Scène 2
𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟚 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒𝕤, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !
Kenza
Son regard préoccupé alterne entre le script sur la table et moi. Ses fines lèvres maquillées de rouge se resserrent.
— Et tu dis que tu as reçu l'invitation et le script ?
— Oui ! mentis-je en lui montrant le faux courriel que je me suis envoyé pour supporter mes balivernes.
— Mais... pourquoi ne sont-ils pas passés par moi, ton agent ?
— Oh, je trouvais que tu étais tellement débordée à nous chercher des rôles à moi et Israe, alors j'ai commencé à en chercher moi-même, à me faire des connexions dans le milieu.
— Et qui as-tu rencontré de suffisamment important pour t'obtenir une place à l'audition d'une production aussi grosse ?
— Levi von Neumann.
Elle manque de perdre sa mâchoire.
— Levi von Neumann ? Le fils de Donald et Irina von Neumann ?!
— Eux-mêmes ! On s'est rencontrés dans une exposition, un mec très sympa ! On a parlé un peu, je lui ai dit que j'étais actrice, sans faire exprès il a lâché l'info sur l'audition et je lui ai fait un peu de chantage. Rien de bien méchant, juste une invitation en échange de mon silence et voilà.
Beatrice, mon agent, cligne des yeux en soufflant devant mon histoire.
Lorsqu'on veut exercer la profession d'acteur et qu'on n'est pas fils ou fille d'untel, bref quand on est personne, il est primordial d'avoir un agent. Même les plus célèbres en ont.
Le rôle de l'agent est de vous dénicher des opportunités comme des auditions pour des films, des shootings photo ou des pubs à tourner, vous promouvoir, gérer votre emploi du temps, entretenir votre image publique et vous mettre en liaison avec des gens importants pour que vous construisiez votre réseau.
Comme je suis occupée avec les cours et mon job, mes chances de trouver des auditions sont réduites. Alors il y a deux ans j'ai engagé Beatrice, parce qu'elle était la seule que je pouvais m'offrir avec mon salaire de misère. Depuis, c'est elle qui cherche et trouve des auditions pour moi et Israe.
Et elle fait bien son travail, vraiment. Alors certes ce n'est que pour de petits films par des artistes locaux, des rôles de figurantes et des publicités pour les mains, mais elle en trouve.
Le problème c'est moi.
Ou plutôt ma tête et mon nom. Dès que je me rends à une audition, je vois dans le regard des juges qui me détaillent qu'ils sentent qu'il y a un truc qui cloche, sans parfaitement saisir quoi. Je joue le script donné comme si ma vie en dépendait, je les impressionne, ils me couvrent d'éloges et me demandent mon nom et quand je leur dis, ils comprennent.
Je suis Amazigh, une étrangère, une « Arabe » comme ils disent.
Certains se retiennent mieux que d'autres qui expriment leur répulsion sur leur visage ou même en paroles. Parfois, ils font les polis en me disant qu'on « va me rappeler si je suis retenue ».
Ils ne rappellent jamais.
D'autres vont essayer de se justifier, après avoir félicité ma performance, d'un coup ils ne veulent plus de moi parce que le personnage est une femme blanche. Ça, je veux bien l'entendre, mais dans ce cas écrivez plus de personnages maghrébins ou du Moyen-Orient profonds et intéressants !
En gros, je tourne en rond, je m'acharne dans une industrie qui ne veut guère de gens comme moi. Pourtant je continue d'y croire, de croire qu'un jour moi aussi j'aurais la gloire, que j'incarnerai un personnage bien écrit, avec de la profondeur et un message pour le monde, peu importe son apparence, que je signerai des orthographes, que je foulerai des tapis rouges en robe glamour au bras Blake !
Mais bon. J'ai encore l'obstacle de mes origines. Quand je venais de l'engager, en réalisant le problème, Bea m'a proposé de changer de nom, d'avoir un nom de scène qui passerait mieux lors des auditions. Certains le font et ça marche. Ma vie serait sans doute plus facile si je le faisais... mais mes parents m'ont toujours enseigné d'être fier de qui je suis et d'où je viens.
