Scène 14
𝕊𝕔è𝕟𝕖 𝟙𝟜 : 𝕃𝕦𝕞𝕚è𝕣𝕖𝕤, 𝕔𝕒𝕞é𝕣𝕒, 𝕒𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !
Kenza
Vous dire que le silence se fait à nouveau serait un euphémisme, je suis aspirée par un vide interstellaire quand elle me dit ça.
— Pardon ?
— Tu ne vas pas y croire ! Depuis le début de la matinée, j'ai eu des dizaines d'appels pour des entrevues, des émissions, des photos et-
— Et alors ?!
— Les gens s'intéressent à toi parce qu'ils pensent que tu sors avec Levi. C'est le meilleur tremplin dont ta carrière aurait pu rêver !
Je regarde Amar qui se retient de rire. Elle est sérieuse là ?
— Mais... Bea... on ne sort pas ensemble.
— Ça, le public l'ignore et c'est le plus important. J'ai eu son agent au téléphone tout à l'heure, Donald, lui-même est convaincu que c'est la vérité, Levi lui a dit que c'était le cas.
— Il a fait quoi ?!
— Ce dont ta carrière a besoin !
— Mais je ne veux pas être associée à lui de la sorte...
Le plan c'est de finir avec Blake, pas son parasite dépressif et déprimant.
— Kenza !
Amar et moi sursautons.
— Souviens-toi de toutes les fois où tu m'as appelée en pleurant parce que ta carrière était au point mort, parce que tes dettes t'étouffaient, parce qu'on ne te rappelait jamais. Tu penses que tu es la seule ? Hm ? Tu crois que tu es la seule actrice à en avoir bavé pour un instant au-devant de la scène ? Des milliers comme toi donnent tout, sacrifient tout, sang, sueur, larmes, dignité et n'auront même pas un éclat de l'opportunité qui s'offre à toi. Tout ce que je te demande c'est de faire ce que tu fais le mieux ; jouer le jeu.
Je prends le temps de réfléchir à ce qu'elle me dit. Il est vrai que quand je l'ai rencontrée et que j'ai sollicité ses services pour la moitié du tarif normal, je lui ai promis qu'en retour, je ferais tout pour me hisser au sommet. Et jusqu'ici, c'est ce que j'ai fait, j'ai usé de ruse, de manipulation, de séduction même parfois pour en arriver là où je suis.
Mais devenir la fausse petite-amie de la seule personne qui en plus de connaître mes manigances s'efforce activement de me ralentir... qui plus est le meilleur ami de l'homme dont je suis réellement amoureuse. C'est de la folie.
Et lui ? Qu'en pense-t-il ? Que lui est-il passé par la tête pour qu'il fasse ça ? Pour qu'il dise ça et qu'il le réitère aujourd'hui encore ?
Lui-même l'a dit, je le dégoûte. Je n'ai pas ma place près de lui ou de son entourage... alors pourquoi ?
— De toute façon, il est trop tard pour faire machine arrière. Levi vient d'avoir une entrevue en direct, il a confirmé que vous êtes ensemble. Il m'a aussi appelé pour te demander pardon et de lui parler.
— Pourquoi ne m'a-t-il pas appelée lui-même ?
— Il n'a pas osé.
L'enflure. Il sait que ce qu'il a fait est inacceptable.
Amar prend mon téléphone de mes mains comme mon silence s'éternise.
— D'accord, elle a compris. Elle va jouer le jeu.
Je lui fais les gros yeux en secouant la tête.
— Non !
— Parfait. Merci Kenza. Je te rappelle bientôt. Appelle Levi.
Et elle raccroche. J'arrache mon téléphone des mains d'Amar.
— Pourquoi tu lui as dit ça ?!
— Parce qu'elle a raison. J'ai été aux premières loges quand tu ne cessais de te plaindre que la corde vers les étoiles ne t'était jamais lancée et bien maintenant qu'elle est là, je ne te laisserai pas refuser de la saisir. Levi est ta corde, ton ticket d'entrée.
— Je ne veux pas que ça se passe ainsi ! Il y a d'autres manières de devenir une star sans avoir recours à-
— Au mensonge ? À la fraude ? À l'effraction ? Au vol d'un script ? Au chantage ? Tu t'es déjà souillée dans ce processus et maintenant tu recules devant le premier défi venu ?
