tour les membres de son équipe, incroyablement fier d'eux. Ils étaient restés sur le terrain près de quatre heures, sans avoir dîné, mais ils avaient tenu le coup.
Ils avaient tiré une table près du feu et avaient lutté contre le sommeil pour avaler les restes du dîner que les elfes avaient donné à James. Héléna avait fini par abandonner au milieu de son éclair au chocolat et somnolait sur l'épaule d'Anne. Elles étaient les seules filles de l'équipe, et c'était sans doute pour ça qu'elles avaient toutes deux un caractère bien trempé. Les cheveux bruns d'Héléna glissèrent sur son visage et elle grogna avant de les repousser. Anne dégustait son dessert, imperturbable. Des mèches blond foncées s'échappaient de sa tresse. Elle avait arrêté de se recoiffer après une heure d'entraînement. A côté d'elle, Martin louchait sur l'éclair au chocolat abandonné dans l'assiette d'Héléna. Les cheveux châtains tirant sur le roux avec un nez en trompette, il avait tout du lutin. Et il y ressemblait encore plus lorsqu'un air malicieux éclairait ses traits comme à cet instant. Il tendit la main vers l'assiette de la poursuiveuse mais Anne lui donna une tape sèche sur les doigts en fronçant les sourcils. Il fit une grimace puis, sans crier gare, lui enfonça l'index dans les côtés. Elle poussa un petit cri en se tortillant, ce qui fit se redresser Héléna. Martin en profita pour attraper le gâteau et l'enfourna avant qu'Anne ait pu le reprendre. Une expression de satisfaction béate se peignit sur son visage. James était persuadé que ce qui lui faisait le plus plaisir, c'était d'avoir embêté les deux filles. La brune cligna plusieurs fois des yeux, tirée de sa sieste, puis laissa retomber sa tête sur l'épaule de son autre voisin, à savoir Ernie. Il devint aussitôt cramoisi, alors qu'il était blanc comme un linge depuis au moins deux heures. Le Quatrième année s'était démené pour se montrer à la hauteur. Il allait être encore un peu faible pour le match, mais Héléna et Martin compenseraient sans problème. Et James avait une totale confiance en Ernie : il ferait tout ce qu'il pourrait pour aider son équipe.
Près du capitaine se trouvaient les pieds de Elphias. Renversé dans sa chaise, il fixait le plafond, les bras croisés derrière la tête. De l'autre de côté de James, Sirius se massait les bras, les yeux dans le vague. Ils avaient passé quatre heures à se renvoyer un cognard, de plus en plus fort et vite, et sur une distance de plus en plus longue. Sirius s'en sortait pas mal, mais James attendait de le voir en condition de match, tout comme Ernie.
Il s'éclaircit la gorge – il avait passé l'entraînement en vol stationnaire, s'époumonant autant qu'il pouvait – et annonça d'une voix éraillée :
- On se retrouve demain à dix-huit heures trente.
Les six joueurs levèrent la tête vers lui et Martin interrogea d'un ton nonchalant :
- Quand est-ce qu'on travaille, Héléna et moi ? On a ce stupide cours de danse avant le dîner.
- Je ne vous garderai que deux heures, trois au grand maximum.
Devant leur air sceptique, il ajouta :
- Promis.
Martin s'étira en hochant la tête puis se leva :
- Bonne nuit à vous. Rêvez bien de Souaffle et de Poufsouffles à dégommer.
- Merci pour ces encourageantes paroles, marmonna Anne. J'ai encore un devoir de métamorphose à finir.
- T'en fais pas pour ça, la rassura James. J'irai voir McGonagall demain pour lui expliquer.
- Et ça va marcher ?
- Elle ferait n'importe quoi pour qu'on ait la coupe. A ton avis, pourquoi je me suis retrouvé capitaine de l'équipe alors que je suis, je cite « l'élève le plus insupportable que Poudlard ait connu depuis sa création » ? Par contre si on se plante, on prendra tous cher.
- Ca aussi, c'était encourageant. Merci les mecs, vous êtes vraiment utiles.
- C'est pour te faire comprendre de façon tout à fait subtile que si tu ne gardes pas bien tes buts tu te ferais tuer, expliqua aimablement Martin, avant d'esquiver de justesse la tape qu'Anne voulut lui asséner sur le crâne.
- Il n'a pas tout à fait tort, reprit James, mais ça vaut aussi pour lui. Si tu laisses un Poufsouffle prendre le souaffle, ce sera de ta faute.
Anne tira la langue au poursuiveur avant de se lever.
- Bonne nuit. James, je compte sur toi. Quoique, si je meurs avant le match vous pourrez peut-être déclarer forfait.
- Oh ouais ! Tuons-la !
Cette suggestion venait bien évidemment de Martin, qui la jeta sur son épaule avant qu'elle ait pu faire un mouvement. Elle se mit à piailler alors qu'il faisait mine de la jeter dans le feu. Il finit par la reposer, ce qui parut être une assez mauvaise idée lorsqu'elle lui donna un coup de pied dans le tibia.
Sirius gloussa et salua son tour l'équipe avant de monter d'un pas lourd l'escalier. Il fut bien vite suivit par Elphias, puis par Ernie. James l'arrêta lorsqu'il passa devant lui et sourit :
- Tu as été super, Ernie. Si tu as le temps demain, essaie de t'entraîner à attraper de petits objets avec un ami. Je sais bien que tu n'es pas attrapeur, mais si tu veux pouvoir aller vite, il faut que tu sois précis. Ok ?
Ernie hocha la tête aussi énergiquement qu'il le pouvait et son capitaine lui donna une petite tape dans le dos.
- Repose-toi bien. Tu vas assurer.
Le visage du jeune homme reprit quelques couleurs et il monta d'un pas un peu plus léger l'escalier.
Martin, qui avait fini de faire semblant d'avoir mal, s'esquiva avant qu'Anne ait pu le martyriser plus longtemps. La blonde marmonna quelque chose à propos des moldus qui auraient mieux fait de brûler tous les roux quand ils pensaient qu'ils étaient tous alliés au diable et commença à empiler la vaisselle sale.
- Anne ! T'inquiète pas, va te coucher. Mais merci, c'est gentil.
Une expression soulagée traversa le visage de la jeune fille. Elle sourit et tira Héléna par la bras. Privée d'oreiller, sa tête était retombée sur sa poitrine.
- Allez, réveille-toi mon gros lardon ! l’admonesta Anne.
- Oui oui, j'arrive. Garde-moi une tartine.
- C'est bien Héléna. Tu as tout compris.
Elles montèrent les escaliers en continuant leur discours sans queue ni tête, Héléna continuant apparemment à somnoler.
James sourit et reprit le travail qu'Anne avait commencé. Lorsqu'il eut tout rassemblé, il saisit la pile et se dirigea vers la sortie. Ou du moins il l'aurait fait si la table n'en avait pas décidé autrement. Il trébucha contre les pieds et la vaisselle s'écrasa au sol avec fracas, vite suivie par James. Le nez dans un reste de haricots verts, il marmonna : « Aïe ». Il roula sur le dos sans prêter attention au couverts répandus autour de sa tête et fixa le plafond cramoisi de la pièce. Il allait rester là et se faire écraser par les élèves demain matin. Comme ça, il n'aurait pas à affronter le match. Oui, il allait faire ça.
- Potter ?
Le jeune homme fronça les sourcils en se demandant qui pouvait bien troubler sa paisible mort. Il se redressa sur un coude et aperçut Evans sur la première marche de l'escalier, enroulée dans un pull dix fois trop grand pour elle.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'ai failli engueuler Anne et Héléna parce qu'elles gloussaient dans les couloirs et elles m'ont répondu de voir ça avec toi.
« Les traîtresses », songea James avant de se laisser retomber dans ses haricots verts.
- Match de Quidditch samedi, pas d'entraînement, pas de batteur, beaucoup de choses à faire, gros dodo. Ca te va ?
- Non.
Elle se trouva bientôt au-dessus de lui et s'étonna :
- Vous avez dîné ici ?
- Ouais. Figure-toi que le service s'arrête à dix-neuf heures trente en bas.
- Quand on est trop fatigué pour mettre de l'ironie dans son ton, on en fait pas.
James allait rouler des yeux agacés, mais elle fit un truc complètement dingue. Elle lui tendit la main, le visage neutre.
Il fut tellement stupéfait qu'il ne songea même pas à lui répondre qu'il escomptait mourir ici. Il se leva et parvint à lâcher, un peu remis du choc :
- Euh... Merci.
- Dis donc. Je crois que c'est le première fois de ma vie que je t'entends dire ça, commenta Lily, narquoise.
Il esquissa un sourire.
- C'est ma mère qui m'a appris.
Le pire, c'est qu'en un sens c'était vrai.
- Alors ta mère est quelqu'un de très bien.
Elle sortit alors sa baguette, fit un petit mouvement vers la vaisselle, et James se retrouva avec une pile d'assiette et de couvert dans les mains.
- Tu as des haricots dans les cheveux, l'informa Lily avant de se retourner pour remonter se coucher.
Avant qu'elle ne disparaisse, James lança :
- Encore merci !
Elle s'arrêta et tourna légèrement la tête vers lui :
- Fais gaffe, tu pourrais en faire une habitude.
Chapitre quatre
Les élèves savaient déjà que les cours de danse avaient lieu dans la salle de défense contre les forces du mal, puis qu'ils n'y avaient plus cours depuis le début de la semaine. Les Septièmes Années attendaient donc devant la porte à seize heures trente précises. Les filles avaient l'air surexcitées, les garçons un peu moins. Lily l'aurait sans doute été, s'il n'avait pas eu la perspective de passer deux heures dans la même salle que Severus. Ils n'avaient plus de cours en commun depuis leur sixième année, ce qui arrangeait bien la jeune fille. Quant à se croiser dans les couloirs, Severus avait déjà perfectionné l'art de l'éviter en cinquième année. Mais cette fois elle le voyait au milieu des Serpentards, bavardant avec ses amis. Leur maison était de plus en plus détestée, raison pour laquelle ils se tenaient un peu à l'écart des Serdaigles, Poufsouffles et Gryffondors, rassemblés en un joyeux mélange.
Lily se concentra de nouveau sur ce que racontait Jenny, à propos de robes et de chaussures. C'était moins dangereux que penser à Severus.
Enfin, la porte s'ouvrit et les élèves entrèrent d'un pas nonchalant. Lily se retint difficilement de rire en constatant que Hagrid n'avait pas menti : c'était bien McGonagall qui assurait les cours.
La salle avait été vidée de ses tables, et seules restaient des chaises alignées le long des murs. Ils s'installèrent, les Serpentards relégués d'un côté.
McGonagall se plaça au centre de la pièce, près d'un ph
onographe
, et le silence se fit aussitôt. Tous craignaient la colère de l’Écossaise.
- Bienvenue, jeunes gens. Un bal aura donc lieu à l'occasion de la soirée d'Halloween. Ayant déjà entendu des plaintes, je vous rassure : le banquet aura lieu.
Un soupir de soulagement parcouru les rangs, et elle reprit :
- Nous avons décidé d'organiser ces cours de danse, car il semble que vous n'y connaissiez à peu près rien en matière de danse. Or, comment participer à un bal quand on ne sait pas danser ? Il y aura quatre séances de deux heures avant le jour-J durant lesquelles nous aborderons les pas les plus classiques. Aujourd'hui, nous allons commencer par le plus classique du classique : la valse. Que ce qui maîtrisent déjà les pas lèvent la main.
Lily s'empressa de le faire, ravie, sous le regard médusé de ses trois amies. Elle fut suivit par un certain nombre d'élèves et il s'avéra qu'au moins un tiers du groupe savait danser la valse. McGonagall parcourut les rangs du regard puis déclara :
- Nous allons demander à deux personnes de nous faire une démonstration... Mr. Potter, venez par ici.
Lily regarda avec surprise le jeune homme s'avancer. Elle ne trouvait pas du tout que c'était le genre à savoir danser – et encore moins à aimer ça. En voyant McGonagall continuer à fouiller la foule du regard, elle se rendit brusquement compte qu'il allait falloir une partenaire à Potter. Elle s'empressa de baisser la main alors que la plupart des filles la levaient plus haut. Mais c'était trop tard. Un éclair triomphant traversa les yeux du professeur et elle s'exclama :
- Miss Evans ! Nous allons pouvoir expérimenter les vertus pacifiantes de la valse.
Lily se figea sur son siège, mourant d'envie de disparaître sous terre. A côté d'elle, Val fut prise d'un fou rire, vite suivie par Margaret et Jenny. Elle les fusilla du regard, les joues brûlantes, avant de tenter de protester. McGonagall ne voulut rien savoir et lança :
- En plus vous êtes la personne vêtue de la façon la plus appropriée pour cette exercice, alors cessez de tergiverser, je ne changerai pas d'avis.
Lily jeta un regard mauvais à Jenny, qui se moquait d'elle parce qu'elle était tout le temps en jupe ou en robe, et se leva à contrecœur. Elle allait faire payer cela à McGonagall. Et à ses amies. Et à Potter. Et à la terre entière.
Elle s'avança jusqu'à Potter en tentant de prendre son mal en peine. Elle adorait danser. Cela n'avait aucune importance que ce soit Potter. Aucune. C'était un cavalier comme un autre et... Elle croisa son regard et du se rendre à l'évidence : cela changeait tout que ce soit Potter. Il souriait légèrement, trouvant apparemment la situation particulièrement drôle.
- On ne peut pas danser avec un distance de sécurité de deux mètres, Evans, l'informa-t-il gracieusement.
- La ferme. C'est pas cool du tout comme façon de me remercier de t'avoir tirer de tes haricots verts.
- Hé, je n'ai rien demandé, se défendit-il en levant les mains.
Lily dut admettre qu'il avait raison et elle s'approcha de lui. Heureusement que McGonagall se battait avec le phonographe, sinon elle leur aurait crié dessus pour mettre autant de temps à se mettre en place.
Après avoir pris un profonde inspiration, elle plaça sa main sur son épaule. Il y eut des sifflements dans la salle et Lily sentit son visage devenir brûlant.
- Ca te débectes tant que ça de danser avec moi ? interrogea James, l'air sincèrement intrigué, tout en posant sa main sur sa hanche.
- C'est contraire à tous mes principes concernant ta personne. Et je ne sais même pas comment tu danses. Qui me dit que tu n'as pas lever la main juste pour te faire mousser auprès des filles ?
Il sourit et rétorqua :
- Désolé, mais tu vas devoir me faire confiance sur ce coup-là.
- Tu peux toujours courir pour que je te fasses confiance un jour.
A ce moment là McGonagall laissa échapper un grognement satisfait et demanda :
- Vous êtes prêts ?
James prit la main de Lily dans la sienne et acquiesça.
Lily regarda leurs doigts entrelacés alors que l'introduction du Beau Danube Bleu commençait. La dernière fois qu'elle lui avait tenu la main, c'était pour un bras-de-fer en cinquième année. A la fin, il avait insulté Severus et elle l'avait frappé.
Une note tinta à son oreille, la ramenant brusquement à la réalité. James amorça un pas et elle le suivit automatiquement. Elle leva de nouveau les yeux vers lui, surprise par la façon dont il maîtrisait les pas. Il sourit et commenta :
- Tu vois, je n'ai pas menti.
- Avoue, tu as appris pour draguer, lança Lily.
Le coin des lèvres du jeune homme tressauta et il sembla faire un gros effort sur lui-même avant de répondre :
- On peut dire ça comme ça.
Il la fit alors tourner et Lily cessa de s'interroger sur la façon dont il avait appris à danser, pour se concentrer sur la façon dont il dansait. Son père, excellent danseur pourtant, ne maîtrisait pas aussi bien sa force. James avait mis l'élan parfait pour la faire tournoyer, avant de la récupérer avec douceur. De plus, il avait un excellent sens du rythme. Le cavalier idéal, en somme. Sauf que c'était Potter.
- Ca m'étonne que tu ne te sois jamais vanté de ce talent, marmonna Lily alors qu'ils se déplaçaient dans toute la pièce.
- Merci de qualifier ça de « talent », sourit Potter. Eh bien, j'aurais peut-être pu le faire. Mais ça ne collait pas trop avec l'image du sale gosse joueur de Quidditch.
- Peut-être bien. Mais je maintiens que tu as quand même dû apprendre pour pouvoir draguer.
- Je te raconterai avec qui j'ai appris si ça t'intéresses tant que ça, rit-il.
- Ce n'est pas que ça m'intéresse, se défendit Lily en rougissant, seulement ça m'intrigue.
- Eh bien moi j'aimerai bien savoir comment toi tu as appris. Parce que tu te débrouilles pas mal non plus.
- Trop d'honneur. Je te raconterai peut-être aussi. Mais seulement peut-être. Au fait, tu as encore dit « merci ». Ca va vraiment devenir une habitude.
- Ce serait absolument terrible pour toi, tu ne pourrais plus me détester !
- Oh, bien sûr que si. Je te détesterai toujours.
- Si tu le dis.
- Quoi, ton génie me permettra de t'apprécier, peut-être ?
- C'est toi qui le dis, pas moi, souligna Potter.
- Bon sang, tu es vraiment insupportable. Tais toi. Attends, pourquoi est-ce que tu t'arrêtes ?
- Parce que c'est fini.
James ne put s'empêcher d'éclater de rire devant le visage surpris de la jeune fille, alors que la salle éclatait en applaudissements. Lily, de plus en plus étonnée, regarda la foule et croisa le regard de Severus, qui était blême. Elle devint cramoisie et se sépara brusquement de Potter, ce qui le fit encore plus rire. Elle s'empressa de retourner s'asseoir alors que McGonagall, applaudissant toujours, prenait leur place.
- Eh bien, je ne pensais pas tomber aussi bien en vous choisissant. Mesdemoiselles, Messieurs, vous venez d'assister à une très belle démonstration.
Lily n'écouta pas la suite de son discours, happée par ses amies.
- Lily ! Pourquoi tu nous as caché que tu dansais comme une déesse ? chuchota Jenny.
- Je ne danse pas comme une déesse, rougit Lily.
- Oh si ! reprit Margaret, l'air admiratif. C'était dingue ! En plus vous aviez l'air en pleine conversation, je ne comprends pas comment vous avez fait.
- Quand tu connais bien ce n'est pas très compliqué de parler en même temps, répondit la rousse en haussant les épaules, appréciant malgré elle les compliments.
- Potter danse incroyablement bien alors ?
- Je dois dire que ça m'étonne beaucoup. C'est lui qui mène, alors c'est grâce à lui si c'était si « dingue ».
- Pas seulement, rectifia Val avec un moue réprobatrice. Arrête de dénigrer ton mérite. Et puis ça ne te ressemble pas de la faire en faveur de Potter.
- Parce que ça ne ressemble pas à Potter de savoir danser.
Leur conversation s'interrompit brusquement alors que tous les élèves se levaient. C'était apparemment le tour de l'exercice pratique.
- Qu'est-ce qui se passe ? chuchota Margaret.
- Vous allez devoir vous trouver un cavalier, répondit Lily en observant les élèves qui se plaçaient par deux au centre de la pièce. Les seuls à y être déjà étaient les élèves en couple, qui n'avaient pas eu à tergiverser pour trouver quelqu'un avec qui danser. Les autres élèves hésitaient, riant nerveusement. Jenny sauta sur ses pieds et chercha des yeux une proie. Elle poussa un cri de triomphe et fendit la foule jusqu'à l'endroit où se trouvaient Potter et ses amis. Cependant elle se tourna non pas vers Potter mais vers Black. Il haussa les sourcils, se mit à rire et se laissa entraîner par la blonde.
- Elle est pas croyable, souffla Lily, impressionnée par son culot.
- Ca c'est sûr, sourit Maggy, mais en attendant...
- Margaret ?
Les trois filles se tournèrent d'un bloc vers la personne qui venait de parler. Il s'agissait d'un Poufsouffle blond comme les blés qui était assis à la table de Maggy en cours de potion. Il s'appelait John et Lily savait que Margaret l'appréciait.
- Tu veux bien danser avec moi ? interrogea-t-il en devenant tout rouge, en bon blond qu'il était.
Margaret prit un belle couleur écrevisse et commença à balbutier des choses sans queue ni tête jusqu'à ce que Val s'exclame :
- Bien sûr qu'elle veut !
Margaret eut un rire nerveux et hocha la tête. Ils s'éloignèrent alors que McGonagall s'agaçait devant le temps que les élèves mettaient à se mettre en place.
Val finit par se diriger vers Peter. Lily était persuadée qu'elle n'avait pas particulièrement envie de danser et qu'elle allait entretenir le petit blond d'animaux magiques pour la grosse heure qui restait.
***
James traversa d'un pas nonchalant la salle et s'assit comme si de rien n'était à côté de Lily. McGonagall apprenant les pas de base aux autres élèves, ils n'avaient pas besoin de participer.
La jeune fille lui jeta un regard torve mais ne dit rien. James ne put s'empêcher de sourire, simplement parce qu'il n'avait pas été aussi heureux depuis le mois de juin, lui semblait-il. Il se renversa dans sa chaise, les bras croisés derrière la tête. Et dire qu'il était venu en traînant les pieds !
- Comment est-ce que tu as appris ?
Il se tourna de nouveau vers Lily, surpris qu'elle lui parle. Il sourit un peu plus, une étincelle d'espièglerie dans les yeux.
- Si je ne te l'ai pas dit tout à l'heure, c'est parce que je ne te le dirais pas aujourd'hui.
Elle plissa les yeux :
- Pourquoi ?
- Parce que c'est quelque chose que seuls mes amis savent.
- Hmm. Dans ce cas je risque de ne jamais le savoir.
- Ca ne tient qu'à toi, répondit James d'un ton qu'il espérait détaché.
- C'est bien ce que je dis.
- Pourquoi tu me harcèles autant pour savoir si tu me détestes toujours autant, alors ? interrogea-t-il en posant son visage sur ses mains en coupe.
Lily rougit légèrement et fixa son attention sur McGonagall qui alignait quelques pas au bras d'un Remus cramoisi. James étouffa un rire et Lily tourna de nouveau la tête vers lui.
- Je te l'ai dit, parce que ça m'intrigue. Je ne comprends d'où ça sort que tu danses aussi bien. Surtout la valse.
- Je ne suis pas un crétin des Carpates, tu sais, commenta-t-il en haussant un sourcil.
- Oh si, tu l'es, rétorqua-t-elle avec un petit sourire en coin.
- Je ne savais pas que les crétins des Carpates dansaient la valse comme des dieux.
- Ah ! J'attendais le moment où tu allais te mettre à te jeter des fleurs, soupira Lily en cessant de le regarder.
- Eh, fallait pas me dire que j'étais un abruti ! Il faut bien que je me défende.
- Ca fait six ans que tu te crois la meilleure personne de cette école, alors j'ai un peu de mal à croire que tu répondes ça simplement parce que je t'ai provoqué. Aucun doute que tu le penses très fort depuis tout à l'heure. C'est comme avec ton histoire d'attrapeur adroit et intelligent.
- Je te ferai remarquer, chère Lily, que la dernière fois tu m'avais aussi provoqué. Si on y pense bien, je ne fais des réflexions du genre que quand tu me tends des perches.
Il dit tout cela avec un charmant sourire et Lily le fusilla du regard.
- La ferme, Potter.
Le jeune homme éclata de rire et se renversa de nouveau dans sa chaise. McGonagall avait à présent lâché les élèves sur une valse d'un Russe dont il avait oublié le nom, et ils tournoyaient plus ou moins maladroitement. Certains couples se rentraient dedans en riant tandis que d'autres faisaient du surplace en regardant leurs pieds d'un air perplexe. Il aperçut Sirius et Jenny qui ne se débrouillaient pas mal même s'ils faisaient apparemment exprès de foncer dans tout le monde. Il ne savait pas exactement ce qui était passé par la tête de Jenny pour se ruer sur son ami, mais en revanche il savait pourquoi Sirius avait accepté : il espérait qu'Ethel le regarderait. Il n'avait pas arrêté de lui jeter des coups d'œil pendant qu'ils attendaient l'ouverture de la salle, mais James savait que jamais il ne serait aller lui demander de danser avec lui à cause de son orgueil. Elle l'aurait sans aucun doute envoyé balader, et Sirius n'aurait pas supporté que tous les Septièmes années en soient témoins.
James fouilla la foule du regard en cherchant la blonde. Il la repéra qui dansait avec Alice. Celle-ci riait aux éclats alors qu'Ethel se contentait de sourire. On aurait dit une princesse des glaces. Il ignorait pourquoi Sirius s'y attachait autant alors qu'elle était aussi froide qu'un iceberg. Evans, elle, évoquait plutôt le volcan. Mais James préférait mille fois ça.
Un bruit régulier et légèrement agaçant le tira de sa rêverie. C'était Evans qui battait la mesure avec son pied, penchée avidement en avant. Elle balançait la tête en rythme et suivait des yeux les danseurs. James approcha sa tête de la sienne sans qu'elle s'en rendit compte et susurra à son oreille :
- Alors Evans, on a envie de danser ?
Elle sursauta et recula aussitôt sa chaise.
- Aaaah, distance de sécurité Potter, distance de sécurité !
- Oh c'est bon, on a quand même passé cinq minutes collés l'un à l'autre. Et tu n'as pas répondu à ma question.
- J'étais contrainte et forcée, je te rappelle, rétorqua-t-elle en ramenant ses jambes sous sa chaise. Et je ne vois pas ce qui te fait dire ça.
- Ce n'est pas parce que tu as planqué tes pieds que je ne les entend pas.
Elle fit une grimace et dit lentement :
- Admettons que j'ai envie de danser, qu'est-ce que ça peut te faire ?
- Je peux te faire danser.
Sa grimace se changea en sourire.
- Non.
- Oh allez ! S'il te plaît ! Moi aussi j'ai envie de danser.
- Raison de plus, je n'ai pas envie de te faire plaisir.
- Ca, c'est très vilain.
- C'est toi qui est très vilain.
- Faux. Et si tu fais comme s'il ne s'agissait pas de moi ? Je ne te parlerai pas si tu veux, je ne te regarderai pas. Ce sera juste pour le plaisir de danser.
Lily se mordit la lèvre tout en battant la mesure sur son genou. Elle ne s'en rendait sans doute même pas compte. James attendit, plein d'espoir. La musique changea alors et Lily se leva à demi, les yeux brillants.
- C'est ma valse préférée ! Oh bon sang Potter, pourquoi est-ce que le meilleur danseur de cette école doit être la personne que je déteste le plus ?
Elle se laissa retomber sur sa chaise alors que James prenait sur lui même pour ne pas rire. Comme lorsque Lily avait découvert l'existence de la cape, James apprenait à connaître une facette de sa personnalité qu'il ne connaissait pas. Elle tourna alors ses yeux verts vers lui et lança :
- C'est d'accord, mais seulement parce que je m'en voudrais toute la soirée si je ne danse pas cette valse.
- Chouette ! s'exclama James en sautant sur ses pieds avant de l'attraper par la main.
Il la tira au milieu des autres élèves et ne put qu'être encore plus heureux lorsqu'elle posa sa main sur son épaule sans tergiverser. Certains couples s'écartèrent en se dandinant pour leur laisser de la place et James croisa le regard de Sirius, qui hochait la tête d'un air impressionné, tandis que Jenny semblait se demander si son amie avait perdu la tête.
Un bruit sourd vint étouffer quelque peu la musique et James marmonna un juron en regardant la fenêtre. Des grosses gouttes s'écrasaient contre les carreaux.
- Qu'est-ce qui t'arrive ?
James baissa les yeux et sourit à Lily.
- Je croyais que tu ne préférais ne pas parler ?
- C'est toi qui as fait cette suggestion, pas moi, répondit-elle en le fixant de ses grands yeux verts, ce qui troublait terriblement James. Alors ?
- Il fait un temps pourri. Or, trois heures de Quidditch nous attendent à la fin du cours.
- Tu ne peux pas reporter l'entraînement ?
- Ah, Evans... Il faudrait sortir un peu de tes bouquins. Non, je ne peux pas, et je t'ai déjà expliqué pourquoi.
Lily jeta à son tour un coup d'œil vers la fenêtre et grimaça.
- Que ne ferait-on pas pour le Quidditch...
- Laisse-moi deviner, tu trouves ça stupide ?
Elle gratifia d'une tape sur l'épaule avant de répondre :
- Je cesserais de te prendre pour un crétin des Carpates si tu arrêtes de croire que ma vie se résume à étudier. Figure-toi que j'adore assister aux matchs même si je n'ai aucune passion particulière pour monter moi-même sur un truc qui vole.
- On appelle ça un balai.
James écopa d'un autre tape et se mit à rire.
- Arrête de te marrer ! s'insurgea la jeune fille.
- A vos ordres mon capitaine !
Sur ses mots, James la lâcha pour s'incliner devant elle, en parfaite coordination avec la fin de la musique. Elle lui retourna la courtoisie avec une rapide révérence et allait retourner à sa place quand la voix de McGonagall les interpella :
- Miss Evans, Mr. Potter, venez donc aider vos camardes.
Le phonographe, sans doute ensorcelé pour faire passer des valses en boucle, enchaînait sur une autre musique. Lily parcourut la foule de regard et se dirigea vers Peter et sa copine folle, c'est à dire Val, qui discutaient dans un coin. Enfin, Val était sans doute en train de faire la conversation seule, estima James. Quoiqu'il en soit, Lily échangea quelques mots avec Peter, qui devint tout rouge, et l'entraîna à sa suite sur la piste. La jeune fille entreprit apparemment de lui expliquer de nouveau les pas.
James retint un pincement de jalousie et jeta son dévolu sur une fille qui s'excusait à chaque pas qu'elle faisait. Son cavalier eut l'air assez soulagé quand James prit sa place, et le jeune homme se montra aussi charmant que possible, pour montrer à Evans ce qu'elle ratait.
Chapitre cinq
Lily était étonnamment guillerette ce soir-là et elle mit ça sur le compte de la valse en faisant abstraction du cavalier. Quant à James, l'équipe de Quidditch n'en revint pas de son optimisme débordant. Les sept élèves revinrent au bout de trois heures complètement trempés et couverts de boue, mais le capitaine sifflota tout de même tout le long du chemin jusqu'au château.
Le match finit par arriver, vu comme une délivrance par l'équipe de Gryffondor qui allait enfin pouvoir arrêter de s'entraîner trois heures tous les soirs. Le temps était dégagé, après deux jours de pluie continuelle, et cela leur redonna quelque peu courage. Seul Ernie était horriblement stressé. James soupçonnait Sirius d'être dans le même état mais il n'en montrait rien, se contentant d'aider Martin à embêter Anne tandis qu'Héléna leur courrait après avec son balai pour leur taper sur la tête. Elphias restait imperturbable, même s'il agitait sa batte de façon assez menaçante pour les deux autres garçons.
Enfin, ils purent entrer sur le terrain. James retint Ernie par le bras au moment où il allait y aller et lui sourit.
- Ca va bien se passer Ernie, d'accord ? Fais de ton mieux et sois bien attentif à Martin et Héléna.
- Et si je ne marque aucun point ? interrogea le Quatrième année d'une voix légèrement tremblante.
- On s'en fiche. C'est ton premier match, et en plus on a un peu manqué de temps. Ne t'en fais pas.
Dehors, la foule – enfin les filles – scandaient le nom de James. Il ne put s'empêcher de sourire et poussa Ernie devant lui.
- Allez mon gars, c'est parti.
Au début tout se passa bien. Anne défendait merveilleusement bien ses buts et Martin et Héléna attaquaient sans relâche les Serdagiles, aidés par Ernie. Sirius et Elphias semblaient avoir pour objectif de casser le nez d'un des batteurs adverses et James tournait autour de tout son petit monde, en alerte, pendant qu'Arthur, à présent en quatrième année, vociférait le nom des joueurs d'une voix moins suraiguë qu'autrefois.
Mais alors que les maisons en étaient à 70 – 70, Ernie rata le Souaffle, lancé par Martin. Un Serdaigle le rattrapa et fila entre les poursuiveurs de Gryffondor. A partir de là, Ernie sembla paniquer et eut de plus en plus de mal à jouer si bien que Martin et Héléna durent composer sans lui. Toute l'équipe devint fébrile et commença plus ou moins à faire n'importe quoi. Sirius faillit envoyer un Cognard sur Anne mais un Serdaigle eut l'heureuse idée de se mettre dans la trajectoire. La situation commença sérieusement à dégénérer et James allait demander un temps-mort, paniqué, lorsqu'Ernie se retrouva avec le Souaffle dans les mains. Les trois poursuiveurs de Serdaigle se ruèrent sur lui et il partit comme une flèche en passant en rase-mottes au dessus de leur tête. Il envoya le Souaffle en une passe quelque peu approximative à Héléna, qui le rattrapa sans mal et le passa à Martin. Un jeu d'échanges se mit en place sans que les Serdaigles parviennent à récupérer la balle et Héléna finit par marquer avec un cri de triomphe.
Les supporters de Gryffondors, jusque là quelque peu désespérés, se levèrent d'un bond pour hurler leur joie, et ne cessèrent plus de le faire jusqu'à la fin du match. Gryffondor menait de trente points lorsque James aperçut un petit point doré. Alors qu'il filait vers lui, il se rendit compte que l'attrapeur adverse était beaucoup plus proche du Vif d'Or que lui. Il n'allait jamais l'avoir, il n'allait jamais l'av... La foule poussa un hurlement de triomphe lorsque le Serdaigle dut faire un tonneau pour éviter un Cognard, puis une embardée lorsqu'un deuxième lui fonça dessus. James lui passa devant et ses doigts se fermèrent sur la petite boule dorée, juste au moment où un Cognard lui défonça l'épaule.
Dans l'euphorie du moment, il ne sentit même pas la douleur. Ce n'est que lorsqu'il fut au sol et que son équipe se jeta sur lui qu'il se mit à hurler. Malheureusement pour lui, tout le monde faisait de même alors il fallut un certain temps aux Gryffondors pour s'en rendre compte. L'infirmière pesta contre ce sport barbare en l'emmenant jusqu'au château sur une civière, suivie de tous les supporters de Gryffondor qui braillaient autant qu'ils le pouvaient.
James négocia âprement avec l'infirmière pour ne pas être obligé de passer la nuit à l'infirmerie. Au bout d'une demi-heure de supplications, elle assura qu'après qu'il aie dormi un peu, il aurait le droit de rentrer dans sa salle commune. Il s'exécuta donc, ravi de ne pas manquer toute la fête.
Après deux heures de sieste, il pénétra en héros dans la salle commune même si son épaule lui faisait un mal de chien. Cependant il s'empressa d'acclamer ses deux batteurs, sans qui rien n'aurait été possible, affirma-t-il. Sur ces bonnes paroles, la fête reprit de plus belle, sans l'ombre d'un préfet pour leur dire de se taire.
***
Lily n'eut pas le cœur d'interrompre la fête en songeant à ce qu'Hagrid lui avait dit : il fallait restaurer la joie au château. De plus, elle avait d'autres hiboux à fouetter. Elle venait de se rendre compte avec angoisse qu'on était le onze octobre et que le lendemain, il y avait cette bizarre échéance à propos d'une froide nuit d'été. Elle était à peu près certaine qu'il s'agissait d'un tableau, car l'été étant déjà loin derrière Poudlard il ne pouvait s'agir d'une sorte de prédiction. Mais quel tableau ? Elle avait un peu cherché mais elle devait s'avouer qu'elle n'avait pas fait beaucoup d'effort. Elle ne pouvait même pas demander à quelqu'un qui connaissait bien le château à cause de ce stupide maléfice de Langue de plomb ! Et puis elle ignorait à qui elle aurait demandé. Il y avait tellement de tableaux, dans ce château.
Elle réfléchissait donc, assise sur son lit, de plus en plus désespérée. Elle tentait de se convaincre que cela avait peu d'importance si elle ratait cet étrange rendez-vous, mais elle n'y croyait pas. Elle devait s'y rendre, elle le savait, grâce à une intuition étrange... Intuition qui pourrait peut-être l'aider à trouver ce fichu tableau.
Elle se leva d'un bond et dégringola les escaliers du dortoir avant de se ruer en dehors de la salle commune sans faire attention aux fêtards. Mais une fois devant le portrait ouvert, elle hésita. Le château était noir et silencieux, et si elle se faisait prendre hors des dortoirs elle serait très certainement collée. Cela ne la gênait pas tant que cela en soit – juste pour prouver à Potter qu'elle ne faisait pas que travailler – mais elle perdrait alors toute chance de résoudre cette énigme.
Elle fit donc demi-tour et son regard tomba sur la tignasse brune de Potter. Potter qui passait son temps à gambader dans le château au milieu de la nuit sans se faire prendre grâce à sa cape d'invisibilité.
Elle resta plantée là pendant quelques instants, tiraillée. Elle détestait avoir quelque chose à lui demander mais cela semblait être la seule solution...Décidée à mettre son aversion pour lui de côté, elle fendit la foule pour l'atteindre et lui tapota l'épaule. Il se retourna avec un grand sourire, qui se transforma en air interloqué en la reconnaissant. Et avant même qu'elle ait pu ouvrir la bouche, il lança :
- Non Evans, je refuse d'arrêter cette fête.
Lily leva les yeux au ciel.
- Je ne viens pas pour ça. J'ai besoin de ton aide.
Elle buta sur les derniers mots, parce que les dire à cet arrogant James Potter était presque au-dessus de ses forces.
Potter éclata alors de rire et s'exclama :
- Evans a besoin de moi ! C'est une première. Que puis-je faire pour toi ?
- Je pense que tu préférerais en parler dans un endroit discret, marmonna Lily en jetant un coup d'œil aux filles qui la dévisageaient d'un air mauvais, furieuses qu'elle accapare Potter.
Le visage du jeune homme était redevenu sérieux. Il hocha la tête et l'entraîna vers les dortoirs des garçons. Des sifflements se firent entendre alors qu'ils montaient les escaliers et Lily gémit.
- T'en fais pas, sourit Potter. Je leur jetterai un sort d'Oubliette si tu veux.
- Trop aimable. On aurait peut-être pu aller ailleurs, tout simplement.
Ils s'arrêtèrent sur le palier et James haussa les sourcils.
- Et où ça ? On ne peut pas sortir et je ne peux monter dans le dortoir des filles. Et de toute façon ça aurait fait le même effet. Bref, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
Il la regardait sérieusement, sans trace de moquerie, ce qui déstabilisa Lily. Elle se préparait à négocier mais peut-être ne serait-ce finalement pas le cas. Elle prit une profonde inspiration et se lança :
- J'ai besoin de ta cape d'invisibilité.
James s'adossa au mur, les sourcils légèrement froncés.
- Pourquoi ?
- T'inquiètes pas, ce n'est pas une manœuvre tordue pour te la confisquer. J'ai quelque chose à faire dans le château ce soir.
Un petit sourire naquit sur le visage de Potter et Lily s'empressa de lever un doigt accusateur vers lui.
- La ferme !
- Très bien, très bien ! Bon, Evans, tu te rends compte de la valeur de cette cape ?
- Bien sûr.
- Alors tu te rends compte de ce que ça représente pour moi de te la prêter ?
- Je ne compte pas la manger. Et même si je te déteste, je m'en voudrais de détruire un objet pareil.
- J'imagine que c'est la seule marque d'affection de ta part que j'aurai jamais... Je ne peux pas venir avec toi ?
Lily secoua la tête et James prit un air intrigué avant de marmonner :
- Je me demande bien ce que tu manigances...
- Rien qui t'intéresses.
En bas, une voix appela le capitaine à revenir pour lancer une autre tournée de Bièreaubeurres. James tergiversa encore quelques instants puis céda finalement.
- C'est d'accord. Attends une minute.
Lily ne put s'empêcher d'exécuter une petite danse de la joie, croyant difficilement à sa chance. C'était incroyable qu'il ait cédé aussi vite !
Il revint au bout de quelques instants et lui tendit un petit paquet de tissu. Cela sembla lui arracher le cœur et Lily assura :
- Je te la ramène demain matin. Et....
Elle s'interrompit avant de lâcher :
- Qu'est-ce que tu veux en échange ?
James sourit et commença à descendre les escaliers avant de répondre :
- Rien.
Lily fut si stupéfaite qu'elle ne bougea pas pendant quelques instants, puis dut courir pour le rattraper.
- Merci Potter. Merci beaucoup.
Elle s'éclipsa avant qu'il ait eu le temps de répondre.
Elle fit quelques pas à l'extérieur de la tour avant de mettre la cape puis partit à l'aventure. Elle attendait que quelque chose lui souffle où aller, mais sans grand succès. Sa baguette à la main, elle scrutait chaque tableau qu'elle croisait. Elle élimina d'office ceux qui se trouvaient à cinq mètres du sol en espérant qu'elle ne faisait pas une bêtise. Les personnages des tableaux poussaient des petits cris offusqués quand elle leur mettait sa lumière dans les yeux.
Elle parcourut tout le septième étage sans rien trouver et s'assit sur les marches d'un escalier sombre, désespérant de trouver ce qui voulait dire « par une froide nuit d'été ». Peut-être n'était-ce même pas un tableau...
A ce moment là un bruit de pas se fit entendre derrière elle. Elle se leva d'un bond, le cœur battant à tout rompre, et éteignit sa baguette.
- Tu sens quelque chose, Miss Teigne ?
Lily se rua dans les escaliers en essayant d'être la plus silencieuse possible. Comment Potter pouvait-il supporter d'être poursuivi en permanence, sans jamais savoir sur quoi ou qui il allait tomber ?
Cependant alors qu'elle s'engouffrait dans un couloir étroit, ignorant totalement où elle allait, elle fut prise d'un sentiment d'euphorie à l'idée qu'elle avait semé Rusard. C'était peut-être cela, qui lui plaisait. Etre le plus malin pour pouvoir s'en sortir.
Elle s'adossa à un mur, le temps de reprendre son souffle, puis continua sa route. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait.
Lily émergea enfin dans un couloir plus large et sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il ne lui fallut pas longtemps pour reconnaître l'endroit et elle maudit l'instant qui l'avait poussée là. Elle était au quatrième étage, presque à l'endroit où elle avait trouvé le professeur Laverlane deux ans plus tôt. Elle évitait autant que possible l'endroit depuis sa cinquième année et voilà qu'elle s'y retrouvait seule au milieu de la nuit. Fabuleux.
Elle avança en tremblant légèrement scrutant les tableaux. Après tout, maintenant qu'elle était là, au temps en profiter.
Elle arriva là où se trouvait le cadavre du professeur et s'immobilisa sans trop savoir pourquoi. Elle fit un tour sur elle-même pour vérifier qu'il n'y avait personne et son regard accrocha des personnages qui grelottaient au milieu d'une nature verdoyante.
Elle s'approcha vivement du mur en tentant d'oublier le caractère morbide de l'endroit et détailla le tableau. Trois sorcières se serraient les unes contre les autres, l'air frigorifié, alors qu'on était vraisemblablement en été. La lune brillait, froide et ronde.
Lily entama une danse de la joie mentale, certaine d'avoir trouvé ce qu'elle cherchait, mais son sourire fana brusquement. C'était une très, très mauvaise blague de lui avoir refilé ce tableau. Elle ignorait totalement qui était le « on » et ne se l'était d'ailleurs jamais demandé, mais cela restait de très mauvais goût et elle était sûre que ce n'était pas dû au hasard. En tout cas, aucun doute qu'elle n'oublierait l'emplacement du tableau.
Elle s'éloigna à reculons et trébucha avec un petit cri. De façon tout à fait absurde, elle s'imagina que c'était le corps de Laverlane et partit en courant. Ce n'est qu'en arrivant devant la tour de Gryffondor, hors d'haleine, qu'elle songea que ce devait juste être un pli du tapis. Elle faillit éclater de rire devant sa propre stupidité mais l'impression qu'on l'observait la précipita à l'intérieur de la tour, sous les imprécations de la Grosse Dame.
Lily se leva aux aurores le lendemain matin pour aller petit-déjeuner. Elle aurait pu se rendre directement devant le tableau mais il fallait d'abord qu'elle arrive à vaincre son angoisse. Après avoir tergiversé dix minutes sur le palier désert du quatrième étage, elle se décida enfin à y aller. Après tout, il faisait jour, le soleil brillait... Bref, ce n'était pas un temps à cadavre.
Elle se plaça devant le tableau et rit en voyant les trois sorcières en train de sautiller dans tous les sens pour essayer de se réchauffer. Cela attira l'attention des personnages qui s'immobilisèrent et la dévisagèrent. Lily, mal à l'aise, cessa aussitôt de rire.
L'une des sorcières s'approcha du bord du tableau. Elle avait les lèvres bleuies par le froid et tremblaient de tous ses membres. Lily se demanda si elle allait se faire réprimander pour s'être moquée d'elle mais le personnage souffla simplement :
-
Tuée par amour et errant dans les limbes, artisan du succès de ta quête si au vingt novembre tu te présentes.
Puis elle s'éloigna.
Lily resta plantée devant le tableau, sidérée. C'était tout ? Elle n'était même pas sûre de retenir cette phrase.
En mode automatique, elle pivota sur ses talons et revint jusqu'à l'escalier. Bon, elle était au moins sûre qu'une chose : il y avait bien une quête. Encore fallait-il qu'on puisse parler de quête en ignorant le but recherché. Cette histoire était complètement folle. Elle pouvait y renoncer, d'ailleurs. Après tout la sorcière avait dit « si au vingt novembre tu te présentes ». Elle n'avait qu'à pas se présenter et à oublier. Oui, voilà, bonne résolution.
Satisfaite, elle commença à monter les escaliers mais sentit bientôt sa bonne humeur retomber. Elle ne pouvait pas faire ça. Elle allait rater un grand moment, elle en était certaine. Et puis on abandonnait pas un mystère comme ça. Elle qui adorait apprendre, ce serait une insulte à la science de planter là quelque chose de non résolu.
Rassurée par ces raisons qui n'en étaient pas vraiment, elle monta jusqu'à sa salle commune.
***
- Potter !
James se retourna et sourit à Lily qui arrivait vers lui. Elle lui tendit la cape, mieux pliée qu'il ne l'aurait jamais fait et sourit à son tour.
- Encore merci.
- Je ne peux toujours pas pourquoi tu as gambadé dans Poudlard au milieu de la nuit ?
- Nope, répondit-elle avec un grand sourire, ravie de lui cacher cela.
Sans rien ajouter, elle pivota sur ses talons et partit d'un pas guilleret.
James continua à sourire en songeant que la valse avait vraiment des vertus géniales. Il remontait du petit-déjeuner, où il avait laissé ses trois amis. Il avait pris un retard horrible dans son travail à cause du Quidditch et n'était pas sûr que la journée allait suffire à le combler. Alors qu'il prenait un passage secret pour éviter les escaliers qui changeaient de place, il se retrouva nez-à-nez avec ce cher Servilus, aux cheveux toujours aussi gras et au nez toujours aussi crochu.
Le Serpentard se figea et ils se dévisagèrent quelques instants dans la pénombre. L'année passée, ils s'envoyaient des sorts en douce chaque fois qu'ils se croisaient. En fait, c'était James qui avait commencé. Tout simplement parce que quand il s'agissait de Rogue, ses vieux instincts reprenaient le dessus.
- Servilus. Tu as des nouvelles des Mangemorts ?
- Et toi, Potter ? Des nouvelles de ces ratés de l'Ordre ?
James fronça les sourcils. De quoi pouvait-il bien parler ?
Rogue vit son incompréhension et éclata de rire.
- Sérieusement, Potter ? Tu te veux « défenseur du bien » et tu ne sais même pas ça ? cracha-t-il.
- Bien sûr que si, bluffa James en refermant ses doigts sur sa baguette, glissée dans la poche arrière de son jean.
- C'est ça. Et tu vas me dire que tu sors avec Lily en plus ? commenta-t-il sans parvenir à cacher à quel point cela le touchait.
James se tendit. Il était sûr que la conversation allait finir là-dessus.
- Je ne vois pas en quoi ça te regarde, Servilus.
- Arrête de m'appeler comme ça ! rugit Rogue en pointant sa baguette sur lui.
Mais le Gryffondor avait eu le même réflexe. Il pouvait entendre la respiration saccadée de son adversaire, preuve de sa fureur contenue... Fureur qui faisait écho à la sienne. Il haïssait ce type du plus profond de son être, comme jamais il n'aurait pensé pouvoir détester quelqu'un.
- Je continuerai à t'appeler comme ça autant qu'il me plaira, Servilus. Parce que c'est ce qui te défini le mieux.
- Tu ne me connais pas, marmonna Rogue.
- Si. Tu es mauvais.
- Autant que toi !
La main de James commençait à trembler sur sa baguette. S'il ne partait pas maintenant, il allait perdre son calme.
Une seconde plus tard, Rogue était stupéfixé. Le bras de James retomba et il passa devant lui avant de répondre :
- Non.
Il se dépêcha de sortir du passage secret et, une fois suffisamment loin, leva le sortilège. Il s'adossa à un mur et massa son épaule, qui le faisait encore souffrir depuis le match. Un jour, cela finirait mal. Plus mal que cela n'avait déjà été le cas.
Il prit une profonde inspiration et reprit son chemin vers la salle commune, perturbé par cette histoire d' « Ordre ». Cela était apparemment important dans la guerre, mais il n'avait aucune idée de ce que c'était. Or, James n'aimait pas ne pas être au courant.
Chapitre six
James ne chercha pas pendant très longtemps ce qu'était l'Ordre, pour l'excellente raison qu'il n'avait pas le temps. Il se rendit brusquement compte qu'on était bientôt le quinze octobre, et il n'avait aucune idée de qui était la dame au chapeau pointu.
Il n'avait même pas le temps de chercher car ils avaient une tonne de devoirs absolument monstrueuse à faire malgré leur deux heures de cours de danse, et la promesse des profs de leur donner moins de travail.
Il se coucha donc le mardi soir dans un état d'angoisse terrible, persuadé qu'il allait rater l'un des événements les plus palpitants de sa vie. Il fallait qu'il la trouve, il fallait qu'il la....
James s'éveilla en sursaut. Il se redressa dans son lit, le cœur battant. Quelque chose l'avait réveillé, mais quoi ? Cela avait un rapport avec l'énigme, il en était certain. La dame au chapeau pointu, la dame au chapeau pointu....
Le jeune homme repoussa ses couvertures et sauta à terre. Il saisit sa cape avant de se ruer hors du dortoir, sans chercher à être discret. Il avait déjà vu la dame au chapeau pointu. Lorsque McGonagall
s'
était ruée sur lui pour lui apprendre que Gryffondor allait jouer contre Serdaigle, il venait juste de la voir sans s'en être rendu compte.
Lorsqu'il passa la Grosse Dame marmonna d'une voix ensommeillée :
- Qui est-là ? Qu'est-ce qui se passe ?