Réussir en changeant d'identité ne serait pas réussir. Moi, c'est Kenza Belbachir que je veux voir sur les affiches, les panneaux publicitaires, les Bilboards de Time Square.
— C'est fou comme histoire...
Pas autant que la vraie histoire.
— N'est-ce pas ?! L'audition est dans trois jours.
— Trois jours ? C'est trop peu de temps ! Tu as commencé à te préparer ?
— Bien évidemment. Je serai prête pour cette audition, comme toujours, et je vais tout donner ! J'aurai ce rôle, même s'il faut que je tue toutes les autres candidates.
J'attrape mon frappé et tire bruyamment sur la paille. Beatrice me sourit.
— Je n'en doute pas. Tu es une actrice exceptionnelle, bien meilleure que beaucoup de celles qui font les grands titres. Tu le mériterais vraiment. Mais...
— Mais ?
— Tu n'as pas peur que ça se passe comme les autres fois ?
Qu'on me rejette à cause de mes origines.
Je baisse la tête et m'affaisse dans mon banc.
— Oui... bien sûr...
C'est même sans doute ce qu'il va se passer. On me dévisagera, me laissera essayer, me complimentera, on verra mon nom, me classera, me proposera peut-être de jouer une figurante. La routine.
— Mais j'ai envie d'y croire. Sinon tout ce que j'ai sacrifié jusqu'ici n'aura servi à rien.
Tout le temps, tout l'argent, tous les efforts... tous les mensonges. Tout ça pour rien.
Mon alarme sonne, me sortant de mes songes et je me redresse. Je récupère mon sac.
— Bon, je te laisse, j'ai un rendez-vous dans un quart d'heure.
— D'accord, prends soin de toi.
Je me tourne pour quitter, mais elle m'interpelle à nouveau.
— Kenza !
Je me tourne.
— Bonne chance.
Je lui souris avant de sortir du café dans lequel on avait rendez-vous. Je me dépêche de retourner sur le campus du USC school of cinematic arts, une des plus grandes écoles de cinéma du pays.
Je dois y retrouver mes amis pour le tournage du court-métrage qu'on présentera comme projet de fin de semestre. Chaque semestre, un projet réunissant au moins six des disciplines enseignées doit être réalisé. Nous sommes une dizaine d'acteurs avec des réalisateurs, des cadreurs, des scénaristes, des monteurs, des ingénieurs du son.
— Encore en retard, commente Israe quand j'arrive au pas de course, essoufflée.
— Désolée, j'avais rendez-vous avec Bea.
— Je comprends, mais organise mieux tes rendez-vous, tu as le rôle principal, tu dois être à l'heure.
Je sens un bras lourd se poser sur mon épaule.
— Elle agit déjà comme une star, elle se laisse désirer.
Je retire le bras d'Hector de sur mon épaule. Hector étudie le théâtre avec moi. Il est le second rôle dans le court-métrage inspiré de l'histoire d'Amar, notre scénariste.
— Je suis une star.
Amar et lui échangent un regard.
— Je le serai. Très bientôt. Plus tôt que vous le pensez en fait.
— Hâte de voir ça, en attendant la star veut-elle bien venir s'asseoir ? me dit Obiye, la maquilleuse. On en a pour une heure au moins.
Je laisse les autres et vais m'asseoir pour qu'elle commence à me transformer en la princesse Gweyr, héritière du Royaume des elfes.
Lorsqu'elle termine le maquillage et les effets spéciaux, Miliana m'aide à enfiler le costume qu'elle a confectionné et je vais rejoindre Hector sur le plateau pour amorcer les scènes d'aujourd'hui.
Une fois la session finie, nous sortons manger un bout et prendre un verre au barbecue coréen du coin. C'est Jae des effets spéciaux qui nous y a initiés et c'est devenu notre petite tradition.
— Bon, les amis, moi je vais devoir y aller, j'ai du travail.
— On a un devoir que j'ai oublié ?! s'inquiète Hector.
Nous rions tous à table. Je m'apprête à lui dire que j'ai une audition qui approche, mais me rappelle que je ne peux la mentionner devant Israe, pas sans risquer un interrogatoire sur la nature de l'audition et comment j'ai eu l'info.
