Scène 4

𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟜 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒𝕤, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

Kenza

— Et donc, pour la dérivée partielle de cet ensemble de termes tu ne prendras pas en compte ce terme, ce terme et ce terme qui ne dépendent que d'Y parce que tu dérives selon X, mais pour celui-ci par exemple ?

— Il devient coefficient.

Je m'arrête et regarde Maverick, surprise qu'il l'ait eu du premier coup. Il soupire et efface ce qu'il vient d'écrire.

— Je me suis encore trompé, c'est ça ?

— Quoi ? Non, non ! Tu as la bonne réponse !

Lui-même affiche la surprise avant qu'un sourire n'étire ses lèvres. Mon téléphone qui repose sur la table vibre. Normalement, j'aurais ignoré l'appel, mais comme j'attends le résultat de l'audition depuis maintenant deux longs mois, quand Beatrice m'appelle, je bondis littéralement sur le téléphone.

— Euh, fais les autres exos, je reviens.

Maverick, un étudiant du secondaire de quatre ans mon cadet se remet au travail. C'est comme ça que je peux payer mes factures à défaut de décrocher des rôles payants ; je donne des cours particuliers de mathématiques, physique et chimie à une dizaine de jeunes étudiants entre 16 et 22 ans. J'ai moi-même 21 ans, alors le courant passe avec chacun d'entre eux et tout se passe bien pendant les séances et pour la rémunération parce que mon taux de succès est de 100 %, même avec les plus difficiles.

— Allo Beatrice ?! Alors ?

— Bonsoir, je suppose que tu parles de l'audition pour le rôle d'Alice. Non, je n'ai toujours pas eu de nouvelles de l'équipe de tournage.

Je pousse une lamentation.

— C'est sûr qu'ils m'ont écartée.

J'aurais dû me douter qu'auditionner en étant ce que je suis ne mènerait à rien. En plus, je suis arrivée en retard et j'ai agressé un acteur devant témoins et devant caméra.

— Mais non... ils ont dit qu'ils nous contacteront pour nous annoncer si les candidats sont pris ou pas. Pas de nouvelle, bonne nouvelle. Garde espoir.

Normalement, c'est moi qui dis ça, c'est moi l'optimiste. Mais après avoir été plus près de Blake que je ne l'ai jamais été, une partie de moi me dit que c'est le plus loin que je pourrai aller. Je veux dire... il faut être pragmatique.

— Kenza... ne pleure pas... je suis sûr que tu as fait de ton mieux. Il y aura d'autres rôles.

Je renifle et essuie mes larmes alors que Maverick arrête de travailler, intrigué par mes pleurs.

— Je t'appelais pour te dire que je t'ai décroché une pub pour vernis à ongles, tes mains leur ont plu.

C'est à peu près tout ce que je décroche. Des rôles dans des pubs où l'on ne voit pas mon visage, où l'on ne m'entend pas parler, où je ne suis pas une étrangère.

Où je ne suis personne.

Mais, dans cette industrie, on ne crache sur aucune opportunité quand on part de rien, surtout quand il y a des factures à payer.

— D'accord. C'est quand ?

— Ils ne m'ont pas encore dit. Je te fais parvenir tout ça par courriel dès que j'ai l'information.

Je renifle à nouveau.

— Merci.

Je coupe l'appel et reprends contenance avant d'aller m'asseoir près de Maverick qui me fixe.

— Moi je suis sûr que tu seras une grande star un jour. Je regarderai tous tes films et je pourrai dire que c'était ma tutrice de calcul différentiel. Et qu'elle m'a embrassé.

Je fronce les sourcils et il pointe sa joue. Je ris avant de me pencher et d'y déposer un baiser.

— Merci de me remonter le moral. Bon, voyons voir ce que tu as fait.

Nous achevons la série d'exercices. Quand la fin de la séance arrive, je rassemble mes affaires et rentre. Sa famille m'a proposé de me joindre à eux pour le souper, mais j'ai décliné. Là tout ce que j'ai envie de faire, c'est me lamenter le visage enfoui dans mon oreiller.

Sur le chemin du retour, à pied parce que je n'ai pas les moyens de m'acheter une voiture, j'interagis avec le groupe de projet concernant les sessions de tournage à venir.

Pendant que je monte la colline, qui mène à notre appartement étudiant de Trojan Palms, mon téléphone sonne de nouveau, et cette fois, c'est mon père qui m'appelle.

En dépit de mon épuisement mental, je réponds, car ça fait longtemps que je ne les ai pas appelés.

— Allo baba ?

— Kenza, comment ça va ma chérie ?

— Ça va bien Al hamdoulillah, et vous ?

