IV - Chapitre 19
Note du bêta : Saluuuuuuuut aujourd'hui on s'intéresse à la magingénieurie des balais, à la mort de quelqu'un, à la vie d'un couple reclus et aux souvenirs ressassés d'un vieil homme. Nan en vrai je manque d'inspiration mais sur la vie de hagrid que le chapitre est super. Gros bisous à tous, moi le travail m'as épuisé alors je vais me coucher (vivement les vacances) bonne lecture rappelez encore a Cazoue que sa fic est merveilleuse elle en as toujours bien besoin et a bientôt !
Chapitre 19
Le printemps arriva sur l'Angleterre, poussé par un vent glacial. Il ne cessa de tourner autour de la maison de Godric's Hollow durant tout le mois de mars. Néanmoins, Lily l'appréciait : il chassait les nuages. Pas une goutte de pluie ne tomba pendant des semaines. Malgré le froid, la jeune femme passait à présent plus de temps dans le jardin que dans son laboratoire. Elle avait retourné tout un pan de terre et y avait planté un potager. Les parterres de fleurs étaient également prometteurs. Elle regardait la nature renaître avec un sourire confiant ; tout était plus facile au soleil. Tous ces mois qui lui avaient paru si longs lui semblaient maintenant être un rêve. Ils avaient déjà passé deux saisons à Godric's Hollow. Ils pouvaient continuer.
Il était d'autant plus facile de s'imaginer rester dans la petite maison quand Harry s'éveillait de plus en plus à la vie. Son rire chassait le silence dans lequel ses parents avaient tendance à s'enfermer. Il tenait assis, bientôt il ramperait puis marcherait à quatre pattes. Quand l'automne reviendrait, peut-être ferait-il déjà quelques pas, ses minuscules doigts agrippés aux mains de ses parents.
Lily, appuyée contre l'embrasure de la porte ouverte de la cuisine, sourit à cette idée tout en contemplant le jardin encore grisâtre qui, bientôt, reprendrait ses couleurs. Elle entendait tout un remue-ménage derrière elle ; James avait reconverti une partie de la cuisine en atelier et travaillait sur un prototype de balai. Sirius, Remus et Peter lui avaient offert le matériel nécessaire quelques jours plus tôt et depuis il ne cessait de tout observer sans pourtant rien en faire. Il avait fixé des plans au mur. Lily, qui était pourtant bonne en arithmancie, n'y comprenait rien. Elle l'avait aidé à rattraper le niveau – il avait assez vite arrêté à Poudlard – mais il l'avait très vite dépassée. C'était une nouvelle preuve que si James voulait, il pouvait. Il n'avait simplement pas eu très envie durant sa scolarité.
Sa nouvelle passion le rendait heureux, et par conséquent Lily aussi. Il lui exposait ses plans avec passion, pendant le dîner, et lui expliquait tout ce qu'elle ignorait sur le Quidditch. Il rêvait à nouveau. Lily détourna son attention du jardin pour regarder son mari, qui se tenait face à ses plans, les mains sur les hanches. Elle vint sans bruit derrière lui et passa ses bras autour de sa taille, le visage pressé entre ses omoplates.
- Ça avance ? Interrogea-t-elle, la voix étouffée contre son t-shirt.
- Mmmh. J'ai peur de me lancer.
- Il va bien falloir t'y coller un jour, mon chéri.
- Quand Harry apprendra à faire du vélo, ça me paraît être un point de repère acceptable.
Lily rit un peu mais le força à se retourner.
- Je sais, soupira-t-il, je ne suis pas raisonnable.
- Depuis quand est-ce que James Potter a peur de se lancer dans de nouvelles aventures ?
- Depuis qu'il a compris qu'il y avait des conséquences, grimaça-t-il. Ce que je n'ai pas réalisé avant mes dix-huit ans je pense. Ou mes vingt ans ? Tu sais, quand je t'ai épousé et que je me suis retrouvé papa sans savoir ce qu'il m'arrivait.
- James !
Il rit et lui vola un baiser.
- C'est toi qui étais le plus pressé, en plus.
- A juste titre. Notre bébé est plutôt mignon.
