Scène 27

𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟚𝟟 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

Kenza

Il n'y a pas plus grande leçon d'humilité que de porter des vêtements qui ne vous font plus.

— Kenza t'abuses. Tu le fais exprès, c'est sur.

— Cinq petites minutes..., dis-je en me contorsionnant.

— Tu m'as dit ça il y a vingt minutes ! s'énerve-t-il. Faut que tu m'expliques ; comment est-ce que TU peux me donner rendez-vous, CHEZ TOI et quand même être RETARD !!

En particulier quand votre cavalier très à cheval sur la ponctualité vous met la pression parce qu'il vous attend dans sa voiture.

— Peut-être que j'irais plus vite si je n'avais pas à te répondre alors que tu cries au téléphone. Si tu ne veux pas m'attendre, vas-y tout seul, tu connais l'adresse.

Le silence se fait dans notre appel pour la première fois depuis 20 minutes. Puis, j'entends le bruit d'une portière claquée, les menaces qu'ils marmonnent ainsi que ses pas, le rythme de sa colère. Je comprends qu'il est sorti de sa voiture.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je monte te chercher. Tu partiras dans l'état dans lequel je te trouverai.

— Non !

J'entends le tintement des portes d'ascenseur s'ouvrant.

Putain, il va vraiment le faire.

Je recommence à me tordre dans tous les sens pour atteindre cette putain de fermeture éclair. Je me maudit de mettre laissé aller aussitôt que le tournage a pris fin. Je suis retombée dans mes travers alimentaires, juste parce que je n'étais plus obligée de correspondre à Alice et maintenant tous les plus beaux vêtements que j'ai achetés sont de vrai casse-tête à mettre. Contrairement aux vêtements bon marché, la plupart ne sont pas en matériaux synthétiques suffisamment extensibles pour correspondre à trois tailles.

Un nouveau ding m'indique qu'il est arrivé à mon étage. J'arrête ma gymnastique et scanne la chambre à la recherche d'une cachette, mais au lieu de cela, mon regard atterrit sur le cintre sur lequel était accrochée cette magnifique robe. Une idée me vient en tête et je me gifle intérieurement de ne pas y avoir pensé plutôt. Je blâme Levi, il m'a déconcentrée en me mettant la pression.

Je me saisit du cintre et à l'aide du miroir de ma chambre, j'insère le crochet dans le minuscule trou du zipper avant de le faire remonter les dents de la fermeture. À ce même moment, Levi ouvre la porte de ma chambre.

— Levi-

Pas de bonsoir, pas de compliment, il ne m'insulte même pas. Il fonce simplement vers moi, se penche et me jette sur son épaule avant de se diriger vers la porte.

— Attends, mon sac...

Il fait demi-tour et attrape mon sac sur le lit avant de reprendre sa route vers la sortie de mon appartement. Alors que je brimbale contre son dos, je souffle de soulagement. S'il m'avait trouvée nue, il aurait été capable de m'y amener comme ça.

Arrivés dans sa voiture, il me fait asseoir et attache ma ceinture avant d'aller prendre place derrière le volant. Il a la mâchoire serrée, son regard sévère fixé sur la route.

Bon, j'avoue, c'est pas cool de le faire poiroter alors qu'il a la gentillesse de m'accompagner au mariage d'Amar ce soir. Amar et moi sommes colocataires, nous ne sommes pas de la même famille. À part elle, son mari, ses parents et nos camarades je ne connais personne là-bas. La soirée aurait été pénible à la longue. Alors la présence de Levi me fait le plus grand bien.

Je pose une main sur sa cuisse pour attirer son attention. Ses yeux descendent sur celle-ci avant de passer à moi.

— Merci d'être venu me chercher, dis-je en battant les cils.

Je joue de mes charmes pour fissurer son masque de glace, parce que maintenant je sais qu'il m'aime.

Levi m'aime.

Et ça fonctionne ! Il perd la face, rougit un peu avant de rediriger son attention sur la route. Rien à avoir avec celui qui me criait dessus au téléphone il y a quelques minutes. Dès qu'il est en face de moi, le désagréable Levi fond comme glace au soleil. C'est un contraste ma foi divertissant.

Nous arrivons sur le lieu de la réception quarante minutes après notre départ. En voyant des membres de la famille des mariés encore arriver, je ne manque pas l'occasion de dire à Levi que je lui avais bien dit que personne n'arriverait à l'heure. Au lieu de chercher à répliquer, il secoue en signe de désapprobation.

Alors que nous attendons notre tour dans la file menant à l'entrée, j'arrange ma poitrine dans mon buste trop serré. Je n'aime pas trop l'effet push-up que ça donne.