— Mais c'est Levi ! Tu ne le connais pas comme moi je le connais, ce type est un vrai cancer. N'importe qui d'autre j'aurais peut-être accepté, mais pas lui ! Il me déteste et c'est réciproque, je ne peux pas l'aimer du jour au lendemain !
— Personne ne t'a demandé de l'aimer. On t'a dit de jouer le jeu, tu es une actrice. Tu dois déjà faire semblant de l'aimer à la folie dans votre film, c'est la même chose.
Je voudrais encore rouspéter, mais elle a marqué un point qu'il est difficile de refuser de lui accorder. Faire semblant de sortir avec Levi sur le plateau ou en dehors ça revient au même. Ce n'est que les noms qui changent.
Je frappe le lit comme un enfant frustré alors que je me fais à l'idée.
Je vais devoir faire semblant d'être en couple avec Levi.
— OK...
— À la bonne heure ! s'écrie Amar, un peu trop ravie.
Je lui jette un regard mauvais.
— Pourquoi ça a l'air de t'amuser ?
Elle me révèle le sourire qu'elle se retient d'afficher depuis qu'elle est entrée dans ma chambre et m'a trouvée abattue. Ce sourire machiavélique que cache son visage et son allure de sainte.
— Ça t'amuse, pas vrai ?
Elle hoche la tête en se levant et en arrangeant ses cheveux.
— La vie dans le droit chemin c'est bien, je n'ai pas tes problèmes, mais à la longue c'est ennuyeux. Te regarder te mettre dans des situations pas possibles, c'est ma dose de divertissement et ma confirmation que j'ai fait le bon choix.
Et elle me tourne le dos, quittant ma chambre de son rire de vilaine de dessin animé.
— Sorcière, soufflé-je pour moi-même.
Mon téléphone sonne à mes côtés et c'est le nom de Levi qui apparaît sur l'afficheur. Les mains tremblantes, je réponds à son appel.
— Allo ?
— Il faut qu'on parle.
Jure.
— Oui, il faut qu'on parle.
— Je t'ai envoyé l'adresse de chez moi. Ne sois pas en retard.
OK, je veux bien faire semblant d'être éperdument amoureuse de lui, mais pour qui il se prend pour me donner des ordres comme ça ?!
— Le-
Il coupe l'appel.
Mais quel goujat !
Je grommelle en me redressant sur mes deux jambes et me prépare à sortir. J'informe Amar de ma visite chez Levi et appelle un Uber qui arrive quelques minutes plus tard.
J'arrive chez Levi alors que Le Soleil est déjà en train de se coucher, projetant des rayons couleur de cuivre sur tout le côté ouest de la ville, les quartiers riches. Tous les visages rayonnent de cette lueur orangée, donnant un aspect psychédélique à la ville.
Je descends devant un grand immeuble dont l'extérieur annonce déjà le niveau de sophistication de ce dernier. Lorsque j'arrive, je dois m'identifier auprès d'un agent armé.
Je suis déjà venue ici une fois, pour l'anniversaire d'une chanteuse il y a un mois, j'étais le plus 1 de Blake. Apparemment, quelques célébrités et personnes fortunées résident dans cet immeuble constitué d'appartements de luxe.
Alors que j'entre dans l'ascenseur, je vérifie le numéro de l'appartement de Levi.
Appartement 12.
Mes yeux retournent sur le cadran où je vois que le 12e étage est le dernier de l'immeuble. C'est écrit à côté du chiffre « penthouse ».
Il vit dans un putain de penthouse.
Alors que l'ascenseur me porte au douzième et que je marche vers l'unique porte, je repense à ce que ma mère nous disait avant d'aller visiter de la famille avec des maisons semblables à des palais. Ne surtout pas montrer qu'on est impressionné, faire comme si c'était la norme. On peut complimenter, mais dans la sobriété.
Je dis ça, mais quand Levi ouvre la porte, vêtu d'un t-shirt blanc et de joggings gris avec des chaussettes elles aussi blanches, et que je vois d'ici combien son apparemment et spacieux et lumineux, ma mâchoire se décroche d'elle-même.
— Tu es en retard.
Mes yeux quittent le peu que je peux voir de sa somptueuse demeure pour aller vers les siens, sévères.
— Bonsoir ?
— Bonsoir. Tu es en retard.