Comme s'il savait qu'on parlait de lui, Harry se mit à hurler à pleins poumons depuis sa chambre.
- Finie la tranquillité pour cet après-midi, fit semblant de se plaindre Lily.
Elle avait tout à fait raison, dans la mesure où Bathilda se pointa à l'heure du goûter, des provisions plein son sac et des ragots à profusion. Si la vieille Sorcière connaissait parfaitement l'histoire de la magie, elle maîtrisait tout aussi bien les petits racontars de son temps. Elle leur compta les derniers ragots de Poudlard et du Ministère – un diplomate gobelin avait apparemment tenté de demander la Ministre en mariage. Elle leur donna aussi des nouvelles moins joyeuses, des choses qu'elle avait entendu dire mais qui n'étaient pas encore dans la Gazette.
La bonne humeur de Lily était retombée lorsque Bathilda regagna sa maison. James aussi avait le regard dans le vide. Comme elle, il pensait sans doute à William et Carrie, morts un mois plus tôt. Le choc passé, Lily avait réussi à aller de l'avant. Il y avait si longtemps qu'ils devaient faire ainsi. Parfois, sa faculté à continuer malgré les amis décédés l'angoissait. Elle avait l'impression de ne pas avoir de cœur. Puis quelque chose venait lui rappeler ceux qui étaient partis, et elle s'apercevait qu'elle avait bien un cœur, et qu'il souffrait.
Lily se demandait ce qu'il restait véritablement de l'Ordre. Elle avait l'impression qu'il partait en poussière, réduit à néant par la mort. Leurs petites victoires ne suffisaient pas à compenser leurs grosses pertes. Elle doutait que l'Ordre renaisse un jour de ses cendres, tel le phénix dont il tenait son nom. Elle se rappelait cette époque, lorsqu'ils sortaient tout juste de Poudlard et se pensaient invincible. Deux ans plus tard, tout partait à vau-l'eau.
Après avoir fait dîner puis couché Harry, Lily s'assit devant la fenêtre de sa chambre, dans l'un de ces grands fauteuils où James, Sirius et elle avaient passé la nuit de Noël 1977. Une demi-lune, brillante et lointaine, éclairait le village. Il était facile d'espérer lorsque le soleil brillait, mais la nuit ramenait les angoisses de Lily. Quand elle se satisfait de sa vie à Godric's Hollow, elle avait tendance à oublier la menace qui pesait sur leur tête. Les nouvelles de Bathilda lui avaient rappelé à quel point la situation était précaire. Voldemort finirait peut-être par les trouver. Le Ministère tomberait, la Grande-Bretagne avec... Ils ne pourraient pas rester sur le territoire, mais comment fuir ?
Une planche du parquet craqua et, quelques instants plus tard, James s'installa dans le fauteuil jumeau.
- Ça va ? Demanda-t-il doucement.
- Est-ce qu'on va s'en sortir, un jour ?
James tendit la main pour attraper la sienne puis lui sourit.
- Je ne sais pas.
- Tu imagines ? Mourir à vingt-et-un ans ?
Il haussa les épaules.
- Je serais assez satisfait de la façon dont j'ai rempli ces quelques années, répondit-il. J'ai passé sept années magnifiques à Poudlard, où j'ai rencontré mes trois meilleurs amis. Je me suis battu pour ce en quoi je croyais. Je ne serai jamais un joueur de Quidditch, mais ça n'a pas d'importance. J'ai eu Harry. Je t'ai aimée autant que je pouvais.
Lily lui sourit et pressa sa main.
- Vu comme ça, admit-elle.
- Je n'ai pas de regret, murmura-t-il avant de se pencher pour l'embrasser.
***
Sirius fit rouler son dessous de verre sur la nappe immaculée, tout en songeant qu'il n'aurait jamais cru que les Londubat puissent être maniaques à ce point. C'était à peine si on remarquait qu'un bébé vivait dans cette maison.
- On te dérange, Black ?
