Scène 16

𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟙𝟞 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

Levi
Après une heure et demie de route de la demeure qui nous sert de résidence des Hilton pour le tournage, nous arrivons dans les beaux quartiers de la cité des anges.

Comme elle me l'a exigé, je fais un saut dans une des supérettes des alentours. Il est assez rare que je fasse des courses dans ce genre d'endroit qui ne distribue habituellement que des aliments transformés et caloriques à souhait.

Mais mademoiselle Belbachir est ferme, c'est ce qu'elle veut ce soir, combien même je lui ai proposé des alternatives faites maison autres que les boissons aux extraits d'antioxydants de ma mère. Je vois bien dans sa façon d'être qu'elle se méfie énormément de moi et de tout ce qui vient de moi.

Comme si c'était moi le parvenu. C'est moi qui devrais me méfier d'elle et de ce qu'elle pourrait faire chez moi. Elle pourrait me voler, foutre le bordel ou pire ! Attirer les gens comme elle !

Profitant de ce que c'est moi qui paye, Kenza court ramasser tout ce qu'il lui donne envie. Moi je me dirige directement vers la caisse, car rien dans cet établissement ne m'intéresse. Elle réapparaît quelques minutes plus tard, les bras chargés de nouilles instantanées, de croustilles, de bonbons et de canettes de soda.

— Tu devais seulement prendre à boire.

— On a bossé toute la soirée. J'ai faim.

— Tu mangeras chez toi, on va répéter, pas gouter.

— Je sais, ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas grignoter à côté et passer du bon temps.

— Te vexe pas, mais du temps avec toi, c'est pas ce que j'appelle du bon temps.

Je vois bien que ce que je lui ai dit l'a quand même vexée et dire que ce n'était pas mon objectif serait un grotesque mensonge. J'essaie tout de même de rattraper ma bévue.

— Je ne mange pas de ces trucs-là et je n'aime pas « grignoter », surtout quand je bosse.

— Je mangerai toute seule alors, se braque-t-elle.

— Tu vas ingérer tout ça toute seule ? Tu sais combien il y a de calories là-dedans ? Je ne ferais pas ça si j'étais toi.

Elle plisse les yeux.

— T'es en train d'insinuer que je suis grosse ?

— Non. Mais entre toi et moi, Pablo n'apprécierait pas que vos progrès partent en fumée dans des paquets de Doritos. Le physique d'Alice tu dois le garder tout au long du tournage je te rappelle.

Ses yeux caramel descendent vers ses bras où se trouve la variété de sacs et comme une personne réalisant qu'elle vient de commettre un meurtre, ils s'ouvrent un peu avant de se fermer en signe de résignation. Elle se met à geindre et fait demi-tour avant de ne revenir qu'avec les boissons, comme convenu au départ, à la différence qu'elle les a toutes prises sans sucre.

Je sais que les dictats de beauté sont très sévères dans le milieu, je dois moi-même m'y conformer. Il faut de la discipline, ce dont semble manquer Kenza. Un petit rappel de temps à autre fait plus de bien que de mal.

— Tu me remercieras plus tard, dis-je en passant ma carte bancaire sur le lecteur.

— La ferme.

Je me retiens de rire et nous sortons de la supérette, laissant la caissière qui nous a reconnus, sans toutefois oser nous aborder. En repensant au plan d'action que nous avons établi tout à l'heure, c'est une bonne chose, qu'on nous aperçoive en public pour autre chose que le travail, à faire ces choses anodines que les couples normaux font ensemble.

Une fois dans la voiture, je nous conduis jusque chez moi. Du coin de l'œil, je l'observe, plus par méfiance qu'autre chose. Je constate qu,elle est en évidente admiration de mon penthouse, même si elle se donne un mal fou pour le cacher.

Ses yeux se promènent avec envie dans le salon, sur les meubles dont elle inspecte le détail, ou plutôt l'absence de celui-ci. Elle passe son doigt sur les surfaces comme pour confirmer que l'endroit est impeccable avant de les dissimuler derrière son dos quand elle s'aperçoit que je l'ai vue faire.

Elle est bizarre.

— Installe-toi, je vais aller chercher le matériel nécessaire, lui indiqué-je en déposant le sac de courses sur le comptoir. Les verres sont dans cette armoire.

Elle acquiesce et je la laisse au salon. Alors que je suis dans ma chambre, le son du verre cassé me parvient. Je ferme les yeux et soupire, regrettant déjà d'avoir accepté de la laisser entrer chez moi. Dire que pour que cette histoire de faux couple soit crédible, il va falloir qu'elle vienne souvent...

