Scène 15
𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟙𝟝 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !
Levi
— « Kenza Belbachir aperçue quittant le penthouse de son partenaire et collègue. Les deux acteurs fileraient le parfait petit amour sur le plateau comme en dehors. »
— Du grand n'importe quoi.
— « Kenza et Levi sont-ils astrologiquement compatibles ? »
Je soupire si fort que ça fait rire Blake qui me lit les titres des nombreux articles parus à notre sujet depuis l'annonce de notre couple.
Notre faux couple.
— Je n'arrive toujours pas à y croire... non mais comment vous vous êtes mis dans une situation pareille ?
— C'était pour m'éviter des soucis.
Il secoue la tête.
— Quels soucis ?
Je m'apprête à lui répondre, à tout lui dire concernant la manière dont je me retrouve à être le pseudo petit ami de cette barge de Kenza Belbachir. Il est mon meilleur ami après tout. Mais ma langue reste liée. Cela fait déjà quelques mois que la relation avec Blake n'est plus comme avant. Pour moi en tout cas.
Depuis que j'ai vu sa réaction à ma sélection pour le rôle d'Henry Hilton, une part de moi a un doute quant à la sincérité de ce qu'il dit, de son amitié. Quand Kenza m'a anéanti en me rappelant que sur cette terre, personne ne m'aime, elle n'a fait d'exception que pour Blake.
Mais si ça se trouve, lui non plus ne m'aime pas, ou du moins, pas autant qu'il le fait paraitre. Pas au point de se réjouir pour mon succès en tout cas.
Depuis que Kenza m'a mis face à la dure réalité, je n'ai cessé d'être en introspection, mais surtout en extrospection. J'analyse tous ceux qui m'entourent, et les fausses notes que je faisais tout pour ne pas entendre, me sont à présent apparentes.
Mon meilleur ami me jalouse secrètement.
Celle que j'aime se sert de moi pour pomper son égo, alors même qu'elle a déjà un homme qu'elle pompe.
Ma mère ne se soucie plus de moi depuis longtemps et de toute manière elle n'est jamais suffisamment sobre pour penser à qui que ce soit d'autre qu'elle-même.
Mon père est au fil des années plus devenu mon agent que mon père. Ce qui n'a pas attrait à ma carrière lui importe peu.
Mes amis sont en réalité ceux d'Adèle et de Blake.
« Personne ne t'aime. »
— Certains ont bien vu que le baiser n'était pas consenti. Je voulais éviter qu'on me lynche sur les réseaux.
Qu'on soit bien clair ; ce n'est pas pour m'éviter des accusations d'inconduite sexuelle que j'ai demandé à Kenza de faire semblant de sortir avec moi, mais je dois reconnaitre que je me suis évité pas mal de problèmes avec cette entente.
Les gens sont avides de cela à présent. Une après l'autre, ils attendent la prochaine célébrité à mettre sur le bucher social. La moindre erreur, le moindre mot dit de travers ou offensant, des tweets et vidéos du passé qui refont surface et s'en est fini de vous. Et il ne vous pardonne absolument rien.
Et puis il y a ce double standard. Dans la vidéo prise près de la serre, il est aussi évident que je ne souhaitais pas embrasser Kenza, mais comme c'est une femme, personne n'a relevé son geste. Alors que quand j'ai fait pareil...
— Je vois... mais moi je ne comprends toujours pas pourquoi tu l'as embrassée.
— Je n'en sais rien. J'étais épuisé, j'avais chaud, j'étais déshydraté, et les paparazzi étaient en train de me taper sur le système. J'ai réagi de manière impulsive.
— Ça pour de l'impulsivité...
Il roule dans mon lit jusqu'à arriver à mes côtés.
— Voyons le bon côté des choses, elle est plutôt jolie, ça vous fait une très bonne publicité pour le film. Moi qui croyais que tu ne serais jamais en couple, se moque-t-il en me prenant dans ses bras.
« Personne ne t'aime. »
Frustré par cette phrase qui refuse de quitter mon esprit, et ce depuis deux jours, je tente de retirer ses bras d'autour de moi, mais Blake resserre sa prise et y joint des baisers mouillés sur ma joue en lâchant des « Levi mon amour » caricaturaux. Et malgré ma méfiance et ma mauvaise humeur, il m'arrache des rires.
