Scène 21

𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟚𝟙 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

Kenza

«Je peux? »

Je change de position sur mon lit pour me retrouver sur mon ventre et enfouir mon visage dans l'oreiller dans l'espoir d'étouffer le souvenir de la soirée d'hier... de ce qu'il s'est passé entre moi et Levi.

Pour étouffer le souvenir de ses yeux perçants, cherchant les miens, les implorant de ne pas le rejeter, celui de ses lèvres entrouvertes, ces lèvres dont je n'avais jamais fait attention à la beauté. Pour étouffer la sensation de ses mains tremblantes me touchant avec un tel soin qu'on l'aurait cru convaincu que s'il s'y prenait mal, j'allais disparaître, la manière dont sa si grande main s'est tracé un chemin dans ma chevelure, le frisson qui m'a parcouru quand son nez a frôlé le mien, hésitant, avant de le caresser, avant de me regarder, cette supplication toujours au fond de ses iris.

«Je peux? »

Je geins et me retourne pour la énième fois dans mon lit. La tête reposant sur l'oreiller, les yeux rivés vers le plafond, cette fois, c'est la sensation de son bassin pressant contre le mien qui vient me troubler, me forçant à serrer les cuisses.

Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, hantée par ce baiser que nous avons échangé. Je cherchais à comprendre comment, pourquoi ?

Comment est-ce qu'on en était arrivé là ? Comment est-ce que je me suis retrouvée sur lui, le visage si près du sien ? Pourquoi ne m'a-t-il pas repoussée avant de me traiter de barge comme il en a l'habitude ? Pourquoi au contraire semblait-il en avoir envie, terriblement envie ? Pourquoi a-t-il posé ses mains sur moi, comme si nous n'étions pas assez proches à son goût, comme s'il me voulait contre lui, en lui ? Pourquoi ai-je été soulagée qu'il ne me repousse pas ? Qu'il me veuille autant que je l'ai voulu à ce moment-là.

Pourquoi l'ai-je voulu à ce moment-là ?

Ok, il était bien habillé, coiffé, il sentait bon l'eau de Cologne, les traits saillants de son visage respiraient la virilité, l'ombre de ses sourcils proéminents recouvrait ses yeux, les assombrissant de désir. Ok, il a la gueule d'un homme à qui l'on ne refuse rien, mais c'est Levi !

Levi von Neumann !

Il est la dernière personne sur terre que je me serais imaginé désirer autant. Même s'il est doté de cette beauté obscure et ténébreuse qui fait chavirer toutes ses groupies, il n'est pas mon genre d'homme. Mon genre d'homme, c'est Blake, l'angélique et lumineux Blake.

Alors pourquoi ? Comment ?

«Je peux?»

De toute ma vie je n'ai jamais entendu quelqu'un parler aussi bas, avec autant de douceur et d'incertitude et jamais je n'aurais pu m'imaginer Levi être celui prononçant ses mots... pour moi. Sur le moment, j'ai été si ébranlée que la seule réponse appropriée était de lui dire oui.

«Oui, s'il te plait.»

Je ne lui ai pas dit, mais il a compris et il a exaucé ma prière silencieuse de ce baiser qui n'a plus quitté mon esprit.

Le reste s'est passé si vite que je n'en ai pas de souvenir clair. Je me rappelle de ses mains m'enserrant avec un peu plus d'assurance, je me rappelle de lui se redressant, d'un grognement qui a réveillé quelque chose d'effrayant et d'exaltant en moi.

Et puis ce « BANG ! », Levi qui se lève, bredouille des excuses avant de se sauver.

Je n'ai jamais ressenti une telle frustration. C'est lui qui a instigué ce baiser, c'est lui qui m'a demandé la permission... pour après détaler comme un lapin, comme si c'était de ma faute ! Et ce n'est pas parce que je voulais qu'il continue de me toucher, de me mordiller les lèvres, de caresser mon cou de sa langue chaude... non, c'est juste que... sur le moment, je l'ai pris comme une insulte, comme un affront.

Comme je n'étais pas assez bien et qu'il me rejetait.

Et au fond, je m'en veux. Je m'en veux de ne pas avoir été celle qui a mis fin à cette folie. J'aurais dû... j'aurais dû le pousser, le gifler, faire une scène, affirmer ma loyauté envers Blake et le foutre à la porte, le bloquer et ne plus jamais lui parler.

Mais non. C'est lui qui y a mis fin, c'est lui qui est parti et m'a larguée là comme une idiote.

Je roule le long de mon lit pour attraper mon téléphone.

Aucun appel. De lui. Aucun message non plus. Ça va faire presque huit heures que j'attends un message de sa part, un signe, mais rien.

Et s'il regrette tellement qu'il ne veut plus jamais me parler? Peut-être que j'ai montré trop d'enthousiasme et que ça l'a effrayé, dégouté de moi.

Oh, j'ai tellement honte. Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ? C'était tellement stupide, en plus la première règle de notre entente c'était que les contacts physiques et gestes affectueux sont interdits hors caméra et en privé, ils ne sont autorisés que pour faire semblant.

