Une menace grandissante


Les jours qui suivirent la rencontre avec Gwenaëlle furent marqués par un étrange mélange d'appréhension et d'excitation. Chaque matin, je me réveillais avec un poids dans la poitrine, cette peur constante de ne pas être à la hauteur. Pourtant, chaque soir, après une journée d'apprentissage avec Gwenaëlle, j'avais l'impression d'avancer, pas à pas, vers quelque chose de plus grand.

« Tu progresses, » m'avait dit Gwenaëlle un après-midi, alors que nous étions dans une clairière isolée, loin des regards curieux. « Mais tu dois apprendre à faire confiance à ta magie, à ne pas la voir comme un ennemi. »

C'était là que résidait tout mon problème. Depuis cet incident avec le grimoire, la magie m'effrayait. J'avais vu ce qu'elle pouvait faire quand elle m'échappait, et cette peur me paralysait chaque fois que j'essayais d'exécuter un sort.

Gwenaëlle, de son côté, était patiente mais ferme. Elle ne me laissait pas fuir mes responsabilités, mais elle m'offrait une guidance précieuse. Ses leçons étaient souvent déroutantes, mais je savais qu'elles étaient nécessaires. Elle insistait sur le fait que la magie n'était pas une force à contrôler, mais une partie de moi que je devais accepter pleinement.

« La magie est vivante, Luna, » me répétait-elle souvent. « Elle répond à tes émotions, à tes pensées. Si tu la combats, elle te combattra en retour. Si tu l'acceptes, elle te servira. »

Ces paroles résonnaient en moi, mais les appliquer était une autre histoire. Nina, toujours présente à mes côtés, me soutenait à chaque instant. Elle regardait souvent mes tentatives avec une lueur de fierté dans les yeux, même quand je ratais un sort.

« Tu vas y arriver, » me disait-elle inlassablement. « Ça prend juste du temps. »

Mais alors que nous étions concentrées sur mon apprentissage, quelque chose d'autre se passait en arrière-plan, quelque chose de plus sombre. Les phénomènes étranges autour de nous avaient recommencé, plus intenses et plus fréquents. Les nuits étaient devenues de plus en plus agitées, marquées par des bruits inexplicables, des ombres dansantes et des murmures dans le vent. Gwenaëlle n'en parlait pas ouvertement, mais je pouvais lire l'inquiétude dans son regard. 

L'après-midi était paisible, la lumière du soleil filtrant doucement à travers les arbres qui entouraient la clairière. Gwenaëlle et moi étions assises face à face, un petit cercle de pierres délimitant notre espace. Les oiseaux chantaient au loin, et l'air était frais, mais une tension invisible planait entre nous. C'était mon premier véritable exercice de magie depuis des jours, et je pouvais sentir mon cœur battre à tout rompre.

« Concentre-toi, » murmura Gwenaëlle, sa voix douce mais autoritaire. « La magie n'est pas dans ce que tu fais, mais dans ce que tu es. Laisse-la couler à travers toi. »

Je pris une profonde inspiration, fermant les yeux, tentant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Cela faisait des jours que j'essayais de maîtriser ces exercices simples, mais chaque fois, la peur revenait au galop, et je perdais le contrôle. Aujourd'hui, j'avais promis de ne plus laisser la peur me dominer.

« Laisse tomber tes barrières mentales, Luna, » continua Gwenaëlle. « La magie ne demande pas à être contrôlée, elle demande à être acceptée. »

Ces mots résonnaient en moi, mais ils étaient plus faciles à dire qu'à faire. Depuis ce jour où la magie avait échappé à tout contrôle, j'avais du mal à me détendre. Mais je devais essayer. J'avais trop de choses en jeu.

Je tendis la main devant moi, paume ouverte. Mon objectif était simple, presque enfantin : soulever une pierre devant moi par la force de la magie. Un petit exercice de télékinésie, que Gwenaëlle jugeait essentiel pour m'aider à établir un lien direct avec ma magie intérieure.

Je me concentrai, essayant de ressentir la connexion entre mon esprit et la pierre. Gwenaëlle m'avait dit que la magie passait d'abord par le corps, par les émotions. Elle n'était pas une force brute qu'on imposait au monde, mais une énergie subtile qu'on dirigeait avec le cœur.