Il releva la tête et sourit innocemment à Gideon, qui garda un visage impassible. Sirius ne put s'empêcher de noter ses joues creuses et les larges cernes sous ses yeux. Il savait, grâce à Emmeline, que Gideon se sentait responsable pour la mort de Carrie. C'était lui qui l'avait recrutée dans l'Ordre. Sirius avait bien envie de lui dire que Carrie était responsable de son sort. Une enquête avait permis de comprendre qu'elle s'était rendue sur l'un des lieux d'affrontements et, de là, avait été emmenée jusqu'à l'endroit où se trouvait William. Elle avait été inconsciente et en avait payé le prix. Sirius était désolé pour elle, ainsi que pour Hardley qu'il avait fini par apprécier, mais il n'avait pas le temps de appesantir sur les morts.
- J'ai du mal à comprendre ce qu'on cherche à faire, répondit Sirius. On n'est pas assez de toute façon. C'est comme ça depuis des mois et des mois. Quoi qu'on fasse, on ne pourra jamais aider toutes les personnes qui nous le demandent.
Gideon, Frank, Alice et Benjy le fusillèrent du regard, mais Sirius ne se démonta pas. S'ils voulaient jouer à qui avaient le plus d'espoirs absurdes, tant mieux pour eux, mais il ne participerait pas. Que Gideon et Benjy se prêtent à la mascarade l'étonnait d'ailleurs au plus haut point. Ils comptaient parmi les plus cyniques du groupe.
- Quoi ? Protesta-t-il face à leurs regards accusateurs. On va sans doute tous mourir et vous le savez très bien.
- Le but, Black, c'est d'éviter que trop d'innocents meurent. Comme on a à peu près tous déjà tué quelqu'un ici, je doute qu'on rentre encore dans cette catégorie.
Sirius retint un sourire. On n'était jamais déçu par ce bon vieux Benjy. Alice avait l'air d'avoir avalé une mandragore, Frank fixait la table et Gideon regardait le plafond, les poings serrés. Finalement, peut-être qu'aucun d'eux n'avait d'espoir absurde.
- Il faut quand même qu'on fasse ce qu'on peut, dit Alice d'une petite voix. On ne peut pas abandonner.
- Certains ne se sont pas gênés, marmonna Sirius.
Il savait que la plupart des membres de l'Ordre n'en voulait pas à Margaret, mais lui oui.
Les discussions reprirent autour de la table et plus personne ne tint compte des remarques de Sirius. Alors qu'ils élaboraient un nouveau système pour juger de l'urgence des missions, Remus fit son entrée dans la salle à manger des Londubat. Il semblait terriblement pâle et fatigué.
- Excusez-moi, murmura-t-il en tirant une chaise près d'Alice. J'étais à Ste-Mangouste.
La jeune femme posa une main compatissante sur son épaule alors que Sirius demandait :
- Tu es blessé ?
- Non, on a dû ramener Maman là-bas ce matin.
Sirius s'agita sur sa chaise, gêné. Espérance Lupin n'allait pas bien depuis qu'elle avait été enlevée par les Mangemorts. Sirius avait toujours trouvé que Remus avait réussi à la tirer de là bien vite, et dans un état moins pire que ce qu'on aurait pu imaginer, mais jamais il n'avait formulé cette pensée à voix haute. Surtout pas maintenant que, trois mois plus tard, elle n'était toujours pas remise.
Malgré son inquiétude, Remus se joignit à la discussion avec bien plus de bonne volonté que Sirius, que la culpabilité poussa finalement à faire de même. Lorsqu'il quitta la maison des Londubat, il était à peu près persuadé que tout leur travail n'avait servi à rien. Il devait cependant bien admettre que les réunions de l'Ordre, même inutiles, étaient préférables à la solitude.
La nouvelle lui parvint pas hibou le premier avril. Espérance avait rendu son dernier souffle pendant la nuit. Sirius revenait d'une mission éprouvante grâce à laquelle il arborait une longue plaie sanguinolente sur le bras, pourtant il n'hésita pas une seconde à se rendre à l'hôpital pour Sorciers. Devant le bureau d'accueil, occupé à parler avec la secrétaire, il trouva Peter. Le petit blond lui adressa un sourire triste avant de l'entraîner dans les étages.
