Scène 17
𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟙𝟟 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !
Levi
Hier, j'ai eu mon premier faux rendez-vous avec Kenza.
Après avoir réalisé que si nous n'agissions pas comme un vrai couple le ferait, soit les gens n'y croiraient pas et découvraient la supercherie, ce qui me désavantagerait, soit ils se désintéresseraient de notre couple, ce qui handicaperait Kenza qui bénéficie grandement de la publicité que notre pseudo-union lui fait.
Alors après un court appel, nous avons organisé une date, averti les magazines de notre localisation de manière anonyme et joué les célébrités encombrées et excédées de s'être fait déranger en plein moment d'intimité.
Au départ, Kenza voulait qu'on fasse un pique-nique...
Bref, n'en parlons même pas, j'ai refusé. Je déteste les pique-niques, trop insipides. En plus, il allait faire chaud et l'idée de manger de la nourriture faite par cette barge, de la nourriture qui a été trop près de la terre et des insectes... ma phobie.
Moi je voulais dîner dans un restaurant dans lequel j'ai l'habitude d'aller, là où je sais que la nourriture est bonne et raffinée. Puisqu'il se trouve au dernier étage d'un gratte-ciel, il offre une vue magnifique sur la ville. Comme ça, j'aurais eu quelque chose d'agréable à regarder, faute de mieux.
Nous avons fait un compromis et avons dîné dans la terrasse d'un restaurant étoilé spécialisé en cuisine française. Ainsi, elle pouvait profiter de l'air frais de la soirée et du « si romantique coucher de soleil » et moi je n'avais pas à partager mon espace avec des vers de terre. En plus, la terrasse rendait l'accès plus facile aux paparazzi qui ont répondu présents.
Les photos qu'ils ont prises hier sont en train d'enflammer la toile ce matin. Assis dans le salon de mes parents, je les parcours, moi-même étonné que nous les ayons aussi bien bluffés. Sur les photos, on ne peut pas deviner les piques que nous nous lancions, on n'y voit pas la manière dont nous nous empressions de rompre les contacts dès que nous nous savions hors des objectifs. On ne l'entend pas me dire combien Blake est le seul et unique homme qui compte pour elle.
Non, sur ces photos, nous sommes le parfait couple, encore dans une phase de l'une de miel et tout le monde n'y a vu que du feu.
Adèle n'y a vu que du feu.
À peine venais-je de déposer Kenza chez elle qu'elle m'a appelé pour me questionner sur les photos que les magazines n'ont pas tardé à poster avec des titres exagérant l'amour qu'on se porterait.
Elle a encore essayé de me convaincre que Kenza n'est pas une fille pour moi, qu'elle cache quelque chose, que c'est louche la manière dont il y a peu, elle semblait obsédée par Blake et que soudain ce soit moi qu'elle aime.
Si elle n'avait pas été aveuglée par sa jalousie envers Kenza qu'elle estime inférieure à elle, elle aurait peut-être compris que tout ceci n'est que mise en scène. Que la relation que j'entretiens avec Kenza est presque contractuelle, que c'est elle que j'ai toujours voulue.
Moi qui pensais que me mettre en couple avec Kenza la rendrait jalouse, assez pour s'y opposer et me réclamer sien. Seulement, ce qui dérange Adèle dans mon union avec Kenza, ce n'est pas la possibilité que j'aime quelqu'un d'autre qu'elle, mais que Kenza soit aimée par moi et le public. Son problème c'est qu'on aime Kenza, pas que Levi aime Kenza.
Je ne suis rien pour elle.
« Personne ne t'aime. »
Je fixe la photo où Kenza et moi nous tenons la main, écoeuré par cette scène. Au départ, j'ai menti à tous sur notre relation pour rendre Adèle jalouse, pour qu'elle me considère enfin comme un homme. Mais si même ça, ça ne marche pas, je ne vois plus l'intérêt de jouer les amoureux avec cette fanatique.