Il ne prit évidemment pas la peine de répondre et dirigea vers la bibliothèque, à présent tout à fait réveillé. Il consulta sa montre sur le chemin et sourit : il était minuit passé aussi allait-il pouvoir avoir sa réponse.
Il dut se plaquer contre un mur pour ne pas se faire repérer par Dumbledore. Mais que faisait-il là à une heure pareille ? Le directeur s'arrêta, regarda un instant autour de lui, puis reprit son chemin, l'air légèrement perplexe. James continua alors sa route, guilleret. Il retrouva sans problème la tableau qu'il cherchait : il s'agissait d'une sorcière qui ne devait pas avoir plus de vingt ans, vêtue comme au dix-neuvième siècle, avec un grand chapeau pointu sur la tête.
Il s'approcha sans pouvoir cesser de sourire et la jeune fille devint cramoisie, avant d'essayer de s'enfuir par un des bords du cadre.
- Hé ! s'exclama James, qui n'avait aucune envie de voir s'envoler sa réponse. Vous m'avez donné rendez-vous, alors me voilà !
La jeune fille revint doucement dans son cadre et murmura :
- Vous... Vous êtes James Potter ?
Le jeune homme s'adjura à la patience et acquiesça.
- Oh par Merlin, si maman savait que je parle à un jeune homme au milieu de la nuit elle serait effarée. Vraiment, toute cette histoire est une aberration, je ne sais pas pourquoi j'ai accepté de …
- Euh, excusez-moi, l'interrompit James, passablement interloqué, mais est-ce que vous pouvez me dire ce que je fais là, s'il vous plaît ?
- Oui, oui, bien sûr mais, comprenez-moi, une jeune fille de bonne famille ne doit pas...
James se retint de lui dire que c'était seulement un tableau et qu'elle n'avait sans doute pas à se soucier de sa vertu, sachant que cela risquait de l'effaroucher. Pourquoi est-ce que c'était lui qui se coltinait cette fille aux principes moraux trop rigide ? On aurait dit Evans. Enfin, avant cette année-ci.
- Oh, est-ce que vous m'attendez ? interrogea soudain la jeune fille en ouvrant de grands yeux, interrompant enfin son babillage.
- Non, non, j'ai toute la nuit, assura James en levant les yeux au ciel.
Il allait finir par se faire repérer s'il passait trop de temps planter là.
- Oh vraiment ? Mais c'est merveilleux parce que...
James gémit intérieurement et coupa d'une voix sèche :
- C'était une plaisanterie ! Il faudrait que je reparte très très bientôt !
La jeune fille cligna plusieurs fois des yeux, hocha la tête et dit enfin :
- Bon très bien, préparez-vous : « Endroit préféré, mais détesté par tous, créature aussi dangereuse qui déteste tout... Avant décembre, elle t'attend au rendez-vous ».
Le jeune homme pinça les lèvres. Très bien. Cela n'avait aucun sens, mais très bien. Il irait au bout de cette énigme.
***
Les élèves attendaient les cours de danse avec plus ou moins d'impatience – c'est-à-dire que ce qui savait déjà dansé et/ou sortait avec quelqu'un trouvait ça bien, les autres moins. Lily était donc la seule de sa chambre à se rendre avec enthousiasme jusqu'à la salle de défense contre les forces du mal, alors que Val et Margaret traînaient les pieds. Quant à Jenny, elle avait disparu à la fin du cours de Sortilèges.
Cette fois ils entrèrent directement dans la salle et McGonagall attendit que le silence se fasse pour annoncer :
- Aujourd'hui nous aborderons le foxtrot !
Il y eut des murmures dans la salle et Lily se retint de rire. On ne dansait plus le foxtrot depuis au moins vingt ans, mais McGonagall ne s'était sans doute jamais mise à jour.
Lorsqu'elle demanda qui connaissait cette danse, seuls quatre élèves levèrent la main : Black, Potter, une élève de Poufsouffle nommée Amanda, et Lily.
Comment ces deux imbéciles pouvaient-ils connaître ça ? Elle aurait bien aimé pouvoir narguer Potter. Mais en même temps, elle allait pouvoir avoir un cavalier potable.
La jeune fille piqua un fard en se rendant compte qu'elle tenait pour acquis qu'elle danserait avec Potter. Elle était complètement timbrée ou quoi ? Si McGonagall ne l'avait pas forcée l'autre fois, jamais elle ne l'aurait fait. Et plus jamais elle ne le referait. En même temps, elle avait quand même accordé une deuxième valse à Potter. Et puis, elle lui devait bien ça, après le prêt de sa cape. Oui, voilà, c'était une bonne raison d'accepter s'il venait lui demander.
McGonagall choisit Sirius et Amanda pour montrer à la classe cette fois-ci, alors que Jenny se faufilait dans la salle sous l'oeil réprobateur du professeur. Elle s'assit sans explication près de ses amies et fixa son attention sur les danseurs. Ils ne se débrouillaient pas trop mal mais Lily ne put s'empêcher de se dire qu'elle avait fait mieux avec Potter. Puis elle rougit de nouveau. Bon sang, mais elle devenait complètement folle ! Si ça continuait comme ça, elle allait demander à partir dans cette école de magie en France, Beauxbâtons. Elle serait loin de Potter et de son influence néfaste.
Tout le monde applaudit les danseurs lorsque la musique se termina et McGonagall invita tous les élèves à se lever. Les couples se formèrent sans problème, même pour Lily. Potter se matérialisa devant elle sans qu'elle ait vraiment compris comment et lui tendit la main en souriant.
Lily haussa un sourcil et lui donna une tape sur les doigts avant de se lever :
- C'est bien parce que je te dois une faveur, Potter.
- Merveilleux ! Je savais bien que ce n'était pas la peine de te demander quelque chose, rit-il.
Ils se positionnèrent avec les autres élèves au centre de la pièce. McGonagall prit un élève de Serdaigle cette fois pour qu'il lui serve de cavalier et tous ses amis ricanèrent. Le professeur leur montra les premiers pas et Lily se tourna vers James pour murmurer :
- Tu sais déjà le danser ?
- Ouais.
- Vraiment ?
Il leva les yeux au ciel et puis le regarda :
- Oui. Je ne passe pas mon temps à raconter des bobards, tu sais. J'évite de le faire autant que je peux d'ailleurs.
- Oh ça va, je demandais juste.
- Je ne demande pas, moi.
- Alors tu es un crétin.
Il haussa un sourcil.
- Parce que je te fais confiance ?
- Oui. C'est débile de faire confiance à quelqu'un qui vous a toujours détesté.
- En attendant, la dite personne danse avec moi. Je trouve que nos relations ne vont pas si mal.
Lily lâcha un soupir agacé et le rire de James perça le silence qui accompagnait les explications de McGonagall.
- Mr. Potter, commença-t-elle d'une voix glaciale. Peut-on savoir ce qui vous rend si joyeux ?
- Oh, les vertus de la danse, sans doute, répondit-il avec un grand sourire. N'est-ce pas vous qui vouliez en tester l'efficacité ?
- Il s'agissait uniquement de la valse, Mr. Potter. Je vous prierai donc de vous taire quand il n'en est pas question.
Sans attendre de réponse, elle reprit ses explications.
- Tu baratines tout le temps comme ça ? souffla Lily.
- La ferme Evans, répliqua-t-il sur le même ton, les yeux fixés sur leur professeur. C'est toujours moi qui prend et jamais toi, simplement parce que tu as une réputation parfaite. C'est vraiment pas juste.
- Fallait pas essayer de faire sauter le château trois fois par an, Potter.
- Si une insupportable préfète en chef ne me poursuivait pas, peut-être qu'on aurait jamais su que c'était moi, fit-il remarquer en posant de nouveau ses yeux sur elle. Des yeux pétillants de joie, ne put s'empêcher de remarquer Lily, oubliant totalement McGonagall qui bavassait toujours.
- C'est mon boulot. Et je n'étais même pas préfète en chef à l'époque.
- Tu l'étais dans l'âme. C'est pareil.
- Ben voilà. Toi tu es un voyou dans l'âme, alors même si tu ne te faisais pas attraper, ce serait pareil. Et puis quand tu t'endors en classe, ce n'est pas moi qui te dénonce.
Il sourit, l'air de s'amuser follement. Ce qui agaçait Lily autant que cela l'amusait elle aussi.
- J'ai mes raisons. Et puis on vit dans ce château de toute façon, alors je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas dormir là où on a envie.
- Qu'est-ce que c'est que ce raisonnement ?
- Un raisonnement de flemmard ? proposa-t-il.
- Mmmh, sans doute. Ça te correspond plutôt bien.
- Peuh. Viens assister à un entraînement de Quidditch un jour, tu verras si je suis un flemmard.
- Cours toujours. Je n'ai pas envie que tu penses que je viens pour tes beaux yeux.
- C'est toi qui l'a dit, pas moi.
- Bon sang, ce que tu es agaçant Potter ! commenta-t-elle en lui faisant les gros yeux.
- Aaah, je sais. Ca doit faire partie de mon côté « voyou », répondit-il alors que son sourire s'élargissait.
Lily détourna son regard, bien décidée à ne plus lui adresser la parole. Évidemment, elle allait devoir danser avec lui. Quelle idiote, elle n'aurait jamais dû s'embarquer là-dedans. C'était la faute de McGonagall, tout cela.
- Fais pas le tête, Evans, murmura Potter à côté d'elle.
- Je ne fais pas la tête, Potter, marmonna-t-elle, pour l'excellente raison qu'on ne fait le tête qu'à ses amis.
- Bon. Alors je dois être ton ami, parce que là tu boudes.
Elle se tourna d'un bloc vers lui, s'apprêtant à l'injurier à voix basse, mais son sourire la désarma. Il n'avait rien de moqueur, ni de sarcastique. Oh, c'était un sourire amusé, mais sans méchanceté.
Ravalant ses insultes, elle répondit juste :
- Non, je ne boude pas. Maintenant tais-toi.
- Ne fais pas comme si tu cherchais à entendre ce qu'elle dit. Je suis sûr que tu connais parfaitement les pas.
- Peut-être bien, concéda Lily sans détacher son regard de McGonagall, qui sortait sa baguette de sa robe. Et d'ailleurs je crois que ça va être à notre tour de danser.
- Oh, alors tu vas supporter de danser avec moi ?
- Non, je vais m'enfuir en hurlant.
La musique commença à ce moment-là et Lily fut obligée de se tourner de nouveau vers Potter.
- Alors c'est maintenant ou jamais, sourit-il en lui présentant sa main.
Elle soupira et posa ses doigts sur son épaule, avant de marmonner :
- Par Merlin, j'avais oublié qu'on devait être si proche pour le foxtrot.
- Ca ne ferait pas scandale si ce n'était pas le cas, Evans, et alors on n'aurait pas pris la peine de l'inventer, répondit James.
Il ne riait pas, mais Lily était sûre que ça lui demandait un gros effort. Elle s'apprêtait à lui marcher sur le pied lorsqu'il chuchota :
- Arrête de faire n'importe quoi maintenant.
***
L'euphorie de James quant au fait de danser avec Evans ne dura pas longtemps car McGonagall coupa la musique au bout d'une minute. Ils durent donc refaire toute la danse au compte-goutte, attendant plus ou moins patiemment que le professeur ait fini d'apprendre tous les pas.
Enfin, au bout de presque une heure trente de laborieux apprentissage, elle laissa la musique entièrement.
Tous les élèves se déplaçaient en riant, se rentrant de dedans sans le faire exprès – la plupart du temps. Seuls Lily et James, Sirius et Jenny – cette blonde était vraiment tarée – et Amanda et son cavalier se débrouillaient bien.
Il ne fallut que quelques secondes pour que Lily demande :
- Bon, dis-moi comment tu as appris !
- Qu'est-ce que tu peux être despotique, c'est terrifiant, rit James à son oreille.
- Ca n'a rien avoir avec du despotisme. Je m'interroge seulement sur l'époque à laquelle tu as été élevé.
- Je suis né en 1850, c'est pourtant évident, non ?
- Très drôle.
- Je te répondrai si tu me dis comment toi, tu as appris.
- Deal ?
- Deal, assura James.
- Bien. Alors, tu connais la … Hé, attention Harvey ! s'exclama Lily à l'attention de deux Poufsouffle qui venaient de les percuter en pouffant.
- Désolé ! lança le garçon, le deuxième préfet en chef.
- C'est insupportable les gens qui ne savent pas danser, fit remarquer Lily sur un ton faussement hautain.
- Tout à fait. Et le foxtrot, c'est quand même la base. Et donc, tu disais ?
- Ah oui. La danse. Tu connais la Seconde Guerre mondiale ?
- Ce truc durant lequel les moldus se sont tous entre-tués ?
Il sentit Lily se crisper et elle répondit d'une voix un peu froide :
- Oui, ça.
Le jeune homme grimaça. Il avait dû faire une boulette.
- Désolé, marmonna-t-il. Les sorciers n'y ont pas pris part alors...
- Je sais.
Ils s'arrêtèrent un moment alors que la musique changeait puis repartirent aussitôt. Lily finit par soupirer et reprit :
- Mon père était soldat dans l'armée britannique. Quand ça a été terminé, il a fait la fête pendant des semaines et des semaines, se traînant dans tous les cabarets d'Angleterre. Il a appris à peu près toutes les danses possibles pendant cette période de sa vie. On était en 1946 et il avait vingt ans, autant dire qu'il s'est bien amusé. Bref, il a fini par arrêter de passer son temps à faire la fête et il a épousé ma mère dix ans plus tard, après l'avoir rencontrée dans une soirée dansante, justement. Donc tu imagines bien que la danse est une institution chez nous. J'ai appris à peu près au moment où j'ai appris à marcher, si tu veux mon avis. Papa et maman nous ont tout appris, à ma sœur et moi. C'est comme ça que je connais le foxtrot, ça se dansait encore à la fin de la guerre. Et toi, alors ? J'imagine que ça a un rapport avec Sirius, ou sinon ce serait vraiment une coïncidence de fou que vous dansiez tous les deux le foxtrot alors que vous êtes meilleurs amis.
- En effet, sourit James en voyant passer Sirius et Jenny à côté d'eux. Promets-moi de ne pas rire.
Elle se détacha légèrement de lui pour le regarder et rétorqua :
- Hors de question. La seule raison pour laquelle je supporte d'être là c'est parce que je peux me me moquer de toi.
- Super. Merci, Evans.
- Quoi ? Si je te disais le contraire tu ne me croirais même pas.
- Pas faux. Essaie de deviner qui est la première personne avec qui j'ai dansé.
- Comment veux-tu que je le sache ? s'agaça Lily. Ta mère ou ton père ? Sirius ?
- Non, ils sont beaucoup trop jeunes, répondit James avec un grand sourire, même si Lily ne pouvait pas le voir.
- Ta grand-mère ?
- Pas la mienne. Elle s'appelle Minnie et avait tout juste cent ans à l'époque.
Lily faillit lui marcher sur le pied et elle s'arrêta pour le dévisager, sidérée.
- Cent ans ? Et elle dansait encore ?
James éclata de rire.
- On voit bien que tu es née moldue. Les sorciers vivent plus vieux que les moldus. Tu ne t'es jamais demandé quel âge avait Dumbledore ?
- Non. Il est juste vieux, répondit Lily, encore sous le choc. Et elle est toujours en vie ?
- Bien sûr. Bref, Minnie vit en maison de retraite depuis ses quatre-vingt-dix-neuf-ans.
- Sérieusement ? Ca existe les maisons de retraite pour sorciers ? s'étonna Lily alors qu'ils recommençaient à danser.
- Il doit y en avoir seulement deux en Grande-Bretagne, mais oui. Certains sorciers sont abandonnés par leur famille et ne supportent pas de vivre seuls. Il s'avère que ma mère travaille dans l'une de ces deux maisons de retraite. Elle est chargée de trouver de quoi distraire les pensionnaires. En arrivant elle a instauré le bal du Nouvel An, et a ensuite multiplié les bals pendant l'été parce que tous les pensionnaires adorent ça. Le problème, c'est qu'il y a plus de sorcières que de sorciers. Du coup, j'ai été recruté quand j'avais huit ans pour servir de cavalier. Je me suis donc retrouvé, un soir de juillet, dans les bras de Minnie, sans savoir un seul pas de danse. Elle m'a marché sur les pieds exprès pendant deux heures, mais ça a fini par rentrer. Comme Sirius ...hmm, passe les vacances d'été chez moi depuis deux ans, il s'est retrouvé embarqué aussi. Lui, il s'est pris des coups de canne quand il n'était pas en rythme.
Le jeune homme éclata de rire à ce souvenir alors que Lily restait silencieuse. Finalement elle lâcha :
- Alors tu n'as vraiment pas appris pour draguer.
- Eh non.
- Mince alors. Je me suis trompée.
- Eh oui.
Lily leva les yeux vers lui et fronça les sourcils.
- Arrête de te moquer de moi.
- Je croyais qu'on était là pour se moquer l'un de l'autre ? rétorqua James avec un grand sourire.
- Oh, miséricorde. Je crois que je vais arrêter de te parler parce que tu détournes toujours tout à ton avantage.
La musique s'arrêta brusquement et James regarda sa montre. McGonagall était pile à l'heure, comme d'habitude.
- Sauvée par le gong, Evans. Tu n'auras pas à me parler plus longtemps.
Lily se détacha de lui et sourit de toutes ses dents :
- Tu sais quoi ? C'est l'heure de manger !
Chapitre 7
- Non, Jenny, je refuse de mettre une robe longue !
Les épaules de la blonde retombèrent et elle alla remettre sur son cintre la robe qu'elle présentait à Lily.
- Pas de robe longue, pas de robe longue... Mais enfin Lily on ne va pas à un bal sans robe longue !
- Elle n'a pas tort, fit remarquer Margaret, qui se contorsionnait pour voir l'effet de sa robe bustier dans un grand miroir. L'été maman m'oblige à aller à tout un tas de fêtes et …
- Ne dis pas « m'oblige », coupa Val, on sait que tu adores ça.
- Hé ! C'est pas vrai ! Et, bref, ce serait du dernier mauvais goût d'y aller en robe courte.
- Mais Poudlard n'est pas la bonne société de sa Majesté, répliqua Lily en se levant du pouf sur lequel elle était assise pour s'approcher de Margaret. Maggy, je ne suis pas convaincue par cette robe.
- Non, moi non plus.
Un soupir désespéré se fit entendre dans un coin de la pièce et les quatre filles se tournèrent vers la vendeuse du magasin Gaichiffon, une jeune femme blonde au teint rose qui avait l'air exténué.
- Excusez-moi, balbutia-t-elle avant de s'enfuir vers son arrière-boutique.
Lily haussa les épaules et se regarda de nouveau son amie.
- Elle a du voir trop d'étudiantes. Tu ne veux pas réessayer la jaune ?
- Lily ! Arrête de t'occuper de la robe des autres !
La rousse sourit à Jenny et se dirigea d'un pas décidé vers un cintre présentant des robes arrivant au niveau du genou. Elle fit défiler les cintres et tira du lot une robe rouge avec un cri de satisfaction.
- Trouvée !
- Tu ne l'as pas essayée, fit remarquer Jenny en levant les yeux au ciel.
- Mais je suis sûre qu'elle me va.
Cinq minutes plus tard, Jenny fut obligée de s'avouer vaincu. Lily avait bel et bien trouvé sa robe en dix minutes. Elle avait de fines bretelles et un corsage tout simple, seulement rehaussé d'une ceinture en voile avec un nœud à l'arrière. La jupe, faite dans un tissu fluide, n'encombrait pas Lily. Or, c'était la seule chose qu'elle demandait.
- Bon. On va dire que tu as eu de la chance, marmonna Jenny en tournant autour de son amie d'un air critique. Mais, pour l'amour de Merlin, est-ce que tu veux bien m'expliquer pourquoi tu ne veux pas porter une robe longue ?
- Comment veux-tu danser correctement avec une robe longue ? expliqua joyeusement Lily en fermant le rideau de la cabine d'essayage pour enlever sa robe. On voit que tu n'as jamais dansé le rock.
- Personne n'a dit que c'était au programme !
- J'ai demandé à McGonagall. Et puis de toute façon il y aura des danses qu'on a pas vu en cours.
- Admettons... Tu n'as même pas de cavalier !
Lily sortit la tête de la cabine et sourit.
- Toi non plus. Maintenant trouve toi une robe, Halloway.
Jenny prit un air outré et se détourna. Elle détestait qu'on l'appelle par son nom de famille.
Lily éclata de rire et laissa la place à Val, à qui Jenny venait de donner une robe et l'ordre de l'essayer.
- Mais Jen' ! Puisque je te dis que je suis chargée de faire des photos ! Pas la peine que je sois bien habillée ! protesta la jeune fille en tentant de résister à la blonde.
- Je refuse qu'une de mes amies vienne en pyjama ou en clown à ce bal ! Et tu danseras !
- Quand je pense que Potter m'a qualifiée de despotique, rit Lily en posant l'argent pour sa robe sur le comptoir. M'est avis qu'il aurait dû te côtoyer un peu plus.
- Oh non, on est sorti ensemble juste le temps réglementaire, rétorqua Jenny en s'affairant dans la boutique pour ranger les robes qui traînaient un peu partout, puisque la vendeuse semblait avoir disparue.
- Je me demande comment tu as fait pour le supporter aussi longtemps.
- Aucune idée. Dépêchez-vous les filles, il est presque dix-huit heures et j'ai encore une tonne de travail à faire ! appela Jenny en remettant la dernière robe sur son cintre.
- Et la boutique va fermer ! commenta un voix étouffée venant de l'arrière-boutique.
Jenny s'approcha du rideau qui séparait les deux salles et le tira, révélant la vendeuse affalée dans un fauteuil, un verre à la main. Elle n'eut même pas le courage de chasser Jenny qui interrogea :
- Toutes les filles de Poudlard sont passées là pendant la journée ?
- Oh par Merlin ne m'en parlez pas, supplia la vendeuse en avalant une gorgée de sa boisson, qui n'était apparemment pas du jus de citrouille.
- Vous en faîtes pas, c'est fini ! dit joyeusement Jenny. Vous voulez un Chocogrenouille ?
Il faisait nuit lorsque les quatre filles reprirent le chemin de Poudlard. Elles étaient les dernières à quitter Pré-au-Lard. Cependant devant elles se trouvaient deux jeunes filles et bientôt Lily s'exclama :
- Alice !
L'interpellée se retourna et salua Lily et ses amies avant de retenir sa compagne.
Jenny marmonna quelque chose qui ressemblait à « Ohnonpaselle » mais Lily n'en tint pas compte et sourit à Ethel. Celle-ci fit de même, mais retrouva son visage impassible presque aussitôt. Les quatre Gryffondors avaient beau être amies avec Alice depuis leur cinquième année, elles connaissaient à peine Ethel. Cela tenait sans doute au fait que quand elles voyaient Alice elle était avec Frank et ses amis. Lily ignorait si Ethel avait une dent contre Frank, mais en tout cas elle ne les avaient jamais vu ensemble.
- Vous avez acheté vos robes ? demanda joyeusement Alice alors que les quatre filles les rejoignaient.
- Jenny commandait les opérations, alors oui ! répondit Margaret en sortant un chocogrenouille de son sac. D'ailleurs, c'était pas gentil de piquer dans ma réserve pour nourrir la vendeuse !
- Pas gentil ? C'était de la charité ! La pauvre, j'ai cru qu'elle allait se suicider.
La blonde entreprit de raconter l'état dans lequel était la vendeuse de Gaichiffon, en exagérant, comme toujours. Alice et Ethel avaient été dans les premières à se rendre à la boutique et ne l'avaient donc pas vu comme cela.
Alice rit franchement à l'imitation de Jenny alors qu'Ethel se contentait de sourire. Lily l'observait en silence, incapable de comprendre pourquoi elle était si renfermée. Elle semblait pourtant avoir tous les atouts pour être sûre d'elle : elle était belle, intelligente d'après ce que Lily savait.
La conversation roulait à présent sur les cavaliers – sujet ô combien épineux. Aucune des jeunes filles ne savait pour le moment avec qui elle allait se rendre au bal. Apparemment, les garçons étaient trop peureux pour se décider à demander aux filles de les accompagner.
- Et puis je ne sais pas si j'ai envie d'y aller avec quelqu'un d'autre qu'avec Frank, expliquait Alice. C'est vraiment dommage que ça tombe l'année où on est pas tous les deux à Poudlard.
- Il ne peut pas s'incruster ? interrogea Margaret alors qu'elles arrivaient en vue du château.
- D'une part, je ne pense que ça ne plairait pas aux professeurs, sourit Alice. En plus il n'a pas le temps. Parfois je n'ai pas de nouvelles pendant des semaines et il ne peut même pas me dire où il est...
- Il travaille pour le Ministère ?
Alice se tourna vers Lily, qui venait de poser la question, et acquiesça, le visage grave.
La rousse lui frotta le dos pour la réconforter.
- T'en fais pas, il ira bien. Et toi Ethel, avec qui voudrais-tu y aller ? tenta-t-elle.
La blonde rougit, pour autant que Lily put en juger à la lueur blafarde des baguettes, et répondit :
- Personne. Je n'aime pas particulièrement danser. Contrairement à toi, je crois.
Lily sentait bien que cette dernière phrase lui avait coûté. Elle faisait des efforts pour bavarder, même si les ragots de filles n'étaient apparemment pas ce qu'elle préférait.
- Effectivement ! Mais je ne suis pas sûre pour autant d'avoir un cavalier.
- Et Potter alors ? interrogea Alice en souriant de toutes ses dents.
- Oh ça suffit ! J'ai déjà suffisamment de mal à faire taire ces trois abruties, tu ne vas pas t'y mettre !
Alice éclata de rire et tira la grille du parc de Poudlard. Elles continuèrent à bavarder joyeusement, Ethel faisant des efforts de plus en plus réduits pour se joindre à la conversation et Alice tentant d'oublier son inquiétude pour Frank.
***
Sirius se plaqua contre le rayonnage, sa poitrine se soulevant à toute allure.
- Non. Je peux pas.
- Oh allez, Patmol ! T'as rien dans le ventre !
Sirius jeta un regard peu amène à James ainsi qu'à Remus, qui riait sans faire de bruit. La deuxième semaine avant le bal venait de s'ouvrir et la situation commençait à devenir désespérée.
- Cornedrue, on en reparlera quand tu auras demandé à Evans, marmonna-t-il. Je peux pas faire ça, on ne s'est jamais parlé et je vais me faire rembarrer !
- Ca ne te ressemble pas de te laisser impressionner par une fille, commenta James en se penchant pour voir Ethel et Alice, travaillant tranquillement à une table.
- Mais regarde la ! Elle doit me prendre pour le dernier des crétins...
- A juste raison, souffla Remus avant de se prendre un coup sur la tête de la part de Sirius.
- J'ai une meilleure idée. Je vais demander à Jenny.
- Mais oui, bonne idée, comme ça elle se dira que tu es le roi des abrutis qui sort avec la reine de la vanité ! railla James.
Cela arracha un sourire à Sirius, qui chuchota :
- Non, ça c'est toi.
- Moi en cinquième année, corrigea le brun. Enfin on s'en fiche.
Sirius se pinça les lèvres et ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais il se figea soudain, les yeux fixés quelque part derrière James et Remus. Ceux-ci se retournèrent et eurent l'heureuse surprise de tomber sur Mme. Pince qui les fixait avec des yeux pleins d'éclairs.
Dix secondes plus tard ils se retrouvèrent dans le couloir. Sirius avait eu le temps de voir Ethel relever la tête, l'air agacé par ces fauteurs de troubles. Autant dire qu'il était bien décidé à ne pas lui demander.
- Bon, c'est raté pour cette fois, commenta James en haussant les épaules.
- C'est raté pour toujours.
- Oh la ferme Patmol, t'es vraiment déprimant.
Sirius considéra ses deux amis en silence pendant quelques instants, puis lança :
- Ok, James. Si tu demandes à Evans, je demanderai à Ethel.
- Aucun problème, répondit le jeune homme en lui adressant un grand sourire. C'est dans la poche.
Remus haussa un sourcil sceptique et James lui donna un coup de poing dans l'épaule.
- La ferme, Lunard.
- Mais j'ai rien dit !
- Non mais tu penses et c'est dérangeant.
Son ami croisa les bras sur sa poitrine, une étincelle malicieuse dans ses yeux cernés.
- Dis-moi comment tu comptes t'y prendre et j'arrêterai de te déranger en … « pensant ».
- Ben je vais lui demander. C'est tout, répliqua James en essayant d'avoir l'air désinvolte.
- Mais bien sûr. Et elle te répondra sans doute « Oh oui marions-nous ! », railla Sirius.
- Eh, vous pouvez arrêter d'être aussi défaitistes ? Puisque je vous dis qu'elle va dire oui !
Remus sourit en haussant les épaules et s'adressa à Sirius :
- C'est beau l'espoir, hein ?
***
Lily déambulait dans un couloir du troisième étage, les mains fourrées dans ses poches. Comme d'habitude, elle mourait de froid pendant ses rondes. Tant pis si sa baguette était rangée dans sa poche arrière de jean, elle n'avait aucune envie de sortir ses mains de leur cocon chaud.
Alors qu'elle montait les escaliers vers le quatrième étage, il y eut un bruit derrière elle. Elle se retourna d'un bloc, sa baguette à la main. La crainte avait finalement vaincu la paresse. Aux aguets, elle scruta la pénombre. Comme elle ne voyait ni n'entendait plus rien, elle se détourna lentement et reprit son ascension.
Quelque chose de dur lui percuta alors l'arrière du crâne. Elle poussa un petit cri de douleur et fit volte-face, sa baguette levée.
- Peeves, prévint-elle à mi-voix, très agacée, tout en se frottant la tête.
Un caquètement se fit entendre alors qu'un projectile fonçait droit sur elle. Elle se pencha juste à temps pour l'éviter et s'aperçut qu'il s'agissait d'une assiette.
Elle se mit à monter quatre à quatre les escaliers, évitant tant bien que mal les assiettes qui fondaient sur elle, puisqu'elle était obligée de leur tourner le dos. Un jour, elle étriperait cet imbécile de fantôme, et peu importait s'il était déjà mort.
Alors qu'elle allait arriver au palier, son pied s'enfonça brusquement. Elle lâcha une bordée de jurons en se rendant compte qu'elle venait de se prendre elle-même au piège dans la marche cassée. Elle pouvait essayer de tirer autant qu'elle le voulait, elle n'en sortirait pas toute seule.
- Baron Sanglant ! beugla-t-elle en se contorsionnant pour éviter les assiettes vers Peeves, qui riait comme un dément au-dessus d'elle.
- Aïe... Peeves ça suffit ! supplia-t-elle. Aïe-euh !
- Peeves ! lança une voix froide quelque part au milieu de la cage d'escalier.
L'esprit farceur lâcha son assiette et fila comme une flèche, tout en chantant à tue-tête :
- Les préfets sont des poules mouillées, tralali, face aux assiettes ce sont des mauviettes, trididu !
Lily lâcha un soupir de soulagement, qui se transforma en frisson lorsque le Baron Sanglant passa au-dessus de sa tête sans même la regarder.
Bien. Elle était débarrassée de cet abruti de fantôme, mais elle était toujours bloquée à cause de cette stupide marche.
Quelque chose craqua dans les escaliers au-dessus d'elle et elle retint de justesse un couinement de frayeur. Et dire qu'elle allait sans doute passer la nuit là...
***
James mangeait son éclair au chocolat en regardant distraitement les tableaux accrochés au mur. Un bruit le tira de sa rêverie et il s'arrêta en bas des escaliers. Peeves faisait apparemment des siennes un peu plus haut, chantant quelque chose à propos des préfets. Ses idioties se firent plus lointaines et James haussa les épaules : tant qu'il pouvait rentrer tranquillement jusqu'à son dortoir, Peeves pouvait bien faire ce qui lui plaisait.
Il avala ce qui lui restait de la pâtisserie et commença à monter les escaliers, résistant difficilement à l'envie de manger la brioche de Sirius. Cependant il oublia toute idée de manger lorsqu'il aperçut Evans, une jambe à moitié enfoncée dans une marche, qui regardait autour d'elle d'un air effrayé. Il se retint difficilement de rire et monta en faisant le moins de bruit possible jusqu'à elle. Voilà donc pourquoi Peeves parlait des préfets... Des assiettes gisaient un peu partout autour de la rousse et il se demanda avec amusement ce que le fantôme avait bien pu lui faire subir.
Lily semblait s'être rendue compte qu'il y avait quelqu'un car elle fixait plus ou moins l'endroit où il était, sa poitrine se soulevant à toute allure. James décida de mettre fin à son angoisse et posa son sac de pâtisserie par terre, toujours caché sous la cape. Il fit du bruit et Lily demanda d'une voix tremblante, sa baguette tendue :
- Qui... Qui est-là ?
Le jeune homme prépara son plus beau sourire et tira brusquement sur sa cape.
Elle poussa un cri, qui fut bien vite couvert par le rire de James.
- Bon sang ! haleta-t-elle. Espèce de crétin !
Elle se laissa aller contre les marches au-dessus d'elle, la main posée sur son cœur.
- Potter, ne me fais plus jamais un coup pareil, supplia-t-elle en reprenant peu à peu des couleurs. Et tire moi de là, pitié.
- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? interrogea James à voix basse, craignant que leurs éclats de voix n'attirent du monde.
Lily lui tendit les mains sans rien dire. Il eut pitié d'elle et sourit :
- Alors j'ai le droit de te toucher ?
Elle leva les yeux au ciel et s'apprêta à faire une réflexion mais James ne lui en laissa pas le temps. Il lui saisit les mains et la tira de son trou. Surprise, elle trébucha et s'affala contre sa poitrine, avant de se rejeter brusquement en arrière, les joues rouges.
- Merci beaucoup.
James lâcha sa main sans faire de commentaire et récupéra sa cape et son sac de gâteaux. Lily jeta un regard suspicieux aux pâtisseries et le jeune homme sourit :
- Désolé, y en a pas pour toi. Mais dis moi, que s'est-il passé ?
- C'est cet abruti de Peeves, expliqua la jeune fille en posant son pied sur une marche, bien décidée à planter là sa ronde. Il...
Sa jambe se déroba soudain sous elle et James la rattrapa de justesse. Elle s'assit dans les escaliers en grimaçant alors que James, inquiet, s'accroupissait sur la marche d'en-dessous.
- Evans ? Ca va ?
- Non. Oh bon sang...
Elle tira sur son jean et pâlit légèrement en regardant sa cheville. Elle avait commencé à enfler et tirait sur le bleu. James émit un petit sifflement et elle leva les yeux vers lui.
- C'est... C'est cassé tu crois ?
Il ne put s'empêcher de rire.
- Quand je pense que je suis censé être le flemmard ! Non, ce n'est pas cassé.
- Quel est le rapport avec être un flemmard ? marmonna Lily en essayant prudemment de tourner son pied.
- Je me suis déjà cassé la cheville au Quidditch, donc je ne passe pas ma vie à ne rien faire...
- En mangeant des gâteaux, compléta Lily. Par Merlin ça fait un mal de chien.
- Je vais t'emmener à l'infirmerie.
James se redressa sans écouter les protestations de Lily et lui tendit les deux mains, à présent sur la même marche qu'elle.
- Allez, debout. Essaie de ne pas t'appuyer sur ta jambe.
- Merci, Einstein, j'aurais deviné toute seule.
- Eh, tu pourrais être un peu plus sympa, sans moi tu aurais passé la nuit là ! protesta James en la tirant vers lui, de sorte qu'ils furent presque collés l'un à l'autre.
Lily allait faire un commentaire mais un bruit se fit entendre au-dessus d'eux. Ils tournèrent la tête et James murmura :
- Ou peut-être que quelqu'un d'autre serait arrivé.
Il déploya sa cape au-dessus d'eux et serra Lily contre lui pour être sûr qu'ils soient tous les deux couverts. Ou juste parce que, pour une fois, il avait une bonne excuse pour le faire.
Ils virent le professeur Flitwick arriver, sa baguette levée. Il scruta l'escalier puis haussa les épaules et s'en alla. James sentit Lily se détendre contre lui et il la lâcha.
Elle grogna aussitôt de douleur et s'agrippa à son épaule.
- Désolée. Apparemment c'est tellement évident que je ne dois pas m'appuyer dessus que je le fais quand même.
- Je te pardonne, dans mon immense bonté. On y va ?
Lily resta accrochée à lui mais elle grimaçait à chaque pas. James, qui commençait à se dire que c'était peut-être bien son jour de chance, lança à mi-voix :
- Evans ? Tiens moi ça, tu veux ? Et surtout ne me frappe pas.
Sans attendre sa réponse, il lui tendit le paquet de gâteaux et la souleva dans ses bras. Elle eut la décence de ne pas se mettre à hurler, ce qui aurait sans aucun doute rameuter tout le château, mais entreprit de lui taper sur la tête.
- Potter ! siffla-t-elle. Repose-moi !
Il lui adressa un grand sourire et monta les marches qui restaient en deux fois moins de temps qu'ils n'en avaient mis pour en gravir trois.
- Hors de question. Ca te fait mal et en plus on n'avance pas.
- C'est mon problème si ça me fait mal, pas le tien !
James s'arrêta sur le palier et son sourire cessa d'être moqueur.
- Qu'est-ce que tu en sais ? dit-il doucement.
Lily le fixa quelques secondes, les lèvres entrouvertes, puis devint brusquement cramoisie et baissa les yeux. Le jeune homme rit intérieurement et prit le chemin de l'infirmerie.
- J'espère qu'on ne va croiser personne, balbutia Lily au bout d'un moment. Je n'ai aucune idée de la façon dont on pourrait justifier que tu sois là. Et puis, il y les gâteaux.
- Ah, les gâteaux. Ils nous mèneront à notre perte, aucun doute là-dessus.
- Ca, c'est sûr. Ils sont machiavéliques. Mais qu'est-ce qu'ils sentent bon...
- Tu peux prendre la brioche, dit James.
- C'est vrai ?
Il baissa les yeux sur Lily, qui le regardait, les joues rouges et l'air troublé.
- Ouais. Tu t'arrangeras avec Sirius, mais oui, vas-y.
- Merci. Dis, est-ce que ça va faire mal comme ça longtemps ?
- Etant donné qu'on est presque arrivé, non, répondit-il en apercevant la porte de l'infirmerie au bout du couloir.
Lily ne répondit pas, trop occupée à dévorer sa brioche, et James profita du silence pour savourer la situation. Pour une fois ils ne s'envoyaient pas des piques, ils ne se battaient pas... Si elle le voulait bien, alors James se ferait un plaisir de venir chercher du réconfort dans ses bras toutes les fois qu'il en aurait besoin, car c'était bien mieux qu'une part de tarte à la citrouille.
- Evans, tu me mets des miettes partout, rit-il en poussant la porte de l'infirmerie avec son épaule.
- Pas du tout. Tu as dû rêver.
- C'est pas très sympa comme façon de me remercier.
- J'ai déjà dit « merci », Potter. N'en espère pas trop, rétorqua-t-elle en se dévissant le cou pour le voir.
James sentit son cœur battre un tout petit peu trop vite lorsqu'il répondit :
- Je ne cesserai jamais d'espérer, Evans.
Il se racla la gorge avant d'ajouter :
- Et tu n'as dit merci que pour la marche.
Les mains de la jeune fille se crispèrent sur son sachet de gâteaux alors que ses joues rougissaient, mais Mme. Pomfresh lui épargna la peine de répondre.
- Mr. Potter ! Mais qu'est-ce que vous avez fait à cette jeune fille ?
- Elle est tombée dans l'escalier du dortoir, mentit James avec beaucoup d'aplomb, et je crois qu'elle s'est foulée la cheville.
Il posa Lily sur le lit que lui indiquait l'infirmière et la jeune fille lui adressa un sourire légèrement tremblant. Cependant Mme. Pomfresh le poussa pour voir le pied de Lily, marmonna quelque chose et se dirigea vers une armoire qu'elle entreprit de fouiller.
James lança un « Bon courage » à Lily et commença à partir lorsqu'elle lui attrapa le poignet. Il se retourna, surpris, et elle lui sourit de nouveau, l'air plus sûr d'elle cette fois.
- Merci, Potter.
Chapitre huit
Lily dut passer la nuit à l'infirmerie mais le lendemain matin sa cheville était comme neuve. Elle y prêta à peine attention, préoccupée par le fait qu'elle avait eu le réflexe de sourire à Potter en le croisant le lendemain de son accident.
Cette semaine-ci, elle attendit le cours de danse avec appréhension. Elle évitait cependant de se pencher sur ce qu'elle redoutait et essayait de ne songeait qu'au plaisir de danser le rock.
Les Septièmes années poussèrent une exclamation de joie lorsque McGonagall annonça le programme du jour et ils levèrent presque tous la main lorsqu'elle demanda qui connaissait déjà le rock'n'roll – sauf les Serpentards, qui évitaient autant que possible de participer.
Deux Serdaigles dansèrent au profit du reste de la classe et McGonagall tint ensuite à montrer les passes les plus basiques pour ceux qui ne connaissaient pas du tout. Les élèves se mirent en couple aussitôt, ayant à présent pris l'habitude. John vint chercher Margaret, sous l'oeil approbateur de Jenny qui se dirigea ensuite en sautillant vers Sirius. Val resta assise, répétant à tout bout de champ qu'elle devait faire les photos et non danser. Quant à Lily, elle essayait de se convaincre qu'après ce que Potter avait fait pour elle, elle pouvait bien dire oui. Et qu'elle ne dirait pas oui parce qu'elle en avait vraiment envie.
Lily remarqua alors que Jenny et Sirius semblaient être en train de parlementer, James les écoutant en souriant. Elle s'approcha doucement et entendit :
- … danser le foxtrot et pas le rock ?
- C'est fou, hein ? répondit Sirius.
Lily, surprise, s'incrusta dans le cercle.
- Vous ne savez pas danser le rock ? s'exclama-t-elle.
Potter lui sourit et haussa les épaules.
- Eh non, les vieux n'aiment pas trop les « danses dégénérées ». C'est ça le formulation de Maurice, Sirius ?
- Je crois bien, acquiesça-t-il en regardant Lily, les yeux plissés. Qu'est-ce que tu fais là, Evans ?
La rousse piqua un fard et balbutia :
- Je ne sais pas, je me demandais si... euh... enfin pourquoi vous ne …
- Tu veux bien danser avec moi ? coupa James, la tirant d'affaire non sans jeter un coup d'œil à Sirius qui parut faire un gros effort sur lui-même pour ne pas rire. Ce qui agaça Lily et la convainquit presque de refuser. Presque.
- Encore une fois, c'est parce que je te dois bien ça.
- Heureusement pour moi que tu as toujours besoin de moi alors, répondit joyeusement Potter en se dirigeant vers les autres élèves, qui attendaient les retardataires pour commencer le cours.
Lily le suivit, hésitant entre l'amusement et l'agacement.
Pour une fois, la plupart des élèves se débrouillaient très bien – beaucoup mieux que McGonagall la plupart du temps, qui avait sans doute appris le rock au dernier moment pour être un peu plus à jour qu'avec le foxtrot.
Potter s'emmêlait entre les passes, croisant ses mains quand il ne le fallait pas et faisant tourner Lily dans le mauvais sens. La jeune fille ne pouvait s'empêcher de rire de ses maladresses et Potter riait encore plus fort. A bout d'une heure et demi, il parvint enfin à enchaîner plusieurs passes sans se tromper. Ils étaient presque seuls à danser, les autres étant trop épuisés pour continuer. McGonagall les avait laissé à leur propre sort, dépassée par leurs compétences, mais la musique continuait à tourner.
- Alors, comment je me débrouille ? interrogea James, essoufflé, au moment où Rock around the Clock se terminait.
- Pas trop mal, répondit Lily en rassemblant ses cheveux en un chignon pendant quelques secondes, le visage en feu – et pour une fois, cela n'avait aucun rapport avec ce que Potter lui avait dit mais seulement avec la danse. Tu pourras l'apprendre à la maison de retraite.
- Ca m'étonnerait, je me ferais traiter d'hérétique, assura-t-il en lui tendant la main. C'est reparti ?
Lily prit sa main sans hésiter. Elle avait complètement oublié qu'elle était censée le détester.
***
La musique s'arrêta à l'heure pile, malgré l'absence de McGonagall. James lâcha la main de Lily et se laissa tomber par terre, exténué. Il n'avait jamais imaginé que danser put être aussi épuisant. Lily s'assit à son tour près de lui, alors que les autres élèves, qui avaient abandonné depuis déjà une demi-heure, sortaient de la salle. Elle étendit ses jambes sans tenir compte des protestations des jeunes gens autour d'eux et rejeta la tête en arrière.
- Je crois que je vais aller me coucher.
James, assis en tailleur, la regarda en souriant.
- C'est pas un petit rock qui va t'achever quand même ?
- Un petit rock ? C'était le plus long rock de ma vie. Deux minutes de plus et j'aurais sans doute succombé à une crise cardiaque.
Elle ouvrit de grands yeux et agita un index accusateur vers James.
- Avoue, tu essaies de me tuer.
- Bien sûr que non. Sinon j'aurais laissé Peeves t'achever l'autre nuit.
Lily plissa les yeux et pencha la tête sur le côté.
- Ca va te servir d'argument de négociation jusqu'à la fin de nos jours, c'est ça ?
- Non, assura James en s'allongeant sur le dos, les bras croisés derrière la tête.
- Et tu espères que je vais te croire ?
- Ah oui c'est vrai, je peux toujours courir pour que tu me fasses confiance. Tu vivras donc dans l'incertitude pour le restant de tes jours.
- Non, parce que je n'ai aucune envie de continuer à te fréquenter pour le restant de mes jours.
James se redressa sur un coude et haussa un sourcil.
- Même pour danser ?
Lily rapprocha son visage du sien et sourit en hochant la tête.
- Même pour danser.
Ayant dit, elle se leva avec souplesse, alla prendre son sac et s'apprêta à quitter la salle.
James savait que c'était maintenant ou jamais mais, par Merlin, il n'avait jamais été aussi angoissé de toute sa vie.
Alors qu'elle passait la porte, il se leva d'un bond et s'exclama :
- Lily, attends !
Elle se tourna, surprise.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
James ouvrit la bouche mais il lui fallut s'y reprendre à plusieurs fois pour trouver la force de parler. Enfin, alors qu'une incompréhension totale se peignait sur le visage de la jeune fille, il balbutia :
- Est-ce que … est-ce que tu veux bien venir au bal avec moi ?
A son grand étonnement, elle ne rougit même pas. Elle se contenta de le dévisager, figée. Puis, enfin, elle demanda d'une voix neutre :
- Et pourquoi est-ce que je dirais oui ?
Le jeune homme avait l'impression que seuls les battements désordonnés de son cœur résonnaient dans sa tête, l'empêchant de réfléchir. Il parvint tout de même à répondre :
- Parce que tu aimes bien danser avec moi ?
- Non. J'aime bien danser avec toi parce que tu danses bien, et pas parce que c'est toi.
- Parce que j'ai un moyen de pression ?
Lily émit un petit bruit agacé et fit volte-face, prête à s'en aller. James lança alors, en désespoir de cause :
- Parce que j'ai vraiment envie que tu dises oui !
Elle le regarda de nouveau. Cette fois-ci, elle avait rougi. Elle scrutait son visage, ses doigts crispés sur la lanière de son sac. Puis, sans un mot, elle partit.
James resta planté au milieu de la salle, les bras ballants. Enfin il marmonna :
- C'était sans doute un non.
***
- Oh par Merlin, oh par Merlin, oh par Merlin...
Lily s'adossa à la porte de son dortoir, haletante. Elle venait de monter les escaliers quatre à quatre, totalement déconnectée de la réalité. Son regard passa sur Jenny, Val et Margaret qui la regardaient avec de grands yeux. Enfin Jenny demanda prudemment :
- Euh, Lily ? Ça va ?
- Non, ça ne va pas ! Ça ne va pas DU TOUT ! s'écria la rousse en se laissant tomber sur son lit, avant d'envoyer ses chaussures voler à l'autre bout de la pièce.
- Tu avais l'air de bien t'amuser pourtant, remarqua Margaret en allant s'asseoir sur le lit de son amie, vite rejointe par Jenny et Val.
- Justement. Enfin, non, je ne sais pas si ça a un rapport en fait. Oh, bon sang !
Elle enfouit un instant son visage entre ses mains puis redressa la tête, prit une inspiration et lança :
- Potter m'a demandé d'aller au bal avec lui, ce qui n'est pas grave en soit, mais vous savez ce qui est grave ? J'ai failli dire oui ! Bon sang !
Elle cacha de nouveau son visage dans ses mains en coupe et les trois filles échangèrent un regard d'incompréhension totale.
- Lily, commença Jenny, tu as le droit de bien t'entendre avec lui, tu sais.
- Non ! Bien sûr que non, je ne peux pas ! C'est Potter ! James Potter ! Il est arrogant, méchant et puis... et puis c'est James Potter, c'est tout !
- Tu te cherches des excuses, chantonna Jenny avant de se lever en sautillant.
Lily braqua son regard sur elle et marmonna :
- Comment ça ?
- Ça fait quand même trois semaines que tu danses avec lui. Tu ne dois plus le trouver si horrible que ça.
- Si. Non. Oh et puis je n'en sais rien ! Parfois j'ai envie de le taper, mais il a été tellement gentil lundi soir...
Elle se laissa tomber sur le dos, écrasant presque Val qui l'évita avec un couinement. Il y eut un instant de silence jusqu'à ce que Lily se redresse brusquement sur un coude :
- Mais au fait, puisqu'on parle de cavalier : où en êtes-vous ? Jenny, tu y vas avec Harvey Gibson, on sait. D'ailleurs, il faudra que tu m'expliques pourquoi tu n'y vas pas avec Black. Enfin bref, Maggy, Val ?
- Ce changement de sujet était on ne peut plus subtil, commenta la blonde en s'asseyant sur son propre lit. Mais j'avoue que ça m'intéresse aussi, alors je te laisse tranquille pour le moment. Val ?
- Je vous l'ai déjà dit, je prends les photos ! répondit la jeune fille en souriant.
Jenny fit la moue et marmonna quelque chose qui ressemblait à « jevaistetrouveruncavaliertuvasvoir » et se tourna vers Margaret.
- Maggy ? Je suis sûre que John n'est pas venu te parler pour rien ce matin.
- Vous êtes flippantes, on se croirait devant l'Inquisition, marmonna l'intéressée en rougissant. Et je comptais vous en parler mais puisque vous êtes si désagréables je ne dirai rien.
Lily et Jenny échangèrent un regard et Margaret sauta aussitôt du lit pour se ruer vers l'escalier en hurlant, tout le monde ayant oublié les malheurs Lily pour le moment.