Soudain, je sentis quelque chose. Un frémissement léger dans l'air. Mes doigts picotaient doucement, comme s'ils étaient touchés par une énergie invisible. C'était faible, mais c'était là. Je tentai de me concentrer plus intensément, mais à mesure que la sensation grandissait, la peur aussi.

« N'aie pas peur, » chuchota Gwenaëlle, comme si elle pouvait lire mes pensées. « Ce n'est qu'une sensation. La magie est naturelle pour toi. »

Je fermai les yeux, essayant de me détendre, mais l'image de ce jour fatidique où tout avait failli exploser surgit dans mon esprit. Mon souffle se hâta, et la pierre devant moi resta immobile.

« Luna, » dit Gwenaëlle doucement, mais fermement. « Respire. Relâche-toi. »

Je tentai de suivre son conseil, prenant de profondes inspirations, mais je sentais mes nerfs à vif. Chaque tentative semblait me rapprocher de cet instant où la magie m'avait échappé. Et si cela se reproduisait ?

« Arrête de te battre contre toi-même, » ajouta Gwenaëlle. « La magie n'est pas une ennemie. »

Je pris une dernière inspiration, essayant de repousser mes doutes, et au moment où je me résignais à abandonner, je sentis la pierre bouger. C'était subtil, à peine perceptible, mais elle avait légèrement glissé sur le sol.

« Regarde ! » s'exclama soudain Nina, qui nous observait à quelques mètres de là. « Elle a bougé ! »

J'ouvris brusquement les yeux, et la pierre retomba à sa place initiale avec un bruit sourd. Mon cœur battait encore plus vite. J'avais réussi, mais c'était tellement fugace, si fragile.

Gwenaëlle esquissa un sourire approbateur. « C'est un bon début, Luna. Tu vois ? La magie est là. Tu n'as qu'à lui faire confiance. »

Je hochai la tête, mais une partie de moi restait encore sur la défensive. J'avais à peine fait bouger cette pierre, et la peur m'avait presque paralysée.

Nina accourut vers moi, le sourire aux lèvres. « T'as vu ça ? C'était incroyable ! Tu progresses, Luna. C'est évident. »

Je souris timidement, mais au fond de moi, je savais que ce n'était qu'une petite victoire. J'avais encore un long chemin à parcourir. Mais au moins, c'était un pas dans la bonne direction.

Ce soir-là, après une autre longue journée d'entraînement, nous étions rentrées chez moi. Nina était restée, comme elle le faisait souvent depuis que tout avait commencé, et nous nous étions installées dans la cuisine, partageant un repas simple. Pourtant, quelque chose dans l'air semblait différent, plus lourd.

« Tu trouves pas que les choses sont... bizarres, ces derniers temps ? » demanda Nina en cassant le silence, son visage à moitié caché derrière son bol de soupe.

Je relevai la tête, surprise par sa question. « Comment ça ? »

Elle fronça les sourcils, comme si elle essayait de mettre des mots sur une sensation difficile à décrire. « Je ne sais pas, mais... j'ai l'impression que quelque chose se prépare. Que... quelque chose de plus grand arrive. »

Je baissai les yeux, jouant avec ma cuillère. Je ressentais la même chose depuis quelques jours, mais je n'avais pas osé en parler. Je détournais alors la conversation sur autre chose que la magie .Je l'avais entraîner entraîner dans cette aventure malgré je devais la préserver.

Surtout que plusieurs jours, des phénomènes étranges s'étaient intensifiés. Au début, ce n'était que de petites choses : des objets qui disparaissaient pour réapparaître ailleurs, des courants d'air glacés dans des pièces fermées, ou encore des bruits inexplicables dans l'appartement. Mais récemment, cela avait pris une tournure plus inquiétante.

Cette nuit, alors que Nina et moi étions en train de discuter dans ma chambre, la porte s'était brusquement fermée toute seule, avec une telle violence que nous avions toutes les deux sursauté. Un autre jour, nous avions entendu des murmures venant d'une pièce vide. Ces manifestations devenaient de plus en plus fréquentes, et de plus en plus agressives.

« Tu crois que c'est lui ? Gabriel ? » demanda Nina, sa voix marquée par l'anxiété.