— Non, mais je veux répéter encore les prochaines scènes.
— Je viens avec toi, s'empresse de dire Amar.
Elle est plus du genre soirée à la maison à regarder des films, lire ou écrire ses romans et scénarios. Naturellement, Israe se lève et fait elle aussi ses adieux à notre équipe. Toutes les trois quittons l'enseigne avec un plat à emporter offert par la propriétaire comme toujours. Sur le chemin, nous discutons, bras dessus, bras dessous, nos rires perçant la chaude nuit californienne.
— Alors, tu comptes nous dire ce que tu caches ? demande Amar
— Ce que je cache ?
— Ça fait des jours que tu es enfermé à double tour dans ta chambre, à marmonner des choses. Tu es plus en retard que d'habitude, tu ne dors presque pas.
Eh merde...
— C'est vrai ça ! s'exclame Israe. En plus, tu évites notre regard, qu'est-ce que tu manigances Belbachir ?
Devrais-je leur en parler ? Le secret commence à me peser et si la culpabilité se lit autant sur mon visage, ça veut dire c'est plus que ce que je peux endurer.
Normalement, je n'aurais pas eu de problème à le faire, mais la manière dont j'ai eu l'information sur l'audition et le script fait que je ne peux pas crier sur tous les toits que je compte participer à une audition pour un film aussi gros. Surtout que j'ai caché ça à Israe.
Mais elle finirait bien par le découvrir... et si j'obtiens le rôle, elle m'en voudrait de ne pas lui avoir donné une chance.
— D'accord, mais vous ne le dites à personne.
Dès qu'elles promettent, je leur raconte comment j'ai appris pour l'audition et comment j'ai obtenu le script. Je m'empresse également de m'excuser d'avoir gardé le secret.
Amar est encore scotchée d'apprendre que je me suis non seulement introduite dans la chambre d'hôtel d'une célébrité de l'acabit de Blake, mais qu'en plus j'ai volé un script. Israe, elle, se met à jurer en découvrant que j'ai gardé le script, mais étonnamment, elle ne semble pas trop m'en vouloir.
— Je voulais t'en parler... mais j'avais peur de ta réaction.
Elle pose ses mains sur mes épaules.
— On s'en fout de ma réaction. Un film par Wonder Production, c'est énorme ! C'est quand l'audition ?!
— Dans trois jours.
Je vois l'espoir quitter ses yeux quand elle réalise que c'est trop peu pour apprendre le rôle. Je me fonds de nouveau en excuse et elle me rassure.
— Ça va, une autre fois peut-être, dit-elle, une pointe de tristesse dans la voix.
Israe est arrivée en Californie deux ans avant moi. Et jusqu'ici, elle n'a jamais pu obtenir de rôle qui la ferait tirer son épingle du jeu, pour les mêmes raisons que moi. Je n'imagine pas ce que c'est, d'être passée si près d'une telle opportunité, juste parce que je n'ai pas eu l'honnêteté de lui partager le script volé.
— Mais une seconde, s'intercale Amar. J'ai lu ce livre dans un de mes cours, Alice est blanche non ? Tu crois vraiment que ça vaut la peine de participer à l'audition ?
J'y ai songé. Dans l'œuvre originale, la protagoniste est décrite comme une beauté aryenne, avec une peau de rosée, de longues, mais sages boucles d'or et des yeux où se confondent ciel et océan.
Le but d'une audition c'est de trouver une personne qui incarnera le mieux le personnage dans son fond, mais surtout dans sa forme.
Je soupire.
— Bien sûr que ça vaut la peine ! s'indigne Israe. Toutes les auditions valent la peine. Cette fois pourrait être la bonne !
Toutes les trois nous regardons, peu convaincues.
— J'ai l'opportunité, mais j'ai peur que ça finisse encore comme les autres fois. Si l'on ne veut pas de moi sur les écrans, toute ma motivation ne sert à rien. J'aurai tout sacrifié pour rien... j'aurai menti à mes parents pour rien. Peut-être que j'aurais dû les écouter faire des études d'ingénierie. Après tous les sacrifices qu'ils ont faits pour que je mène la vie que je mène...
