Le sort du déverrouillage
Je me tenais là, immobile, au centre du caveau, entourée par l'obscurité pesante. Matthieu venait de m'expliquer que le moment était venu de lancer le sort, celui qui déverrouillerait les pages cachées du grimoire. Mon cœur battait la chamade. Il y avait une lourdeur dans l'air, une tension presque palpable.
Nina restait à mes côtés, comme toujours, ses doigts toujours entrelacés avec les miens, un soutien silencieux qui me donnait la force d'avancer. Je pouvais sentir la légère nervosité qui l'habitait, mais elle ne disait rien. Sa présence suffisait à calmer mes doutes.
"Le sort que tu vas lancer est complexe," déclara Matthieu, sa voix résonnant dans le caveau. "Il va déverrouiller les secrets scellés du grimoire, mais il va aussi ouvrir une porte vers des forces que tu ne pourras pas contrôler immédiatement. C'est un rite de passage. Une fois le sort lancé, tu ne pourras plus faire marche arrière."
Je déglutis, fixant le grimoire que j'avais apporté avec moi. Ce livre, source de tant de mystères et de réponses inaccessibles jusqu'à présent, semblait presque vibrer dans mes mains. C'était comme s'il me demandait de libérer ce qui y était enfermé.
Matthieu s'approcha de moi, posant une main sur mon épaule. "Tu es prête, Luna. Tu es née pour accomplir cela, et il est temps que tu prennes ta place dans cette lignée."
Je regardai Nina, qui me fit un sourire encourageant. "Tu peux le faire," murmura-t-elle doucement.
Je pris une profonde inspiration et ouvris le grimoire. Les pages étaient anciennes, délicates, mais je sentais l'énergie qui y circulait. Matthieu me tendit une petite fiole remplie d'un liquide étrange, presque luminescent. "Verse-le sur la première page. Le sort commencera dès que le liquide touchera le parchemin."
J'hésitai un instant, mes mains tremblant légèrement, mais je savais que c'était maintenant ou jamais. D'un geste résolu, je versai le contenu de la fiole sur la première page du grimoire. Le liquide se répandit rapidement, s'infiltrant dans les fibres du papier. Aussitôt, une lumière bleutée émana du livre, éclairant tout le caveau d'une lueur surnaturelle.
Les symboles sur la page se mirent à bouger, comme s'ils prenaient vie. Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait éclater. Une étrange chaleur envahit mon corps, me parcourant de la tête aux pieds.
"Maintenant," dit Matthieu, d'une voix calme mais autoritaire, "récite les mots."
Je levai les yeux vers lui, puis vers Nina. Elle me lança un regard confiant, m'invitant à continuer. Je pris une nouvelle inspiration et commençai à réciter les mots inscrits sur la page. Ils étaient dans une langue ancienne, une langue que je n'avais jamais apprise mais que je comprenais parfaitement.
Dès les premières syllabes, l'air autour de nous changea. Une brise légère souffla à travers le caveau, bien que nous soyons à l'intérieur. La lumière émanant du grimoire devint plus intense, presque aveuglante. Je pouvais sentir l'énergie du livre se fondre en moi, traversant mon corps, alimentant mes pouvoirs.
C'est alors que quelque chose d'inattendu se produisit. Une force invisible sembla résister, comme si quelque chose s'opposait à l'activation du sort. Mon corps se raidit sous la pression, mais je continuai à réciter, malgré la douleur qui montait dans ma poitrine.
Nina serra ma main plus fort, m'encourageant en silence. Matthieu m'observait attentivement, prêt à intervenir si nécessaire.
Le grimoire se mit à trembler violemment entre mes mains, et je poussai un cri étouffé. Mais je refusai d'abandonner. Avec toute la force que je pouvais rassembler, je prononçai les dernières syllabes du sort. La lumière atteignit alors son apogée, puis... tout devint noir.
Soudain, je me retrouvai ailleurs. J'étais entourée d'une obscurité oppressante, presque palpable, comme si les ombres m'enveloppaient. Je ne pouvais pas bouger, mes membres semblaient figés. Tout autour de moi, des murmures indistincts résonnaient, des voix que je ne parvenais pas à comprendre. La peur monta en moi, un sentiment de vide profond.
C'est alors qu'une lumière douce perça les ténèbres. Elle grandit lentement, éclairant un chemin devant moi. Mes jambes se débloquèrent, et je fis un pas hésitant vers cette lueur. Au fur et à mesure que je m'approchais, des silhouettes commencèrent à se dessiner.
Mon souffle se coupa lorsque je reconnus leurs visages.
Devant moi, je vis mes parents biologiques. Je ne les avais presque jamais connus, seulement à travers de vagues souvenirs et des photos éparses. Ma mère était belle, avec des cheveux noirs semblables aux miens et des yeux doux emplis de tendresse. Mon père se tenait à ses côtés, son regard empli de fierté. Ils étaient là, dans cette lumière, comme une ancre dans l'obscurité.
