Scène 6

𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟞 : 𝕝𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

Levi

— Je la déteste.

Je quitte mon verre des yeux pour me joindre à la conversation entre Adèle, Blake et quelques de nos amis. Bon, surtout ceux d'Adèle et Blake, je ne supporte pas grand monde autre que mes deux amis d'enfance.

Le problème avec Hollywood, c'est que le jeu d'acteur ne se limite pas au tournage. L'hypocrisie règne en maitre, surtout parmi eux. Je pourrais m'aventurer à vous révéler tous les drama et les coups bas que la vingtaine de personnes réunies ici se sont faits, mais je ne suis pas du genre à colporter les rumeurs. Je laisse ça aux célébrités et influenceurs présents.

— Mais... tu dis que c'est qui ?

— Personne ! Justement ! J'ai fait des recherches. Cette fille n'est personne, elle ne connait personne et personne ne la connait. J'ignore comment elle a pu avoir une convocation aux auditions, s'indigne Adèle, avant d'enfiler un verre de mojito et d'en prendre un autre sur la petite table près d'elle.

Ma mère n'est pas la seule avec une consommation excessive ce soir...

— En plus, elle n'a absolument rien à avoir avec Alice, vraiment je ne comprends pas, ajoute Enzo.

— Ils veulent juste bien paraître, pour leur inclusivité de merde, répond Kimberley assise sur le transat à côté d'Adèle.

La fête qui devait normalement être en mon honneur s'est transformée en la consolation d'Adèle par tout son groupe de support. Ça fait des heures qu'elle se plaint de Kenza et que les autres lui donnent raison. À nouveau, je me retrouve dans l'ombre.

Ça ne me dérange pas. J'aurais juste voulu y être avec elle et non l'écouter me parler d'une fille dont je ne veux pas entendre le nom.

— Mais ils n'ont pas le droit de faire ça ! Ils n'oseraient jamais faire jouer un étranger par une personne blanche alors pourquoi ils font le contraire ? demande Courtney. Ça n'a aucun sens !

— En fait... il y a eu plein de rôles qui ont été white washed, comme Ghost in the Shell, Harriet, absolument tous les films sur l'Égypte, The Last Samouraï-

Enzo me fait signe de me taire.

Je réalise trop tard que j'ai merdé. Adèle me toise, lève les yeux au ciel et tourne ma tête. J'avais oublié que c'était une séance de repomper son ego blessé.

Je l'ai déçue.

Des larmes se forment sur ses yeux.

— C'est tellement injuste, tremble la voix d'Adèle.

— Tellement.

— Vraiment.

— Inacceptable.

— Je la déteste, répète Adèle avant de tirer sur la paille de son cocktail.

— Moi je dis qu'il faut trouver un moyen d'empêcher ça.

Tous acquiescent avant de se mettre à brainstormer sur les manières d'empêcher Kenza d'incarner le personnage d'Alice. À mesure qu'on lui propose des traitements plus cruels les uns que les autres, Adèle regagne le sourire.

Kenza ne le sait pas, mais elle s'est faite une ennemie, une des plus redoutables qui plus est. Elle et ses suiveurs.

— Et toi Levi, tu en penses quoi de devoir jouer avec elle ?

Je constate que tous les regards sont braqués sur moi.

— Hein ?

— De devoir jouer avec elle, ça te fait quoi ?

Oh... ça me fait chier, je n'ai pas envie, cette fille je ne l'aime pas, elle n'a rien à faire dans ce film et près de nous, elle n'est pas à sa place, elle a volé mon script et a volé le rôle qui aurait dû revenir à Adèle.

— Euh-

J'ai à peine le temps de voir Blake qui était dans la maison foncer vers moi, accroché son bras sous mon cou façon catch avant de m'entrainer avec lui dans la piscine. Je me retrouve à me battre pour remonter à la surface pendant que Blake me tient toujours sous l'eau. Il finit par me lâcher et je peux remontrer. Je me hisse à la bordure en ciment et me mets à tousser la tasse que j'ai bue. Blake sort de l'eau peu après, hilare. Il se rend jusqu'à Adèle et boit dans son verre en me souriant.

