Scène 33
𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟛𝟛 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !
Levi
C'est qui ce type ?
Qu'est-ce qu'il fait avec elle ?
Pourquoi est-ce qu'il la tient comme ça ?
— Levi, ils veulent que tu regardes la caméra.
La voix d'Adélaïde ne parvient pas à soustraire mon regard de Kenza dans sa robe rouge-rubis, comme le tapis où elle pose au bras d'un homme aux cheveux longs dans un costume noir. Un homme qui l'a tient alors qu'ils sourient aux caméras dirigées vers eux.
Son cavalier.
Alors Adélaïde prend mon visage pour me forcer à regarder en direction des quelques photographes qui ne se sont pas rués sur Kenza lorsqu'elle est arrivée sur le tapis rouge.
Au bras de cet homme.
Je force un sourire et combat la nausée quand Adélaïde fait promener ses doigts graciles sur moi pour prendre plusieurs poses, comme si elle était la vedette de la soirée, alors qu'elle n'est qu'une invitée.
— Un baiser Kenza ?!
Dès que j'entends une photographe réclamer un baiser entre elle et ce type, mon attention retourne vers eux. Kenza refuse poliment, reprend la pose quelques secondes encore puis se déplace vers l'entrée. Alors qu'elle marche à ses côtés, elle tourne la tête et nos regards se croisent. Elle nous toise Adèle et moi et se tourne, balançant sa luxuriante chevelure dans le mouvement.
Ils ont presque l'effet d'une laisse sur moi et je dois lutter pour ne pas la suivre comme un chien.
Je perds.
— Ça suffit les photos, on y va.
— Déjà ? Mais ils viennent juste de revenir vers nous.
— On y va, claqué-je plus sèchement.
Sans la laisser protester de nouveau, je prends la direction de l'entrée, pressant le pas dans l'espoir de revoir Kenza. Mais elle n'est déjà plus dans le hall. Alors je me rends jusqu'à la salle où se tiendra la remise des trophées.
Un brouhaha m'accueille alors que j'entre dans la pièce déjà pleine à craquer. Des célébrités, nominées ou pas, des membres des équipes de tournage, le staff de l'organisation de la soirée, des influenceurs et certains invités discutent assis à leurs places assignées ou circulent entre celles-ci. Beaucoup retrouvent des amis qu'ils veulent saluer, certains s'adonnent à du réseautage, profitant de ce que des gens influents du milieu sont ici réunis ce soir.
Je vois dans un coin une file de personnes attendant de s'entretenir avec mon père et ma mère, qui en me voyant me fait grand signe. Je lui réponds discrètement et commence à chercher Kenza et sa splendide robe rouge dans toute cette foule.
— Monsieur von Neumann, mademoiselle Cimone, votre place est avec la délégation d'Outsider.
Mon regard descend vers un homme à peine plus petit que moi, portant un casque avec un micro et tenant une tablette qui doit lui servir à diriger les gens à leur place.
Je regarde l'endroit qu'il nous pointe et repère les gens avec qui j'ai travaillé pendant des mois. Parmi eux se trouve Kenza. Mais surtout, je remarque que les deux sièges restant de ce côté là sont adjacents au sien.
Sans attendre, je me dirige vers ceux-ci. J'entends Adélaïde me dire de l'attendre, mais sa voix est enterrée par les battements de mon cœur. J'arrive finalement devant le siège à mon nom, constate qu'ils ont mis Adélaïde entre Kenza et moi.
— Hey, je t'ai dit de m'attendre. Je suis en talons, je te rappelle.
Je me tourne vers Adélaïde et fixe ses talons.
— Désolé.
Elle lève les yeux au ciel, puis semble remarquer Kenza. Elle a presque un mouvement de recul quand leur regard se croise.
— Kenza...
— Adélaïde.
— Félicitations pour ta nomination.
Sans la remercier, Kenza penche la tête, Adélaïde se rapproche de moi comme si elle craignait que Kenza ne lui bondisse dessus. J'ignore ce qu'il s'est passé entre elles pour que Kenza la terrifie autant, mais je regrette d'avoir manqué ça.
Mon regard à moi se porte vers l'homme à sa droite et quand elle remarque mon œillade appuyée, Kenza l'introduit enfin :
— Jibreel, tu dois déjà les connaître, mais voici Levi von Neumann, mon collègue, dit-elle en me défiant des yeux.