C'est une perte de temps et puis Adèle a raison. Les gens comme moi ne s'associent pas aux individus de son acabit.
J'en ai marre.
La voir presque tous les jours sur le plateau est déjà trop pour moi. Et puis je crois qu'elle aussi préférerait mieux passer son temps libre avec Blake plutôt que faire de faux rendez-vous avec moi.
Lui aime tout ce qu'elle aime. Ils pourraient se faire tout plein de putains de pique-niques en observant le coucher de Soleil.
Et moi je finirai seul...
— Tu es vraiment amoureux dis donc !
J'ai à peine reconnu la voix de la mère qu'elle se saisit de mon téléphone dans mes mains. Je me redresse pour la voir en train de faire défiler les clichés de moi et l'autre. Comme elle recule pour l'empêcher de le récupérer, je me laisse de nouveau tomber sur le divan et croise mes bras.
— Je ne comprends pas, comment ça se fait que tu ne nous aies jamais parlé de cette fille ?
— Je vous en ai parlé, mentis-je au lieu de chercher une excuse.
— Oui, mais seulement en mal. Tu disais que tu étais dépité que ce soit elle qui ait obtenu le rôle et que tu ne pouvais pas la sentir et que tu ne la laisserais pas garder le rôle.
— C'est exactement ce que je lui ai dit, s'immisce mon père. Il y a peu, tu la détestais.
Je me lève et reprends mon téléphone.
— Eh bien, j'ai changé d'avis. Le tournage nous a rapprochés. Kenza est une fille super quand on apprend à la connaître.
Je sens la bile me monter à la bouche et menacer de sortir avec le mensonge que je viens de lâcher.
— Et puis quoi encore ? Et Adèle alors ?
Je lui jette un regard noir quand il mentionne Adèle. Je n'apprécie pas la manière dont il a de constamment la ramener dans les conversations que nous avons sur Kenza. Je lui ai pourtant déjà que mon béguin pour Adèle m'était passé, mais il ne veut pas lâcher l'affaire.
Ma mère, sentant la tension se créer entre lui et moi s'empresse d'intervenir.
— Oh, les amours, ça vient, ça part. Hier, c'était Adèle et aujourd'hui c'est Kenza. Hein Levi ?
Non.
— Oui.
— Et puis je suis sûre que tu as raison et que c'est une fille superbe. Je l'ai seulement rencontré brièvement lors de la fête de lancement du tournage, mais elle m'a semblé vraiment... charmante, termine-t-elle, forçant le mot hors de sa bouche. D'ailleurs, vous étiez déjà ensemble à ce moment-là, si ?
— Oui, dis-je, exaspéré qu'elle continue à me parler de la barge. Mais ça devait rester un secret.
— Petit cachotier ! Et pourquoi tu continues à la cacher ?
— La cacher ?
— Eh bien, maintenant que votre couple n'est plus secret, j'aurais dû la rencontrer, me présenter comme il se doit. Je ne vous vois que dans les magazines et sur les réseaux. J'ai envie de rencontrer la chérie de mon bébé moi.
J'arrête ce que je faisais et la regarde, légèrement paniqué.
— Pour quoi faire ?
— Apprendre à la connaître, voir qu'est-ce qui t'a plu chez elle au point où tu changes d'avis sur elle. C'est normal pour une mère de vouloir savoir qui est l'autre femme qui a ravi le cœur de son fils. Alors ? Quand est-ce que tu nous la présentes ?
...
Bordel.
— Hum...
Allez, trouve une excuse, vite !
Je la regarde, elle et mon père qui lui aussi attend ma réponse. Je déglutis, car je ne trouve rien à leur dire pour éviter d'avoir à leur présenter Kenza comme l'amour de ma vie. Devant les paparazzi et les étrangers, je peux encore gérer, mais là ce sont mes parents, ils me connaissent, ils vont nous griller en même pas trois secondes.
Voyant mon hésitation, mon père plisse les yeux. Je sais immédiatement qu'il a flairé que quelque chose cloche.