— Fais chier.

Je reviens quelques minutes plus tard avec mon script à moi, une caméra et un trépied. Je la trouve à quatre pattes au sol, en train d'essuyer le jus renversé au sol avec la veste qu'elle portait par-dessus ses vêtements. Quand elle remarque enfin ma présence, une forme de panique s'empare d'elle.

— Je suis désolée, je n'ai pas fait exprès. Je vais tout nettoyer !

— Mais qu'est-ce que tu fiches ?!

Ses yeux descendent vers le vêtement à présent imbibé de liquide orange.

— Je ne trouvais pas de linge ou de serpillère, je-

Je lève les yeux au ciel, dépose le matériel sur le comptoir et la laisse là. Je m'aventure dans les couloirs de la maison jusqu'à une porte qui mène à la remise où est rangé tout ce qui me sert à faire un peu de ménage quand l'envie me vient. Je reviens sur mes pas et lui indique de se tasser. Kenza recule alors que je m'occupe de ramasser son dégât et de jeter les débris de verre au recyclage.

Après quoi, je retourne au salon, avec un nouveau verre plein pour elle. Elle le prend sans même oser me regarder dans les yeux. Ce changement dans son comportement me met mal à l'aise. Une part de moi la préfère en langue de vipère.

— Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu avais renversé un verre ?

Elle lève les yeux vers moi avant de les détourner.

— Tu m'as bien fait comprendre que ma présence chez toi te dérangeait, je ne voulais pas être plus nuisible que tu penses que je le suis déjà. Je vais te rembourser le verre cassé.

Je la fixe, sans mot. Je pensais qu'elle faisait tout sans se soucier de l'opinion des autres quant à sa personne. La Kenza que j'ai connue jusqu'ici s'impose, même là où les gens ont explicitement exprimé qu'ils ne veulent pas d'elle. C'est ainsi qu'elle a décroché son rôle après tout. Je l'ignorais dotée de savoir-vivre et de conscience.

— T'es quand même barge, soufflé-je pour moi-même.

— Hm ?

— Rien. On commence.

J'installe la caméra sur le trépied. Elle servira à nous donner des rétroactions sur notre jeu, car j'avoue que je ne vois toujours pas ce qu'Hannah veut de plus pour cette scène. Nous reprenons la scène de notre audition depuis le début, encore une fois, sans manquer une réplique ou un pas de valse. Je fais de mon mieux pour appliquer les consignes d'Hannah et je crois qu'elle fait de même.

— Coupé, dis-je pour que Kenza revienne au salon après avoir fait mine de s'enfuir comme doit le faire Alice à la fin de la scène.

Kenza revient et observe la scène avec moi, sur l'écran géant accroché au mur du salon. Elle est bonne, nous n'avons pas fait d'erreur, mais en la comparant à la vidéo de l'audition, il est vrai que notre jeu semble légèrement surfait. Nous essayons encore et encore, sans parvenir à égaler l'authenticité que dégage l'audition.

Excédée, Kenza râle.

— Comment suis-je censée reproduire à la perfection une scène où je ne jouais même pas ?

C'est bien ça le problème. Si l'audition dégage autant d'authenticité, c'est parce que tout l'était. Sur ce clip, ce n'est pas Alice et Henry, mais bien Kenza et moi, nous revoyant pour la première fois après que je l'aie surprise sortant de la chambre d'hôtel de Blake.

— Et si l'on arrêtait de se mettre dans la peau des personnages ?

Son attention captée, je poursuis.

— Si on veut recréer l'audition, il faut qu'on se figure comme à l'audition. Toi, t'es la barge voleuse de script qui n'a absolument rien à faire là.

— Et toi le conard qui avait juré qu'il ne participerait pas à l'audition et qui risque de foutre mon plan en l'air. OK !

Je lance un nouvel enregistrement et vais rejoindre Kenza devant la caméra. Je l'accole à moi, passant ma main sous ses reins. Au lieu de l'image mentale du personnage du roman que je me faisais avant, c'est elle que je vois. Je repense au moment où je l'ai vue sortir de la chambre de Blake, à la poursuite et au moment où elle m'a mordu. Je me souviens de combien de fois j'ai fantasmé sur le moment où je remettrais la main sur la garce qui m'avait laissé avec une marque énorme sur le visage. Je repense à ce que je ressentais alors que j'essayais de trouver à qui cette mystérieuse actrice qui s'était trompée de salle d'audition me faisait penser.