Je serre la mâchoire quand elle prononce ce mot. Déjà de scénario des châtiments que je lui aurais fait subir si nous étions encore ensemble m'envahissent l'esprit alors que je me penche pour serrer la main de son cavalier.
— Jibreel est mon frère aîné, finit-elle par préciser, mettant fin à mon supplice.
Ma jalousie redescend et je desserre un peu ma prise autour de la main de son grand frère. Je n'avais encore jamais rencontré les membres de la famille de Kenza. Maintenant que je sais que c'est son frère, je ne comprends pas comment la ressemblance ne m'est pas apparue plus évidente. J'ai vraiment été aveuglé par ma jalousie.
— Enchanté.
— Et il est accompagné d'Adélaïde Cimone, sa... vous êtes quoi au juste ? demande-t-elle pleine d'animosité.
L'air se charge en électricité.
— C'est juste ma-
— Meilleure amie, répond Adélaïde.
Je ne la contredit pas. Fut une époque où c'était le cas et je l'ai quand même invitée ce soir. Si Kenza ne veut plus rien avoir à faire avec moi, alors Adélaïde est ma meilleure amie.
Ma seule amie.
Kenza dit quelque chose en arabe et son frère rit avant de hocher la tête. Je sais qu'elle s'est moquée de moi, de nous, mais je m'en fous. Je viens de la voir rire et même si c'est à mes dépens, c'est ce qu'il y a de plus beau au monde.
Pour rester galant, je pointe la place d'Adélaïde pour qu'elle s'assoie, mais elle refuse de prendre place près de Kenza par mépris ou par crainte ; sans doute les deux. Alors je m'assois à la gauche de Kenza, et Adélaïde s'assoit à ma gauche à moi.
— Tu dois être content. Tu as enfin celle que tu as toujours voulue, souffle Kenza.
Je serre le poing pour ne la réagir. La dernière fois, ça a dérapé et mes mots ont dépassé ma pensée.
— Dire que j'avais hâte de te voir... plus jamais, ajoute-t-elle.
J'ignore sa remarque et me concentre sur la scène où le présentateur de la soirée vient d'atterrir en parachute et commence déjà à s'adresser à la caméra comme au public présent.
Après un accueil de tous les convives, quelques camface vers les acteurs et les réalisateurs qu'il cite dans son monologue légèrement humoristique pour nous maintenir intéressés.
Chaque mention honorable des figures emblématiques du cinéma ou même des nouveaux talents révélés cette année est suivie d'applaudissements. Kenza fait partie du lot. Le présentateur nous charrie sur notre séparation, sa réaction lors de notre dernière émission et nous demande si ce n'est pas trop malaisant d'être assis ensemble.
Kenza secoue la tête et offre un sourire radieux à la caméra, comme si elle ne venait pas de me lancer une pique. Elle est terrifiante.
Le présentateur cesse enfin de s'acharner sur nous et passe à quelqu'un d'autre. Plus après plus de quinze minutes, il annonce la première catégorie et invite un couple de présentateurs formé d'une chanteuse et d'un ancien catcheur pour annoncer les gagnants du meilleur film d'animation.
Les films candidats passent un après l'autre sur l'écran derrière eux, histoire de créer du suspense et enfin, un film d'animation japonaise remporte l'Oscar. Le réalisateur se lève sous les applaudissements et va sur scène où il faut un court discours avant de la quitter.
Puis, déjà, c'est le premier entracte. Un orchestre commence à jouer alors que chez le téléspectateur une publicité vient sans doute d'être lancée. Les personnes présentes profitent de ce moment où les caméras ne sont plus braquées sur elles pour aller féliciter personnellement l'équipe gagnante du premier oscar de la soirée.
Puis on donne l'ordre à tous de reprendre leur place. Le présentateur principal revient, s'adonne de nouveau à quelques boutades et laisse encore la scène à une autre paire de présentateur de la nouvelle catégorie.
La soirée se déroule ainsi et j'y suis plutôt désintéressé, jusqu'à ce que la catégorie de la meilleure réalisatrice soit annoncée. Les nominées sont rappelées, et leurs œuvres présentées et après un instant roulement de tambour, les présentateurs annonce Hannah comme la gagnante la la surprise d'absolument personne.