Amar essuie une larme que je n'avais pas sentie couler.
— Mais non, garde espoir. Tu deviendras une grande star et tu rendras tes parents très fiers de toi. Et s'ils ne veulent pas de toi à Hollywood, moi je ferai de toi une star. J'écrirai les plus beaux personnages pour toi, des rôles à la hauteur de ton talent. De votre talent à toutes les deux !
Je hoche la tête et pleure un peu quand elle me prend dans ses bras. Mon téléphone vibre dans ma poche. Amar râle et se bouche les oreilles quand je le sors et que mes yeux s'illuminent. Je pousse un petit cri de joie en voyant que Blake a posté une photo.
Notre voisine de palier sort et se met à nous maudire comme chaque fois qu'on augmente les décibels. Nous ne nous excusons même plus, nous rions et entrons dans notre appartement.
Amar va prendre une douche et moi je vais dans ma chambre reprendre les répétitions pour cette audition, cette fois avec l'assistance d'Israe.
Plus que trois jours.
Levi
— Ça fait plus de trois jours !
— Je sais.
— Elle est énorme !
— Merci de me le rappeler, réponds-je sur un ton blasé.
— Je pensais qu'elle se résorberait en deux ou trois jours. Elle ne t'a pas manqué cette fille.
Je regarde mon reflet dans le miroir des toilettes pour hommes du complexe. Un œil au beurre noir encore bien visible décore mon visage depuis bientôt une semaine maintenant, depuis que cette fille m'a mordue avant de me frapper et de s'enfuir.
— Tu devrais vraiment tenir tes fans en laisse.
Blake ricane.
— Je te plains. Heureusement que ce n'est pas moi qui aie une sale tête comme ça, juste avant mon audition en plus.
Je me redresse et essuie mes mains que je venais de laver.
— D'ailleurs, tu te sens prêt ?
— Comme si ce rôle avait été écrit pour moi.
Comme tous tes autres rôles...
J'ai envie de lui dire qu'il est un peu trop confiant et imbu de sa personne, mais il a totalement raison ; il obtiendra ce rôle.
Ç'a toujours été comme ça, Blake obtient tout ce qu'il veut. Nous sommes devenus acteurs à peu près à la même période, mais c'est de Blake que Hollywood et le monde sont tombés amoureux. Son allure d'angelot, de garçon parfait à présenter à ses parents, ses beaux yeux bleus, ses cheveux blonds de surfeur australien, il a tout du prince charmant qui fait rêver toutes ses demoiselles. Alors sa carrière a pris une énorme avance sur la mienne. Même quand je veux d'un rôle, du moment que Blake participe, il sera sélectionné parce que la tête de Blake vend.
Je ne suis que son second depuis qu'on est gamin. C'est comme ça. Malgré tous nos efforts, tous nos sacrifices, il y a toujours cette personne face à qui nous ne serons jamais qu'une ombre. Relégués au second plan, effacés, invisibles. Avec le temps, on accepte qu'on n'est que figurant de son film.
Alors quand j'ai moi aussi reçu une invitation à prendre part à cette audition, j'ai immédiatement décliné. Je ne veux pas perdre mon temps à essayer de sortir de l'ombre de Blake et perdre à nouveau. Je me suis habitué à passer après lui au fil des années, c'est même devenu une situation qui me plaît.
Parce que oui, il a la célébrité et la gloire, mais il a aussi des problèmes que je n'ai pas, à commencer par des fans complètement frappées, comme la barge qui s'est introduite dans sa chambre, m'a agressé avant de fuir avec mon script il y a une semaine.
Alors je ne me plains pas. Je le soutiens, c'est tout, comme un ami, comme une fidèle ombre.
— Il est bientôt 13h00, on devrait y aller.
— Il est 12h30.
— Oui, mais arriver à l'avance est bien perçu. Allez, viens.
Blake râle, se redresse, admire sa gueule d'ange dans le miroir avant d'afficher un sourire qui empeste la confiance en soi. Je me demande comment il va faire pour passer la porte des toilettes.