- Comment as-tu appris ? Demanda Sirius tandis qu'ils montaient les escaliers. J'ai reçu un hibou de Remus qui me demandait de te prévenir, je ne vois pas comment tu aurais déjà reçu mon courrier.
- Lily et James. J'arrive de chez eux. Remus leur a envoyé un patronus. James aurait donné n'importe quoi pour pouvoir m'accompagner.
Sirius se contenta de grogner une réponse. Il aurait aimé voir son meilleur ami ; cela faisait près de deux semaines qu'il n'avait pas eu le temps de passer à Godric's Hollow.
Une fois arrivés au bon étage, ils remontèrent le couloir jusqu'à apercevoir Remus, assis devant une porte, la tête entre les mains. Peter l'appela doucement ; il sauta sur ses pieds lorsqu'il vit ses amis et les serra tous les deux dans ses bras. Sirius se figea un instant. Il avait parfois l'impression que les Maraudeurs se disloquaient inexorablement, mais dans ces moments-là il ne savait plus que penser.
- Papa est à l'intérieur, annonça Remus après s'être écarté. Mais je ne pouvais plus rester là.
Sirius hocha la tête sans rien dire, tout en scrutant le visage de son ami. Il lisait sa souffrance au fond de ses yeux et dans chacun des traits de son visage.
- On fera ce qu'on peut pour être là au moment de l'enterrement, annonça Peter presque timidement tout en tapotant l'épaule de Remus.
Sirius lui adressa un sourire encourageant, tout en songeant qu'ils ne seraient certainement pas là. Si l'Ordre les avait un jour un peu plus soudés, il les séparait aujourd'hui plus que jamais.
***
James fouilla sous une pile de parchemins à demi enroulés pour en sortir triomphalement une équerre qui datait de l'époque de ses cours d'astronomie. Avec un sourire, il repensa à ces innombrables soirées où ils avaient pu chahuter un peu Sirius à cause de la constellation qui portait son nom.
Il appliqua finalement l'équerre sur le papier étalé devant lui, maintenu par un pot de confiture, un biberon rempli d'eau, un cube en bois et le livre qu'était en train de lire Lily. Alors qu'il traçait méticuleusement ses traits, Lily entra dans la cuisine, récupéra son bien en commentant « à moi, imbécile », puis partit dans tenir compte de ses protestations parce qu'un bout du parchemin s'était à nouveau enroulé sur lui-même. Elle revint dix secondes plus tard pour planter un baiser sur le sommet de son crâne. Il grommela quelques insultes avant de se remettre au travail, un léger sourire sur les lèvres.
Il était en train d'étudier la courbe du manche à balai et d'évaluer la nécessité que l'extrémité soit tordue. La prise en main était certes meilleure, mais la résistance au vent catastrophique. A croire que les concepteurs de balais avaient complètement laissé de côté l'aérodynamique.
Alors qu'il réfléchissait, ses yeux s'égarèrent vers un gribouillis, sous le biberon. Il le déplaça un peu et lut « sur mesure ? ». Il s'agissait d'une réflexion qu'il était venu écrire au milieu de la nuit. Tous les balais faisaient à peu près la même taille, à quelques millimètres près. Serait-il pertinent de tailler des balais sur mesure ? Les jeunes Sorciers y seraient certainement plus à l'aise, ainsi que toutes les personnes éloignées de la taille standard. Bien sûr, cela demanderait un travail colossal : il faudrait revoir toutes les variables pour chaque balai, recommencer chaque calcul pour chaque cas différent. James mordilla le bout de son crayon à papier, songeur. Plus il y pensait, et plus il était convaincu par l'idée.
Il commençait à s'imaginer couvert de gloire pour ses balais sur mesure lorsque Lily passa dans la cuisine, Harry assit sur sa hanche. Il gazouillait à tout va tout en bavant allègrement sur l'épaule de sa mère. Lily chantonnait, l'air sereine. Elle ouvrit la porte qui menait sur le jardin, et James lança, offusqué :
- Je croyais que tu allais lire !
- C'est un ouvrage sur le jardinage, mon p'tit pote Potter, rit Lily. Trouves-toi une autre cale que des choses qu'on utilise régulièrement. Un des bibelots posés sur la cheminée, par exemple.