Il ne s'arrête de m'étouffer que quand son téléphone sonne dans sa poche. Il le sort, lis le nom du destinateur, lève des yeux espiègles vers moi et je devine immédiatement de qui il s'agit.
— Ne réponds p-
— Allo Adèle ! s'exclame-t-il en m'esquivant.
— Salut Blake... Levi est avec toi ?
Je secoue la tête pour le dissuader de dire la vérité. Il m'offre un sourire malicieux.
— Pourquoi ? demande-t-il au lieu de mentir.
— Il ne répond pas à mes appels depuis hier. Je suis allée chez lui pour lui parler, mais il était déjà avec cette bouffeuse de coucous. Je l'ai vue entrer chez lui.
Là, Blake me questionne du regard.
— Comment ça ? Vous vous êtes disputés ?
— Non. Je ne sais vraiment pas, mais depuis qu'ils se sont mis ensemble, il est bizarre avec moi. Je ne sais pas ce qu'elle lui a dit, mais je sens qu'elle est en train de le manipuler.
Blake se met sur mute.
— Elle ne sait pas que vous faites semblant ?!
— Non !
Il réactive le micro.
— Oh...
— Il faut que je lui parle et que je le prévienne. C'est clairement une opportuniste. Elle sait qu'elle n'a rien à faire là, alors elle essaie de gravir les échelons, une queue à la fois. Je sais qu'il est désespéré, mais tout de même !
Blake tire sa bouche, montrant son malaise.
— Euh... OK... Adèle, je vais te laisser, j'ai... des choses à faire.
— OK... on se voit toujours au stand de tir ?
— Oui, oui. Ciao !
Il s'empresse de couper l'appel. Je n'ai pas bougé depuis ce qu'elle a dit, sur Kenza, sur moi. Je dois être assez misérable, puisque la pitié se lit dans les yeux de mon meilleur ami.
— Levi...
— Tu peux partir ?
— Mais-
— Je dois répéter mes répliques de demain.
Il passe sa main sur son visage.
— D'accord.
La minute d'après, il n'est plus là. Adèle tente encore de me joindre, et pour ce qui doit être la centième fois, je décline son appel. Je suis encore trop en colère pour lui parler.
Parce que même si je ne veux pas que ça m'affecte, savoir ce qu'elle a fait, en ayant pleine connaissance de ce que j'éprouve pour elle me fait si mal que je crains de craquer si je lui parle.
Elle et un autre. Cette idée m'a obsédé lors des deux derniers jours.
C'est tout ce à quoi je pouvais songer et je ne sais pas pour quelle raison masochiste mon cerveau cherchait à imaginer la scène ; comment bougeait-elle ? Comment gémissait-elle ? Où la touchait-il ? La traitait-il bien ? Aussi bien que je l'aurais traitée ? Mieux ? Mais pour que le tableau soit complet, il aurait fallu que je sache de qui il s'agissait.
Qui ? Qui lui faisait ce que je me suis figuré lui faire tant de fois en secret ? Qui l'a touchée, qui l'a goûtée, qui l'a sentie, qui a entendu son nom prononcé par sa douce voix, provenant de sa gorge, sortie de ses lèvres ? Depuis combien de temps cela dure-t-il ? Est-ce qu'elle l'aime ou était-ce l'affaire d'une fois ? Je suis son meilleur ami, elle m'en aurait parlé si elle était amoureuse de quelqu'un d'autre... non ?
Je ne sais plus.
Les deux personnes que je considère comme mes amis les plus proches me cachent certains aspects de leur personnalité alors que moi j'ai toujours été totalement ouvert et honnête avec eux.
Je me suis offert à eux et eux...
Qu'est-ce qu'ils me cachent d'autre tous les deux ? J'ai eu beau écumer la liste des personnes que ça aurait pu être, personne ne me vient vraiment en tête. Enfin si, mais ce ne sont pas des hommes du calibre d'Adèle.
Elle a toujours dit qu'elle voulait épouser un homme riche et célèbre et c'est une des raisons pourquoi je me donne autant à mon travail, pour devenir cet homme-là pour elle.
Alors qui ? Qui a-t-elle préféré à moi ?
— Désespéré... elle pense que je suis désespéré...