— Putain...

Je lève les yeux pour voir Levi en train de me mater sans même se soucier du fait que je l'ai pris en flagrant délit. Ses yeux passent de mes seins à mes épaules, puis dessinent la courbe de ma taille et de mes hanches. Il déglutit.

— Tu aimes ma robe ? Le design est si complexe, j'ai mis du temps à trouver une manière de la mettre sans la déchirer.

Il arque un sourcil, pose sa main sur ma hanche et se penche pour me souffler à l'oreille :

— Et moi j'ai déjà trouvé quatre manières de te la retirer. L'une d'entre elle implique de la déchirer.

Le frisson me parcourt et je me tends. Il se redresse pour constater l'effet que ses mots ont eu sur moi. Je bégaye quelque chose sans le moindre sens et ça le fait sourire. À ce moment précis, ceux qui étaient devant nous entrent dans la salle et nous nous retrouvons en face d'un homme qui tient une tablette avec la liste des invités.

J'ouvre la bouche pour dire nos noms, mais il nous reconnaît instantanément.

C'est une chose à laquelle j'ai encore du mal à m'habituer. D'être reconnue dans la rue, par des gens qui me sont totalement étrangers. Il se met à chercher nos noms pour les cocher et nous laisser entrer.

— Alors... Kenza, oui, et... Blake Donovan.

Il lève lentement la tête de l'écran pour regarder Levi puisque clairement, ce n'est pas Blake. Levi me dévisage, sourcils froncés.

Merde...

— Désolée, j'ai oublié de changer le mon de Blake pour le tien.

Il semble un peu vexé, mais ne dit rien. Je me tourne vers l'homme qui tient la liste.

— C'est mon erreur, c'est Levi qui est mon invité.

Son regard retourne vers la liste, puis il serre les dents.

— Amar a été très claire. Personne qui n'est pas invité n'a le droit d'entrer. Et tu sais comment elle est.

Je sais qu'Amar est déjà très rigide de nature, mais elle l'est devenue encore plus en ce qui concerne son mariage. Absolument tout devait être parfait.

J'imagine qu'elle voulait éviter que des gens s'invitent à la à la dernière minute, ce qui fait qu'on se retrouve avec plus d'invités que de places assises.

— C'est pour éviter les débordements. J'ai déjà dû chasser une dizaine de personnes.

Je regarde Levi du coin de l'œil. Je vois bien qu'il semble de plus en plus excédé par le fait que j'ai oublié de changer le nom de Blake, mais il ne dit toujours rien.

— Je comprends, mais je connais Amar, Levi est mon invité.

Il me rit en pleine face.

— Tout le monde ici connait Amar. Les consignes sont les consignes, si son nom n'est pas sur la liste, il n'entre pas.

Je commence à m'énerver, mais je me force à garder mon calme.

— Écoutez, Blake qui devait m'accompagner n'a pas pu se libérer et Levi le remplace. Le compte est bon parce que Blake ne vient pas !

J'attends qu'il réagisse, mais au lieu de ça, son regard passe par-dessus mon épaule et il écarquille les yeux.

— Oh...

— Quoi ?

Avec son crayon, il pointe derrière nous. Levi et moi nous tournons pour voir la personne qui se tient là, mains dans les poches, sourire angélique aux lèvres et cheveux d'or magnifiquement coiffés.

— Bonsoir, Kenza.

— Blake..., soufflons-nous d'une même voix éberluée.

Il couvre les quelques pas qui nous séparaient et viens de placer à mes côtés avant de glisser sa main au creux de mes reins et de déposer un baiser sur mes lèvres. Je suis bien trop larguée pour apprécier son contact, ou même lui rappeler qu'on ne doit pas faire ça en public avant la première du film. Comme une cruche, je cligne des yeux en attendant que ce mirage disparaisse. Mais il est bien réel.

Blake est bien présent.

— Désolé pour mon retard, je me suis dépêché pour pouvoir venir.

Il semble en effet un peu essoufflé. J'ignore s'il le fait exprès, mais à aucun moment il ne note la présence de Levi, comme s'il était invisible pour lui.

— Tu es sublime.

Son compliment fait trépigner mon cœur et le rouge me monte aux joues.

— Me-merci...

— De rien. Bon, on y va ? dit-il en prenant ma main.

Hypnotisée, je commence à le suivre quand une autre main attrape mon poignet. Mes yeux remontent le bras à qui appartient cette main veineuse pour voir son propriétaire, Levi.

Levi, pas du tout content.

— Elle est venue avec moi. Rentre faire ce que tu avais de mieux à faire.

Son ton possessif rompt le charme et je reviens à moi. Je lâche la main de Blake, mais ce dernier la reprend, serrant à son tour mon poignet.