— Une chance que tu n'as pas à jouer Aquaman parce qu'on dirait que l'eau n'est pas ton élément Levi.

Les autres se moquent de moi qui crache encore mes poumons à même le sol. Je me tourne vers Blake qui arrête de rire et se met à reculer.

— Attends, Levi, attends-

Trop tard, à mon tour, je lui bondis dessus pour le noyer après ce qu'il vient de me faire, et devant Adèle en plus. Celle-ci éclate de rire, se lève enfin de son trône, retire son pagne pour révéler son corps fin derrière un maillot de la couleur de ses yeux avant de plonger dans la piscine elle aussi.

Ses suiveurs nous rejoignent et cette pool party en devient une vraie, grâce à Blake. Au rythme de la musique, nous nageons, dansons, buvons, consommons pour certains.

Quand la soirée se termine, je suis le seul encore sobre. Blake est allongé quelque part dans son immense court arrière, ses domestiques se chargeront de lui. Les autres ont fait appel à leur chauffeur pour rentrer chez eux, les plus téméraires ont pris le volant ivres.

Moi j'ai décidé de ramener Adèle chez elle avant de rentrer dans mon loft.

Une fois devant son manoir, je la porte et la conduis à l'intérieur. Je l'amène jusqu'à sa chambre et l'étends sur son lit.

— Hmmm, merci, Blake...

— Levi.

— Levi~

Je ris avec elle. Elle est totalement saoule. Nous avons une conversation sans queue ni tête alors que je l'aide à se mettre à l'aise dans son lit.

La porte de sa chambre s'ouvre et c'est sa mère qui entre. Aussitôt, Adèle se crispe.

— Tu es enfin rentrée. Où étais-tu ? Tu avais pilate à 19h00.

Elle ne prend même pas la peine de me saluer.

— Bonsoir madame Cimone-

— Où étais-tu Adélaïde ? augmente-t-elle les décibels.

Adèle baisse la tête.

— Chez Blake.

— Donovan ?

Elle hoche la tête.

— Vous répétiez ton rôle ?

Son rôle?

— Oh, j'oubliais, tu n'as pas obtenu le rôle. Tu te permets de fêter après un échec ?

Je ne suis jamais aussi mal à l'aise que lorsque les parents d'Adèle s'adressent à elle. Nous avons un peu eu la même vie, acteurs depuis l'enfance, constamment sous la loupe des médias et de notre entourage. Nos parents ont tous des attentes élevées à notre égard, mais ceux d'Adèle sont carrément... malsains. Petit, ils me terrifiaient, aujourd'hui, ils me dégoutent.

— Pardon...

— Et en plus, tu te permets de passer du temps avec celui qui, lui, a su être à la hauteur pour son rôle. Ne connais-tu donc pas la honte, ma fille ?

— Pardon, souffle à nouveau Adèle.

— Est-ce que tu réalises au moins ce que ce rôle aurait représenté pour ta carrière ?! Tout l'argent, les cours et le temps qu'on a investis sur toi n'ont donc servi à rien pour que ton rôle soit pris par une étrangère ?! Es-tu donc si médiocre ?!

— Pardon, tremble la voix d'Adèle.

Je ne sais pas comment réagir... j'ai déjà un jour essayé de défendre Adèle face à ses parents, mais après, elle m'en a voulu. Elle m'a dit de ne plus me mettre entre ses parents et elle et m'a ignoré pendant plusieurs mois.

Alors... je ne sais vraiment pas comment l'aider. « Fait comme moi, baisse la tête en attendant que ça passe », m'avait-elle dit.

— Pff, et tu ne te prépares même pas pour un potentiel second rôle, tu manques tes cours, tu fais la fête, tu bois, Adélaïde tu bois !! Tu as vu tes dernières statistiques ?! Tu les as vues comme moi, n'est-ce pas ?

Adèle hoche la tête.

— Eh bien ?!

— J'ai pris un peu de poids, répond Adèle.

Sa mère s'esclaffe.

— Un peu ?!

Elle fond sur nous, se penche au-dessus de sa fille et lui attrape les bourrelets.

