Scène 26

𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟚𝟞 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

Kenza
— Alors ?

— Hm ?

— Quelle robe ?

— Oh... celle de droite, lâche Amar, les yeux rivés sur son téléphone.

Je regarde ma main droite qui tient un jean bleu, découragée.

— Amar, tu ne m'écoutes même pas.

— Hm ?

— Amar !

Elle sursaute et me regarde, l'air de me demander pourquoi je la dérange. Elle est vraiment ailleurs ces derniers temps, c'est insupportable. Quand elle remarque enfin que dans ma main droite ne se trouve pas une robe, mais un pantalon, elle ferme les yeux.

— Je suis vraiment désolée... j'étais en train de parler à l'organisatrice du mariage. Il y a eu un souci avec la commande des fleurs.

Je voudrais lui en vouloir de n'être toujours qu'à moitié attentive, mais je n'imagine même pas le genre de stress que c'est que de se marier très prochainement. L'engagement à lui seul devrait suffire à faire angoisser n'importe qui, rajoutez par-dessus tout l'organisation et vous êtes constamment à cran.

Amar a engagé une boite qui organise des mariages, mais son côté maniaque du contrôle a pris le dessus et elle est constamment en train de les micromanager pour que tout soit parfait.

C'est son jour spécial à elle, je la comprends. L'autre personne qui semble aussi stressée qu'elle, c'est Wadih. Le pauvre voulait seulement une femme et se retrouve maintenant à devoir organiser un mariage quasi princier pour une Amar très, très exigeante. Quand il m'a soufflé le montant de la dot, j'ai failli m'écrouler. Mais Amar, mérite tout cela et même plus, il le sait.

— Non, mais tu vois ça ? Elle me dit qu'on pourrait prendre des fleurs rouge corail à la place de rouge carmin !

Elle me montre son téléphone pour que je voie cette inacceptable différence de couleur, mais j'ai beau regarder, moi je vois la même couleur.

— Euh... oui, c'est scandaleux !

Amar soupire, jette son téléphone sur mon lit, à bout de nerf et croise les bras. Ses yeux verts reviennent sur les vêtements toujours dans mes mains.

— Porte n'importe quoi. C'est juste un stupide rendez-vous.

— Hey ! Ce n'est pas un stupide rendez-vous ! C'est un rendez-vous avec Blake Donovan.

Elle lève les yeux au ciel. Bon, je sais que ce mariage la rend légèrement insupportable, mais là elle est totalement pas cool. Elle devrait se réjouir avec moi que j'aie enfin ce que je désire depuis toujours : une carrière en plein essor et l'attention de Blake.

— Je veux qu'il me trouve jolie et qu'il tombe amoureux de moi.

— Ce n'est pas une robe qui va le faire tomber amoureux de toi.

— Je sais ! Mais tu comprends ce que je veux dire.

Elle bâille.

— Écoute, moi je t'aurais dit prend la robe noire, elle est sobre, élégante, jolie et un minimum modeste, mais je sais que les gens comme eux préfèrent les trucs plus révélateurs, alors prend la robe pastelle.

— C'est exactement ce que je me disais !

Je commence à me déshabiller pour enfiler la robe et voir de quoi j'aurais l'air dedans si je la porte pour notre rencard de ce soir.

Blake et moi ne sommes pas ensemble. Pas encore. Nous attendons la première du film que nous avons fini de tourner il y a deux mois. Selon la planification, elle aura lieu d'ici quatre mois. Levi et moi officialiserons alors notre séparation.

En attendant, Blake et moi apprenons à nous connaitre, pour voir si nous sommes compatibles et si on peut envisager une relation sérieuse.

Je me retrouve donc dans une situation où je suis en faux couple avec Levi et en vrai couple avec son meilleur ami... ancien meilleur ami maintenant...

