Scène 23

𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟚𝟛 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

Levi
Le tintement répétitif et agaçant de ma messagerie me tire d'un sommeil dans lequel je m'étais profondément engouffré après une autre éreintante journée. Cela me prend un moment pour en émerger, allongé dans l'obscurité de ma chambre. L'unique source de luminosité est mon cadran qui renvoie l'heure qu'il est ; 2h05 en lettres de néon bleu. Un moment, il s'arrête et épuisé, je recommence à glisser dans les bras de Morphée.

Mais il reprend.

Je réalise alors qu'il s'agit probablement là d'une urgence, pour que l'on m'écrive avec autant d'insistance à une heure aussi tardive. Alors je tends le bras et saisis cette boîte de malheur pour voir qui me harcèle de la sorte.

En voyant son nom et le dernier message envoyé, je me redresse aussitôt, alerte.

Kenza : Levi, c'est urgent, debout !!

Je relis la ligne, cherchant déjà à savoir ce qui ne va pas pour qu'elle m'écrive ça à une heure pareille. Je l'ai déposé directement dans son appartement après le tournage d'aujourd'hui, il y a plus de quatre heures, alors elle devrait être en sécurité. À moins qu'elle soit sortie.

Je l'appelle immédiatement.

— Allo ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu vas bien ?!

— Coucou Levi ! Bien dormi j'espère.

Au ton enjoué de sa voix, je déduis qu'elle va bien. Alors seulement, le rythme de mon coeur se stabilise-t-il.

— Comment est-ce que tu veux que je dorme bien quand tu m'appelles à deux heures du matin ?

— Oh ça, va ! Demain c'est férié, tu feras la grasse matinée.

Cette femme n'a pas le moindre respect pour ma routine. On doit toujours tout faire comme elle veut, quand elle veut.

— Bon, qu'est-ce que tu me veux ? demandé-je en me recouchant, prêt à me rendormir en plein appel.

— Je voulais te voir.

— Me voir ?

— Oui.

— Moi.

— Oui.

— C'est pas Blake.

— Toi, Levi.

Je laisse le silence planer, essayant de comprendre la signification de cela. Mais comme je n'en trouve aucune, je lui demande :

— Pourquoi ?

— Je voulais qu'on fasse un truc... tous les deux.

À l'entente des derniers mots, je me redresse de nouveau, attentif, intéressé.

— Quoi ?

— C'est une surprise.

— Les surprises c'est pas ma tasse de thé et c'est pas à cette heure qu'on les fait.

— Bon, tu viens ou pas ? dit-elle, exaspérée par ma résistance.

— Mais je ne sais même pas ce que tu veux qu'on fasse.

— Je t'ai envoyé l'adresse. On se retrouve là-bas dans une demi-heure. Habille-toi bien.

Elle coupe l'appel. Bien évidemment, c'était un ordre. Je songe à lui désobéir, à mettre le mode silencieux sur mon téléphone et me recoucher, mais repense à ce qu'elle m'a dit.

Elle veut qu'on se voie à cette heure indue, tous les deux, en couple pour une surprise. J'ai beau creuser dans ma tête, je ne trouve pas d'explication à une telle requête. Mais peut-être aussi qu'il n'y en a pas et qu'elle veut tout simplement me voir...

Cela fait quelques semaines qu'il y a cette espèce d'ambiguïté entre nous. Depuis ce baiser que nous avons échangé chez elle, depuis que nous avons simulé une scène torride entre nos deux personnages. Ça a été... quelque chose.

J'ai eu quelques soucis mécaniques et de concentration pendant tout le tournage. Hannah qui voulait que la scène ait l'air le plus réaliste possible sans enfreindre les règles de la CARA, le groupe qui décide de la classification des films en matière de scène explicite, graphique, violente, etc. Ils fixent également l'âge minimum requis pour leur visionnement.

La norme est habituellement de filmer le haut du corps, se concentrant sur l'expression des acteurs et les baisers échangés, ce qui ne requière presque pas de contact du bas du corps.

Mais Hannah voulait plus. Elle veut toujours plus.

J'en ai joué des scènes de sexe, des scènes d'amour, mais ce qu'Hannah nous a fait faire, c'était une scène de cul. Même pendant la répétition, nous n'étions pas allés aussi loin. Sans doute s'est-elle dit que comme nous sommes de toute manière en couple, elle pouvait flirter avec des limites qu'elle n'oserait pas approcher avec des acteurs qui ne sont que des collègues.