— Ta mère et moi allions recevoir les Cimone demain soir. Venez donc ensemble. Elle peut même venir un peu plus tôt et passer la journée.
— Oh, mais c'est une bonne idée ! s'exclame ma mère.
Je voudrais protester, raconter un mensonge, dire que je suis occupé où je ne sais quoi, mais mon père connaît mon horaire par cœur, c'est lui qui le planifie. Et ce serait vraiment suspect que je refuse de la leur présenter après l'avoir « cachée » si longtemps.
— Je vais lui demander si elle peut, mais je ne vous promets rien.
Il me suffira de dire qu'elle avait déjà quelque chose de prévu.
— Appelle-la alors, s'impatiente maman.
— Je compte bien le faire, dis-je sur la défensive.
— Maintenant, intervient mon père qui a dû me sentir venir. Comme ça, on saura.
Je me résigne. J'ouvre mon téléphone, trouve le contact de Kenza et lance un appel. Après quelques tonalités, elle décroche.
— Quoi, qu'est-ce que tu me veux ? répond-elle de manière agressive.
Ma mère écarquille les yeux en entendant cette réponse loin de l'image de la charmante fille que j'ai décrite.
— Une vraie sauvage, souffle mon père en reprenant sa lecture.
— Euh... salut Kenza, ça va ?
— Ça allait avant que tu m'appelles.
Il y a un long silence.
— Levi dépêche-toi de me dire ce que tu veux, j'ai autre chose à faire.
Mais ferme ta gueule deux secondes, tu penses que j'ai envie de t'appeler ?!
Pour lui faire comprendre que nous ne sommes pas les seuls dans cet appel, je mentionne mes parents.
— Ma mère voulait te demander quelque chose, dis-je en tendant le téléphone à maman.
C'est à peine si elle ne me l'arrache pas.
— Bonjour Kenza !
Aussitôt qu'elle sait que mes parents participent à l'appel, la voix de Kenza s'adoucit.
— Oh, bonsoir madame von Neumann.
— Oh, appelle-moi donc Irina, après tout tu es un peu comme ma belle-fille maintenant, plaisante ma mère.
Mon père et moi levons nos yeux au ciel.
— D'accord... hum... Levi m'a dit que vous aviez quelque chose à me demander ?
— Absolument ! Donald et moi aimerions vous inviter Levi et toi à dîner demain, pour faire connaissance et t'accueillir comme il se doit dans notre famille. Je voulais savoir si tu pouvais nous réserver ta soirée.
C'est le moment.
Je croise les doigts pour que Kenza soit suffisamment intelligente pour refuser, pondre un mensonge, s'inventer une occupation comme... je sais pas, aller aboyer devant la maison de Blake.
— Avec plaisir ! J'avais quelque chose de prévu, mais je vais trouver un moyen de me libérer.
Ce qu'elle est conne !
— Parfait, à demain alors. Tu peux venir aussi confortablement que tu le souhaites. Je te passe Levi, il a l'air impatient de te parler.
Impatient de l'étriper, ouais !
C'est mon tour d'arracher le téléphone des mains de ma mère. Je me dirige vers la porte patio qui mène à la cour arrière donnant sur la mer. Une fois que je suis suffisamment loin des oreilles curieuses, je pète un câble.
— Non, mais c'est quoi ton problème ?! Pourquoi tu as accepté ?!
— Allo ?! La grande Irina von Neumann m'a invitée à dîner chez elle, je serais folle de refuser.
— Mais à cause de toi on va devoir passer une soirée ensemble, avec mes parents !
— Ouais, je sais, moi non plus, ça ne me réjouit pas d'avoir à te voir deux fois en moins de 24h, c'est plus que ce que m'a recommandé mon médecin.
— C'est tellement drôle que j'ai oublié de rire.
Elle ricane.
— Écoute, t'as beau être un cancer, ta mère n'en reste pas moins iconique.
— Non Kenza, moi je ne veux pas !