Nous sortons et nous dirigeons vers la salle 14 quand j'entends des pas pressés derrière nous.
— Blake ! Levi !
Je reconnais immédiatement la voix et tous mes poils se hérissent.
— Tu ne m'as pas dit qu'elle participait, intimé-je à Blake.
Il me sourit avant de se tourner. Je fais de même pour me retrouver en face d'Adèle. Dès que je la vois, mon cœur accélère la cadence et je sens la moiteur de répandre dans mes mains.
Elle grimace en me voyant.
— Ouh... qu'est-ce que tu as sur la face ?
Je touche mon visage et me rappelle l'immense trace de mon agression sur mon œil.
— Oh... j'ai foncé dans un mur. Un très gros mur.
Blake pouffe de rire et je lui donne un coup de code. Je n'allais quand même pas lui dire que je me suis fait agresser par une fille, j'aurais l'air de quoi moi ?
— Je vois... tu devrais faire plus attention.
— Je-je le ferai.
Elle me sourit avant de se rappeler ce qu'elle allait dire.
— Levi, tu participes aussi ?!
— Euh... oui- non... je sais plus.
Elle lève les sourcils et regarde Blake pour la traduction.
— Seulement moi, Levi ne voulait pas. Mais maintenant qu'il sait que tu joueras Alice, peut-être qu'il va changer d'avis-
Je donne un coup à Blake pour le faire taire. Adèle ricane et avec chacun de ses rires, s'envole ma mauvaise humeur. Elle passe une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille et porte ses jolis yeux bleus vers moi.
— Ça serait cool de jouer avec toi. J'ai toujours trouvé que tu avais un petit côté Henry Hilton, des airs de grand prince ténébreux.
— Ah oui ? Tu trouves ?
Elle hoche la tête en souriant, sans me lâcher de ses yeux de biche.
— Vous me le dites si je suis de trop.
Nous brisons le contact visuel pour regarder Blake.
— Bon, je vais y aller, je vais bientôt passer. Bonne chance. Blake... toi aussi Levi, si tu décides de le faire.
Elle nous embrasse tous les deux avant de se diriger en salle 13. Je suis sorti de ma contemplation de ses jolies fesses quand je sens la main de Blake sur mon paquet.
— Mais c'est qu'il est troublé l'admirateur secret d'Adèle. Heureusement que tu ne participes pas, une audition avec une érection c'est pas top.
Je claque sa main et le repousse
— Ne me touche pas. Tu m'as caché ça !
Blake éclate de rire avant d'ouvrir la porte de la salle 14 où Hannah Izidor, la réalisatrice du film nous attend déjà et est en train d'installer la caméra qui servira à filmer l'audition.
— Ah, vous êtes là !
Hannah court à notre rencontre et saute dans les bras de Blake avant de faire de même avec moi. Nous la connaissons depuis notre tendre enfance. Elle a toujours été une grande sœur pour nous et nous avons souvent joué dans ses projets.
Pour ce film, elle a voulu que ce soit l'un de nous qui interprète le richissime Henry Hilton dans la version adaptée d'Outsider.
— Alors, prêts à auditionner ?
— Désolée, Hannah, mais ce rôle ne m'intéresse pas.
— Essaie au moins, moi je trouve que toi et Henry avez la même personnalité, tu l'incarnerais si bien !
Je regarde Blake qui lève les épaules.
— Non... non. Et puis je ne connais pas le script donc...
Blake ouvre la bouche devant mon mensonge, mais la referme quand Hannah se tourne vers lui pour vérifier si je mens. Blake joue le jeu et Hannah soupire.
— Bon, Blake prépare-toi, on commence dans 15 minutes.
Je vais m'asseoir avec Hannah près de la caméra pendant que Blake fait une répétition de dernière minute. Puis débute son audition : Hannah lui indique quelques scènes qu'elle veut le voir jouer et Blake se débrouille bien pour les interpréter, même s'il a deux ou trois blancs. Mais heureusement, je l'en sauve en lui soufflant la prochaine réplique et il reprend.