Jamais une caméra n'a été aussi près de ma queue, jamais je n'ai eu à toucher une co-vedette comme j'ai dû toucher Kenza et jamais je n'ai été aussi troublé par le réalisme de celle-ci. Maintenant, quand je baisse les yeux pour pisser, regarder mes pieds, attacher mes chaussures, je revois et j'entends encore les fesses de Kenza claquant contre moi alors que ma main était si fermement enroulée autour de ses longues boucles.

Après cette scène, nous n'avons même pas osé nous regarder et les jours qui ont suivi ont été marqués par le malaise et l'inconfort entre nous. Avec le temps c'est passé, mais je sais qu'elle non plus ne me perçoit plus comme avant. J'ai cette drôle d'impression que notre faux couple n'est plus comme les rôles que j'ai effilés si souvent dans ma vie. Je commence à avoir du mal à démêler le vrai du faux.

L'ai-je vraiment embrassée parce que nos collègues étaient présents où je n'ai simplement pas résisté en la voyant sucer la crème pâtissière de ses doigts ?

L'ai-je vraiment invitée à venir chez moi pour répéter une scène, où je voulais une excuse pour passer du temps avec elle ?

Est-ce que je prends autant de photos d'elle et de notre couple pour nos fans et les médias, où est-ce parce que je tire un malin plaisir à savoir que Blake les verra, qu'il la verra avec moi ?

Au fond de moi, la réponse, je la connais. Elle m'est de plus en plus évidente, mais je refuse de la verbaliser. Non seulement parce que je ne suis pas censé ressentir cela, parce que tout ceci, nous, tout ça c'est faux, mais également parce que je sais qu'elle, elle n'a d'yeux que pour Blake.

Elle est simplement une si bonne actrice, que par moment, elle me fait croire que je lui plais autant qu'elle me plait.

Voilà, je l'ai dit : Kenza Belbachir me plait.

Alors, même si je marmonne quelques vulgarités en me levant, en m'habillant et en sortant, l'idée que nous allons être ensemble, rien que nous deux, pas de collègues, ni de caméras me ravit.

J'arrive au lieu de rendez-vous en moitié moins de temps que ce qu'elle a demandé.

Elle m'a appelée de là, car elle y est déjà, assise sur le trottoir, toute de noir vêtue. En me voyant, ses yeux s'illuminent. Elle se lève et vient m'enlacer, sans doute par habitude, avant de s'éloigner.

— Super, t'es là ! Je croyais que tu allais m'ignorer et te rendormir.

— J'allais le faire.

— Mais ?

Je voulais te voir, en vrai, pas en rêves.

— Curiosité.

— C'est la curiosité qui a fait que tu arrives aussi bien habillé ? Parfumé en plus ?

Je lui offre un demi-sourire, ravi qu'elle ait noté mon effort.

— Je n'allais pas venir en pyjamas à notre rencard.

Quand la confusion trouve les traits de son visage, je réalise que j'ai fait erreur.

— Rencard ?

Elle pouffe de rire.

— Ce n'est pas un rencard, ricane-t-elle. Où es-tu allé chercher une idée pareille ?

Je sens le sang me monter jusqu'au blanc des yeux.

— Bah, tu m'appelles à 2h00 du matin pour qu'on ne se retrouve que tous les deux et en plus tu me dis comment je dois m'habiller... j'ai cru que...

Plus je parle, plus ma bêtise m'apparaît évidente. Selon notre entente, tout ce qui est rencard ne doit avoir lieu qu'en public, pour la crédibilité de notre mensonge.

Qu'est-ce qui m'a pris d'espérer qu'elle souhaitait vraiment me voir?

Humilié et contrarié, je croise les bras dans une optique de protection contre la honte, contre ses charmes.

— Bon, qu'est-ce que tu me veux alors ?

Elle me fixe, sans me répondre. J'ai alors un mauvais, mais alors très mauvais pressentiment.

— D'ailleurs, on est où là ?

— Quoi, tu ne reconnais pas la résidence de ton ami Justin ?

Quand elle mentionne le nom de celui que j'ai tabassé lors de cette soirée sur ce yatch, je suis la panique me possède.

— T'es complètement folle ?! Pourquoi tu m'as fait venir ici ?!

Elle fronce les sourcils.