L'équipe entière se lève et l'applaudit. Elle embrasse sa conjointe avant de se presser vers la scène pour elle aussi donner un discours, remercier tous ceux qui ont participé à ce projet et l'Académie, l'institution qui organise la cérémonie pour son choix.
Ce trophée ira donc rejoindre les autres oscars qu'elle a déjà remportés lors de sa carrière florissante.
Après un autre cycle d'entracte et d'animation pseudohumoristique, la seule catégorie qui m'importe vraiment est enfin annoncée, la plus anticipée de la soirée :
Celle de la meilleure actrice, dans laquelle figure Kenza.
Rien qu'à l'écoute, on sent la foule survoltée. Certains crient déjà son nom, appréhendant le résultat.
— Tu entends ça Paul ? demande la présentatrice de la nouvelle paire.
— Oui, Claudia, j'entends, ils ont hâte et on dirait qu'on a notre favorite.
Ma favorite.
— Bien, alors sans plus tarder... dit-elle en ouvrant l'enveloppe contenant le nom de la lauréate. L'oscar de la meilleure actrice revient à...
Mon cœur bat trop vite, je cesse de respirer, et les secondes me semblent si longues. Puis, à ma grande surprise, je sens la main de Kenza se refermer autour de la mienne et la serrer si fort que ça me fait mal, tant elle a le trac.
— Emma Cho, Tomorrow is Another Day !
Quoi ?
Il y a une sorte de silence dans la salle qui comme moi s'attendait à entendre le nom de Kenza. Puis les applaudissements retentissent. Emma Cho, plus que surprise, se lève et célèbre avec l'équipe de son film, salue la foule et se dirige vers la scène.
Kenza lâche ma main.
Aussitôt je me tourne pour la voir applaudir alors que des larmes se forment à ses yeux et coulent le long de son visage figé dans un sourire forcé.
Oh trésor...
Je ressens une impuissante colère qu'on lui ait pris cette récompense qu'elle méritait. Pourtant je sais qu'Emma Cho et toutes les actrices nominées le méritaient toutes autant, elles ont toutes travaillé fort.
Mais j'ai la conviction que personne n'a travaillé aussi fort que Kenza. Personne n'avait toute l'Amérique conte elle.
Ce prix était pour elle.
Ce prix était pour elle
Ce prix était pour elle.
— Levi.
Ce prix était pour elle.
— Levi !
Je reviens à moi. Les acclamations résonnent encore, pourtant Emma Cho n'est plus sur scène. Des présentateurs différents qui tiennent une enveloppe déjà ouverte s'y trouvent et semblent malaisés, je remarque que l'attention de toute la pièce est sur moi avant de ramener mes yeux vers la scène, vers l'écran où je vois mon nom et une photo de moi dans le rôle d'Henry.
Non...
— Vas-y ! me presse Adélaïde. Il attendent.
Non, je ne peux pas gagner.
Pas si elle ne gagne pas.
Je ne le mérite pas.
Mécaniquement, je finis par me lever. Je sens quelques personnes me prendre dans leurs bras pour me féliciter alors que je me rends vers la scène, l'impression que mon corps ne m'appartient pas. Les projecteurs m'illuminent et m'aveuglent, mais pas suffisamment pour que je ne voie pas Kenza qui me fixe, l'air contrarié.
Je suis désolé...
Quand l'on dépose le trophée en or froid dans mes mains, j'ai l'impression qu'il pèse des tonnes, comme ma conscience en cet instant. J'arrive devant le micro, sans la moindre idée de quoi dire, car je n'avais pas prévu de gagner ce soir.
Mon regard retourne vers Kenza et elle lève les yeux au ciel avant de tourner la tête. Je sais qu'elle m'en veut. J'ai gâché une partie de sa vie, j'ai rendu son ascension plus difficile et c'est moi qui suis récompensé ce soir.
Pourquoi ?
Pour quoi ?
Aucune réponse ne me vient.
Alors quand je prends le micro, c'est pour que le public sache.
— Hum... pour être honnête avec vous je ne sais pas quoi dire, je n'avais pas prévu de remporter cet oscar ce soir. Pour être encore plus franc, je ne voulais pas le remporter. Mais bon... je suis là, alors je tiens quand même à remercier les membres de mon équipe ; Hannah qui en est à l'origine de ce projet, Mark et toute la Wonder Production. Mes parents bien évidemment sans qui je ne me serais sans doute jamais lancé dans cette carrière.