Je m'avançai un peu plus, hésitante, le cœur battant. Ils me sourirent, un sourire qui semblait tout dire sans un mot. C'était comme s'ils m'invitaient à les rejoindre, mais en même temps, je sentais qu'ils étaient là pour me guider.
"Vous..." ma voix trembla, étouffée par l'émotion. "Vous êtes vraiment là ?"
Ils ne répondirent pas, mais je sentis leur présence m'envelopper d'une chaleur réconfortante. Alors que je pensais que rien de plus surprenant ne pouvait arriver, deux autres silhouettes apparurent dans la lumière.
Mes parents adoptifs.
Je sentis les larmes me monter aux yeux en les voyant. Ils avaient été tout pour moi, m'aimant inconditionnellement jusqu'à leur mort tragique. Mon père adoptif, avec son grand sourire chaleureux, et ma mère adoptive, douce et protectrice. Ils étaient là aussi, veillant sur moi depuis tout ce temps.
Les quatre se tenaient ensemble, formant un cercle autour de moi. L'obscurité semblait reculer devant leur lumière. Je sentis une main invisible toucher mon cœur, une force qui m'aidait à me lever, à affronter les ténèbres qui me cernaient.
"Ne crains pas les ombres," murmura une voix dans ma tête, une voix familière, douce. C'était ma mère adoptive. "Tu n'es jamais seule. Nous sommes toujours là, avec toi."
Alors que leurs voix me réconfortaient, j'entendis une autre voix, plus proche, plus familière encore.
"Luna..."
Je tournai la tête, et c'est alors que je la vis.
Nina.
Elle était là, comme un phare dans l'obscurité. Sa silhouette se tenait juste à la limite de la lumière, mais elle avançait doucement vers moi, tendant la main, me souriant avec la même douceur et la même chaleur qu'elle avait toujours eues. Mes parents, biologiques et adoptifs, semblaient s'écarter légèrement pour la laisser entrer dans ce cercle protecteur.
"Nina ?" soufflai-je, surprise de la voir ici, dans ce rêve, dans cette rencontre presque sacrée avec mes deux familles. Mais sa présence semblait naturelle, comme si elle faisait partie de tout cela, comme si elle était un lien essentiel entre mon passé et mon avenir.
Elle hocha la tête, ses yeux brillants de confiance. "Je suis là, Luna. Je t'aiderai à traverser tout ça."
Je sentis sa main serrer la mienne, m'apportant une sensation de paix que je n'avais jamais connue. Sa présence était réelle, tout comme celle de mes parents. Tous, ensemble, ils m'aidaient à traverser ces ténèbres qui semblaient me piéger.
Les ombres autour de nous s'effacèrent, reculant sous l'effet de cette lumière douce et protectrice. Nous marchions tous ensemble, ma famille biologique, mes parents adoptifs, et Nina à mes côtés, leurs forces combinées chassant l'obscurité.
"Tu as toujours été protégée," continua la voix de ma mère biologique. "Tu es plus forte que tu ne le penses."
Je réalisai alors que cette épreuve n'était pas seulement physique. Elle était aussi émotionnelle. C'était un passage, une transition vers une nouvelle phase de ma vie. Un lien profond avec mes deux familles, biologique et adoptive, se tissait ici, dans ce rêve, et Nina était là avec moi, comme un ancrage dans cette réalité.
Alors que je marchais, je sentis leur force me soutenir. Ils étaient là pour moi, m'accompagnant à chaque pas, et je compris que je pouvais affronter tout ce qui m'attendait.
La lumière s'intensifia autour de moi, et avant que je ne puisse dire un mot de plus, tout devint flou. La chaleur et la lumière disparurent, me laissant avec une dernière sensation de paix, d'amour... et de force.
Je me réveillai brusquement, allongée sur le sol froid du caveau. Le rêve s'évanouissait déjà, mais je pouvais encore sentir la chaleur de leurs présences. Mes yeux s'ouvrirent lentement, et je vis Nina penchée au-dessus de moi, son visage inquiet.
"Luna, tu vas bien ?" murmura-t-elle, sa voix tremblante.
Je hochai la tête, encore sous le choc de ce que je venais de vivre. J'avais vu mes parents. Je les avais sentis, tous les quatre, et Nina était là aussi, comme une promesse que je n'étais jamais seule. Je n'étais plus la même. Quelque chose en moi avait changé, et je savais que ce que je venais de déverrouiller dans le grimoire ne concernait pas seulement la magie. C'était bien plus profond que cela.
D'une main encore tremblante, je saisis le grimoire. Je pouvais sentir l'énergie qui en émanait, plus vive, plus sombre qu'auparavant. Les pages, désormais accessibles, semblaient vibrer sous mes doigts. Lentement, je commençai à les feuilleter, mon cœur battant plus fort à chaque nouvelle page tournée.
Des signes étranges commencèrent à apparaître sur le papier, des symboles inconnus qui prenaient forme, se transformant en mots dans cette langue ancienne que je pouvais mystérieusement lire. C'était comme si le livre me parlait directement, comme si une part de moi connaissait déjà ces secrets enfouis.