— Il a une injonction d'éloignement contre moi ! Je ne peux pas l'approcher volontairement à moins de 500 mètres !

— Il a fait ça ?!

— Oui ! Et si on me prend ici, je finis avec plus de problèmes que j'en ai déjà.

— Oh la tapette...

Je soupire.

— Je m'en vais avant qu'on me voie ici.

Je fais demi-tour, prêt à me barrer, mais Kenza se glisse devant moi et me bloque le passage avec ses bras.

— Attends, attends ! On va juste discuter avec lui.

— Non, Kenza ! Ça ne marche pas comme ça. Si j'enfreins mon injonction, même si c'est seulement pour discuter c'est la prison que je risque.

— Mais tu risques déjà ta carrière avec la plainte qu'il a faite contre toi !

— Mon père va s'en charger.

— Comment ? Tu l'as bel et bien agressé et « diffamé » devant des tas de témoins qui se feront un plaisir de corroborer sa version parce que tu as révélé leurs secrets. Il y a des choses dont même ton père ne parviendra pas à te protéger. T'as merdé, c'est l'heure d'assumer.

— Qu'est-ce que tu entends par là ?

— Excuse-toi. Dis que tu regrettes et demande-lui de retirer sa plainte.

La colère monte en moi à l'idée que ce soit à moi de m'excuser.

— Non mais ça va pas ?! C'est à moi de m'excuser à ce bandeur de pixels ? En risquant de violer l'injonction ? Je préfère encore saboter ma carrière-

Si je vous dis que j'ai vu la claque venir, c'est que je mens dans un effort de sauver ma dignité. Je n'ai qu'entendu le son, ressenti la douleur et vu la furie dans ses yeux enflammés.

Elle attrape mon col et rapproche mon visage du sien.

— Y'a pas que ta carrière qui est en jeu. Mon nom est associé au tien maintenant, ma carrière dépend de toi, si tu coules, je coule. Je ne te laisserai pas foutre mes rêves en l'air parce que t'es trop fier. Je sais que tu te complais à laisser les gens te dérober de tout, mais c'est fini maintenant.

Ce qu'elle me dit là me vexe.

— Je ne vois pas en quoi ça te regarde. Le tournage tire à sa fin. Bientôt, on arrêtera de faire semblant de s'apprécier. Ta carrière ne dépendra plus de la mienne, tu as déjà un pied dans l'industrie.

— Tu te souviens de ce que toi et ton père disiez quand je venais à peine d'obtenir mon rôle ? Vous vous plaigniez que le film serait un échec à cause du boycottage de masse. Tu crois que les gens réagiront quand ils apprendront que tu as agressé une personne ? Ils vont boycotter le film. Peut-être que ton père parviendra quand même à te trouver de bons rôles, vu toute l'influence qu'il a, mais si ce film est un échec, c'en sera fini de moi. Et je vais devoir faire une croix sur Blake.

Qu'elle sorte son nom, qui plus est pour insinuer que c'est la pire des choses qui pourraient lui arriver m'enrage. Non seulement parce que je ne veux plus entendre parler de lui et parce que c'est elle qui le fait. Le cœur noirci de jalousie, j'ouvre enfin la bouche :

— Lamentable.

— Pardon ?

— T'arrête pas de me casser les oreilles avec ton Blake. T'es tellement désespérée pour son attention que t'es devenue actrice. Tu crois que ça fait de toi l'une des leurs, mais tu ne seras jamais comme eux, tu ne seras jamais comme lui, tu ne seras jamais assez vue pour lui. Si t'as de la chance, il te baisera avant de te jeter comme chacune de ses fans. Parce que c'est tout ce que tu es, bonne à jeter.

C'est quand le dernier mot quitte ma bouche que je réalise l'énormité que je viens de lui dire. Ses yeux se voilent de larmes, sa lèvre inférieure tremblote et elle me lâche.

— Je voulais seulement t'aider...

Les trémolos dans sa voix déchiquètent mon coeur de remords.

— Kenza, c'est pas ce que je voulais-

— Va te faire voir !

Elle pivote pour faire face à la porte et donne trois coups si fort que j'en ressens les vibrations.

— Qu'est-ce que tu fous ?!

— Va te recoucher si tu veux, je ne pars pas sans tant qu'il n'aura pas retiré cette plaine.

— Et comment tu vas t'y prendre ?

— Plan B.