— À demain~
— KENZA-
Elle me raccroche au nez. Je tente de la rappeler à mainte reprise, sans réponse. Elle ne répond pas non plus à mes messages. Je jure et maudit cette opportuniste avant de retourner à l'intérieur, chassé par la chaleur.
Kenza
Ce qui est bien dans un appartement luxueux, c'est qu'on peut crier et sauter dans tous les sens comme Amar, Israe et moi le faisons depuis trois minutes.
Depuis que je leur ai annoncé que j'allais chez Irina von Neumann, l'icône du cinéma, la super model, la multimillionnaire philanthrope.
Elle est littéralement l'idole d'Israe et a joué dans beaucoup des films préférés d'Amar.
Au bout d'un moment, nous finissons par nous épuiser. Moi je me calme parce que je viens de prendre ma douche, il ne faudrait pas que je transpire trop alors que Levi vient me chercher dans quelques heures pour que je passe la journée avec sa mère.
Au cas est-ce que vous vous le demandiez ; oui, rencontrer les parents de son faux petit ami est tout aussi angoissant que s'il était vraiment votre petit ami.
J'ai déjà rencontré Donald von Neumann à plusieurs reprises, à cause de son lien avec Levi et l'industrie. Je n'ai rencontré Irina qu'une seule fois, lors de la fête du lancement du tournage d'Outsider. Donc ce dîner auquel j'ai été invité sera vraiment une chance pour moi de faire ample connaissance, et surtout de faire bonne impression. Irina et Donald von Neumann sont de ces power couple qui font et défont des carrières.
Tous dans le milieu ont intérêt à être dans leur bonne grâce.
Et en tant que première petite amie de leur fils, je n'aurai pas le droit à l'erreur. Alors, avec les filles, nous avons choisi ce que j'allais porter pour la journée et pour la soirée alors qu'elles me bombardaient de questions.
— Y'a pas à dire, t'es vraiment chanceuse, commente Israe alors que j'enfile la robe estivale sur laquelle notre choix s'est porté. Tu obtiens le rôle, tu sors avec un von Neumann et maintenant tu vas dîner dans leur somptueuse demeure et tout ça en l'espace de quelques mois.
— Ce n'est pas de la chance, c'est juste que mes du'â pour toi ont été exaucés, se vante Amar en balançant sa chevelure sur son épaule.
Je me jette sur elle et la couvre de baisers.
— Merci, merci, merci, merci !
Nous rions toutes les trois et je me redresse.
— Oui bon, dans ma chance j'ai quand même le malheur de côtoyer Levi von Neumann presque tous les jours.
Amar lève les yeux au ciel.
— Voyons, tu exagères. Je suis sûr qu'il n'est pas si méchant que tu le dis.
— C'est vrai ça, moi il m'a toujours semblé juste réservé.
— C'est parce que vous ne le connaissez pas comme moi je le connais. Il est méchant, arrogant et tellement condescendant. Il se croit au-dessus de tout, de moi et rien, absolument rien ne lui plaît. J'ai essayé de trouver un terrain d'entente avec lui, de former un semblant d'amitié, mais il est constamment en train de se plaindre : « il faut trop chaud, Le Soleil brille trop, non il y aura des insectes, je vais être obligé de te regarder. »
Israe éclate de rire et moi je soupire.
— Pas étonnant que personne de son entourage ne l'apprécie, lui-même n'apprécie rien.
Sauf Adèle...
— S'il n'apprécie rien, je crois qu'il n'appréciera pas non plus que tu sois en retard.
Je me tourne vers Israe qui tient mon téléphone et d'ici, je peux voir les messages de Levi entrer.
— Putain, je n'ai pas vu le temps passer.
Je jette les affaires dont j'aurai besoin dans mon sac fourre-tout, me saisit de mon chapeau de paille qui me tombe sur les épaules, prend mes talons dans mes mains et cours pieds nus vers l'extérieur du bâtiment. Là dehors, je vois Levi qui attend au volant de sa voiture de luxe, l'air contrarié. Je contourne le véhicule et vais m'asseoir côté passager.