— Qu'est-ce que ça peut faire, ce n'est pas comme si tu avais quelque chose de prévu non ? dis-je en désignant son accoutrement.
— Sauf que-
— Bon, tu vas me recevoir chez toi ou mon retard t'en empêche, je peux partir si c'est le cas, c'est toi qui nous as mis dans cette situation, je te rappelle.
Il semble surpris que je ne joue pas à son jeu du moralisateur concernant ma ponctualité. Même légèrement irrité, ce qui n'est pas pour me déplaire.
Levi tasse sa large poitrine qui m'obstruait le passage.
— Entre.
J'hésite un peu, à m'engouffrer seule dans l'appartement d'un homme, de surcroît un homme qui n'a jamais eu les meilleures intentions à mon égard. Mais une part de moi refuse d'être effrayée par lui et son imposant mètre nonante.
J'entre.
L'appartement est encore plus grand qu'il n'y paraissait vu du couloir. Et la décoration minimaliste accentue ce trop-plein d'espace. C'est à en perdre le Nord et se perdre soi-même. Tout est en ordre, impeccable, immaculé, Levi quoi. Il y fait une fraîcheur qui contraste avec la chaleur s'échappant de l'asphalte qui a chauffé toute la journée dehors. La télé est allumée et un vieux film en noir et blanc joue. Sur un petit guéridon se trouve le script de Levi. Soit il répétait avant le film, soit il s'apprêtait à le faire.
J'admire un des tableaux accrochés au mur du salon. Un simple point rouge sur fond noir. Pas d'artifice, pas de passion, pas de chaleur. Minimaliste à souhait.
Triste et solitaire à souhait.
Levi à souhait.
— Tu veux boire quelque chose ?
Je me tourne vers lui.
— Oui... de l'eau.
— Comment ?
— Euh...
— Plate ? Pétillante ? Citronnée ? De sources ? Minéralisée ? Distillée ? Avec des glaçons-
Submergée par le choix, je l'arrête avant qu'il ne termine son menu de l'eau qu'il a à m'offrir.
— Peu importe ! Donne-moi ce que tu bois habituellement.
— Tu es sûre ?
Je hoche la tête.
Il se tourne et s'en va dans sa cuisine à air ouverte alors que je prends place dans le sofa de son salon. J'entends des bouteilles s'ouvrir, du gaz s'échapper et de l'eau couler dans des verres.
Je profite de mon attente pour admirer encore son penthouse, à lui tout seul. Je repense à la fois où il a dit que notre appartement était une cabane et que je m'étais indignée. Je ne pouvais pas m'imaginer que mon appartement entrait à peine dans ses chiottes à lui.
Une main apparaît devant moi pour déposer un verre sur la table, près de son script. Levi reste debout. Je lève les yeux vers lui et des siens aux couleurs des glaciers arctique, il m'indique mon verre.
Je le prend et le porte à ma bouche, mais m'arrête.
— Dis-moi, tu ne l'as pas empoisonné, si ?
— Pourquoi ferais-je ça ?
— À toi de me le dire, qu'est-ce que tu peux bien avoir contre moi.
— Bois, Kenza, ordonne-t-il sèchement.
Son ton autoritaire réveille quelque chose en moi, certes l'envie de me rebeller et de lui balancer le contenu du verre à la figure mais aussi...
Je lui tend le verre.
— Toi d'abord.
De là-haut, il me fixe longuement, jugeant ma méfiance comme si elle était mal fondée. Puis il lève les yeux au ciel, saisit mon verre et en bois la moitié avant de me le tendre à nouveau. Toujours méfiante, je le prends, le porte à ma bouche et en bois le contenu.
Je recrache presque instantanément ma gorgée sur la table, sur son script, et m'étouffe. Je grimace en regardant le verre d'eau amère quand j'entends un bruit à la fois étrange et d'une beauté qui m'ensorcelle, un son que je n'avais jusqu'ici jamais entendu. Je lève les yeux pour en trouver son origine et vois Levi en train de rire.
C'est tout.
Il rit d'un rire round, au timbre parfait, tout droit sorti du plus profond de sa poitrine qui se soulève au rythme de son hilarité, son visage, d'ordinaire froissé et tout sauf accueillant, à présent relâché, détendu. Je serais restée subjuguée par l'événement rarissime si des relents d'amertume n'assaillissaient pas mon palais.
— Beurk, c'est quoi ça ?!