— Oui, tu devais me remplacer si j'ai bien compris. Je suis là maintenant, tu peux retourner sur le banc.

Tous les deux serrent mon poignet plus fort, alors que l'ambiance devient vénéneuse et irrespirable. Ils se regardent comme s'ils allaient se tuer.

Comme ils commencent à me faire mal, je retire ma main de leur emprise et masse mes poignets. En plus de la panique, les questions affluent dans mon esprit, mais je pose la plus pertinente, celle que j'aurais dû poser dès qu'il est apparu.

— Blake... Qu'est-ce que tu fais ici ?

Il lâche enfin Levi du regard et me sourit en replaçant sa main sur mon corps.

— Bah, tu m'as invité non ? C'est bien mon nom qu'il y a sur la liste ?

Le pseudo vigile jette un rapide coup d'œil vers la liste et confirme. Alors Blake sourit de plus belle, et je me sens stupide d'avoir posé la question. Je suis sur le point de me taire pour éviter de faire un faux pas quand mon champ de vision accroche Levi, qui nous observe. La colère s'est envolée. À présent, il me regarde à la manière d'un maître vérifiant si l'élève a compris la leçon ou répétera l'erreur. Et je sais que l'erreur serait de suivre Blake.

Sauf que je suis incapable de me lancer dans une confrontation directe avec Blake.

— Mais... tu m'as dit- tu as dit que tu ne pourrais pas venir parce que tu avais un truc important.

— Oui, mais après, j'ai réfléchi et j'ai réalisé que tu es plus importante encore, alors j'ai annulé pour être là avec toi ce soir.

Je suis plus importante?

Je commence à sourire quand j'aperçois de nouveau Levi à sa droite. Il ne me regarde plus comme s'il attendait de moi que je m'indigne. J'ai déjà échoué l'épreuve pour lui. Blake suit mon regard.

— T'es encore là toi ? D'ailleurs qu'est-ce que tu fiche ici ?

Eh merde...

— J'accompagne Kenza au mariage. Elle m'a invité quand tu as décidé de la mettre à la porte avant de te désister, explique Levi en me fixant.

Blake se tourne vers moi et fronce les sourcils.

— C'est vrai ça ?

J'ai la bouche entrouverte depuis plusieurs secondes, à la recherche des bons mots à dire pour plaire à Blake sans décevoir Levi.

— Euh... je... tu m'as dit que tu ne viendrais pas alors...

— Alors tu as couru me remplacer par lui ? C'est ça ? C'est avec lui que tu voulais venir ? demande-t-il avec dédain.

Je secoue la tête, mais vois encore Levi qui détourne le regard alors que je fais tout ce qu'il m'a accusé d'avoir fait de mal quand il m'a avoué ses sentiments.

Je me rappelle que lui m'aime. Il est amoureux de moi... mais Blake... Accablée par la situation, les larmes me montent aux yeux.

— Non... c'est avec toi que je voulais venir. C'est toi que j'ai invité en premier. Lui ne te remplace que parce que tu as dit non.

Levi ricane et secoue la tête.

— Je vois... et tu l'as invité combien de temps après que je t'ai dit que j'avais quelque chose d'important ?

Je n'ose pas répondre, je sais que la réponse ne lui plaira pas.

— Directement après, répond Levi. Elle est venue chez moi, directement après.

Tais-toi! Ce n'est même pas vrai, tu t'es invité tout seul!

Blake me regarde à présent comme si je l'avais trahi... et en soi oui, je l'ai fait. Inviter Levi pour le remplacer est une chose, le faire dès que la place était libre en est une autre. Ça donne l'impression que je n'attendais que ça.

— C'est vrai ?

Levi intervient de nouveau.

— Quoi ? Tu voulais qu'elle reste sans cavalier en attendant que tu décides si elle est suffisamment importante pour annuler tes soi-disant plans ?

Blake l'ignore et me fixe, me pressant de réagir.

— Je suis désolée... je ne savais pas que tu viendrais...

Il prend mon visage dans ses mains et essuie mes larmes.

— Ça va aller. Je suis désolé de m'être désisté, mais je me suis libéré pour la soirée, pour toi. Je suis là maintenant, on y va ?

Je sais que la réponse devrait être oui, un oui décisif et convaincant. C'est Blake, mon Blake ! J'ai toujours rêvé de ce genre de soirée avec lui, de passer du temps avec lui, qu'il me touche comme il me touche maintenant. Mais je n'arrive pas à prononcer le mot. Pas quand Levi se tient juste à côté, habillé pour l'occasion après qu'il est venu me chercher et m'ait attendue. Pas maintenant que je sais ce qu'il ressent pour moi et tout le mal que ça lui ferait.