D'un coup, tout semble si naturel. Nous dansons au rythme de la valse et conversons. Je lui pose des questions sur son identité, mais elle reste si secrète, si mystérieuse et malicieuse, si intrigante, pourtant je jurerais la connaitre. Mauvais perdant comme Henry, je triche et lui retire son masque pour voir ces yeux qui m'avaient ensorcelé le temps d'un instant, suffisamment longtemps pour qu'elle se parvienne à me donner un coup et s'enfuir sans même que je ne m'en rende compte.

— Coupé ? demande Kenza de depuis derrière le mur où elle s'est enfuie.

Je sors de mon rôle. J'y étais tant investi que j'ai omis de signaler la fin de la scène.

— Euh... oui... oui. Coupé.

Elle approche pour visionner la prise avec moi et tous les deux somment bluffés par l'amélioration. La prise n'est pas aussi parfaite que l'audition, mais à elle toute seule, elle dégage exactement ce que cette scène doit dégager ; toute la tension, le mystère et même une forme de complicité qui m'étonne.

Après des heures à la refaire, nous y sommes enfin parvenus !

— Wow, elle était trop bien !

— On la refait pour voir si ce n'était pas un coup de chance ?

— Oui !

Nous nous remettons en position, rejouons la scène et la revisionnons pour voir que nous y sommes de nouveau parvenus. Après trois autres prises réussies, nous passons aux autres scènes de proximité, appliquant la même technique, nous figurer dans nos véritables identités plutôt que comme des acteurs dans la peau de nos personnages. Le fait que l'histoire présente énormément de parallèles avec notre réalité aide grandement.

Normalement, les répétitions sont pour moi des heures de travail un peu pénible comme n'importe quel autre métier, mais avec Kenza, je tire un plaisir fou à jouer, retrouvant ce truc qui m'avait fait tomber en amour avec le théâtre. C'est sans doute le fait de répéter avec quelqu'un qui a autant de passion et de sérieux que moi, ça change de Blake qui vous donne toujours l'impression d'avoir été forcé à avoir le rôle.

Quand son ventre se met à crier famine, je fais une exception. Nous prenons une pause durant laquelle je cuisine rapidement quelque chose pour casser la croute. Après avoir mangé, en lisant les répliques à voix haute, nous reprenons plus sérieusement. Les heures passent sans que je m'en rende compte et bientôt, il est 2h12 du matin.

— Il se fait tard, je devrais rentrer.

Mon cœur se serre un peu à l'idée que ce soit déjà fini.

— C'est vrai, on commence le tournage tôt demain.

Elle opine. Je commence à ranger le matériel et le ramène dans ma chambre. Avant d'en sortir, je pige un pull dans mon garde-robe et sors pour raccompagner Kenza chez elle.

— Tiens, dis-je en lui tendant mon pull.

Elle le zieute avant de me questionner du regard.

— Tu as ruiné le tien tout à l'heure. Il fait un peu froid cette nuit.

Elle me sourit avant de le saisir et de l'enfiler. Malgré qu'elle flotte à l'intérieur, je trouve qu'il lui va très bien. Ça la fait paraître encore plus petite qu'elle ne l'est déjà et ça la rend... mignonne. Je la prends en photo dedans pour poster la photo et nourrir notre mensonge.

N'ayant pas envie de déranger le réceptionniste pour qu'il aille chercher ma voiture dans le stationnement souterrain, je propose à Kenza de la raccompagner à la marche comme elle n'habite pas loin selon ses dires.

Mais au fond, une partie de moi voudrait simplement prolonger cette soirée.

En sa compagnie.

Elle peut être une véritable plaie, nous ne cessons de nous lancer des insultes, mais avec elle je n'ai pas l'impression de jouer un rôle, si ce n'est sur le plateau. Même si nous ne nous apprécions pas, il n'y a aucun semblant entre nous, aucun jugement.

— Attends... elle savait en plus ?!

Je hoche la tête.

— Et elle ne supporte pas l'idée que je « sorte » avec toi. Elle pense que tu me manipules pour gravir les échelons.

Kenza éclate de rire.

— Cette sorcière. Je ne vois pas ce que tu lui trouves.

Pour être franc, je comprends de moins en moins.

— Allez, dis-moi ! C'était qui ? tenté-je à nouveau.

Kenza zippe sa bouche d'un signe de main.