— Bon-
— Ça te plaît de me perdre mon temps ?
Voyez ?
Je soupire, croise les bras et décide de l'ignorer. Si j'engage la dispute qu'il veut créer, on n'en finira plus, ça va me saper l'humeur et gâcher ma soirée. Il grommelle quelques insultes et démarre.
Si seulement ça avait été Blake...
Nous arrivons à Malibu après un trajet silencieux et tendu. Alors que les somptueuses villas défilent sur le paysage, je m'imagine y vivre, quand je serai une vedette de renommée mondiale, avec mon mari, Blake Donovan et nos magnifiques enfants. Pour la première fois depuis que j'ai vu Levi, le sourire regagne mes lèvres alors que je rêve.
— On est arrivé. Cesse de sourire bêtement comme ça, on va te prendre pour une folle.
Je quitte mes songes et constate avec l'immense demeure à ma droite que nous sommes belles et bien arrivés chez les von Neumann.
Je descends du véhicule et une fois dehors, je peux bien intégrer à quel point les parents de Levi sont plein aux as. Une immense fontaine se trouve au milieu de la course avant, encerclée par un jardin et le chemin de dalles orangées. La villa est de style espagnol, avec son architecture et sa toiture, elle aussi aux couleurs de l'argile rouge. D'ici, je peux voir trois voitures de luxe, couvertes pour les protéger des dommages du soleil, reposer sur le côté de la maison. Je peux même entendre le brut des vagues derrière la maison, sentir l'air salin me purifier les poumons.
— Wow... la maison de tes parents est... magnifique...
— Tu trouves ? demande-t-il en se plaçant à côté de moi.
— Pas toi ?
— Non... il y a trop de... choses.
C'est vrai que comparée à l'appartement moderne, de style scandinave de Levi, la demeure de ses parents est riche en décorations. Comparée à celle de Levi, elle a une âme.
— Choses ?
— Trop de couleur, trop de peinture, trop de statues, trop de fontaines, trop de sable et maintenant trop de toi.
Sans attendre ma réaction, il se dirige vers la porte juste au moment où sa mère sort, crie quelque chose et ouvre grand les bras pour y accueillir son fils.
La journée va être longue, je le sens.
— Kenza ! s'exclame-t-elle en balançant ses hanches jusqu'à moi.
Irina von Neumann n'a rien perdu de sa démarche de cat walk, âgée de presque 50 ans, elle dégage encore beaucoup du sex appeal qui a fait d'elle une icône dans sa jeunesse. Les énormes boucles blondes qui encadrent si élégamment son visage rebondissent au moindre de ses mouvements.
Putain, il va vraiment falloir que je me mette à leur potion aux antioxydants qui goûte le jus de fesse !
— Bonjour mande von Neumann-
Elle me donne un petit coup sur l'épaule.
— Qu'est-ce qu'on a dit hier au téléphone ?
— Irina.
Elle me sourit de toutes ses belles dents droites et blanches avant de me faire la bise. Puis, elle prend un peu de distance pour me reluquer.
— Tu es aussi belle que Levi l'a dit !
— Il a dit ça ?
— Ouiiiii.... Il passe son temps à regarder vos photos après vos rendez-vous !
Pas besoin d'être un devin pour savoir qu'elle ment. Je sais que même sous la menace Levi ne dirait jamais que je suis belle. Je joue le jeu et la remercie pour son compliment à elle. Après une pause un peu gênante, elle prend ma main et me conduit vers l'intérieur de la maison.
La végétation y est impressionnante et vient compléter le style espagnol de la demeure. Beaucoup de secteurs sont à ciel ouvert, il y a au centre un carré avec un jardin et un banc entouré d'un balcon. Des gens, sans doute des domestiques, passent par des chemins bien à eux, évitant d'empiéter sur l'espace réservé aux maîtres.