Mais ce que je découvris me laissa sans voix.
Il ne s'agissait plus de simples sorts de protection ou de lévitation. Ce que je lisais maintenant était bien plus ancien, bien plus dangereux. Des rituels occultes, des sorts de nécromancie... et des sorts d'attaque. Les pages révélaient des sorts capables de manipuler la vie et la mort, de contrôler les esprits des défunts, de puiser dans des forces sombres que je n'avais même pas imaginées.
Je m'arrêtai un instant, sentant une vague d'angoisse monter en moi. Ces sorts n'étaient pas destinés à être utilisés à la légère. Ils portaient en eux un immense pouvoir, mais aussi une grande responsabilité.
Nina, qui observait silencieusement à mes côtés, se pencha légèrement pour regarder les pages. "Luna... c'est... c'est vraiment ce que je crois ?"
Je hochai la tête, mes yeux parcourant encore les mots qui se formaient sous mes doigts. "Oui. Ce sont des rituels... des rituels de nécromancie et des sorts d'attaque. Des choses que je n'aurais jamais cru possibles."
Un frisson me parcourut l'échine. Ce savoir était terrifiant, mais une part de moi sentait qu'il serait nécessaire. Gabriel était une menace que je ne pouvais pas combattre avec de simples sorts de protection. Ce que j'avais sous les yeux, aussi sombre que cela puisse paraître, pourrait être ma seule chance de le vaincre.
"Mais est-ce que tu veux vraiment apprendre tout ça ?" murmura Nina, son regard plein d'inquiétude. "Ça semble... dangereux."
Je pris une profonde inspiration, pesant ses mots. Nina avait raison. Plonger dans ce genre de magie n'était pas sans risques, et je savais que tout choix que je ferais à partir de ce moment aurait des conséquences.
"Je n'ai pas le choix," murmurai-je, mes yeux rivés sur les pages. "Si je veux affronter Gabriel, je dois être prête à utiliser toutes les ressources à ma disposition."
"Tu dois retourner voir Gwenaëlle, et rapidement," déclara-t-il, sa voix grave résonnant dans le caveau.
Je fronçai les sourcils. "Mais elle est injoignable. Nous avons essayé plusieurs fois, mais elle ne répond pas."
Matthieu esquissa un sourire énigmatique et pointa du doigt le grimoire. "Elle attendait que tu obtiennes cela. Comme moi, elle se cache et ne se montre que lorsque c'est absolument nécessaire."
Je restai immobile, essayant de comprendre. Gwenaëlle m'avait toujours paru imprévisible, mais cela expliquait pourquoi elle restait si distante. Elle attendait que je sois prête, que je sois capable de déverrouiller les secrets du grimoire.
"Tu dois la trouver," insista Matthieu. "Elle a encore beaucoup à t'enseigner, et maintenant que tu as déverrouillé ces sorts, tu auras besoin de son aide plus que jamais."
Nina ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais avant qu'elle ne puisse parler, un craquement soudain de branches résonna dans l'air, brisant le silence du caveau. Le son résonna comme une alerte, et je sursautai, tout comme Nina. Mes yeux se tournèrent instinctivement vers l'entrée, cherchant la source de ce bruit.
Quand je regardai de nouveau Matthieu, il avait disparu dans les ombres, comme s'il ne faisait plus qu'un avec la pénombre environnante.
"Matthieu ?" appelai-je, mais seule l'obscurité me répondit.
"Qu'est-ce que c'était ?" demanda Nina, sa voix tendue.
Je serrai le grimoire contre ma poitrine, encore sur le qui-vive. Un instant plus tard, une silhouette apparut à l'entrée du caveau. Nina et moi échangions un regard inquiet. Mais ce n'était pas une menace.
Un homme d'un certain âge, vêtu d'une veste de randonnée, nous regarda avec curiosité. "Excusez-moi, je vous ai entendues parler... Vous allez bien ? Je me suis inquiété en entendant des voix ici."
Le soulagement me traversa, mais l'adrénaline restait présente dans mon corps. "Oui, tout va bien," répondis-je d'une voix rapide. "Nous avons juste... un peu discuté."
Le randonneur hocha la tête avec un sourire bienveillant, visiblement soulagé. "D'accord. Soyez prudentes, la nuit tombe vite dans cette forêt." Il s'éloigna sans plus de questions, nous laissant seules à nouveau.
Je poussai un soupir, mon cœur battant encore fort dans ma poitrine. Nina se tourna vers moi, un mélange de nervosité et de rire dans les yeux. "Eh bien... on dirait que même les randonneurs aiment se perdre dans des endroits effrayants."
Je ne pus m'empêcher de sourire malgré la tension. "Oui, mais je pense que c'est Matthieu qui disparaît de cette manière qui est le plus étrange."
Nina hocha la tête. "Il a dit que tu devais retourner voir Gwenaëlle. Que faisons-nous maintenant ?"
Je regardai le grimoire dans mes mains, ressentant à la fois le poids de la responsabilité et une étrange certitude. "Nous devons la trouver. Ce n'est que le début."
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