En parlant de lui, ça fait un moment que nous ne nous sommes pas vus, ni même appelés. On dirait qu'il m'évite depuis que je lui ai annoncé la bonne nouvelle pour moi et Blake. Il a juste répondu :👍

Par la suite, ses messages se sont raréfiés. Il a arrêté de me souhaiter un bon matin et une bonne nuit, il ne m'appelle plus juste parce qu'il ne veut pas être seul chez lui. Tous ses messages sont brefs, la majorité n'atteint même pas deux mots :

Cool.

OK.

Possible.

Oui.

Non.

Il m'a dit qu'il voulait qu'on commence à prendre nos distances, mais je ne m'imaginais pas qu'il allait vraiment le faire. J'ai l'impression qu'il ne veut même pas qu'on reste amis.

Tant pis. J'ai tout ce dont j'ai toujours rêvé dans la vie, et il n'en fait pas partie, je vais m'en remettre.

— Je n'arrive toujours pas à croire que vous sortez ensemble toi et Blake. Blake quand même ! Moi qui te croyais complètement folle quand tu me jurais qu'un jour il serait à toi... tu me fais peur...

Je me tourne vers elle et lui souris fièrement.

— Ça va aller. J'ai l'habitude qu'on me sous-estime maintenant. Mais absolument rien au monde ne m'empêchera d'obtenir tout ce dont je rêve.

— Je vois ça ! Mais tu n'as pas peur ?

— De quoi ?

— D'être déçue.

— Par quoi ?

Ses yeux m'examinent quelques secondes, jaugeant s'il est prudent de me dire ce qu'elle pense.

— Tout, la carrière, le milieu, la célébrité... Blake.

Je plisse les yeux en l'observant à mon tour. Je vois clair dans son jeu, ce n'est pas un avertissement sur la réalisation de mon rêve qu'elle me donne, mais sur Blake.

Pourquoi elle me demande ça ? Elle essaie de me décourager ?

Je décide de ne pas jouer à son jeu et de la confronter.

— Pourquoi Blake me décevrait ?

Elle lève les épaules.

— J'en sais rien. Quand on apprend à connaitre les gens, on découvre des aspects d'eux qui peuvent plaire... ou pas.

— Mais je connais Blake. C'est une des personnes les plus respectueuses et gentilles que je connaisse. Il a été là pour moi dès le début.

— Je sais que tu le connais, mais-

— Mais quoi ? Toi qu'est-ce que tu sais de lui pour me parler de déception ?

Face à mon irritation, Amar se replie un peu, mais pas totalement. Elle a toujours quelque chose à dire.

— Ok, il est mignon, il est gentil. Mais qu'est-ce que tu attends de lui ?

— Qu'est-ce que j'attends de lui ?

— Oui. Être une bonne personne ne suffit pas à entretenir une relation, si tant est que vous soyez en couple, il faut plus. Il faut que vous partagiez votre philosophie de vie, il faut que vous désiriez la même chose de l'autre. Qu'est-ce que tu veux de Blake et es-tu certaine qu'il veut la même chose de toi ? Depuis que je te connais, tu parles de lui comme étant l'homme de ta vie, tu me parlais de mariage... mais même si je ne connais pas personnellement Blake, je sais au moins qu'il n'a pas la réputation d'un mec qui s'engage.

— Avec moi ce sera différent.

Amar lève les yeux au ciel.

— Donc tu vas parier sur ta capacité à être l'exception à la règle ?

Je m'arrête pour réfléchir sérieusement à ce qu'elle me dit là. Je suis au fait de l'historique des relations de Blake. Toutes de courtes durées et selon ce que Levi m'a dit, il n'est pas du genre à s'attacher, il aime sa liberté. Mais il y a deux mois, quand je lui ai avoué mes sentiments, quand il m'a embrassée pour la première fois, il m'a dit qu'il voudrait essayer.

Amar voyant qu'elle m'a sapé le moral se lève et vient prendre mes épaules.

— Je ne dis pas que tu ne seras pas l'exception à la règle. Dieu sait que tu vas trouver un moyen d'arriver à tes fins, mais tu devrais au moins en parler avec lui. Demande-lui ce qu'il attend de toi pour ne pas te donner dans une relation sans avenir. Ok ?