— Tu m'as dit de te donner ce que je bois. C'est de l'eau avec des extraits d'antioxydants. Ceux-là sont particulièrement amers et écœurants en bouche.
— Ewww, et tu bois ça tous les jours ?
Il hoche la tête.
— Ma mère dit que c'est ce qui la fait rester jeune et comme ça semble marcher...
Il est vrai qu'Irina von Neumann est réputée pour son visage qui semble immunisé contre l'épreuve du temps. Elle est dans la cinquantaine, mais on lui donnerait encore la jeune trentaine, voire la vingtaine, et ce sans être passée une seule fois sous le bistouri.
Toutes sortes de théories ont émergé concernant son secret, certains l'attribuent à la génétique, avançant que certains sont simplement plus gâtés que d'autres (ce qui n'est pas faux), d'autres optent plutôt pour son mode de vie actif. Les plus originaux et sans doute les plus stupides nourrissent des complots comme quoi elle aurait vendu son âme au diable et boirait du sang de vierges.
J'apprends aujourd'hui qu'elle a juste trouvé la fontaine de jouvence, et que cette dernière a bien mauvais goût.
— Tu sais que du thé ferait l'affaire, c'est plein d'antioxydants, de théine, de caféine et en plus c'est bon contrairement à-
Je dois me retenir de produire un son gastrique en repensant au goût infâme de son eau d'antioxydants. Ça l'amuse, mais cette fois, je ne lui en veux pas de m'avoir servi un truc aussi immonde. Après tout, c'est moi qui ai demandé d'avoir ce que lui boit au quotidien.
Puis son visage retrouve le sérieux qui l'accompagne toujours. Il passe sa main dans ses cheveux sombres, révélant un front un peu plus large que ce que je pensais et une petite cicatrice au niveau de sa tempe gauche.
— Bon. À propos d'hier. Tu dois avoir des questions...
Je me redresse quand il entre dans le vif du sujet.
— Oui. Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi as-tu dit ça ? Tu es malade ?!
Il ferme les yeux et soupire.
— C'est à cause de ce que ce journaliste m'a dit... à cause de ce que tu m'as dit.
Je ne comprends pas de quoi il parle. Je ne sais pas de quel journaliste il parle, ni même ce qu'on a pu lui dire. Hier, j'étais encerclée, engloutie, aveuglée et rendue sourde par une nuée de paparazzi encombrants. Je ne vois pas non plus ce que j'ai pu lui dire qui a mené à ça.
— Qu'est-ce qu'on t'a dit pour que tu fasses ça ?
Il baisse la tête, la vulnérabilité s'échappe de tous ses pores comme les péchés dans un confessionnal. Il est debout mais d'un coup il me parait tout petit :
— Que...
Son regard se promène dans la pièce avant de revenir à moi, honteux.
— Que personne ne m'aime. J'ai voulu prouver le contraire et disant qu'on est ensemble.
Les connexions commencent à se faire dans mon cerveau. Son acte qui m'était parfaitement incompréhensible prend un peu de sens avec cette confession. Je me retiens de lui rire au nez.
— Sauf que c'est la vérité. Personne ne t'aime.
Il me jette un regard mauvais. Quoi ? Il croyait que j'allais le consoler ?
— Je sais, tu as été assez clair à ce sujet, répond-il légèrement agressif. Et très sincèrement, j'en ai rien à foutre. L'amour dans cette industrie, c'est toujours superficiel, éphémère et ça finit toujours en catastrophe. Je ne veux juste pas que le monde soit au courant.
— Pourtant tu es bien amoureux d'Adèle.
— Et pourquoi penses-tu que je ne lui ai jamais dit ? Parce que j'ai vu comment ça s'est terminé pour les autres. Je préférais encore rester son ami que risquer de gâcher notre relation.
Je réfléchis à ce qu'il vient de dire. Il est vrai que les séparations entre célébrités ne sont jamais pacifiques. Il y a souvent beaucoup d'argent en jeu, des guerres de clans, rajoutez par-dessus le tout la couverture médiatique et l'on a de quoi transformer des gens qui auraient tout donné pour l'autre en de pires ennemies.
Pour seule réponse, je hoche la tête, ce qui semble le calmer un peu.
— Je suis vraiment désolé de t'avoir embrassée sans te demander ta permission, et devant les caméras et d'avoir dit ça je- j'ai paniqué... j'ai voulu préserver mon égo. Désolé...