Je vois ma mère de lancer des baisers aériens et lui souris. Puis mon regard retrouve Kenza qui me fixe les bras croisés.
— Mais la personne à qui j'aimerais dédier ce premier oscar, c'est toi trésor.
Elle écarquille les yeux au moment où toutes les caméras se pointent vers elle et elle décroise les bras.
— Kenza Belbachir mesdames et messieurs.
Les applaudissements accueillent mon introduction.
— La sélection de Kenza pour le rôle d'Alice en a surpris plus d'un, moi compris et en toute honnêteté j'y étais même opposé. Mais elle s'est montré à la hauteur du défi et a affronté tous ceux qui se sont mis en travers de sa route... moi compris.
Nos regards ancrés dans celui de l'autre, je poursuis.
— Kenza est la meilleure actrice avec qui j'ai eu la chance de jouer. À ses côtés, je n'avais pas le choix de sortir mes meilleures performances, de me surpasser de peur qu'elle ne me fasse passer pour un débutant. Elle est également la personne la plus humaine que j'ai pu rencontrer dans un milieu qui en manque cruellement. Je sais que j'ai toujours eu une réputation parfois péjorative de perfectionniste psychorigide.
La foule, dont la majorité me connaît depuis mon enfance, certains ayant travaillé avec moi sur des films passés rient en acquiesçant.
— Mais je suis heureux de vous annoncer que ma quête de la perfection a pris fin lorsque je l'ai rencontrée en la personne de Kenza.
Une membre du staff en coulisse me fait signe d'abréger, car le temps passe.
— Alors merci à toi du fond du cœur d'avoir partagé avec nous tous ton jeu exceptionnel, ta détermination, ton humanité et ta beauté. Et s'il t'est arrivé d'en douter, à cause de mes mots ou mes actions, sache que je t'aime et que je suis avec toi.
Elle hoche la tête alors que les applaudissements reprennent. Je me dépêche de quitter la scène avant que la fille du staff ne vienne me tirer elle-même. Je retrouve les coulisses et j'entends le présentateur principal annoncer la pause publicitaire.
Quelques personnes me félicitent en coulisse. Mes parents viennent m'y rejoindre. Je serre ma mère avant de la redéposer par terre.
— Bravo fiston, me dit mon père en m'ouvrant également ses bras.
Je le maintient à bonne distance et lui tend ma main qu'il serre fermement. Puis, du coin de l'œil, je la vois.
Ma Kenza.
Kenza
Ça fait presque trois minutes que j'attends dans les coulisses que Levi termine de discuter avec ses parents quand il me remarque enfin. Dès lors, ses yeux de ce magnifique bleu spectral ne lâchent plus les miens.
— Excusez-moi, dit-il.
Il se fraie un chemin jusqu'à moi et se place en face de moi. Dans le silence, nous nous contemplons de longues secondes. Puis mon regard va vers le trophée dans sa main.
— Félicitations, dis-je sobrement.
Il suit mon regard et le ramène à moi.
— Merci... désolé que tu n'aies pas gagné. Tu le méritais.
— Je sais.
Il sourit et je me retiens de faire de même, sans grand succès. Puis je vois la culpabilité l'assaillir, ainsi que la tristesse.
— Je suis désolé... pour tout
— Je sais.
— Je t'aime.
Mon cœur se serre.
— Je sais.
Il hoche la tête, comprenant que ça ne suffit pas à effacer le mal qu'il m'a fait. Il me sourit malgré tout, mais des larmes roulent sur ses joues.
Il espérait mieux, une fin heureuse. Mais je ne peux pas lui redonner ma confiance simplement parce qu'il dit qu'il m'aime et qu'il est avec moi.
Il est et restera comme eux.
Je lui ouvre quand même mes bras pour le consoler et il me rend chaudement mon étreinte. Il me serre fort et hume mes cheveux comme pour imprimer le souvenir dans sa mémoire. Quand il parvient enfin à se calmer, il prend ma main, l'ouvre et y dépose le trophée.
Son oscar.
— Tiens, il est pour toi.
J'ouvre grand les yeux.
— Non, Levi...