— Crois-moi, ça te ferait plus de mal qu'autre chose de savoir.

— Je sais, mais ne pas savoir me torture.

À son sourire, je comprends qu'elle tire justement un plaisir coupable à cette torture psychologique qu'elle m'inflige en gardant l'identité de l'amant d'Adèle secrète.

— C'est Blake ? C'est sur que c'est Blake.

— Quoi ?! NON ! Blake ne ferait jamais ça ! s'indigne-t-elle. Il a bien meilleur gout que toi.

Si elle le dit, c'est que je peux l'écarter de la liste des suspects.

— Qui alors ?

Elle refuse de nouveau de me le dire alors j'abandonne. De toute manière, cela fait quelques minutes que nous sommes devant l'immeuble où elle réside. Il est temps que je la laisse aller dormir un peu avant la journée de tournage de demain. Deux filles qui semblent rentrer de soirée nous passent avant de se diriger vers l'entrée de l'immeuble de Kenza.

— Est-ce que c'était Levi von Neumann ? souffle l'une d'entre elles à son amie. Ne te tourne pas comme ça ! ajoute-t-elle en donnant un coup à son amie.

— Oh, mon dieu, oui ! C'est sa copine... Elle habite ici ?!

— Chut !

Elles s'éloignent en gloussant, trop alcoolisées pour être aussi discrètes qu'elles le voudraient.

— Bon... mon adresse va de nouveau être révélée, râle Kenza.

— Ça devait finir par arriver. C'est que tu commences à intéresser les gens.

— À cause de toi.

— Grâce à moi. Ne me remercie pas.

Elle lève les yeux en l'air avant de me sourire.

— Je passe te chercher demain à 7h00.

— 8h00.

— J'ai dit 7h00.

— Tu sais qu'ils ne donnent pas une médaille à celui qui arrive en premier sur le plateau ?

Je ne réponds pas à sa pique.

— Bon d'accord. 7h30.

— Pas une minute de plus.

— Pas une minute de plus, répète-t-elle en se mettant au garde-à-vous et imitant ma voix pour se foutre de ma gueule.

Le silence s'étire entre nous qui ne savons pas vraiment quoi nous dire. C'est bien la première fois que nous ayons à nous séparer en bon terme.

— Bye, lâche-t-elle maladroitement.

— Bye.

Elle se tourne, prête à rentrer chez elle. C'est alors que je remarque les filles de tout à l'heure, cachées derrière l'une des plantes géantes dans un pot non loin des portes automatiques, riant comme des attardées. L'une tient un téléphone braqué sur nous.

Elles sont là depuis tout à l'heure?

En voyant la déception sur le visage de la caméraman, je comprends que nos adieux ne sont pas à la hauteur de ce qu'on attend d'un jeune couple. Alors je retiens Kenza et l'attire à moi. Elle pousse un petit couinement avant de poser sa main sur mon torse pour me repousser.

— Qu'est-ce que tu fous ?! crache-t-elle.

— On est filmés. À ta droite.

Kenza jette un furtif coup d'œil dans la direction que je lui ai indiquée et repère notre compagnie.

— Oh...

Elle se décrispe et cesse de me repousser.

— On fait quoi ? demande-t-elle.

— Je crois qu'on est censés s'embrasser.

Son regard s'agite et je vois bien qu'elle ne le veut pas, mais alors pas du tout. Mais elle sait que c'est nécessaire à notre mascarade, alors Kenza ferme les yeux, s'apprêtant plus à recevoir un projectile qu'un baiser de ma part.

Je la serre un peu plus, me penche pour le faire, poser mes lèvres sur les siennes, quelques secondes seulement, juste assez pour que ce soit crédible. Son souffle rencontre le mien et mon cœur trépigne d'appréhension, mais en voyant encore la panique sur ses traits, je me dis que ce serait la deuxième fois que je l'embrasse sans qu'elle le veuille vraiment.

Mes lèvres qui avaient déjà effleuré les siennes remontent finalement vers son front où je dépose un long et tendre baiser. Surprise, elle ouvre les yeux. La peur n'y est plus, juste la curiosité. Son parfum légèrement épicé me caresse les narines et m'envoute un peu. Mon regard passe de ses iris aux reflets d'or à ses lèvres charnues que j'aurais bien voulu gouter.

Des petits cris suraigus suivis de « chut ! » viennent rompre la tension qui venait de se créer. Je reviens à moi et réalise que pendant une infime, infime seconde, j'ai véritablement eu envie de l'embrasser. Je m'éloigne un peu d'elle.