Je ne suis pas naïf. Je sais que si elle lui a dit ça, si elle a été à l'aise pour lui dire cela, c'est que c'est habituellement comme ça qu'ils parlent, comme ça qu'ils parlent de moi ; comme d'un mec désespéré, « qu'ils ne verraient jamais en couple » du moins, pas sans être manipulé par une opportuniste.
Ma méfiance croissante, j'en suis même venu à mettre Blake dans la liste des potentiels coupables... mais il ne ferait jamais ça.
Adèle est pour lui comme une sœur, comme moi je suis pour lui un frère. C'est une belle enflure quand il le veut, mais il ne m'aurait jamais fait ça, ça j'en suis certain.
Enfin... je n'en sais plus rien... mes certitudes ont été balayées en 48 heures à peine et il serait très naïf de l'écarter de la liste des suspects.
Après tout, ils ont tous les deux disparu pendant la soirée et sont réapparus à peu près au même moment. Si Blake fait semblant d'être emballé par le fait que c'est moi qui ai décroché le rôle et pas lui, qu'est-ce qui me dit qu'il ne fait pas également semblant de me soutenir dans ma poursuite d'Adèle ? Si ça se trouve, c'est une autre manière pour lui d'affirmer sa domination sur moi, après m'avoir mis dans son ombre côté carrière.
En fait, c'est probablement lui. Ils sont proches, si proches. Mais pour une raison que j'ignore, même après avoir vu le vrai visage de Blake, une part de moi me dit qu'il ne m'aurait jamais fait ça. Nous sommes amis depuis l'enfance tous les trois, Blake considère Adèle comme une petite sœur. Si ça se trouve, c'est juste moi qui suis dans le déni, et ce depuis des années. Tout de même, s'il se passait quelque chose entre Blake et Adèle, j'aurais fini par le remarquer...
Je n'ai pas eu le courage de le confronter concernant mes doutes quand il est venu me voir aujourd'hui. Et ça fait des mois que j'agis comme si je ne l'avais pas vu mettre sa chambre à l'envers en me maudissant.
Pourquoi ?
Parce que je suis terrifié à l'idée de faire face à la vérité. Le confronter serait le révéler au grand jour, il ne se sentirait plus obligé de jouer son rôle, ça signifierait la fin de notre amitié et alors...
« Personne ne t'aime »
Alors je n'aurais plus personne.
Ça me coute de l'admettre, mais cette relation hypocrite, je la préfère largement à l'honnête solitude.
Je soupire, me penche poursaisir mon script et commence à répéter la scène du bal masqué que nous devonsfilmer demain.
Kenza
— NON ! NON ! NON ! NON ! NOOOON ! COUPÉ !!! crie Hannah pour la énième fois de la soirée.
De nouveau, le silence se fait dans la salle. L'orchestre arrête, les figurants qui entretenaient des discussions en fond se taisent. Levi retire ses mains de sur moi. Hannah place ses mains tatouées sur son crâne chauve et les descend vers sa nuque, les yeux vers le sol, signe de son désespoir. Il y a de quoi, ça doit être la trentième prise de cette scène qu'on fait sans que ce ne soit jamais à son goût.
Elle n'est pas la seule à être exaspérée.
Tous les acteurs sur le plateau soupirent et soufflent des critiques. Levi semble excédé par l'obsession d'Hannah à reproduire la scène du bal masqué. Celle qui m'a permis d'avoir ce rôle.
— Elle était très bien cette prise Hannah, se plaint Levi. Ni elle ni moi n'avons fait d'erreur.
C'est vrai. Toutes les répliques ont été délivrées au bon moment, la chorégraphie a été parfaite.
— NON ! Ce n'était pas comme pendant l'audition. C'est une des plus belles scènes de tout le film, il faut que ce soit comme pendant votre audition. Je ne comprends pas pourquoi vous n'arrivez pas à la reproduire !
— On ne peut pas reproduire une scène à 100 %, tenté-je d'expliquer.
— Je sais, mais essayer au moins de me refaire ce truc qu'il y avait entre vous pendant l'audition. Levi, tu regardes Kenza comme si tu la connais déjà, des fois même comme si tu ne l'apprécies pas, où est la curiosité que tu avais au moment du casting ? Et toi, Kenza ? Pourquoi ne joues-tu plus comme si ta vie était possiblement en danger ?!