Je hoche la tête et lui souris. Elle peut être agaçante à constamment me mettre en garde, mais je sais qu'elle a à cœur mon bonheur. Si j'en suis là aujourd'hui c'est largement grâce à elle. Quand j'ai vidé mes comptes dans l'école de cinéma, j'ai vécu sur ses économies à elle pendant presque un an. Elle ne m'a pas expulsée de l'appartement quand je ne pouvais plus payer ma part du loyer, elle ne m'a pas dénoncée à mes parents et c'est elle qui m'a encouragée à garder le rôle d'Alice même si je devais jouer avec Levi. Je lui dois énormément.

— Avant qu'il ne te donne une réponse claire et te prouve qu'il est prêt à t'aimer comme tu l'aimes, ne lui donne rien.

Je fronce les sourcils et elle lève les siens pour me faire comprendre le sous-entendu. Je sais très bien de quoi elle parle. Amar est une fervente militante de l'abstinence jusqu'au mariage.

— Pourquoi ?

— Parce qu'un homme doit prouver qu'il te mérite pour avoir accès à toi. Si tu lui offres ta vertu alors qu'il n'a pas juré devant Dieu de t'aimer et de te chérir, tu vas finir malheureuse en plus d'aller en enfer, crois-moi. Une fois qu'il aura eu ce qu'il veut de toi, pour lui ça ne vaudra plus la peine de faire des efforts.

Je sais qu'elle me parle de Blake, mais quand elle me dit ça, c'est à Levi que je pense. À sa réaction après que je lui ai donné mon innocence. La veille, il me disait qu'il ne pouvait pas me résister et le lendemain, il a coupé les ponts avec moi. Depuis il ne me parle pas, il ne m'écrit pas si je ne lui écris pas, je ne sais même pas si nous sommes encore amis...

J'ai toujours trouvé Amar un peu trop coincée avec son obsession pour l'abstinence, mais je réalise aujourd'hui qu'elle avait raison. Levi a eu ce qu'il voulait et après il s'est débarrassé de moi.

Et il risque de se passer la même chose avec Blake.

— Il faut que tu restes vierge, sinon tu le regretteras à jamais. Compris ?

Putain...

J'opine lentement. Je n'ai pas dit à Amar que j'ai couché avec Levi. Elle aurait fait un scandale et serait partie tout dire à ma mère, par devoir.

En voyant l'heure qu'il est, je me dépêche de me préparer pour l'arrivée de Blake. Amar a raison, ce n'est pas une robe qui le fera tomber amoureux de moi, mais je veux lui plaire. Je veux qu'il s'arrête pour me déshabiller du regard, captivé, comme...

Levi...

— Kenza.

— Hm ?

— Quelque chose ne va pas ?

Je me tourne vers Blake.

— Non... pourquoi ?

— Je te sens distante depuis le début de la soirée.

Le début de la soirée?

Je cligne des yeux et regarde autour de moi, réalisant que nous sommes déjà chez lui, dans sa chambre. Je me souviens du moment où il est venu me chercher, je me souviens d'avoir tenu le menu de la carte, mais sinon, je n'ai pas le moindre souvenir de la soirée. Je ne sais pas de quoi on a pu parler ni comment je me suis retrouvée ici. J'étais dans les nuages, tourmentée par les avertissements d'Amar concernant ma virginité déjà perdue, la peur que cela porte préjudice à ma relation avec Blake, le souvenir du moment où j'y ai renoncé et l'absence de celui à qui je l'ai offerte.

— Non... je suis juste...

«T'as pas intérêt à oublier.»

Je frissonne quand je me remémore son regard glacial d'empereur.

— Tu n'es pas malade, j'espère.

— Hm...

Il me manque tellement...

— Kenza.

— Oh- euh... non, non, je ne suis pas malade, juste un peu ailleurs.

— Ouf, j'ai des trucs importants ces temps-ci, je ne peux pas me permettre de tomber malade.

— Oh... non, tout va bien, ne t'en fais pas pour... toi...