À ce moment précis, la porte du penthouse s'ouvre sur Justin. Dès qu'il me voit, il est saisi d'une grande peur. Mais il n'a même pas le temps de se chier dessus que Kenza plonge sa main sous sa veste pour en sortir un objet noir qu'elle pointe en direction de Justin avant qu'un grésillement se fasse entendre suivit du cri de ce dernier. Il fige avant de tomber à la renverse et de convulser. Confus, je dois suivre le câble partant de son flan jusqu'à l'objet qu'elle tient férocement pour comprendre ce qu'il se passe.

Elle l'a tasé.

Non...

Elle est en train de le taser!

Il a beau ne plus bouger, raidit par la décharge, elle continue d'appuyer sur la gâchette. Son sang-froid glace le mien.

— Kenza...

Elle ne m'écoute même pas. Elle va le tuer...

— Kenza, arrête !

Elle se tourne enfin vers moi et retire son index du Taser. Ses yeux descendent vers Justin et dans le plus grand des calmes, elle lui prend son téléphone.

— Surveille-le, ordonne-t-elle avant de me donner le Taser et de s'éclipser dans la maison.

Je suis sans voix, je ne sais même pas comment réagir ni que faire. Alors je reste planté là, regardant Justin que de petits spasmes secouent encore. Kenza revient peu après avec ce que je devine être son ordinateur personnel en main. Elle s'accroupit en face de lui.

— J'ai eu de la chance, ton écran n'était pas encore en veille. Tu étais en train de l'utiliser juste avant d'ouvrir...

Les yeux de ce dernier s'ouvrent si grand qu'ils menacent de sortir de leur orbite.

— Tu sais ce que j'ai trouvé, non ?

Sa respiration accélère comme celle de quelqu'un qui se sait en grand danger.

— Tu vas retirer ta plainte contre mon petit ami ?

Il hésite quelque seconde, semble peser le pour et le contre et finit par hocher vigoureusement la tête.

— Parfait. La cour de Los Angeles ouvre à 8h00 demain. Si à midi cette plainte n'est pas retirée...

Elle laisse sa phrase en suspens avant de se redresser, de me jeter un regard noir, de reprendre le fusil électrique, de passer par-dessus le corps de Justin comme s'il était un tapis et de sortir, les appareils en main. La bouche toujours béante de choc et de terreur, j'emboîte son pas et referme doucement la porte. D'un œil extérieur, l'on pourrait croire que nous sommes un couple d'invités repartant chez eux après une agréable soirée tant la rue est calme. Personne ne semble avoir entendu les cris de Justin.

Kenza ouvre la porte de ma voiture et s'installe côté passager avant de jeter les appareils à l'arrière et de croiser ses bras. J'entre dans la voiture et démarre, en silence, parce que je ne sais pas quoi dire, parce que j'ai trop à dire et parce que j'ai trop peur de dire quoi que ce soit alors qu'elle tient encore le taser dans sa main.

Sauf qu'au bout de quelques minutes, une question pour laquelle je suis prêt à subir les littérales foudres de Kenza me taraude.

— Il y avait quoi sur son ordinateur ?

Elle ne répond pas à ma question, le regard fixe vers l'horizon. Après m'être pris le plus violent des vents, je me reconcentre sur la route. Je jette quelques coups d'œil dans sa direction pour voir qu'elle est toujours aussi énervée par ce que je lui ai dit tout à l'heure.

— Kenza... pour ce que je t'ai dit tout à l'heure-

— Tais-toi ou je te tase.

Après ce que je viens de la voir faire, je ne doute même pas qu'elle le ferait. Elle est complètement folle. Moi qui croyais que ce qu'elle a fait chez les Ridgers était l'apothéose de ses vices.

Je me surprends moi-même, car, en plus de me faire frissonner, ça me fait sourire, car comme elle l'a dit, elle voulait m'aider.

Elle l'a fait pour moi.

Pas pour Blake, pour moi.

Je ne devrais pas me réjouir d'une telle situation. C'est mal ce qu'elle a fait, mais c'est plus fort que moi.

— Avoue que tu comptais le taser dès le départ. Les excuses, c'était juste... une excuse.

La mâchoire serrée, ses yeux de fauve vers la route, elle se retient clairement d'interagir avec moi, mais elle ne résiste pas longtemps ; ses lèvres se tendent dans un sourire qu'elle tente de réprimer, sans succès. Je souris à mon tour, puis je ris et elle aussi craque.