Parce qu'elle ne l'est pas. Lors de l'audition, c'était de la pure peur que je ressentais, celle d'être démasquée par celui qui m'avait attrapée sortant de la chambre de son meilleur ami, celui que j'avais mordu et frappé.
Aujourd'hui, Levi n'est pour moi que le parasite qui a pris le rôle qui était réservé à Blake et accessoirement mon faux petit ami. Il m'énerve, mais il ne me fait certainement pas peur.
— ON LA REFAIT !
Une plainte générale se fait entendre dans la pièce. Voyant que tout le monde commence à perdre patience, j'interviens et prends le blâme.
— Tu as raison, Hannah. C'est de ma faute. Je n'ai pas autant répété cette scène que je le devrais. Est-ce qu'on peut la repousser à plus tard et faire d'autres scènes ? Je serai prête, promis.
Tous sont suspendus aux lèvres de Son Altesse Hannah qui contemple ma proposition.
— Bon d'accord. On passe à la scène suivante alors. Mais tu as intérêt à être prête demain. Toi aussi, Levi.
Un soupire de soulagement est expiré par tous comme un seul homme, quelques personnes me remercient. Les acteurs qui n'ont rien à faire dans la prochaine scène, comme moi, quittent le plateau.
— ACTION ! crache le mégaphone que tient Hannah !
J'entends le personnage de Henry entamer sa réplique alors que je pars aux toilettes me rafraîchir après une trentaine de prise à effectuer une complexe chorégraphie de valse à trois temps dans une robe plus lourde que moi.
Les toilettes de cette résidence sont les plus belles que je n'ai jamais vues de ma vie.
Elle appartient à un riche couple de la région. Le studio l'a réservée pour filmer les scènes qui se passent dans la demeure des Hilton et le bal masqué en est une. Je m'y suis promenée tout à l'heure alors qu'on attendait que la nuit tombe pour commencer à filmer, tout y est somptueux et si raffiné.
— Quand je serai une grande actrice, j'achèterai une maison comme celle-ci à maman.
Peut-être alors me pardonnera-t-elle ce que je leur ai fait.
Je me sèche les mains avec le séchoir,rare touche de modernité dans cette résidence tricentenaire, sors et reprends le chemin du plateau pour attendre ma prochaine scène ou la pause, dépendamment de si Hannah a assez pitié de nous.
Ce qui est assez rare.
Si je veux être sûre d'avoir une pause, je ferais mieux de me l'octroyer maintenant avant ma prochaine scène.
Je change donc de trajet et me balade dans la demeure vide. Alors que je longe les couloirs maquillés de somptueuses fioritures, des voix lointaines me parviennent. Je reconnais celle de ma maquilleuse et quelques pas me permettent de voir qu'elle discute avec deux autres membres du staff, une femme et un homme dont j'ai oublié les prénoms.
— Hannah commence à me taper sur le système à nous faire reprendre des scènes qui sont pourtant très bien. Moi demain j'avais des choses de prévues, mais comme elle veut refaire la scène du bal, ça veut dire soit prendre du retard, soit devoir rester plus longtemps.
— Je te comprends. Mais crois-moi, elle sait ce qu'elle fait. Moi ce que je ne comprends pas c'est pourquoi il y a un problème avec cette scène.
— Comment ça ?
— Hannah dit qu'il manque un truc, mais je ne vois pas quoi. Elle a été exécutée à la lettre des dizaines de fois.
— Tu parles qu'il manque un truc ! Les deux acteurs n'ont absolument aucune complicité entre eux. Chaque fois qu'ils doivent jouer ensemble, on dirait une punition.
— Surtout que d'après ce qu'on m'a dit, Kenza a été sélectionnée précisément grâce à cette scène, qu'elle a jouée avec Levi en plus. Et maintenant que c'est important, elle n'est pas foutue de donner une bonne performance.
— Pff, tu crois à ce tissu de mensonges ? On n'est pas dans un film. Si Kenza a été sélectionnée, c'est pour la même raison que tous les autres acteurs ; elle a été pistonnée. À tous les coups, elle est là uniquement parce qu'elle est la petite amie de Levi et que Donald von Neumann a pas mal de pouvoir dans l'industrie.
L'homme lâche un rire nasal.