James dut bien admettre que ce n'était pas idiot, mais il n'avait pas envie de se déplacer jusqu'au salon. Avec un temps de retard, il réalisa qu'il pouvait utiliser la magie. Il lui fallut ensuite un moment pour dénicher sa baguette sous tous les parchemins. Alors qu'il attirait à lui une monstruosité en fer que sa mère avait ramenée d'un quelconque endroit exotique, il songea que, plus le temps passait, moins il pensait à utiliser la magie pour des tâches quotidiennes. La magie faisait gagner du temps et, du temps, ils en avaient à revendre.
Le jeune homme jeta un coup d'oeil par la porte laissée grande ouverte. Lily s'affairait auprès de son potager et de ses parterres de fleurs en devenir. Elle avait posé Harry dans l'herbe, qu'il décimait allégrement tout en fourrant des brins dans sa bouche. James décida que ça ne pouvait pas lui faire de mal et se pencha à nouveau sur son travail. Lily allait être occupée pendant un bout de temps, c'était le bon moment.
Il ôta toutes les cales qui tenaient son plan, le roula plus soigneusement qu'il n'avait jamais roulé un seul de ses devoirs à Poudlard puis extirpa de sous la pile de papiers une liasse de feuilles. Celles-ci n'étaient pas couvertes de calculs d'arithmancie mais de la fine écriture de Sirius, qui n'aimait pas écrire de lettres mais n'avait rien contre les rapports de mission.
Il arrivait que Maugrey envoie des rapports à James pour qu'il les épluche et voit si quelque chose clochait, si un détail ressortait. Ces papiers-là n'avaient rien à faire à Godric's Hollow. Sirius avait été assigné à une nouvelle mission, qu'il commençait tout juste à préparer. Il notait le résultat de toutes ses excursions préparatoires et James les lisait pour se tenir au courant. Il avait bon espoir de pouvoir conseiller Sirius sur la stratégie à adopter.
Il n'aurait su dire exactement pourquoi il ne voulait pas que Lily connaisse l'existence de ces rapports. Peut-être sa propre envie d'aventure, excitée par la préparation de cette mission, le faisait-elle culpabiliser. Il aurait donné n'importe quoi pour pouvoir accompagner Sirius sur le terrain. Son meilleur ami lui permettait de vivre la guerre par procuration. C'était peut-être une forme de masochisme, mais James préférait la frustration de ne pouvoir sortir à une ignorance totale de ce qu'il se passait.
Il parvint à trouver un bout de papier vierge et commença à griffonner dessus au fil de sa lecture, comme il le faisait au QG sur le grand tableau de la salle de réunion. C'était d'autant plus nécessaire ici que la mission était délicate : Sirius avait pour mission, avec quelques autres, de faire tomber les grosses fortunes des Mangemorts. Maugrey avait fait sien l'adage « L'argent est le nerf de la guerre » et espérait qu'en coupant les vivres des Mangemorts, ils seraient ralentis. Sirius, en raison de son excellente connaissance des grandes familles de Mangemorts, était le candidat parfait pour une telle opération.
James fourra précipitamment tous les documents sous des plans de balais lorsque Lily rentra dans la maison une heure plus tard, Harry sous le bras.
- Tu n'as pas beaucoup avancé, commenta-t-elle en lui tendant son fils.
- Je réfléchissais. Le potager s'annonce bien ?
- On va dire ça comme ça. Je crois qu'il manque un peu d'eau.
- Arrose-le ?
- Il n'y a pas d'arrosoir dans cette maison.
- Et ta baguette, Evans ?
Lily se frappa le front du plat de la main tout en grommelant. Il lui fallut au moins dix minutes pour mettre la main sur sa baguette. Après avoir arrosé son jardin, elle s'assit près de James et posa ses pieds sur ses jambes sans cérémonie.
- C'est toujours un soulagement quand la journée passe vite comme ça, souffla-t-elle.
- Je crois que le pire, ce sont les soirées. Plus de bébé baveux pour nous occuper.
Lily lui concéda cela d'une grimace avant de demander :
- L'enterrement de Mrs. Lupin était cet après-midi, non ?