J'étais venue en colère, pour lui crier dessus, l'insulter, le maudire, faire une scène digne de celles que fait ma mère, mais d'un coup mon courroux s'envole en le voyant aussi... fragile. Puis ses yeux bleu clair remontent vers moi. Déterminés.
— J'ai une demande à te faire.
Je cligne des yeux en attendant qu'il la fasse, redoutant un peu ce qu'il va me demander. La dernière fois, il m'a prié d'abandonner un rôle pour lequel j'ai fait l'impossible.
— Je sais que toi et moi on n'est pas du tout partis sur de bonnes bases-
— La faute à qui ?
— Celle qui s'introduit dans la chambre d'hôtel des gens, vole les gens et les agresse physiquement à la moindre occasion peut-être ?
Quand je croise mes bras, il réalise le faux pas qu'il a fait. Il est celui avec une requête, il n'a pas à élever le ton avec moi, même s'il a raison.
Il soupire lourdement, évacuant son exaspération.
— Bon, tu veux quoi ?
— Je voudrais... je voudrais que tu acceptes de faire semblant d'être en couple avec moi.
Oh, rien que ça. Moi qui étais venue lui demander la même chose parce que selon Bea et Amar ça profitera à ma carrière. Il va être ravi d'entendre que pour une fois nous sommes sur la même longueur d'onde.
— Non.
— Pardon ?
— J'ai dit non. Tu connais ou c'est un mot qui t'est tellement étranger que chaque fois que tu l'entends tu fais le choqué.
Il ignore ma pique.
— Comment ça non ?
— Je ne ferai pas semblant de sortir avec toi, ça ne va pas ou quoi ? Pourquoi je ferais ça ?
Il lève théâtralement les bras.
— Parce que... j'ai parlé avec ton agent, elle pensait que c'était une bonne idée. Pour ta carrière, elle a juste dit que j'avais à te demander.
— Et tu croyais que j'allais accepter de sortir avec toi parce que mon agent le veut ? C'est quoi ton plan ? Un mariage arrangé ?! Je ne suis pas le genre de fille qui vend son intégrité professionnelle, tu le sais puisque tu as déjà essayé de m'acheter et ça n'a pas marché. Hors de question !
Le désespoir regagne les traits de son visage et je sais que j'ai déjà gagné.
— Kenza, s'il te plait. J'ai déjà dit à tout le monde que c'était le cas, si je reviens sur ma déclaration on saura que j'ai menti. Je vais passer pour quoi moi ?
Un homme encore plus misérable que celui que tu es maintenant.
— Qu'est-ce que j'en ai à faire, tu t'es fait ça tout seul ! Je ne t'aiderai pas à payer les pots cassés. Assume tes actes sans m'impliquer dedans.
— Kenza, je t'en supplie...
La situation m'amuse et me plait beaucoup.
S'il y a quelque chose que j'ai appris après mes quelques mois sur la planète Hollywood, c'est qu'il est dans mon intérêt d'avoir de l'ascendant sur les autres. La collaboration n'existe pas ici, tout est une question de pouvoir et de réseaux. J'ai obtenu mon rôle en usant de mon pouvoir sur les Ridgers grâce aux informations que j'ai eu sur l'auteur, ce que je sais sur Adèle et Donald von Neumann me sera utile un jour, j'en ai la certitude... et maintenant Levi pense qu'il doit me supplier de faire semblant de sortir avec lui.
Je jubile.
Je peux littéralement lui faire faire ce que je veux et obtenir ce que je suis venu chercher de toute façon. Si je m'engage dans une relation avec ce parasite, il est dans mon intérêt que ce soit moi qui le domine et pour ça, il faut qu'il ait l'impression que c'est moi qui lui rends un service et non qu'il s'agit d'une transaction.
— Kenza...
Non mais écoutez-le, vous l'auriez cru vous qu'il pouvait prononcer mon nom avec une voix aussi douce ? Je pourrais devenir accro.
— Hmmmmmm...
Il se rapproche et prend même place à côté de moi, se mettant à mon niveau.
— Allez... c'est juste pour quelque temps. Ton agent disait le temps du tournage et de la promotion du film, comme ça, ça aura l'air réel.
— Hmmmmmmmmmmmmm..., recommencé-je pour lui signifier que cela ne me satisfait toujours pas.