Ce mec est totalement inconscient et manque de professionnalisme, c'est fou.
— Bien, maintenant je veux que tu me joues la scène du bal masqué, Levi tu vas jouer Alice puisque tu connais les répliques par cœur, siffle Hannah avec un fond d'amertume.
Je soupire et me lève avant d'aller me planter devant Blake qui me contamine avec son sourire.
— Action !
Blake entre dans la peau deHenry et fait la révérence tandis que j'entre dans celle d'Alice et fais lacourbette.
Kenza
— Le rôle d'Alice c'est la suite 200, salle 13. Tenez, vous êtes la candidate numéro 23.
— Merci, dis-je à la réceptionniste avant de me diriger vers l'ascenseur menant au deuxième.
Là, je trouve la suite 200, où je présente le pass que la réceptionniste m'a donné pour qu'on me laisse accès.
Jeudi, Centre de convention, suite 200, salle 14 à 13h00.
Nous sommes jeudi. C'est il y a une semaine que je me suis introduite dans la chambre d'hôtel de Blake Donovan et que j'ai entendu l'information concernant cette audition. Après être passée à deux doigts de me faire prendre, je suis rentrée chez moi et je me suis mise au travail.
D'abord, j'ai trouvé le livre duquel devait être adapté le film : Outsider. Je suis sortie chez le libraire m'en acheter une copie. C'était une brique de 700 pages d'un livre qui apparemment est un classique. Je me suis donc tapé la lecture du roman et j'ai même fait une deuxième lecture tant l'histoire était captivante et les personnages attachants. Je suis tombée amoureuse d'Alice, mais aussi de Henry, ce gentleman déchiré entre son héritage et la belle et intelligente Alice. Ça m'a pris deux jours.
Après quoi, ayant l'intrigue en tête, j'ai commencé la lecture du script, avec le roman pas loin pour m'imprégner de l'ambiance que l'auteur voulait originalement pour les scènes. J'ai ensuite commencé à les jouer ; les répliques d'Henry comme de Alice, et ce pendant trois jours. Je me filmais, je jouais, je regardais le résultat et j'ajustais pour que ça corresponde à la scène. Quand Israe m'a rejoint, j'ai vu une nette amélioration dans mon jeu.
Tout ça m'a menée à aujourd'hui, jeudi, 13h00, au Centre de convention de Los Angeles, suite 200.
— Salle 14. J'y suis, soufflé-je quand j'arrive devant la porte où il est écrit 14.
J'ouvre la porte.
Aussitôt, trois paires d'yeux se portent vers moi. Ceux d'une femme au fond de la pièce et de deux hommes que je reconnais immédiatement : Levi et Blake.
Blake me regarde !!
Les deux qui se tenaient au centre de la pièce illuminée par les rayons de soleil à travers l'immense baie vitrée comme s'il était en train de danser une valse se séparent, gênés d'avoir été surpris ainsi. Une caméra reposant sur un trépied semble encore en train de les filmer.
— Euh... je cherche l'audition pour Alice ? C'est ici ?
— Pour Alice, l'audition est en salle 13, il fallait prendre la gauche au bout du couloir.
Oh... putain ! Je n'ai même pas encore commencé l'audition que j'ai déjà merdé.
— Ah, je comprends, mon erreur. Désolé de vous avoir interrompus, m'excusé-je.
Je fais demi-tour pour sortir de la salle quand la voix de la femme m'interpelle.
— Vous devez bien auditionner pour Alice ?
Je m'arrête et me tourne vers elle.
— Euh... oui... oui !
Non, je n'ai rien à faire ici.
— Vous connaissez la scène du bal masqué ?
— Par cœur, je la connais par cœur, affirmé-je avec conviction.
Elle plisse les yeux en me détaillant, comme si elle cherchait dans sa mémoire qui ne suis. Aussitôt, l'angoisse s'empare de moi parce que souvent, quand on me regarde comme ça c'est pour mieux me rejeter après. Elle finit par se détendre.
— Bien, vous allez nous servir d'Alice pour l'audition de Blake.
Coupé !
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