— Ça va, ça va, l'école, ça va bien ? Tu ne manques de rien ?

Je m'arrête, le cœur lourd et songe à lui dire.

Non, non, ça ne va pas du tout. Ta fille est un échec. Je me suis éloignée du mode de vie traditionnel pour vivre à l'américaine, je vous ai menti, je ne suis pas en école d'ingénieur, je vous ai volé vos économies, je fais l'école du cinéma, mais ça ne sert à rien parce que je suis dans le sud de la Californie depuis trois ans et ma carrière est au point mort. Mon compte en banque est vide et je m'endette, je n'ai même plus l'argent pour me payer le bus pour me déplacer, je voudrais pendre deux élèves de plus, mais où trouver le temps de leur donner un enseignement de qualité ? Et j'aurais vraiment voulu rester manger avec la famille de Maverick parce qu'il n'y a plus rien à moi à la maison et je me sentirais mal de vivre des économies d'Amar et d'Israe après l'avoir fait pendant plus d'un an. Mais je continue de m'accrocher parce que je veux vous rendre fiers en faisant ce que j'aime ; jouer.

— Ça va bien, baba.

— Tu es sûre ? J'ai l'impression que tu pleures.

— Tout va bien.

— OK, ne te fâche pas, mais... avec ta mère on a décidé de te rendre visite, ça fait si longtemps.

— Quoi ? dis-je en balayant mes larmes.

— On arrive dans cinq petites minutes. C'est toi en haut de la colline ?

— Quoi ?!

Je sens mon sang se refroidir de terreur. Je me tourne pour voir le VUS de mes parents s'engager dans la colline de la 30 th Street.

Fuck.

Fuck!

FUCK!

Je coupe l'appel et cours en direction de l'appartement. Après avoir monté quatre étages, essoufflée et les mains tremblantes, je cherche ma clé dans mon trousseau. J'ouvre la porte et la referme aussitôt.

— Oh, Kenza ! Viens voir ça, j'ai eu une nouvelle idée de scénario-

— Pas le temps, pas le temps. Mes parents sont en train de monter la colline, on a moins de cinq minutes !

Elle qui suçait une sucette la retire de sa bouche en écarquillant les yeux avant de se lever en panique et de ramasser ses scripts.

Elle m'aide à ranger un minimum l'appartement. Moi je file dans ma chambre à la recherche des photos montages que j'ai faite de moi devant la faculté des sciences de l'University of Southern California. Je les mets au salon, les accroche dans le couloir et dans ma chambre. Je sors également les petites décorations de nerd que je possède et les dispose dans ma chambre, de même que mon poster d'Einstein. Tout ce qui a un lien avec cinéma va dans une boîte que je dissimule sous mon lit.

Quand j'entends toquer, je sors de ma chambre.

— Tout est en place ? Israe ?

— Tout est en place, confirme-t-elle, elle aussi essoufflée. Israe fait des heures supplémentaires cette semaine. Je sais que nos parents sont envahissants, mais pourquoi les tiens viennent toujours à l'improviste comme ça ?

Nous ricanons avant que j'aille ouvrir la porte à mes parents.

— Oh, Amar ! s'émerveille ma mère.

— Madame Belbachir !

Toutes deux se prennent dans les bras. Ma mère voue un véritable culte à ma coloc. Elle est belle, élégante, a déjà un master en chimie moléculaire, est voilée, fiancée et bonne pratiquante, tout ce que ma mère a toujours voulu que je sois.

— Bonsoir mère, celle que vous avez mise au monde est aussi heureuse de te voir.

Le rire de mon père me réchauffe le cœur.

— Oh, viens là chérie.

J'étreins mon père.

Mon père lui est assez différent de ma mère. Il est plus moderne. Petite, c'est lui qui m'amenait au cinéma et m'achetait des films. En fait, l'Amérique l'a toujours fasciné. Des fois, je me demande comment ma mère très conservatrice et ancrée dans la culture marocaine l'a suivie dans son rêve américain et a accepté l'éducation plutôt moderne qu'ils m'ont donnée.

— Je vous ai fait tout plein de bons petits plats !

Ma mère sort et revient avec des plats surgelés qu'elle va ranger dans le congélateur.

— Maman, je te l'ai dit, je n'en ai pas besoin.

— Mais ton frigo est vide, regarde-toi, tu perds tes jolies joues. Il faut bien manger quand on est une future ingénieure ! La première de la famille.

Tu leur as menti.