Lily remonta jusqu'à sa chambre avec la ferme intention de dormir jusqu'à la fin des temps. Elle était déjà exténuée après le cours de danse mais en plus elle avait couru après Margaret dans la moitié du château – pour finalement apprendre que John lui avait demandé de l'accompagner le matin même. Et elle n'avait même pas dîné. Et, surtout, il restait cet horrible problème : que répondre à Potter ?
Elle ne le croisa pas de la soirée, ce qui l'arrangeait bien et elle tenta de ne plus y penser. Le lendemain matin, elle se rendit en cours en traînant des pieds. Ce qui l'agaçait le plus, c'était que cette histoire la taraude autant. Elle se souciait beaucoup trop de Potter à son goût.
Alors que les Gryffondors attendaient devant la porte du professeur McGonagall, Lily repéra le jeune homme un peu plus loin, qui discutait avec ses trois amis. Non, décidément, elle ne pouvait pas y aller avec lui. Si elle le supportait plus qu'avant, ce n'était pas son ami pour autant.
Contente de sa décision elle allait cesser de le regarder lorsqu'une Première année minuscule et les bras chargés de livres arriva derrière les groupe des garçons. Elle chancelait sous son chargement et finalement trébucha sur les dalles irrégulières du château. Ses livres s'étalèrent au sol avec fracas, vite suivis par la petite fille. Potter s'accroupit aussitôt et l'aida à se relever. Lily n'entendit pas ce qu'il lui dit à cause du brouhaha qui régnait dans le couloir, mais elle le vit sourire gentiment. Il ramassa les livres et les tendit à la Première année à présent cramoisie. Elle sembla le remercier d'un hochement de tête et reprit sa route prudemment. Potter la regarda partir en souriant et se redressa. Ses yeux croisèrent alors ceux de Lily. Son sourire s'effaça aussitôt et il baissa la tête.
- Lily tu m'écoutes ? Il faut que Val aie un cavalier !
La jeune fille se tourna vers Jenny, surprise.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
La blonde leva les yeux au ciel et renonça à l'aide de Lily pour convaincre Val. Elle les écouta d'une oreille distraite, réfléchissant. Lorsque McGonagall ouvrit finalement la porte, elle avait pris sa décision.
***
Sirius chipotait avec sa nourriture, les lèvres pincées. James avait demandé à Lily alors il ne lui restait qu'une seule chose à faire : demander à Ethel de l'accompagner au bal. Il aurait préféré aller prendre le thé avec un ogre. Et il ne pouvait pas se dégonfler, sinon cela le poursuivrait jusqu'au restant de ses jours.
L'objet de ses tourments se leva alors de table, suivie bien évidemment d'Alice. James lui donna un coup de coude dans les côtes et Sirius émit un petit bruit agacé.
- Merci pour ta subtilité. J'avais remarqué que c'était le moment de ma mise à mort, t'en fais pas.
Ayant dit cela, il s'extirpa du banc et se dirigea vers les deux Serdaigles, tel un condamné mené à l’échafaud. Il rattrapa les jeunes filles alors qu'elles passaient les lourdes portes de chêne et il se racla la gorge avant de d'appeler d'une voix étranglée :
- Euh, Ethel ?
Les deux blondes se retournèrent d'un bloc. Sirius eut l'impression que Alice se retenait de taper dans ses mains en riant, mais elle avait l'air absolument ravi qu'un garçon interpelle sa meilleure amie. Quant à la principale intéressée, elle avait légèrement rougi mais son visage ne trahissait aucune émotion.
- Je vous laisse ! s'exclama Alice avant se carapater à l'autre bout du hall.
- Mais Alice... tenta Ethel en essayant de lui attraper le bras.
Il était cependant trop tard pour la rattraper et elle fut bien obligée de se tourner vers Sirius, fuyant obstinément son regard. Et avant même qu'il ouvre la bouche, elle lança :
- Je sais ce que tu veux me demander, mais je ne compte pas aller au bal. Désolée.
Ses yeux bleus croisèrent un instant ceux de Sirius puis elle pivota sur ses talons et rejoignit Alice à grandes enjambées, ses longs cheveux blonds ondulant dans son dos. Sirius resta planté là, abasourdi.
- Bon. Au moins elle n'y va pas avec quelqu'un d'autre, marmonna-t-il.
***
James vit tout de suite à la tête de Sirius qu'elle avait dit non. Il s'en voulut un peu, mais cela le réconfortait de ne pas être le seul à s'être fait jeter. Mais alors que son ami s'asseyait, un avion en papier passa au-dessus de sa tête et vint tournoyer un instant autour de James avant de se poser doucement devant son assiette.
Il oublia totalement Sirius et ses malheurs et déplia le morceau de papier, intrigué. Peut-être cela avait-il un rapport avec cette histoire d'assiette et de portrait... Sa lecture s'avéra en fait bien plus satisfaisante. Stupéfait, il parcourut les mots plusieurs fois sans parvenir à y croire :
C'est d'accord. Mais je te préviens, il y a des conditions.
L.
- Par Merlin.
Ses trois amis interrompirent leur conversation à propos des qualités de persuasion de Sirius et se tournèrent vers James.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? interrogea Sirius, encore un peu pâle après sa mésaventure.
- Evans, répondit James en levant les yeux du mot. Elle a dit oui.
Sirius s'empressa de lui arracher le bout de papier des mains et, après avoir lu, s'exclama :
- Espèce de Snargalouffe ! Tu la maltraites pendant six ans et elle t'accompagne à un bal !
- Eh, on se maltraitait mutuellement, répliqua James en tentant de récupérer son papier. Et puis on ne se maltraite plus. Enfin si, elle me maltraite mais pas moi.
- Ah ouais, t'es terriblement maltraité, railla Remus en les regardant se battre alors que Peter riait à côté.
James poussa un cri de triomphe en attrapant le mot et lança, tellement euphorique qu'il était prêt à tout :
- Je suis sûr que je vais réussir à l'embrasser.
Un lent sourire se dessina sur le visage de Sirius, effaçant quelque peu son air morose.
- On pari ?
James passa les portes de la bibliothèque sans pouvoir s'empêcher de sourire. Il s'en voulait un peu d'être si guilleret alors que Sirius s'était fait jeter par Ethel, mais il ne pouvait tout simplement pas faire autrement.
Il n'eut aucun mal à trouver Lily, qui avait eu l'excellente idée de s'installer à une table cachée derrière des étagères. Il se glissa sur la chaise en face d'elle et posa le mot sur son livre. Elle releva la tête et rougit légèrement.
- Potter ? chuchota-t-elle.
- C'est sérieux ? interrogea-t-il sur le même ton.
- Non, je trouvais ça plus drôle de t'humilier.
Un air ravi illumina le visage de James et il poursuivit :
- Quelles sont les conditions ?
Lily se cala contre le dossier de sa chaise et croisa les bras, se contentant d'un petit sourire.
- Si tu es trop insupportable, je te plante au milieu du bal.
- Aucun risque mais, d'accord.
- Pourquoi aucun risque ? Parce que tu es tellement génial que je ne voudrais pas te quitter ?
- Non. Parce que je ne serai pas insupportable.
La jeune fille haussa un sourcil sceptique mais continua :
- Si j'ai envie de danser mais pas toi, tu devras quand même me faire danser.
- J'ai toujours envie de danser, voyons.
- Eh, arrête de tout prendre aussi bien, ça n'a plus aucun intérêt pour moi !
- Ah ! Je savais que tu avais un fond de sadisme !
- Seulement en ce qui te concerne. Autre chose : pas de bêtises, de trucs qui explosent ou je ne sais quoi.
- Pas de problème. C'est tout ?
- Interdit de draguer, que ce soit moi ou les autres filles. Non pas que je sois jalouse – loin de moi cette idée, mais leurs gloussements m'insupportent.
James dut faire un gros effort sur lui même pour ne pas rire et Lily lui donna un léger coup de pied dans le tibia. Il la fusilla du regard et récupéra son papier avant de se lever.
- Désolé de te décevoir, mais aucune de tes conditions ne pourra entacher ma bonne humeur !
Sans attendre de réponse, il s'éclipsa.
***
Les jours qui restaient avant le bal passèrent à toute vitesse. Tout le château était en pleine effervescence et les professeurs avaient du mal à tenir leurs élèves. Ceux et celles qui n'avaient pas encore de cavaliers ou cavalières pour le bal se lançaient dans des entreprises désespérées pour demander à la personne qui leur plaisait le plus.
Sirius ne faisait pas partie de ce groupe, ayant renoncé à insister auprès d'Ethel. Il demanda tout simplement à Alice, qui accepta joyeusement. Les deux jeunes gens savaient très bien qu'ils y allaient en amis et cela leur convenait tout à fait. Quant à Remus, le problème ne se posait pas pour lui : le bal tombait le soir de la pleine lune. Peter était résolu à l'accompagner dans la Cabane Hurlante, n'ayant pas particulièrement envie d'aller au bal. James et Sirius s'en voulurent de les lâcher, mais Remus leur assura que ce n'était pas grave. Après tout, ils avaient une vie aussi.
Le dernier cours de danse, la veille du bal, consista en une révision de toutes les danses qu'ils avaient appris – ou non. Lily et James ne dansèrent pas une seule fois ensemble, chargés par McGonagall d'aider ceux qui avaient le plus de mal. Ce fut un joyeux bazar pendant deux heures, tout le monde riant aux éclats – sauf les Serpentards – en se marchant sur les pieds. Il semblait que Dumbledore ait atteint son objectif.
Les plus drôles pour eux fut quand McGonagall les appela tous les deux pour demander que l'un des deux ouvre le bal avec son cavalier ou sa cavalière, sans avoir l'air d'imaginer une seule seconde qu'ils pourraient y aller ensemble.
Chapitre neuf
- Vous savez, plus j'y pense et plus je me dis que je suis complètement folle, lança Lily en mettant ses boucles d'oreille.
- Non, tu as seulement prouvé que finalement tu étais bien une fille, rétorqua Jenny, occupée à se maquiller.
- Eh, j'ai toujours été une fille !
- Faux, tu ne courrais pas après Potter.
- Je ne cours pas après Potter, Jenny. Je danse avec lui.
Son amie lui jeta un regard appuyé alors que Margaret se mettait à rire. Lily leva les yeux au ciel et s'assit sur son lit pour mettre ses chaussures. Elle ignorait depuis combien de temps elles se préparaient, mais cela lui semblait interminable. Jenny avait tenu à maquiller et coiffer ses deux amies – Val avait tenu bon même si elle était obligée de porter une robe – et cela avait pris un temps fou. Les cheveux de Margaret et Lily étaient à présent remonté en des chignons sophistiqués et leur visage délicatement maquillé. Lily devait bien reconnaître cela à Jenny : elle savait s'y prendre.
- Maggy, tu es superbe.
La jeune fille se retourna pour sourire à Lily. Elle avait finalement opté pour une robe jaune à taille empire. Jenny était vêtue d'une robe bustier violette cintrée à la taille et brodée de fils d'or. Elle aimait bien tout ce qui ne touchait pas à la simplicité. Quant à Val, elle portait une robe blanche toute simple lui arrivant au genou. Elle avait déjà quitté la chambre pour mitrailler tous les jeunes gens qu'elle croiserait.
- Il est bientôt dix-neuf heures, lança Lily en faisant quelque pas avec ses chaussures à talons. Elle n'arrivait pas à savoir si elle les avait acheté de son plein gré ou si Jenny l'avait manipulée de façon très subtile, mais en tout cas elle sentait qu'elle n'allait pas les garder longtemps.
- J'arrive, assura Jenny en plantant une dernière épingle dans ses cheveux. Ça va comme ça ?
Ses amies la complimentèrent pendant cinq minutes après quoi elles purent enfin quitter leur chambre. Lily avait peur d'être en retard mais elle fut vite rassurée : des filles s'interpellaient encore un peu partout dans les couloirs, à la recherche de mascara ou d'une boucle d'oreille.
Dans la salle commune les Première, Deuxième et Troisième années étaient vautrés dans les fauteuils et canapés, l'air exténué mais ravi. D'après ce que Lily avait vu, ils avaient couru dans le parc toute la journée, cherchant on ne sait quoi.
Il avait été convenu que les garçons attendraient leur cavalière en bas de l'escalier principal. Les trois Gryffondors rejoignirent un groupe de Serdaigles qui descendaient en papotant et gloussant, tout le monde se complimentant à tout bout de champ à propos de sa tenue. Lily était de plus en plus nerveuse à mesure qu'elle se rapprochait du rez-de-chaussée. Potter avait dû lui jeter un sortilège de Confusion, aucun moyen qu'elle ait accepté autrement.
Elle sentit alors une main prendre la sienne et sourit tant bien que mal à Margaret, qui la couvait d'un regard rassurant.
- Ne t'en fais pas. Tu ne vas pas stresser pour Potter quand même ? Et puis si tu ne peux plus le supporter, tu peux le lâcher.
Lily hocha la tête alors que le groupe des garçons apparaissait, masse sombre qui riait bruyamment en bas des escaliers. C'était la première fois qu'elle voyait des sorciers en tenues de soirée, étant donné que les garçons invités chez Slughorn ne sortaient jamais leur costume pour l'occasion. Ils portaient tous des capes plus ou moins élégantes et travaillées, allant du vert bouteille au noir corbeau. Certains étaient en robe, d'autres en une sorte de remake du costume trois pièces moldu. Mais au milieu de cet assemblage hétéroclite, elle était certaine qu'il n'y avait aucun Serpentard.
Malgré le nombre de jeunes gens qui se trouvaient là, elle n'eut pas grand mal à repérer James, qui bavardait avec Sirius et Alice, les mains de les poches.
- Ouais, c'est vraiment la chose la plus stupide que j'ai jamais faite, marmonna-t-elle.
***
James était en train de raconter une blague à Sirius et sa cavalière lorsqu'il s'interrompit, les yeux fixés derrière son ami. Celui-ci se retourna et émit un petit sifflement.
- Dis-donc, Cornedrue ! Tu dois avoir une touche pour qu'elle se soit faite aussi belle.
James lui donna un coup de coude dans les côtes en ignorant les regards plein de sous-entendus que lui jetait Alice et s'approcha du bas de l'escalier pour attendre Lily. Elle lui sourit, rougit, faillit trébucher en posant le pied par terre et finit par expirer longuement comme pour se calmer.
- Qu'est-ce qui t'arrive, Evans ?
- J'ai sans doute fait une bêtise en te disant oui, répliqua Lily, les yeux plissés.
Merlin ce qu'elle était belle !
- Oui, décidément j'ai fait une bêtise, reprit-elle, sarcastique, face à son silence béat.
James revint à la réalité, marmonna quelque chose d'incompréhensible et finit par lui présenter son bras, rejetant en arrière sa cape :
- Je crois que McGonagall nous attend.
Lily hésita un peu mais finalement glissa sa main sur sa chemise sans rien dire. A ce moment là un silence pesant s'abattit autour d'eux alors que les élèves comprenaient que Lily Evans allait vraiment au bal avec James Potter, et que ce n'était pas juste une rumeur sans fondement et complètement absurde qui courait depuis une semaine.
Sous les yeux ébahis de la moitié de l'école, ils s'approchèrent de leur professeur de Métamorphose. James faillit éclater de rire lorsqu'elle les vit : elle les fixait comme s'ils étaient des trolls échappés d'un cirque.
- Mr. Potter, Miss Evans, balbutia-t-elle, vous... vous allez donc ouvrir le bal ensemble ?
- En effet ! répondit joyeusement Lily comme si cette situation était tout à fait normale.
McGonagall sembla vouloir ajouter quelque chose mais se contenta de leur céder le passage pour rejoindre les trois autres couples. Il y en avait un de Poufsouffle, un autre de Serdaigle et le dernier était constitué de nuls autres que... Anne et Martin, la gardienne et un des poursuiveurs de Gryffondor qui passaient leur temps à se chamailler.
Cette fois-ci, James se mit à rire sans pouvoir s'en empêcher. Les deux jeunes gens, jusque là plongés en grande conversation, se tournèrent vers lui alors que Lily lâchait discrètement son bras, persuadée qu'il était devenu fou.
- Un problème, Potter ? interrogea Martin, ses yeux pétillants d'une lueur malicieuse d'assez mauvais augure pour James.
- Rassurez-moi, c'était un pari ou quelque chose dans le genre ? interrogea le capitaine en tentant de reprendre son sérieux.
- En fait oui, soupira Anne. Et je me retrouve coincée avec lui pour la soirée.
- Cette situation me rappelle quelque chose, marmonna Lily.
- Eh, tu as accepté librement ! protesta James alors qu'Anne adressait un sourire compatissant à la jeune fille.
- Figure-toi que je suis à peu près persuadée que tu m'as jeté un sortilège de Confusion.
- Quoi ? Mais tu...
- Potter. Je plaisante, coupa Lily en lui donnant une petite tape sur la tête.
- Dans ce cas, reprit Martin, je ne vois pas pourquoi ça te fait rire de nous voir ensemble, parce que c'est tout aussi bizarre de vous voir tous les deux.
- Je n'ai pas essayé de jeter Lily dans le feu récemment, répliqua James.
- Aha ! Tu vois, je disais bien que tu n'étais pas un gentleman ! s'exclama Anne en pointant un index accusateur vers son cavalier.
- Anne. Je fais partie de la vieille noblesse irlandaise alors s'il te plaît ne me dis pas que …
- Jeunes gens !
Les quatre couples se tournèrent aussitôt vers McGonagall et se turent, mus par un réflexe de survie acquis dès la première année. Elle leur expliqua que Dumbledore allait faire un discours avant l'ouverture des portes, mais n'eut pas le temps d'en dire plus car elle se rua vers des élèves en braillant, sans raison apparente.
Interloqués, les huit élèves se dévisagèrent quelques instants avant d'éclater de rire. Anne et Martin recommencèrent à se chamailler et les deux autres Gryffondor servirent d'arbitre en attendant le directeur.
Enfin il fendit la foule – tous les élèves étaient enfin arrivés – et vint se placer devant les portes de la Grande Salle, non sans adresser un grand sourire à tout le monde. Il était vêtu d'une longue robe violette couverte d'étoiles et son chapeau était entouré de toiles d'araignées. Il tapota sa gorge avec sa baguette et commença :
- Bonsoir à tous !
Le brouhaha cessa aussitôt et toutes les têtes se tournèrent vers Dumbledore.
- Bonsoir, bonsoir, bonsoir ! Je n'ai qu'une chose à vous dire, chers élèves : amusez-vous bien ! Oh et celui qui trouve la citrouille qui me ressemble le plus gagnera une carte Chocogrenouille !
Tout le monde éclata de rire et les portes s'ouvrirent enfin.
La salle était remplie de citrouilles édentées et de guirlandes oranges et noires. Mais la personne qui avait décoré avait réussi à donner un air d'Halloween à la Grande Salle sans que ce soit glauque – ce qui aurait été assez bizarre pour un bal. Du lierre courrait partout dans la pièce, enroulé autour des citrouilles, dans lesquelles luisaient doucement des bougies. Un espace libre avait été ménagé au centre, délimité par des tables rondes couvertes d'une nappe blanche – et de lierre. Un groupe de musiciens, installé à côté de la piste de danse, était occupé à s'accorder.
- Potter ?
- Hmm ? marmonna James, arraché à sa contemplation de la salle – il essayait de trouver la citrouille qui ressemblait à Dumbledore.
- Tu ne m'as pas jeté de sortilège de Confusion ?
- Ca devient vexant, Evans, soupira-t-il en tournant les yeux vers elle.
- Mon but dans la vie n'est pas de te faire plaisir, tu sais.
- Alors pourquoi tu as dit oui ?
- C'est justement la question que je me pose.
- Tu peux encore partir si tu veux ! s'agaça-t-il en ouvrant les bras pour lui signifier qu'elle était libre.
Elle le dévisagea en silence, les lèvres pincées. Lorsque enfin elle ouvrit la bouche, McGonagall fit irruption à côté d'eux pour brailler :
- Mais qu'est-ce que vous fabriquez là ? On vous attend !
Les deux jeunes gens furent bien obligés de se précipiter à la suite des trois autres couples. Ils se mirent en place et lorsque Lily posa sa main sur l'épaule de James elle marmonna :
- Je te déteste.
- Harpie, rétorqua tout bas James.
Elle lui écrasa le pied :
- Troll.
James n'eut pas l'occasion de répondre car la musique commença. Les quatre couples commencèrent à tourner en même temps, tous maîtrisant très bien la danse. Lily eut la bonté de ne pas lui marcher dessus mais elle évitait soigneusement son regard, les joues pâles.
- Pardon.
Elle tourna brusquement la tête vers lui et faillit manquer un temps.
- Qu'est-ce que tu as dit ?
- Je suis désolé. Je n'ai pas envie de me disputer avec toi ce soir, marmonna James, gêné.
- Tu... commença-t-elle avant de baisser les yeux.
Elle prit une profonde inspiration avant de le regarder timidement :
- Je n'aurai pas dû insister.
- Je te promets que je ne te jetterai jamais un quelconque sortilège pour que tu acceptes de passer du temps avec moi. Mais j'avoue que j'aimerai bien savoir pourquoi tu as dit oui, en fin de compte.
- Pourquoi « en fin de compte » ? Je n'avais rien répondu du tout.
- Tu es partie sans rien dire !
- Eh, tu te rends compte ce que ça représente d'aller à un bal avec la personne qu'on déteste le plus au monde ? Ça demandait un peu de réflexion.
- Et alors ? Qu'est-ce qui a fait penché la balance en ma faveur ?
- Eh bien...
Lily s'interrompit alors que la musique ralentissait. Les autres élèves se ruèrent sur la piste, l'air tout excité, et lorsque la musique reprit son rythme normal, la salle ne fut plus qu'un tourbillon multicolore.
- Impressionnant, commenta Lily alors qu'ils allaient et venaient entre les élèves en faisant en sorte de ne pas se rentrer dedans. Donc, je disais... J'avoue que tes qualités de cavalier ne sont pas tout à fait étrangères à mon choix...
- Ah ! Qu'est-ce que je disais !
-... mais ce n'est pas parce que tu sais danser que ça fait de toi quelqu'un de sympathique.
- Et donc ? relança James, qui ne comprenait pas où elle voulait en venir.
- Tu as été gentil. Et pas avec moi, mais avec quelqu'un que tu ne connaissais pas.
Elle avait rougi en prononçant ces mots mais elle ne détourna pas le regard.
- Tu as dit oui parce que je suis gentil ? reprit-il sans pouvoir empêcher l'étonnement de percer dans sa voix. Sérieusement ?
- Quoi, « sérieusement » ? Tu es la personne la plus odieuse que j'ai jamais rencontrée et tout d'un coup tu....
Lily fut de nouveau obligée de s'interrompre car la salle éclata en applaudissements pour saluer la fin de la première valse.
***
- Tu m'accordes cette deuxième danse, Lily ? sourit Potter alors que l'orchestre se remettait à jouer.
- A ton avis, crétin ?
- Sur cette charmante appellation, je propose qu'on reprenne notre conversation.
- Je t'ai déjà répondu, marmonna Lily, qui préférait ne pas continuer sur ce sujet.
Il avait l'air de trouver complètement stupide qu'elle lui accorde un peu d'estime parce qu'il était gentil alors elle n'allait pas lui offrir plus de chances de se moquer d'elle.
- Eh ! Tu t'es arrêtée en pleine phrase !
- J'allais t'insulter mais je me suis retenue, répliqua-t-elle avec un charmant sourire.
- Hmm. Tu es une très mauvaise menteuse.
- Et toi tu es très perspicace. Dis-moi, pourquoi est-ce que Jenny et Black ne sont pas allés au bal ensemble ? interrogea Lily en voyant passer Alice et Sirius.
- C'est ta meilleure amie, non ? Pourquoi tu ne lui demandes pas ?
- Parce que je t'ai toi sous la main, et que c'est ton meilleur ami. Alors ?
- Aucune idée. La première fois qu'ils ont dansé ensemble Jenny est arrivée en disant que Sirius était le plus beau et elle la plus belle alors ils iraient bien tous les deux. Je crois que ça flattait tellement l'ego de Sirius qu'il a dit oui.
Lily ne put s'empêcher de ricaner.
- Ne parle pas d'ego comme si c'était stupide, c'est toi qui a un ego surdimensionné.
- Bien sûr que non ! s'insurgea James. Celui de Sirius est bien pire !
Ils se chamaillèrent pendant toute la valse puis un rock commença, coupant court à leur conversation. Le chanteur ressemblait étrangement à Elvis Presley, ce qui faisait mourir de rire Lily. Quant à Potter, il ne connaissait même pas le King, au grand dam de sa cavalière.
Au bout d'une demi-heure de rock entrecoupé de fox-trot et d'un twist, Lily et James s'écroulèrent sur des chaises dans un coin à peu près tranquille de la salle. James s'empressa d'ôter sa cape, mourant de chaud, tandis que Lily enlevait ses chaussures.
- Jenny est tellement machiavélique qu'elle m'a refilée ces horribles chaussures, se plaignit-elle.
- Tu parles. Je suis sûre que tu as choisi toi-même de les porter.
Pour toute réponse, Lily lui balança un de ses escarpins.
- Eh ! C'est dangereux ces trucs-là ! s'insurgea-t-il.
- Alors arrête d'être désagréable, répliqua-t-elle en souriant.
- Je rêve, je me prends une chaussure et c'est moi qui suis désagréable... Regarde, McGonagall est en train de danser avec Dumbledore !
Lily se leva d'un bond et se hissa sur la pointe des pieds. Elle n'eut aucun mal à trouver le chapeau spécial Halloween du directeur et celui à motifs écossais de sa cavalière. Elle se mit à rire, accompagnée par Potter, et retomba sur sa chaise.
- J'y retournerai bien, mais je crains que mes pieds ne survivent pas...
- Alors ne remets pas tes chaussures, répondit James comme si c'était évident.
- Mais... Mais je ne vais pas me promener pieds-nus !
- Et pourquoi pas ? Tout le monde s'en fiche.
Il quitta sa chaise, tout sourire, et lui tendit la main.
- Allez, Evans ! Pour une fois, fais un truc fou dans ta vie !
- Venir à ce bal avec toi c'était déjà un truc fou, rétorqua-t-elle sans pouvoir s'empêcher de sourire.
- Justement, ne t'arrêtes pas en si bon chemin. Tu viens ?
Elle se mit à rire et attrapa sa main.
Lily ne savait pas depuis combien de temps elle dansait, mais elle était sûre d'une chose : elle allait étouffer si elle ne sortait pas tout de suite.
Elle attrapa Potter par le bras et le tira hors de la salle, non sans quand qu'ils aient récupéré cape et chaussures. Ils laissèrent la musique et les éclats de rire derrière eux pour se diriger vers la tranquillité des jardins.
- Je crois que je n'aurai pas survécu à une autre danse, commenta James en s'étirant.
Lily se laissa tomber sur un banc et poussa un soupir de soulagement.
- Moi non plus. Mais je te préviens, la soirée n'est pas terminée.
- Oh, j'espère bien, répondit-il en s'asseyant à son tour.
Il y avait quelques autres personnes dans les jardins, principalement des couples, d'après les gloussements idiots que Lily pouvait entendre. Un frisson la secoua, détournant son attention. Alors qu'elle commençait à se frotter les bras, Potter posa sacape sur ses épaules.
Elle se tourna vers lui, surprise, mais il regardait droit devant lui comme si de rien n'était. Elle s'éclaircit la gorge et lança :
- Merci. Tu ne vas pas avoir froid ?
Il tourna légèrement la tête vers elle en souriant.
- Il n'y a que les filles pour avoir froid.
- Ah ! Évidemment, vous les hommes vous êtes supérieurs !
Ils recommencèrent à se chamailler joyeusement mais furent interrompus par une chouette qui vint se poser sur l'épaule de James. Lily le vit pâlir alors qu'il détachait la lettre attachée à la patte du volatile. Il caressa distraitement la tête de l'oiseau pendant qu'il lisait, puis se mit à rire.
- Ma mère espère qu'on s'amuse bien et que je ne te martyrise pas trop, l'informa-t-il, tout air inquiet envolé.
- Oh ! Euh... C'est gentil de sa part, s'étonna Lily.
Elle hésita quelques instants puis finit par demander :
- Pourquoi est-ce que tu as fait une tête pareille quand la chouette est arrivée ?
Potter replia soigneusement le parchemin sans répondre. Il souffla quelques mots à la chouette, qui s'envola, et enfin se tourna vers sa cavalière. Il souriait, mais cela n'atteignait pas son regard.
- J'avais peur que ce ne soit une mauvaise nouvelle.
Il déglutit et sembla chercher ses mots avant de poursuivre :
- Ma mère est malade depuis cet été. Apparemment ce serait une maladie de moldus, un cancer. Le problème c'est qu'il n'y a que quelques sorciers qui en souffrent, alors à Ste Mangouste ils... ils ne savent pas comment la soigner. Les moldus ne savent pas très bien non plus, et puis, utiliser des remèdes moldus sur un sorcier peut être dangereux alors... On attend.
Cette déclaration était pour le moins … inattendue. Il baissa la tête et Lily resta figée, incapable de trouver quelque chose à dire. Les yeux de James ne trompaient pas : ce cancer n'était pas anodin. Que pouvait-on répondre à un garçon dont la mère luttait contre la mort ?
- Tu lui répondras que tu es à peu près supportable, balbutia-t-elle finalement.
James eut un petit rire et se leva. Il désigna le château d'un signe de tête et lança :
- Tu viens ? Notre virtuosité va leur manquer si on ne revient pas. Et puis Sirius est capable de manger toute la tarte à la citrouille.
Il était incroyable. Il venait de lui dire que sa mère était malade et ensuite il faisait comme s'il ne s'était rien passé. Comme si tout allait bien... Lily se rendit compte qu'elle faisait exactement la même chose. Depuis combien de temps n'avait-elle pas lu la Gazette du Sorcier ? Depuis combien de temps n'avait-elle pas pensé à la guerre ? Elle dévisagea un instant James avant de se redresser à son tour : peut-être allait-elle s'en vouloir, mais elle n'avait pour le moment aucune envie de penser à tout cela. Après tout, c'était pour cela que Dumbledore avait voulu ce bal : pour qu'ils oublient. La réalité reviendrait bien assez tôt.
***
- Potter ?
- Hmm ?
- Je crois que je n'ai plus de pieds.
James sourit et glissa son bras sous le sien pour l'entraîner jusqu'à une table. Ils y avaient dîné deux heures plus tôt en compagnie de Sirius et Alice, avec qui Lily s'était fait un plaisir de discuter pour ne pas avoir à parler avec Sirius. D'après James, elle avait encore du mal à le supporter. Puis Val avait débarqué pour les prendre en photo, avant d'aller martyriser d'autres pauvres élèves sans défense.
La jeune fille se laissa tomber sur une chaise et s'empressa de se servir à boire. Il n'y avait plus que des couples à présent sur la piste de danse, car les musiciens jouaient un slow. Étant donné qu'il était presque vingt-trois heures trente, c'était sans aucun doute le premier d'une longue série. Lily devait penser la même chose sinon elle n'aurait pas prétendu avoir mal aux pieds alors qu'elle n'avait toujours pas remis ses chaussures.
Ils observèrent les danseurs en silence alors que le chanteur prolongeait son répertoire de chansons d'amour. C'était le calme après la tempête, ce qui faisait grand plaisir à James qui n'avait jamais pensé qu'un bal put être aussi épuisant. Ses cavalières de la maison de retraite avaient beau être encore dynamiques, elles étaient loin de l'être autant que Lily.
Celle-ci se leva alors, ses chaussures à la main et lança :
- Je vais me coucher.
James suivit aussitôt son exemple et jeta sa cape sur son épaule.
Ils commencèrent à monter les escaliers en discutant des qualités de danseur de Dumbledore lorsque James s'interrompit. Au premier étage se trouvaient Sirius, Alice et Ethel. La jeune fille détonnait entre son amie et le Gryffondor, vêtue d'un jean et d'un t-shirt. Elle souriait à ce que Alice lui disait en faisant sembler d'ignorer que Sirius la dévorait du regard. Il parvint à placer un mot dans la conversation et Ethel eut la bonté de lui répondre. Lily et James passèrent près d'eux sans s'immiscer dans le groupe, malgré la furieuse envie qu'avait James de se moquer de son ami.
- C'était inattendu, souffla finalement James lorsqu'ils furent loin de leurs oreilles.
- Comment ça ? interrogea Lily.
- Disons qu'Ethel n'apprécie pas particulièrement Sirius.
- Même si c'était le cas elle ne le montrerait sans doute pas.
- Tu la connais bien ?
Lily commença à lui expliquer le peu de relations qu'elle avait avec la jeune fille lorsque James plaqua brusquement une main sur sa bouche pour la faire taire. Elle commença à se débattre, furieuse, mais le jeune homme, faisant un effort surhumain pour ne pas éclater de rire, l'attira près de lui pour lui montrer ce qu'il avait vu.
Au milieu d'un couloir, un couple s'embrassait passionnément. Mais pas n'importe quel couple : c'était Martin et Anne.
James avait atteint sa limite de self-contrôle. Il lâcha Lily pour battre en retraite dans un couloir adjacent. Lorsque sa cavalière le rejoignit, il était assis sur le sol et pleurait de rire. Lily le gratifia d'un léger coup de pied dans la jambe et lui tendit la main :
- Arrête de te moquer d'eux, sale gosse.
Toujours agité de soubresauts convulsifs, il se releva avec son aide et se laissa emmener jusqu'à la salle commune par un autre chemin, Lily refusant de déranger Martin et Anne en passant devant eux avec leur capitaine hilare. Mais alors qu'il commençait à se remettre du choc, la jeune fille se figea au milieu d'un couloir, ses doigts crispés sur son bras. Devant eux se tenait Severus Rogue, un livre à la main. D'après sa tenue, il n'avait pas assisté au bal. Ce qui expliquait sans doute son air ahuri et ses yeux qui fixaient la main de Lily glissée sous le bras de James. Il leva lentement le regard pour le poser sur Lily, que James avait rarement vue aussi pâle. Elle prit une profonde inspiration et reprit son chemin en traînant son cavalier derrière elle. Ils passèrent à côté de Servilus, qui ne broncha pas. Lorsqu'ils se furent un peu éloignés Lily devint soudain cramoisie et lâcha son bras. Cette fois, c'était bien la fin de la trêve.
James avait laissé toute sa bonne humeur derrière lui lorsqu'ils arrivèrent devant le portrait de la Grosse Dame. Car à présent il n'y aurait plus d'occasion de danser avec Lily, encore moins de parler avec elle. Elle allait sans doute recommencer à l'éviter. Il la suivit des yeux alors qu'elle passait devant lui, se traitant intérieurement d'abruti pour ne pas avoir pensé à quelque chose pour avoir une chance de passer de nouveau du temps avec elle. Mais lorsqu'il émergea dans la salle commune, elle demanda soudain :
- Quand tu m'as dit que c'était ta mère qui t'avait appris à dire merci, tu parlais de...
Elle n'acheva pas sa phrase mais James comprit parfaitement. Que pouvait-il lui répondre ? Qu'il s'était brusquement rendu compte, en juin, que la terre ne tournait pas autour de ses problèmes ? Qu'il ne pouvait rien faire alors que sa mère dépérissait peu à peu sous ses yeux, si ce n'est s'occuper d'elle ? Non, il ne pouvait rien dire de tout cela car c'était trop tôt. Peut-être plus tard, si leur relation évoluait. Alors, il se contenta de hocher la tête.
Elle se mordit la joue mais ne dit rien. Au bout de quelques instants de silence elle s'obligea à sourire et lança :
- Bon, je crois que tu as respecté ta part du contrat alors merci.
James lui retourna son sourire en s'obligeant à ne pas penser à sa mère.
- Ce fut un plaisir.
Elle se dirigea vers les escaliers mais s'arrêta et se tourna vers lui, les joues rouges.
- Bonne nuit... James.
Le temps qu'il réalise ce qu'elle venait de dire, elle avait déjà disparu. Il resta planté au milieu de la salle, stupéfait, puis un large sourire fendit son visage. Peut-être que la situation n'était pas si désespérée finalement.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? interrogea alors quelqu'un derrière lui.
Il tourna son visage rayonnant vers Sirius, qui avait l'air assez content lui aussi. Mais en voyant l'expression de son ami, il ouvrit de grands yeux.
- Non ? Tu l'as embrassée ?
- Quoi ? s'étonna James. Bien sûr que non, pourquoi je …
Il s'interrompit devant l'expression triomphante de Sirius et gémit :
- Oh non, par Merlin. Le pari.
Chapitre 10
Le soleil brillait le lendemain du bal, comme en accord avec la joie qui habitait le château. Le parc se remplit bien vite de jeunes gens plus ou moins fatigués et en mal de soleil. La plupart s'installèrent au bord du lac, lézardant sous un ciel sans nuages. Le mieux, c'était qu'il n'y avait même pas vent. Lily, installée sur l'herbe depuis presque une heure avec ses amies, avait presque trop chaud. Elle en profitait tout en écoutant Margaret raconter point par point sa soirée pour la dixième fois, assurant toutes les deux phrases que cela avait été absolument parfait. Et à chaque fois qu'elle s'arrêtait pour rependre sa respiration, Jenny lançait :
- Mais pourquoi est-ce qu'il ne t'a pas embrassée ?
- … Et là il est allé nous chercher à boire et...
- Et toi, Val ? interrogea Lily en parlant plus fort que les deux autres. Tu ne t'es pas ennuyée ?
- Oh non, s'exclama joyeusement la jeune fille, penchée sur un dessin. J'ai pris plein de gens en photo sans qu'ils le sachent, c'était génial !
- Est-ce que tu as vu Martin Ranger et Anne Shirley ? s'empressa de demander Lily en ouvrant des yeux pétillants de malice.
- En train de s'embrasser ? Evidemment !
- Qu'est-ce que vous avez dit ? Ranger et Shirley ?
Jenny, avertie par son radar à ragots, se mêlait à la conversation.
- Tu n'étais même pas au courant ? Tu me déçois ! s'esclaffa Lily. A ton avis, pourquoi est-ce que Martin s'est pris un mur ce matin en sortant du petit-déjeuner ? Anne était devant lui. Ils ont tous les deux l'air de deux imbéciles heureux.
- J'en connais une autre qui avait l'air d'une imbécile heureuse hier soir, rétorqua Jenny pour se venger.
Lily rougit aussitôt et la fusilla du regard.
- N'importe quoi.
- Mais ça s'est bien passé avec Potter, non ?
- Si tu veux dire par là qu'on ne s'est pas entre-tués, en effet.
- Oh allez, Lily ! Je suis sûre que tu t'es amusée !
- Comme on s'amuse à un bal, marmonna-t-elle en haussant les épaules. On a dansé, c'était sympa, c'est tout.
- Mais tu ne comptes pas continuer à l'ignorer ?
- Non, mais je ne compte pas non plus chercher sa compagnie. Contrairement à Maggy, qui va sans aucun doute être collée à John pour le restant de ses jours.
- Hein ? On parle de moi ? interrogea leur amie, qui souriait aux anges depuis que Lily les avait interrompues.
- Non, du calamar géant, répliqua Jenny. Tu savais qu'il était enrhumé ?
- Quoi ? Mais de quoi est-ce que tu parles ? gémit Margaret.
- Euh, les filles ? lança Val, qui avait finalement relevé les yeux de sa peinture. Vous pouvez m'expliquer pourquoi Potter se promène en caleçon ? Ou... Est-ce que c'est un maillot de bain ?
Les trois autres jeunes filles braquèrent leur regard sur James, qui était effectivement en maillot de bain avec une serviette à la main, accompagné de Sirius. Il s'arrêtèrent à quelques mètres d'elles, juste au bord du lac. James tendit sa serviette à Sirius et mit un pied dans l'eau.
- Mais qu'est-ce qu'il fout ? marmonna Lily en se levant à demi.
- Je savais que j'aurai dû lui faire enlever son t-shirt quand on sortait ensemble ! s'exclama Jenny comme si la situation était tout à fait normale.
Ses trois amies se tournèrent vers elle, réprobatrices, et elle haussa les épaules ?
- Quoi ? Il est bien foutu, non ?
Lily reporta son attention sur les deux garçons pour que Jenny ne voit pas ses joues rouges : elle devait bien admettre que son amie avait raison, même si elle se détestait de penser cela.
Mais ce qu'il se passait au bord du lac chassa bien vite ces pensées plus que perturbantes de son esprit. James était enfoncé jusqu'aux genoux dans l'eau.
- Il ne va pas vraiment se baigner ? souffla Margaret, stupéfaite.
- On dirait bien que si, confirma Val alors qu'il s'avançait dans le lac, agité de violents frissons.
Des exclamations commencèrent à se faire entendre alors que les élèves remarquaient le manège du Gryffondor. James se retourna alors et leva les deux poings dans un signe de victoire, avant de se jeter entièrement à l'eau. Une clameur retentit pour saluer la performance alors que Sirius éclatait de rire.
Lily, n'y tenant plus, se leva tout de bon et se dirigea à grands pas vers Sirius. Elle savait que Jenny n'allait plus jamais la lâcher à propos de Potter après cela, mais elle voulait savoir ce qui lui était passé par la tête.
- Black ! interpella-t-elle.
- Oh, Evans ! Alors, tu as survécu à la soirée ?
- Il semblerait. Mais ça ne semble pas être le cas de Ja... Potter. J'ai l'ai rendu encore plus stupide qu'avant sans le vouloir ou … ?
- Peut-être qu'il avait juste envie de se baigner, rétorqua Sirius en haussant les sourcils.
- Non, tu y serais allé avec lui.
Sirius ne put s'empêcher d'éclater de rire.
- Pas faux. Si tu veux tout savoir, il a perdu un pari.
- Sérieusement ? Et il se baigne dans le lac Noir un premier novembre pour un stupide pari perdu ?
- Un pari c'est sacré ! protesta-t-il.
- J'imagine que c'est toi qui as eu cette idée ?
- Brillant, non ?
- Stupide, oui.
- Ah, Evans... Tu ne comprendras jamais à quel point la vie peut être drôle.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? se hérissa Lily, piquée au vif.
- C'est quoi, ton plus gros délire de l'année ? Lire l'Histoire de Poudlard en vingt-quatre heures ?
Elle pinça les lèvres en résistant à l'envie de le frapper. Alors comme ça il pensait qu'elle n'était pas capable de faire des choses folles ?
Sans rien dire, elle ôta ses chaussures, qu'elle balança sans ménagement sur l'herbe. Son pull suivit, sous les yeux stupéfaits de Sirius, qui ne s'attendait visiblement pas à une telle réaction.
Lorsqu'elle fut en sous-vêtements elle se jeta dans le lac sans plus réfléchir pour ne pas avoir à supporter les commentaires de Sirius. Elle entendit vaguement ses amies pousser un hurlement alors que les autres élèves poussaient un cri de joie.
L'eau était si glacée que le souffle lui manqua pendant quelques secondes. Elle commença à nager vers James dans l'espoir de ne pas finir congelée. Elle se sentait bizarrement euphorique même si elle ne sentait plus ses orteils, et elle avait relégué dans un coin de sa tête les rumeurs qui ne manqueraient pas de courir lorsqu'elle sortirait de là.
James n'était plus qu'à quelques mètres d'elle. Il nageait en rond, un grand sourire sur son visage.
- Patmol ! Va chercher une serviette pour Lily ! hurla-t-il.
- Je ne suis pas ton chien, Cornedrue ! rétorqua Sirius sur le même ton.
Pour une raison qui échappait totalement à Lily, ils éclatèrent tous les deux de rire.
- C'était complètement dingue comme idée ! s'exclama James lorsqu'elle arriva à sa hauteur.
- Ton abruti d'ami m'a provoquée ! rétorqua Lily en claquant des dents. Je peux savoir quel pari débile tu as perdu pour qu'on se retrouve là ?
- Euh... non.
- Quoi ? Tu te moques de moi !
- Je te le dirai peut-être un jour mais... Ça ne me paraît pas très judicieux pour le moment, grimaça-t-il.
- Tu es insupportable, marmonna-t-elle. On peut sortir de ce stupide lac ?
- Hmm, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de choses stupides pour toi aujourd'hui. Et non, pas encore, je suis censé y rester un quart d'heure. Mais tu n'as rien parié, toi, tu peux partir.
- Certainement pas, lança-t-elle en faisant quelques brasses dans le vague espoir de se réchauffer. Si je fais ça, Black va dire je me suis dégonflée et j'aurai fait tout ça pour rien.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit, au juste ? interrogea James, les lèvres violacées et la peau pâle.
Elle lui expliqua la provocation et il aurait sans doute ri s'il n'avait pas avalé de l'eau en tentant de le faire. Il commença à s'étouffer et Lily crut qu'il allait se noyer. Merlin en soit remercié ce ne fut pas le cas. Cela l'aurait embêté de devoir expliquer à McGonagall que le corps de Potter était au fond du lac plus ou moins à cause d'elle.
- Je crois que je vais perdre mes bras... et mes jambes. Et tout mon corps en fait, gémit Lily.
- Bon, j'abdique, moi aussi. Le dernier arrivé a perdu !
Et il partit aussi vite que possible sachant qu'il devait avoir les membres encore plus engourdis que ceux de Lily. Elle fit son possible de pour le rattraper mais à peine dix minutes dans l'eau gelée l'avait épuisée. Mais ce devait également être le cas de James car il ralentit à quelques mètres du bord. Lily s'apprêtait à le dépasser lorsque la situation devint tout d'un coup beaucoup moins drôle.
***
James sentit quelque chose s'enrouler autour de sa cheville. Quelque chose de visqueux et de bien plus fort que lui. Mais avant même qu'il aie eut le temps de réagir, il fut brutalement tiré de l'eau. Près de lui, Lily se mit à hurler alors que la surface du lac s'éloignait à une vitesse vertigineuse. James n'avait aucune idée de s'il faisait de même. Le vent sifflait à ses oreilles et il avait l'impression que tous ses organes s'étaient liquéfiés. Peut-être n'était-ce pas plus mal, car lorsque le calamar géant – qui d'autre ? - les lâcheraient, il ne sentirait rien. Il crèverait la surface et mourrait sans s'en rendre compte. Oui, voilà, beau programme. Enfin Lily ne semblait pas de cet avis car elle débitait tous les jurons qu'elle connaissait.
Ils arrêtèrent enfin de monter et l'étrange sensation de sécheresse dans sa gorge renseigna le jeune homme : oui, il avait effectivement dû hurler tout du long. Ils pendouillaient à présent à bout de tentacule. Le sang lui battait désagréablement dans les tempes et la jambe par laquelle le calamar le tenait lui faisait un mal de chien. Il distinguait, malgré sa vision troublée, la masse d'élèves qui était rassemblée au bord du lac. Bien. Il aurait un moins un beau public pour sa mort prochaine. Comme cela, tout le monde apprendrait de son exemple. De leur exemple.
- Lily, je suis désolé ! hurla-t-il.
- Merde, Potter ! C'est pas le moment de faire des excuses ! Il faut... il faut qu'on trouve un moyen de sortir de là !
- J'ai pas ma baguette, et toi non plus ! On est bloqués !
Seule une flopée de jurons lui répondit.
Bon, puisqu'ils allaient apparemment mourir, c'était le moment où jamais de lui dire que...
Le tension sur sa jambe se relâcha brusquement, en même temps que ce qui semblait être sa dernière attache à la vie. Il se mit de nouveau à hurler alors que la surface du lac approchait dangereusement vite. Ses entrailles avaient brusquement refait leur apparition, et il n'avait aucun doute quant au fait qu'il allait voir la mort passer. Il ferma les yeux en songeant qu'il allait être tué par un calamar géant alors qu'un sorcier maléfique rodait au-dehors et attendit la fin.
Seule l'impression qu'on venait de lui arracher la jambe droite arriva. Il poussa un cri de douleur et ouvrit les paupières. L'eau était à quelques centimètres à peine de son nez et il pouvait voir le reflet de son visage livide... un véritable Inferi. Trop stupéfait par cet arrêt brutal de sa mort, il était incapable d'aligner deux pensées cohérentes. Pourquoi diable venait-on de lui enlever sa mort ?
Coupant court à ses regrets quelque peu déplacés, le calamar le lâcha pour de bon. James but la tasse et faillit s'étouffer. Près de lui, Lily toussait tout autant. Leur regard se croisèrent et Lily commença :
- Oh par...
- ...Merlin. Le dernier arrivé finira en bouffe pour le calamar.
Jamais ils n'avaient nagé aussi vite de leur vie. Ils rejoignirent la terre ferme en quelques dizaines de secondes et s'effondrèrent en tremblant au milieu de leurs camarades qui poussaient des exclamations ravies.
Des mains secourables les enveloppèrent dans des serviettes alors que Jenny poussait tout le monde pour atteindre Lily. Elle se mit à beugler sur le jeune homme en frottant le dos de son amie, qui claquait des dents. James n'avait pas la foi de se défendre, aussi la laissa-t-il hurler. Mais ce n'était rien comparé à ce qui allait leur tomber dessus.
McGonagall n'avait pu manquer de voir les tentacules du calamar géant sortir de l'eau, tenant deux de ses élèves qui se balançaient à trente mètres de la terre ferme. Elle fendit la foule, furieuse, et commença à invectiver James et Lily. Elle était tellement énervée que seuls des mots isolés sortaient de sa bouche. Néanmoins en collant « Stupide », « inconscients », « insensés » et « colles jusqu'à la fin de vos jours », James parvint à en comprendre le sens général.
Elle les entraîna jusqu'au bureau de Dumbledore, non sans avoir laissé Lily se rhabiller, sans tenir compte du fait que l'un comme l'autre avait du mal à tenir sur ses jambes. Elle frappa à la porte et l'entrouvrit sur l'invitation du directeur. James entendit Dumbledore s'adresser à un dénommé « Harold » et ce n'est qu'après dix heures de sommeil qu'il comprit qu'il s'agissait en fait du Ministre de la Magie.
Mais il n'avait pas encore réalisé cela lorsqu'un homme court sur pattes sortit du bureau, son chapeau à la main. Il ne sembla même pas voir les deux élèves qui dégoulinaient sur le tapis et passa d'un pas pressé, lançant par-dessus son épaule :
- Je vous retrouve chez Horace, Dumbledore ! Il a toujours un excellent hydromel !
- Oh avec grand plaisir ! Il est toujours plus facile de discuter après un petit hydromel! répondit joyeusement le directeur avant de se tourner vers les deux Septièmes années. Mr. Potter, Miss Evans, j'ai toujours su que si on vous laissait seuls cela ferait des étincelles, poursuivit-il, les yeux pétillants. Entrez donc, mon sol avait justement besoin d'un lavage.
Une fois qu'ils furent chacun installés de leur côté du bureau, Dumbledore reprit :
- Eh bien, je crois que vous avez fait la rencontre du calamar géant !