Il secoue la tête.
— Je t'interdis de refuser. S'il te plaît... accepte au moins cette part de moi.
C'est mon tour de sentir les larmes me prendre pour cible alors qu'il me laisse là et disparaît derrière une porte. Je sanglote sur place en me retenant d'aller à sa poursuite.
J'essuie mes larmes quand j'entends qu'on appelle tout le monde à regagner sa place pour la suite.
Je me tourne pour y retourner et tombe nez à nez avec Adélaïde qui se tenait derrière, j'ignore depuis combien de temps.
Elle me sourit.
— Qu'est-ce que tu me veux ? dis-je en reniflant ma morve.
— Rien. Je vois qu'il a réussi puisque tu pleures.
— Quoi ?
— Sa vengeance.
De quoi est-ce qu'elle parle ?
— Écoute Adèle je ne suis pas d'humeur pour ton charabia.
J'essaie de partir, mais elle me bloque le chemin.
— J'espère que tu ne chercheras plus à l'approcher pour réaliser tes objectifs. Il t'a remercié devant tout le monde, ça devrait te suffire comme moment de gloire non ?
— Oui, Adélaïde, dis-je uniquement pour me débarrasser d'elle.
Alors seulement, elle me laisse passer. Mais alors que je viens de la traverser. Je m'arrête.
— En fait, tu sais quoi ?
Je me tourne avant de m'approcher d'elle tandis qu'elle recule.
— Ça ne me suffit pas comme moment de gloire. C'est à peine un amuse-bouche et ma faim est insatiable. Alors si je dois me servir de Levi pour en avoir plus, je le ferai et si je dois t'écraser, je le ferai.
La peur de lit dans ses yeux. Je crève d'envie de mettre ma menace à exécution. De l'anéantir avec une seule vidéo... mais même elle ne mérite pas cette humiliation. Alors je calme ma pulsion et recule. Je retourne dans la salle où presque tous sont déjà installés. Adélaïde vient prendre place après moi, mais Levi lui n'est toujours pas là.
La cérémonie reprend sans lui.
De mon côté, je me retiens de fondre en larme ici alors que les caméras se promènent dans la foule. Alors que les prochains présentateurs introduisent la prochaine catégorie, mon téléphone vibre dans mes mains.
Celui de mon frère également.
Celui d'Adèle.
Bientôt, tous dans la salle sortent leurs appareils alors qu'on nous a interdit d'ouvrir les téléphones pendant les instants d'antenne. Des chuchotements s'élèvent dans la salle et avant que je ne comprenne ce qu'il se passe, l'image sur l'écran de la scène change.
À présent, la vidéo que j'ai prise d'Adelaïde et de Donald von Neumann joue, couplée à l'audio.
Il flotte alors dans l'air l'odeur pestilentielle du scandale et de l'indignation. Je regarde la vidéo diffusée aux yeux de tous dans l'incompréhension totale.
Quoi ?! Comment-
J'entends un bruit fort désagréable à ma gauche et constate qu'Adèle, comme nous tous, regarde la vidéo, en hyperventilant.
— Non... non...
La vidéo change, à présent, Adèle y est aperçue avec un autre homme célèbre, lui aussi marié. Puis un autre, un autre, et un autre encore avant que le rideau ne se ferme enfin sur l'écran.
Instinctivement, je me retourne pour voir Donald von Neumann qui semble être en train d'essayer de s'expliquer à sa femme qui elle fixe Adélaïde d'un air menaçant.
Dans les faits, toutes les femmes des amants d'Adélaïde présente ont le regard braqué sur elle. Adélaïde se lève et tente de fuir, mais soit elle accroche sa robe, soit quelqu'un lui a fait un croche-pied. Elle tombe lamentablement, se relève lamentablement et s'enfuit tout aussi lamentablement.
Le présentateur annonce une pause et un brouhaha sans pareil s'élève dans la pièce. Moi je suis toujours sous le choc, dans l'incompréhension certes de ce qu'il vient de se produire, mais surtout de comment la vidéo que je n'ai jamais partagée à personne s'est retrouvée dans ce montage.