Je suis Irina alors qu'elle me parle de sujet divers, me pose des questions sur moi, le film, Levi. Au bout de quelques minutes, nous arrivons dans ce qui semble être leur salon. Levi s'est avachi dans un divan et regarde son téléphone. Son père est aussi non lui et pianote sur un Mac sans lever la tête.
— Chéri, Kenza est là.
— Mhhh, lâche-t-il.
— Donald.
Donald von Neumann soupire, rabat l'écran de son portable et vient se poster devant moi.
— Bonjour, dit-il sèchement en me tendant la main.
Wow... quel accueil... je plains la fille qui sortira vraiment avec Levi et qui devra faire affaire avec ça comme beaux-parents-
Mais qu'est-ce que je dis là ? Personne ne sortira jamais avec lui.
— Bonjour, réponds-je en la lui serrant en retour. Merci de m'avoir invitée... vous avez une très belle maison.
— Oh, mais de rien. Irina et moi tenions à découvrir qui est vraiment celle qui a tapé dans l'œil de notre Levi. Enchanté de faire ta connaissance.
Il joint sa parole d'un baise-main. D'ordinaire, bien que ça m'aurait mise un peu mal à l'aise, je n'aurais pas tiqué, mais des souvenirs de lui baisant la main d'Adèle, puis de lui baisant Adèle me reviennent en mémoire et me lèvent le cœur. Instinctivement, je retire ma main de sa prise, ce qu'Irina et Levi remarquent. Je m'empresse de trouver une excuse.
— Je... transpire beaucoup des mains... désolée.
Il y a un long silence, puis Irina attrape mes mains.
— Oh ! Ça tombe bien, j'avais le même problème avant et sache que je connais la recette miracle pour l'hypersudation.
Et elle se met à me parler de sa recette miracle qui rien qu'à l'entendre doit avoir aussi mauvais goût que l'eau aux antioxydants. Je jette un coup d'œil en direction de Levi pour qu'il me sorte de là, mais il évite mon regard.
Super. Je suis laissée à moi-même.
Je m'assoie avec eux au salon et nous discutons, Irina surtout me raconte des anecdotes de sa carrière, me fait un résumé des conflits entre célébrités des dernières décennies, clarifiant certaines choses. Vers midi, les employés de la maison annoncent que le déjeuner est servi. Tous les quatre nous rendons donc à la salle à manger ou des plats divers sont servis. Naturellement, je prends place à côté de Levi qui de nouveau me communique son mécontentement vis-à-vis de notre proximité, de ma présence, de mon existence. Comme lui, je décide de l'ignorer et de me concentrer sur ses parents ; c'est eux que je suis venue séduire.
— Ah, mais, vous ne nous avez pas dit.... comment est-ce que vous vous êtes rencontrés? Était-ce avant le tournage ?
Je laisse Levi répondre à ce genre de question. Il semble avoir répété les répliques à dire pour satisfaire la curiosité de sa mère.
— On s'est rencontré aux auditions.
— Ah, mais oui ! J'ai vu la vidéo de l'audition que vous avez passée tous les deux... c'était vraiment incroyable, vous étiez fait pour ces rôles !
— N'importe quoi, souffle Levi.
— Merci ! dis-je pour couvrir sa voix tout en plantant mon pied dans le sien.
Levi étouffe un cri et me jette un regard assassin alors que je lui offre un doigt d'honneur discret.
— Et quand est-ce que vous êtes tombés amoureux, pourquoi ? demande son père qui ne me lâche pas des yeux depuis que je suis venu.
Encore une fois, j'attends que Levi comble le silence. Mais là, il y a un blanc. Après de longues secondes, je comprends qu'il a pu répéter les réponses aux questions techniques : qui, quand, quoi, comment, mais qu'il est incapable de répondre aux questions demandant du développement, demandant d'être capable d'éprouver des sentiments.
Il n'a jamais connu le coup de foudre réciproque, comment pourrait-il le décrire ?