Je lui rends un sourire crispé alors que j'ai un contact visuel avec Amar qui semble compatir. Amar est mon aînée de quatre ans. Elle aussi était dans ma situation. Bon, elle n'avait pas pris 70 000 $ à ses parents pour payer l'école de cinéma en leur disant que c'était pour l'école d'ingénieur... mais quand même. Elle a choisi d'obtenir le diplôme que ses parents voulaient qu'elle ait, a rencontré son fiancé en cours et une fois cela accomplit, a poursuivis son rêve de cinéaste la conscience tranquille.

Ça, c'est quelque chose que je n'ai pas. La conscience tranquille.

Je ne pouvais pas patienter cinq à six ans pour obtenir un diplôme qui ne servirait jamais juste pour plaire à mes parents avant de faire ce que moi j'aime vraiment. Et puis Amar est scénariste, elle peut attendre autant qu'elle veut pour écrire.

Moi je suis actrice, mon visage est ma richesse et dans une industrie encore misogyne, les femmes ont rarement les bons rôles passé la trentaine. Je ne peux pas me permettre de perdre six années de ma vingtaine, this is my golden era.

Alors j'ai menti. N'osant pas les décevoir, je leur ai dit que j'allais à la faculté de génie. Mon mensonge n'est pas totalement un mensonge. J'y ai été admise, en génie biomédical. J'avais les notes et j'ai passé tous les tests. Je m'étais inscrite au cas où la faculté de cinéma me refuserait. Mais ils m'ont accepté et j'ai dû faire un choix déchirant.

J'ai choisi le cinéma, mais j'ai affirmé à mes parents avoir choisi les sciences. Et ce sont leurs économies qui ont servi à financer mon mensonge.

J'étais stupide et naïve, parce que j'étais convaincue qu'en peu de temps, je décrocherais un rôle qui ferait de moi la révélation de l'année. Même un rôle un peu plus petit.

C'était sans compter une industrie particulièrement compétitive et intolérante à la différence. Comme les personnes de la communauté noire et quelques Asiatiques ont des rôles, comme les quotas de diversité sont atteints pour bien paraître et bien, il ne reste rien pour les autres artistes issues de la diversité.

Je l'ai appris à la dure.

Aujourd'hui, je ne sais même pas si un jour tous ces sacrifices payeront.

Je souffle.

Nous partageons le repas du soir avec mes parents en parlant de la vie, des études, de conférences auxquelles je ne me suis jamais rendue, de travaux que je n'ai jamais faits, de mes frères restés dans la ville qui m'a vue grandir. Amar a la chance de leur parler de son nouveau scénario, de celle qu'elle est vraiment.

Après trois heures, mes parents quittent enfin notre appartement pour rentrer à Orange. Un jour, il faudra que je leur dise, que je dise la vérité à mes parents.

Je retourne dans ma chambre changer la décoration. Rien que ça me fait me sentir mieux, me sentir... moi. Je donne un coup du parfum de Blake sur mon oreiller avant d'y enfouir mon visage et de m'apitoyer sur mon sort, remettant en doute tous les choix que j'ai pu faire.

Jamais. Je n'aurai jamais un grand rôle. À part si c'est jouer des rôles stéréotypés qui empirent l'image que le public a de nous : des femmes soumises à la tyrannie de leur mari, des terroristes ou pire ; des jeunes filles qui en tombant amoureuses d'un blondinet délaissent la religion et la tradition, des voilées qui terminent en petites tenues pour la validation de je ne sais qui.

Parce que pour eux, liberté rime avec décolleté, promiscuité et vulgarité.

Je ne serai jamais une star, je ne serai jamais proche de Blake.

Tout ce que j'ai fait, tout ça pour rien. Si c'est pour faire des pubs de main, de pieds et de danse du ventre toute ma vie, je préfère encore l'école d'ingénieur. Au moins là-bas, on m'appréciera pour ce qu'il y a dans ma tête, peu importe mon origine et mon nom de famille.

J'abandonne.

Mon téléphone sonne, m'extirpant à mon désespoir. Encore en larmes, je réponds à Beatrice.

— Allo, dis-je la voix tremblante.

— Mon Dieu, Kenza ! Est-ce une manière appropriée pour une célébrité de répondre au téléphone ?

— Célébrité de rien du tout. Je ne suis personne... et je resterai personne.

Beatrice ricane. En quoi est-ce drôle ?

— Tu n'es peut-être personne maintenant, mais dans quelques mois, tu seras Alice.

— Pardon ?

— J'ai dit que tu as décroché le rôle d'Alice. Hannah Izidor vient de m'appeler pour m'annoncer la nouvelle. Félicitations, Kenza ! Tu y es parvenue ! s'exclame-t-elle à l'autre bout du fil.

Je me redresse sur mon lit.