— Je t'ai déjà dit que t'étais bonne à interner ? Si oui, je le réitère, faut qu'on t'enferme quelque part, t'es complètement barge.

Elle met le dos de sa main sur sa bouche et tourne son corps pour m'exprimer que ce n'est pas parce qu'elle rit qu'elle ne m'en veut plus. Et tout le trajet ressemble à cela, des moments de silence avant qu'un de nous pouffe de rire, contaminant l'autre.

Quand je la dépose devant son immeuble, elle descend, fonce vers l'entrée, s'arrête, fais demi-tour et vient de planter sous mes yeux. La flamme du défi illumine alors ses iris qui brillent plus que tout l'or du monde.

Mon trésor.

— Je sais que tu crois que toute mon existence ne tourne qu'autour de Blake, mais tu te trompes. Certaines personnes sont venues au monde pour vivre, et d'autres pour les regarder vivre. Je refuse d'être spectatrice de la vie des autres. Je veux vivre ma vie et donner vie à des personnages à qui, comme moi, l'existence seule ne suffit pas. Je veux être l'icône qu'on admire, celle qu'on envie, celle qui inspire et une fois morte, celle qu'on regrette longtemps après. Je veux les lumières et les caméras braquées sur moi, avides de moi au moment où l'on crie « action ! ». Et tu as raison, je ne suis rien, je ne viens de rien. Mais je refuse de partir en n'étant rien. Tout ceci, ce film, ce rôle, même toi ! C'est le seul moyen que j'ai trouvé de laisser une trace, un héritage, de vaincre la mort elle-même ; en vivant dans la mémoire et la culture des gens. Je le fais pour moi, pas pour Blake, pas pour toi, pas pour mes parents, ni pour personne ! Quiconque s'évertue à entraver ce projet met mon héritage, ma vie en danger et je répliquerai conséquemment. La question est : es-tu avec moi ou contre moi, Levi ?

Je voudrais m'excuser, lui dire combien j'ai eu tord de dire ça, qu'elle est tout sauf rien, pour moi du moins. Ce n'est pas à moi de juger ce qui la motive, de décider de sa valeur ou de si elle mérite Blake. Je sais qu'elle mérite Blake, elle mérite absolument tout au monde. C'est lui qui ne la mérite pas.

Et moi non plus, je ne la mérite pas.

— Avec toi...

— Parfait.

Elle pivote sur son talon, provocant ses cheveux de me fouetter le visage de la manière la plus sexy qui soit. Je porte mes mains autour de ma bouche et crie.

— Bonne nuit, trésor !

Sans se retourner, elle me fait un doigt d'honneur. Je tombe encore plus sous le charme.

— Le rencard de ce soir est repoussé à demain !

Elle lève son deuxième majeur. Comme elle disparaît derrière les portes automatiques, je sors mon téléphone pour la harceler de messages comme elle l'a fait pour me réveiller. Même arrivé chez moi, je ne la lâche pas.

Moi : Je passe chez toi à quelle heure ?

Kenza : Dans tes rêves.

Moi : Je suis d'accord, 18h00 c'est raisonnable.

Je ne peux m'empêcher de sourire en imaginant la tête qu'elle a dû faire en voyant ce message.

Kenza : Je ne t'ouvrirai pas la porte de toute façon.

Moi : Tu préfères qu'on se retrouve ailleurs que chez toi ? Bonne idée !

Kenza : Va brûler en enfer, Levi.

Moi : Oh non ! Je déteste les dîners romantiques sur la pelouse pendant un coucher de soleil californien, quel enfer ! Mais bon, je suppose que je vais devoir subir ça pour notre rencard de demain 18h00 pas une minute de plus. Ne sois pas en retard cette fois, je n'aime pas attendre.

Elle écrit, puis efface.

Kenza : Bah tu vas attendre longtemps, je ne viendrai pas.

Je lui envoie l'adresse du parc que j'ai en tête et elle me bloque. Ça me fait rire. Elle fait toujours ça avant de me débloquer pour me demander un service comme si de rien n'était.

Je me laisse tomber sur mon lit, épuisé. Alors que le sommeil me réclame peu à peu, je repense à ce qu'elle a fait pour moi ce soir, à combien ça m'a autant terrifié qu'excité et à sa question :

«Es-tu avec moi ou contre moi, Levi?»

— Avec toi... à toi.


Coupé !

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