Quel boulet !
— En fait... on s'est rencontrés à l'audition, mais moi j'ai toujours connu Levi. J'étais probablement sa plus grande admiratrice.
Il se tourne vers moi et me dévisage.
— J'ai eu vent qu'il participait à une audition prochainement alors j'ai fait des pieds et des mains pour avoir une chance d'y être moi aussi. J'ai réussi, seulement après une série de faux pas j'ai aussi réussi à me faire détester par lui.
Irina rit, ravie d'être dans la confidence alors que Donald lève un sourcil, perplexe. Pour rendre mes bobards plus crédibles, je prends la main de Levi qui reposait sur la table. Il se tend immédiatement.
— Mais à force de se voir, de répéter ensemble nous sommes partis sur de nouvelles bases et l'on s'est trouvé beaucoup de points communs, dis-je en le regardant dans les yeux. Vu que c'est mon premier vrai rôle, il m'a beaucoup aidée à m'améliorer et à m'intégrer dans le milieu. J'ai eu de la chance d'obtenir le rôle, mais Levi est ce qu'il m'est arrivé de mieux depuis longtemps.
Levi qui comme ses parents découvrent l'histoire de notre pseudoamour me fixe, sans le dédain que je vois normalement dans ses yeux. Notre contact visuel prolongé est interrompu par sa mère qui verse quelques larmes et renifle. Elle prend un tissu et essuie ses larmes.
— C'est tellement adorable, tu as entendu ça Donald ? Ils s'aiment !
Irina est ému, et Donald lui semble moins suspicieux, il semble même surpris. Aussitôt mon récit terminé, Irina me raconte comment elle et Donald se sont rencontrés. Ce n'est qu'à la fin du repas que je réalise que ma main était toujours dans celle de Levi. Lui aussi semble le réaliser et retire sa main.
Alors que les domestiques débarrassent Levi me prend à part. Alors qu'il me traîne vers un coin isolé, sa mère me sourit en faisant danser ses sourcils.
Mais qu'est-ce qu'elle s'imagine ?
— C'était quoi ça ? demande Levi quand nous sommes suffisamment à l'écart.
— De quoi tu parles ?
— Ton histoire à dormir debout là.
— C'est tout ce que j'ai pu trouver. J'ai juste remplacé le nom de Blake par le tien. Je n'aurais pas eu à le faire si tu n'étais pas resté là comme un légume à la moindre question un peu difficile. Tu es en train de nous saboter.
— Moi ?!
— Oui, toi ! On s'est entendu pour collaborer sur ce mensonge, tu as dit que tu allais y mettre du tien, mais au lieu de ça tu me mets les bâtons dans les roues. Tu es désagréable, tu es de mauvaise humeur depuis qu'on est venus, tu m'évites ! Si c'est pour me traiter de la sorte pourquoi tu m'as invitée ?
— Je ne t'ai pas invitée ! Tu t'es invitée toute seule. Et je suis de mauvaise humeur parce que tu as violé une autre de nos règles ?
— Hein ?
— On s'était dit qu'on garderait notre couple en surface, je t'avais expressément demandé de ne pas t'immiscer dans ma vie privée et toi tu débarques pour rencontrer mes parents ?!
J'ouvre la bouche pour protester, mais me ravise. C'est vrai que c'était une des règles de notre entente. De ne pas interagir avec les proches de l'autre. Quand j'ai vu l'opportunité derrière l'invitation d'Irina, j'ai oublié la deuxième règle.
J'ai déjà brisé deux des règles...
Je baisse le regard.
— Je suis désolée.
Il lève les yeux en l'air.
— C'est trop tard de toute manière. Essayons de survivre au reste de leur interrogatoire, mais c'est la dernière fois que tu fais un truc pareil. C'est clair ?
Je hoche la tête. Il prend une grande inspiration avant de me tendre la main.
— Prise 2 ?
Je glisse ma main dans la sienne et entrelace nos doigts.
— Prise 2.
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