A ces mots un violent frisson agita Lily et James dut se retenir de ne pas la serrer dans ses bras. Mais il se serait sans aucun doute pris une beigne.
- Rassurez vous, je suis sûr qu'il a trouvé cela très amusant et qu'il ne s'en portera pas plus mal.
- Je ne suis pas sûr que ce soit notre cas, professeur, balbutia Lily.
- Chère Miss Evans, je suis sûre qu'une bonne frayeur ne peut faire de mal à personne ! s'exclama le directeur en leur tendant un bol rempli de Suçacides. Et vous pouvez le remercier, cela vous évitera de passer les trois prochaines semaines en colle puisque j'estime que le calamar vous a suffisamment puni. Mr. Potter, ne prenez pas cet air ravi ! Le professeur McGonagall m'en voudrait terriblement si je ne vous collais pas – oui même vous Miss Evans. Alors disons... trois heures mardi soir ! Mais, vous savez, je crois que ça manque à votre professeur de Métamorphose de ne plus vous coller, Mr. Potter. Il y a trop longtemps que vous n'avez pas fait de bêtise.
James manqua de s'étouffer et Dumbledore se leva avant d'aller leur ouvrir la porte.
- Réchauffez-vous bien !
Il leur fit un clin d'œil lorsqu'ils passèrent devant lui puis le bureau se referma. James s'arrêta, stupéfait, et Lily marmonna :
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je rêve ou il avait vraiment l'air de me dire de faire plus de bêtises ?
***
La maison de Gryffondor étant ce qu'elle était, une fête fut organisée ce soir-là, par les bons soins de Sirius évidemment. Après tout, il fallait bien réconforter les deux baigneurs qui avaient bien failli faire le plat de leur vie.
Lily était trop exténuée pour essayer de protester – et de toute façon elle n'en avait pas envie. Pour une fois, elle participa. Elle but tout un tas de Bièraubeurres, mangea des milliards de gâteaux – du moins lui semblait-il – et rit autant qu'elle put. Elle évita James autant que possible, même si sa conscience lui répétait qu'elle s'était fourrée toute seule dans cette situation. Elle avait tout simplement passé trop de temps en sa compagnie ces derniers jours.
Elle quitta néanmoins la salle commune plus tôt que tous les autres élèves, rêvant d'une bonne nuit de sommeil... et se réveilla au milieu de la nuit avec une fièvre terrible. Elle passa le dimanche et le lundi suivants dans un état second, émergeant vaguement quand ses amies lui apportaient ses devoirs. Mais de toute façon, elle était incapable de les faire.
Elle était dans une vague période de conscience lorsque quelqu'un s'assit sur la chaise près de son lit. D'après elle c'était un garçon mais...Ah, si. Avec des cheveux pareils, il ne pouvait s'agir que de James.
- Salut, lança-t-il.
Elle sortit une main de sa couverture et l'agita dans sa direction en guise de réponse.
Il eut un petit rire, ce qui l'agaça profondément.
- Te marre pas, marmonna-t-elle, c'est de ta faute si je suis là.
- Pour la millième fois, je ne t'ai pas demandé de venir avec moi, soupira James.
- Non, mais si tu ne faisais pas des paris idiots, on en serait pas arrivés là.
Lily tira sa couverture jusque sous son nez et interrogea d'une voix étouffée :
- Qu'est-ce que tu fais là ?
Il se tortilla sur sa chaise, puis finit par répondre :
- Je me sentais mal parce que c'est un peu à cause de moi si tu es malade.
- Ah ! triompha Lily – autant qu'on peut triompher quand on est au fond de son lit. En fait, ça te plaît juste de me contredire ! T'es vraiment un abruti.
- Admettons, concéda-t-il avec un sourire. Je serais bien venu plutôt mais Jenny refusait de me dire où tu étais. Je crois qu'elle m'en veut à mort.
- Pourquoi est-ce que tu me cherchais ?
- Je voulais vérifier que ça allait, dit-il en haussant les épaules. Que tu n'avais pas rêvé de tentacules géantes.
- En fait, je crois que si. Mais c'était un peu psychédélique à cause de le fièvre. En parlant de ça, quelle heure est-il ?
- Euh...dix-huit heure je crois, pourquoi ?
- File-moi le verre qui est sur la table, s'il-te-plaît.
Elle avala d'une traite le médicament qu'il lui tendait, avec force grimaces. Exténuée par sa courte conversation avec James et le goût affreux de la potion – elle était sûre que Madame Pomfresh en faisait exprès - elle ferma les yeux. Il y eut un silence puis elle entendit le jeune homme se lever. Alors que ses pas s'éloignaient, elle se redressa sur un coude, en tentant d'ignorer les vertiges qui la saisissaient. Elle devait être salement atteinte, pour avoir ne serait-ce que l'idée de ce qu'elle s'apprêtait à faire. Mais elle n'avait même pas envie de s'en vouloir. C'était la faute de la fièvre, tout ça.
- James ! Attends !
Il se retourna, surpris.
- Oui ?
La jeune fille se laissa retomber dans son lit et s'enveloppa étroitement dans sa couverture. Elle n'avait aucune idée de pourquoi elle voulait qu'il reste et ne voulait certainement pas le savoir. Lorsqu'il fut revenu près de son lit, elle dit d'un ton sans appel :
- Raconte-moi quelque chose.
James éclata de rire et se laissa tomber sur sa chaise.
- Quoi, tu veux que je te raconte une histoire ?
- J'en sais rien moi, débrouille-toi. C'est moins fatiguant de t'écouter que de réfléchir, même si tu m'énerves.
Elle faisait son possible pour garder les yeux ouverts et le dévisageait, attendant qu'il parle. Il réfléchissait, un petit sourire sur les lèvres mais Lily ignorait à quoi cela était dû. Il se décoiffa machinalement, sans que cela ait aucun effet puisque ses mèches brunes s'échappaient dans tous les sens. Enfin son sourire s'élargit. Il remonta ses lunettes sur son nez et posa ses coudes sur ses genoux, adoptant une posture de conteur.
- Je vais te raconter... La première bêtise que j'ai faite à Poudlard.
Lily ferma les yeux pour l'écouter, même si elle savait pertinemment qu'elle allait finir par s'endormir.
- C'était quelques jours après la rentrée, j'avais oublié le mot de passe alors je me suis retrouvé coincé devant le portrait. Et comme il était assez tard, personne ne passait. Je ne savais pas quoi faire et je n'osais pas aller voir McGonagall...
- Tu avais peur de McGonagall ? interrogea Lily d'une voix enrouée avant de se mettre à tousser.
- Rassure-moi, tu as trop de fièvre pour te rappeler de quoique ce soit ?
- Je crois bien.
- Parfait. Si tu veux tout savoir, elle me terrifie toujours. Bref, ça m'angoissait moins de me promener dans le château tout seul, alors c'est ce que j'ai fait. En plus, c'était bien plus drôle. J'aurais pu repartir vers travailler à la bibliothèque mais...
- Quoi ? Tu travaillais ?
- Ouais, ça m'est arrivé. Mais arrête de m'interrompre ! Je croyais que tu n'arrivais pas à réfléchir ?
Elle ouvrit les yeux pour lui jeter un regard espiègle – ou du moins essaya-t-elle.
- Désolée, mais quand tu me sors des énormités pareilles je ne peux pas m'en empêcher.
Il leva les yeux au ciel et reprit :
- Je m'étais fait virer par Madame Pince alors je ne voulais pas y retourner. J'avais entendu des Septième Années parler de passages secrets et j'avais vraiment envie d'en découvrir pour pouvoir les montrer à Sirius. Le problème c'est que je n'avais aucune idée de là où ils étaient. Du coup...
Alors qu'il racontait son histoire, agrémentée de tout un tas d'absurdités, sa voix devint peu à peu un murmure indistinct pour Lily, qui sombra dans un sommeil enfiévré. Elle fut réveillée seulement un court instant par la sensation d'un baiser sur son front, avant de replonger de nouveau dans l'inconscience. Au matin, elle n'avait plus aucun souvenir du départ de James.
Lily resta cloîtrée à l'infirmerie durant toute la semaine et James vint la voir tous les soirs, s'arrangeant pour ne pas croiser Jenny, Val et Margaret. Lily faisait semblant de s'énerver quand il arrivait mais il la faisait rire à chaque fois. Et il lui apportait des brioches.
Chapitre onze
- Madame Pomfresh ?
- Oui ?
- Quand est-ce que je vais pouvoir sortir ?
L'infirmière ne put s'empêcher de sourire face au ton désespéré de la jeune fille.
- Demain matin, promit-elle, mais seulement si tu manges ça.
Elle plaça un énorme steak devant Lily, dont le visage s'éclaira d'un large sourire.
- Ça y est ? Je ne suis plus cantonnée aux soupes ?
- Eh non ! Profite en bien !
Lily ne se le fit pas répéter deux fois et se jeta sur son dîner. Cela allait faire une semaine qu'elle était bloquée à l'infirmerie. Autant dire toute une vie. Une masse de devoirs absolument effrayante l'attendait étant donné qu'elle avait été incapable de travailler pendant presque cinq jours. Cela dit, cette immobilité forcée avait un avantage : elle avait eu tout le temps de penser à l'énigme du tableau – du moins depuis qu'elle était capable d'aligner deux pensées cohérentes sans avoir mal à la tête. «
Tuée par amour et errant dans les limbes, artisan du succès de ta quête si au vingt novembre tu te présentes. » Puisqu'il était question de limbes, il ne pouvait s'agir que d'un fantôme. Le problème c'est qu'il y avait des tas de fantômes, à Poudlard. Et elle n'avait aucune idée de s'il s'agissait d'une femme ou d'un homme*. Évidemment, elle imaginait assez mal Nick-quasi-sans-tête ou encore le Moins Gras avoir été victime d'un crime passionnel. De toute façon les femmes étaient plutôt les victimes que les agresseurs dans ce genre d'affaire... Enfin, elle avait encore du temps. On était le sept novembre et elle avait rendez-vous le vingt. Treize jours. Treize jours, sachant qu'elle allait devoir rattraper tous ses devoirs, qu'elle avait une ronde la semaine suivante, trois heures de colle à faire – James y était déjà passé – et qu'elle était exténuée. Aucun problème.
Jamais Lily n'avait été aussi contente de prendre son petit-déjeuner dans la Grande-Salle. Elle s'était empressée de descendre dès que Madame Pomfresh l'y avait autorisée, aussi n'y avait-il pas grand monde quand elle arriva. Elle se servit autant que possible de tout ce qu'elle pouvait et entama joyeusement son festin.
Alors qu'elle s'attaquait à son porridge, quelqu'un s'exclama :
- Regardez qui est sorti du pénitencier !
Elle se tourna vers James, qui arrivait vers elle, un grand sourire plaqué sur son visage. Il se glissa sur le banc à côté d'elle alors qu'elle le saluait de sa cuillère, la bouche pleine.
- Dis-donc, t'as l'air d'avoir faim.
Elle avala sa bouchée et répondit :
- Je viens de passer une semaine à me nourrir exclusivement de soupe alors oui, j'ai faim.
- Hmm. Sombre histoire.
- Encore une réflexion de ce genre, Potter, et je te plante ma fourchette dans la main, prévint Lily en agitant l'instrument de sa menace sous le nez de la victime.
- Aucun problème. Je te ferai interner en tant que folle furieuse à Sainte Mangouste.
- Quoi ! Après avoir essayé de m'assassiner en me faisant danser le rock pendant des heures puis en me jetant dans un bouillon de calamar géant, tu veux m'interner ! J'y crois pas. T'es vraiment un …
- Psychopathe ? Méchant ? Super-héros ?
- ...Crétin, en fait. Qu'est-ce que super-héros vient faire dans la liste ?
James entreprit d'entasser des tonnes d'oeufs brouillés dans son assiette tout en répondant joyeusement :
- Rien ! Je voulais savoir si tu me considérais comme un super-héros étant donné que j'ai essayé de te sauver de la famine en t'apportant des brioches.
- Peuh. J'étais obligée de les manger en cachette pour ne pas me les faire confisquer.
- Sombre histoire, vraiment, railla-t-il.
- Tu sais quoi, James ? Ferme-la. Eh ! Mais qu'est-ce que tu fais ? s'exclama Lily alors qu'il vidait son assiette dans la sienne.
Sans répondre, il fit de même avec le plat entier d'oeufs. Alors qu'il faisait venir à lui un autre plat grâce à la magie, Lily interrogea de nouveau, stupéfaite :
- James... qu'est-ce que tu fais ?
Il se tourna vers elle avec un grand sourire.
- Je te sauve de la famine !
Il ajouta encore un peu plus d'oeufs au tas considérable qui débordait de l'assiette de la jeune fille et attrapa sa cuillère pour en faire une sculpture en œufs brouillés.
Lily prit sa propre cuillère et la plongea dans le tas. James poussa un cri indigné, qui s'étrangla dans sa gorge lorsqu'elle mit le couvert dégoulinant d'oeufs au-dessus de sa tête.
- Tu veux la guerre, Potter ?
- Je suis sûr que tu n'oseras pas, grimaça-t-il en louchant vers le plafond.
- Tu devrais savoir maintenant que ce qui m'amuse c'est faire les choses précisément quand on pense que je ne les ferai pas, répondit Lily, très fière d'elle, avant de renverser sa cuillère sur la tête de James.
Elle se leva sans attendre sa réaction et commenta simplement d'un ton guilleret :
- Les affaires reprennent, Potter !
***
Sirius bailla en arrivant en vue du portrait de la Grosse Dame. Il venait de passer son samedi après-midi à plancher sur son devoir de spécialité Défense contre les forces du mal – ou comment mettre des heures supplémentaires aux élèves en leur faisant croire que c'est pour qu'ils réussissent dans la carrière qu'ils envisagent. Seulement, il y avait toujours un point qu'il ne comprenait pas. Il avait fini par embarquer l'énorme livre dont il se servait pour aller demander à James de l'aider. Évidemment, il était à peu près impossible d'avoir une conversation avec son ami depuis qu'Evans lui avait renversé de œufs sur la tête. Apparemment, cela avait mis James au comble de la joie et il avait été euphorique toute la journée.
Les considérations de Sirius lui sortirent brusquement de la tête lorsqu'il aperçut une silhouette cachée dans les ombres. Il se figea en plissant les yeux et crispa ses doigts sur son livre lorsqu'il vit le visage de celui qui avançait vers lui.
S'il avait un menton et un nez plus Black que Sirius, le jeune homme avait cependant les mêmes yeux et les mêmes cheveux que son frère. Car c'était bien Regulus Black qui sortait de l'ombre. Il lui fit un petit signe de tête pour l'engager à le suivre et partit vers un endroit plus discret. Trop étonné pour songer à protester, Sirius le suivit. Il n'avait plus eu de contact avec Regulus depuis qu'il avait fuit l'antique demeure des Black, un an et demi plus tôt.
Regulus s'arrêta dans un couloir vide et fit face à son frère, le menton levé fièrement et le regard farouche. Un Black dans tout son orgueil. Cela ramena Sirius à la réalité et il faillit faire demi-tour. Mais Regulus avait déjà ouvert la bouche.
- Mère t'a effacé de l'arbre.
Sirius éclata d'un rire amer, avant de faire volte-face.
- Merci pour l'info, lança-t-il en commençant à s'éloigner.
- Mais tu... Tu ne fais plus partie de la famille maintenant ! s'exclama Regulus derrière-lui, comme pour le retenir.
En principe, Sirius ne l'aurait pas écouté. Mais quelque chose dans sa voix le retint. Quelque chose qui lui rappelait le petit Reg'. Son petit Reg'. Alors il se retourna.
L'étincelle de fierté maladive s'était éteinte dans les yeux du Serpentard. Il sembla hésiter, puis reprit :
- Tu ne pourras plus rentrer à la maison.
- Je n'en ai pas envie, rétorqua Sirius, se demandant où son petit frère voulait en venir. Ça n'a jamais été « la maison » pour moi. J'y habitais l'été, mais c'est Poudlard ma maison.
- On a été élevé là-bas pourtant. Toi et moi, on a été élevé ensemble. Pourquoi est-ce que...
- Pourquoi est-ce que quoi ? interrogea Sirius d'un ton dur. Pourquoi est-ce que j'ai choisi de ne pas être un Mangemort ?
Regulus tiqua mais ne releva pas, pour répondre d'un ton désarmant :
- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression qu'on est pas de la même famille ?
Sirius sentit quelque chose se briser en lui. Cette fois il avait bien son petit frère devant lui, ce petit garçon brun qui pleurait la veille du départ de son grand frère à Poudlard, parce qu'il n'aurait plus personne pour jouer avec lui. Le petit garçon qui mentait parfois pour protéger son frère, qui l'aurait suivi n'importe où, qui aurait fait n'importe quoi pour lui...qui était devenu le jeune homme qui le dévisageait à présent, l'air perdu.
- Parce que c'est le cas, dit Sirius d'une voix mal assurée. Quand on était petits, toi et moi on était différents du reste de la famille et puis... et puis quand je suis rentré de Poudlard pour la première fois... tu as fait comme si je n'existais pas !
Regulus chancela.
- Maman... Maman m'avait fait juré de ne plus être ami avec toi, elle m'a dit que tu avais trahi ton sang et que …
- Et tu l'as cru ? Tu as cru à ces sornettes ? Bon sang, Reg' !
En entendant son surnom, le jeune homme ferma les yeux.
- Je ne suis plus Reg', Sirius. C'est fini. Je ne suis plus un bébé.
Il fixa de nouveau son regard sur son frère et cette fois-ci, Sirius recula d'un pas. Son petit frère avait disparu.
- Et j'ai choisi mon camp.
- Alors pourquoi est-ce que tu as pris la peine de venir m'informer de cette petite formalité qu'est mon bannissement de la famille ?
- Je... Je voulais que tu le saches. Je voulais que tu saches que tu es un traître maintenant.
- J'ai toujours été un paria, Reg', ricana Sirius en insistant sur le surnom de son frère. Et je suis très heureux comme ça.
Il pivota sur ses talons et cette fois ne s'arrêta pas. Il ne s'était jamais rendu compte à quel point son frère lui avait manqué. A quel point il lui manquerait toujours.
***
- Sirius ! Est-ce que t'as compris comment on annihile les pouvoirs d'un...
James s'interrompit brusquement en constatant le désordre qui régnait dans la chambre. Des feuilles de cours étaient étalées un peu partout et les rideaux du lit de Sirius pendaient misérablement après avoir été tirés avec un peu trop d'ardeur. Sur la couverture était vautré Sirius, le visage enfoui dans son oreiller. Il n'avait pas bronché lors de l'irruption de James.
Celui-ci, inquiet, ferma doucement la porte et s'empressa d'aller chercher Remus qui se trouvait dans la salle commune. Ils entrèrent sans faire de bruit et James sortit sa baguette pour tapoter Sirius avec. Remus lui adressa un froncement de sourcils réprobateur et son ami leva les yeux au ciel.
Sirius roula sur le côté, un étrange rictus sur les lèvres.
- Quoi ?
- J'ai encore mes cours de divination de cinquième année, si tu veux les détruire aussi, proposa aimablement James.
- Très drôle, Cornedrue, grogna-t-il.
- Bien, puisque nous avons établi que je suis le roi de la blague, je propose que tu nous racontes pourquoi tu es le roi de la destruction massive.
- Très subtil James, bravo, railla Remus en s'asseyant sur la malle de Peter – mais où était-il ?
James haussa les épaules en tentant de refréner sa bonne humeur. Il n'y pouvait rien s'il avait envie de rire ce jour-là.
Sirius, avec un soupir qui oscillait entre soulagement et agacement, s'assit en tailleur et leur raconta succinctement sa rencontre avec son frère. Ses deux amis l'observèrent ensuite quelques instants sans rien dire, puis James se leva.
- Rem', tu sais où est Peter ?
- A la bibliothèque je crois, pourquoi ?
- Attendez deux minutes, j'arrive.
Il disparut sans rien ajouter et revint cinq minutes plus tard accompagné du petit blond, à qui il avait tout raconté en chemin. Il s'assit sur le lit de Remus et James resta debout, un sourire énigmatique sur les lèvres.
- Chers amis, je crois qu'il y a trop longtemps que les Maraudeurs n'ont pas frappé.
Remus secoua la tête d'un air désespéré mais il ne pouvait pas s'empêcher de sourire, tandis que Sirius s'autorisait un petit rire. Peter, quant à lui, se mit à moitié à sautiller sur le lit.
- A cause du bal...
- Qui t'a un peu occupé, coupa Remus.
- La ferme. A cause du bal, donc, nous n'avons pas pu faire de blague d'Halloween. Je propose que nous remédions à cela très bientôt.
- Et comment ? interrogea Sirius, une lueur presque diabolique dans les yeux.
- Oh allez Patmol, fais marcher ton imagination ! s'exclama James. C'est à toi de trouver.
Sirius se laissa tomber en arrière sur son lit et le silence s'installa pendant qu'il réfléchissait. Enfin il se redressa, triomphant.
- Les gars, ça va être génial.
***
Lily se hâtait vers la bibliothèque, des parchemins plein les mains. Elle avait repris les cours depuis deux jours et elle était débordée de travail. Plus jamais elle ne serait malade. A moins qu'elle ne se rende malade à force de trop travailler.
Alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans un passage secret – elle se demandait bien pourquoi tout le monde s'obstinait à appeler ça de cette manière puisqu'ils n'étaient plus secrets pour personne – un cri se fit entendre. Avec un soupir résigné, elle fit demi-tour pour remplir son devoir de préfète.
Elle n'eut pas à aller très loin car les trois Première Années de Gryffondor déboulèrent dans sa direction en hurlant. Elle essaya de les intercepter mais rien n'y fit, ils passèrent leur chemin pour aller se réfugier on ne sait où.
Légèrement angoissée à cause de ce qui lui était arrivée la dernière fois qu'elle avait voulu aider une Première Année terrifiée, Lily s'engagea dans le couloir d'où venaient les élèves. Elle scruta le lieu, les yeux plissés. Il n'y avait rien du tout. Peut-être avaient-ils simplement eu peur du Baron Sanglant.
Un mouvement attira son attention sur sa droite et fit quelque pas de plus en avant.
- Miss Evans !
Elle sursauta et chercha de tout côté McGonagall. Quand elle reporta son attention sur le couloir vide, elle frisa la crise cardiaque. Le professeur de métamorphose flottait à quelques mètres au-dessus du sol. Lily, terrifiée, commença à battre en retraite. Mais qu'est-ce que c'était que cette chose ?
- Miss Evans ! Allez travailler ! Vous allez rater vos Aspics parce que vous êtes un gland fini !
La préfète, qui s'apprêtait à fuir, interrompit son geste. Jamais McGonagall n'aurait dit ça. Et puis... Elle plissa les yeux et s'aperçut qu'il n'y avait rien entre la robe et le chapeau. Les flambeaux n'éclairaient pas assez pour qu'on s'en rende compte au premier coup d'œil. Un soupçon commença à naître dans l'esprit de la jeune fille et elle posa ses mains sur ses hanches, attendant que le « professeur » dise autre chose.
- Si vous n'obéissez pas, je vous colle Miss Evans ! C'est sans doute ce voyou incroyablement sexy de James Potter qui vous a perverti en vous convainquant de ne pas obéir à mes ordres !
- Bravo James, très subtil, commenta Lily en se dirigeant vers le fond du couloir. Sortez de là. Vous êtes vraiment des crétins.
Des ricanements lui répondirent et elle leva les yeux au ciel. James et ses copains n'avaient décidément jamais cessé de vivre en enfance. La tête de James émergea d'un pan de mur – ça, c'était un vrai passage secret ! - et il lui fit signe de le rejoindre.
- Dépêche-toi, il y a d'autres élèves qui arrivent !
- Mais bien sûr, comme si j'allais me joindre à tes absurdités... Eh ! Lâche-mmmh !
James la tira dans le passage secret, sa main plaquée sur sa bouche.
Elle tenta de lui envoyer son coude dans les côtes, mais il avait appris à éviter, depuis le temps.
- Je déteste quand tu fais ça ! s'insurgea-t-elle lorsqu'il la libéra.
- Chut !
- Chut ? Mais toi ferme-là ! Tu crois que j'ai envie de me retrouver embarquée dans cette affaire débile avec un tas de crétins immatures et … Mmmmh !
- Si tu ne te tais pas, je te stupéfixe et je t'abandonne là quand Rusard finira par arriver, prévint James à voix basse alors que quelque part derrière eux on entendait Sirius brailler contre des élèves.
Elle lui donna une tape sur la main et il la lâcha.
- Tu es insupportable, marmonna-t-elle en se tournant vers lui.
Ce faisant elle aperçut Remus qui, l'air concentré, agitait sa baguette dans les airs. Près de lui se trouvait Sirius, qui hurlait des imprécations, sa baguette pointée contre sa gorge. Elle se demandait bien comment ils s'étaient débrouillés pour que sa voix ressemble ensuite à celle de McGonagall. Quelques instants plus tard elle vit apparaître Peter, sortant sans doute de sous la cape. Il avait dû sortir dans le couloir pour observer les élèves, étant donné son fou-rire. Apparemment leur stupide blague était plutôt efficace car Lily pouvait entendre des gens hurler.
- Ca t'arrive de faire autre chose que des trucs complètement stupide ? interrogea-t-elle en voyant James saisir à son tour la cape.
- Bien sûr que non, rétorqua-t-il. Tu viens ?
- Hors de question. Je vais à la bibliothèque.
Sans attendre de réponse, elle sortit du passage secret au moment où la queue d'un chat disparaissait derrière un coin de mur.
- Lily ! Reste un peu c'est …
- Potter ? coupa-t-elle. Ferme-là et tirez-vous. Rusard va arriver.
Il disparut sans demander son reste, trop habituer à jouer au chat et à la souris avec Rusard pour perdre du temps en discussions inutiles. Quelques instants plus tard, les vêtements de McGonagall retombèrent au sol. Malheureusement, le concierge était plus proche que ce que Lily pensait. Elle tomba nez-à-nez avec lui alors qu'elle s'apprêtait à reprendre ses occupations.
- Je vous tiens, espèce de sale morveuse ! brailla-t-il en l'attrapant par le bras pour la secouer comme un prunier.
Lily était bien trop stupéfaite pour réagir, n'ayant pas imaginé une seule seconde qu'elle allait se faire prendre à la place de Potter et sa bande. Il commença à la traîner vers les escaliers sans qu'elle arrive à balbutier autre chose que de faibles « Mais... »
Heureusement pour elle, James avait quand même le sens de l'honneur.
Alors qu'ils arrivaient en haut des escaliers, plusieurs objets vinrent rouler à leurs pieds. Une odeur nauséabonde les enveloppa aussitôt et Rusard lâcha Lily sans hésitation pour faire demi-tour en hurlant. Lily, qui commençait enfin à revenir à la réalité et à se dire qu'il y avait bien un coupable dans toute cette histoire, fut happée en arrière et recouverte d'un tissu fluide... la cape sans aucun doute. On lui prit la main et elle fut entraînée loin du couloir et de ses odeurs sans qu'elle ait compris ce qu'il se passait.
James, puisqu'il ne pouvait s'agir que lui, finit par s'arrêter et éclata de rire.
Oui, cet abruti éclata de rire. Lily l'aurait bien giflé. D'ailleurs, c'était peut-être ce qu'elle allait faire.
- C'était moins une ! Ce vieux Rusard, les mêmes trucs réussiront toujours avec lui...
Il s'interrompit en constatant que Lily le dévisageait, le visage glacial.
- Bah quoi ? Je sais, ça sent pas très bon mais ça va finir par passer et …
- Tu te rends compte que j'ai failli être punie pour les absurdités que TU fais ? demanda-t-elle d'une voix bien trop calme pour que cela rassure James.
- Mais je ne t'aurai pas laissée être punie, assura-t-il, perdu.
- Tu sais très bien comment est Rusard ! J'étais avec toi et j'aurais pris quand même, tout ça à cause d'un crétin dont le but est de faire la pire des idioties en faisant en sorte d'avoir le plus de spectateurs possibles pour flatter son égo DISPROPORTIONNE !
Il cligna plusieurs fois des yeux et finit par répondre :
- Est-ce que cette phrase avait vraiment un sens ?
Lily lâcha un cri de frustration et fit volte-face. Si elle restait une minute de plus, elle allait le frapper.
- Attends ! Mais qu'est-ce qu'il y a ?
Il eut la mauvaise idée de lui prendre le poignet pour la retenir. L'autre main de Lily partit aussitôt et ils se retrouvèrent face à face, silencieux. James la dévisageait, la mâchoire décrochée et la joue d'un rouge soutenu. Lily, frémissante, pivota sur ses talons pour partir.
- Je croyais que c'était fini, tout ça ! cria-t-il derrière elle.
- Bien sûr que non ! Ca ne s'arrêtera pas tant que tu ne cesseras pas d'être un insupportable crétin !
- Alors pourquoi tu as passé autant de temps avec moi, hein ? Pourquoi tu m'as demandé de rester à l'infirmerie, la semaine dernière ?
Il marquait un point. Elle se retourna en inspirant profondément, dans le vague espoir de se calmer.
- Parce qu'il arrive que tu me fasses rire.
Un rictus tordit le visage de James.
- Alors c'est ça ? Je suis seulement le bouffon de service ? Et encore, seulement quand ça te plaît.
Ce fut à son tour de partir sans attendre de réponse, plantant Lily au milieu du couloir.
Chapitre douze
La plume de James restait à quelques centimètres de son parchemin depuis plusieurs minutes déjà. Il y avait bien longtemps qu'il avait cessé de penser à son devoir de Sortilège. En fait, il pensait à cette énigme. Il lui restait encore un peu de temps mais depuis qu'il s'était disputé avec Lily il mourrait d'envie de faire quelque chose de stupide. Il avait besoin de bouger pour oublier. Il doutait qu'elle lui reparle un jour et il en souffrait bien plus que pendant ces six dernières années. Ils avaient presque été amis et c'était difficile à effacer.
« Endroit préféré, mais détesté par tous, créature aussi dangereuse qui déteste tout... Avant décembre, elle t'attend au rendez-vous ». Dans les endroits détestés par tous, il y avait bien sûr les toilettes de Mimi Geignarde, sauf que James ne les aimait pas plus que les autres élèves. Il y avait bien le bureau de McGonagall qu'il avait fini par apprécier, après y avoir passé autant d'heures de colle, mais il doutait que son professeur de Métamorphose soit la « créature aussi dangereuse qui déteste tout ». Et si c'était le cas, alors il irait embrasser le type qui avait crée cette énigme parce qu'il trouvait cela génial.
Il se renversa dans sa chaise et regarda par la fenêtre. Le froid ne se décidait pas à tomber sur Poudlard et il pleuvait au lieu de neiger. En fait, il s'était mis à pleuvoir le lendemain de leur plongeon dans le lac et depuis il n'avait pas arrêté. Autant dire que personne dans l'école n'était de très bonne humeur.
Il soupira et regarda sa feuille blanche. Il tournait en rond. Où pouvait-on trouver des créatures dangereuses, à part chez Hagrid ?
Là où Hagrid les trouvait, évidemment. Il eut un petit sourire. Quel idiot il était. Il ne pouvait s'agir que de la forêt interdite, même si l'énigme avait un peu exagéré sa passion pour cet endroit. Enfin, il était content d'y retourner, même si la partie sur la bête sauvage lui plaisait moins.
- James ? Tu t'amuses tout seul ?
- Ouais, parce que moi tout seul je suis bien plus drôle que toi, répondit-il en levant la tête vers Sirius.
- C'est ça ouais, et moi je suis un génie en divination. C'est moi le plus drôle, et tout le monde le sait.
- C'est sûr que si tu considères que le monde se réduit à ta petite personne, tout le monde le sait.
- Ma petite et géniale personne, s'il-te-plaît, rectifia Sirius en lui balançant une boulette de papier.
- Génialement stupide.
Il se prit une boulette un peu plus grosse et éclata de rire.
***
Lily devait prendre les choses en main. Il lui restait quatre jours pour trouver à quel fantôme elle devait s'adresser.
Elle s'éclipsa de la salle commune en disant à Jenny qu'elle devait aller chercher un livre. Elle ne put s'empêcher d'apercevoir James qui riait avec Sirius. Elle ignorait si elle avait envie de se réconcilier avec lui ou non. Ils s'étaient bien amusés, elle avait passé une très bonne soirée avec lui, mais elle était certaine qu'au fond il était toujours cet insupportable Potter. Enfin, presque certaine.
Elle descendit les escaliers pour se rendre dans le hall en espérant tomber sur un fantôme quelconque – sauf Peeves, bien entendu. Elle erra quelques instants au rez-de-chaussée mais le Moine Gras finit par apparaître. L'air concentré, il faillit passer sans l'entendre. Alors qu'il s'apprêtait à traverser un autre mur, il s'immobilisa enfin et adressa un bon sourire à Lily.
- Eh bien mon enfant, que puis-je faire pour vous ?
- Je cherche Nick... Sir Nicholas, l'auriez-vous vu s'il-vous-plaît ?
- Il est dans les cachots, répondit joyeusement le fantôme avant de reprendre son air absorbé et de disparaître.
Lily resta plantée au milieu du hall en se traitant intérieurement d'idiote. Elle aurait mieux fait de lui demander, même s'il était sans doute moins au fait des divers potions du château que Nick. Elle n'avait aucune envie de se rendre dans les cachots seule.
Avec un soupir, elle se dirigea vers les sous-sols. Avec un peu de chance, elle le trouverait vite et ne ferait pas de rencontres désagréables. Elle alla à la salle des potions sans même y penser et s'immobilisa devant la porte, perdue. Elle n'était jamais allée au-delà.
Elle se mordit la lèvre et, après avoir jeté un coup d'œil derrière son épaule, elle s'engagea dans ce qui devait être le chemin vers la salle commune des Serpentards. Elle savait qu'elle avait parfaitement le droit d'être là, mais elle ne pouvait s'empêcher de paniquer. Il ne faisait pas bon traîner sur le territoire des Serpentards par les temps qui couraient.
- Sir Nicholas ? appela-t-elle d'une petite voix en avançant prudemment.
Evidemment, personne ne répondit.
Elle continua pendant quelques minutes, terrifiée à l'idée de se perdre, puis songea qu'elle ferait aussi bien de demander au fantôme le lendemain matin.
Satisfaite, elle fit demi-tour, décidée à sortir de là le plus vite possible. Sauf qu'elle était perdue.
Sidérée, elle observa les quatre couloirs qu'elle pouvait prendre sans comprendre comme elle avait réussi à se perdre. C'était du Poudlard tout craché, sauf que ce n'était vraiment pas le moment.
Elle choisit le passage qui lui semblait le plus logique et essaya de repérer des endroits où elle serait passée en venant. Mais rien n'y faisait, elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle était. Elle avait désespérément besoin de quelqu'un, et elle savait qui était la personne qui lui aurait été la plus utile : James. Il aurait su quoi faire. Et même si ça n'avait pas été le cas, il aurait fait semblant.
- Qu'est-ce que la Sang-de-Bourbe fait là ?
Elle fit volte-face, ses doigts posés sur sa baguette. Deux Serpentards lui faisaient face, des Sixième Années sans doute. Des Sixième Années bien plus grands qu'elle et absolument terrifiants.
- Si vous me dîtes comment partir, je me ferai un plaisir de déguerpir, rétorqua-t-elle d'une voix qu'elle espérait assurée.
- Je crois que ce serait beaucoup moins drôle si on faisait ça, commenta l'un des deux, un blond qui aurait été pas mal s'il n'avait pas l'air si méchant.
- Et moi je crois que ce serait très malin de le faire, répondit aimablement Lily.
Elle commença à reculer alors qu'ils s'approchaient de plus en plus. Si elle partait en courant, elle allait se faire attraper en moins de deux et se serait sans doute encore pire. Il fallait qu'elle essaie de négocier.
- Tu ne nous as pas répondu, Sang-de-Bourbe, reprit le deuxième, un brun avec une tête de bouldogue. Qu'est-ce que tu fais là ?
Lily tiqua, mais ne releva pas cette seconde insulte.
- Je cherche Nick-quasi-sans-tête.
- Il doit être en train de baver à l'entrée du club des chasseurs sans tête. Dommage pour toi que tu ne saches pas où ça se trouve.
- Peut-être que si vous me le disiez on …
- Non, coupa le blond.
- Non ? reprit Lily d'une voix suraiguë.
Puis elle partit en courant.
L'un d'eux cria « Stupéfix ! » et elle eut juste le temps de faire apparaître un bouclier avant que le sortilège ne la frappe. Elle bifurqua dans un autre couloir mais elle ne tarda pas à attendre des pas lourds derrière elle. Ils avaient dû se rendre compte qu'elle maîtrisait parfaitement le sortilège informulé car ils n'essayaient plus d'attaquer. Ce n'était pas pour cela qu'elle même allait s'en priver.
Elle lança un sortilège de furoncles par-dessus son épaule mais seul de ricanements lui répondirent. Elle avait dû les manquer. Et, dommage pour elle, ils étaient plus rapides qu'elle.
Des bras la saisirent et elle se mit à hurler. On plaqua une grosse main sur sa bouche qu'elle essaya de mordre mais le propriétaire appuyait trop fort. Heureusement, six années à se disputer avec James lui avaient appris à se défendre. Elle balança son pied en arrière et son agresseur poussa un petit cri de douleur en relâchant sa prise. Son cri se transforma en hurlement lorsqu'elle parvint enfin à planter ses dents dans sa main. Il la lâcha aussitôt mais le deuxième l'attrapa sans qu'elle ait le temps de réagir. Elle tenta de la frapper, mais il semblait plus fort que son congénère.
- Tu vas voir ce qu'on fait aux Sang-de-Bourbe comme toi, marmonna-t-il.
- Stanley ! Qu'est-ce que vous faîtes ?
Lily se figea en même temps que le dénommé Stanley. Elle aurait reconnu cette voix n'importe où.
- On a trouvé ta Sang-de-Bourbe préférée, répondit Stanley.
Après une seconde de silence ébahi, Severus cria :
- Lâche-la !
Bizarrement, Stanley s'exécuta. Et c'était tant mieux parce que Lily commençait à ne plus pouvoir respirer tellement il la serrait fort. Elle se trouva assise sur le sol sans trop savoir comment et deux grosses chaussures noires envahirent son champ de vision.
- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda Severus
Elle releva la tête et croisa ses yeux noirs. Il ne lui tendait même pas la main pour l'aider à se relever. En même temps, l'aurait-elle fait ? Sans doute pas. Elle se redressa en chancelant légèrement et considéra d'un regard condescendant le type brun qui se tenait la main en la dévisageant d'un air mauvais. Elle lui aurait bien tiré la langue.
- Je cherchais Nick-quasi-sans-tête, expliqua-t-elle.
- Eh bien c'était une mauvaise idée.
Il sembla hésiter puis ajouta :
- Je vais te faire sortir.
- T'es pas sérieux Severus ! s'exclama le brun, outré. Elle m'a mordu !
- Il y a pire dans la vie, Eddie, soupira le Serpentard.
Sans rien ajouter à l'adresse de Lily, il partit.
- Ben... salut ! lança-t-elle à Stanley et Eddie avant de se ruer à la suite de son ancien ami.
Ils marchèrent pendant quelques instants en silence. Lily étudiait les murs, sans comprendre comment elle avait pu se perdre. Sans doute ne le saurait-elle jamais.
- A ta place, je ne reviendrai pas.
- Je n'y comptais pas, marmonna Lily, surprise qu'il lui adresse la parole plus que nécessaire.
Il continua à fixer le sol comme s'il comptait le détruire à la pioche puis finit par demander :
- L'autre soir.. Tu étais au bal avec Potter ?
- Oui.
Severus ricana.
- J'étais sûr qu'il finirait par t'avoir. Parce que ce salopard à toujours tout ce qu'il veut.
- Il ne « m'a » pas, rectifia sèchement Lily.
- Tu es devenue comme toutes ces filles pathétiques, c'est ça ? Tu as accepté parce que tu le trouve beau ?
Il avait craché le dernier mot, mais Lily s'en était à peine rendue compte. Elle s'était arrêtée à « filles pathétiques ».
- Ca suffit, Severus ! Je fréquente Potter si j'en ai envie et ça ne te regarde pas ! Encore moins maintenant qu'il y a deux ans !
Ils étaient arrivés devant la salle de potion. Ils s'affrontèrent du regard quelques secondes puis Severus commenta :
- Tu as raison. Je me demande pourquoi je m'intéresse à une Sang-de-Bourbe.
Il disparut avant que Lily ait eu le temps d'assimiler ce qu'il venait de dire.
Bon sang. Cela faisait plus d'un an qu'ils n'étaient plus amis et pourtant cela faisait toujours aussi mal.
***
Bonjour Maman !
Je sais que tu t'amuses bien avec Bathilda mais ne la laisse pas faire n'importe quoi. Je suis sûr qu'elle est capable de t'emmener jouer au Quidditch, et tu sais très bien que ce ne serait pas très malin. Papa en ferait une crise cardiaque. Et si jamais on apprend à l'école ce que j'ai fait dernièrement, il risque d'être un peu sur les nerfs.
Je sais que tu vas me harceler pour savoir, mais rappelle-toi que c'est donnant-donnant : je te raconte une de mes bêtises et toi une de celles que tu as faites avec Papa ! En parlant de ça, j'espère qu'il ne découvrira jamais que tu me racontes ça sinon il sera furieux. Il ne sait pas encore qu'il n'a plus aucune crédibilité auprès de moi quand j'ai fait un truc stupide à Poudlard.
Enfin bref, ma plus récente bêtise.
Sirius n'était pas très bien (à cause de sa famille, encore une fois... Ca va lui faire du bien de rentrer à Noël) et on a voulu lui changer les idées. Je te le dis tout de suite, l'idée vient de lui. Son but était de créer une fausse McGonagall pour faire peur aux élèves. Le problème, c'est qu'il nous fallait des vêtements lui appartenant. Tu imagines, t'introduire dans les appartements de McGonagall ? Je sais bien qu'elle n'est arrivée que pendant votre dernière année mais je suis sûre qu'elle était déjà terrifiante. Ah mais j'oubliais, tu l'as rencontrée quand j'étais en deuxième année. Qu'est-ce que j'avais fait déjà ? Une Bombabouse dans la salle des profs sans doute. Vraiment, vous convoquer pour ça... J'ai fait bien pire depuis. Heureusement pour elle, elle sera bientôt débarrassée de moi. Mais revenons à nos hiboux ! Il nous fallait une diversion, pour être sûrs qu'elle ne serait pas dans les parages, et quelqu'un de discret. Évidemment, on a collé Peter à la partie « discrétion ». Quant à la diversion, Sirius s'est fait un plaisir d'arroser toutes les personnes qui sortaient de la Grande Salle, dont McGonagall. Elle n'était pas ravie, surtout qu'ils se sont courus après pendant au moins une demi-heure ensuite. Je dois dire que son endurance m'impressionne. Tu te demandes sans doute où était Remus : il avait soi-disant du travail à faire. Mais en fait je crois que c'était juste un moyen pour essayer de nous faire croire qu'il désapprouvait nos actions. Et moi, je faisais le guet pendant que Peter faisait ce qu'il fallait.
Le problème c'est que McGonagall n'est pas complètement stupide et je peux te dire qu'on a eu un mal de troll à entrer chez elle. Si Papa et les profs savaient le nombre d'enchantements et de sortilèges qu'on a appris grâce à nos bêtises, ils ne nous puniraient pas autant.
C'était la première fois qu'on entrait dans l'appartement d'un prof, et bah je peux te dire qu'on a bien ri ! McGonagall a une collection de flasques de whisky qui doivent venir d'Ecosse et une énorme bannière de Gryffondor dans son salon. Et surtout, crois-le ou non, elle a des photos de tous les élèves de la maison. Oh et pas dans le genre « photo pour leur lancer des fléchettes ». Non, de vraies photos. Peut-être qu'elle nous aime bien, finalement.
Peter est allé chercher ce qu'il fallait dans son armoire, en renversant au passage un verre qui traînait sur une table, parce que sinon ce ne serait pas Peter, et on est reparti. Sirius a été collé trois heures, mais il s'en fichait.
Lundi, on a mis notre plan à exécution et Remus a bien voulu nous aider : il faisait voler les vêtements de McGonagall pendant qu'on menaçait à tour de rôle les élèves qui passaient. Sirius a trouvé un sort génial, il y a quelques mois, pour prendre la voix de quelqu'un d'autre.
On s'amusait bien, tout le monde partait en hurlant, persuadé que McGonagall était morte ou je ne sais quoi, quand Lily est arrivée. Elle nous a reconnu tout de suite et je l'ai fait venir avec nous. Je t'assure que j'ai été gentil ! Mais elle a tenu à repartir. Et à ce moment là Rusard est arrivé. Il l'a accusée, on l'a sortie de là et puis on s'est disputé. Et je ne sais même pas exactement pourquoi elle m'en veut. D'après elle, elle se retrouve dans des situations impossibles depuis qu'elle passe du temps avec moi.
Il faut vraiment que je retourne travailler. J'attends ton histoire !
Embrasse Papa pour moi, et bonjour à Bathilda !
Je t'aime,
James.
Cher James,
Je n'ai pas beaucoup de temps pour t'écrire parce que papa m'emmène à Londres aujourd'hui. Je crois qu'on va faire les courses de Noël : j'adore ça !
Tu n'auras pas d'histoire, parce que ton père a découvert notre petit trafic. Oh, ça l'a fait rire, mais il préfère que je ne te donne pas de mauvaises idées. En fait, je pense qu'il a juste envie de te raconter tout ça pendant les vacances. Oh, en parlant de vacances : on a reçu les invitations pour le bal du Nouvel An de la maison de retraite ! J'espère que Sirius et toi n'allaient pas lever le nez dessus après vos expériences plus juvéniles.
Mais il y a une autre raison pour laquelle je ne t'aurai pas raconté d'histoire même si papa ne l'avait pas découvert : tu ne me l'as pas racontée pour mon plaisir, mais parce que tu voulais que te dises quoi faire au sujet de Lily. Ah, je sais que ça risque de te gêner dans tes sentiments, mon chéri, mais ne nie pas ! Ca fait suffisamment longtemps que j'entends parler de cette pauvre Lily pour savoir où tu veux en venir. Je t'entends déjà hurler « comment ça pauvre Lily ? ». Je t'ai élevé, James. Je sais très bien ce qu'elle doit endurer en vivant avec toi. Et je conçois dont très bien que tu l'entraînes dans des trucs incroyables. Alors ne soit pas trop dur avec elle. Je ne sais pas ce qu'il s'est dit exactement entre vous et elle a sans doute ses torts, mais fais attention à ton orgueil, James. Tu es à Gryffondor parce que tu es courageux, mais n'oublie pas que l'orgueil est le défaut de cette maison.
Je ne connais pas Lily et j'ignore ce qu'il y a entre elle et toi – et tu préfères sans doute que ce soir comme ça. Mais je te connais, toi, sans doute mieux que tu ne te connais toi-même. Alors je sais que si tu m'en as parlé c'est parce que c'est important pour toi. Ne sois pas idiot, James. Bientôt tu devras prendre tes décisions tout seul – tu es déjà majeur, je te rappelle – parce que je ne serai plus là. Alors apprend à faire preuve de discernement. Il faut que tu trouves la solution tout seul, mon chéri. Mais rappelle toi d'une chose : le pardon est ce qui fonctionne le mieux dans toutes les relations.
Papa va faire une crise si je ne descends pas. Dis à Sirius que je lui écris bientôt.
Je t'embrasse,
Maman
PS : bien joué pour votre blague !
James replia la lettre de sa mère et se laissa aller dans le canapé. Il était presque énervé contre elle jusqu'à ce qu'il arrive à la partie où elle lui disait de se débrouiller seul parce qu'elle ne serait bientôt plus là. Il détestait quand elle était comme ça, à la fois si pleine de vie et complètement résignée.
- James ? Je peux la lire ?
Il tourna la tête vers Sirius, qui se penchait par-dessus le canapé, plein d'espoir.
- Non. Mais elle va t'écrire.
- Quoi ? Mais pourquoi je peux pas la lire ?
James se leva en riant et lui ébouriffa les cheveux.
- Parce que c'est confidentiel.
Il s'apprêtait à monter dans sa chambre lorsque Lily entra justement dans la salle commune. Elle avait l'air exténué et James ne put s'empêcher de s'en vouloir un peu. Elle était surchargé de travail à cause de son séjour à l'infirmerie. Et d'après son air pâle depuis la veille, il avait peur qu'elle retombe malade, ce qui n'arrangerait évidemment pas ses affaires. Pendant un instant, un minuscule instant, il songea à aller la voir. Il avait terriblement conscience de la lettre de sa mère serrée dans sa main. Mais il était persuadé qu'ils avaient chacun leurs torts et qu'il s'était suffisamment excusé ces derniers temps. C'était à elle de décider maintenant. Si elle voulait de son amitié, c'était à elle de venir le voir.
Chapitre treize
Lily fixait Nick-quasi-sans-tête avec obstination. On était mercredi dix-neuf novembre. Il fallait qu'elle parle à ce fantôme.
- Lily ? Est-ce que ça va ?
La rousse se tourna vers Margaret, qui l'observait avec inquiétude. Lily avait été passablement perturbée par son séjour dans les cachots mais elle n'avait pas pu en parler à ses amies, qui l'avaient trouvée bizarre toute la soirée du dimanche. Depuis, Maggy guettait le moindre signe de dépression de sa part.
- Oui oui, sourit-elle, ne t'en fais pas.
- Lily. Arrête de raconter n'importe quoi, lança alors Jenny en s'incrustant dans la conversation.
- Quoi, « n'importe quoi » ? C'est vrai, je vais très bien !
Evidemment elle paniquait un peu à chaque fois qu'elle apercevait un Serpentard, de peur qu'il s'agisse de Stanley ou Eddie. Ou pire : Severus. Mais à part cela, tout allait bien.
Jenny se leva alors, coupant court à ses réflexions.
- Lily Evans, il faut qu'on parle.
- Hein ? Mais je...
Avant qu'elle aie pu comprendre ce qu'il lui arrivait, son amie la tira par le bras et elle se trouva emmener loin de Nick-quasi-sans-tête et de ses espoirs de résoudre son énigme. Margaret et Val les suivirent en trottinant et s'immobilisèrent dans une salle vide du deuxième étage. Heureusement qu'elles étaient allées déjeuner tôt ce matin-là, songea Lily en se demandant ce qui l'attendait.
Ses amies l'encerclèrent et Jenny commença :
- C'est à cause de Potter que ça ne va pas ?
Lily, dont les pensées étaient à mille lieues de James, ne put qu'éclater de rire.
- Mais je vais très bien Jenny ! Je suis juste crevée. Et dans un sens, oui on peut dire que c'est la faute de Potter parce que c'est à cause de lui que j'ai pris autant de retard dans mon travail.