James hocha lentement la tête.
- J'aurais aimé y être.
- Je sais bien. Moi aussi.
- J'espère que Remus ne m'en veut pas.
- Merlin, James, il sait bien que tu n'y peux rien. Il serait idiot de t'en vouloir.
- J'imagine, répondit-il lentement. C'est juste... Ce n'est plus comme avant.
- Ça fait un moment que ce n'est plus comme avant, dit-elle doucement. Les choses ont déjà changé quand on s'est mariés. Nos vies changent, c'est tout. Il faut juste apprendre à entretenir nos amitiés d'une nouvelle façon.
Le jeune homme acquiesça sans rien dire. Il savait que Lily avait raison, mais il n'aimait pas cette idée. Il aurait aimé pouvoir concilier sa vie de Maraudeurs et celle de père de famille. Son confinement à Godric's Hollow l'en empêchait tout à fait mais il espérait pouvoir être un Maraudeur, un mari et un père une fois sorti de là.
- Ce sera sans doute plus facile quand les autres se poseront, reprit Lily. Quand je ne serai plus la seule fille du groupe et que Harry aura des petits copains avec qui jouer.
James éclata de rire avant de se rendre compte que Lily parlait sérieusement.
- Tu imagines l'un des trois marié et avec des enfants ? Sirius doit déjà s'occuper de lui-même, Peter a peur de parler aux filles et Remus... Remus serait fabuleux dans ce rôle mais tu sais bien qu'il se l'interdit.
- Oui, eh bien c'est idiot et j'espère qu'il changera d'attitude. Qu'une gentille fille le fera changer d'attitude. Quant à Sirius, il joue à l'enfant immature mais tu sais bien que ce n'est qu'une façade. Et Peter... Peter arrive à parler aux filles une fois qu'il les a un peu côtoyées.
- On est bien parti, railla-t-il.
- Ris tant que tu veux, mais un jour tu seras invité au mariage d'un autre Maraudeur, prophétisa Lily. Et moi j'aurai enfin une fille avec qui me plaindre de vous.
- Tu as déjà Bathilda.
- Ça ne compte pas. Bon je te laisse le monstre, je dois vérifier quelques potions.
Après le départ de Lily, James songea un moment à ce qu'elle lui avait dit. Sirius était en effet loin d'être immature. Ses plans pour l'opération contre les grandes fortunes de Mangemorts étaient ingénieux, même si James avait quelques suggestions à faire. Il avait hâte de pouvoir lui en parler et, ainsi, participer.
***
Albus Dumbledore, sous un sort d'invisibilité, observait l'espace à gauche de la maison de Bathilda Tourdesac. Même s'il ne voyait rien, il savait que la maison des Potter devait se trouver ici. C'était la rue des Sorciers : la maison où sa propre famille avait vécu se trouvait non loin. Tout, dans cette rue, lui était familier. Même s'il n'était pas venu pour ressasser les souvenirs, il ne pouvait s'en empêcher. Il avait passé les plus belles et les plus noires années de sa vie dans cette rue. Il leva les yeux vers le premier étage de la maison de Bathilda et, un court instant, cru apercevoir un jeune homme aux cheveux blonds s'échapper par la fenêtre. Il pouvait entendre le rire d'Ariana, lointain écho qui peinait à remonter du fond de sa mémoire. Il voyait le regard réprobateur d'Abelforth... qu'il avait vu quelques jours plus tôt à la Taverne du Sanglier. Enfin, un éclat de lumière traversait sa mémoire, celui-là même qui avait emporté Ariana dans la tombe. Debout dans cette rue, à quelques mètres seulement de l'endroit où il avait fait ses plus grandes rêves de gloire, Dumbledore se rappela pourquoi il n'avait pas proposé aux Potter d'être leur gardien du secret.