— C'est ça que tu appelles un peu ?! J'aurais dû me douter que tu cachais quelque chose à toujours porter des pulls. À ce rythme tu finiras comme une baleine échouée, tu m'étonnes qu'on ne veut pas de toi dans un film-

Elle se tourne quand j'attrape sa main. Adèle lève la tête, panique et la secoue, pour me décourager d'intervenir. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas la laisser subir comme ça.

— On revient d'une pool party, madame. Elle a fait bien plus de sport qu'une heure de pilate lui en aurait fait faire, elle n'a presque pas bu, mentis-je. Et puis elle est assise, c'est normal que son ventre se replie.

Barbara Cimone me fusille du regard, mais quand je resserre ma prise autour de son bras pour lui exprimer mon mécontentement, elle finit par arrêter de pincer le ventre de sa fille dont le visage était tordu de douleur.

Elle se redresse et la regarde de haut.

— Au moins. Mais la nage, ça fait des épaules trop développées, on ne voudrait pas qu'elle ait en plus l'air d'un body-builder.

— Il faut bien plus que ça pour être un body-

Adèle plante ses ongles dans ma main pour que je me taise. Le regard de sa mère alterne entre elle et moi, et je n'y lis que du dédain.

— Je te ferai parvenir ton nouveau régime, on baisse à 900 calories par jour.

900 calories?!!! Ce n'est pas humain!!

— Oui maman, se résigne Adèle.

— Bien. Levi, laisse-la maintenant, je n'ai pas envie de gérer des cernes en plus de son poids alarmant.

Elle tourne le dos et claque la porte. Adèle souffle et essuie ses larmes. Je la regarde, la gorge serrée, impuissant. Adèle est adulte, je ne peux même pas porter plainte pour ce que ses parents lui font subir, c'est son choix...

— Adèle...

— J'avais tout fait. J'avais perdu du poids, j'avais répété mon rôle encore et encore jusqu'à en perdre conscience. Ce rôle était pour moi... je le méritais... j'en avais besoin! Si je l'avais, elle me féliciterait... elle me laisserait tranquille... au moins pour quelques mois, elle me laisserait respirer.

Oh...

— Je suis désolé, Adèle, dis-je en posant ma main sur sa joue.

Elle la retire.

— Ce n'est pas tes excuses que je veux. Je veux le rôle. Rentre chez toi, je dois dormir.

— Adèle-

— Va-t'en, s'il te plait.

Je sais qu'elle ne le pense pas vraiment. C'est parce que sa mère a demandé que je m'en aille, elle a peur que si je reste trop longtemps ça ne lui retombe dessus. Je soupire et me lève.

— Bonne nuit, Adèle.

— Bonne nuit, Levi... désolée.

Elle s'excuse chaque fois que je suis témoin de ses interactions avec ses géniteurs. Je sors du manoir Cimone le cœur brisé pour elle. Je n'ai aucun doute qu'Adèle a tout donné pour ce rôle. Elle le méritait, plus que quiconque.

J'entre dans ma voiture et sors des beaux quartiers pour m'engouffrer dans la ville, en direction de chez moi.

Kenza... Kenza Belbachir. C'est elle qui a le rôle d'Adèle.

Elle doit le lui rendre.





Kenza

On crève de chaud !

C'est le seul vrai désavantage de la Californie avec le prix des loyers, il fait terriblement chaud. Je donnerai tout pour un système de climatisation. En fait, je donnerai tout pour un appartement qui fait moins pitié, dans un quartier moins dangereux, avec la clim, la piscine et trois congélateurs pleins à rebord de bonne glace à la pistache.

— Hmm... je fantasme sur de la glace maintenant...

C'est dans ses moments que je regrette la jolie maison unifamiliale en zone rurale de mes parents. J'y étais si bien. Voyons le bon côté des choses, ma précarité me donne un point en commun avec Alice. Je n'ai pas besoin de faire semblant d'être pauvre, je le suis déjà. Je suis pauvre et seule.

Amar est allée passer la nuit chez son fiancé. Quand je dis passer la nuit, j'entends par là qu'ils vont probablement regarder un film, lire des scénarios à elle et aller se coucher. Amar est vertueuse, c'est juste qu'il habite trop loin pour qu'elle rentre vu l'heure, Wadih ne la laissera jamais rentrer seule. Je pensais moi aussi me faire une soirée film avec Israe, mais elle m'a dit qu'elle avait autre chose de prévu.