- Alors pourquoi tu le regardais comme ça hier ?
La jeune fille devint cramoisie, ce qui n'échappa pas à ses trois amies.
- Je ne le regardais pas, tenta-t-elle de se défendre, j'avais les yeux dans le vague et c'est tombé sur lui, c'est tout.
- Tu le regardais presque comme Maggy regarde John ! s'exclama Jenny alors que la pauvre Margaret poussait un cri indigné en rougissant.
- Oh, certainement pas.
- Oh, certainement si, rétorqua Val qui jusque là ne s'était pas incrustée dans la conversation.
- Eh, tu étais en train de dessiner, comment est-ce que tu aurais pu remarquer ça ? s'insurgea Lily.
- C'est Jenny qui m'a dit de te harceler avec ça, répondit-elle, tout sourire.
- Val !
- Quoi ? Je ne vais pas lui mentir ! Moi, je m'en fiche, tu peux être amie avec James Potter si ça te chantes, et si tu préfères que non, alors ça me va aussi.
- Val. Je t'aime ! s'exclama Lily en lui sautant au cou. Vous voyez, elle, elle est normale ! Est-ce que je peux retourner prendre mon petit-déjeuner maintenant ?
- Non ! Tu ne nous as toujours pas dit pourquoi tu le regardais !
Lily soupira à l'attention de Jenny. Autant cracher le morceau, sinon elle n'aurait plus jamais un instant de tranquillité. Mais, bon sang, c'était dur à dire.
- Je me disais que... que ce n'était pas si terrible de passer du temps avec lui, même si je me suis retrouvée dans des situations inimaginables à cause de lui.
Un air triomphant éclaira aussitôt les traits de Jenny, mais Margaret avait l'air soucieux. Elle était suffisamment observatrice pour se rendre compte que son air pâle de dimanche soir n'avait sans doute aucun rapport avec ses considérations sur Potter. Lily aurait bien aimer la rassurer en lui disant que c'était passé à présent, mais ce fichu sortilège de Langue-de-plomb était toujours actif.
- Et alors, reprit Jenny, tu vas aller le voir ?
- Bien sûr que non ! J'ai dit que ce n'était pas si mal, pas que ça me manquait !
- Mince. Je savais bien que c'était trop beau pour être vrai.
- Je ne vois pas pourquoi ça te tient tant que ça à cœur que je devienne amie avec lui, Jenny.
- Oh, pas seulement amie, rectifia la blonde en souriant de toutes ses dents.
- JENNY !
Elle éclata de rire et partit en courant avant de se faire frapper. Lily leva les yeux au ciel et Margaret lui prit le bras.
- Vous venez ? On va être en retard.
Val les précéda en sautillant et Lily jeta un coup d'œil de regret vers les escaliers qui menait à la Grande Salle : il fallait vraiment qu'elle voie Nick.
Elle tomba presque miraculeusement sur lui en sortant de cours cette après-midi là. Le pauvre fantôme ne comprit pas ce qui lui arriva lorsque Lily se rua vers lui. Heureusement pour elle, ses amies étaient trop occupées à embêter Margaret à propos de John pour se rendre compte de sa fuite.
- Sir Nicholas !
- Miss Evans ! répondit-il en imitant sans faire exprès sa voix rendue suraiguë par l'excitation.
Lily fronça les sourcils mais ne releva pas.
- Dites-moi, Sir Nicholas, quel fantôme du château est mort d'un crime passionnel ?
Elle ignorait si un fantôme pouvait pâlir, mais elle était persuadée que Nick venait de le faire.
- Ce ne sont pas des questions qu'on pose, répliqua-t-il, offusqué.
Lily se retint de lever les yeux au ciel face à la fierté mal placée des fantômes.
- Je suis désolée, Sir Nicholas, mais c'est malheureusement une urgence.
- Eh bien, allez donc demander au Baron Sanglant, répondit-il avant de tourner les talons – enfin de traverser un mur.
Lily resta plantée au milieu du couloir. Allait-elle un jour pouvoir se débarrasser de la maison des Serpentards ? Elle commençait à en douter.
Plus ou moins désespérée, elle se décida à aller le voir le soir-même. Elle dit qu'elle devait aller chercher un livre quelques minutes avant l'heure du dîner, dans l'espoir de tomber sur le Baron Sanglant dans la Grande Salle. Il était hors de question qu'elle remette les pieds dans les cachots. En sortant de la salle commune elle croisa James. Il dut s'écarter pour la laisser passer et elle lui adressa un bref signe de tête. Merlin ce qu'elle aurait aimé qu'il l'accompagne !
En descendant les escaliers elle repensa à sa conversation avec ses amies le matin même – ou plutôt son interrogatoire. Elle n'avait pas été tout à fait honnête avec Jenny car les bêtises de James Potter lui manquaient un peu. Elle ne se rappelait pas avoir autant ri que ces dernières semaines. Mais en même temps, c'était Potter. Elle était terrifiée à l'idée de lui faire confiance, de croire qu'il avait changé. Si ce n'était pas le cas, ce serait terriblement douloureux. Et elle ne l'en détesterait que plus.
Lily secoua la tête pour arrêter de penser à cela. Elle avait d'autres chose à faire. Elle poussa les portes de la Grande Salle et scruta la pièce. Il y avait déjà quelques élèves qui arrivaient, notamment un petit groupe de Serpentards. Des Quatrième années, fort heureusement. Ils s'assirent et peu de temps après arriva le Baron Sanglant. Lily se demandait bien pourquoi il prenait la peine d'assister à tous les repas puisque les mondanités n'avaient pas l'air d'être son fort. Enfin, elle n'avait pas particulièrement envie de se plonger dans la psychologie des fantômes.
Elle prit une profonde inspiration et se dirigea vers les Serpentards. Ceux qui étaient face d'elle se turent en la voyant arriver et elle entendit un brun dire à son voisin « c'est la copine de Potter ». Son visage s'empourpra et elle se jura de ne pas devenir amie avec James. Hors de question qu'elle lui soit associée de la sorte.
Quatre paires d'yeux malveillants plus deux yeux fantomatiques la ramenèrent à la réalité. Elle se figea près de la table et dut s'y reprendre à plusieurs fois pour dire :
- Bonsoir Baron Sanglant, est-ce que euh... Es-ce que je pourrais vous parler s'il vous plaît ?
Les élèves ricanèrent mais le fantôme se leva de table – un fantôme pouvait-il se lever ? Il sortit de la salle en traversant un mur et Lily le retrouva dans le hall. Malheureusement, il s'engagea dans les cachots. Lily gémit intérieurement mais il s'arrêta devant la salle de potion. Il n'avait toujours pas prononcé un mot. Ce qu'il était effrayant ! Il la fixait de ses yeux vides, et son pourpoint entrouvert laissait apercevoir sa chemise couverte de sang.
- C'est Sir Nicholas qui m'a dirigée vers vous, commença-t-elle. Il... Il m'a dit que vous pourriez m'indiquer quel fantôme a été euh... la victime d'un crime passionnel.
Lily s'attendait à ce qu'il s'énerve, à ce qu'il la plante là sans rien dire. Mais certainement pas à ce qui allait se passer.
Le fantôme se mit à hurler. Mais c'était un hurlement tout droit sorti de l'enfer, sans doute là où aurait du reposer le Baron Sanglant s'il n'errait pas dans les limbes. Lily n'avait jamais eu aussi peur de sa vie. Il se jeta sur elle et elle sentit le froid de la mort la pénétrer lorsqu'il la traversa.
- NE JAMAIS PARLER DE CA ! hurla-t-il en passant à travers la jeune fille, encore et encore. JAMAIS !
Lily tomba à genoux, recroquevillée sur elle-même, alors qu'il continuait à la traverser, hurlant toujours plus fort.
- Arrêtez ! supplia-t-elle. Je suis désolée ! Je vous en prie !
Il y eut un dernier cri puis, enfin, le silence. Lily, sortit la tête de ses mains, tremblante. Elle était seule. Elle se traîna jusqu'à un mur et s'y adossa, les yeux fermés, la respiration haletante. C'était la pire expérience de sa vie. Et en plus, elle n'avait toujours pas de réponse.
Elle remonta vers la tour de Gryffondor sans passer par la case dîner. Elle tomba bien évidemment sur ses trois amies et leur dit simplement qu'elle ne se sentait pas très bien – ce qui était vrai. Margaret s'inquiéta mais Lily parvint finalement à les envoyer dîner.
Alors qu'elle arrivait à l'étage de la salle commune des Serdaigles, elle se retrouva nez-à-nez avec Alice et Ethel.
- Lily ? s'inquiéta Alice. Ca va ?
La jeune fille hocha la tête et répondit simplement :
- J'ai eu un entretien pas très agréable avec le Baron Sanglant, c'est tout.
- Le Baron Sanglant ? Mais pourquoi ?
- Je ne peux pas en parler, soupira Lily. Et pourtant je t'assure que j'aimerai bien.
Alice l'observa attentivement puis une lumière de compréhension s'alluma dans son œil. Est-ce qu'elle vivait la même chose ? Ce n'était pas impossible.
- T'inquiètes pas, tu vas t'en remettre, sourit la Serdaigle. On s'y connaît, en fantôme désagréable, n'est-ce pas Ethel ?
Son amie ne put que hocher la tête d'un air sombre. Puis, au grand étonnement de Lily, elle prit la parole :
- Vous avez de la chance, chez Gryffondor et Poufsouffle, vos fantômes sont sympas. On peut pas dire que ce soit le cas de la Dame Grise.
- Ah ? Elle a l'air assez gentil pourtant.
- Sans doute, mais elle ne parle jamais, reprit Alice. Ou alors, toujours d'un ton lugubre. Ca a peut-être un rapport avec la façon dont elle est morte.
- Vraiment ? interrogea Lily, hautement intéressée.
- Une histoire d'amour qui a mal tourné je crois. On en sait rien en fait, ce sont juste les rumeurs qui courent. Aucun d'entre nous n'oserait jamais aller lui demander et … Aaaah Lily, mais qu'est-ce qu'il y a ?
La rousse venait de la prendre dans ses bras, prête à fondre en larmes.
- Merci Alice, merci merci merci ! Tu n'imagines pas à quel point tu m'aides ! Merci !
Et sans attendre de réponse, elle disparut dans les escaliers.
Lily passa la soirée dans la salle commune à travailler – ou à faire semblant. Margaret l'obligea à manger une pomme qu'elle lui avait apportée et lui fit promettre de se coucher avant minuit. Lily espérait que ce serait le cas.
Lorsqu'il n'y eut plus que Remus et elle dans la salle commune, elle s'éclipsa. Elle se rendit devant l'entrée de la salle commune des Serdaigles en espérant tomber sur la Dame Grise. Et pour une fois, elle eut de la chance. Elle trouva le fantôme avant même d'arriver à destination. Cette fois, elle n'eut pas la bêtise de lui demander si elle avait bien été « tuée par amour ». Elle demanda simplement :
- Madame ? Est-ce que vous avez quelque chose à me dire ?
Le fantôme interrompit son lent déplacement et tourna son visage inexpressif vers la jeune fille.
- Vous êtes Lily Evans ?
L'intéressée acquiesça, attendant anxieusement.
- 50, 6-3, 75, 10-4...
Lily, paniquée, s'empressa de faire apparaître un morceau de papier et une plume pour noter la suite sans sens que lui dictait le fantôme.
- 3, 25-6, 80, 45-8, 120, 30-10, 12, 4-6...
Lily continua à noter frénétiquement, sans rien comprendre et la Dame Grise conclut par :
- Dans le livre disputé, durant janvier.
Puis elle traversa un mur. Cette énigme était encore plus incompréhensible que le reste
***
Le jour suivant, James regarda les membres de l'équipe de Quidditch partir vers le château, riant tous comme des baleines. C'était évidement de la faute d'Anne et Martin qui se chamaillaient. Mais Martin finit par faire taire sa copine en l'embrassant et les autres joueurs se mirent à les chahuter à propos de leur couple.
Le capitaine sourit et attacha sa cape alors que Sirius passait la tête par la porte.
- Cornedrue ? Tu viens ?
- Vas-y sans moi, j'ai quelque chose à faire.
Sirius étant Sirius, il se campa devant la porte, les sourcils froncés.
- Seul ?
- Ouais. Je ne peux pas faire autrement. Tu veux bien me laisser passer ?
Son ami l'observa encore quelques instants puis s'écarta.
- A tout à l'heure alors.
James lui fit un petit signe de la main et partit vers la forêt interdite, laissant Sirius retourner au château.
Il resserra un peu plus son écharpe alors que le vent fouettait son visage. Ce n'était pas forcément le temps idéal pour une expédition dans la forêt, mais au moins il ne pleuvait pas. Il sourit à la nuit, ravi de se jeter à corps perdu dans l'aventure. Il avançait dans l'herbe détrempée sans allumer sa baguette, de peur qu'on le voit du château. Il connaissait suffisamment le chemin pour arriver jusqu'à la forêt sans encombre. Enfin, il l'espérait.
Mais c'était sans compter sur l'insupportable chien d'Hagrid. James avait mal calculé son coup et il passa trop près de la cabane du garde-chasse. Le chien se mit à aboyer comme un tordu et James se figea dans l'ombre, priant pour qu'il se taise. Mais Hagrid ouvrit aussitôt la porte, tenant son chien en laisse.
- Il y a quelqu'un Crocdur ?
Le chien tirait sur sa laisse et il sortit de la cabane en commençant à se diriger vers James. Celui-ci marmonna un juron et s'avança dans la lumière. C'était raté pour ce soir.
- Bonsoir Hagrid ! s'exclama-t-il joyeusement comme si c'était parfaitement prévu qu'il soit là.
Le demi-géant plissa les yeux pour le reconnaître dans la pénombre.
- James Potter ? Qu'est-ce que tu fais dehors à cette heure ?
- Je venais vous voir, en fait, répondit le jeune homme en cherchant à toute vitesse une excuse. Je... euh... Je me demandais si vous pouviez me renseigner sur …. les créature qui résident dans la forêt.
Le visage d'Hagrid se fendit d'un large sourire et il ramena le chien vers lui, qui grognait toujours en direction de James.
- Viens, entre ! Tu pourras prendre le thé avec nous !
James le suivit, priant pour que le « nous » ne soit pas un quelconque professeur.
- Je ne vais pas rester très longtemps, ne vous en faîtes p...
Il s'interrompit en posant le pied sur le seuil de la porte. Oh non, ce n'était pas un professeur. C'était Lily.
Elle leva les yeux vers lui avec un air de défi. Elle avait sans doute entendu Hagrid l'appeler. Ils continuèrent à se dévisager pendant que Hagrid apportait une autre tasse pour James, inconscient de la tension qui régnait entre les jeunes gens. James prit une chaise et sourit à Hagrid en se demandant si Lily allait lui adresser la parole ou non.
- Alors James, qu'est-ce que tu voulais savoir ?
- Est-ce que vous pourriez me parler des centaures ?
Lily s'étouffa avec sa gorgée de thé et fusilla James du regard. Il lui sourit alors que Hagrid se mettait à parler de « ses bons amis les centaures, qui sont quand même un peu brusques parfois ». Les deux jeunes gens connaissaient bien leurs manières, après leur petite incursion sur leur territoire en cinquième année.
- J'espère ne jamais en rencontrer un, commenta Lily alors que le garde-chasse s'arrêtait pour manger un gâteau.
- Je ne te le souhaite pas ! s'exclama Hagrid en poussant la théière vers elle pour qu'elle se resserve.
- Oh je suis sûre que si personne ne me jette dans leurs pattes ça n'arrivera pas.
James cacha son sourire dans sa tasse. C'était loin d'être ce qu'il avait prévu mais il s'amusait bien.
- Est-ce qu'il y a des Botrucs dans cette forêt, Hagrid ?
- Bien sûr, j'arrive parfois à en apercevoir mais ils sont terriblement timides.
- Ce n'est pas toi qui a essayé de limer les ongles d'un Botruc en troisième année, Potter ? interrogea nonchalamment Lily sans le regarder.
- Si si, c'était bien moi, répondit-il en fixant des yeux rieurs sur elle par-dessus sa tasse de thé, surpris mais ravi qu'elle lui parle.
- Et il ne t'a pas attaqué ? s'étonna Hagrid.
- Oh si.
James posa sa tasse et releva la manche de son pull pour leur montrer une longue éraflure blanchâtre qui courait le long de son avant-bras.
- Il n'y est pas allé de main morte, commenta le garde-chasse. En même temps, il ne faut pas s'en prendre à de telles créatures.
- James n'a jamais eu beaucoup de jugeote.
Lily rougit en se rendant compte qu'elle l'avait appelé par son prénom et se cacha de nouveau dans son thé.
- Ce n'est pas moi qui ais oublié de mettre mes cache-oreilles en rempotant des bébé mandragores.
- Figure-toi qu'un abruti faisait semblant de me lancer des pots dessus. Forcément, j'ai été un peu perturbée.
- J'ai fait ça moi ?
Lily hocha la tête avec un petit sourire sarcastique et Hagrid partit dans une tirade sur ces horribles mandragores. D'après lui, cela rendait les licornes à moitié folles.
- Vous avez déjà vu des licornes ? interrogea la jeune fille, admirative.
- Je t'emmènerai au printemps si tu veux, promit-il. Il y aura peut-être des petits.
- Malheureusement je crains qu'on aie autre chose à faire à ce moment-là de l'année.
- Evans, tu peux bien te détendre de temps en temps, intervint James.
- Je ne t'ai pas déjà prouvé que je pouvais faire autre chose que travailler ?
Il lui concéda cela d'un sourire et, à son grand étonnement, Lily le lui rendit.
- Ah et tant que je vous ai tous les deux avec moi ! s'exclama Hagrid. J'espère que vous ne comptez plus jamais remettre les pieds dans le lac parce que le calamar est dans un état terrible.
- Lily aussi était dans un état terrible, protesta James, ce qui fit rire la jeune fille.
- Mais je doute que quelqu'un apporte des brioches au calamar géant.
- S'il était plus sympathique, je le ferai peut-être.
Lily leva sa tasse dans sa direction comme si elle portait un toast avant de répondre :
- Merci, je suis très flattée de t'être plus agréable que le calamar géant.
- Les calamars n'aiment pas les brioches, fit remarquer Hagrid en frottant distraitement les oreilles de Crocdur.
Chapitre quatorze
- Attends-moi !
- Depuis quand tu préfères profiter de ma compagnie, Lily ? T'as peur du noir ?
- Très drôle, commenta la jeune fille en hâtant le pas pour arriver à la hauteur de James après avoir refait ses lacets.
- Tu n'as pas répondu à ma question, sourit James alors qu'ils se dépêchaient de rentrer au château pour être à l'heure au dîner.
- Je n'ai pas peur du noir mais la proximité de la Forêt Interdite quand il fait nuit n'est pas ce que je préfère. Je me demande bien pourquoi.
- Je t'y emmènerai de nouveau, un jour. Et sans te laisser toute seule. Tu verras que c'est chouette.
- Mais bien sûr, répondit-elle en levant les yeux au ciel. Je n'approcherai plus jamais d'un endroit avec des bêtes dangereuses si tu es dans les parages. Entre le loup-garou et le calamar géant, j'en ai déjà assez vu à cause de toi.
- Tu peux me remercier, ta vie serait terriblement terne et dépourvue d'expériences personnelles si je n'étais pas là.
- Non, elle serait calme, tranquille et très agréable.
- Mais beaucoup moins drôle.
- Je m'amuse très bien moi-même Potter, merci.
- Quel narcissisme Evans, je n'en reviens pas, s'exclama-t-il d'un ton faussement outré.
- Dit celui qui a l'égo le plus important de la terre.
- Je t'ai déjà dit que c'était Sirius !
Lily s'arrêta devant la porte d'entrée avec un petit sourire.
- Désolée, mais je ne suis pas convaincue. Veux-tu être un parfait gentleman et ouvrir cette porte s'il-te-plaît ?
James obtempéra et s'inclina même pour laisser passer Lily.
- Tu vois, je suis si peu égocentrique que je te cède le passage.
- C'est de la politesse, James, lança Lily par-dessus son épaule alors qu'elle se dirigeait vers la Grande Salle.
Il la rattrapa et ils entrèrent dans la pièce en se chamaillant. Lily scruta la table de Gryffondor, mais ses amies n'étaient pas là. Pas plus que ceux de James. Il n'y avait d'ailleurs plus grand monde car ils étaient arrivés un peu tard.
- Evans, tu vas être obligée de supporter ma compagnie.
- J'imagine que ce serait ridicule de manger seule avec toi à deux mètres ?
- Surtout que comme je suis un gros lourd, je m'installerai juste en face de toi et je te parlerai jusqu'à ce que tu me répondes, répondit-il avec un grand sourire.
Elle lui donna un petit coup de coude mais elle ne put s'empêcher de rire.
Ils s'installèrent et James commença à se servir copieusement de tout sous l'oeil médusé de Lily.
- Tu manges toujours autant ?
- Si tu étais capitaine de l'équipe de Quidditch, tu aurais aussi faim que moi, assura-t-il en plantant sa fourchette dans une pomme de terre.
- Pourquoi ? Tu te fais martyriser ?
James se lança dans une imitation de l'équipe et Lily finit pliée en deux de rire, le nez dans son assiette.
Un troisième année les interrompit en demandant le plat de viande. Les deux jeunes gens tendirent la main au même moment et leurs doigts se touchèrent. Lily s'empressa de rétracter son bras, tout rire envolé, alors que James donnait le plat au garçon. Puis il reporta son attention sur la jeune fille, qui chipotait avec sa nourriture.
- Tu sais, lança-t-il, j'étais bien décidé à ne pas te reparler tant que tu ne t'étais pas excusée.
Elle releva la tête, surprise.
- Excusée pour quoi ?
- Je n'ai pas trop apprécié d'être un bouffon de service.
Un petit sourire étira les lèvres de Lily et elle mit une pomme de terre dans son assiette.
- Tiens, en guise de calumet de la paix.
- En guise de quoi ?
- C'est une coutume de … Oh, laisse tomber, c'est pas grave.
Elle hésita puis reprit :
- Pourquoi est-ce que tu as changé d'avis ?
Il haussa les épaules en s'attaquant à la pomme de terre donnée par Lily – il était ravi de ce rab', puisqu'il n'y avait plus de patates dans les plats et qu'il avait toujours faim.
- Il faut croire que je ne peux pas m'empêcher de te parler.
Lily entreprit à ce moment-là de s'étouffer avec sa gorgée d'eau.
- Ca va ? s'inquiéta-t-il, prêt à abandonner sa patate pour éventuellement la sauver.
- Oui, bredouilla-t-elle en tentant de reprendre son souffle, cramoisie. Tu... tu disais ?
- Bah, je me marre bien avec toi quand tu es d'humeur. Et en plus, c'est toi qui a engagé la conversation, alors je pouvais bien te répondre.
- Hmm, donc tu as quelques notions de politesse finalement ?
- Il faut croire, sourit-il.
- Potter, tous les mythes à ton propos s'effondrent les uns après les autres, c'est terrible, soupira Lily sur un ton dramatique.
- Quels mythes ? rit-il.
- D'abord, le fait que tu sois un crétin fini doublé d'un abruti salement égoïste.
- Aïe. C'est vraiment ce que tu as pensé de moi toutes ces années ?
- Fais gaffe à toi, je le pense peut-être toujours. J'attends juste le moment où ça va enfin ressortir.
- T'es pas cool, Evans, j'ai déjà admis que tu ne faisais pas que travailler ! J'ai le droit à une concession ?
Elle fit mine de réfléchir et répondit enfin :
- C'est déjà une concession de te parler, alors tiens-toi à ça pour le moment. Ensuite, tu n'es pas un abruti qui ne pense qu'à montrer sa capacité à attraper une stupide balle à un tas de filles tout aussi stupides, puisque tu sais faire des choses plus intéressantes comme danser.
- C'est marrant parce que pour la plupart des gens c'est plus intéressant de pouvoir jouer au Quidditch que de savoir danser.
- Mais je ne suis pas la plupart des gens, rétorqua Lily en agitant sa fourchette dans sa direction.
- J'ai cru remarquer, rit James avant d'attraper une part de tarte aux pommes.
- Ah oui ? Et en quoi je diffère des autres, selon toi ?
James reposa à contre-cœur sa cuillère et fouilla un instant la salle du regard. Enfin il poussa un cri de triomphe et désigna un point derrière Lily. Elle se retourna et il commença :
- Tu vois la brune là-bas, qui vient de lever les yeux comme si elle ne nous regardait pas ? Bah c'est en ça que tu es différente des autres. La plupart des filles me raconteraient sans doute plein d'absurdités en me complimentant et en essayant d'être drôles. Toi, tu me chambres et tu me fais vraiment rire.
- Je suis très flattée, Potter, ricana-t-elle, de ne pas compter parmi tes stupides groupies.
- Eh, tu ne te rends pas compte, ça change agréablement pour moi.
- Par contre tu viens encore de tout rapporter à toi.
Il ouvrit la bouche pour répondre mais ne trouva aucun argument. Il était coincé.
- Admettons. Mais ça arrive à tout le monde, non ?
- Admettons aussi.
- Et alors, est-ce qu'il y a d'autres mythes à mon propos ? reprit James avant d'attaquer enfin son dessert.
Lily attrapa une clémentine dans le panier à fruits et commença à la faire rouler sur la table en réfléchissant.
- Pas un mythe qui s'écroule, mais plutôt quelque chose que j'ai découvert à ton propos.
- Qui est ?
- James, on ne parle pas la bouche pleine, sermonna-t-elle avant d'arrêter la course de son fruit juste avant qu'il ne tombe au sol.
Elle posa ses yeux verts sur le jeune homme et répondit :
- Tu es gentil.
James ne put s'empêcher de rire et elle fronça le nez.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Est-ce que tu rapportes vraiment toujours tout à la gentillesse ?
Elle se concentra sur l'épluchage de sa clémentine, gênée, et James s'en voulut de s'être moqué d'elle.
- C'est important la gentillesse, non ? marmonna-t-elle.
James abandonna tout à fait son dessert pour poser ses bras sur la table et se pencher vers Lily, tout à fait sérieux cette fois-ci.
- Comment est-ce que tu fais pour croire à la gentillesse alors qu'on est en pleine guerre civile ?
Elle le regarda de nouveau et sourcilla, ne s'attendant pas à le trouver si proche.
- C'est plus que la gentillesse, c'est la bonté. Et justement, c'est ça qui fait la différence entre eux et nous, non ?
- Et je suis bon, moi ?
- Il faut croire que oui. Tu l'as sans doute toujours été, sauf que la gentillesse n'était pas vraiment là.
- Quelle différence tu fais entre la gentillesse et la bonté ?
Lily lui tendit un quartier de clémentine avant de répondre.
- Eh bien, quand tu es venu me chercher dans la Forêt, c'était une preuve de ta bonté, puisque tu aurais aussi bien pu me laisser mourir là. Mais ce n'est pas pour ça que tu étais gentil avec moi le reste du temps. Maintenant, tu es gentil.
- T'as vraiment un rapport aux gens compliqués, Evans, sourit-il.
Elle eut un petit rire et avala un morceau de fruit.
- Non, tu es juste un personnage très compliqué alors j'essaie de te … théoriser.
- Charmant. J'ai toujours rêvé d'être un …
- LILY !
Les deux jeunes gens sursautèrent et Lily s'écarta aussitôt alors que Jenny et Margaret déboulaient vers eux.
- On a cru que tu étais tombée dans le lac ! s'écria Jenny en la secouant dans tous les sens.
- Tu as assez mangé ? s'inquiéta Margaret.
- Mais qu'est-ce que tu fais avec Potter ?
- Et où tu étais ?
- Eh, les gars, peut-être que si arrêtiez de parler je pourrais vous répondre, proposa Lily en riant.
Aussitôt tout le monde se tut et écouta Lily raconter le programme de sa soirée alors que James cachait son rire dans son verre. Lorsqu'il releva la tête, deux paires d'yeux le fixaient comme si une corne de ronflak cornu venait de lui pousser au milieu du front. Il choisit aussitôt la position de repli et s'extirpa de sa chaise, non sans avoir avalé en vitesse sa dernière bouchée de tarte aux pommes.
- Bonne soirée les filles ! Ne martyrisez pas trop Lily.
Et il se carapata sans demander son reste. Les amies folles de Lily étaient vraiment les personnes les plus terrifiantes qu'il ait jamais rencontré.
***
Lily regarda James s'éloigner, songeuse. Puis, coupant Jenny sans aucun remord, elle sauta sur ses pieds et lui courut après.
- James !
Il se retourna, le pied posé sur la première marche de l'escalier.
- Tu les fuis déjà ? rit-il alors qu'elle s'approchait.
- Non, je...
Elle s'arrêta, rougit, hésita, et dit enfin :
- Je suis désolée de m'être énervée et de … enfin... tu es loin d'être le bouffon de service.
- Eh ben, si je pensais un jour t'entendre t'excuser, s'exclama-t-il, ravi.
- Je te le devais bien.
Elle sourit puis amorça un pas en arrière.
- Bonne soirée alors.
Lily s'empressa de rejoindre ses amies, qui recommencèrent à lui poser plein de questions et elles montèrent dans leur salle commune. Là se trouvait Val qui dessinait, imperturbable. Jenny lui arracha son papier des mains et poussa un cri horrifié, ameutant ainsi les deux autres filles.
- Mais qu'est-ce que c'est que cette horreur, Val ?
- Un Bandimon. Est-ce que je peux l'avoir, s'il-te-plaît ?
- Mais on nous a jamais demandé de faire ça, pourquoi tu t'imposes cette torture ?
- Ce n'est pas pour Poudlard, répondit-elle distraitement en essayant toujours d'atteindre son dessin. Jenny !
Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle s'aperçut des mâchoires décrochées de ses trois amies. Elle rougit légèrement, ce qui lui arrivait peu, et cessa de se battre pour son bien.
- J'envoie ma candidature pour entre dans une école de zoomagicologie l'année prochaine.
Les trois filles poussèrent aussitôt un soupir soulagé, mais elle ajouta :
- En Australie.
- Quoi ?!
Toutes les têtes se tournèrent vers elles mais aucune ne s'en souciait. Elles posaient toutes des questions en même temps et Val était incapable de répondre. Elle finit par élever la voix encore plus fort qu'elles et cette fois, absolument tout le monde se mit à écouter leur conversation.
- Il y a un centre d'étude des Pitiponks dans cette école, et il y a plein de créatures en Australie, beaucoup plus qu'en Grande-Bretagne. Alors s'ils veulent de moi, je pars.
Un silence de mort accueilli cette déclaration, mais les conversations reprirent vite autour des quatre filles.
Jenny, terrassée, se laissa tomber sur un fauteuil après en avoir viré un deuxième année indigné.
- Tu quittes l'Angleterre ?
- Il semblerait, dit doucement Val, son regard passant sur ses trois amies.
Lily s'assit sur l'accoudoir de Jenny, plus perturbée par cette nouvelle qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle s'était peu penchée sur la fin de ses études à Poudlard jusque là mais le fait que Val puisse partir la rendait bien trop présente.
- Quand est-ce que tu auras ta réponse ? interrogea Margaret, sans doute la plus raisonnable des trois.
- Après les vacances de Noël.
- Notre petit lutin va nous quitter ! se lamenta Jenny en attrapant la tête de Val pour la décoiffer.
- Eh !
Elle se mit à rire mais très vite elle se calma.
- Je n'ai pas encore de réponse, vous savez. Peut-être que je n'irai pas.
- Mais tu veux partir ? reprit Margaret.
Val hocha simplement la tête. Jenny lui tendit son dessin avec l'air d'un enfant à qui on arrache son jouet préféré. Seulement Lily savait que ce n'était pas la perte du dessin qui l'attristait.
La jeune fille glissa son bras autour des épaules de Jenny, toute sa bonne humeur envolée. Mais elle n'avait pas pensé que Jenny allait avoir besoin d'un moyen pour chasser son chagrin. Or, ce que Jenny préférait, c'était les ragots.
Elle se tourna brusquement vers Lily, la faisant presque tomber du fauteuil, et s'exclama :
- Lily ! Tu t'es réconciliée avec Potter ?
Lily tourna aussitôt au cramoisie car elle était certaine que toute la salle avait entendue et que des rumeurs allaient se mettre à circuler.
- La ferme Jenny, marmonna-t-elle.
- Oh allez, tu sais que tu peux tout me dire !
- Pas au milieu de la salle commune, non.
Il y eut quelques rires, qui s'éteignirent bien vite sous l'oeil assassin de la préfète en chef. Heureusement que James n'était pas là.
- Tu étais avec Potter ? interrogea Val d'un ton intéressé.
- Non.
- Menteuse !
- Jenny, la ferme !
Quelqu'un éclata de rire et Lily croisa le regard de Sirius. Près de lui, Remus était plongé dans un livre et essayait de cacher son fou-rire. Quant à Peter, il semblait perdu. Sirius se leva alors et monta dans les dortoirs. Lily gémit intérieurement, persuadée qu'il allait chercher James pour tout lui raconter.
***
- James ?
Le jeune homme se retourna, la carte du maraudeur à la main. Sirius se dirigea vers lui en se retenant de rire. Il entreprit de lui raconter la scène qui venait d'avoir lieu et James éclata de rire.
- Je leur avais dit de ne pas trop la martyriser ! Jenny peut vraiment être un monstre quand elle veut.
Sirius, qui venait seulement de remarquer que son ami portait toujours sa cape de voyage et tenait la carte, fronça les sourcils.
- Tu sors encore ?
- Ouais, j'ai pas pu faire ce que je voulais suite à ma petite rencontre avec le chien de Hagrid.
Son interlocuteur eut un petit sourire.
- Je suis sûr que c'était le meilleur thé de ta vie.
- Précisément, rit James en lui donnant une tape sur l'épaule. Espérons qu'il y en aura d'autres.
- Tu m'as l'air bien parti.
- Avec Lily il vaut mieux ne jurer de rien.
- C'est sûr. Enfin tu t'en sors toujours mieux que moi.
James adressa un regard compatissant à son meilleur ami, qui se laissa tomber sur son lit.
- Tu as pu la revoir ?
- Je lui ai dit bonjour l'autre fois et j'ai eu droit à un vague sourire.
- Si tu veux mon avis c'est déjà une amélioration.
- Mais je ne comprends pas pourquoi elle refuse de me parler !
- T'es sans doute trop stupide.
Sirius tenta de lui jeter un sort mais James l'évita en riant et se rua hors de la chambre. Il traversa la salle commune avec sa cape sur le dos et espéra qu'on expliquerait la présence de sa cape fourrée par le fait qu'il faisait terriblement humide dans les couloirs du château. Une fois hors de la salle commune, il mit sa cape d'invisibilité et parvint à sortir dans la nuit glacée sans faire de mauvaises rencontres.
Cette fois-ci, il passa loin de la cabane de Hagrid et pénétra dans la Forêt Interdite. Il ne put s'empêcher de frissonner et eut un petit rire en songeant à ce qu'il avait dit à Lily. S'il l'emmenait, il était hors de question qu'elle remarque que l'endroit l'affectait toujours, malgré ces six années à y gambader.
Il ôta sa cape d'invisibilité et la fourra dans sa poche avant de relever son col. Il faisait encore plus froid dans la forêt. Peut-être auraient-ils de la neige pour décembre, finalement.
Il s'avança sous les arbres, faisant craquer les feuilles mortes sous ses pas, guettant le moindre mouvement. Il se répétait l'énigme mais n'y trouvait rien qui lui indique comment trouver la « créature dangereuse » qui y était mentionnée. Il ne lui restait plus qu'à déambuler en attendant qu'elle le trouve, si possible sans se perdre. Mais il détestait cela. Il détestait ne pas être maître de la situation. C'était comme sa relation avec Lily, finalement. Elle le menait par le bout du nez, et il ne pouvait rien contre cela.
Il se surprit à sourire et se fustigea intérieurement. Ce n'était pas le moment de penser à elle. I fallait qu'il se concentre et...
- Oups.
Il cligna plusieurs fois de yeux, louchant sur la pointe de flèche qui était presque posée contre son nez et leva les mains instinctivement. Par tous les mages de l'histoire, il n'avait rien vu venir. Furieux contre lui-même mais déjà shooté à l'adrénaline, il posa son regard sur la personne qui se trouvait à l'autre bout de la flèche. Ou plutôt la créature. Son cerveau se remit en marche, après s'être arrêté suite à la surprise, et il comprit aussitôt à qui il avait affaire. L'énigme disait vrai : « créature qui déteste tout ». Voilà qui convenait bien aux centaures.
- Tu es déjà venu en ces lieux, jeune sorcier.
- Je crois bien. Dites, vous ne voulez pas enlever votre cure-dent de là, parce que...
Il s'interrompit brusquement lorsqu'il sentit la pointe se presser contre sa gorge. Le souffle coupé, il n'osait même plus respirer. Il pressait sa baguette entre ses doigts, prêt à se défendre si on essayait vraiment de le tuer. Mais la flèche s'écarta et il faillit tomber par terre lorsque la tension qui l'habitait se relâcha.
- On ne manque pas de respect à un centaure, humain.
- Un ? Je croyais que vous étiez toujours en troupeau ?
- Est-ce que tu parles toujours autant ?
Interloqué, James ne sut que répondre. Depuis quand les centaures posaient des questions pareilles ?
- Euh... peut-être bien. On m'a dit de me rendre dans la Forêt Interdite avant décembre et que je rencontrerai quelqu'un. Alors me voilà.
Il leva sa baguette, agacé de ne rien voir, et le visage du centaure apparut dans la lueur verdâtre qui s'échappait de la fine tige de bois. Il était blond et avait de yeux bleu nuit plutôt perçants. Comme ses flèches. Ses longs cheveux étaient retenus par une bande de cuir qui lui enserrait la tête. Au bord de cet accessoire, James apercevait le bout d'une cicatrice qui semblait ensuite se perdre dans les cheveux de la créature.
Le centaure ne remarqua même pas qu'il le détaillait, trop occuper à fouiller dans son carquois. Il finit par en sortir une flèche autour de laquelle était entourée un morceau de papier froissé. Il le détacha et le tendit à James. Puis, sans un mot, il partit au galop.
James s'en rendit à peine compte, trop occupé à lire son papier : « Tour nord, sous-sols, cuisine, dalle 5 sud-est, métamorphose, bocal 6 serre 2, siège directeur ».Les indication sans queue ni tête continuaient de la sorte sur plusieurs lignes. Il y en avait dix-huit en tout et à la fin était écrit « durant janvier ». James fronça les sourcils, ayant complètement oublié qu'il se trouvait au milieu de la Forêt Interdite. Mais un sifflement déchira l'air et il laissa échapper un glapissement lorsqu'une flèche fit éclater l'écorce d'un arbre à quelques millimètre de sa tête. Sans demander son reste, il reprit la direction du château.
Chapitre quinze
Les entraînements de Quidditch reprirent un rythme soutenu la dernière semaine de Novembre. James s'était soudain aperçu que leur match contre Poufsouffle, qui n'avait pas pu avoir lieu au début de l'année, était trois semaines plus tard. Si l'équipe avait continué à s'entraîner régulièrement, il estimait bon qu'ils s'y mettent de façon plus intensive. Pour tout dire, il était terriblement stressé. Ils avaient gagné contre Serdaigle avec seulement cinquante points d'écart, ce qui n'était pas des plus glorieux. Le dimanche soir, il annonça à toute l'équipe qu'il y aurait trois séances par semaine. Ils rechignèrent tous, d'autant plus qu'il faisait de plus en plus froid. Ils sortirent d'ailleurs tous du terrain complètement gelés le lundi soir. James et Sirius étaient donc plus qu'heureux de retrouver la salle commune, son feu et ses fauteuils – libérés comme par miracle par des premières années qui avaient bien vite compris comment fonctionnait Poudlard.
Sirius posa ses pieds sur la table avec un soupir ravi alors que James s'étirait en grognant. Il ne vit pas le troisième année qui se dirigeait vers eux, plongé dans ses pensées. Ce n'est qu'en entendant l'exclamation de Sirius qu'il revint à la réalité. Il tenait un parchemin assorti d'un ruban violet. Pour en avoir reçu un en cinquième année, James savait ce que cela signifiait.
Sirius tourna les yeux vers lui et supplia :
- Pitié ! Mets une séance demain !
Elphias, un des poursuiveurs qui se trouvait non loin de là et avait entendu, hurla aussitôt :
- NON !
James grimaça en réponse.
- Mais je veux pas aller au club de Slug' !
- Bah, il faut croire que tu vas être obligé, répondit James en haussant les épaules.
- Black ? interpella Martin en déboulant vers eux, une invitation à la main. T'es invité aussi ?
- Ouais, grogna-t-il. Je me demande bien pourquoi il m'invite après six années passées à m'ignorer.
- Personne ne comprendra jamais comment fonctionne le cerveau tordu de Slug', rétorqua Martin en jetant son invitation au feu. T'inquiètes pas, on va bien s'amuser. Il y a toujours un moyen de ridiculiser quelqu'un.
- Ca fait longtemps que tu y vas ? interrogea Sirius en haussant un sourcil sceptique.
- Je n'y ai été qu'une fois ! Mais Lily Evans a l'habitude, et elle nous a aidé à faire un mauvais coup l'autre fois.
James, qui commençait à repartir dans ses pensées, sursauta au nom de Lily. Il la chercha aussitôt du regard et l'aperçut qui se lamentait, son invitation à la main.
- Et Evans fait des bêtises aux dîners de Slug' ? reprit-il alors que Martin commençait à partir.
- Si tu l'intègres dans le truc, je suis sûr qu'elle le fera, lança le jeune homme avec un clin d'œil avant d'aller piquer le livre sur lequel Anne faisait semblant de travailler. Elle poussa un cri indigné et courut après Martin dans la salle, sautant sur les sièges et écrasant la moitié des élèves. Mais aucune voix ne vint s'élever contre le grabuge qu'ils faisaient. James regarda de nouveau Lily et s'aperçut qu'elle suivait les deux jeunes gens des yeux en souriant. Aucune préfète en chef en vue.
***
Le soir suivant, Lily sortit de la salle commune en même temps que Sirius et Martin. Black avait l'air tendu et tirait sur le col de sa chemise sans avoir l'air de s'en rendre compte. Lily se chargeait donc de discuter avec Martin, qui était un véritable moulin à paroles. Elle ne lui avait vraiment parlé qu'au seul dîner que Slug avait fait jusque là, mi-septembre. Ensuite il y avait eu le bal et ses préparatifs et le professeur de potions n'avait pas pu réunir sa clique, pour le plus grand bonheur de Lily. Mais elle se doutait bien qu'elle n'y échapperait pas définitivement.
Ils entrèrent dans le bureau du professeur et le rituel habituel commença. Lily plaignait Sirius, malgré le peu de sympathie qu'elle avait pour lui. Il avait l'air complètement perdu et Slug n'avait toujours pas éclairci les raisons de sa présence. Quant à Martin, il était aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau, grâce à son bagout inimaginable. Il était en train de disserter sur les navets avec une aisance incroyable et Slughorn renchérissait comme si tout ce que Martin disait était passionnant.
Le petit génie de Serpentard, qui avait le droit au fauteuil du Pouilleux lorsque Lily était en cinquième année, avait miraculeusement survécu et il était toujours là. Il était à présent confortablement installé dans le fauteuil qu'occupait autrefois Matthew, le meilleur soutien de Lily à ces soirées. Seulement il était en septième année lorsque Lily était en cinquième année et elle avait dû faire sans lui par la suite.
Lily détestait ce type. Ses cheveux bruns et gominés donnaient envie de vomir à Lily et elle savait que Martin en pensait exactement la même chose. D'ailleurs il lui fit une grimace lorsqu'il les salua et Lily étouffa de justesse un rire. Peu après eux arriva une Serdaigle de cinquième année nommée Sabrina. Elle était terriblement maladroite et elle faillit renverser la table en arrivant. Mais Slug se contenta d'éclater de rire et l'entretint sur les relations diplomatiques de la Grande-Bretagne avec le Moyen-Orient. Sa mère était à la tête du département des relations internationales, d'après ce que Lily avait compris.
L'apéritif s'éternisait sans que Slug aie l'air de vouloir y mettre fin. On toqua alors à la porte et Slug se leva avec empressement, non sans avoir jeté un petit coup d'œil à Sirius, qui ne comprenait toujours pas ce qui lui arrivait. Le battant s'ouvrit, révélant un jeune homme de haute taille aux cheveux bruns et à la mine altière. Un jeune homme qui ressemblait de façon troublante à Sirius.
Toutes les têtes se tournèrent vers celui-ci. Il fixait le nouveau venu, pâle et les yeux exorbités. Lily fronça les sourcils. Elle ignorait qu'il y avait des gens de la famille de Sirius à Poudlard.
- Regulus, je suis ravi que vous ayez accepté ! s'exclama joyeusement le professeur de potion en l'amenant vers le reste de la compagnie. Prenez donc un verre !
Cependant Regulus venait d'aviser Sirius et ils se dévisagèrent en chiens de faïence pendant quelques secondes.
- Je ne vous avez pas dit que j'avais invité votre frère ? interrogea Slughorn d'un ton faussement étonné alors que la plupart des convives ouvraient de grands yeux.
- Non, marmonna Regulus en s'asseyant aussi loin que possible de Sirius.
Tous les regards allaient de l'un à l'autre des frères. Lily n'en revenait pas. Comment avait-il pu cacher tout ce temps qu'il avait un frère ? En même temps à en juger par les regards qu'ils se jetaient, ça ne devait pas être l'amour fou entre eux. Sirius finit par arrêter de le regarder et il liquida cul-sec son verre d'hydromel. Lily le regarda avec inquiétude le remplir de nouveau.
Slughorn faisait comme si de rien n'était et babillait sans s'arrêter. Enfin, voyant que personne ne songeait à lui répondre à part cet insupportable Serpentard aux cheveux gominés – Lily essayait de retenir son nom depuis deux ans mais rien n'y faisait – il proposa de passer à table. Evidemment, il avait mis les frères Black l'un en face de l'autre. Il y eut un instant de trouble et lorsque Slughorn se tourna vers le salon pour appeler Sabrina qui regardait des photos posées sur manteau de la cheminée, Martin échangea sa place avec Sirius. Celui-ci le remercia d'un signe de tête et son regard croisa un instant celui de Lily. Elle ne put s'empêcher de lui sourire, malgré tout le mal qu'elle pouvait penser de lui. Il cligna plusieurs fois des yeux, surpris, et baissa le regard sur son assiette.
Ils finirent pas s'asseoir, Sabrina ayant été décollée de ses photos, et le repas commença. Slug aborda des sujets assez neutres au début, comme les législations sur le trafic de poules cracheuses de feu avec le Moyen-Orient. Mais lorsque le plat de résistance commença à passer de mains en mains, Slughorn s'attaqua au gros lot de la soirée : les frères Black.
- Sirius, Regulus, commença-t-il d'un ton enjoué, il paraît qu'on a prouvé qu'une de vos parentes agissait pour Vous-Savez-Qui !
Un silence de glace lui répondit, appuyé par deux paires d'yeux d'un bleu tout aussi froid. Il se racla la gorge et poursuivi :
- Il s'agit de Bellatrix Black je crois.
- Lestrange, corrigea Sirius d'un ton sec.
- Oooh alors vous la connaissez ? s'exclama le professeur, ravi.
- Non. Demandez donc à mon cher frère, il est plus souvent à la maison que moi.
Un rictus s'ajouta à ses paroles et Lily repensa à quelque chose que James lui avait dit : Sirius passait les vacances chez lui depuis deux ans. Elle n'y avait pas prêté attention sur le coup mais elle découvrait à présent que Sirius était un être bien plus complexe qu'elle ne l'imaginait. Depuis combien de temps n'était-il pas rentré chez lui ?
La mention d'Azkaban la fit revenir à la réalité. La mâchoire serrée, Regulus répondait aux questions de son directeur de maison alors que Sirius restait immobile, sa fourchette plantée dans une carotte depuis cinq bonnes minutes. Lily se demandait si la-dite fourchette allait terminer dans la main de Slughorn. Elle jeta un coup d'œil à Martin, qui réfléchissait. Avec un peu de chance il allait trouver de quoi créer une distraction.
- Vous savez qu'on l'a aperçue torturant des moldus dernièrement.
- J'ai entendu dire, oui, répondit Regulus d'un ton détaché.
Un bruit sourd se fit entendre lorsque Sirius reposa violemment son verre sur la table. Regulus le gratifia d'un regard hautain et continua :
- Bella a toujours été très indépendante et sûre de ses idées. Elle n'a pas hésité une seule seconde à s'engager auprès du Seigneur des Ténèbres.
Quelques élèves tiquèrent : appeler Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom le Seigneur des Ténèbres était connoté très négativement. Mais ni Regulus ni Slughorn ne se troublèrent.
- Vous connaissez bien votre cousine, mon cher Regulus ?
- Oui, j'ai toujours été son cousin préféré. Elle a beau être plus âgée que moi, nous nous sommes toujours bien entendu.
- Comme la fois où elle t'a frappé parce que tu ne comprenais pas pourquoi tu ne pouvais pas être ami avec notre voisine moldue, marmonna Sirius.
Regulus rougit mais fit comme s'il n'avait pas entendu. Les autres convives se tortillaient sur leur siège, mal à l'aise. Lily n'attendait pas beaucoup de cette soirée mais elle n'avait jamais imaginé que cela tournerait au pugilat.
- Je crois que vous êtes très attaché à la pureté du sang, chez les Black, poursuivit le professeur en empilant des carottes dans l'assiette de Regulus alors qu'il ne mangeait rien.
- Comme toute famille de sorcier qui se respecte. Nous ne tolérons pas les écarts.
Un bref rire sec lui répondit et tout le monde regarda Sirius.
- Vous auriez dû me tuer, ça aurait été plus simple pour vous.
- Tu ne nous en a pas laissé le temps, rétorqua Regulus.
- Les garçons, enfin ! tenta Slughorn, mais il ne pouvait plus arrêter ce qu'il avait commencé.
- Bah vas-y ! s'exclama Sirius en se levant, sa chaise raclant le sol avec un bruit désagréable. Montre-nous que tu as du cran, Reg' ! Montre-nous que tu es un vrai sorcier, un Sang-Pur ! Fais comme cette chère Bella et prouve-nous que tu peux te débarrasser des traîtres à leur sang !
Une veine battait sur la tempe de Regulus et ses doigts étaient crispés sur le bord de la table, mais il ne bougea pas.
- Je ne me battrai pas avec toi, surtout si tu es tellement lâche que tu préfères t'attaquer à moi lorsqu'il y a du monde pour gagner à ta place.
- Lâche ? LÂCHE ?