Il me sourit avant de m'embrasser. Je devrais savourer cet instant comme si c'était le dernier, mais mes pensées ne cessent de vagabonder.

Blake, mon Blake, l'homme de mes rêves est en train de m'embrasser, de me toucher et moi je pense à Levi.

«T'as pas intérêt à oublier.»

J'ai l'impression de faire quelque chose de mal, de le trahir. J'ai l'impression que je vais être frappée par la foudre, punie par le ciel pour ne pas avoir tenu parole.

Je ferme les yeux pour chasser le sentiment d'être en train de commettre un crime. Le brouillard se dissipe un peu et je suis de nouveau dans le moment présent, sur le lit de Blake, dans les bras de Blake qui passe de mes lèvres à mon cou. Une vague de plaisir me traverse, mais bien vite, cette culpabilité que je ne saurais expliquer revient me hanter.

«T'as pas intérêt à oublier.»

Je sens les mains de Blake palper mon corps comme je sens l'imminent châtiment divin me guetter alors que les anges, témoins de mon adultèrent me point d'un doigt inquisiteur.

— Attends... Blake, attends...

— Quoi ? dit-il sans cesser de me baiser le cou.

— Je... pas maintenant...

Il me lâche enfin et me regarde.

— Quoi ? Tu n'as pas envie ?

— C'est pas ça... je veux juste... ça va trop vite... on n'est même pas encore vraiment ensemble...

— Et alors ? Tu n'étais pas vraiment avec Levi quand il t'a baisée.

— Pardon ?!

Il soupire, l'air ennuyé.

— Rien... c'est bon, j'ai compris, dit-il en levant ses mains comme s'il se faisait arrêter.

Je me prends un nouveau coup de poing de culpabilité en voyant la déception dans son regard.

Mais qu'est-ce qui me prend? Je devrais le supplier de me toucher! C'est quoi mon souci?!

— Désolée... on peut faire autre chose, regarder un film ou-

— Non. Il se fait tard. Je te dépose chez toi ?

Je ris nerveusement.

— Il est juste 22h.

— Ouais, mais, je suis fatigué.

— Oh...

Est-ce que c'est parce que j'ai dit non ? Est-ce qu'il m'en veut ? Est-ce que j'ai tout gâché ?

— Alors ? Je te ramène chez toi ou tu peux rentrer toute seule ?

Le regard appuyé qu'il me lance et le ton très suggestif de sa voix quand il énonce la deuxième option m'indiquent la réponse qu'il souhaite que je dise.

— Je... oh, non. T'es fatigué, ne te gêne pas. Je vais appeler un Uber.

— Sûre ?

— Oui, oui. T'en fais pas pour... toi...

Je me lève maladroitement et manque de me planter. Blake me conduit jusqu'à la porte. Il pose ses mains sur mes épaules et, attendant un baiser, je ferme les yeux.

— Kenza.

J'ouvre les yeux.

— Oui ?

— À propos du mariage dont tu m'as parlé.

Sans savoir pourquoi, mon estomac se tord.

— Oui ?

— Je vais plus pouvoir venir.

Mon sourire se décompose.

— Quoi- mais- pourquoi ?

— Comme je t'ai dit, j'ai pas mal de trucs importants ces temps-ci et l'un d'entre eux tombe ce jour-là.

— J'ai déjà donné ton nom pour la liste des invités...

— Je sais, je sais. Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir venir... j'espère que tu ne m'en veux pas.

Si! Si je t'en veux!

— Non ! Bien sûr que non ! Je comprends... merci de m'avoir prévenue.

Faut que je m'en aille, sinon je vais pleurer...

— Super ! T'es la meilleure ! s'exclame-t-il avant de m'embrasser.

— Une prochaine fois peut-être.

— Peut-être, répète-t-il. Ton Uber est là.

— Oh ! Mais oui ! OK... bonne soirée.

— Bonne soirée.

Je me dirige vers le véhicule qui m'attend et quand je me tourne, la porte de sa maison est déjà fermée. La première chose à laquelle je pense c'est que Levi ne m'a jamais laissée rentrer seule. Ça fait bizarre.