Je suis dans une impasse.

Tout ce que je ferai sera un faux pas d'une manière ou d'une autre. Ma dispute avec Levi me revient en mémoire. Je lui en ai voulu de ne pas m'avoir dit ce qu'il ressentait pour moi, mais il m'a demandé « si je t'avais dit, si tu savais que je t'aime, est-ce que ça aurait changé quoi que ce soit ? » Je n'ai pas réussi à lui répondre. Mais maintenant, ma décision sera la réponse, car maintenant je dois choisir en sachant qu'il m'aime.

La voix de l'homme à l'accueil m'arrache à mon dilemme :

— De toute façon, c'est seulement Blake Donovan que je peux laisser entrer, c'est son nom qui est sur la liste.

Je devrais être ravie, car cela m'enlève le poids d'avoir à trancher, mais pas du tout. Blake prend ma main.

— Et bah voilà. C'est réglé. On y va ? répète-t-il.

Je regarde Levi et il comprend que j'ai fait mon choix. Son nez tique et il ferme les yeux avant de me communiquer d'un regard que ça va aller.

— Vas-y avec lui. Je ne devais pas être ici de toute façon.

— Levi...

— C'est bon. Y'a pas de problème. Tu m'enverras des photos. Et arrête de pleurer, tu vas ruiner ton maquillage, dit-il en passant délicatement son pouce sous mes yeux. Amuse-toi bien, trésor.

Dès qu'il prononce le mot, le boucan dans ma tête cesse d'être.

Mais qu'est-ce que je fous?!

Je le retiens quand il me tourne le dos et glisse sa main dans la mienne avant de le traîner pour aller me planter en face de l'homme de l'accueil. Il doit lui aussi être de la famille d'Amar. Je bricole mon arabe libanais pour lui dire ce que je veux.

— C'est Levi mon invité, pas Blake, il y a eu erreur. Blake ne peut pas venir, il est occupé. Il a plus important à faire.

Il passe également à l'arabe.

— Mais il est juste là.

— Trop tard. Il m'avait dit qu'il ne viendrait pas. Il n'a même pas respecté le dress code. Amar a aussi été très strict là-dessus non ?

Il hésite. Il a tout suivi de notre conversation et je vois bien que lui aussi sait que c'est Levi qui doit entrer, pas Blake. Je le supplie des yeux et il soupire avant de porter son regard vers Blake.

— Hey, toi, le blondinet.

— Quoi ?

— C'est le mariage de qui ?

Blake fronce les sourcils.

— De l'amie de Kenza.

— Jure. C'est quoi son nom ?

— C'est...

Il s'arrête quand le nom ne lui vient pas. Là, c'est à moi de le dévisager, déçue que la réponse ne soit pas immédiate. Le silence qui suit est le plus bruyant de tous, car il porte avec lui la réponse à mon dilemme de ce soir. J'échange un regard avec le cousin d'Amar qui change le nom de la réservation avant de nous ouvrir la porte à moi et Levi.

— Tu viens ? lui dis-je quand il semble hésiter à me suivre.

— Oui...

Nous nous dirigeons vers la porte, mais juste avant de passer, Levi s'arrête et se tourne vers un Blake fulminant et humilié.

— T'aurais dû mieux répéter ton rôle.

La porte se referme derrière nous avant que Blake ne puisse réagir. Maintenant qu'il n'est plus là, la pression redescend. Je me tourne vers Levi qui me fixe.

— Quoi ?

— Il va t'en vouloir.

Je soupire.

— Je sais... mais il m'avait dit-

— Je sais.

Je m'en veux tellement d'avoir hésité alors que le choix était évident. Levi me fixe toujours de cette manière qu'il a de le faire quand il se retient de mal parler de Blake sans ma permission. Je lève les yeux en l'air.

— Vas-y.

— C'est assez typique de lui. De se pointer comme une fleur sans même te prévenir.

— Ah oui ?

— Oui. S'il est venu, ce n'est pas pour toi, c'est pour que tu lui sois reconnaissante. Pour se faire passer pour un héros et possiblement te le rappeler à la moindre occasion. C'est un pervers narcissique.

Je baisse les yeux, car combien même ce que Levi me dit fait du sens, je n'arrive pas à voir Blake d'un mauvais œil. Il va falloir que je pense à ce que je vais lui dire pour me faire pardonner de l'avoir laissé là dehors.

Levi prend ma main pour attirer mon attention.

— Allons-y, Amar va nous tuer si l'on est en retard.

Je prends une grande inspiration, acquiesce et le suit jusqu'à la salle.

Coupé!

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top