Comment est-ce que je vais le regarder dans les yeux maintenant ? Comment est-ce que je vais faire pour jouer avec lui alors qu'on a franchi la ligne qu'on ne devait pas traverser ?!

— Espèce de conne.

Déçue, je m'apprête à éteindre mon téléphone quand la bulle et les trois points indiquant que Levi est en train d'écrire s'affichent au bas de la conversation. Elles sautillent quelques secondes qui deviennent des minutes, elles disparaissent, puis reviennent, mais jamais le message de vient. Elles disparaissent une dernière fois et puis plus rien.

Doublement frustrée, je jette mon téléphone de l'autre côté du lit et me lève.

— Tant pis s'il ne veut plus me parler, s'il me déteste, si ça l'a dégouté. De toute façon, ça ne compte pas si ce n'est pas Blake.

Affamée, je quitte ma chambre et me rends à la cuisine où je me fais chauffer des gaufres de blé entier avec du sirop de fraise fait maison. Alors que je déguste mon déjeuner, essayant de ne plus ruminer sur ce baiser, la porte de l'appartement s'ouvre et j'entends les clés d'Amar s'entrechoquer entre elles. Elle était chez la famille de son fiancé pour les préparatifs de leur mariage et m'avait dit qu'elle rentrerait hier, mais on dirait qu'elle est restée une journée de plus.

Elle entre dans la maison.

— Oh ! Tu es là ?! Tu ne devais pas être en tournage dans le trou du cul du monde ?

— On a terminé avec une semaine d'avance. Je suis rentrée il y a deux jours.

— Ah... et c'était comment ?

— Quoi ?

— Le tournage et le séjour. Quand on s'est laissées, tu étais en train de te plaindre parce que tu allais devoir partager ta chambre d'hôtel avec Levi.

«Je peux? »

À la mention de son nom, j'écrase la gaufre que je tenais dans ma main, les yeux grands ouverts.

— Ouh, ça a été si horrible que ça ? Moi qui croyais que vous commenciez à vous entendre un peu.

— Non ! Pas du tout ! On ne s'entend pas du tout ! balbutié-je. Il est insupportable... et méchant... et moche aussi. Je le déteste !

Je sens mon sang cogner contre mes tempes et pulser entre mes jambes en repensant à sa voix, sa peau, son souffle. Le rythme de mon cœur accélère et quand Amar me regarde étrangement, je crains qu'elle se doute de quelque chose, qu'elle soit capable de lire dans mes pensée ou juste que mon non verbal en révèle trop.

— T'es sûre que ça va ? demande-t-elle en retirant son voile.

— Oui ! Tout va bien ! Il ne s'est rien passé d'anormal !

Elle zieute à gauche et à droite, l'air malaisée.

— Ok... ?

Je m'empresse de laver mes mains et quitte la cuisine, laissant mon déjeuner sous le regard confus d'Amar. Je m'enferme dans ma chambre et respire enfin. Je me ventile pour survivre à la soudaine hausse de température de mon corps.

Pour ne plus penser à lui, à son silence, à ses lèvres, ses yeux et son corps, je saisis mon script. Comme nous avons fini le tournage en avance, j'ai quelques jours pour répéter les scènes pour le tournage qui reprendra dans trois jours.

Je mémorise les répliques pendant presque toute la journée, je ne sors manger que quand j'entends Amar sortir de peur que paniquer comme ce matin.

Il est bientôt 22h00 lorsque je décide de répéter une dernière scène avant d'aller me coucher. Je fais défiler les pages et commence à lire la scène, écarquille les yeux et referme le script.

— Oh non...




Levi

J'ai perdu la tête. J'ai totalement perdu la tête.

— Tu as totalement perdu la tête ou quoi ?!

Pourquoi est-ce que j'ai fait ça? Pourquoi?

— Pourquoi est-ce que tu as fait ça ?! Pourquoi ?

Qu'est-ce qui cloche chez moi ces derniers temps avec elle?

— Qu'est-ce qui cloche chez toi ces derniers temps ?! D'abord, tu sors avec une étrangère sortie d'on ne sait trop où et maintenant tu agresses les gens sur un yatch ?! Levi ! Qu'est-ce qui t'a pris bon sang !

C'est vrai ça... qu'est-ce qui m'a pris? Pourquoi est-ce que j'ai fait ça? Pourquoi est-ce que je l'ai embrassée?

— Levi, je te parle !

Quelque chose qui se révèle être une main s'agite devant mes yeux. Je change le focus de mes yeux pour voir mon père apparaitre devant mes yeux, plus furax que jamais. Quand est-il entré chez moi ? J'ai dû lui ouvrir... je ne sais pas, je n'en ai pas le moindre souvenir. En fait, je ne me souviens de rien de ce qu'il s'est passé après que j'ai quitté l'appartement de Kenza.

N'ont habité mon esprit que le goût et la sensation de ses lèvres, la douceur et la chaleur de la peau, la force avec laquelle elle a agrippé mes cheveux et-

— LEVI !

Je sursaute quand mon père frappe sur le comptoir de l'ilot de ma cuisine.