Mais je ne peux n'en vouloir qu'à moi, il a proposé de me ramener et j'ai dit non.

Quand le chauffeur me demande de confirmer l'adresse, celle de mon appartement j'hésite. Cette soirée ne s'est pas du tout passée comme je l'imaginais... je ne pensais pas que je serais en train de rentrer aussi vite. À cette heure, c'est sûr qu'Amar est encore debout. Elle va me poser des questions et commencer à me faire la leçon. Je suis déjà à fleur de peau, je n'ai pas envie de pleurer.

Alors sans réfléchir, je donne l'adresse de Levi.

J'ai à peine le temps de regretter que je me tiens devant le luxueux immeuble où il réside, devant l'accueil, dans l'ascenseur, devant la porte de son penthouse.

Je donne quatre coups à la porte, attends, réalise à quel point je suis stupide d'être venue ici alors qu'il ne veut clairement plus me parler, me tourne pour faire demi-tour quand la porte s'ouvre derrière moi.

Je me tourne pour voir Levi dans le cadre de porte.

En le voyant, je retiens mon souffle et je crois que lui aussi, car il demeure la bouche entrouverte pendant un moment. Ça fait si longtemps que je ne l'ai pas vu, j'avais oublié combien il est grand, à quel point ses épaules sont larges. Il a les cheveux plus courts que la dernière fois que je l'ai vu et ma première pensée en le remarquant c'est de me demander s'ils sont quand même suffisamment longs pour que mes doigts puissent les agripper ou il va falloir que je me contente de ses oreilles à croquer.

— Kenza...

Je chasse les souvenirs qui polluent mon esprit chaque fois que je le regarde et me reconcentre sur le Levi du présent.

— Bon-bonsoir.

Un long silence suit durant lequel j'attends qu'il me retourne ma salutation, mais il ne fait que me fixer comme si c'était à moi de parler.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? finit-il par dire, l'animosité dans la voix.

OK... ce n'est pas la réaction que j'espérais.

— Hum...

Je cherche mes mots comme une idiote alors que j'ai répété ce que j'allais lui dire pendant le trajet jusqu'ici. Comme ma confusion s'étire, il soupire et ouvre grand la porte.

— Entre.

Des yeux, je le remercie d'avoir compris que ce que j'ai à lui dire ne se discute pas au pas d'une porte entrouverte. J'entre dans son palace et le suis jusqu'au salon. Je remarque aussitôt quelques changements dans la décoration. Déjà, il y en a plus et plus de couleur aussi. Ça reste minimaliste, mais connaissant Levi, c'est vraiment plus vivant.

Je prends place sur le divan, m'attendant à ce qu'il s'écrase près de moi comme d'habitude, mais il choisit de s'asseoir sur l'un des sofas en face de moi. Même qu'il le recule un peu, comme s'il s'était rendu compte qu'il n'avait pas encore atteint la distance sécuritaire. Quand il recommence à me fixer, le malaise me force à dire n'importe quoi.

— Wow ! C'est moi où tu as refait la déco ?!

Il cligne quelques fois des yeux pour que je m'imprègne bien du ridicule de ma tentative avant de répondre.

— J'essaie de nouvelles choses. Les choses que j'aime.

Je pouffe de rire.

— Depuis quand tu aimes des trucs ?

— Depuis toi, répond-il sans la moindre hésitation.

Après une pause de surprise, je lui souris, ravie de l'avoir ainsi influencé.

— Dans ce cas, tu devrais essayer de peindre-

— Qu'est-ce que tu fiches ici, Kenza ? me coupe-t-il.

Il n'est pas disposé à m'écouter verbiager.

— Je voulais te voir, avoué-je finalement.

Il ne semble pas convaincu.

— Me voir...

— Oui !

— Pourquoi ?

— Quoi ? Je dois avoir une raison particulière pour vouloir te voir ?

— Quand tu t'es passé de vouloir me voir pendant plus de deux mois, oui.

— Toi non plus tu n'as pas cherché à me voir ces deux derniers mois.