Sirius envoya violemment valdinguer sa chaise vers l'arrière et Slughorn couina de désespoir. Mais l'expression du Gryffondor était suffisamment terrifiante pour dissuader quiconque d'intervenir. Les mâchoires serrées, il regarda quelques instants son frère avant de reprendre d'un ton plus calme :
- J'ai eu le courage de mes opinions, moi. Je ne me suis pas couché devant Mère pour lui faire plaisir. Je lui ai tenu tête, parce que je ne suis pas lâche ! Traite-moi de tout ce que tu veux, Regulus, renie-moi si ça te fait plaisir, mais ne redis jamais ça.
- Tu penses que c'est du courage ? C'est de la stupidité pure et simple ! Tu détestes Mère et tu voulais t'opposer à elle ! Et tu es tellement orgueilleux que quand tu t'es rendu compte de l'erreur que tu avais faite en t'opposant à elle par pur caprice, tu n'as pas voulu faire marche arrière !
Regulus s'était levé pendant sa tirade et avait à présent les deux mains posées sur la table. Lily était plutôt soulagée qu'aucun des deux n'aie encore tiré sa baguette.
- C'est de toi que tu parles, Reg', pas de moi, répondit Sirius en secouant la tête. Je n'ai jamais regretté aucune de mes décisions.
- Même quand tu vois où ça t'a mené ? interrogea son frère, un petit rictus sarcastique sur les lèvres.
- Comment ça ?
- Ton meilleur ami est un traître à son sang qui s’accoquine avec une Sang-de-Bourbe, bon sang !
Lily n'aurait sans doute pas compris qu'on parlait d'elle si Martin ne s'était pas levé d'un bond, sa baguette pointée sur Regulus, une expression de rage froide sur son visage habituellement jovial. Sirius sortit sa baguette au même moment. Slughorn bredouilla quelques mots indistincts qui semblaient indiquer à Regulus qu'il était allé trop loin, mais Lily était incapable d'en jurer.
- Retire ce que tu viens de dire, intima Sirius à voix basse.
Regulus l'affronta quelques instants du regard puis posa ses yeux bleus sur Lily, qui se recroquevilla sur sa chaise.
- Elle n'est qu'une stupide Sang-de-Bourbe.
L'instant d'après, il se retrouva projeté contre le mur. Le professeur de potion poussa un cri horrifié lorsqu'un tableau tomba par terre, renversant au passage son stock d'hydromel. Regulus se releva avec une grimace et n'eut même pas le temps de riposter. Sirius essaya de nouveau de le clouer au sol mais il parvint à déployer son bouclier à temps. Lily savait très bien qui allait avoir l'avantage, car Regulus ne maîtrisait pas les sortilèges informulés. Il lança un sortilège de Furoncle et tous les invités se ruèrent sous la table, sauf Lily et Martin. Mais Sirius écarta la maléfice d'un mouvement de baguette dédaigneux. Cela ne fit qu'accentuer la rage de son frère, qui continua à enchaîner tous les sortilèges et maléfices qu'il connaissait. Aucun des deux Gryffondors qui regardaient ne songeaient à arrêter le duel, tétanisés. Sirius avançait vers son frère sans l'attaquer, se contentant d'éviter ses sorts. L'un d'eux finit cependant par passer son bouclier et lui entailla la joue. Regulus cessa aussitôt de hurler des formules au hasard. Ils se dévisagèrent quelques instants et les froussards sortirent la tête de sous la table pour voir ce qu'il en était. Un rictus étira alors les lèvres de Sirius et il commenta :
- T'es vraiment qu'un bébé, Reg'.
Et il sortit, du sang gouttant de sa plaie, sans tenir compte du désordre dans lequel ils avaient mis la pièce.
Martin et Lily échangèrent un regard puis la jeune fille se rua à sa suite. Derrière elle, elle entendit Slughorn se lamenter et espéra de tout son cœur que tout son mobilier était en ruines. Elle trouva Sirius quelque mètres plus loin, dans un couloir adjacent, en train de frapper dans le mur. La peau de ses jointures explosa au moment où Lily le rejoignit et un peu de sang perla sur ses mains. Elle lui attrapa les poignets avant qu'il n'envoie ses poings une nouvelle fois contre la pierre et il lui jeta un regard agressif.
- Qu'est-ce que tu fous là, Evans ? Tu viens me coller parce que j'ai réduit en miettes le mobilier de ton précieux Slug' ?
S'il ne l'avait pas défendue une minute plus tôt, Lily se serait sans doute énervée. Mais elle n'en avait plus le droit.
- Non, répondit-elle doucement. Je viens te remercier.
Il se dégagea et fixa son regard sur la pierre face à lui.
- C'est pas pour toi que je l'ai fait.
- Je sais. Mais tu l'as fait quand même. Et... je suis désolée. Slughorn a vraiment été odieux.
Au grand étonnement de Lily, il soupira et son corps se détendit. Il s'assit contre le mur et Lily prit cela comme une invitation à rester avec lui. Elle s'agenouilla devant lui et sortit sa baguette.
- Qu'est-ce que tu fais ? marmonna-t-il.
- Ce serait dommage que tu tâches le dallage, expliqua-t-elle en prenant ses mains pour passer sa baguette par-dessus.
Les plaies se refermèrent sous l'oeil surpris de Sirius.
- Où est-ce que tu as appris ça ?
- Dans mon cours de spécialité pour les médicomages.
- Et tu ne peux pas faire pareil pour ma joue ?
- Non. C'est causé par un sortilège, je risquerai de faire des bêtises.
Il hocha la tête et un silence gênant s'installa alors que Lily s'asseyait près de lui. Ils n'avaient pas franchement l'habitude de communiquer. Sirius finit par se racler la gorge et interrogea :
- Tu ne veux pas y retourner ?
- Je te l'ai dit, Slughorn a été odieux. Je préfère ne pas lui donner cette satisfaction. Dis, qu'est-ce que c'est exactement un traître à son sang ?
- Quelqu'un qui ne fait pas honneur à sa condition de sorcier, répondit-il d'un ton las. Mais ne fais pas attention à toutes ces insultes. Elles ont juste été créées par des Sang-Purs trop lâches pour affronter leurs adversaires.
- Et en quoi James correspond à ça ?
Il eut un petit rire et Lily fit comme si de rien n'était.
- D'abord, il m'a recueilli chez lui. Ensuite, il est ami avec toi. Je crois que c'est suffisant.
Lily n'avait jamais vraiment parlé avec quelqu'un issu d'une famille comme celle de Sirius et elle se passionnait malgré elle pour la conversation.
- Et toi, ça te dérange que je sois … une Sang-de-Bourbe ?
- Non !
Elle tourna la tête vers lui, surprise par son ton véhément. Il s'était légèrement redressé.
- Non, reprit-il plus bas en secouant la tête. Bien sûr que non. Ça ne m'a jamais traversé l'esprit que ça puisse te rendre différente. Et, s'il-te-plaît, ne t'appelles pas comme ça. C'est déjà suffisamment difficile d'empêcher les autres d'appeler les Nés-moldus comme ça, alors s'ils s'y mettent aussi...
Elle l'étudia pendant quelques secondes, puis commenta :
- Tu as l'air très différent de ton frère.
Son visage se durcit de nouveau et il reporta son attention sur le mur en face d'eux.
- J'espère bien. Je ne veux rien avoir à faire avec lui.
Le silence s'éternisa et Lily finit par se lever.
- Encore merci, Sirius.
Il hocha la tête puis répondit, un petit sourire sur les lèvres :
- Je ne t'ai jamais félicitée pour ton plongeon dans le lac, mais bravo, c'était courageux.
Lily eut un petit rire et s'éloigna. Elle hésita un instant en revenant dans le couloir qui menait chez Slughorn puis renonça. Tant pis, elle ne dînerait pas. Elle n'avait aucune envie d'y retourner.
***
James, Remus et Peter virent revenir Sirius bien plus tard que prévu. Ils remarquèrent aussitôt la petite entaille qu'il avait à la joue et les questions fusèrent. Sirius eut un mal fou à obtenir le silence, puis il lança :
- J'étais convoqué chez Dumbledore.
Ses amis furent tellement surpris qu'il put tout expliquer sans qu'ils l'interrompent. Seul James faillit faire un scandale quand il apprit que Regulus avait traité Lily de Sang-de-Bourbe. Du coup Sirius lui raconta ce qu'il s'était passé ensuite et James en conclut que Lily était vraiment merveilleuse.
- Qu'est-ce que t'a dit Dumbledore ? interrogea Remus, soucieux.
- Qu'il comprenait très bien à quel point avoir un frère avec qui on ne partage rien pouvait être difficile et qu'il ne m'en tenait pas rigueur, mais que je serai collé quand même pour avoir détruit le bureau de Slughorn. Regulus aussi, bien sûr.
- Comment est-ce qu'un vieux comme lui peut comprendre ça ? fit remarquer Peter, sceptique.
Sirius haussa les épaules et alla se coucher sans rien ajouter.
James fut réveillé par le bruit des rideaux qu'on tire. Il émergea difficilement et s'aperçut que Sirius n'était plus dans son lit. Il se trouvait à la fenêtre, les coudes posés sur le rebord. James n'hésita pas et le rejoignit. Il fut accueilli d'un petit sourire et s'accouda près de son ami. Si Sirius avait envie de parler, tant mieux. Et s'il ne s'y décidait pas, alors James lui aurait au moins offert le réconfort de sa présence.
- Il y a quelque chose qui me terrifie, James, finit-il par murmurer, pour ne pas réveiller les autres. Dumbledore pense que je n'ai rien en commun avec Regulus. Evans aussi, d'ailleurs. Mais j'ai peur que ce soit faux. Imagine qu'en fait je sois comme eux ?
- Si tu étais vraiment comme eux, ça ne te ferait pas peur. Tu as peut-être certaines choses en commun avec lui parce que vous êtes frères et que je vous avez grandi ensemble, mais tu ne seras jamais un Mangemort.
James lui sourit alors.
- Peut-être bien que tu es un traître à ton sang, Sirius, mais ça vaut bien mieux qu'être un pur Black. Ca vaut mille fois mieux.
Chapitre seize
La neige qu'on attendait fini enfin par arriver, sous la forme d'un blizzard terrible qui dura presque trois jours. Évidemment, cela tomba au beau milieu du week-end durant lequel devait avoir lieu la dernière sortie à Pré-au-Lard de l'année. La plupart des élèves qui s'étaient inscrits renoncèrent à y aller lorsqu'ils avisèrent la neige qui tombait à gros flocons et fouettait le visage, soufflée par un fort vent du nord. Lily, qui n'en pouvait plus d'être enfermée à travailler, tenta de convaincre ses trois amies toute la matinée, mais rien n'y fit. Elles refusaient catégoriquement de mettre un pied dehors. Résignée mais déçue, Lily se prépara à passer un autre samedi après-midi à plancher pour ses Aspics.
Elle s'installa dans la salle commune avec Margaret après le déjeuner tandis que Val et Jenny allaient à la bibliothèque. Mais elle eut à peine le temps d'ouvrir un livre qu'on l'interpella :
- Evans ! Je croyais que tu allais à Pré-au-lard !
Elle leva le nez, surprise d'entendre James. Il était venu la remercier pour ce qu'elle avait fait pour Sirius mais ils s'étaient peu parlés ces derniers jours. Il attendait à présent sa réponse, entourés de ses trois amis.
- Non, soupira-t-elle, Val, Maggy et Jenny refusent d'y aller et je n'ai pas envie d'être toute seule.
James consulta du regard ses acolytes et lança, tout sourire :
- Viens avec nous !
Elle rougit, surprise de sa proposition. Elle allait répondre non presque par réflexe lorsque Margaret posa sa main sur son bras.
- Vas-y, chuchota-t-elle.
Lily se mordit la lèvre et enfin se leva d'un bond.
- J'arrive !
Ils partirent ensemble, enveloppés dans leur écharpe, cape et bonnet. Lily ne s'était jamais trouvée dans une situation aussi étrange : elle était toujours entourée de filles et voilà qu'elle se trouvait seule au milieu de quatre garçons.
Ils étaient très peu sur le chemin qui menait au village. Mais malgré le vent qui hurlait et leurs pieds qui s'enfonçaient dans une épaisse couche de neige, ralentissant leur progression, le petit groupe riait. Lily découvrit que Remus imitait Flitwick à la perfection et n'en pouvait plus de rire. Peter se joignit à la partie en faisant les mêmes mimiques que Rusard. Ils arrivèrent à Pré-au-lard couverts de neige mais incroyablement joyeux.
Ils passèrent d'abord chez Zonko et James et Sirius s'empressèrent de refaire leur stock de Bombabouses. Pendant ce temps-là, Remus prit une plume à chatouille qui servait de modèle d'exposition et convainquit Lily de l'aider à tendre un piège à Peter. Elle commença donc à entretenir le pauvre garçon, qui regardait innocemment un stock de plumes à correcteur d'orthographe intégrés. Quelques secondes plus tard, Remus lui sauta dessus en ils roulèrent par terre alors que Peter hésitait entre les hurlements de rire et de supplication.
- C'est du joli, Evans, commenta James en arrivant près d'elle, alors qu'elle regardait Peter qui essayait de se sortir de là. On martyrise pas les pauvres gens comme ça.
- Je suis sûre que tu si tu avais été libre, tu aurais été plus que ravi de l'aider, sourit-elle, les bras croisés.
- Absolument pas. Et puis, pourquoi s'embarrasser d'une plume à chatouille ?
Lily tourna la tête vers lui pour lui demander ce qu'il voulait dire mais il se rua sur elle et glissa ses mains sous sa cape pour la chatouiller à son tour. Elle poussa un cri et essaya de s'échapper mais James était trop fort pour elle. Elle finit elle aussi par terre, essayant vainement de repousser les mains de James. Malheureusement pour eux, le propriétaire n'apprécia guère leurs hurlements et ils se retrouvèrent bien vite dans le froid. Lily gratifia James d'un petit coup de poing dans l'épaule pour se venger mais il se contenta d'éclater de rire.
- Vous voulez aller aux Trois Balais ? interrogea Sirius en désignant la rue déserte.
- Un petit tour au bout du village, ça vous tente pas ? proposa plutôt Remus.
Les autres garçons acquiescèrent et Lily les suivit sans hésiter. Le vent avait légèrement faiblit et elle était sûre que lorsqu'il serait temps de rentrer au château, le mauvais temps aurait cessé. Ils arrivèrent à la limite du village, là où une barrière empêchait l'accès à la Cabane Hurlante. Lily observa un instant la petite maison délabrée et frissonna. Cet endroit était vraiment glauque.
Cependant son frisson d'angoisse se transforma vite en réaction au froid. Elle poussa un hurlement lorsqu'on posa une main gelée dans son cou. James se baissa juste à temps pour éviter son poing mais il riait trop pour se rendre compte qu'elle était en train de préparer une boule de neige. Ce n'est que lorsqu'elle lui explosa à la figure qu'il cessa de se marrer, pour le plus grand plaisir de Lily. Ils se dévisagèrent un instant puis James cria :
- Sirius, avec moi !
Ils se précipitèrent vers un coin de la clairière pour faire une réserve de boules de neige et Lily se tourna vers Remus et Peter. Mais ce qui ressemblait à un semblant d'organisation vola bien vite en éclats et les boules de neige fusèrent vers n'importe qui. Les jeunes gens couraient entre les arbres en riant et Lily se faisait attaquer de toutes parts, sans doute en sa qualité de seule fille de groupe. Elle finit acculer contre un arbre par Sirius, qui prenait un malin plaisir à faire sauter sa boule de neige dans sa main sans la jeter.
- Décide-toi, qu'on en finisse, supplia Lily.
- Non, c'est plus drôle de te voir attendre, répliqua-t-il avec un sourire carnassier.
Lily grimaça et ferma les yeux, attendant de se prendre la neige glacée en pleine figure. Mais un petit cri de Sirius lui fit ouvrir les yeux et elle vit James lui écraser une poignée de neige sur la tête. Elle éclata de rire et s'enfuit en courant pour revenir vers le champ de bataille principal. Mais elle glissa et s'étala dans la neige. Elle roula sur le dos juste à temps pour voir James, qui s'était lancé à sa suite, glisser sur la même plaque de verglas qu'elle. Il s'écroula juste à côté d'elle et elle fut prise d'un fou rire.
- C'est pas drôle ! s'exclama-t-il en se redressant sur ses coudes.
Lily fut bien incapable de lui répondre, pleurant de rire sur le sol. Sirius arriva à ce moment-là mais sans commettre la même erreur qu'eux, puisqu'il les avait vus s'effondrer. Il les toisa quelques instants avec un sourire sarcastique puis ramassa de la neige à pleines mains pour leur jeter dessus, avant de partir en courant. James commença à hurler au meurtre mais Lily ne pouvait pas s'arrêter de rire. En désespoir de cause, James se mit à lui donner des petites tapes sur les joues.
- Eh, Lily ! Réveille-toi ! On a une vengeance à mettre en œuvre !
- Oui, oui, balbutia-t-elle avant de lui attraper les mains pour qu'il arrête de lui tapoter la tête, encore secouée par le rire. Aide-moi juste à me relever.
Il sauta sur ses pieds et la tira énergiquement vers lui. Ils se retrouvèrent tout proches et toute envie de rire quitta Lily. Elle n'avait pas de gants et elle avait l'impression que les mains de James brûlaient les siennes. Son regard croisa le sien et elle rougit. Heureusement pour elle, Remus choisit ce moment-là pour envoyer une boule de neige sur le jeune homme. Elle s'écrasa sur sa tempe, ce qui ramena le rire de Lily. Elle se libéra de son étreinte et repartit vers les autres. Ils montèrent une coalition contre James qui finit par se rendre, entièrement couvert de neige. Alors seulement, épuisés, ils décidèrent de se rendre aux Trois Balais.
***
Il y avait peu de monde dans la taverne mais il y régnait une chaleur presque étouffante après le vent glacial qui soufflait au dehors. Les cinq jeunes gens échouèrent à une table située au fond de la salle et s'empressèrent de se débarrasser de tous leurs vêtements mouillés. Capes, écharpes et bonnets ne tardèrent pas à s'entasser par terre, révélant les visages rougis par le froid. Lily avait le nez et les joues écarlates mais James trouvait qu'elle n'avait jamais été aussi jolie. Peut-être était-ce à cause de ce sourire qui ne quittait presque pas son visage, même si elle n'arrêtait pas de bailler.
Alors qu'il se faisait cette réflexion, elle l'appela. Il était assis en face d'elle et se pencha pour entendre ce qu'elle avait à lui dire, pendant que Sirius négociait avec la jeune serveuse, Rosmerta, pour avoir des verres de cognacs. Sauf que Lily lui colla ses mains gelés dans le cou.
- Aaaah ! Mais t'es complètement tarée !
Lily se renfonça dans sa chaise, très fière d'elle.
- Non, je me venge pour tout à l'heure !
- Bon sang mais comment est-ce que tu fais pour avoir les mains si froides ? grimaça-t-il en se frottant le cou pour le réchauffer.
- Je n'ai pas de gants.
- Mais ça va ? T'es pas en train de perdre tes doigts ?
Lily leva ses mains vers lui pour regarder ses doigts rougis par le froid afin de donner une réponse adéquate mais James ne lui en laissa pas le temps. Il attrapa ses mains et entreprit de les frotter doucement en soufflant dessus.
- Qu'est-ce que tu fais, Cornedrue ? interrogea Sirius, qui était venu à bout de ses négociations. T'essaies de faire du feu avec les doigts d'Evans ?
- Je les réchauffe, rétorqua-t-il.
Il s'amusa à jeter un coup d'œil à Lily, qui était encore plus rouge qu'avant. Mais elle le laissa faire et, au bout de quelques minutes, sourit.
- Je crois qu'ils ne vont plus tomber maintenant. Merci !
Il libéra sa main et attrapa le verre de cognac qu'on lui tendait, avant d'en donner un à Lily. Elle regarda son verre, perplexe. Elle n'avait pas dû suivre les négociations de Sirius.
- Ah, Lily ! s'exclama alors Remus sur un ton dramatique. Je vois qu'on ne t'a jamais initiée au cognac !
- Euh... non.
- Heureusement pour toi que je suis là, sinon Sirius et James te soûleraient à mort pour être sûrs que tu apprécies. Mais je vais pouvoir t'apprendre à apprécier un bon cognac.
- Eh bah, Remus, je te pensais pas comme ça, s'exclama-t-elle.
- Il a bien fallu que j'apprenne à survivre avec les sauvages, alors j'ai essayé de m'adapter à leurs coutumes, sourit-il, sous les huées de ses camarades. Bref, commençons par porter un toast !
- C'est à Queuedver de choisir à quoi on boit cette fois, non ? interrogea Sirius.
Le petit blond rougit de plaisir et réfléchit quelques instants avant de proclamer en levant son verre :
- A notre dernière année à Poudlard !
James sentit une étrange émotion l'étreindre alors qu'il levait son verre. C'était sans doute une des dernières fois de sa vie qu'il se trouvait réunis ainsi avec ses amis, aussi insouciants de ce qu'il se passait en dehors de leur petit cercle. C'était la première fois depuis le début de l'année qu'il envisageait la fin de sa scolarité à Poudlard, et cela ne lui plaisait pas plus que cela.
- Bon, Lily, reprit Remus, il faut que tu l'avales cul-sec.
- Quoi ? Mais je ne bois jamais !
- Raison de plus, ce sera plus facile, lança Sirius. Prouve-nous que t'es un homme !
Lily lui jeta un regard sceptique qui fit éclater de rire James et considéra quelques instants son verre. Tout le monde l'attendait.
- Bon, d'accord, trancha-t-elle en le portant à hauteur de ses lèvres.
Les quatre garçons, qui avaient institués cette tradition depuis l'année dernière, avalèrent leur verre sans aucun problème. Quant à Lily, elle devint aussi rouge qu'un dragon qui s'apprête à cracher du feu et commença à s'étouffer. Cela fit bien rire Sirius et Peter et James alla s'asseoir à côté d'elle pour lui taper dans le dos.
- La vache, coassa-t-elle, les yeux larmoyants, vous auriez pu me dire que c'était aussi fort !
- Qu'est-ce que tu crois, s'exclama Sirius, c'est pas pour les bébés lutins ! Tu avoueras que ça réchauffe bien plus qu'une Bièreaubeurre.
- Ca c'est sûr.
Elle se laissa aller contre le dossier de sa chaise et adressa un petit sourire à James pour le remercier. Le jeune homme, se trouvant très bien là où il était, laissa Remus et Peter seuls de leur côté de la table. Personne ne s'en formalisa et on commanda des Bièreaubeurres pour que Lily se remette de sa première rencontre avec le cognac. La conversation se mit à rouler sur les professeurs et James ne tarda pas à s'apercevoir que Lily piquait du nez. Épuisée par l'air vif et abrutie par l'alcool, elle finit par s'endormir tout à fait, la tête posée sur l'épaule de James. Il était à peu près persuadé que le cognac lui était un peu monté à la tête, sinon elle ne se serait jamais autorisée une pareille chose. Enfin, il se fichait éperdument de ses raisons : cette situation lui convenait tout à fait.
Profitant du sommeil de la jeune fille, les garçons évoquèrent à demi-mots la prochaine pleine lune. Il y avait longtemps qu'ils avaient cessé de se renseigner sur la date exacte : un coup d'œil à Remus de temps en temps leur suffisait. Il commençait déjà à avoir les yeux cernés et son teint était de plus en plus pâle.
Ils restèrent aussi longtemps que possible aux Trois Balais mais ce fut bientôt l'heure de rentrer. James tapota doucement la joue de Lily et elle finit par ouvrir les yeux, perdue. Elle piqua un fard en se rendant compte que c'était l'épaule de James qui lui avait servi d'oreiller et se redressa, tout à fait réveillée. On récupéra les vêtements encore un peu humides qui traînaient sur le plancher, Peter insista pour régler l'addition et ils prirent enfin le chemin du château. Ils arrivèrent juste à l'heure et Lily gratifia chaque garçon d'un baiser sur la joue avant d'aller rassurer ses amies sur son sort.
***
Le mauvais temps cessa dès le lundi et un soleil insistant fit briller l'épaisse couche de neige qui recouvrait à présent Poudlard. Mais le froid semblait aussi durable que ce manteau blanc et les élèves se couvraient autant que possible pour aller d'une salle à l'autre. Le soir, tout le monde se rassemblait dans la salle commune et les aller-retour à la bibliothèque se firent de plus en plus rares. Plus que jamais, les élèves sentaient l'importance de leur maison.
Lily partageait son temps entre son travail et ses amis, parmi lesquels comptaient maintenant les Maraudeurs. Jenny avait passé suffisamment de temps à danser avec Sirius pour que cela lui paraisse normal de bavarder avec lui de temps à autre. Quant à Margaret et Val, elles s'habituaient peu à peu. James et Sirius étaient souvent absents, avant le dîner, à cause des entraînements de Quidditch. Ils revenaient frigorifiés et il fallait toute le chaleur du foyer de Gryffondor pour les réchauffer.
La première semaine de décembre s'écoula dans cette atmosphère joyeuse et sans que Lily songe une seule fois à la nouvelle énigme qu'on lui avait imposé. Elle avait aussi perdu ses appréhensions concernant les Serpentards car il lui était arrivé plusieurs fois de croiser Stanley et Eddie sans que cela pose problème. Ils lui avaient à peine accordé un regard.
Le samedi soir, Lily était en train d'essayer de comprendre comment jeter un sortilège d'extension indétectable en faisant des moulinets avec sa baguette lorsque James se posa à côté d'elle. Il entreprit d'étaler des parchemins sur ses affaires et elle fit une grimace.
- Ca va, t'as pas trop l'impression de squatter ?
- Non, assura-t-il, très satisfait de lui-même.
Elle poussa un soupir à fendre l'âme et se saisit d'un morceau de papier pour le repousser vers lui.
- Si t'as besoin de place, Potter, va donc sur une table plus grande.
- C'est la seule table à côté du feu, et en plus tu n'es pas aux autres tables, rétorqua-t-il.
- De toute évidence. Je peux savoir pourquoi tu me poursuis ?
- Parce que je n'ai pas envie de travailler.
- Donc tu t'es dit que m'empêcher aussi de bosser ce serait pas mal.
- Précisément !
Elle le dévisagea, faussement désespérée.
- T'es vraiment bizarre, mon p'tit pote Potter.
- Toi, tu as trop côtoyé Peeves, rit-il en se saisissant de son livre de sortilèges.
- Crois-moi je m'en passerai bien, mais ça a dû lui plaire de me jeter des assiettes dessus alors il continue à chercher ma compagnie.
James releva les yeux du livre avec un petit sourire et murmura :
- Ah oui, les assiettes...
Lily s'empressa de détourner le regard. Cet événement avait eu lieu près de deux mois plus tôt mais cela lui semblait une éternité. Elle avait l'impression que tout une vie s'était écoulée entre le début de l'année et ce mois de décembre.
James rompit le silence en marmonnant :
- Qu'est-ce que c'est que ça ?
Lily tourna de nouveau la tête vers lui. Il avait sorti un parchemin du livre.
- C'est mon devoir de métamorphose, répondit-elle distraitement.
- Mais qu'est-ce qu'il fait dans ton bouquin de sortilèges ?
- J'ai dû le ranger là en vitesse. Est-ce que je peux avoir mon livre, s'il-te-plaît ?
Il considéra un instant la question et Lily crut que c'était juste pour la faire poireauter un peu. Sauf qu'il lança avec un grand sourire :
- Non.
- Très drôle. Allez, rends-moi ça.
- Non, persista-t-il.
- C'est quoi ton but dans la vie ? Embêter le monde ? s'exclama-t-elle, sidérée.
- T'embêter toi, en fait.
Il se leva en souriant toujours comme l'abruti qu'il était, le livre et le devoir à la main.
- James, prévint Lily en amorçant également un mouvement pour se relever.
Il partit comme une flèche et traversa la salle commune. Lily jura et se lança à sa poursuite mais Jenny surgit à ce moment-là devant elle en réclamant de l'aide pour le devoir de potion. Lily eut beau essayer de lui dire qu'elle était pressée, rien n'y fit. Elle ne savait même pas où James était parti. Elle renonça pour le moment à sa course poursuite mais se promit de le faire payer.
Il rejoignit les deux filles dix minutes plus tard, très fier de lui. Lily abandonna aussitôt son explication pour lancer :
- Je te préviens James, t'as intérêt à me rendre mon devoir avant la date limite pour le donner à McGonagall !
- T'inquiètes pas, rassura-t-il alors que Jenny suivait leur échange sans comprendre. Et puis pourquoi tu l'a fait aussi tôt ?
- Parce que je sais m'organiser, moi.
Ils continuèrent à se chamailler le reste de la soirée et lorsque Lily alla se coucher, elle ne savait toujours pas jeter un sortilège d'extension indétectable. Mais elle avait bien ri.
Cependant sa bonne humeur retomba lorsqu'un hibou vint tapoter contre la vitre de son dortoir. Elle reconnut aussitôt le sien et s'empressa d'ouvrir. Elle détacha de la patte du volatile une lettre de sa mère et la parcourut en vitesse. Elle soupira, caressa son hibou et le renvoya à la volière alors que ses amies l'interrogeaient sur le contenu du message.
- Ma sœur et son fiancé passent toutes les vacances à la maison. Donc je ne rentrerai pas chez moi, même si maman m'assure que ça ne pose pas de problèmes. Si j'y vais je vais devoir me planquer pour travailler et expliquer à cet horrible Vernon que je suis dans un internat pour les jeunes en difficultés dans les Highlands. Plutôt crever que passer Noël avec eux.
Elle se laissa tomber sur son lit, affligée. Et elle se faisait un plaisir de rentrer chez elle mais Pétunia gâchait tout.
- Tu vas rester à Poudlard ? interrogea Margaret.
- Pas le choix, marmonna Lily en enlevant ses chaussures.
- Je suis désolée Lily, je pars en Australie avec mes parents, sinon je t'aurai bien invitée chez moi, s'excusa Val en la rejoignant sur son lit.
- Et moi je suis dans la famille guindée de mon père, grimaça Maggy, je n'ai le droit d'inviter personne.
- Et je pars faire du ski en France, ajouta Jenny.
Elles furent bientôt toutes sur le lit de Lily, qui leur sourit.
- Vous inquiétez pas, je jouerai aux échecs avec les fantômes !
Chapitre dix-sept
Dès le lendemain, Lily s'inscrivit sur la liste des quelques personnes qui restaient à Poudlard pour les vacances de Noël. Seuls un frère et une sœur, en troisième et quatrième années, avaient écrits leur nom chez les Gryffondors. Étant donné les problèmes qui secouaient le monde de sorciers, la plupart des gens préféraient voir leur famille le plus possible. Elle essaya de se convaincre qu'elle allait passer de bonnes vacances malgré tout.
Deux jours plus tard, elle parlait du devoir de métamorphose avec Margaret. Elle attendait toujours que James le lui rende en même temps que son livre de sortilèges. Elle avait beau le harceler tous les jours, il continuait à le lui refuser, tout ça parce que cela l'amusait de la voir enrager. Malgré tout elle lui faisait confiance pour le lui rendre juste à temps. Cependant, Margaret évoqua un aspect du sujet que Lily avait oublié de traiter alors qu'elle en avait eu l'intention. Elle poussa un cri horrifié et chercha aussitôt James du regard avant de se rappeler qu'il était en train de s'entraîner pour le match qui allait avoir lieu le samedi suivant. Elle planta Maggy dans la salle commune, bien décidée à récupérer son devoir pour y ajouter ce qu'il manquait.
Lily s'enveloppa dans sa cape et son écharpe avant d'affronter le froid et la neige. Sur le chemin, elle croisa la quasi-totalité de l'équipe qui se hâtait vers le château. Seuls manquaient Sirius et James. Elle entra enfin dans le stade et poussa un soupir de soulagement en quittant l'air froid de la nuit. Tout en enlevant son écharpe, elle se dirigea vers les vestiaires.
- James ? appela-t-elle d'un ton plus sec qu'elle ne le voulait, malgré tout agacée qu'il l'ait forcée à sortir dans la nuit juste pour récupérer son bien.
Elle passa la tête par la porte et se figea alors que son visage devenait cramoisi. James était bien là. Il lui tournait le dos, uniquement vêtu d'un jean. Sa fine musculature était étirée par ses bras levés et courait jusqu'au but de ses doigts, qui tenaient une serviette aux couleurs de Gryffondor avec laquelle il se séchait les cheveux. Lily avait soudain beaucoup trop chaud. Elle prit une brusque inspiration qui fit se retourner James. La jeune fille ne pensait pas pouvoir rougir encore, et pourtant ce fut le cas. Elle était persuadée que de la fumée lui sortait par les oreilles.
James, totalement inconscient de l'effet qu'il provoquait, approcha d'elle avec un sourire. Ses pieds nus claquaient sur le sol de pierre et il jeta sa serviette sur les bancs qui longeaient les murs. Alors qu'il se dirigeait vers elle, elle remarqua une petite cicatrice sur ses côtes et s'empressa de lever les yeux vers son visage. C'était bien moins gênant.
- Que me vaut l'honneur de ta visite ?
Lily cligna plusieurs fois des yeux en essayant de répondre mais son cerveau peinait à se remettre en route. Comme elle ne disait rien, il reprit :
- Ca va ? Il fait si froid que ça dehors, pour que tu sois aussi rouge ?
Soudain prit d'une inquiétude, il posa sa main sur son front.
- Tu vas pas encore être malade, hein ? Je n'ai pas envie de me faire accuser une nouvelle fois.
Bizarrement, son contact réveilla Lily. Elle fit un pas en arrière en secouant la tête.
- Ca va très bien, merci. Mais si je tombe malade ce sera effectivement de ta faute.
James retrouva son sourire en constatant qu'elle avait récupéré sa hargne et il posa ses deux mains sur le chambranle de la porte.
- Et donc ? Que puis-je faire pour toi ? Parce que j'imagine que tu ne viens pas juste pour mes beaux yeux.
Le regard de Lily remonta de ses doigts, qui tapotaient sur le bois à quelques centimètres de sa tête, à son bras et acheva sa course sur son visage. Ce n'est qu'alors qu'elle se rendit compte qu'on attendait d'elle une réponse, qu'elle donna d'un ton hésitant :
- Euh...Je veux mon livre.
Son sourire s'élargit un peu plus. Ce type était vraiment un sale gamin.
- Je te l'ai dit, tu l'auras seulement quand il faudra rendre le devoir.
- T'es vraiment insupportable ! s'exclama-t-elle, l'agacement chassant sa gêne. Il est à moi, pourquoi je ne peux pas l'avoir ?
- Parce que ça me fait plaisir de t'embêter. Si tu ne le réclamais pas tant je te l'aurai déjà rendu.
- On t'a déjà dit que t'avais l'esprit tordu ?
Il hocha la tête et s'adossa au chambranle de la porte, ce qui le rapprochait un peu plus de Lily. Elle avait perdu un peu de sa rougeur grâce à son agacement envers James mais cela ne fit que raviver sa gêne. Il plissa les yeux en l'observant et interrogea :
- Qu'est-ce qui te fait rougir comme ça ?
- Rien, c'est juste la différence de température entre ici et dehors.
Il haussa un sourcil sceptique tout en se penchant un peu plus vers elle.
- Je te rends ton bouquin si tu me dis pourquoi tu rougis.
Lily n'hésita pas. Elle fit volte-face et lança :
- A plus tard !
Mais elle avait à peine fait un pas que James l'attrapa par le poignet. Elle se retrouva le nez collé à sa clavicule sans trop comprendre comment. Elle leva les yeux vers son visage et vit qu'il se retenait de rire. Si elle n'avait pas eu une conscience aussi aiguë de la faible distance qui les séparait, elle se serait sans doute énervée.
- Je n'ai pas envie de marchander avec toi, Potter.
- Oh, allez !
- Bon très bien, riposta-t-elle. Je te le dis si tu m'expliques quel pari tu as perdu pour qu'on se retrouve dans le lac.
Le sourire de James se changea en grimace et il fronça le nez.
- T'es vraiment machiavélique.
- Je sais. Alors ?
- Ton livre est caché dans les poutres au-dessus de mon lit. Attends-moi et je te montrerai.
- Bah dis donc, c'est si gênant que ça ce pari ? railla-t-elle.
A son grand étonnement, cette question fit jaillir sur les lèvres de James un sourire qui était loin d'être moqueur. Il relâcha son poignet et fit glisser ses doigts entre les siens, menant Lily au bord de la crise cardiaque.
- Pas à proprement parlé, mais j'ai peur que ça ne te plaise pas.
- De toute façon je m'en fiche, balbutia-t-elle, ses yeux perdus dans les siens. Tout ce que je voulais c'était mon livre et …
- James ? Tu viens ?
Ils sursautèrent et Lily s'écarta de plusieurs pas, le souffle court. Sirius arrivait vers eux.
- Evans ? Qu'est-ce que tu fais là ? s'étonna-t-il en arrivant à leur niveau.
Elle marmonna quelque chose d'incohérent à propos de son livre et partit aussi sec, plantant là les deux jeunes gens qui échangèrent un regard perplexe.
Lily refusa obstinément d'expliquer à ses amies ce qui la perturba toute la soirée. Cependant Jenny obtint un élément de réponse en voyant Lily devenir cramoisie lorsque James entra dans la salle commune, peu après le dîner. Mais dès le lendemain, elle retrouva un comportement normal, même si elle se perdait dans ses pensées plus souvent qu'à son tour.
La semaine passa à toute vitesse et le match de Quidditch arriva enfin. Lily s'installa avec tous les autres élèves de Gryffondor pour encourager leur équipe. Elle avait renoncé à comprendre le pourquoi de sa réaction face à James et elle avait réussi à reprendre des relations normales avec lui en faisant abstraction de cette épisode. En plus, il lui avait rendu son livre.
Comme à chaque match depuis trois ans, ce fut Arthur qui fit le commentaire. Il était déchaîné et sortait tout un tas de termes techniques que personne ne comprenait.
Les Gryffondors se montrèrent impitoyables envers les Poufsouffles pour se venger du sale coup qu'ils leur avaient fait en déclarant forfait pour le premier match. Elphias, Martin et Héléna se faisaient des passes fulgurantes et marquaient sans relâche, même si le gardien de Poufsouffle s'en sortait pas mal. Le problème c'est que les batteurs de Poufsouffle étaient sacrément bons aussi. Martin se prit un Cognard dans l'épaule et sa vivacité s'en ressentit fortement. Ce fut également une mauvaise opération pour le batteur qui l'avait visé car Anne n'apprécia guère qu'on s'en prenne à son copain. Après avoir intercepté le Souaffle elle le renvoya violemment vers le-dit batteur qui se trouvait un peu trop près des buts de Gryffondor. Il se le prit en pleine tête, son attention fixée sur les Cognards plutôt que sur la gardienne.
Le match continua, enchaînant coups, blessures et injures variées. Poufsouffle rattrapa son retard et les équipes furent bientôt à égalité, ce qui ne fit qu'accentuer la rage des joueurs de Gryffondors. James tournait toujours autour du terrain, croisant de temps à autre l'attrapeur de l'équipe adverse.
Enfin, l'attrapeur de Poufsouffle plongea. Sauf qu'au même moment James fila vers les buts de Gryffondor. Arthur ne savait plus où donnait de la tête et tous les élèves se levèrent, poussés par l'excitation. L'attrapeur de Poufsouffle finit par remonter et par rejoindre James aussi vite que possible, prouvant à tout le monde qu'il avait essayé de faire une feinte au mauvais moment. Lorsqu'il parvint à la même hauteur que James, celui-ci brandissait déjà le poing en poussant un cri de joie.
Toute sa maison relaya son enthousiasme et se fut la ruée vers le terrain. Lily fut entraînée par la foule mais ne chercha pas à résister. Ils atteignirent James au moment où il mettait le pied au sol. Tout le monde hurlait et se pressait autour du capitaine, Lily se retrouva face à lui sans savoir comment elle était arrivée là et, sans réfléchir, se jeta à son cou.
Les vociférations de la foule s'éteignirent autour d'eux alors qu'elle sentait le bras de James autour de sa taille. Elle prit soudain conscience de ce qu'elle avait fait et s'écarta, les joues rouges. Son regard croisa celui du jeune homme et elle oublia tout à fait qu'ils étaient au milieu de toute l'école. Son cœur tambourinait à ses oreilles alors que James la regardait, l'air surpris. Elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. Un voile se soulevait, lui révélant ce qu'elle avait jusqu'alors refusé de voir. Pendant un instant, un minuscule instant qui suffit à tout faire basculer, ils comprirent l'un et l'autre ce qui se jouait entre eux. Puis la vie reprit ses droits. Les hurlements revinrent à leurs oreilles et Lily s'arracha à son étreinte. Elle disparut dans la foule, laissant un James complètement hébété à la merci de ses supporters.
Lily s'éclipsa au milieu de la fête. Elle s'allongea sur son lit, les bras croisés derrière la tête. Le brouhaha de la salle commune lui parvenait mais elle n'avait aucune envie de se joindre aux autres élèves. Elle ne voulait pas voir James. Du moins pas tout de suite.
Durant la semaine qui venait de s'écouler, elle avait beaucoup pensé à ce bizarre épisode des vestiaires. Le soir-même, elle s'était remémoré une phrase que James lui avait dite : « Tu ne vas pas encore être malade ? ». Il faisait référence à leur plongeon dans le lac, bien sûr. Ce qui avait rappelé à Lily qu'elle avait déjà vu James torse-nu sans que cela lui fasse aucun effet. Oh, elle avait réagi quand Jenny l'avait provoquée, mais rien de plus. Alors elle s'était demandé pourquoi elle était ressortie des vestiaires les joues brûlantes. Le match venait de lui apporter la réponse.
Les yeux fixés sur la toile tendue au-dessus de son lit, elle pensait à ces deux derniers mois. A James qui la tirait de la marche truquée. Qui lui assurait qu'il voulait aller au bal avec elle. James qui venait la voir tous les soirs à l'infirmerie. James, riant aux éclats, qui la chatouillait chez Zonko. James sérieux, qui l'écoutait lorsqu'ils avaient dîné ensemble après leur goûter chez Hagrid. James prévenant, qui lui réchauffait les mains aux Trois Balais. James enfin, qui la regardait sans y croire sur le terrain de Quidditch.
Elle se retourna brusquement de son lit et enfouit son visage dans son oreiller pour étouffer un gémissement : était-elle vraiment tomber amoureuse de James Potter ?
***
James se leva bien trop tard pour aller prendre son petit-déjeuner le dimanche matin. Il avait à peine dormi de la nuit, trop occupé à essayer de comprendre ce qu'il s'était passé avec Lily à la fin du match. Il finit par sortir de sa chambre, désertée par ses amis bien plus tôt, une dizaine de minutes avant l'heure du déjeuner. N'ayant pas vu Lily de la soirée, il avait peur qu'elle l'évite.
Il traversa la salle commune en la cherchant du regard mais ne la trouva pas. Cependant ses yeux s'arrêtèrent sur une le panneau d'affichage. Il y avait la liste des personnes restant à Poudlard pour les vacances, et parmi les noms celui de Lily Evans. Il se figea puis partit en courant. Avec un peu de chance, il allait la trouver dans les escaliers. Il faillit dégringoler jusque dans le hall mais se rattrapa de justesse à la rambarde. Il la vit enfin, entourée de ses trois amies.
- Lily !
Elles se retournèrent d'un seul mouvement et il s'arrêta juste à temps pour ne pas percuter Margaret.
- Evans, tu vas pas rester toute seule à Poudlard pendant les vacances !
- Euh, si, balbutia l'interpellée, trop surprise de son irruption pour réussir à dire autre chose.
- Et vous ne pouviez pas la sortir de là ? accusa-t-il Val, Margaret et Jenny.
Elles se mirent à protester et lui expliquèrent toutes en même temps pourquoi elles ne pouvaient pas inviter Lily chez elles.
- Viens chez moi, lança-t-il en coupant les filles sans aucun remord.
Elles se turent aussitôt alors que Lily le dévisageait, les joues d'un rouge soutenu.
- Mais... non, enfin.. Tu...
- On va vous laisser ! s'exclama alors Jenny, remise de sa surprise, avant d'entraîner Val et Margaret vers la Grande Salle.
James n'avait jamais été aussi reconnaissant envers la blonde, même si Lily ne semblait pas du même avis.
- Allez Lily ! C'est pas comme si on se détestait toujours !
- Certes, admit-elle, mais de là à passer Noël chez toi...
- Il y aura aussi Sirius, et on ira au bal de la maison de retraite pour le nouvel an. Et mon père cuisine très bien !
Lily se mordait la lèvre en l'écoutant alors que des élèves commençaient à passer autour d'eux pour aller déjeuner. Il était sûr qu'elle hésitait.
- Mais ta mère ? Ca va la fatiguer...
- Oh non, rit-il. Elle adore avoir des jeunes à la maison. Il n'y a que Bathilda dans le coin pour la distraire et même si elle a l'air aussi jeune que toi et moi ce n'est pas...
- Bathilda ? coupa Lily en ouvrant de grands yeux. Comme Bathilda Tourdesac ?
- Elle-même !
- Tu connais Bathilda Tourdesac ?
- Depuis toujours, confirma-t-il, avant de grimacer. Si tu viens chez moi en étant convaincue par la mention de Bathilda, mon amour-propre et celui de Sirius vont prendre un sacré coup.
Elle se mit à rire, soudain plus détendue.
- C'est vraiment adorable de me proposer James, et je dois dire que je me suis bien amusée avec vous ces derniers temps mais... laisse-moi le temps de réfléchir d'accord ? J'avais prévu de rester à Poudlard pour travailler.
- Evans, on a déjà parlé de ton trop grand amour pour le travail.
- Je sais ... Tu te rends compte de ce que tu me proposes ? Si tu m'avais dit ça il y a trois mois je t'aurai mis mon poing dans la figure !
- Justement. C'est le moment ou jamais de dépasser définitivement tout ça, non ?
Il avait bien envie de lui dire qu'ils étaient déjà bien au-delà de ça, après ce qu'il avait cru lire sur son visage la veille, mais il n'était pas assez sûr de lui. Et puis Lily fuyait un peu trop son regard à son goût.
- Il faut que j'y réfléchisse, James, répéta-t-elle.
Il hocha la tête et passa sa main dans ses cheveux.
- Bon appétit alors.
Elle sourit et il commença à monter les escaliers dans l'espoir de retrouver ses amis, traversant la foule à contre-courant.
- James !
Il se retourna sans tenir compte des grognements de élèves autour de lui.
- Oui ?
- Vous ne voulez pas déjeuner avec nous ?
Un immense sourire fendit le visage du jeune homme.
- Je ne sais pas si les autres veulent mais moi ça me va !
***
Lily tournait en rond dans sa chambre, écoutant vaguement ce que ses amies lui disaient. Ou plutôt, elle écoutait Margaret et Jenny se disputer. Jenny voulait la forcer à dire oui à James et Margaret essayait de la convaincre que Lily était un être doué de sentiments et qu'elle avait peut-être son mot à dire dans cette histoire. Quant à Val, elle dessinait, encore et toujours.
- Entre passer ses vacances avec le plus beau type de Poudlard et rester ici à dîner avec les profs, mon choix est vite fait !
- Oui mais tu n'es pas Lily, soupira Maggy.
- Enfin Lily est amie avec lui, alors je ne vois pas pourquoi ça lui pose problème ! T'es allée à Pré-au-Lard avec eux, c'est exactement la même chose sauf que ça va durer deux semaines !
Margaret, ne sachant quoi répondre, se tourna vers Lily :
- Bon, Lily, qu'est-ce que tu veux faire ?
- Hein ?
- Tu vois, elle est tellement absorbée par la pensée de James qu'elle n'écoute rien ! jubila Jenny.
Lily piqua un fard, d'autant plus qu'elle pensait effectivement à James. Il lui avait facilité la tâche, deux heures plus tôt, en l'abordant. Sinon elle n'aurait jamais eu le courage d'aller le voir après la question qu'elle s'était posée la veille au soir. En plus elle avait été tellement surprise qu'elle avait tout bonnement oublié d'être gênée. Mais maintenant il fallait résoudre ce problème épineux : que lui répondre ? Elle avait envie de dire oui, car la sortie à Pré-au-Lard lui avait prouvé qu'elle allait bien s'amuser. Mais en même temps c'était un saut tellement terrifiant à faire qu'elle n'arrivait pas à s'y résoudre. Elle se laissa tomber sur sa malle en soupirant et Jenny en profita pour revenir à l'assaut :
- Qu'est-ce que tu as comme argument pour lui dire non ?
Lily, qui avait écouté cette fois, réfléchit quelques instants.
- Euh... je veux rester à Poudlard pour travailler ?
Son ton hésitant n'échappa pas à Jenny.
- Ah ! Tu vois, même toi t'es pas convaincue ! Par Merlin, Lily, vas-y ! Ce sera toujours mieux que de rester toute seule ici ! Et puis si Potter et Black t'insupportes, tu pourras toujours t'enfermer dans ta chambre jusqu'à ce que ça aille mieux.
Lily hocha la tête. De toute façon, elle doutait de se disputer avec James. Leur dernière véritable dispute remontait maintenant à un mois. Depuis ils avaient passé beaucoup de temps ensemble. De plus en plus de temps.
- Et puis je vais pouvoir rencontrer Bathilda Tourdesac, murmura-t-elle pour elle-même.
- Qu'est-ce que tu dis ?
- Rien, rien...
Elle se releva et recommença à faire les cent pas. Jenny cessa de la harceler lorsqu'elle s'aperçut qu'elle n'obtiendrait pas de réponse.
Lily tenta en vain de travailler tout l'après-midi, trop occupée à essayer de résoudre son dilemme pour réfléchir. Après le dîner James débarqua avec son livre de potion et entreprit de lui poser tout un tas de questions absurdes. Il la fit rire toute la soirée, sans lui reparler de son invitation. Si bien que lorsqu'elle s'apprêta à aller se coucher elle finit par se jeter à l'eau. Elle en avait assez de tergiverser en permanence. Pour une fois elle allait mettre sa raison de côté.
- Qu'est-ce que je pourrais apporter à ta mère pour lui faire plaisir ? lança-t-elle en levant son regard vers James.
Il ouvrit de grands yeux, puis son expression de surprise se fondit en un simple sourire :
- Elle adore les fondants au chaudron.
Chapitre dix-huit
La dernière semaine de cours fila à une vitesse hallucinante. Lily passa son temps à envoyer des lettres, à commander des cadeaux de Noël et à se demander si oui ou non elle avait bien fait d'accepter d'aller chez James.
Et enfin, sans savoir comment le temps avait pu s'échapper de la sorte, elle se retrouva sur le quai 9/¾, sa malle posée près d'elle. Les élèves se précipitaient vers leurs parents au milieu de la vapeur blanche qui s'échappait encore de la locomotive. Les chouettes hululaient et les malles s'entrechoquaient alors que tout le monde se détendait enfin. C'était les vacances.