Il ne voulait pas détenir un tel pouvoir sur la vie de quelqu'un. Il s'agissait d'une question de vie ou de mort ; il n'y avait rien de plus puissant. Dumbledore savait que l'ambition risquait de le dévorer à tout moment. Tous ceux qui ne comprenaient pas pourquoi il avait toujours refusé le poste de Ministre ignorait quelles nuits d'agonie il avait passé à se rappeler pourquoi il ne le devait pas Même s'il acceptait, pourvu de la meilleure ambition du monde, il se savait capable de retomber dans ses propres travers. Tous ignoraient la façon dont il assassinait son ambition sans pitié, jour après jour, pour, enfin, servir véritablement le plus grand bien. La plupart des gens le croyaient imbus de lui même parce qu'il n'hésitait pas à reconnaître son propre génie ; ils ignoraient l'immense humilité dont il faisait preuve, jour après jour, pour se faire plus petit que ses pairs.
C'était pour cette raison qu'il était devenu directeur d'école. Il servait des enfants, des adolescents. C'était pour leurs intérêts qu'ils oeuvraient, pas pour les siens. Certains l'accusaient de formater les élèves à son image, mais tout ce qu'il souhaitait était leur communiquer une solide connaissance de la magie afin qu'ils puissent devenir ce qu'ils voulaient.
Bien sûr, il conseillait parfois le Ministère. Bien sûr, il avait des responsabilités. Mais être le maître de la vie de Lily et James Potter n'était pas envisageable. Surtout pas quand la vie de leur fils pouvait décider du cours de la guerre. Il avait préféré leur laisser le choix, les laisser décider de leur avenir. C'était ce à quoi il avait essayé de les préparer, à Poudlard.
Dumbledore reporta son attention sur l'emplacement présumé de la maison. Il y avait maintenant six mois qu'ils y étaient enfermés, et la situation n'avait pas évolué le moins du monde. Etait-il déjà trop intervenu en leur conseillant de se cacher ? Non, décida-t-il en se remémorant la façon dont Severus Rogue l'avait supplié. Ça n'avait pas été sa décision, ni même son idée, mais celle du jeune homme. Dumbledore les avait aidé et conseillé, mais il n'avait rien fait de plus. Il pouvait être en paix avec sa conscience sur ce point.
Il songea un instant à Sybille Trelawney, qui s'avérait être un professeur de Divination désastreux. Pourtant il ne doutait pas un instant que sa prophétie en était véritablement une. Un si piètre professeur n'aurait jamais pu élaborer une prophétie du genre dans son état normal. Le texte de la prophétie, gravé au fer rouge dans sa mémoire, lui revint. Maintes fois, il avait essayé d'imaginer comment les choses pourraient se dérouler. Mais tout ce qu'il voyait pour le moment, c'était que le Ministère perdait la guerre et que Harry était un bébé de huit mois. Il avait l'impression que le monde sorcier était dans une impasse. L'hypothèse la plus probable était que Voldemort vaincrait, puis que Harry le tuerait une fois en âge. Les Potter pouvaient-ils réellement rester cacher dans cette maison pendant quinze, vingt ans ? Comment Harry apprendrait-il à se battre s'il en était ainsi ? Comment tiendraient-ils, tous les trois ?
Dumbledore se rappelait très bien de la réaction de James lorsqu'il lui avait appris la nouvelle, et de la réponse qu'il lui avait donné : l'important, c'était que Voldemort les traquait. Il ne valait mieux pas se préoccuper de la façon dont un bébé était censé défaire le mage noir. Les prophéties étaient mystérieuses et, quoi que Dumbledore fasse, jamais il ne pourrait percer le mystère. Seuls les événements leur révéleraient le sens du texte.
Il ne pouvait voir la maison des Potter et en était heureux. Il valait mieux qu'il se tienne éloigné d'eux, afin qu'ils ne lui posent pas plus de question sur la prophétie. Edgar Bones lui donnait des nouvelles par le biais de Remus Lupin, et c'était bien suffisant.
Il fit donc volte-face pour rentrer à Poudlard. Il ne s'arrêta pas chez Bathilda. Il n'était pas rentré dans cette maison depuis sa jeunesse et ne comptait pas y remettre les pieds. Voir la vieille Sorcière était toujours un plaisir, mais cette bâtisse était trop pleine des souvenirs de Gellert. Il la doubla donc à grands pas, sans accorder de regard supplémentaire à cette fameuse fenêtre.
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