— Bea, si c'est une blague, tu es virée, ce n'est pas drôle, je vais me défenestrer.

Elle rit de plus belle et je crois qu'il s'agit vraiment d'un canular.

— Ce n'est pas une blague. Tu as décroché le rôle d'Alice et haut la main en plus ! Hannah n'a pas arrêté de me faire les éloges de ta performance avec Blake et Levi et même en individuel. Tu vas être une grande star, Kenza !

Mes mains se mettent à trembler, mon cœur à tambouriner si fort que je n'entends même plus ce qu'elle me dit. Je pousse un cri à en arracher la peinture des murs et me mets à sautiller dans ma petite chambre étudiante, hystérique.

Amar débarque en catastrophe.

— Mon Dieu, Kenza ! J'ai cru qu'on était en train de t'assassiner ! Tu as quoi à crier comme ça ?

— Le rôle ! J'ai le rôle !! Je vais jouer Alice ! Tu entends Amar ?! J'ai le rôle !! Je vais devenir célèbre, je vais rendre mes parents fiers !!!! OH- OH !!!! JE VAIS JOUER DANS UNE ROMANCE AVEC BLAKE DONOVAN !!! Il me remarquera enfin, on tombera amoureux, je le présenterai à mes parents, on se mariera et-

— Oh, il y a méprise, s'élève la voix de mon agent à l'autre bout du fil. Blake n'a pas été retenu, c'est Levi qui a le second rôle.

J'arrête de bondir dans la pièce.

— Le-Levi ?

— Levi a décroché le rôle d'Henry. C'est avec lui que tu joueras.

«Tu as intérêt à ce qu'on ne se croise plus jamais. »

Mes pensées s'embuent, le sol tournoie sous mes pieds alors que l'information se fraie un chemin jusqu'à moi. Je laisse mes bras tomber alors que toute envie de vivre me quitte. Mon téléphone s'écrase au sol.

Oh non... pas lui...






Levi

— Comment ça pas toi ?!

— Pas moi, je te dis, sanglote Adèle. Mon agent m'a appelée tout à l'heure pour me dire que je n'avais pas le rôle.

M-mais... mais non... Adèle devait avoir ce rôle...

— Mais je ne comprends pas. Tu nous avais dit que tu avais assuré à cette audition non ? Et qu'ils te voyaient déjà être Alice.

— Oui ! C'est ce que je croyais, mon intuition ne me trompe jamais pour ça ! C'était dans la poche... mais apparemment, la réalisatrice m'a trouvée trop évidente et prévisible pour ce rôle, elle veut du renouveau, lâche-t-elle avant de fondre à nouveau en larme dans mes bras.

Ça va maintenant faire une dizaine de minutes que je la console quant à ce rôle. Elle le voulait vraiment. Et elle ne l'a pas eu. Adèle n'est pas habituée à l'échec, alors c'est vraiment un coup dur pour elle.

La pauvre

Moi, c'est comme si l'on avait assommé mes émotions. Moi aussi, mon agent venait de m'annoncer que c'est moi qui avais décroché le rôle d'Henry Hilton. Même si je ne voulais pas de ce rôle au départ, j'ai été fou de joie. Je me suis dépêché de me rendre dans le manoir de la famille d'Adèle pour lui dire qu'on sera co-vedette et je l'ai trouvée dévastée, le mascara sur l'entièreté de ses joues, les yeux gonflés.

J'ai d'abord cru qu'il lui était arrivé malheur, mais elle m'a expliqué ce qui la mettait dans cet état.

Ils l'ont écartée.

Une autre a eu le rôle.

La seule raison pour laquelle j'ai accepté de prendre part à cette audition c'était pour jouer avec elle, pour passer plus de temps avec elle, pour l'impressionner, pour trouver le courage de lui dire « je t'aime », même à travers la bouche d'Henry.

Et vous me dites qu'elle n'a même pas le rôle ??!! Qu'est-ce que c'est que cette merde ?! Je connais toutes celles qui étaient présentes à cette audition et pas une n'a la moitié du talent d'Adèle. Adèle était le choix logique. Elle est déjà connue, les gens se jetteraient sur cette romance rien que pour elle.

Mais- si elle n'a pas été prise...

— Tu sais qui a eu le rôle d'Alice ?

Elle sanglote et renifle avant de hocher la tête.

— Une certaine Kenza Belmachinchouette...

Mais non... impossible...

— Belbachir.

Adèle lève la tête en opinant.

— Oui, je crois. Tu la connais ?

— Non... pas personnellement. C'est l'Arabe qui a participé à l'audition avec nous... comment est-ce possible ?