Je sentis un frisson me parcourir. « Je... je ne sais pas. »

Les mots de Gwenaëlle tournaient en boucle dans ma tête depuis notre dernier entraînement. « Gabriel est un être de ruse et de patience. Il frappe là où tu es le plus vulnérable. » Et je savais très bien où se trouvait ma faiblesse : Nina.

Plus les jours passaient, plus je sentais qu'elle était en danger. Les phénomènes se concentraient souvent autour d'elle. La nuit précédente, elle avait senti une main glacée effleurer son bras alors qu'elle s'endormait sur mon canapé. Elle avait d'abord pensé qu'elle rêvait, mais au réveil, elle m'avait raconté cet épisode avec un visage livide.

Je me levai de ma chaise, le cœur battant, et allai vers la fenêtre. Dehors, la nuit était noire, et les lumières de la ville semblaient vaciller légèrement, comme si elles étaient affectées par une présence invisible.

« Luna, tu crois que ça va s'aggraver ? » demanda Nina derrière moi, brisant le silence.

Je me retournai lentement vers elle. « Je crois que oui. »

Elle soupira et passa une main dans ses cheveux, visiblement nerveuse. « Alors qu'est-ce qu'on fait ? On attend qu'il frappe ? »

Je me mordis la lèvre. L'attente était insupportable. Gwenaëlle avait dit que Gabriel se préparait, mais elle n'avait donné aucun détail sur quand ou comment il frapperait. Tout ce que je savais, c'était qu'il cherchait à me forcer à l'affronter en exploitant mes faiblesses. Et Nina était en première ligne.

Cette nuit-là, je fus réveillée par un bruit sourd. Mon cœur battit plus vite. J'étais seule dans ma chambre, mais quelque chose n'allait pas. Le silence dans l'appartement était anormal. Pas un souffle d'air, pas un grincement, pas même un murmure habituel de la nuit.

Je me levai lentement, essayant de ne pas céder à la panique. En sortant de ma chambre, j'aperçus Nina, debout dans le couloir, les bras croisés, comme si elle attendait quelque chose. Ses yeux étaient grands ouverts, mais elle semblait... absente. Je m'approchai doucement.

« Nina ? » chuchotai-je, ma voix tremblante.

Elle ne répondit pas. Ses yeux semblaient fixés sur un point invisible devant elle, et sa respiration était lente, mécanique. Un frisson de terreur monta en moi.

« Nina ! » répétais-je, plus fort cette fois.

Soudain, son corps se contracta violemment, comme sous l'effet d'une onde de choc invisible. Ses bras se raidirent, et un cri aigu s'échappa de sa gorge, déchirant le silence de la nuit. Je me précipitai vers elle, la prenant par les épaules, mais elle ne réagissait toujours pas. Son corps tremblait violemment, comme si une force invisible l'animait.

Je sentis la panique me submerger, mais une voix intérieure me dit de ne pas céder. C'était lui. Gabriel sans aucun doute cette fois . Il essayait de l'atteindre à travers moi. Et je ne pouvais pas le laisser faire.

Je fermai les yeux et, malgré la terreur qui m'envahissait, je tentai de me concentrer. Gwenaëlle m'avait dit de faire appel à la magie en cas de besoin, et si j'étais incapable de me protéger, je devais au moins essayer de protéger Nina.

Je posai mes mains sur ses bras et murmurai un sort de protection, comme Gwenaëlle me l'avait appris. Mon cœur battait à tout rompre, et je pouvais sentir la magie hésiter en moi, réticente à obéir. Mais je ne pouvais pas faillir maintenant. Pas pour Nina.

La chaleur de la magie commença enfin à se propager dans mes mains, s'enroulant doucement autour de Nina. Son corps se détendit peu à peu, ses tremblements ralentissant, jusqu'à ce qu'elle s'effondre dans mes bras, épuisée mais consciente.

Je restai là, le cœur battant, tremblante de la tête aux pieds, tandis que je serrais Nina contre moi. Elle était en sécurité pour l'instant, mais je savais que ce n'était que le début. Gabriel venait de lancer sa première attaque, et la prochaine serait sûrement bien pire. Je protégerai à tout prix ma chère et tendre Nina la dernier personne de précieuse à mes yeux .

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