— Arrête, t'es méchante. Elle joue quand même bien. Et puis je doute qu'elle ait été prise parce qu'elle sort avec Levi. Je veux dire, regarde-les. Même hors du plateau, leur couple fait dur. Je le vois mal tirer les ficelles pour lui obtenir un rôle.
— C'est vrai ça ! Ils n'arrivent pas ensemble, se regardent mal ou avec dédain, se parlent à peine et dès qu'ils doivent jouer ensemble, se toucher, leur jeu perd en qualité, alors que c'est l'inverse normalement. En fait... On ne dirait même pas un couple.
— Je comprends qu'ils se comportaient ainsi avant, quand leur relation était encore secrète mais là on le sait tous, je vois pourquoi ils restent aussi distants.
— En tout cas, qu'elle ait été pistonnée ou pas, il va falloir qu'elle y mette un peu du sien, parce que ce film est sa seule chance de faire une entrée dans l'industrie.
Comme j'en ai suffisamment entendu, je quitte la pièce, pensive.
Fut une époque où je me serais offusquée des commentaires qu'ils ont passés à mon sujet et sur la manière dont j'ai obtenu mon rôle, mais plus maintenant. J'ai pris l'habitude d'entendre des messes basses à mon sujet au cours des derniers mois. Certains me le disent même en face, alors des trouillards qui se cachent pour médire à mon sujet ne provoquent presque aucune réaction chez moi.
Non, mon seul souci vient de leur commentaire sur notre couple à Levi et à moi. Il est vrai qu'après avoir annoncé que nous étions ensemble, ni lui ni moi n'avons fait d'effort pour entretenir le mensonge.
Nous ne nous sommes pas montrés sur les réseaux, nous ne sommes pas sortis en public ensemble, n'avons montré aucun signe d'affection. N'importe qui se poserait les mêmes questions que ces trois-là sur notre couple.
Comme les dernières semaines j'ai tourné dans des lieux différents de ses scènes à lui, nous n'avions pas à nous voir, ça m'arrangeait, mais maintenant nous allons nous voir presque tous les jours. On ne peut pas continuer à agir comme nous le faisons.
Le truc c'est que je me vois mal montrer de l'affection envers Levi. Dès que je le vois, mon seul désire est de quitter la pièce. Son aura négative me rend mal à l'aise, il passe toujours de méchantes remarques et puis lui aussi m'évite !
À bien y penser, cette histoire de faux couple était la pire des idées. Je le déteste, il me déteste et du jour au lendemain on doit jouer les amoureux transis, non seulement à l'écran mais en dehors également ?!
Je suis une actrice, faire semblant est un don chez moi, jouer le jeu est mon seul talent, mais s'il y a un rôle que je ne peux pas jouer, c'est bien celui de la petite amie de Levi.
En parlant du corbeau. Le voilà, assis avec des cadreurs qui discutent avec lui en mangeant.
Hannah a eu pitié de nous finalement...
Lui ne tient pas d'assiette dans ses bras croisés sur son abdomen pour ne pas changer.
Je m'approche et glisse ma main dans une petite fente sous son aisselle et passe mon bras sous le sien. Surpris, Levi se tourne vers moi.
— Qu'est-ce que tu fous ? demande-t-il sur la défensive.
Les deux cadreurs semblent eux aussi surpris par son agressivité. Vous voyez ? Même quand je fais un effort, il se comporte en connard.
Je décide de faire fi de son attitude et de faire preuve de professionnalisme.
— On peut parler ? Rien que toi et moi ? demandé-je d'une voix douce, le genre que je ne réserve normalement qu'à Blake.
Levi fronce les sourcils, comme s'il ne reconnaissait pas ma voix, puis tilte. Il s'excuse auprès de ses amis cadreurs et nous nous retirons tous les deux.
Aussitôt loin des regards et des oreilles, je retire ma main de sur lui et l'essuie sur le côté de ma robe. Quand je lève les yeux vers lui, je vois qu'il observait mon geste et je crois voir l'ombre de la souffrance dans les siens. Mais ses états d'âme m'importent peu.
Je m'en fiche.
— Ça va pas du tout là.
— Quoi ?
— Ça. Toi, moi, ensemble. Personne n'y croit.
Il me regarde toujours perplexe.