Ces derniers temps, je la trouve un peu distante. Elle a certes toujours été un peu sévère et réservée et s'entend mieux avec Amar vu qu'elles ont le même âge, mais depuis que j'ai eu le rôle d'Alice je la trouve... amère. Au départ, elle a été comblée de joie, après tout, elle a répété avec moi pour que j'aie le rôle. Mais quand j'ai signé le contrat, quand les appels se sont multipliés, quand j'ai arrêté de travailler pour pouvoir me consacrer entièrement à ce que j'aime, je l'ai sentie envieuse. Elle et moi berçons le même rêve et elle depuis plus longtemps. Elle en a bavé, a coupé les ponts avec sa famille pour poursuivre son rêve... cinq ans plus tard, elle travaille comme femme de ménage dans un hôtel.

Alors que moi, même si j'ai aussi eu mon lot de dures épreuves, je m'en suis plutôt bien sorti. J'avais les économies de mes parents pendant un moment et quand je n'avais plus rien, je les avais, elle et Amar.

Amar m'a dit que c'est normal, que ça passera qu'elle s'est probablement éloignée pour digérer le sentiment d'injustice et éviter que la jalousie n'envenime notre relation. Israe est très mature et je l'admire encore plus pour cette raison. Comme je me sentais mal, je lui ai promis que je profiterais de l'opportunité que j'ai pour lui ouvrir les portes qui jusqu'ici lui étaient fermées. Elle n'a fait que me servir un demi-sourire avant d'aller s'enfermer dans sa chambre. Depuis, elle m'évite.

Alors, ce soir, je suis seule dans l'appartement à cuire en lisant le script de ce film. Le film devrait avoir une durée de deux heures et demie, ce qui est énorme, alors le script est consistant.

Mais je ne peux pas rentrer en arrière. J'ai signé le contrat il y a de cela quelques jours. On compte sur moi et surtout, je dois leur prouver à tous que je mérite ma place.

J'ai même commencé à répéter certaines scènes, toujours équipée de mon livre et de ma caméra. Je les ai toutes jouées au moins une fois. Enfin, toutes à l'exception de celles où je dois jouer avec Levi.

Là, il commence à se faire très tard, bientôt minuit. Beatrice a été très claire sur la discipline que je dois avoir. Je dois avoir une excellente hygiène de vie pour maintenir le physique parfait, et les cernes, c'est non.

Je me lève, me douche, car j'ai transpiré, me vêtis d'un t-shirt et de shorts confortables pour dormir. Je me brosse les dents et pense à ranger tout ce que j'ai sorti au salon. Amar déteste le désordre. Mais la chaleur me décourage. Normalement, elle ne sera pas rentrée avant midi, j'aurais donc toute la matinée de demain pour faire du ménage dans des conditions plus supportable.

Alors que je bâille en me dirigeant vers ma chambre, j'entends toquer à la porte.

Je stoppe net.

Elle est déjà rentrée?

— Israe ?

Je m'apprête à ouvrir quand je me rappelle qu'Israe habite ici. Si elle a besoin d'entrer, elle a les clés... elle ne toque jamais...

Bizarre.

Comme la porte n'a pas de Judas, je sors mon téléphone et m'apprête à l'appeler sur FaceTime quand les coups résonnent encore, plus forts, plus francs, me faisant sursauter.

— Qui-qui est là ?!

— Kenza ?! C'est bien chez toi ?

Je reconnais la voix et n'y crois pas, mais quand je me dépêche d'ouvrir, je découvre que c'est bel et bien Levi von Neumann qui se tient là, devant moi. Ce qui me frappe en premier c'est sa chemise rouge avec un imprimé de palmiers ouverte sur son abdomen musclé, son maillot qui est lui aussi rouge et ses tongs.

Je pouffe de rire.

— Levi ? Que fais-tu ici ?

Il ne prend pas la peine de répondre à ma question et s'engouffre dans mon appartement.