— Hein ? dis-je, encore un peu absent.

— Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?! Tu crois que j'ai que ça à gérer moi ?!

— De quoi ?

Il abat une pile de papier sur la table.

— Tu sais comment ce genre de poursuite peut affecter ta carrière ?!

Mon regard descend sur le document, je saisis les mots « Voie de fait grave », « agression », « diffamation » ainsi que mon nom et celui de plaignant.

— Oh... désolé...

— Désolé ?! Tu es désolé ?! Maintenant, tu sais être civil ?!

— Pardon...

Il faut que je m'excuse... auprès de Kenza. Que je m'excuse de l'avoir embrassée une troisième fois, d'avoir enfreint la première règle de notre entente, d'être parti comme un voleur. Elle a été très claire, son premier baiser, c'est à Blake qu'elle veut l'offrir, c'est lui qu'elle aime, qu'est-ce qui m'a pris de la toucher comme ça ? De la vouloir comme ça ?

C'est sûr qu'elle m'en veut terriblement. Je lui avait promis de mieux me comporter avec elle, de mieux la traiter... comme une collègue, voire une amie, certainement pas comme je l'ai fait hier.

— Et en plus, tu t'es permis de l'accuser de viol ! Tu as des preuves pour avancer de telles sottises ?!

Je secoue la tête.

— Il n'a pas de preuve ! s'indigne-t-il. Il peut te poursuivre pour des millions de dollars parce qu'en plus tu l'as fait devant une dizaine de témoins que tu as aussi diffamés !

Je pince l'espace entre mes sourcils et inspire profondément.

— Tais-toi.

— Pardon ?!

— T'es mon agent avant d'être mon père, non ?! Puisque tout ce qui t'intéresse c'est ce que j'ai fait, l'impact que ça aura sur ma carrière et non comment j'en suis arrivé à faire ça, engage un avocat et gère ça. Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ?

Il s'arrête, les traits figés par la stupeur. Il me regarde, une déception sans nom dans ses yeux dont j'ai hérité. Je baisse les yeux, conscient que je suis dans le tort et honteux d'avoir élevé le ton sur lui. Même si on ne le disait pas, il reste mon père.

— Qu'est-ce qu'elle a fait de toi ?

Je devine qu'il parle de Kenza et lève la tête.

— Elle ?

— Ta bédouine, depuis que tu sors avec elle-

— Sors de chez moi. Prends ta poursuite et fous le camp.

— Levi-

— J'AI DIT FOUS LE CAMP !!

Il tressaute, me regarde de nouveau comme si j'étais un étranger avant de marmonner quelque chose dans sa barbe, de se saisir de la plainte pour voie de fait qui m'est adressée et de sortir en claquant la porte.

Maintenant qu'il n'est plus là, je peux me repencher sur mon questionnement existentiel concernant ma gaffe d'hier. J'ouvre mes messages avec Kenza, lui écris un long paragraphe d'excuses où je tente d'expliquer mon geste, mais quand je réalise qu'il est inexplicable, je l'efface et abandonne.

Mon père a raison, depuis que Kenza est entré dans ma vie, celle-ci a changé du tout au tout. J'ai réalisé combien ce n'était en rien une vie, combien tout n'était que mensonge et relation superficielle. Ce matin en me réveillant, j'ai constaté que tous mes « amis » m'ont bloqué... tous sauf Blake qui m'a simplement écrit « il faut qu'on parle ». Message que j'ai ignoré. J'ai une plainte pour agression et diffamation contre moi. Kenza que je considérais à peine comme une personne et que je ne pouvais pas sentir est la seule personne que j'ai envie de voir.

Et j'ai tout gâché en l'embrassant.

Je regarde les photos que Kenza m'a obligé à prendre d'elle au ranch où nous filmions la semaine dernière. Elle voulait les envoyer à son amie Amar. Je souris en la voyant poser tout sourire et le perdre à mesure que je me moquais d'elle. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé avec quelqu'un, sans me soucier de ce que je disais, de comment je me tenais, de la sincérité de la personne.

J'ai perdu tous mes amis, je vais probablement perdre toute ma fortune... tout ce qu'il me reste, c'est mon rôle.

Mon rôle et Kenza.

— Il faut que je m'excuse.

Je me lève, vais prendre une douche, m'habille convenablement, récupère mes clés de voiture et me chausse pour aller chez Kenza. Il faut que je lui parle face à face. J'ouvre la porte de mon penthouse et manque de faire une crise cardiaque quand je la vois qui se tient devant.

— Oh mon dieu ! m'exclamé-je en posant ma main sur ma poitrine. Ça va pas de te tenir devant la maison des gens comme ?!

Elle ne me répond pas et entre. Elle retire ses chaussures et se dirige vers le salon où elle se laisse tomber sur mon divan. Je la regarde faire, perdu. Son teint est livide et son regard affolé, alors je m'inquiète.

— Kenza ?

Son regard demeure fixe vers l'horizon, à croire qu'elle n'est là que de corps.

— Kenza, qu'est-ce qu'il y-

— On doit coucher ensemble.


Coupé !

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