Après la pause, la cérémonie reprend. Le présentateur s'excuse pour cet accro et s'empresse d'annoncer le tout dernier gagnant de la soirée. Dès qu'on donne la permission aux gens de quitter, tous se précipitent vers l'extérieur pour parler de ce qu'il s'est passé. Alors que je marche parmi les attroupements, j'entends les rumeurs, j'entends des gens rire, insulter Adèle, j'entends des gens dire que c'en est fini de sa carrière.
Je erre sans bus précis dans le hall quand j'aperçois Levi qui me fixe au loin, les mains dans les poches. Puis il tourne le dos et sort du bâtiment.
Oh non le pauvre... il l'a découvert comme ça.
— Je reviens Jibreel.
Tant bien que mal, je me lance à sa poursuite et le retrouve sur le point d'entrer dans sa voiture.
— Levi ! Levi, attends !
Il s'arrête et se tourne vers moi. J'arrive à quelques mètres de lui, essoufflée. Je cherche les mots pour lui exprimer mon regret.
— Je... je suis désolé que tu aies vu ça, je ne sais pas comment ça s'est retrouvé là- et- je suis désolée de te l'avoir caché-
— Kenza, ça va.
— Non, ça ne pas-
Je m'arrête quand je réalise que depuis que je l'ai vu il n'a pas l'air dévasté, anéanti, trahi ou triste. Il n'a même pas l'air surpris.
— Tu savais...
Il hoche la tête.
— Depuis quand ?
— Depuis que j'ai trouvé la vidéo dans ton téléphone. Le lendemain de notre première nuit ensemble.
Les pièces du puzzle se placent d'elles-mêmes dans mon esprit. Il semblait de mauvaise humeur et maintenant je comprends pourquoi. Et je comprends par la même occasion que c'est lui qui est derrière tout ça.
— C'est toi qui as fait ça ?
Il ne répond pas avec des mots, mais son silence et son regard suffisent.
— Pourquoi ?
— Je te l'ai dit. Je suis avec toi.
Il le dit calmement. Sur son visage ne réside pas la moindre trace du remords après ce qu'il vient de faire à Adélaïde.
— Tu viens d'anéantir sa carrière Levi.
— Je l'ai fait pour toi.
Il a perdu la tête ?
— Mais... Levi, c'est ton amie d'enfance... et ton père... comment-
— C'est vrai. Ce sont les miens. Je suis né dans cette famille, dans ce milieu, j'ai grandis dans cette industrie perfide où l'ont camoufle nos vices derrières les fêtes, le glamour et les trophées en or, dit-il en regardant l'oscar que je tiens toujours. Alors oui, je suis comme eux, je suis pire qu'eux... mais je ne les ai pas choisis, le sort me les a imposés.
À ma surprise, il fait quelques pas vers moi et passe sa main sur ma joue. Le vent nocturne souffle et fait danser nos cheveux.
— Toi, je t'ai choisie. Non seulement je t'ai choisie, je t'ai dérobée à un autre, pour que tu sois mienne et mienne seule. J'ai tout eu dans la vie, l'argent, le privilège et maintenant la plus haute distinction pour mon travail...
Ses yeux sondent les miens, aussitôt je dois combattre l'envie de me laisser tomber dans ses bras, de m'offrir à lui pour qu'il fasse de moi ce qui lui chante. Son pouce caresse la surface de ma joue alors qu'il fixe mes lèvres, pensif.
— Tout ça, et tu restes de loin ce que j'ai de plus précieux, ma Kenza, mon trésor.
Fuck !
Non, non ! C'est mal ce qu'il a fait !
Oui mais...
Je serre les cuisses.
— Je ne peux pas effacer ce que je t'ai fait et je m'en voudrai toute mon existence, mais si j'ai été capable d'atrocités contre toi... sache que je suis capable de tellement pire pour toi et que j'annihilerai quiconque mettra en danger ton héritage. Parce que je suis avec toi, parce que je suis à toi.
— Levi...
Il dépose un baiser sur mon front avant que ses lèvres ne glissent vers mon oreille. Je frisonne quand son souffle chaud rencontre ma peau, quand sa main se pose sur mes fesses au moment où il chuchote :
— Je t'avais dit que je ferais pire si tu m'appelais encore ton collègue. Bonne nuit, trésor.
Il s'éloigne de moi et recule vers sa voiture sans détourner ses yeux de moi. Il y entre, démarre qui quitte après avoir foutu le feu à mon être tout entier.
Coupé !
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