— Bonne nuit, Kenza.

Elle déglutit avant de souffler à son tour.

— Bonne nuit, Levi.



Kenza

— ET... COUPÉ ! C'ÉTAIT PARFAIT ! PARFAIT !!

Levi et moi sortons de nos rôles pour constater qu'Hannah est au bord des larmes. Elle est très intense et quand nous réussissons à jouer une scène exactement comme elle se la figure, ça l'émeut. Certains pensent qu'elle en fait un peu trop.

Moi je trouve simplement qu'elle est passionnée et c'est ce que j'aime le plus chez elle.

— C'était incroyable ! Vous avez mangé quoi pour jouer aussi bien ?!

Levi et moi nous sourions, fiers que notre travail d'hier ait porté ses fruits. La nuit a été courte, mais ça en a largement valu la peine. Après quelques louanges, nous passons à la scène suivante, une où je joue sans Levi qui se retire du plateau. Je vois qu'il va rejoindre son père qui est arrivé il y a de cela une heure.

Après quelques prises satisfaisantes pour Hannah, tout est dans la boite, si bien que nous terminons avec de l'avance sur le planning d'aujourd'hui. Je quitte le plateau et vais retrouver Levi qui, contrairement à hier, réagit mieux à mon contact quand je l'enlace par derrière.

— Bonjour, monsieur von Neumann.

Ses yeux empreints de dédain quittent les doigts de son fils caressant ma main.

— Hum... bonjour.

Pour une raison que j'ignore, lui non plus n'est pas au courant que nous faisons semblant et ça ne semble pas lui plaire du tout. Sachant ce qu'il fait à son propre fils dans son dos, je retire énormément de plaisir à le faire désapprouver notre relation.

— Vous parliez de quoi ?

— Mon agent me disait que j'ai été invité à une émission télévisée, la semaine prochaine.

Je suis étonnée qu'il s'adresse à lui comme son agent et non comme son père, mais les détails de leur relation ne me regardent pas.

— Oh... laquelle ?

— Celle de Ricardo Conti. Tu connais ?

— Oui ! Ma mère ne manquait pas un épisode quand j'étais petite. Elle adorait essayer de reproduire les recettes et je crois qu'elle était secrètement amoureuse de lui.

Levi ricane. Je crois que je ne m'habituerai jamais à combien son rire est joli et réconfortant.

— Tu crois que ça lui ferait plaisir de t'y voir ?

Je lève les yeux en sa direction pour le questionner du regard.

— On a été invité, tous les deux, précise-t-il.

Je regarde son père qui confirme d'un geste de tête, visiblement mécontent que ce soit le cas.

Ça fait des mois que je n'ai pas vu ma mère et qu'elle ne répond pas à mes appels. Elle est toujours convaincue que c'est du suicide de vouloir être actrice et ne semble pas réaliser l'ampleur du film dans lequel je joue. Me voir à la télé lui prouvera que je suis bel et bien en chemin vers la réussite et la célébrité.

— Alors, ça te tente ?

Je hoche la tête avec enthousiasme.

— Tu viens de me dire que tu ne voulais pas jouer au cuistot dans une émission pour bonnes femmes, intervient son père.

Pourquoi ça ne m'étonne pas de Levi ?

— Oh, si tu ne veux pas-

— Oublie ce que je t'ai dit. On va y participer, dit-il en resserrant sa prise autour de ma main.

Son père soupire avant de sortir son téléphone et de confirmer notre présence sur le plateau de cette émission de cuisine.

— Je vais faire parvenir les détails à ton agent, m'informe Donald von Neumann avant de nous laisser.

Comme convenu hier, Levi me ramène chez moi avant de partir rejoindre Blake. Comme le sujet de ma mère a été abordé, je passe un coup de fil à mon père. Nous discutons un peu avant qu'il ne m'informe que ma mère est à côté de lui depuis le début. Je lui demande s'il peut me la passer, pour que je lui annonce la nouvelle ; que sa petite fille devenue femme va passer à la télé !

Mais elle refuse à nouveau de me parler.

Pour la énième fois, je ravale mes larmes et me contente des encouragements de mon père beaucoup moins rigide. Ce n'est pas bien grave. Ce sera une surprise.

Sur cette pensée, je vais retrouver Amar et Israe au salon pour une soirée cinéma.

Coupé !





"Soirée de répétition", by me

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top