Sirius et James partirent d'un bon pas vers la barrière qui les séparait du monde moldu et Lily les suivit tant bien que mal, tout en pestant contre leur absence totale de galanterie. Lorsqu'elle les rejoignit dans King's Cross elle se retrouva face à un homme de haute taille à l'air taciturne. Mais quand on y regardait bien, on pouvait voir une étincelle de malice briller dans ses yeux. Il avait évidemment transmis ses cheveux en bataille à son fils, même s'il était plus châtain que brun. Il prit un instant son fils dans ses bras, serra la main de Sirius, puis sourit à Lily.
- Alors c'est toi Lily ?
Elle hocha la tête, impressionnée par la force tranquille que dégageait de cet homme.
- Je suis ravi de te rencontrer, continua-t-il en lui tendant la main.
Elle balbutia les politesses d'usage et lui rendit son salut. Puis il insista pour prendre sa malle et Lily lança un regard aux deux garçons qui signifiait clairement qu'ils avaient intérêt à en prendre de la graine.
Lorsqu'elle se retrouva serrée, à l'arrière de la voiture, entre les deux garçons qui se battaient pour raconter leur trimestre à Mr. Potter, elle oublia ses appréhensions. Elle n'en pouvait déjà plus de rire.
Elle finit par s'endormir et fut réveillée par James alors qu'ils passaient le panneau qui indiquait l'entrée du village : Godric's Hollow.
- Godric ? bailla-t-elle. Godric Gryffondor ?
- Ouais ! Plutôt cool non ?
Lily hocha la tête et bailla une nouvelle fois. La nuit était tombée depuis belle lurette et elle n'aspirait qu'à retrouver un lit.
Ils se garèrent finalement devant une grande maison datant d'une époque révolue. Lily s'extirpa de la voiture et contempla la bâtisse : la lune éclairait les vieilles tuiles et les colombages. C'était un cottage comme on en faisait plus et Lily le trouvait magnifique.
- Eh Lily, tu crois quand même pas que je vais porter ton hibou ?
Elle se retourna, arrachée à sa contemplation, pour faire face à Sirius, qui lui tendait la cage de son hibou.
- Tu sais vraiment pas parler aux filles, commenta-t-elle en attrapant la cage – vide de tout volatile, car il était parti porter une lettre aux Evans.
- Je sais. C'est pour ça qu'elles me courent toutes après !
Lily l'observa d'un air critique et lâcha :
- Ah ?
Il se mit à rire et sortit la malle de James du coffre. Ce n'est qu'à ce moment-là que Lily remarqua son absence. Elle se tourna de nouveau vers la maison et l'aperçut sur la palier en train de serrer quelqu'un contre lui. Une lumière s'alluma à ce moment-là, sans doute grâce à Mr. Potter, et Lily put distinguer la petite femme qui se trouvait avec James. Mrs. Potter paraissait étonnamment frêle dans les bras de son fils. Lily ne voyait que ses cheveux d'un noir de jais, qui se confondaient avec ceux de James. Ils se séparèrent et elle aperçut son profil fin. Son rire parvint à ses oreilles alors que James racontait quelque chose. Lily sourit et se frotta les mains avant d'attraper la poignée de sa malle. Il faisait un froid de gueux.
Sirius passa devant elle, son balai posé sur l'épaule et tirant sa malle de l'autre main. Mrs. Potter descendit vers lui et il laissa tomber ses affaires pour la serrer dans ses bras. Lily restait plantée derrière eux, intimidée. James vint vers elle et prit sa malle.
- Tu viens ? Je vais te présenter à Maman.
Mrs. Potter l'attendait. Sirius était rentré et Lily pouvait l'entendre discuter avec Mr. Potter. Elle sourit timidement à la mère de James. Il avait hérité d'elle ses yeux bruns, même si ceux de Mrs. Potter étaient plus doux que ceux de son fils. Elle avait les joues légèrement rougies par le froid mais Lily ne put s'empêcher de remarquer que son visage était un peu trop maigre.
- Bonsoir Lily ! C'est gentil d'avoir accepté de venir !
Et sans crier gare, elle la serra dans ses bras. Lily lui rendit maladroitement son étreinte et balbutia :
- C'est gentil à vous de m'accueillir.
- James m'a dit que tu comptais passer Noël toute seule à Poudlard, expliqua Mrs. Potter en la libérant, alors ça me fait très plaisir qu'on puisse t'offrir, du moins je l'espère, un foyer plus chaleureux.
Cette fois le sourire de Lily jaillit, spontané. On ne pouvait que sourire devant tant de gentillesse.
- On rentre ? s'exclama James, resté en retrait. Papa va faire une crise si son poulet brûle.
- C'est David qui fait la cuisine ici, dit joyeusement Mrs. Potter en entraînant Lily à l'intérieur. Je suis incapable de faire cuire quelque chose sans le carboniser !
- Sauf la tarte aux pommes.
Elle se tourna vers son fils et lui sourit.
- Sauf la tarte aux pommes, répéta-t-elle avant de lui caresser un instant la joue.
Lily, qui venait de poser la cage de son hibou par terre, sentit son cœur se serrer. Elle repensait à la voix de James lorsqu'il lui avait parlé de la maladie de sa mère. Aucun doute que tous les deux s'aimaient profondément.
Ils se trouvaient dans l'entrée, c'est-à-dire le simple espace qu'il y avait entre la cuisine, le salon et l'escalier. Sur un porte-manteau étaient accrochés un assemblage disparate de manteaux, bonnets et écharpes en tout genre, qui surplombait des bottes posées contre le mur. L'endroit était légèrement en désordre sans que ce soit véritablement le bazar, et cela plaisait à Lily. On se sentait chez soi.
Mrs. Potter – Sally, de son prénom, comme devait plus tard l'apprendre Lily – partit dans la cuisine, laissant James et Lily seuls. Sirius avait disparu à l'étage.
- Ca va ? interrogea James en lui prenant son manteau pour l'accrocher avec les autres – Lily se demandait bien comment il trouvait encore de la place pour le faire.
- Comment est-que ça ne pourrait pas aller ? Tes parents sont adorables. Par contre j'ai un peu froid aux mains.
Il les prit aussitôt dans les siennes pour les réchauffer, alors que Lily se mettait à rire, non sans rougir. Et pourtant elle avait voulu cette réaction. Peut-être que James ne cesserait jamais de la faire rougir, même si... Son visage s'échauffa un peu plus lorsqu'elle réalisa ce qu'elle venait d'imaginer et elle faillit ne pas saisir ce que James était en train de lui dire :
- J'ai de la chance, tu n'as pas essayé de me congeler cette fois.
- Je te suis trop reconnaissante pour être méchante pour le moment mais, rassure-toi, mon véritable fond reviendra vite.
- Ouf ! J'ai cru que la gentillesse de Maman t'avais contaminée.
- Et puis quoi encore ? Parce que si je n'étais pas là, il n'y aurait personne pour t'insulter. Et ce serait quand même dommage.
- Absolument terrible.
- James ? Tu veux bien aller chercher Sirius ?
Lily devint cramoisie lorsqu'elle croisa le regard de Mrs. Potter. James tenait toujours ses mains, comme si de rien n'était. Quand elle était seule avec James, elle était à peu près sûre d'elle, mais la moindre intervention extérieure faisait voler ses certitudes en éclats et elle se mettait à paniquer. Elle s'empressa de s'écarter de lui alors que Mrs. Potter reprenait, en faisant semblant de n'avoir rien vu :
- Tu peux aussi montrer sa chambre à Lily.
- Oui mon général !
Il saisit la malle de Lily alors qu'elle récupérait sa cage et entraîna la jeune fille à l'étage. Lily entra dans ce qui serait sa chambre pour les deux semaines à venir en se disant qu'elle n'avait jamais vécu de situation aussi étrange : elle passait les vacances chez James Potter. Cela faisait une semaine qu'elle s'y était décidée, elle y était, mais elle n'en revenait toujours pas.
Lily, mue par la longue habitude des trois derniers mois, se réveilla tôt. Elle se tourna pendant presque une demi-heure dans son lit à baldaquin et se décida finalement à se lever. Elle n'entendait aucun bruit dans la maison.
Après s'être habillée chaudement elle descendit jusqu'à la cuisine, une pièce immense et lumineuse. Elle appréciait particulièrement la vieille cuisinière et le poêle, qui semblaient sortir tout droit d'un autre âge. James, la veille, lui avait assuré qu'elle pouvait se servir et lui avait indiqué où trouvait à manger. Seulement elle était tellement fatiguée qu'elle n'avait rien retenu. Alors qu'elle s'apprêtait à explorer tous les placards, elle entendit les marches craquer. Faisant volte-face, elle tomba nez-à-nez avec Mr. Potter. Un air surpris passa sur son visage mais se changea bien vite en sourire.
- Bonjour Lily ! J'espère que tu as bien dormi.
Elle acquiesça et il reprit :
- Je partais travailler mais il y a quelque chose que j'avais l'intention de te montrer. Profitons-en, tant que James et Sirius dorment encore.
Sans attendre de réponse, il pivota sur ses talons et passa dans la pièce principale. Lily le suivit, se demandant avec une curiosité grandissante ce qu'elle allait découvrir. Ils passèrent devant la table de la salle à manger et atteignirent la porte que Lily avait déjà remarquée la veille. Elle se trouvait près du vieux buffet qui ornait le mur du fond de la salle à manger, faisant face à la haute fenêtre qui, à l'autre bout de la pièce, s'ouvrait sur la rue. Près de cette même fenêtre étaient disposés, autour de la cheminée, un canapé et deux fauteuils.
Mr. Potter poussa le battant et laissa Lily entrer. Elle s'arrêta au milieu du petit bureau, ravie. C'était une toute petite pièce, éclairée par trois fenêtres, dont une en encorbellement aménagée d'une banquette. Un bureau patiné par le temps trônait au milieu et des étagères couvertes de livres couraient le long des murs. Des plantes vertes étaient disposées là où il restait de la place.
- James m'a dit que tu aimais lire, expliqua Mr. Potter, resté derrière elle. Tu peux lire ce que tu veux et venir ici à ta convenance.
- Merci beaucoup ! C'est vraiment...
Lily se tourna vers lui et ne trouva pas quoi dire d'autre. Alors elle se contenta de lui sourire. Il fit de même, la salua et disparut.
***
James s'empressa d'aller frapper chez Lily lorsqu'il fut réveillé, laissant Sirius émerger doucement. Personne ne lui répondit, aussi se risqua-t-il à pousser doucement la porte. Les rideaux étaient grands ouverts et le lit vide. Persuadé qu'elle était dans la cuisine, il descendit donc mais ne trouva personne. Commençant à être un peu inquiet, il se dirigea vers le salon. Vide. Alors qu'il allait repartir, il s'aperçut que la porte du bureau de son père était entrouverte. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres et il se dirigea doucement vers la petite pièce du fond. Il poussa le battant sans bruit et s'adossa au chambranle, amusé.
Lily était installée sur la banquette, les pieds sur le coussin, et dévorait littéralement du regard un gros livre à la couverture verte et usée. James se pencha et lut « Histoire des potions : de la tisane à Felix Felicis et bien d'autres merveilles ».
- Salut Lily, lança-t-il, bien plus fort que nécessaire.
Elle sursauta et le livre faillit lui tomber des mains. Elle le rattrapa juste à temps et leva des yeux perdus vers James.
- Oh euh... bonjour. J'ai vu ton père ce matin, il m'a dit que je pouvais me servir.
- C'est marrant parce que je t'ai dit aussi que tu pouvais te servir, hier, mais je parlais plutôt de nourriture terrestre. Enfin, passons sur ton goût trop prononcé pour les vieux papiers : tu veux petit-déjeuner ?
Elle haussa un sourcil et rétorqua :
- L'horloge a sonné midi il y a quelque temps.
Il leva les yeux au ciel et reprit :
- Tu veux déjeuner ?
- Avec plaisir.
Elle referma soigneusement son livre et le rangea avant de le suivre.
- Dis-moi, quel est le travail de ton père ? interrogea-t-elle alors qu'ils traversaient le salon.
- Il est au département des accidents et catastrophes magiques. C'est son dernier jour avant les vacances.
- Ca explique pourquoi ses livres traitent d'autant de sujets différents.
- Je crois qu'il a juste une passion pour les vieux papiers, lui aussi.
- Comment a-t-il pu avoir un fils aussi bête ?
James éclata de rire et s'inclina théâtralement devant elle pour la laisser entrer dans la cuisine où les attendait un Sirius légèrement hirsute.
Mrs. Potter descendit pour le déjeuner, que les garçons avaient réussi à préparer avec l'aide e Lily, et elle leur raconta tout un tas d'anecdotes sur la maison de retraite. Lorsqu'ils eurent fait la vaisselle, James saisit le manteau de Lily et le lui lança à la figure. Elle lui fit une grimace et se prépara à sortir dans le froid.
Ils passèrent le petit portail en fer forgé, qui grinça, comme toujours, et Lily interrogea :
- Où est-ce qu'on va ?
- Dans l'antre de la folie ! s'exclama Sirius d'un ton théâtral en commençant à marcher en arrière pour la regarder.
- Chez la voisine, répondit James, plus prosaïque. Patmol, il y a un lampad...
Ils éclatèrent de rire lorsque Sirius se prit le lampadaire de plein fouet. Il grogna et recommença à marcher normalement tout en se frottant la tête. Les garçons entrèrent dans le jardin de la maison d'à côté.
- Chez la voisine ? reprit Lily, qui ne saisissait pas.
- Sers toi de ta petite tête, Evans ! lança James en coinçant la-dite tête sous son bras pour la frotter énergiquement.
- Aaah pitié lâche-moi ! On va chez Mrs. Tourdesac, j'ai compris !
Il fut tellement interloqué par cette interpellation qu'il la libéra. Il échangea un regard avec Sirius puis se mit à rire.
- « Mrs. Tourdesac » ? Personne ne l'appelle comme ça ! C'est Bathilda !
- On a pas tous la chance de grandir à côté d'une célébrité, rétorqua Lily, vexée.
- Mais grâce à moi tu vas pouvoir rencontrer une célébrité !
- C'est ça. Et t'espère que je vais te remercier peut-être ?
Ils se tenaient juste devant une vieille porte en bois, qui fermait une vieille chaumière à la cheminée fumante. Mais James eut à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'une voix leur parvint de l'intérieur :
- Bien répondu ! J'ignore qui vous êtes mais ne vous laissez jamais marcher sur les pieds par le petit Jamie !
Lily regarda la porte comme si elle pensait que c'était elle qui lui avait parlé, puis elle se tourna vers ses deux acolytes et articula silencieusement « petit Jamie ? ». James lui tira la langue et posa sa main sur la poignée :
- On peut entrer Tilda ?
Il entendit Lily pouffer derrière lui et la gratifia d'une œillade assassine.
- A ton avis ? J'ai toujours su que tu n'avais pas beaucoup de jugeote mais tu pourrais quand même faire un effort !
Le rire de Sirius se joignit à celui de Lily et James, mortifié, poussa la porte. En même temps, il aurait dû s'attendre à ce que Bathilda le traite de la sorte. Et il aurait été déçu si elle ne l'avait pas fait.
Une odeur de café l'assaillit dès qu'il ouvrit la porte. Comme d'habitude, des tonnes de livres étaient entassés dans l'entrée, rassemblés en piles à l'équilibre précaire. Une espèce de crapaud en bois fixé au mur servait de héraut à Bathilda : il se mettait à croasser dès que quelqu'un entrait. Le problème, c'est qu'il était cassé depuis des années et qu'il n'arrêtait pas de faire du bruit. Bathilda détestait qu'on maltraite son crapaud, mais James ne connaissait qu'un seul remède à ce problème : un bon coup sur la tête. Il s'exécuta donc machinalement alors que Sirius et Lily entraient derrière lui. La jeune fille regardait partout comme si elle espérait tomber sur l'intelligence de Bathilda dans les toiles d'araignées.
- Tu n'as pas encore frappé ce pauvre crapaud, Jamie ? appela Bathilda depuis le salon.
- Bien sûr que non, répondit-il innocemment avant d'attraper la main de Lily pour la tirer vers la vieille dame. S'il ne la forçait pas à venir, elle était capable de rester dans l'entrée pour tout fouiller.
Ils trouvèrent Bathilda assise dans son confortable fauteuil. Un feu brûlait dans la cheminée et le soleil entrait à flot par les fenêtres. Sur un guéridon placé près du fauteuil étaient posées une cafetière et la tasse assortie.
Bathilda se tortilla dans son fauteuil pour les voir. Ses cheveux gris étaient coiffés en chignon, comme ceux de McGonagall. Mais toute ressemblance s'arrêtait là. Bathilda était une petite femme replète, au visage rond mais énergique. Ses yeux perçants se fixèrent sur Lily et elle demanda avec sa sans-gêne habituelle :
- Alors jeune fille, vous êtes la copine du petit Jamie ?
James n'eut pas besoin de tourner la tête vers Lily pour savoir qu'elle rougissait. Elle s'empressa d'ôter sa main de la sienne et balbutia :
- N-Non madame.
- Quoi ? Sirius alors ?
- Certainement pas, s'esclaffa Sirius. Lily est une amie.
La vieille dame haussa un sourcil sceptique puis haussa les épaules.
- Vous êtes vraiment de machines à bobards. Enfin, je vous pardonne. Asseyez vous, et servez vous un café si vous voulez !
- Ne prends jamais le café que Tilda te propose, souffla James à Lily alors qu'ils rapprochaient des chaises du foyer. Il est assez fort pour réveiller un dragon mort.
Lily eut un faible sourire et James se renfrogna. Il avait l'impression d'avoir affaire à ce bizarre objet moldu, le yo-yo. De temps en temps Lily était très proche de lui et tout d'un coup elle devenait distante.
- Personne ne veut de café ? s'étonna Bathilda lorsqu'ils furent tous installés.
La bonne humeur de James ne put s'empêcher de revenir : elle essayait toujours de refiler sa mixture tout en sachant que tout le monde détestait cela.
- En fait on voulait savoir si vous vouliez venir jouer au Quidditch avec nous, expliqua Sirius.
- Oh non, mon petit Patmol, pas aujourd'hui. J'ai des rhumatismes terribles.
- Je croyais que c'était uniquement pour les vieux ça, Tilda, commenta James.
Il se prit de plein fouet son regard perçant et contint de justesse un rire.
- Toi, mon petit Jamie, tu ne paies rien pour attendre. Attends un peu que je puisse remonter sur un balai...
- Vous jouez au Quidditch ? interrogea timidement Lily, qui se tenait très droite dans sa chaise.
- J'ai toujours adoré ça, ma petite. Rien de tel pour s'aérer l'esprit après l'écriture d'un chapitre de l'Histoire de Poudlard.
James et Sirius échangèrent un regard entendu alors que Lily retenait légèrement sa respiration. Finalement, n'y tenant plus, elle débita :
- Vous savez je suis vraiment très heureuse de vous rencontrer parce que c'est tellement intéressant ce que vous écrivez !
Un silence étonné suivit cette déclaration puis Bathilda reprit :
- Eh bien eh bien... voilà une jeune personne intéressante. J'espère que vous apprenez à ces deux cancres à travailler. Ca fait dix-huit ans que je connais James et je n'ai jamais réussi à lui faire lire plus d'une page de mon livre.
- Il est un peu trop stupide pour comprendre, je crois.
Bathilda partit d'un grand rire en se renversant dans son fauteuil alors que James grimaçait. Si ces deux là s'acoquinaient, il était mal parti.
- Est-ce qu'elle te remet toujours à ta place comme ça ?
- Oh oui, marmonna-t-il d'un ton sombre. Elle te remplace pendant toute l'année.
- Et vous vous entendez quand même ?
- James est moins un crétin qu'avant, expliqua Lily.
Surpris par sa déclaration, il leva les yeux vers elle.
- Et peut-être bien que je le prends moins au sérieux, poursuivit-elle en esquissant un sourire.
Il le lui rendit et reporta son attention sur Bathilda, qui les observait. Il se sentit rougir, parce qu'il savait qu'elle était incroyablement perspicace. Tout le monde la prenait pour une vieille folle, mais c'était la personne la plus intelligente que James connaisse. Heureusement, elle détourna d'elle-même la conversation.
- Si vous avez des questions, ma petite, n'hésitez pas.
Un air ravi éclaira les traits de Lily et Sirius s'empressa de se lever :
- Bon, puisque vous êtes décidées à parler de trucs barbants, on va vous laisser, James et moi, pour aller voler un peu.
Lily et Bathilda acceptèrent joyeusement, sans doute ravies d'être débarrassées de ces deux ignares. Lorsqu'ils revinrent une heure plus tard, après s'en être donnés à cœur joie sur leur balais dans le petit bois au-delà du village, ils les trouvèrent toujours à la même place. Elles discutaient des procès pour sorcellerie du quinzième siècle en France et Lily écoutait Bathilda comme si elle détenait la science infuse.
- On vous a manqué ? claironna James en entrant dans le salon.
- Oui, rétorqua Bathilda en interrompant son explication, parce qu'il n'y avait personne pour aller nous chercher une nouvelle bûche. Alors maintenant que tu es là, vas-y !
Chapitre dix-neuf
- Les gars, je vous rappelle que j'étais censée travailler !
James et Sirius se retournèrent en même temps, le même sourire goguenard sur le visage.
- Allez Evans, qui travaille pendant les vacances de Noël ?
La jeune fille grommela quelques insultes qui ne parvinrent pas jusqu'aux oreilles des deux garçons. Cela faisait quatre jours qu'elle était à Godric's Hollow et elle n'avait pas ouvert un seul livre. Elle passait ses soirées à jouer à la Bataille Explosive avec James, Sirius et occasionnellement Mrs. et Mr. Potter. Bon, avouons-le, elle était en fait ravie de perdre neuf fois sur dix aux cartes plutôt que d'apprendre les propriétés de la bave de Salamandre. Quant aux journées, elles étaient remplies par la visite du village et de la campagne environnante, ce qui lui convenait tout à fait. Cependant, elle était un peu moins ravie du programme actuel : les garçons marchaient devant elle, leur balai sur l'épaule. Sirius tenait également un ballon de football. On avait refilé à Lily l'ancien balai de James, une pauvre chose à la paille usée mais qui, d'après James, volait toujours très bien. Lily en était moins sûre.
Ils sortirent de Godric's Hollow par un chemin de terre qui les amena presque aussitôt dans la forêt. Tout était gelé malgré le soleil brillant, y compris les doigts de Lily – histoire de changer.
- Eh, ça vous dirait pas de m'attendre ? appela-t-elle.
James lui jeta un rapide coup d'œil, confia son balai à Sirius, revint vers elle et la jeta sans aucune considération sur son épaule, se prenant un coup de balai sur la tête au passage.
- Aaaah mais qu'est-ce que tu fais ?!
- Je te porte, comme ça tu restes avec nous, rit-il, Sirius lui faisant écho.
- C'est bon, je courrai si tu veux, mais repose-moi, pitié !
Au lieu de s'exécuter, il la fit simplement glisser dans ses bras.
- Bah quoi ? Mon épaule n'est pas confortable ?
- Non. Enfin, si, elle est pas mal comme oreiller, mais c'est tout. Tu veux bien me reposer ?
- Sirius, on la jette dans l'étang ? interrogea James en se tournant vers son ami.
Un sourire carnassier lui répondit et Lily se mit à hurler en s'agrippant à son cou, lâchant son balai par la même occasion.
- Je te préviens Potter, si tu me fous dans un quelconque étang, tu plonges avec moi !
- Evans... chuchota James à son oreille lorsqu'elle eut cessé de brailler.
- Quoi ? marmonna-t-elle, le visage toujours appuyé contre épaule, ses deux bras agrippés autour de son cou.
Elle avait presque oublié comment elle s'était retrouvée là, trop occupée à en profiter.
- Il n'y a pas d'étang dans cette forêt.
Les deux garçons éclatèrent de rire et James la lâcha enfin. Elle ramassa son balai et entreprit de leur courir après en essayant de les frapper avec. Riant comme les trois jeunes gens insouciants qu'ils étaient et soufflant comme de bœufs après leur course poursuite, ils finirent par arriver dans une énorme clairière.
James évita un coup de balai et parvint à attraper l'arme de Lily alors qu'elle basculait en avant, déséquilibrée.
- Donne-moi ça, je te le rendrai quand tu seras moins dangereuse.
Elle lui tira la langue mais le laissa faire et posa ses mains sur ses hanches.
- Où est-ce qu'on est ?
- Sur notre terrain de Quidditch ! expliqua Sirius comme s'il lui présentait le salon privé de la famille royale.
- Montre-nous tes talents de sorcière Lily, proposa James. Il faut qu'on jette des sorts anti-moldus.
-Tu ne m'en crois pas capable, Potter ? fit-elle en sortant sa baguette.
- Oh si, sourit-il. Justement.
Lily fit trois le tour de la clairière – ce qui s'avérait en fait assez long, compte tenu de sa taille – en marmonnant des sorts pendant que les garçons manigançaient on ne savait quoi.
- Je vous regarde voler et j'arbitre, c'est ça ? tenta-t-elle en revenant vers eux.
- Certainement pas, rétorqua James en lui collant son balai dans les mains. T'as appris à voler en première année, non ?
- Oui, mais ce n'était pas très fructueux.
- Je m'en rappelle, se moqua Sirius, tu étais tellement crispée que ton balai ne décollait pas.
- Oh la ferme ! Si on t'avait mis au volant d'une voiture à onze ans je suis sûre que tu aurais réagi de la même manière.
- Tu sais conduire ? s'étonna-t-il, l'air très intéressé.
- A peu près. Mon père m'a montré.
- Hmm, commenta James après avoir échangé un regard avec Sirius. Nous reviendrons sur ce talent plus qu'intéressant plus tard. Pour le moment, tu vas monter sur ce balai.
- C'est un ordre ? interrogea Lily en haussant un sourcil.
Avec un peu de chance il allait avoir peur de son autorité de préfète et …
- Ouais.
Avec un soupir, elle s'exécuta. Elle se sentait toujours stupide sur un balai.
- Vas-y, décolle.
Elle prit une profonde inspiration, leva le pied pour frapper le sol mais en fut incapable.
- James, je crois que je suis vraiment un cas désespéré en matière de vol ! Ca ne me dérange pas de vous regarder...
Le jeune homme fronça le nez puis se dirigea vers elle.
- Qu'est-ce que tu fais ? s'inquiéta-t-elle lorsqu'il monta derrière elle.
- Je vole, répliqua-t-il, un sourire dans la voix.
Puis il tapa du pied.
***
- Je te déteste ! cria-t-elle alors qu'ils s'élevaient doucement dans les airs.
Les jointures de Lily étaient blanches tant elle serrait fort le manche du balai, les paupières étroitement closes.
- Ouvre les yeux, proposa James. On ne va même pas vite.
Elle s'exécuta tout en marmonnant :
- Tu peux pas prévenir quand tu fais des coups pareils ?
- Non, tu serais descendue.
Elle ne répondit pas, trop occupée à jeter des coups d'œil vers le sol. James se stabilisa a une dizaine de mètres du sol et sourit.
- Alors ? C'est si terrible que ça ?
- Non, concéda-t-elle alors que son visage s'éclairait enfin. Et maintenant ?
Sirius arriva à ce moment-là à leur hauteur, le ballon dans une main et le balai de James dans l'autre.
- Maintenant, tu te débrouilles toute seule.
- Quoi ? Mais non, James, tu …
James avait déjà attrapé son balai. Il se pencha en arrière pour passer une jambe par-dessus le manche du balai de Lily et, les deux jambes pendant dans le vide, sauta.
- James !
Il vint virevolter devant Lily en riant :
- C'est pas compliqué ! Tu te baisses vers l'avant quand tu veux monter et tu redresses pour t'arrêter !
- Comme des pédales de voiture, en somme, marmotta-t-elle en lui jetant un regard assassin.
- J'en sais rien mais je serai ravi que tu m'apprennes. Autre chose : essaie d'attraper la balle.
Il avait à peine fini sa phrase que Sirius lança le ballon de toutes ses forces sur lui. James l'attrapa de justesse et s'empressa de le renvoyer vers son ami.
- Les buts sont entre les deux chênes ! cria-t-il à Lily avant de faire une accélération pour empêcher Sirius de marquer.
Lily passa plusieurs minutes à s'habituer au balai et finit par intégrer le jeu en rentrant de plein fouet dans Sirius.
- Désolée ! rit-elle alors que James attrapait la balle.
- Eh, vous n'avez pas le droit de monter une coalition contre moi !
- C'est pas le cas, c'est juste que je ne sais pas voler, rétorqua Lily en s'éloignant apparemment plus vite qu'elle ne l'avait voulu.
Elle évita de justesse un arbre et se retrouva, sans vraiment le faire exprès, entre James et les buts. La balle lui arriva droit dessus et elle l'attrapa par réflexe. James lui fonça aussitôt dessus et son air hébété disparu alors qu'elle faisait pivoter son balai pour essayer de marquer. Le ballon passa à au moins deux mètres des buts et les deux garçons éclatèrent de rire. Lily, sans se démonter, tenta de descendre en piquet pour récupérer leur substitut de Souaffle puis, sans crier gare, le jeta à la figure de Sirius. Il se le prit en plein visage. Il grimaça, puis un rictus amusé étira ses lèvres.
- Tu te prends pour un batteur, Evans ?
Il jeta la balle dans sa direction mais elle se pencha juste à temps. James le rattrapa et marqua sans qu'aucun des deux ait pu réagir.
- Alors Patmol, on préfère s'attaquer aux filles ?
Cette déclaration marqua le début de la guerre.
Deux heures plus tard, Sirius avait marqué trente buts, James vingt-huit et Lily deux. Un parce qu'elle avait eu de la chance et le deuxième parce que les garçons l'avaient aidée. Sirius avait également récolté une bosse au-dessus l’œil, James une écorchure sur la joue après avoir été malencontreusement envoyé contre un arbre par Sirius et Lily des bleus un peu partout.
La nuit tombait doucement sur la terre lorsqu'ils prirent le chemin du retour, dans les derniers flamboiements du soleil d'hiver. On était le vingt-quatre décembre et ils n'aspiraient qu'à une chose : un chocolat chaud.
***
Lily, James et Sirius, à peine débarrassés de leur manteau, furent engagés par Mr. Potter pour l'aider à faire la cuisine. Mrs. Potter s'assit à la table de la cuisine et, tandis qu'ils épluchaient et éminçaient des légumes divers et variés, les parents écoutèrent le récit des exploits volants des jeunes gens.
Comme la cuisine redevenait plus calme, Lily demanda à Mr. Potter pourquoi il n'utilisait pas la magie pour s'occuper des repas. Il se mit alors à rire, accentuant un peu plus sa ressemblance avec son fils, et lui expliqua qu'une fois, après avoir oublié qu'il avait laissé des couteaux en train d'éplucher des carottes, il avait retrouvé la table couverte de rayure et les deux objets en train de se battre. Ils avaient entre-temps réduit les carottes en miettes, bien sûr. Depuis, il faisait tout à la main.
Lily alla ensuite préparer le salon avec Mrs. Potter, qui lui expliqua qu'aucun des garçons n'avaient un sens de l'esthétique très poussé. Un énorme sapin occupait un coin de la pièce, décoré par les jeunes gens deux jours plus tôt.
Ce fut un des meilleurs repas que Lily ait jamais mangé. Elle eut une petite pensée pour sa famille mais elle ne regrettait certainement pas son choix. Alors que Sirius et James achevaient la bûche de Noël, elle se laissa aller dans sa chaise en regardant le feu qui crépitait doucement. Mrs. Potter se leva, leur souhaita à tous un joyeux Noël et les embrassa sur le front avant d'aller se coucher. Lily fut surprise, mais ravie. C'était également pour cela que ce repas lui avait paru si bon : on se sentait bien chez les Potter.
Mr. Potter ne tarda pas à suivre sa femme et les jeunes gens, après avoir rangé la table, se vautrèrent dans le canapé. Ils discutèrent quelques temps puis, alors que la conversation retombait, Sirius s'exclama à mi-voix :
- Regardez ! Il neige.
Lily tourna la tête vers la fenêtre et sourit. De gros flocons tombaient, virevoltant doucement dans l'air. Elle remonta ses genoux contre sa poitrine et s'appuya légèrement contre James. L'horloge posée sur le buffet sonna minuit. C'était Noël.
Lily se réveilla frigorifiée. Les sorciers avaient du mal avec la notion de chauffage central. Comme il était sept heures du matin elle décida de descendre, non sans avoir mis un pull en plus et de grosses chaussettes. Tant pis si elle était ridicule.
Arrivée dans la cuisine, elle eut la surprise de tomber sur Mrs. Potter, une tasse de café à la main.
- Bonjour Lily ! Joyeux Noël ! Tu veux bien me tenir compagnie ? sourit-elle.
Lily lui rendit son salut et entreprit de se faire un chocolat chaud. Elle regarda par la fenêtre pendant que le lait chauffait et ne put s'empêcher de sourire, ravie. Une épaisse couche de neige recouvrait le sol.
- C'est merveilleux non ? souffla Mrs. Potter en suivant son regard. On a presque toujours de la neige à Noël. Elle arrive toujours tard, mais elle est là.
- Vous avez beaucoup de chance. Nous habitons près de Londres et ça arrive assez rarement.
- Eh bien ! Voilà encore un atout pour te convaincre de revenir ici j'espère.
Lily lui sourit en s'asseyant en face d'elle, sa tasse fumante posée sur la table.
- Je crois qu'il n'y a plus besoin de me convaincre. Merci beaucoup pour tout ce que vous faites pour moi.
Elles discutèrent pendant un moment, jusqu'à ce qu'enfin une porte claque à l'étage, suivie d'une cavalcade.
- LILY ! Debout, c'est No... Lily ?
Mrs. Potter et la jeune fille éclatèrent de rire et James parut dans la cuisine deux secondes plus tard, en jean et pull, qu'il avait mis à l'envers dans sa précipitation.
- Mais t'es tombée du lit ou quoi ? s'exclama-t-il avant d'aller saluer sa mère en leur souhaitant joyeux Noël.
- Je suis allée voler tes cadeaux.
- Attention à toi Evans, on ne plaisante pas avec ça, prévint-il.
- James, est-ce que tu pourrais faire l'effort de te raser ? soupira Mrs. Potter en regardant son fils.
Effectivement, il avait une barbe de trois jours. Lily n'y avait pas vraiment prêté attention, mais elle ne l'avait en fait jamais vu comme cela. Pas plus que Sirius, d'ailleurs, qui était dans le même cas que James.
- Mais Maman ! On est déjà martyrisés par McGonagall qui nous oblige à nous raser tout le temps, est-ce qu'on peut au moins être tranquille à la maison ?
- Non. J'imagine que tu es obligé de t'habiller pour aller en cours, ce n'est pas pour ça que tu te promènes en caleçon à la maison.
Lily éclata de rire alors que James marmonnait :
- Bon, puisque la gente féminine à décider de s'en prendre à moi, je vais aller chercher du renfort.
- James ! appela Lily alors qu'il s'apprêtait à repartir.
- Oui ?
- Tu as mis ton pull à l'envers.
Il lui fit une grimace après avoir constaté que c'était vrai et monta l'escalier en courant.
Après l'arrivée de Sirius, l'air endormi, et de Mr. Potter, James se rua dans le salon. Lily le suivit en levant les yeux au ciel. Il était pire qu'un gosse de cinq ans. En même temps, elle aussi était toujours surexcitée quand elle arrivait devant ses cadeaux. Et cette année-là, ça ne manqua pas. Sirius aussi était sorti de sa torpeur en voyant le tas de paquets qui l'attendait.
Les adultes s'assirent sur le canapé alors que les trois jeunes gens s'installaient par terre pour ouvrir leurs cadeaux. Lily commença par le plus petit, envoyé par ses parents. C'était un fin bracelet en argent, accompagné d'une longue lettre que Lily se promit de lire plus tard. Margaret et Jenny lui avaient offert une nouvelle écharpe, en épaisse laine verte – pour aller avec ses yeux, disaient la carte. Quand à Val, elle lui avait envoyé un superbe dessin de Poudlard. Il y avait une boîte de Chocogrenouilles de la part des Potter, qu'elle s'empressa de remercier, et des Patacitrouilles, offerts par Sirius. Elle tourna la tête vers lui et vit qu'il avait exactement la même boîte de confiseries qu'elle dans les mains. Forcément, puisqu'elle lui avait donné la même chose. Ils éclatèrent de rire et Lily saisit le dernier cadeau. C'était une paire de moufles rouges fourrées. Des flocons de neige étaient brodés dessus. Il y avait un petit papier glissé à l'intérieur :
« Joyeux Noël ! - James »
Lily attrapa la tête du jeune homme, assis juste à côté d'elle et qui déballait sagement ses cadeaux, et l'embrassa sur la joue.
***
Un peu sonné, James cligna plusieurs fois des yeux avant de voir les moufles sur les genoux de Lily. Il lui sourit alors et leva le cadeau qu'il s'apprêtait à déballer. C'était le plus gros de son tas.
- C'est de ta part ? interrogea-t-il.
- Ouaip.
Pris d'une soudaine inquiétude alors qu'il s'apprêtait à arracher le papier, il demanda :
- Ce n'est pas un livre géant ?
Lily éclata de rire et lui assura que non.
- « Feux d'artifices » , lut-il sur la grosse boîte qu'il tenait à présent entre ses mains. Qu'est-ce que c'est ?
Lily entreprit de lui expliquer et Sirius, très intéressé, se joignit à la conversation. Heureusement pour eux, Mrs. et Mr. Potter avaient entrepris d'ouvrir leurs propres cadeaux et n'écoutaient pas.
James adressa un sourire rayonnant à Lily lorsqu'elle eut fini et se leva.
- Les gars, c'est l'heure du plus gros petit-déjeuner de votre vie !
C'était la tradition, chez les Potter, et ils finirent de manger peu avant onze heures. Les jeunes gens montèrent et Lily alla prendre une douche. Une fois dans la chambre de James, que les deux garçons partageaient, Sirius alla fouiller dans sa malle.
- Qu'est-ce que tu fais ? interrogea James en ouvrant la boîte de feux d'artifices, ravi.
- C'est de la part de Remus, Peter et moi, expliqua Sirius en lui tendant un petit paquet rectangulaire.
James le prit, intrigué.
- Pourquoi il n'était pas avec les autres ?
- Ouvre, tu verras.
Il avait l'air très fier de lui, ce qui était loin de rassurer James. Il obtempéra néanmoins et faillit s'étouffer.
C'était un cadre, avec une photo de Lily et James en train d'éclater de rire à l'intérieur.
- Mais t'es complètement taré, imagine qu'elle tombe dessus ? s'insurgea le jeune homme en s'empressant de recouvrir la photo de son papier-cadeau.
- Eh, j'aurai pu te l'offrir devant elle, ça aurait-été encore pire, rétorqua Sirius avec un sourire narquois.
- Quand est-ce que vous avez pris ça ? interrogea James, sans pouvoir s'empêcher de ressortir le cadre.
- Il y a une ou deux semaines, dans la salle commune. On a demandé à Val de nous prêter son appareil.
- Les garçons ?
Ils sursautèrent tous les deux et se tournèrent vers Lily, qui s'était arrêtée à la porte, alors que James s'empressait d'enfouir la photo sous sa couverture. Le regard de la jeune fille alla de l'un à l'autre, curieux.
- Vous venez ? On doit inviter Bathilda à déjeuner.
Chapitre vingt
Ce soir-là, bien après que les parents de James soient allés se coucher, Lily, Sirius et James sortirent dans la nuit froide. James portait la boîte de feu d'artifices sous le bras.
- Vous savez qu'on risque de réveiller tout le village ? chuchota Lily.
- Tu nous prends pour des crétins ? rétorqua Sirius. On va transplaner plus loin. Crois-moi, ça regorge d'endroit désert dans le coin.
James les mena dans une rue déserte et lança à l'attention de son ami :
- On se retrouve là-bas ?
Sirius hocha la tête, pivota et disparut dans un craquement.
- Où est-ce qu'on va ? demanda Lily.
Pour toute réponse, James lui tendit la main. Elle la prit sans hésiter, ses doigts couverts par les moufles qu'il lui avait offertes.
L'instant d'après ils se retrouvèrent en pleine campagne, dans le noir total. Une lueur s'alluma près d'eux et ils aperçurent le sourire de Sirius.
- Ca peut faire autant de bruit que tu veux, lança James, aucun risque qu'on dérange quelqu'un ici.
Lily dut admettre qu'il avait raison. Elle n'apercevait la lumière d'aucun village.
Une heure plus tard, ils se tenaient toujours dans la campagne anglaise. James pointa sa baguette dans le noir et les explosions commencèrent.
Lily s'amusa des expressions ravies de James et Sirius, qui voyaient pour la première un tel spectacle. Les fusées s'enchaînèrent pendant cinq minutes. Lorsque la dernière illumina le ciel dans une explosion, Lily se haussa sur la pointe des pieds pour embrasser James sur la joue. Il se tourna vers elle, surpris, mais l'obscurité qui venait de retomber sur eux déroba à la jeune fille son sourire.
Ils rentrèrent en tentant d'étouffer leurs rires et échouèrent dans la chambre des garçons. Il était minuit passé.
La chambre s'ouvrait sur la rue grâce à une grande fenêtre, devant laquelle étaient disposés deux fauteuils incroyablement larges. Ils étaient collés à la vitre, étant donné que le matelas installé pour Sirius prenait presque toute la place.
James céda gracieusement l'un des fauteuils à Lily et s'installa par terre, alors que Sirius prenait le deuxième siège. Ils discutèrent longuement de Bathilda, de ce qu'ils feraient le lendemain, ce qui se passerait après Poudlard. Sirius finit par s'endormir alors que Lily et James se chamaillaient à propos de la quantité de Chocogrenouilles qu'on pouvait manger sans être malade. Lorsque James demanda son avis à Sirius, ils s'aperçurent qu'il avait sombré.
Lily, enveloppée dans une couverture que James lui avait donné un peu plus tôt, n'avait aucune envie de bouger. Prise de pitié en voyant James appuyer sa tête contre le pied de son fauteuil, elle se cala dans un coin et murmura :
- Viens là James. Il y a suffisamment de place pour deux.
Il s'exécuta sans protester mais il s'avéra que Lily avait un peu surestimé la capacité du fauteuil. Pour qu'ils soient tous les deux confortablement installés, elle dut passer les jambes par-dessus les siennes et s'appuyer contre son épaule. Ce qui, en soit, ne la dérangeait pas. En plus James lui servait de radiateur. Elle parvint à étendre la couverture sur eux deux et ferma les yeux. Elle était épuisée.
- James ?
- Mmmh ?
- Est-ce que je t'ai déjà remercié de m'avoir invitée ?
Il rit doucement.
- Au moins un million de fois.
- Eh bien ça fera une fois de plus.
- C'est un plaisir, Miss Evans. On remet ça quand tu veux.
Alors que Lily glissait doucement vers le sommeil, elle se demanda de quoi il parlait exactement : des vacances ensemble ou du fait de dormir coller l'un à l'autre dans un fauteuil trop étroit ?
***
James se réveilla au milieu de la nuit, sans trop savoir pourquoi. La lune éclairait à flot sa chambre. Il avait encore de nombreuses heures de sommeil devant lui.
Il remonta la couverture sur son épaule, couvrant au passage la main de Lily, accrochée à son pull. Il sourit et ferma les yeux. Il sentait son souffle léger et régulier contre son cou. Toute cette situation était invraisemblable. S'il avait raconté cela à McGonagall, elle lui aurait ri au nez et l'aurait collé pour lui avoir raconté des bêtises. Comme à peu près toutes les personnes qui les avaient vu se disputer d'ailleurs. Et pourtant, Lily était bien en train de dormir sur lui.
Elle s'agita légèrement et se serra un peu plus contre James. Elle devait avoir froid. Il parvint à l'entourer de ses bras et posa la joue sur ses cheveux. Elle semblait vulnérable en cet instant mais James savait bien que ce n'était pas le cas. Et c'était une des raisons pour lesquelles il l'aimait.
Ils passèrent les jours suivants à profiter de la neige, à dormir et à se goinfrer de chocolats. Le trente-et-un décembre arriva bien trop vite au goût de James, qui aurait aimé que ces vacances durent toujours. Or, quatre jours après le nouvel an, c'était la rentrée.
Heureusement le bal de la maison de retraite vint le distraire. Ils transplanèrent après le déjeuner pour aider les pensionnaires à tout préparer. Sa mère les accompagna, malgré sa fatigue. Elle avait dû arrêter de travailler à cause de sa maladie aussi était-elle plus que ravie de retrouver ses retraités.
La maison de retraite des Sorciers Joyeux – James était sûr que Dumbledore avait choisi le nom – se trouvait en rase campagne, afin que les pensionnaires puissent se comporter en sorcier sans déranger personne. Ils étaient une quinzaine à habiter dans un manoir couvert de vigne vierge. Lorsqu'on poussait la grille qui refermait l'immense jardin, la première chose qu'on voyait était la baie vitrée du salon. A l'intérieur, on apercevait une grande cheminée et des fauteuils disséminés un peu partout, autour de petites tables rondes où les habitants prenaient le thé à cinq heures précises.
La maison s'élevait sur trois étages, le dernier étant réservé au personnel. Toutes les chambres avaient de hautes fenêtres, devant lesquels on disposait des jardinières en été.
James ouvrit la lourde porte en acajou qui donnait accès au vestibule, suivit par Sirius, Lily et sa mère. Ils eurent à peine mis un pied à l'intérieur qu'une sorcière minuscule, dont les cheveux blancs ressemblaient à de la mousse, se rua sur eux. Ses yeux perçants se réduisaient presque à deux fentes, mangées par son sourire.
- Bonjour Minnie ! s'exclama-t-il.
- Ah, bonjour James. Vas vite dans la salle à manger, il y a des tables à déménager et Gareth oublie toutes les deux minutes qu'il est en train de jeter un sort.
Le jeune homme s'exécuta, sachant très bien qu'il ne fallait pas discuter avec Minnie.
- Sirius ! Va donc dans la Véranda, il y a des plateaux à transporter. Et... James, tu pourrais me présenter ton amie au moins !
Il leva les yeux au ciel en retenant un sourire et pivota sur ses talons, interrompant son trajet jusqu'à Gareth pour revenir à grands pas dans l'entrée.
- Minnie, voici Lily. On est dans la même maison.
La vieille dame observa la jeune fille quelques instants, alors que Lily jetait des petits coups d'œil à James pour savoir quoi faire. Mais finalement Minnie lui tendit la main et commenta :
- C'est toujours un plaisir d'avoir un peu de jeunesse dans cette maison.
- Euh... merci, balbutia Lily en lui serrant la main.
- Bien, vous pouvez déplacer tous les fauteuils du salon pour les mettre dans la buanderie, James va vous montrer où c'est. Et toi, ma petite Sally, vient donc prendre un thé !
La mère de James ne se fit pas prier et adressa un regard espiègle aux jeunes gens, qui ne profiteraient sans doute pas de la même faveur.
- Allez viens, lança James en repartant vers la salle à manger, où se faisaient entendre des bruits inquiétants. On a du boulot.
Ils travaillèrent tout l'après-midi et repartirent à Godric's Hollow sur le coup de dix-huit heures. Ils devaient être de retour une heure plus tard pour le dîner. James et Sirius se préparèrent en un rien de temps, tout en faisant attention à ne rien oublier. L'année passée, Sirius n'avait pas mis de boutons de manchette. Cela avait fait tout un drame.
Ils attendirent Lily et sa mère dans l'entrée, se moquant de Gareth qui se passionnait pour une nouvelle chose toutes les trente secondes et oubliait donc ce qu'il était en train de faire.
Lily arriva enfin, vêtue de la même robe qu'au bal d'Halloween. Mais cette fois elle n'avait ni coiffure compliquée, ni maquillage.
- Tu as renoncé aux chaussures à talon ? lança James alors qu'elle descendait les escaliers.
- Ouais, je ne suis pas sûre que tes multiples admiratrices apprécie que j'essaie de t'éborgner avec mes chaussures.
- T'es jalouse, Evans ?
- Même pas en rêve, Potter.
Elle se planta devant lui avec un grand sourire alors que Sirius suivait leur échange, moqueur.
- Je vais danser toute la soirée avec des types presque bicentenaires. Crois-moi, c'est bien plus palpitant que mon dernier cavalier.
- Elle a raison, lança Mr. Potter, en descendant à son tour les escaliers.
- Super papa, tu pourrais me soutenir quand même, râla James.
- Je dis juste qu'après avoir vécu cent cinquante ans on a plus de choses à raconter que toi. Même avec le nombre de bêtises que tu as fait à Poudlard.
Lily pouffa et James la gratifia d'un regard peu amène.
- Mais toi papa, il paraît que t'en as fait des pas mal, riposta-t-il.
Mr. Potter se mit à rire et attrapa le manteau de sa femme.
- Ca se pourrait bien. Je te raconterai ça demain, quand tu seras trop fatigué pour t'en rappeler.
- Le bal se termine à une heure, pas cinq.
- N'essaie pas de me faire croire que vous allez vous coucher en rentrant.
Sur ces bonnes paroles, il partit chercher sa femme.
Ils arrivèrent juste à l'heure pour le dîner. Chaque retraité admira beaucoup Sally Potter, qui portait une robe jaune pour le moins éblouissante, même si elle ne l'était pas autant que son sourire.
Enfin, à presque vingt-deux heures, la véritable fête put commencer. Personne n'ouvrait le bal, chez les Sorciers Joyeux, parce que Mrs. Potter avait vite compris que ça déclencherait une guerre. Déjà que toutes les sorcières se battaient pour danser avec James et Sirius...
Ils se retrouvèrent tous dans ce qui servait habituellement de salle à manger, et que James et Gareth avait débarrassé de ses tables un peu plus tôt. Comme à Poudlard, d'innombrables bougies flottaient près du plafond, éclairant la pièce de cette lueur si chaleureuse que James appréciait particulièrement. Il restait quelques tables contre les murs, couvertes de petits fours, de verres et de bouteilles de vin, car les retraités étaient de véritables estomacs sur pattes.
Un énorme phonographe trônait sous une fenêtre, décoré de lierres et de petites fleurs roses. C'était certainement Filda, une sorcière au romantisme un peu trop prononcé, qui l'avait décoré.
James, qui se rappelait très bien avoir dansé la première valse avec Minnie la dernière fois, se dirigea vers Locirce, sourde comme un pot mais qui sautillait comme un cabri dès que la musique démarrait. Sirius invita Filda et James aperçut du coin de l'oeil un sorcier qui s'inclinait devant Lily.