— J'étais certain que c'était ta façon de me faire passer le message.

— Quel message ?

— « Fiche-moi la paix. »

Quoi?

— Je n'ai jamais fait dit ça !

— Non, mais tu me l'as fait comprendre.

— Comment ?

— En ignorant mes messages pendant des jours entiers dès que tu t'es mise avec Blake.

— J'étais en colère contre toi parce que tu es allé lui raconter qu'on a couché ensemble sans m'en parler d'abord ! D'ailleurs, c'était quoi ton but ?! M'humilier ?! Le dégouter de moi ?!

— Clairement pas puisque vous sortez ensemble maintenant.

— On ne sort pas ensemble. Pas encore...

— Vous attendez quoi ?

— Je te rappelle que je suis encore officiellement ta petite amie.

— Oh.

— Et puis c'est toi qui m'as dit que tu voulais prendre tes distances avec moi. J'ai cru que comme tu avais eu ce que tu voulais de moi, j'étais « bonne à jeter ».

Ma voix tremble plus que je ne l'aurais voulu, ma gorge se serre légèrement.

— Ce que je voulais ?

— Tu sais de quoi je parle.

Je détourne les yeux pour me retenir de laisser couler les larmes qui me guettent. Ce sentiment d'avoir été utilisée comme un vulgaire objet sexuel alors que je lui ai donné ce que j'avais de plus précieux me fait mal. Les doigts froids de Levi que je n'ai pas vu m'approcher se saisissent de mon menton pour le lever.

— Kenza, regarde-moi. Tu penses que j'ai eu ce que je voulais ? Ce que je voulais vraiment ?

Sa question, son expression et le ton de sa voix m'indiquent que j'ai la mauvaise réponse, mais je la donne quand même d'un hochement de tête. Sa main quitte ma peau et retombe le long de son corps comme s'il n'en revenait pas. Il ferme les yeux et inspire.

— J'ai eu peur. J'ai... Quand je me suis réveillé le matin, j'ai eu peur que tu m'en veuilles. D'avoir brisé les règles, d'avoir pris ce que tu réservais à Blake depuis tant d'années. J'ai eu peur que comme les autres tu te rendes compte que je suis de trop et que tu commences à me détester. J'ai cru que... j'ai cru que si je mettais de la distance entre nous tu garderais au moins un bon souvenir de moi... de nous...

— Levi...

— Je ne comptais pas disparaitre totalement. Je ne le pourrais pas... plus maintenant... mais quand je vous ai vu vous embrasser avec Blake, j'ai choisi de m'effacer complètement.

Il nous a vus?

— Mais tu n'avais pas à t'effacer complètement pour moi-

— Je ne l'ai pas fait pour toi, Kenza ! Si je me suis effacé, je l'ai fait pour moi, par pur égoïsme et par pure jalousie. Parce que je n'aurais pas pu supporter de voir celle que j'aime accrochée au cou d'un autre, Blake qui plus est. T'entendre le louanger à longueur de journée, c'était la limite de ce que je pouvais endurer-

— Attends- quoi ?

— Quoi ?

— Qu'est-ce que tu viens de dire ?

Il semble se repasser ses mots dans la tête avant de trouver celui qui m'a accrochée. Il ouvre grand les yeux.

— Rien.

— Non, non, non, qu'est-ce que tu viens juste de dire ?

Il refuse de répéter, mais ce n'est pas nécessaire. J'ai entendu les mots plus clairement que tout ce que j'ai pu entendre de ma vie. Et comme il ne cherche pas à les déformer, à les expliquer, à les nier, comme il ne fait que me regarder, appréhendant ma réaction, je n'ai aucun doute sur ce que j'ai entendu.

— Tu...

— S'il te plait Kenza-

— M'aime... ?

Il ouvre la bouche, sans doute pour démentir, mais abandonne la lutte contre lui-même.

— Oui... mais ce n'est pas important-

— Qu'est-ce que tu racontes ? Depuis quand ?!

Il lève les bras et les laisse retomber comme un homme qui se rend.