— Qu- qu'est-ce que tu fiches ?!

Il s'arrête finalement dans mon salon. Ses yeux balaient chaque recoin de la pièce avant de descendre sur moi. Il a ce petit air supérieur qui me donne envie de les lui faire bouffer. Je l'aurais fait s'il ne faisait pas deux têtes de plus que moi et n'avais pas une telle stature.

— De quel droit tu te permets d'entrer comme ça chez les gens-

— Alors c'est vrai... tu n'es vraiment personne...

Je m'arrête, confuse.

— Pardon ?

— Quand j'ai fait des recherches sur toi tout à l'heure je n'arrivais pas à croire que tu vivais dans un lieu si... miteux, dit-il en grimaçant.

Je rêve ?!

— C'est quoi ton problème ?! Tu débarques chez moi, tu t'invites et tu insultes ma maison ?

— Maison ?! C'est une cabane...

J'ouvre la bouche, prête à lui balancer toutes les insultes sous le soleil, en anglais et en arabe, mais me rappelle que je dois éviter la confrontation avec lui. Je dois tout faire pour être dans ses bonnes grâces.

Alors je souris.

— Ce doit être petit comparé à chez toi, mais je me sens bien ici, j'ai tout ce dont j'ai besoin.

Connard.

Ses yeux se promènent sur mon corps et il retrousse le nez.

— Visiblement pas la climatisation.

J'écarquille les yeux et touche ma peau couverte de transpiration. Je me suis douché il y a une heure pourtant.

— Ça- ça ne te regarde pas. Je peux savoir ce que tu fais ici, tu n'es visiblement pas à ta place. Tu t'es perdu ou quoi ?

Il me fixe, silencieux. Ses yeux bleu clair qui contrastent fortement avec sa chevelure ébène m'ont toujours déstabilisée. On dirait qu'ils vous transpercent, qu'ils vous dissèquent. Ils vous laissent une impression d'engelure partout où ils se posent.

— Levi ?

— Renonce.

Je cligne des yeux.

— Quoi ?

— Renonce au rôle d'Alice. S'il te plaît, ajoute-t-il robotiquement.

Ça, c'est la meilleure ! Moi qui pensais qu'il ne pouvait pas faire preuve de plus d'insolence.

— Comment ça renonce ? Pourquoi je ferais ça ?

— Parce que je te le demande.

Il l'a dit comme s'il s'agissait d'une évidence, comme si ses demandes devaient forcément aboutir, aussi absconses soient-elles. Je lève un sourcil pour lui indiquer que c'est loin d'être suffisant. Il me fixe encore, puis soupire.

— J'ai besoin que tu renonces au rôle d'Alice pour qu'Adèle puisse l'avoir. Elle en a besoin.

Adèle?

Il doit deviner le cours de ma pensée puisqu'il précise.

— Adélaïde Cimone.

— Oh !

Elle était aux auditions, je m'en rappelle. C'est une très bonne actrice et elle correspond parfaitement au physique d'Alice... j'avoue que quand je l'avais vue, j'étais convaincue que c'était perdu d'avance pour moi. En plus, elle et les juges semblaient se connaître. Elle était si confiante et resplendissante.

— Je te donnerai ce que tu veux. Donne-moi ton prix, mais laisse-lui le rôle.

— Attends, attends, attends... tu es venu m'acheter ?

— Oui.

Pas la moindre hésitation.

— Et qu'est-ce qui te fait penser que tu peux m'acheter ?

— Les gens comme vous se font toujours acheter, ce n'est que le prix qui change.

— Les gens comme moi ?!

Son regard se promène dans mon appart et je comprends qu'il veut dire : les pauvres, les gueux, les gens du bas peuple.

— Écoute, je ne veux pas te froisser ou quoi que ce soit. Pour être sincère avec toi, je n'ai aucune envie de faire ce film avec toi et je sais que ce n'est pas avec moi que tu voulais jouer non plus. Il y aura d'autres films, plus adaptés à... toi... s'il te plaît, laisse ce rôle à Adèle.

— Si j'ai bien compris, Adèle veut mon rôle. Pourquoi n'est-elle pas elle-même venue me le demander ?