***
Lily n'eut pas un instant de répit durant toute la soirée. Seuls six hommes logeaient à la maison de retraite, et elle passa des bras de l'un à l'autre sans prendre le temps de souffler.
Il y avait Norbert, plus grand que James et Sirius, très mince et complètement impassible. Il ne lui adressa pas un seul mot, se contentant de s'incliner et de lui faire un baise-main quand il partait avec une autre cavalière. Minnie lui expliqua qu'il avait juré de ne plus parler tant que sa femme n'aurait pas retrouvé sa pipe en ivoire. Le problème, c'était que sa femme était morte depuis bien longtemps et que la pipe n'avait jamais refait son apparition.
Félix s'avéra bien plus prolixe. En fait, il ne faisait que parler. Légèrement bedonnant et le cheveux gris, il dansait effroyablement mal. Apparemment même les coups de cannes de Mafalda, la sorcière qui avait appris à Sirius à danser, ne purent lui faire comprendre quand et comment bouger les pieds.
Dorcas, lui, était incroyablement leste. Il sautillait dans tous les sens et danser avec lui s'avéra encore plus épuisant que les deux heures de rock qu'elle avait enchaîné avec James, en octobre.
Alfred fut sans doute le cavalier le plus normal de Lily. Il était doux, prévenant, et dansait plutôt bien. Ses grands yeux bruns le faisaient ressembler à un chien particulièrement gentil.
Elle dansa également avec Gareth, qu'elle avait rencontré dans l'après-midi. Il était tellement dans la lune qu'il oubliait tous les deux pas ce qu'ils étaient en train de danser et entamer une valse au beau milieu d'un fox-trott. Il s'amusait de ses maladresses d'un rire d'enfant, si bien que Lily ne pouvait pas lui en vouloir une seule seconde. Il commença à lui raconter tout un tas d'histoire, dont elle n'eut jamais la fin car la vue d'un verre de vin ou de la chevelure mousseuse de Minnie, que Gareth idolâtrait littéralement, détourna son attention.
Et enfin il y avait Owen. Personne ne savait d'où il venait, ni exactement quel âge il avait. S'il souriait peu, il avait une conversation très intéressante et Lily et lui discutèrent longuement des avancées qu'on faisait sur les potions. Sa haute stature et la façon dont il dansait convainquirent Lily qu'il devait venir d'une grande famille de sorcier, ou de nobles anglais, mais elle ne parvint pas en apprendre plus.
Peu avant minuit, elle alla aider Minnie à la cuisine pour apporter les verres et les bouteilles de champagne. C'est à cette occasion que la vieille sorcière, qui semblait diriger cette maison de retraite, lui raconta tout ce qu'elle savait sur les hommes qui y logeaient. Lily se demandait ce que la sorcière faisait là alors qu'elle semblait en pleine possession de ses moyens. Peut-être qu'elle avait seulement besoin d'avoir un royaume sur lequel régner.
La valse qui devait s'achever sur le coup de minuit s'apprêtait à commencer lorsque James se matérialisa devant Lily.
- Je sais que tu dois être épuisée après ce merveilleux twist en compagnie de Dorcas mais est-ce que tu as encore un peu d'énergie pour une valse avec ton vieil ennemi ?
- Ca doit pouvoir se faire, accepta-elle en attrapant sa main, secrètement ravie.
Sirius invita Mafalda, « son amour de toujours », d'après James, et David et Sally Potter se placèrent au milieu de la salle.
La musique commença et Lily sourit. C'était la même valse que pour l'ouverture du bal d'Halloween.
- Tu sais que je n'ai toujours pas travaillé ? lança Lily alors qu'ils tournoyaient doucement au milieu des autres danseurs.
Il eut un sourire triomphant :
- On a vaincu les livres ! Quels génies.
- Attends que j'en vienne à te détester en rentrant parce que j'aurai plein de boulot, on verra bien si ça te fait toujours autant plaisir.
- Ah non, ne parle pas de rentrer !
- T'as raison, c'est beaucoup trop déprimant. D'ailleurs, on a toujours pas joué au Quidditch avec Bathilda.
- Depuis quand tu as envie de jouer au Quidditch, Evans ?
- Depuis qu'un crétin à cheveux bruns m'a forcée à monter sur un balai. Et je n'en meurs pas d'envie, mais ça serait rigolo.
- T'inquiètes pas, on fera ça demain.
Elle lui jeta un regard appuyé et il concéda :
- Bon d'accord, papa à raison. Après-demain.
Lily soupira. Après-demain, et puis encore un jour, et ensuite il faudrait rentrer. Elle se rapprocha de James et posa sa tête sur son épaule.
L'énorme horloge de l'entrée brisa cet instant en sonnant enfin minuit. Lily se redressa, légèrement rougissante, et se haussa sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue. Puis elle s'éloigna de lui, comme si de rien n'était, pour aller faire la tournée des félicitations.
***
Les retraités s'en allèrent les uns après les autres une fois que minuit eût sonné. Seule Minnie resta pour aider les Potter à ranger la salle. Sally s'était endormie sur un canapé, dans les bras de son mari.
Comme l'avait prévu Mr. Potter, les trois jeunes gens prolongèrent la fête dans le salon de Godric's Hollow. Ils parvinrent à insonoriser le salon et mirent de la musique. Ils dansèrent jusqu'au quatre heures du matin, les deux garçons s'envoyant Lily qui riait en tournoyant.
Le lendemain, comme convenu, Mr. Potter leur raconta une histoire. Il était assis dans le canapé, sa femme près de lui. Il s'agissait de la première bêtise qu'il avait fait avec Sally. Enfin, d'après sa femme, elle s'était retrouvée embarquée dedans sans le vouloir et c'était comme cela qu'ils étaient devenus amis. Le jeune David Potter, alors âgé de treize ans, espérait se venger d'un élève qui s'était moqué de lui parce qu'il avait renversé son chaudron en cours de potion. Il avait son stock de bombabouses et l'attendait, embusqué. Il hésita et dit qu'il avait trouvé une cachette mais tout le monde comprit très bien qu'il était sous la cape d'invisibilité. Il entendit quelqu'un arriver, mais ce n'était pas l'élève visé. C'était seulement Sally, une fille de sa maison avec qui il n'avait jamais vraiment beaucoup parlé. Il l'aurait laissée passer tranquillement si sa victime n'était pas arrivée juste derrière elle. Sacrifiant Sally sans remord, David ouvrit le feu. La jeune fille écopa d'une part de la punition de l'ennemi de David et resta plantée au milieu du couloir, stupéfaite, couverte de bombabouse, alors que l'autre élève s'enfuyait en courant. Au début, David ne comprit pas pourquoi il était parti aussi facilement. Puis, en tendant l'oreille, il reconnut le pas si caractéristique du concierge de l'époque, qui avait une jambe de bois. Il avisa Sally, qui n'avait toujours pas fait un mouvement, hésita et décida finalement que ce n'était qu'une victime innocente et qu'il pouvait bien l'aider. Sally se retrouva donc embarquée sous la cape d'invisibilité sans comprendre ce qui lui arrivaient et David l'entraîna loin de là. Après cela, ils se disputèrent comme ils ne le firent plus jamais dans leur vie et devinrent enfin les meilleurs amis du monde.
- Pas très original, comme blague, commenta James, vautré dans un fauteuil, secrètement ravi de savoir comment ses parents s'étaient rencontrés.
- C'était tout nouveau les Bombabouses à l'époque ! protesta sa mère. Et la prochaine fois on vous racontera celle qui inclut un perroquet, tu verras si on était pas originaux.
- Et tu peux parler, James, renchérit Lily, assise en tailleur près du feu, la bombabouse est ton arme préférée.
- C'est incroyablement pratique en même temps, se défendit-il.
- Et bon marché, reprit Sirius, installé dans le deuxième fauteuil.
- Je ne veux même pas savoir combien vous en utilisez par an ! assura Mr. Potter en se levant. Allez, debout tout le monde, c'est l'heure du goûter.
Chapitre vingt-et-un
Le lendemain, ils travaillèrent toute la journée. Les devoirs avaient finalement pris le pas sur le charisme de James et Sirius. Ils en parvinrent presque à bout et décidèrent qu'ils pourraient travailler dans le train. A vrai dire, aucun d'eux n'avait envie de gâcher leur dernier jour de vacances par avec cela.
Ils sortirent de bon matin, ce trois janvier 1978, pour aller se promener dans la campagne. La neige tombait doucement, étouffant le moindre son. Une bataille de boules de neige fut évidemment organisée et Lily se fit sauvagement attaquée par les deux garçons. Ils rentrèrent pour le déjeuner, frigorifiés mais joyeux et ressortirent dès que la vaisselle fut finie, leur balai sur l'épaule, pour aller frapper chez Bathilda.
La vieille sorcière était en train de mettre ses chaussures. Ils avaient programmé ce match quelques jours plus tôt. Elle saisit son balai d'une main ferme et annonça, alors qu'ils traversaient le village :
- Je prends Lily dans mon équipe.
Les garçons ricanèrent et la jeune fille leur jeta un regard peu amène.
- Très mauvais choix, Tilda.
- Je sais reconnaître quand les gens ont de la valeur, moi, rétorqua la vieille dame.
Lily devint cramoisie sous son écharpe et James sembla gêné. Sirius et Bathilda échangèrent un regard de connivence et Lily en conclut que le monde était décidé à ce qu'elle termine sa vie avec James, qu'elle le veuille ou non. Le problème, c'était qu'elle ne savait absolument pas si c'était ce qu'elle désirait. Enfin si, elle avait une petite idée sur la question, mais il lui arrivait encore de douter du bien-fondé de cette situation.
Le regard de quelques moldus vint la distraire de ces pensées pour le moins dérangeante et elle se rapprocha de Bathilda pour lui murmurer :
- Ca ne posa pas de problème qu'on se promène comme ça avec nos balais ?
- Vous l'avez déjà fait, non ? s'étonna-t-elle.
- Oui, mais on a croisé personne.
- Ne t'en fais donc pas pour les moldus. Il y a tout un tas de gens fous chez eux et personne ne s'en formalise jamais. Ils penseront juste qu'on fait parties d'une secte bizarre. Regarde ces deux-là, ils ont vraiment l'air fou.
En effet Sirius et James, quelques pas devant elles, jouaient à faire tenir leur ballon sur le bout de leur balai et éclataient de rire quand ils échouaient.
- J'ai toujours su qu'ils n'étaient pas très malins, mais là ça atteint des sommets, commenta sombrement Lily.
- Que veux-tu, ils ont été trop gâtés, même Sirius, bien qu'il n'ait passé que deux ans ici.
- C'est pour ça qu'ils sont aussi insupportables à Poudlard !
- Tu es préfète en chef ? interrogea Bathilda avec un petit sourire.
- Euh oui mais...
- Tu as eu le ton typique de la préfète en chef exaspérée. Oh ce n'est pas une critique ! Je l'ai moi-même été.
- Et vous avez dû supporter quelqu'un de particulièrement agaçant ? demanda Lily, intéressé d'en apprendre plus sur la vie d'un des plus grands auteurs du siècle.
- Oh oui ! Il était dans la même année que moi...
Bathilda se tut et son regard se perdit un instant dans le vide. Quelle histoire d'amour tourmentée avait-elle pu bien vivre ? Lily n'était pas particulièrement portée sur les ragots, mais elle aurait adoré savoir.
- Son sens de l'humour un peu particulier a fini par se retourner contre lui, conclut la vieille sorcière sans s'étendre plus longtemps.
Ils étaient arrivés dans la clairière et les garçons tournaient déjà entre les arbres pour jeter les sortilèges repousse-moldu.
- Bien, ma petite Lily, commença Bathilda, qu'est-ce que tu sais faire sur un balai ?
- Pas grand chose, grimaça-t-elle, il se peut que les garçons aient eu raison sur mon compte.
- Mais non, mais non. Voler, ça fait partie des sorciers. Tu me laisses marquer les buts, d'accord ? Essaie de me faire des passes, et si tu n'y arrive pas alors déstabilise les garçons.
- Ca, je sais faire, jubila Lily, ravie de pouvoir les embêter en toute impunité.
- Eh, pas de complot ! lança Sirius en venant vers elles, bientôt suivi de James, qui portait la balle.
- On échange des ragots, rétorqua Bathilda.
- Des ragots sur l'histoire de Poudlard ?
- Le jour où tu auras un peu de plomb dans la cervelle, Patmol, tu pourras essayer de faire de l'humour sur mon livre.
- Je sais plein de choses, s'insurgea-t-il.
- C'est faux, répondit la vieille dame, très sûre d'elle.
- Ah oui ? reprit Sirius d'une petite voix, impressionné par son assurance.
- Oui. Il est impossible que tu saches autant de choses puisque tu ne sais même pas te coiffer.
James et Lily éclatèrent de rire à cette conclusion inattendue et Sirius, l'air d'abord offusqué, se joignit à eux, sous le regard très fier de Bathilda.
La partie commença enfin et Lily fit tout ce qu'elle put pour se matérialiser devant les garçons quand ils s'y attendaient le moins. Bathilda marquait des buts pendant ce temps-là. Ce qui devenait plus problématique, c'était quand les garçons récupéraient la balle. Il devenait presque totalement impossible de l'avoir. Ils enchaînaient les passes à une vitesse hallucinante, habitués à jouer ensemble. Lily se rendait compte qu'ils l'avaient ménagé, lors de leur première partie.
A un moment, alors que James allait marquer leur quinzième point, Lily s'interposa entre les buts et lui au moment où il lançait la balle. Elle n'eut pas le temps d'essayer de la rattraper et la reçut en plein visage. Son nez commença aussitôt à saigner et James se rua vers elle, affolé.
- Lily ? Ca va ? Je suis désolé !
La jeune fille hésitait entre le rire et les larmes, son nez la lançant affreusement. Elle se mit finalement à rire, sous les yeux plus qu'étonnés de James.
- Donne-moi ma baguette, finit-elle par articuler, pleurant sans savoir si c'était de rire ou de souffrance.
James attrapa sa baguette dans la poche de son manteau et la lui donna, visiblement inquiet de son état de santé mental. Elle donna un petit coup sec sur son nez et le saignement cessa aussitôt.
- Tada ! s'exclama-t-elle avec un grand sourire.
La partie reprit, non sans que James l'ait débarrassée de toute trace de sang, et Lily ne put s'empêcher de remarquer qu'il s'acharnait moins. Alors qu'il allait chercher la balle, égarée dans les bois, Bathilda s'approcha d'elle, ravie.
- Je savais que c'était une bonne idée de te prendre dans mon équipe ! James est incapable d'être impitoyable avec toi.
Elle repartit sans attendre la réponse de Lily car la partie reprenait. Elle manqua donc le teint cramoisi de Lily, qui n'osait plus regarder James. Elle continua à jouer, mais ses pensées étaient ailleurs. Comme ce soir-là, après le match de Quidditch, elle repensa à tous les moments qu'elle avait passé avec James. Quelle raison avait-elle d'étouffer ses sentiments ? Elle avait hésité à cause de leur passé pour le moins houleux, mais maintenant que tout avait changé, avait-elle encore le droit d'invoquer cela ? Elle ne savait évidemment pas ce que James ressentait exactement pour elle même si les regards qu'il lui jetait parfois ne laissait planer aucun doute sur le fait qu'elle ne le laissait pas indifférent. Ce qui était à la fois très perturbant et incroyable et … la meilleure chose qui lui soit arrivée depuis longtemps.
Elle arriva à cette conclusion alors que les derniers rayons du soleil balayaient les arbres, marquant la fin de leur partie.
***
James et Sirius avaient gagné, bien sûr. Bathilda donna une petite tape dans le dos de Lily en lui assurant que même si elle ne savait pas jouer au Quidditch, elle pourrait réussir dans la vie.
Ils rentrèrent alors que la nuit tombait et saluèrent Bathilda à l'entrée de son jardin, avant de se ruer chez James pour se réchauffer. Lorsqu'ils furent assis à la table de la cuisine pour boire un chocolat chaud, James demanda où était sa mère. Son père lui dit que, trop fatiguée, elle avait passé le reste de la journée au lit. Le jeune homme fut soudain pris de remords en se rendant compte que c'était déjà la fin des vacances et qu'il avait à peine pris le temps de discuter seul avec sa mère. Avec un regard d'excuse pour ses deux amis, il monta aussitôt et poussa doucement la porte de la chambre de ses parents. Elle lisait un livre, appuyé contre ses oreillers. Elle releva la tête en l'entendant et sourit. James eut un coup au cœur en voyant ses traits tirés, son teint pâle. Elle avait tout fait pour avoir l'air bien durant ces deux semaines, mais ce n'était pas le cas. Il s'assit sur le bord de son lit comme si de rien n'était et lui demanda le plus joyeusement possible ce qu'elle lisait. Il oublia peu à peu ses inquiétudes en discutant avec elle, subjugué par sa bonne humeur inébranlable.
***
- Au fait Sirius, il paraît que tu as des amours tourmentées toi aussi ! s'exclama Lily alors que les deux jeunes gens, restés seuls, parlaient de Margaret et John.
- Moi ? Jamais. Je suis un tombeur, personne ne me résiste, rétorqua Sirius en essayant d'avoir l'air convainquant.
- Ce n'est pas ce que James m'a dit.
- Ce que … le sale traître ! Qu'est-ce qu'il a balancé ?
Lily ne put s'empêcher d'éclater de rire devant l'air indigné de Sirius, qui tenta de se recomposer un visage neutre.
- Pas grand chose en fait, juste qu'Ethel ne t'appréciait pas beaucoup. Mais comme je sais observer les gens, j'ai bien vu que ça ne te déplairait pas qu'elle s'intéresse un peu plus à toi.
- Les filles sont insupportables, marmonna-t-il, elles remarquent toujours les choses gênantes.
-Allez, raconte-moi !
- Il n'y a rien à raconter, soupira-t-il, elle me prend pour le dernier des abrutis.
Lily ouvrit la bouche mais il la coupa dans son élan :
- Non ne dis rien ! Lunard s'en est chargé !
- Tu as essayé de lui parler au moins ?
- Évidemment, râla-t-il en roulant des yeux agacés.
- Autrement qu'en l'agressant et en lui montrant que tu as envie de sortir avec elle, je veux dire ?
- Quoi, comme James et toi ? sourit-il. Non parce que ça a plutôt bien fonctionné.
- Eh ! se récria Lily en rougissant. Je te ferai remarquer que je suis devenue amie avec James précisément quand il a arrêté de faire ça.
- Amie, hmm ? reprit-il avec un petit haussement de sourcil suggestif.
- D'accord, je te laisse te débrouiller tout seul avec Ethel, rétorqua-t-elle en faisant mine de se lever.
- Non, non, d'accord, j'arrête ! Tu la connais ?
- Pas trop, répondit Lily en se rasseyant, mais elle traîne tout le temps avec Alice.
- Je sais, je suis allé au bal avec Alice.
- Ce que tu peux être agressif ! Et alors, elle ne t'a pas parlé d'Ethel ?
- Non, elle m'a dit qu'elle serait ravie qu'Ethel s'ouvre un peu aux autres mais qu'elle refusait de m'avouer des trucs sur son amie sans qu'elle soit là.
- Ce qui est tout à fait honorable de sa part.
Devant l'air sceptique de Sirius, elle se mit à rire.
- Tu n'y connais vraiment rien aux filles ! T'as pourtant eu plein de copines, non ?
Un fin sourire étira légèrement les lèvres du jeune homme et Lily se frappa le front :
- Suis-je bête ! Je recommence : t'as pourtant embrassé un tas de filles, non ?
- Justement. Embrasser ne veut pas dire parler.
- Et ça ne t'a jamais intéressé de sortir avec l'une d'elle ?
- Non, c'est James qui faisait ce genre de choses. Moi, c'était plutôt les trucs de l'ombre.
- Beurk, c'est dégoûtant !
Il partit d'un grand rire alors que Lily grimaçait.
- Je plaisante, Evans ! Et donc, si tu veux tout savoir, je ne suis jamais sorti avec personne.
- Et pourquoi est-ce que tu dérogerais à la règle avec Ethel ?
Il se tortilla sur sa chaise, gêné, et Lily fut plus que ravie de pouvoir le mettre dans l'embarras.
- J'en sais rien.
- Ah, le coup de foudre, c'est si mignon !
- Ferme-la Evans !
- Tu ne m'empêcheras pas de me moquer de toi, Patmol ! Au fait, d'où sort ce surnom ? Bathilda l'utilise aussi.
Il prit un air énigmatique pour répondre :
- Je ne te dirai pas d'où il vient, c'est un secret. Bathilda n'est pas au courant non plus, elle a juste pris l'habitude de m'appeler comme en entendant James le faire. Par contre elle continue à le surnommer le « petit Jamie ».
- C'est très mal de se moquer des gens quand ils ne sont pas là, Sirius, commenta Lily en essayant de ne pas rire, mais le coin de ses lèvres tressautaient sans qu'elle puisse rien y faire.
Sirius haussa un sourcil et Lily ne put plus se retenir. Leur rire résonna dans la cuisine, aux dépends du pauvre James qui ne pouvait même pas se défendre. Alors qu'ils se calmaient enfin, Lily prit soudain conscience qu'elle n'aurait jamais cru possible de rire de la sorte avec Sirius Black. Elle hésita un instant puis lança :
- Je suis contente de mieux te connaître, Sirius.
Un air surpris se peignit sur son visage et la jeune fille aperçut une lueur avide au fond de ses yeux. Sirius Black avait soif d'être aimé.
- Est-ce que James t'a raconté pourquoi j'habite ici ? interrogea-t-il alors.
Lily secoua la tête, surprise qu'il se confie.
- Tu as pu constater chez Slughorn que j'ai une relation assez … conflictuelle avec mon frère. C'est encore pire avec le reste de ma famille. Je suis venu pendant l'été après notre cinquième année, et les Potter ont accepté que je reste avec eux aussi longtemps que je le voudrais.
Il se tut et Lily se mordit la lèvre avant de répondre :
- Ils accueillent toutes les âmes en perdition, on dirait.
- Comment ça ?
- Je ne suis pas rentrée chez moi parce que ma sœur est à la maison et qu'elle me considère comme un monstre.
Un petit sourire étira les lèvres de Sirius.
- On peut être des monstres tous les deux si tu veux.
- Des monstres bien plus heureux que les autres parce qu'on profite des talents culinaires de Mr. Potter.
- Exactement ! Et pour sceller notre alliance en tant que monstres, je te propose un marché.
Lily devint aussitôt suspicieuse. Sirius s'y connaissait en coup tordu.
- On a pas été très fair-play avec toi tout à l'heure, pendant notre bataille de boules de neige, alors je t'offre …
- Une revanche ? coupa-t-elle, ravie.
Sirius fit un grand sourire et se rua vers l'entrée pour s'équiper contre le froid. Lily s'empressa de le suivre et ils croisèrent Mr. Potter en sortant dans le jardin, derrière la maison.
Ce fut la bataille du siècle, les deux jeunes gens se bombardant sans relâche. Lily parvint même à faire tomber Sirius et s'assit aussitôt sur lui pour lui répandre de la neige sur la figure, avant de s'enfuir en riant. Elle fit le tour de la maison et attendit qu'il vienne, une boule de neige à la main. Alors qu'elle passait devant la porte d'entrée, il survint enfin et l'attaqua. Elle évita de justesse le projectile et entendit alors une exclamation de surprise. Elle se retourna et se trouva face à James, qui venait d'ouvrir la porte d'entrée. Il s'était pris la boule de neige en pleine figure. Sans pouvoir s'en empêcher, elle éclata de rire, suivie par Sirius.
- Vous avez de la chance que ce soit l'heure de dîner, lança James en essuyant son visage avec la manche de son pull. Mais je tiens à avoir ma revanche après.
C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent à vingt-deux heures dans la jardin des Potter, courant et se jetant des projectiles glacés à la figure en riant comme des fous. Ils rentrèrent une heure plus tard, trempés et complètement gelés. Mr. et Mrs. Potter étaient déjà allés se coucher. Voulant profiter de leur dernière soirée tous les trois, ils se rejoignirent dans le salon après s'être lavés et changés.
Lily, vêtue d'un vieux pull trois fois trop grand et d'un jean troué qu'elle mettait habituellement quand elle était malade, retrouva James assis par terre devant le feu. Elle s'assit près du jeune homme, attendant que Sirius arrive avec les chocolats chauds qu'il avait préparé. Ils discutèrent pendant plus d'une heure, jusqu'à ce que Sirius déclare forfait et aille se coucher. En fait, Lily avait du mal à savoir s'il était vraiment fatigué ou non, car il jeta un drôle de regard à James avant de monter les escaliers, et James rougit légèrement, ce qui lui arrivait assez rarement pour être noté.
Ils restèrent tous les deux, devant le feu qui crépitait doucement. Les yeux de Lily commençaient à se fermer mais elle ne voulait pas aller se coucher. Alors elle posa sa tête sur l'épaule de James. A son grand étonnement, après un instant d'hésitation, il glissa un bras autour de sa taille. Elle sentit le rouge lui monter aux joues et repensa à cette soirée du match de Quidditch. Elle avait refusé d'y croire, parce que c'était complètement fou, et terrifiant. Mais elle avait fini par l'accepter. Elle ne savait pas quand, exactement, mais elle avait cessé de repousser cette idée. Aussi fou et terrifiant que ce soit, elle était tombée amoureuse de James Potter.
- Dis-moi..., commença le sujet de ses préoccupations.
- Hmm ?
- Il y a encore des choses que je ne m'explique pas.
- Comme quoi ?
- Pourquoi est-ce que tu as accepté de venir au bal avec moi, et ensuite ici ?
- J'ai déjà répondu à cette question, non ? répondit-elle en se redressant, les sourcils froncés.
Il s'empressa d'ôter son bras de sa taille et rétorqua :
- Ouais, en me disant que j'étais le bouffon de service.
- Je me suis excusée !
- Je sais, je ne t'accuse pas ! Seulement ça me paraît un peu faible comme argument pour quelqu'un qui m'a détesté pendant six ans.
Il sembla lutter avec lui-même un court instant et lâcha enfin ce qui le préoccupait vraiment :
- Comment est-ce que tu as pu me pardonner, devenir mon amie ?
- James..., soupira-t-elle, mais il ne lui laissa pas le temps de continuer :
- Je sais que j'ai été horrible, stupide et …
- James, si tu ne te tais pas maintenant, aucun doute que tu seras stupide.
Il s'exécuta, surpris, et elle secoua la tête.
- Tu n'as pas à t'excuser James. C'est comme ça, c'est tout. Oui tu as été ce garçon arrogant et méchant, et j'ai été tout aussi odieuse avec toi. Mais on s'en fiche de ça. Ce qui compte, c'est que tu as su dépasser ça. Tu as su aller au-delà de ce qui te rendait détestable pour ne garder que le meilleur de toi-même.
Lily s'arrêta, le souffle court. Elle ne pensait pas en dire autant quand elle avait commencé à parler. Mais c'était deux mois de réflexion sur le caractère de James qui venaient de ressortir, éblouissant le jeune homme au passage. Au bout de quelques instants, il sourit :
- Comment fais-tu pour être si merveilleuse, Lily ?
Elle lui rendit son sourire, les joues rouges. Pitié, qu'il mette ça sur le compte de la chaleur qui émanait de la cheminée.
- J'ai rencontré un garçon merveilleux qui m'a appris que le plus important était de continuer à rire.
Le sourire de James devint légèrement amer.
- Merveilleux, hein ?
- Tu es complètement stupide ou quoi ? Qu'est-ce que je viens de te dire ?
- Je sais, mais quand je pense à … Bon sang Lily, je t'ai abandonnée dans la Forêt Interdite avec un loup-garou !
- Eh, tu ne pouvais pas le savoir, et en plus tu t'es excusé, soupira Lily. Maintenant arrête de culpabiliser ou je ne sais quoi. Ça fait partie de toi, et c'est tout. Et puis, je crois qu'on pourrait dire la même chose pour moi, non ?
Il fronça les sourcils.
- Bien sûr que non. Tu me remettais à ma place, c'est tout.
- Et ça te plaît qu'on te remette à ta place ? interrogea Lily avec un petit sourire.
Il le lui rendit et se pencha légèrement vers elle.
- Seulement quand c'est toi. Ça change agréablement.
- Malgré tous les coups, tous les insultes que j'ai pu te lancer ? souffla-t-elle, commençant à avoir une conscience bien trop nette du peu d'espace qui les séparait encore.
- Tu as toujours eu une bonne raison de le faire. Et c'est bien pour ça que je m'excuse. Parce que j'ai du mal à croire que malgré tout ce que je t'ai fait subir, tout ce qui nous a séparé, tu me supportes.
Il était de plus en plus proche et ses yeux constituaient désormais le seul horizon de Lily. Elle ne pensait pas être encore capable de parler mais elle parvint à balbutier :
- Je te supportes justement parce que tu as changé, parce qu'il y a tout ça derrière nous et que c'est bien fini. Faire comme si cette période de notre vie n'avait pas existé ce serait balayer tout ce qui fait de toi ce que tu es. Alors ce serait nier une des raisons pour lesquelles...
Elle s'interrompit brusquement, paniquée. Elle n'avait jamais pensé aller si loin. Les mots avaient jailli sans qu'elle puisse les arrêter. James posa alors ses doigts sur les siens et elle dut faire un effort pour continuer à respirer normalement. Il était de plus en plus proche.
- Une... une des raisons pour lesquelles je...
- Je t'aime, acheva-t-il.
Le cœur de Lily rata un battement. Il l'avait dit. Il avait eu le courage d'aller au bout. Et maintenant, la décision lui revenait. Il la scrutait, avide, comme si son bonheur dépendait de sa réponse. Elle pouvait encore faire marche arrière, redevenir cette Lily qui n'aurait jamais imaginé tomber amoureuse de lui un jour. Ou elle pouvait accepter ce que lui offrait James, avec toutes les incertitudes que cela représentait, tous les doutes, les joies, les larmes qui pourraient en résulter. Et tout l'amour. Cet amour immense qu'elle entrevoyait au fond des yeux du garçon qui lui faisait face et attendait sa réponse.
Alors elle lâcha prise. Elle abandonna toutes ses craintes et glissa ses doigts sur sa joue.
- Exactement, souffla-t-elle.
Son souffle se perdit sur les lèvres de James. Et alors tout se remit en place. Il n'y avait plus ni crainte, ni incertitude, parce qu'il ne pouvait tout simplement pas en être autrement : Lily aimait James.
Chapitre vingt-deux
James posa ses mains sur la taille de Lily pour la serrer contre lui alors qu'elle promenait ses doigts légèrement tremblants sur sa nuque. Elle resserra ses bras autour de son cou et il espéra qu'elle ne sentait pas les battements désordonnés de son cœur. Il n'arrivait pas y croire. Il sentait son corps contre le sien, ses lèvres qui cherchaient les siennes, mais il n'en revenait toujours pas. Cela faisait six ans qu'ils se battaient. Et pourtant elle était là, dans ses bras.
Une bûche craqua dans le foyer et ils sursautèrent, se tournant vers la cheminée. Ils se regardèrent ensuite, surpris que seulement quelques centimètres les séparent, et éclatèrent de rire. Lily enfouit son visage contre son épaule, son rire se calmant bien vite alors qu'ils prenaient la mesure de ce qui venait d'être dit.
- Tu m'auras fait passer par toutes les émotions possibles, Potter, marmonna-t-elle.
- Et c'est pas fini, Evans, rétorqua-t-il.
Elle se libéra de ses bras pour le regarder et ne put s'empêcher de sourire, les joues rouges :
- Tu ne vas jamais arrêter de m'embêter, hein ?
- Jamais, promit-il en lui volant un baiser, s'émerveillant de pouvoir faire une telle chose.
A son grand étonnement, elle grimaça, et il se mit à rire.
- Quoi ? J'embrasse si mal que ça ?
- Non ! se récria-t-elle avant de devenir cramoisie en se rendant compte de sa véhémence. Non, en fait je me disais qu'il allait falloir affronter Poudlard.
- Comment ça ?
- Tous les gens qui nous regarderont parce qu'on sort ensemble.
- Ca se calmera vite, répondit James en haussant les épaules, sans voir où était le problème.
- Pas sûr. Tu es une légende pour toutes les filles de Poudlard, alors ça va faire jaser.
- C'est ça de sortir avec une célébrité.
Elle lui donna une petite tape avant d'attraper son menton pour l'embrasser.
- Tu sais quoi ? reprit-elle, quelques instants plus tard, ses jambes passées par-dessus celle de James.
- Mmh ?
- Je crois que je vais me cacher quelque part dans la maison pour ne pas avoir à retourner à Poudlard. Et je te cache avec moi.
- Ce serait une bonne idée si les elfes de maison ne cuisinaient pas aussi bien.
- Abruti, rit-elle.
Ils discutèrent jusqu'à ce que l'horloge sonne deux heures. Lily se leva, lui souhaita bonne nuit et monta se coucher. James resta devant la cheminée, le menton appuyé sur ses mains, les yeux fixés sur les braises rougeoyantes, repassant la soirée en boucle dans sa tête.
- James ?
Il se retourna, intrigué. Lily était appuyée au chambranle de la porte. Elle hésita un instant avant de dire :
- Je t'aime.
Il cligna plusieurs fois des yeux, surpris, puis se leva et marcha vers elle. Elle le regarda venir, ses grands yeux émeraudes fixés sur lui. Il la prit doucement par la taille et posa ses lèvres sur les siennes. Elle se laissa faire, adossée à l'encadrement de la porte. James s'écarta au bout de quelques secondes mais ils ne bougèrent pas, leur front appuyés l'un contre l'autre. Il sentait le souffle de Lily sur sa peau, ses cheveux qui lui frôlaient les joues. Elle caressait sa joue du pouce, les paupières closes.
- Bonne nuit, murmura-t-elle finalement avant de glisser hors de ses bras pour monter les escaliers sans bruit.
***
Lily se leva aux aurores, bien qu'elle ait à peine dormi de la nuit, et mit son uniforme de Poudlard. Elle avait l'impression que toute une vie c'était écoulée depuis qu'elle l'avait mis pour la dernière fois.
Elle descendit prendre son petit déjeuner et fut vite rejoint dans la cuisine par Sirius, à peine réveillé. Il se servit une tasse de café bien fort et se laissa tomber sur une chaise. Quelques minutes plus tard, James arriva, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon d'uniforme, les manches de son pull retroussées jusqu'aux coudes. Incroyablement beau, en somme. Comme d'habitude, songea Lily, sauf que ce matin-là, elle se sentit en droit de l'admirer. Elle sourit en constatant qu'il s'était rasé. Tout comme Sirius, d'ailleurs. La crainte de McGonagall avait été trop forte.
James ne sembla même pas se rendre compte de l'attention dont il était l'objet, se contentant de la saluer d'un sourire. Elle rougit et plongea le nez dans sa tasse de chocolat chaud. Sirius lui adressa un vague grognement pour lui dire bonjour alors qu'il s'asseyait à côté de lui. Mais, malgré le fait qu'il semblait totalement ailleurs, il ne tarda pas à remarquer le sourire de James qui ne quittait pas son visage et la rougeur de Lily. Le coin de ses lèvres tressauta et il interrogea d'un ton innocent :
- Aurais-je manqué quelque chose ?
- Non, répondirent Lily et James en même temps.
- Aucune crédibilité. Alors ?
James lui adressa un regard appuyé alors que Lily rougissait encore plus et Sirius éclata de rire, l'air tout à fait réveillé à présent.
- J'espère que vous me vouerez un culte éternel parce que sans moi vous n'auriez jamais eu une occasion pareille.
- Comment ça ? interrogea James en attrapant une tartine posée devant Lily.
- Potter, la bouffe c'est sacré ! s'insurgea-t-elle.
Il lui adressa un regard de défi et avala le morceau de pain.
- Elle a raison Cornedrue, on ne touche pas à la nourriture, commenta Sirius. Et donc, il se pourrait bien que, dans mon infinie bonté, je sois allé me coucher plus tôt que prévu pour vous laisser vous entre-tuer joyeusement.
James haussa un sourcil, la bouche pleine et la rougeur de Lily gagna ses oreilles.
- Tu es trop bon, Patmol, rétorqua James, sa bouchée avalée, mais tu peux toujours courir pour que je te voue un culte. Et on ne s'est pas précisément entre-tués.
- James, coupa Lily, je ne suis pas sûre qu'il ait besoin de savoir les détails. Et va me chercher une tartine, puisque tu as mangé la mienne.
- T'as de la chance que je t'aime bien, lança-t-il en s'exécutant.
- Merci à vous d'ailleurs, j'ai gagné mon pari, reprit Sirius.
- Quel pari ? interrogea Lily on songeant que ça n'allait pas lui plaire.
- Remus pensait qu'on ne vous verrait pas ensemble avant mars, mais j'étais persuadé que c'était pour les vacances, expliqua-t-il, ravi. J'ai gagné trois boîtes de Chocogrenouilles.
- Et après tu veux que ce soit nous qui te vouions un culte ! s'exclama Lily, scandalisée.
James lui donna à ce moment-là une tartine et elle allait le remercier lorsqu'il se pencha pour l'embrasser sur la joue. Son « merci » mourut dans sa gorge et elle ne put s'empêcher de lui sourire, même si elle était censée lui en vouloir pour cette histoire de pain.
Mrs. Potter ne se leva pas mais elle fit venir les jeunes gens pour leur dire au revoir, les uns après les autres. Lily la remercia pour son accueil et sa gentillesse et tout ce que Mrs. Potter lui répondit fut :
- Merci de rendre James aussi heureux.
Lily devint rouge pivoine et balbutia :
- Il... il vous a dit quelque chose ?
- Oh non, mais ça se voit sur son visage et sur le tien, sourit Sally. Ca me fait très plaisir, tu sais. Il a besoin de quelqu'un sur qui s'appuyer, même s'il prétendra toujours le contraire. Ne le laisse jamais te mettre à l'écart quand il est dans la détresse, Lily. Il a juste un tout petit peu trop de fierté.
Lily hocha la tête, émue par le sourire qu'elle lui adressait, et céda la place à Sirius, qui trépignait devant la porte.
Ils partirent enfin et Lily s'endormit sur l'épaule de James, le bras du jeune homme enroulé autour d'elle.
Ils arrivèrent juste à l'heure, dirent au revoir à Mr. Potter et s'empressèrent de monter dans le train. Après avoir fait un petit signe de la main à James et Sirius, Lily entreprit de chercher le compartiment de ses amies. Elle les trouva enfin et sourit, ravie de les retrouver.
Val était assise près de la fenêtre, incroyablement bronzée. Elle dessinait, comme d'habitude. Jenny était en train de lire un magazine de mode français à haute voix à une Margaret qui l'écoutait à peine, souriant béatement en faisant tourner un bracelet neuf autour de son poignet. Un cadeau de John, sans doute.
Elles tournèrent toutes les trois la tête vers Lily lorsqu'elle entra et Jenny se rua sur elle en poussant un cri de joie.
- Alors ? Comment c'était ? T'as survécu ? Est-ce que tu as tué Black ou Potter ? T'as bien mangé ? T'as fait quelque chose à tes cheveux ?
- Du calme, rit Lily en fermant la porte derrière elle, non sans avoir poussé sa malle à l'intérieur. Avant que je vous raconte mes vacances, j'aimerais que tu te rappelles d'un truc, Jenny.
La blonde pencha la tête sur le côté, se demandant où son amie voulait en venir.
- Tu sais, quand tu as rompu avec James en cinquième année, tu as dormi avec moi ensuite et tu m'as dit que James embrassait bien. Tu t'en rappelles ?
Jenny hocha la tête en fronçant légèrement les sourcils et Lily dut faire un gros effort pour ne pas rire. Elle prit une profonde inspiration et lâcha :
- Eh bah c'est vrai.
Un silence de mort s'abattit sur le compartiment des quatre filles pendant une minuscule seconde, et se mua bien vite en hurlement hystérique alors qu'elles se jetaient sur Lily.
***
James et Sirius rejoignirent Peter et Remus, occupés à faire une Bataille Explosive. Ils ne les regardèrent même pas, trop concentrés, et Remus se contenta de dire :
- On a cru que vous aviez raté le train.
- On a bien failli, répondit Sirius après avoir hissé sa malle dans les filets au-dessus des sièges, imité par James.
Il y eut une explosion et Peter poussa un cri triomphant.
- Gagné ! Tu me dois une Chocogrenouille, Lunard !
Le perdant s'exécuta en grommelant alors que Sirius lançait un regard goguenard à James. Avant que celui-ci ait pu réagir, Sirius se laissa tomber près de Remus et déclara d'un ton nonchalant :
- Tu m'en dois aussi.
- Eh, ça suffit, je ne suis pas une usine à Chocogrenouilles ! Pourquoi est-ce que je t'en devr...
Il s'interrompit soudain et ses yeux glissèrent jusqu'à James, toujours debout et les mains enfoncées dans ses poches, qui ne pouvait s'empêcher d'afficher un grand sourire.
- Nooooon ?
- Si, répondit laconiquement Sirius. Grâce à moi, en plus.
- C'est ça, heureusement que tu étais là pour faire la cinquième patte du dragon, rétorqua James avant de s'asseoir près de Peter, qui avait l'air ravi de la nouvelle. D'ailleurs, mon cher Remus, je suis très vexé que tu aies cru que Lily résisterait à mon charme incroyable encore trois mois !
- J'avoue que tu m'impressionnes, sur ce coup. Elle ne le vit pas trop mal ?
- Si, horriblement mal. A ton avis, crétin ?
- Je tiens à signaler qu'elle s'en prend toujours à lui et qu'elle l'appelle toujours « Potter » quand il le mérite, intervint Sirius avec un sourire moqueur.
- Très drôle, marmonna James alors que ses amis éclataient de rire.
Ce soir-là, Lily et James dînèrent ensemble, entourés de tous leurs amis. Lily rougissait à la moindre allusion à sa relation avec James et riait en permanence. Ils furent parmi les derniers à quitter la Grande Salle et atterrirent dans une salle commune survoltée où Martin et Anne dansaient la gigue sur des tables. Après un instant de stupéfaction, ils finirent par apprendre que Martin avait défié Anne de le faire. Elle avait évidemment relevé le défi, quelqu'un avait mis de la musique, et les deux joueurs de Quidditch sautillaient à présent sur une table, tous les élèves de la maison tapant des mains autour en rythme.
Le phonographe ayant été sorti, ce jour de rentrée tourna tout naturellement en soirée dansante. James jeta un coup d'œil à Lily, qui ne sembla même pas se dire qu'en tant que préfète en chef elle aurait du rétablir l'ordre.
Personne ne remarqua qu'il y avait quelque chose de spécial entre Lily et James car les autres élèves avaient désormais l'habitude de les voir danser ensemble. Mais, alors qu'ils dansaient une valse, James l'embrassa furtivement, sans même songer au cataclysme qu'il risquait de déclencher.
Aussitôt on n'entendit plus que la musique. Tout le monde avait arrêté de danser et regardait les deux Septième années comme si des chouettes leur avaient poussé sur la tête.
Lily marmonna un juron alors que James avisait les mâchoires décrochées autour d'eux et les quelques filles qui semblaient au bord de la crise de nerf.
- Lily ? souffla James. Solution de repli.
Elle n'eut même pas le temps de lui demander ce qu'il voulait dire qu'il partit comme une flèche, ses doigts serrant les siens, fendant la foule qui commençait à poser tout un tas de question d'une voix surexcitée.
Ils franchirent le trou du tableau mais James s'arrêta aussitôt et Lily lui rentra dedans de plein fouet. McGonagall arrivait droit sur eux, ses grands pas agitant les bords de sa robe de chambre. Elle avait l'air décidé à tous les coller.
- Repli, repli, repli ! s'écria James en faisant volte-face pour Lily vers la salle commune.
Lily éclata de rire alors que le professeur hurlait « Mr. Potter ! » et James ne put s'empêcher de faire de même. Tous les élèves, qui étaient apparemment en train de discuter de la nouvelle, se tournèrent vers eux.
- Tous aux abri ! cria James, tirant à présent Lily derrière lui car elle riait tellement qu'elle ne pouvait plus avancer.
- Potter !
A cette exclamation, les Gryffondors comprirent ce qui était en train de se passer et se fut la ruée vers les chambres alors que McGonagall déboulait au milieu de la salle. James parvint à entraîner Lily dans l'escalier des dortoirs des garçons et ils se cachèrent sur le palier. Lily hoquetait contre l'épaule de James, les yeux débordant de larmes. Le jeune homme fut gagné par son hilarité et McGonagall les trouva assis par terre, pliés en deux par le rire.
- Miss Evans ! Vous êtes préfète en chef ! PREFETE EN CHEF ! Vous êtes censée faire respecter l'ordre et non...
Elle s'interrompit brusquement et James parvint à se calmer suffisamment pour aviser les yeux écarquillés du professeur qui observait leurs doigts entrelacés. Elle faisait la même tête que le jour où James avait transformé une pelote d'aiguilles en hérisson-lapin.
- Et non... non... Mais qu'est-ce que vous faites dans ces dortoirs ? Redescendez immédiatement !
Lily libéra aussitôt sa main de celle de James, et il faillit repartir dans un éclat de rire en se rendant compte qu'elle faisait tout son possible pour rester sérieuse. Elle partit en courant, suivie par McGonagall, qui hurla d'en bas :
- Et je ne veux plus entendre un bruit !
James laissa aller sa tête contre le mur, secoué par le rire. Elle ne les avait même pas collé.
***
Tout Poudlard sut, dès le lendemain, que James Potter et Lily Evans sortaient ensemble. Les premières années, qui n'avaient jamais assisté à une de leurs légendaires disputes, ne comprenaient pas pourquoi cette nouvelle mettait tout le monde dans un état d'effervescence aussi avancé. Cela semblait même surprendre les professeurs.
Lily et James vécurent cette première semaine de janvier dans une parfaite insouciance de ce qu'on pouvait dire sur eux. James prenait beaucoup de plaisir à embrasser Lily devant tout le monde parce qu'elle devenait rouge comme un dragon et qu'il trouvait ça à mourir de rire. La jeune fille était évidemment moins d'accord, d'autant plus que Sirius se joignait à James pour se moquer d'elle.
Ce premier samedi après la rentrée, Lily se réveilla très tôt sans savoir pourquoi. Depuis quelques temps, elle faisait des cauchemars dans lesquels se trouvait très souvent un homme sans visage, qui lançait des sortilèges de mort comme si cela était parfaitement normal.
Elle se leva donc pour aller prendre son petit-déjeuner, décidée à travailler avant que James se lève – ce qui n'arriverait pas avant au moins onze heures.
Il n'y avait que quelques élèves dans la Grande Salle et elle mangea dans un silence seulement perturbé par le bruit des cuillères cognant contre les bols. Rien de plus apaisant. Lily se rendit compte qu'elle vivait dans un tourbillon depuis qu'elle passait du temps avec James. Il était bien trop hyperactif pour se taire plus de dix minutes.
En sortant, elle croisa un groupe de Serpentards. Parmi eux, Severus. Son regard noir intercepta celui, émeraude, de Lily. Elle s'immobilisa alors que des images de leur amitié lui revenait à l'esprit, des souvenirs de ce que James lui avait fait subir. Elle rougit et s'empressa de tourner les talons. Mais alors qu'elle allait poser le pied sur la première marche de l'escalier, une main attrapa son poignet.
- Comment tu as pu faire ça ?
Elle se retourna en prenant une profonde inspiration et fit face à son ancien meilleur ami. Depuis quand était-il devenu aussi grand ?
- Je te l'ai déjà dit, je fais ce que je veux.
Il la lâcha, les mâchoires serrées.
- Et tout ce qu'il m'a fait, tu t'en fiches ? James Potter est un salaud !
- Il a changé !
Sa voix claqua dans le hall et elle ferma un instant les yeux dans l'espoir de se calmer.
- Qu'est-ce que tu en sais ?
- Je le connais, figure-toi !
- Bien sur que non ! Il est juste suffisamment malin pour avoir compris ce qui te plairait mais...
- La ferme, Sev ! Tu ne sais rien de lui, d'accord ? Et tu ne sais plus rien de moi non plus parce que toi tu n'as pas changé ! Je suis une Sang-de-Bourbe, tu te rappelles ? Pourquoi est-ce que tu me parles encore ? Tu ne peux pas continuer à m'agresser quand je fais quelque chose qui ne te plaît pas alors arrête de t'occuper de moi !
Elle le planta là, les yeux débordant de larmes, et monta quatre à quatre les escaliers pour ne s'arrêter que devant sa salle commune.
Elle bafouilla le mot de passe pour la Grosse Dame, qui lui jeta un regard exaspéré et lança :
- Le jour où vous ne pourrez plus rentrer dans votre robe préférée, vous aurez le droit de pleurer !
Lily l'ignora et entra en espérant qu'il n'y aurait personne. Cependant la première personne qu'elle vit fut un grand brun à l'air endormi.
- James ? balbutia-t-elle. Mais qu'est-ce que tu fais là ?
- Figure-toi que j'ai autant de travail que toi, bailla-t-il, et donc je …
Il s'interrompit et fronça les sourcils en avisant les yeux brillants de la jeune fille.
- Lily ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je … j'ai croisé Severus et...
- Je vais le...
- Non !
Elle soupira et passa ses mains sur son visage. C'était précisément pour cette raison qu'elle avait hésité à lui en parler.
- Laisse tomber James. Ca ne sert à rien de t'en prendre à lui.
Il l'observa quelques instants en silence puis vint l'entourer de ses bras. Elle se laissa faire et il lança :
- J'imagine que tu as déjà pris ton petit-déjeuner mais est-ce qu'un café en ma compagnie te plairait ?
Lily s'écarta de lui avec un petit sourire, s'essuya les joues et lança :
- J'ai une meilleure idée.
- Qui est ?
Elle se hissa sur la pointe des pieds et l'embrassa doucement, ses doigts glissés dans ses cheveux.
- Voilà qui me paraît intéressant, marmonna-t-il en cherchant à la retenir contre lui alors qu'elle s'échappait de ses bras en le tirant par la main.
Lily parvint à le traîner jusqu'au portrait et il interrogea, une fois dans le couloir :
- Où est-ce qu'on va ?
- Ca, Potter, c'est ton affaire. C'est toi qui connais la château comme ta poche, pas moi.
Il réfléchit un instant puis un sourire étira ses traits.
- Suis-moi.
Quelques minutes plus tard, ils se trouvaient près de l'escalier qui permettait d'accéder à la tour d'Astronomie. Là, dans le renfoncement d'une fenêtre, se trouvait une banquette à laquelle Lily n'avait jamais vraiment prêté attention.
- Laisse-moi deviner, tu as emmené toutes tes conquêtes ici ? railla-t-elle alors qu'il s'asseyait et l'attirait contre lui.
- Même pas. C'est mon coin à moi. Et aussi le tien, maintenant.
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