— Je viens de surprendre une conversation entre des membres du staff. Ils parlaient de nos problèmes sur le tournage et de notre « couple ». Ils ont bien remarqué qu'on n'a pas l'air d'un vrai couple, ils commencent à se poser des questions et il y en a même une qui a fait l'hypothèse qu'on fait semblant.
Il décroise enfin les bras, s'ouvrant au dialogue, à moi.
— Oh...
— C'est tout ?!
— Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ?!
— Allo ?! Que tu y mettes un peu du tien. En commençant par ne pas m'agresser verbalement dès que je te touche en public. Ma carrière est en jeu, je te rappelle.
— Donc c'est de ma faute ?
— Clairement.
— Tu évites chaque contact visuel que j'essaie d'établir avec toi, tu détournes la route chaque fois qu'on est sur le point de se croiser et quand tu me touches, tu frisonne de dédain avant de t'essuyer comme si j'avais la lèpre ! Je ne suis pas le seul à ne pas collaborer dans cette relation.
J'ouvre la bouche pour rouspéter, mais ne trouve rien à répondre à cela. Il a raison.
— Bon. D'accord. Tu as raison. Faut qu'on arrange ça.
Il hoche la tête.
— Il faut qu'on agisse comme un couple normal.
Là, il ne fait que me fixer, mais le vide dans ses yeux m'indique que son cerveau n'a fait aucune connexion, que « couple normal » n'a réveillé aucun souvenir chez lui. Quand il se rend compte que je l'ai remarqué, il croise de nouveau ses bras, comme pour se protéger.
— Tu... tu as déjà été en couple, non ?
Il détourne le regard, le temps que ses joues prennent une jolie teinte rosée que je ne lui connaissais pas, avant de ramener ses yeux insécures vers moi.
Il secoue timidement la tête.
Je cris de stupeur avant de plaquer la paume de ma main sur ma bouche, mis il est trop tard, j'ai déjà attiré l'attention vers nous. Levi lève les yeux au ciel, se saisit de mon bras et m'entraîne hors de la pièce. Il ouvre ce qui ressemble à une salle d'entreposage sous les escaliers du grand hall et, après quelques secondes serrés dans le noir, il allume la lumière en tirant sur une chaine.
— Comment ça, tu n'as jamais été en couple ?!
— Arrête de le crier aussi fort ! chuchote-t-il.
Il soupire, passe sa main dans ses cheveux sombres, encore arrangés dans cette coiffure d'époque qui lui confère un certain charme.
— J'attendais.
— Quoi, le déluge ?
— Haha. Non... j'attendais... pour Adèle. Je voulais être disponible pour quand elle voudrait bien de moi.
Je crois qu'en formulant cette phrase, lui-même se rend compte de combien elle est lamentable, combien il est lamentable. Dès que je vois la honte s'emparer de ses traits, je pouffe de rire, si bien qu'agacé, il tente de sortir du rangement. Encore hilare, je le retiens.
— Attends, attends. Désolée, j'arrête de rire. Bon, et tes parents alors ?
Il soupire.
— Mes parents sont loin d'être l'image du couple parfait qu'ils projettent. Écoute, je sais à peu près ce qu'un couple normal fait OK ? On doit juste être plus tactiles.
— Pas seulement, il faut arriver sur le plateau ensemble, il faut qu'on nous voie ensemble, partageant des moments de complicité.
Il grimace.
— Écoute, moi non plus je n'ai pas envie de faire ça. C'est des choses que je réservais pour Blake.
— Donc toi non plus tu n'as jamais été en couple.
— Ouais mais moi c'est pas pareil, contrainte religieuse, parents sévères, tout ça, tout ça.
— Ah.
— Concentre-toi. Tu crois que tu peux faire ça ? Tu arrives sur le plateau vers quelle heure ?
— J'essaie d'arriver deux heures d'avance... comme ça, j'aide un peu, je me change et je répète.
Je pousse une lamentation.
— OK. Tu passeras me chercher chez moi dorénavant. Puisqu'on habite le même quartier à présent.
Il acquiesce.
— On demandera de partager notre loge, ajoute-t-il.
— Oh, bonne idée ! m'exclamé-je à voix basse. Il faut aussi qu'on nous voie hors du plateau. En public.
— Tu veux dire...