Il ne répond pas. Je fais un pas vers lui.

— Pourquoi est-ce que c'est toi qui me le demandes d'ailleurs ? Tu n'es pas agent que je sache ?

Il détourne le regard. J'analyse son air suspect et je finis par tilter.

Ça alors...

— Tu es amoureux...

Il reporte ses yeux alertes vers moi.

— Tu es amoureux d'Adèle. Je me trompe ?

Il semble vouloir me contredire, mais se ravise, hoche la tête.

Levi von Neumann est amoureux... et pas qu'un peu, puisqu'il est ici pour elle. Je croyais qu'il avait un cœur aussi froid que son regard, mais le voilà ce soir, preux chevalier en tongs dans un quartier pauvre de Los Angeles pour quérir un rôle pour sa femelle. Qui a dit que le romantisme était mort ?

— Oui. Je l'aime. Et parce que je l'aime, je dois lui donner ce rôle. Il est important pour elle. Écoute, je n'ai rien dit sur ce que je sais sur toi et je regrette que notre relation soit partie sur de mauvaises bases. Mais je t'en supplie Kenza, laisse-lui ce rôle.

Il est sincère, il l'aime à ce point. C'est vraiment admirable. Et beau. Et adorable.

— Non.

— Quoi ?

— Je refuse.

— Comment ça, tu refuses ?

— Quoi, je parle bien anglais là non ? Je. Refuse. Le rôle d'Alice est pour moi. J'ai peut-être manigancé pour avoir l'opportunité, mais ce rôle je l'ai obtenu à la régulière. Ton béguin ne me fera pas abandonner ma seule chance de vivre mon rêve. Si Adèle n'a pas eu son rôle et bien c'est dommage pour elle, si tu l'aimes, va la consoler au lieu de me faire chier.

— Je te le demande gentiment, donne-lui le rôle, ordonne-t-il, pas gentiment du tout.

— Sinon quoi ?

— Sinon je vais être obligé d'employer d'autres moyens, comme dire à Hannah comment tu as eu vent de l'audition.

— Fais donc. Rien à foutre.

Sa mâchoire se serre. Ces nepo babies sont vraiment habitués à obtenir tout ce qu'ils veulent. Il croyait vraiment que son argent, quelques supplications et des menaces me feraient ployer ? Désolé, mon chou, mais chez moi on m'a appris à ne m'incliner que devant personne d'autre qu'Allah.

On se jauge quelques secondes. Puis il sourit.

Déstabilisée, je perds un peu de mon assurance.

— D'accord. Tu ne me laisses pas le choix. Tout le monde saura ce que tu es vraiment. Toute l'équipe de tournage saura comment tu as eu le tuyau pour l'audition. Tu crois que quelqu'un t'engagera encore quand on saura que tu es bonne à interner ?

Mon cœur accélère légèrement quand il mentionne mon avenir dans le milieu. Mais je ne lui laisse pas le plaisir de le constater.

— Je suis une actrice, je leur mentirai. Et puis je me fous un peu de ce qu'ils pensent de moi. Mon talent parlera pour moi.

— Mais tu ne te fiches pas de ce que Blake pense, si ? Et lui me croira. Bonne soirée.

Il tourne les talons et se dirige vers la sortie.

Hein?

— Levi !

Il ne se tourne pas et continue son chemin.

Il est sérieux?! Il va vraiment tout dire à Blake?!

Sans prendre la peine de me chausser, je sors et vais à sa poursuite alors qu'il sort du bâtiment.

— Levi ! Levi, attends !

J'arrive à son niveau et me place devant lui, avançant à reculons en essayant de le retenir physiquement.

— Tu vas faire quoi là ? Ne fais pas ça Levi, je t'interdis de tout gâcher.

— Sinon quoi ? Hein, la barge ? Tu vas t'introduire chez moi et m'étrangler pendant mon sommeil ? Pousse-toi !

D'un seul bras, il me pousse, et me propulse au sol. Il s'arrête finalement et me toise d'en haut.

— Je vais anéantir ta carrière avant même qu'elle n'ait commencé, lâche-t-il d'une voix froide avant de tourner le dos et le s'éloigner.

Non!