— J'en sais rien. Un jour je te détestais comme je n'ai jamais détesté personne et l'autre... j'étais en train de cuisiner pour un putain de pique-nique, dit-il en grimaçant, comme s'il était allergique au mot. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je ne sais pas ce que tu m'as fait, je me suis réveillé un matin et j'étais ton obligé.

Devant mon silence, celui du choc, du manque et de la surabondance des mots, il poursuit :

— Et crois-moi, j'ai tout fait pour rejeter ça ; ce pincement au cœur quand tu entrais dans la pièce, ne plus pouvoir tenir en place parce que je savais que tu venais répéter, cette sensation de légèreté chaque fois que je pouvais te toucher, même si c'était pour faire semblant, l'impression de ne respirer que quand ton parfum chatouillant mes narines, l'impression de tenir le monde quand c'était moi ou Henri qui t'enlaçait, j'ai tout fait. J'ai essayé de te haïr plus, et franchement, tu me donnais pas mal de raison de le faire, mais plus tu m'agaçais, plus je t'adorais parce qu'au moins tu me faisais ressentir quelque chose de vrai.

Suite à sa déclaration, Levi m'observe, étudiant ma réaction comme j'étais une bombe en retardement prête à lui exploser à la figure. J'aurais pu le faire si je n'étais pas occupée à me repasser sa confession dans ma tête. Il passe sa main sur son visage.

— Bordel, j'aurais dû la boucler...

— Levi...

— Oublie ça, OK ?

Il est malade ? Comment est-ce que je suis censée oublier ça ?

— Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

— Comment j'étais censé te le dire ? Quand est-ce que j'aurais pu te le dire entre « Blake est l'homme de ma vie » et « Blake sera là ? Parce que si Blake n'est pas là, je ne viens pas » ? J'ai peut-être été trop stupide pour ne pas voir qu'Adèle ne m'aimerait jamais, mais je ne l'étais pas assez pour ne pas voir que tu ne m'aimerais jamais.

Je baisse les yeux, comme si la réponse à ce qu'il vient de dire se trouve au sol et qu'il suffit que je la ramasse pour la lui donner.

— Et qu'est-ce que ça aurait changé ? Kenza...

Je lève les yeux vers lui quand il prend ma main.

— Si je t'avais dit que je t'aime, si je t'avais dit que la nuit qu'on a passé ensemble, ces quelques heures où je t'ai eue à moi, étaient sans doute la seule portion du paradis à laquelle j'aurai droit... ça t'aurait empêchée de te jeter à son cou une semaine après ? Réponds-moi sincèrement.

Les trémolos dans sa voix brisent quelque chose en moi et la culpabilité m'envahit. Je réalise à quel point ma question était stupide, cruelle même.

— Je...

Je n'ai pas encore répondu, mais déjà sa souffrance se lit dans ses yeux. Il n'a pas besoin de la réponse. Il la connait depuis le début. C'est pour ça qu'il s'est précipité pour mettre de la distance entre nous. Il me présente un sourire si lourd de mélancolie que je sens mon estomac s'alourdir lui aussi.

— Tu sais... après t'avoir étendue dire que tu étais à moi, rien qu'à moi, pendant un moment, je me suis laissé rêvé... j'ai fantasmé que tu t'opposerais à ma décision d'arrêter de faire semblant, que tu m'en voudrais, que tu te pointerais chez moi avec ton taser pour me le faire regretter.

Malgré la situation, il parvient à m'arracher un rire et sourit lui aussi, ses doigts caressant ma peau.

— J'aurais voulu que tu me détestes autant que moi je me suis détesté en prononçant ses mots alors que tout ce que je voulais c'était t'avoir dans mes bras à nouveau... mais toi...

Il souffle pour chasser des mots qu'il regretterait s'il les laissait voir le jour.

— Voilà. Tu sais.

Je le retiens quand il tente de s'éloigner.

— Levi... je suis désolée...

— Non... s'il te plait... tout sauf ça. Je préfère encore que tu me détestes.