— Des dates. Une source « inconnue » préviendrait les magazines people de nos déplacements et comme par hasard, on nous filmerait. Du bon fan service quoi !
Il sourit.
— Quoi ?
— Rien. On dirait que tu as fait ça toute ta vie.
Je lui retourne son sourire et continue d'énumérer les choses que nous allons devoir changer dans notre dynamique de faux couple.
Suite à cette entente mutuelle, nous quittons l'espace clos dont l'odeur de renfermé et de poussière commençait à m'irriter le nez. Je m'apprête à retourner auprès des autres, mais Levi me retient.
— Quoi ?
— Tu n'as rien retenu de ce qu'on vient de dire ou quoi ?
— Hein ?
Il lève les yeux en l'air, m'attire à lui et glisse sa main dans la mienne avant d'entrelacer nos doigts. Un frisson comme je n'en ai jamais ressenti me traverse alors l'échine, tandis que je fixe ma main si petite dans la sienne.
— On y va ?
Je lève les yeux vers les siens, rivés sur moi, attendant mon accord.
— Euh... o-oui.
Il m'entraîne alors vers la salle où notre entrée se fait remarquer. Comme moi, les membres de l'équipe de tournage n'arrivent pas à retirer leurs yeux de nos mains l'une dans l'autre. Je me joins à Levi qui retrouve les mecs du cadrage.
Avec le temps, je m'habitue à la sensation de sa main dans la mienne, la chaleur qu'elle dégage. Seul son pouce qui en caresse le dos me lance des petits chocs qui voyagent de ma main jusqu'à mon estomac.
Je crois apercevoir une ou deux personnes nous prendre en photo, se croyant plus discrètes qu'elles ne le sont réellement.
Après quoi, nous visionnons les scènes filmées avec Hannah qui fait une présélection de celles qui seront envoyées aux monteurs. Petit à petit, le personnel quitte la demeure.
Alors que Levi et moi sommes sur le point de partir, Hannah nous retient.
— J'avais une question.
Levi et moi échangeons un regard.
— Laquelle ?
— Vous êtes très bons quand il s'agit de jouer chacun de votre côté ou même avec les rôles secondaires, ce qui m'indique que vous répétez souvent vos rôles.
— Plusieurs heures par jour oui.
— Pareil.
— Oui, ça se voit... mais est-ce qu'il vous arrive de répéter... ensemble ?
— Ensemble ?
— Oui. Les scènes que vous faites à deux.
— Non...
— Je m'en doutais. Normalement, c'est assez dur de demander à deux acteurs de répéter ensemble plusieurs heures puisqu'ils ont des emplois du temps différents, mais comme vous êtes en couple, vous devriez le faire. Répétez vos scènes à deux... à deux. Ce n'est pas une obligation, juste un conseil. Bonne soirée, les tourtereaux~
C'est sur ce conseil qu'elle aussi nous quitte. Aussitôt qu'elle disparaît, la main de Levi se défait de la mienne, me laissant avec un sentiment de manque et l'impression d'avoir froid.
Lui aussi se dirige vers sa voiture, sans dire au revoir.
— Levi.
— Quoi ?
Toujours cette agressivité...
Je fais quelques pas dans sa direction.
— Tu fais quoi ce soir ?
— Rien. Pourquoi ?
— On pourrait le faire.
Il s'arrête brusquement, se tourne et me dévisage.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire, paniqué-je en lui donnant un coup sur l'épaule. On pourrait suivre son conseil et répéter ce soir... ensemble.
Il regarde à gauche et à droite et moi j'attends un de ses commentaires méchants, mais Levi ne fait que lever les épaules.
— OK. On fait ça chez moi, tranche-t-il en reprenant sa marche de l'empereur.
— Pourquoi pas chez moi ?
— Je ne remettrai plus les pieds dans ton trou.
— Hey ! J'ai déménagé, tu sais ?! Mon appartement est très bien-
— On va chez moi, fin du débat.
— OK, mais seulement si on s'arrête pour acheter à boire. Je veux plus de ton eau d'antioxydants.
Il éclate de rire, m'ouvre la portière côté passager et d'un geste de main m'invite à entrer.
— Très bien.
Je m'y engouffre, attache ma ceinture et annule mon Uber alors que Levi quitte la résidence et prend la direction de son luxueux penthouse.
Coupé
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