— C'est elle qu'ils ont prise pour jouer Alice ?! s'indigne-t-elle en grimaçant. Mais Alice est blonde, elle a les yeux bleus, elle est blanche, pourquoi ils ont pris une bédouine ?!

Le terme est un peu fort...

— Je... je ne sais pas... je ne comprends pas non plus... je veux dire, elle jouait bien, vraiment, mais comme tu dis, elle ne correspond pas physiquement à Alice. Qu'est-ce qu'Hannah a encore derrière la tête ?

Je passe une bonne partie de la soirée à consoler Adèle et lui dire qu'elle vaut bien mieux que ce stupide rôle. Je lui dis même que je vais décliner l'offre, mais elle me l'interdit. Elle me félicite pour ma réussite et me dit qu'elle a hâte de me voir jouer dans ce film.

C'est donc perdu que je quitte la demeure des Cimone. Je suis coincé. Je dois jouer un rôle dont je ne voulais pas avec une femme avec laquelle je ne veux pas jouer. Que dis-je ? « Une femme » ? Non, une sauvage, une folle, totalement déséquilibrée, qui n'était même pas censée avoir la chance d'essayer.

Et à cause d'elle, Adèle pleure.

Je la détestais déjà, mais là, je l'exècre carrément.

Je sens l'amertume se répandre en moi. Je vois mal comment je vais pouvoir travailler avec elle, des mois durant, sur une romance en plus. Tout chez elle me débecte ; sa présence, son souvenir, son talent et surtout son visage qui me hante depuis deux mois. Si elle crève, ils donneront le rôle à Adèle, non ?

Calme-toi, Levi. Calme.

Je devrais être en train de me réjouir. J'ai besoin de me changer les idées. De penser à autre chose que cette fanatique de Blake.

Blake!

Lui saura me remonter le moral ! Il vit dans un espèce de remake des bisounours où tout va toujours bien et voit toujours le bon côté des choses. C'est de lui que j'ai besoin.

Je démarre et me rends dans la maison de ses parents à lui, sur la même colline barricadée que celle d'Adèle. Le garde m'ouvre la clôture et je laisse mes clés au portier. Je passe par l'arrière pour entrer par la porte de son balcon comme d'habitude.

Je tourne le coin et me retrouve face à sa chambre qui donne sur des murs vitrés qui font qu'on la voit de l'extérieur. Et je le vois.

Fou de rage.

En train d'abattre sa guitare acoustique à même le sol jusqu'à ce que le boîtier se casse. Malgré le verre entre nous, je l'entends crier. Quand il a fini de s'en prendre à la guitare, il passe à ses trophées qu'il envoie valser un peu partout. Il balaie le contenu de son bureau par terre. Je ne l'ai jamais vu comme ça, aussi déchainé. Je ne l'ai même jamais vu ne serait-ce que hausser le ton.

Le Blake qui est en train de procéder à la démolition de sa chambre n'a rien à voir avec le Blake guimauve que je connais.

C'est alors que je me rappelle que lui voulait ce rôle. Il le voulait vraiment.

Je lui ai volé son rôle.

Un de ses trophées brise la vitre et atterrit devant moi. Il n'y fait même pas attention. Ne me remarque pas. Je l'entends alors clairement me maudire, m'insulter en hurlant et en s'acharnant sur tous les objets qui lui tombent sous la main.

Je réalise une deuxième chose ; mon meilleur ami n'est pas content pour moi. Il m'en veut.

Abasourdi, je contourne la demeure dans le sens inverse et me rends à l'entrée principale pour la première fois depuis des années.

Je sonne.

Un de leurs domestiques m'ouvre et me demande de patienter. Il monte aller le prévenir de ma présence. Une dizaine de minutes plus tard, il descend, changé, tout sourire.

Blake est de retour.

Mais est-ce vraiment lui?

— Levi ! On vient de me dire que tu as le rôle d'Henry ! C'est vrai ça ?

Je ne sais pas trop quoi lui répondre, comment réagir, encore troublé par ce dont j'ai été témoin il y a quelques minutes.

— Euh... oui... je viens de l'apprendre.

Il passe son bras autour de mes épaules et me secoue avec enthousiasme.

— Félicitations ! Tu l'as dit à Adèle ?

— Oui...

— Super ! On doit fêter ça ! Tu veux aller où ?! C'est moi qui offre ! Allez ! s'écrie-t-il en me tapotant le torse avant de sortir de chez lui et de se diriger vers ma voiture.

Il ne veut pas que je monte dans sa chambre.

Légèrement hésitant, je le suis et entre à mon tour dans la voiture et comme lui, je joue le jeu.

Coupé!

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