J'avale difficilement ma salive alors que les larmes que je retenais m'échappent. Son visage à lui s'est refermé, il se protège de tout le mal que je pourrais lui faire en disant quoi que ce soit. Mais pour ça, il faudrait que je trouve quoi lui dire.

Car, s'il est vrai que je ne peux pas lui assurer que je n'aurais pas quand même choisi Blake, il ne serait pas honnête de ma part de ne pas lui dire que j'ai espéré quelque part que la nuit que nous avons passée ensemble était plus qu'un dérapage. Que les jours qui ont suivi, alors que le tournage tirait à sa fin, je n'ai pas cherché à revoir ces yeux qui m'avaient exhortée à me faire sienne, pour que je puisse encore dire « je suis à toi... Levi ».

Son rejet blessé parce qu'une part de moi en aurait voulu autrement. En tout cas, je sais que s'il m'avait demandé de m'offrir de nouveau à lui, je l'aurais fait sans hésiter. Il aurait suffi qu'il place ses lèvres contre mon oreille et me le demande, me l'ordonne, accompagné d'un trésor et...

Oh mon dieu...

La vérité c'est que je ne sais pas ce que j'aurais pu lui refuser, s'il avait seulement demandé.

Son regard descend vers ma main tremblante dans la sienne. Il lit mon angoisse, mon remords, le doute qu'il vient d'installer en moi et me lâche.

J'essuie mes larmes et il prend une grande inspiration. Ni lui, ni moi ne cherchons à apporter une conclusion définitive à cette conversation, lui parce qu'il pense déjà la connaitre et moi, parce que je ne la connais plus.

— Alors, tu comptes me dire ce que tu fais vraiment ici ?

Je pourrais encore lui mentir, mais il vient de m'ouvrir son cœur... si je ne peux pas lui retourner ses sentiments avec autant de puissance que les siens, je peux au moins lui donner la vérité.

— Je... je rentre d'un rencard avec Blake.

— Ah... c'était bien ?

— Oui... je pense... je sais pas... j'ai merdé, je crois.

— Comment ça ?

Je lui raconte ma soirée dans les grandes lignes, la tentative de Blake, mon refus qui je crois a mené à mon expulsion et son désistement. Plus j'en dis, plus la mâchoire de Levi se serre, ses yeux s'assombrissent, mais il ne réagit pas.

— Vas-y, tu peux mal parler de lui, je vois que tu en meurs d'envie.

— Tu veux que je parle mal de lui ?

Je réfléchis avant de secouer la tête.

— Alors je vais me taire.

Je lui souris, reconnaissante de sa concession. Je n'ai pas besoin qu'on me fasse la leçon. Je voulais juste parler... avec Levi. Car moi non plus, je ne sais pas quand est-ce que ça s'est produit ; un jour j'aurais pu l'empaler moi-même et l'autre...

— Tu m'as tellement manqué...

Quand il sent que je vais de nouveau craquer, il me prend dans ses bas. Je noue fermement mes bras autour de son abdomen. La chaleur de son corps me réconforte, de même que le baiser qu'il dépose sur mon front.

Je lève la tête, tend le cou, me met sur la pointe des pieds, espérant plus, mais il secoue la tête.

— Blake, dit-il.

Je ferme les yeux en réalisant ce que j'étais sur le point de faire avant de me séparer de lui.

— Je ferais mieux de rentrer chez moi.

Levi acquiesce.

— Attends-moi, je te raccompagne.

C'est ce que je fais. Il va s'habiller et m'apporte une nouvelle veste qu'il ne reverra plus jamais ça c'est sur. Blake m'a dit qu'il ne voulait pas que je porte les vêtements de Levi, mais c'est mon péché mignon, je n'y peux rien.

Il dépose chez moi et rentre chez lui. Bien qu'il m'ait vue entrer dans mon appart, il m'écrit pour s'assurer que je vais bien. Je prends une douche, me brosse les dents et vais dans ma chambre pour me coucher quand je reçois un dernier message de sa part.

Levi : C'est quoi le dress code du mariage d'Amar ?


Coupé !

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