Encore par terre, je me redresse difficilement.

Je me suis toujours demandé jusqu'où j'étais prête à aller pour mon rêve, pour Blake. Aujourd'hui, je le sais ; j'irai jusqu'à tuer Levi von Neumann.

Je me lève et charge vers lui. À peine s'est-il retourné que je bondis sur son dos, passe mon bras sous son menton, verrouille mes jambes autour de son abdomen et serre ma prise pour l'étouffer.

— Non mais ça va pas ?! Lâche-moi ! Espèce de folle !! Lâche-moi putain !!

Il force pour retirer mon bras d'autour de son cou, plantant même ses ongles dans ce dernier, ça fait mal, mais quand on grandit avec quatre frères, on a l'habitude de ça. Je resserre ma prise, m'accrochant du plus fort que je peux. Levi se débat, se débat pour la moindre once d'oxygène, tente de me cogner pour me faire lâcher prise, de me faire tomber, mais les yeux fermés, je refuse d'abandonner.

Il finit par s'écrouler, mais je ne lâche pas. Au sol, il se débat encore, refuse de mourir. Levi parvient finalement à se défaire de ma prise et à me maîtriser au sol. Ça ne dure pas longtemps, car je lui donne un coup de genou dans la côte qui le fait tomber au sol. J'en profite pour monter sur lui et nouer mes mains autour de son cou.

— Kenza ?! Kenza, ça va ?!

La voix affolée d'Amar me ramène à moi et je réalise que je suis en train d'étrangler un homme. Je prends peur et le relâche. Il se met à tousser alors qu'il reprend son souffle. Tremblante, je me redresse pour me retrouver assise sur son bassin.

Je remarque mon téléphone qui est tombé sur le gazon pendant notre bagarre et vois que j'ai accidentellement lancé l'appel FaceTime avec Amar. Elle bouge sur écran, les sourcils froncés d'inquiétude.

— Kenza, on t'attaque ?! Kenza !

Je regarde Levi qui est toujours couché sous moi et m'indique du regard de lui répondre. Je prends mon téléphone.

— Euh... non... non, je vais bien.

Elle souffle.

— J'ai cru qu'on était en train de t'agresser mais je suppose que tu répétais ou un truc comme ça.

Je regarde Levi.

— Un truc comme ça oui... Toi ça va avec Wadih ?

— Moi ça va... par contre...

— Quoi ?

— Tu te souviens ce que tu m'as dit par rapport au fait que la distribution des rôles pour Outsider doit rester secrète et que je ne dois absolument dire à personne que Levi et toi avez les rôles ?

Le regard de Levi s'anime et il se redresse, se retrouvant face à moi qui suis toujours à califourchon sur lui, une main autour de son cou. Il fronce les sourcils, intrigué.

— Elle l'a dit à quelqu'un ?! souffle-t-il.

— Amar... ne me dit pas que tu l'as dit à quelqu'un... je te faisais confiance.

Levi soupire, l'air contrarié, une tête de « bien évidemment ».

Et cette fois, je ne peux même pas me défendre.

— Quoi ?! Non ! Non ! Tu me connais, je n'aurais jamais fait ça. Mais visiblement, quelqu'un d'autre l'a fait.

Levi et moi échangeons un regard surpris, légèrement inquiet.

— Comment ça ? demande-t-il, son cou vibrant contre ma main.

— C'est littéralement partout. Dans les tabloïds, sur certains journaux, sur Instagram, partout ! Attends- qui est avec toi ?

La panique s'empare de nos regards à tous les deux. Levi sort immédiatement son téléphone et ouvre Instagram et la première chose qui apparait ce sont des images du livre Outsider. Des articles sur un film qui va sortir mais qui n'a pas encore été annoncé, des rumeurs, le visage de Levi, des images de femme anonyme dans certains articles et des photos de moi pour ceux qui ont fouillé un peu.

Des milliers de likes et des centaines de commentaires sont déjà présents alors que les publications datent d'il y a à peine deux heures.

— Putain..., souffle Levi.

Ses yeux quittent l'écran avant de venir vers moi et aussitôt je comprends que nous sommes mal.

Très mal.


Coupé!

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