Il roule ses yeux.
— C'est quoi, tu veux que je te supplie à genoux ? s'énerve-t-il.
L'idée ne m'avait même pas effleuré l'esprit, mais maintenant qu'il l'y a implanté, il est hors de question que j'accepte sans assister à ça, sans m'offrir ça.
— Peut-être bien.
La ligne de ses lèvres se resserre, il ne pensait pas que j'allais le prendre au mot. Levi secoue la tête, refusant de s'abaisser à cela. Alors je me lève et me dirige vers la sortie.
— Bon, je n'ai donc rien à faire ici. Bonne chance avec ton menson-
— Attends...
Levi se lève et gruge la distance entre nous. Ses mèches noires cachent en partie ses yeux, mais pas assez pour m'empêcher d'y déchiffrer une profonde supplication. Je ne sais pas s'il est sincère ou c'est, comme moi, du jeu.
Et devant mes yeux ahuris, Levi von Neumann ploie les genoux.
— Je t'en supplie Kenza... j'ai besoin de toi.
Je ne parviens pas à y croire. Même que je me sens un peu mal d'avoir demandé ça, je n'imaginais pas qu'il allait le faire. Mais encore plus que le fait qu'il l'ait fait, c'est le plaisir que je tire de le voir ainsi, lui qui a passé les derniers mois à me mépriser et à me prendre de haut est à présent là, à mes pieds, à ma merci, attendant que je décide de son sort. J'ai un pic de dopamine sans précédent et mon entrecuisse bat au rythme de mon cœur quand mes yeux détaillent sa musculature à travers son t-shirt et les tatouages sur ses bras.
La manière dont il a dit mon nom, suivi de « j'ai besoin de toi » résonne encore dans mon esprit alors qu'il attend que je réponde.
— O... OK... mais après la promotion du film on doit se séparer.
Ses yeux s'illuminent et il se lève d'un coup, retrouvant son petit air condescendant.
Je réalise alors qu'il jouait la comédie. Et il m'a eu. J'ai accepté sans même réclamer quoi que ce soit de lui.
Putain !
L'impression de m'être fait avoir, je tente de m'en aller, légèrement en colère d'être tombée dans un piège aussi puéril que les yeux de chiot version Levi von Neumann, mais il me retient.
— Attends, on doit discuter des termes de cette entente.
Je soupire et pivote vers lui. Il me relâche quand je fixe sa main autour de mon poignet, laissant une petite sensation de brûlure.
— Les termes ?
— Oui. Comme dans un contrat pour un film ou une pub. Pour assurer une bonne collaboration.
— Je ne sais pas trop si j'ai envie de voir notre fausse relation comme un contrat.
— Bon, les règles si tu préfères. On doit établir des règles pour que ça marche.
— D'accord. Lesquels ?
— Première règle : personne ne doit savoir qu'on fait semblant.
— Et ceux qui savent déjà ? Amar sait qu'on ne sort pas vraiment ensemble. Blake aussi sait.
— OK, mais personne d'autre, je vais parler à Blake pour m'assurer qu'il la boucle et toi tu parleras à ton amie.
— OK.
— Deuxième règle : aucun contact physique hors caméra. Ceci est une fausse relation, une performance en quelque sorte. Donc, si ce n'est pas pour le film ou pour la presse ou s'il n'y a pas de public, toi et moi on est des étrangers.
— Compris.
— Troisièmes règles : interdiction de s'immiscer dans la vie privée de l'autre. Mes parents t'invitent à dîner, tu trouves une excuse pour ne pas le faire, quelqu'un cherche à te dire quelque chose sur moi, tu fermes tes oreilles. Et je ferai pareil.
Ne compte pas trop là-dessus. Si je peux avoir des informations sur n'importe qui, je les obtiendrai.
— OK.
— Notre accord prend fin après la promotion du film pour que ça semble naturel, il faudra garder quelques contacts qui montrent que nous sommes en bon terme malgré tout.
Je hoche la tête.
— Je crois que c'est tout... tu penses à quelque chose ?
— Oui, si ça ne marche pas, on fait quoi ? Si quelqu'un le découvre ou si tu enfreins les règles.
— Bah- pourquoi ce serait moi qui enfreindrais les règles ?
Je lève les épaules. Il semble exaspéré par mon sous-entendu.
— Je n'enfreindrai pas les règles et toi non plus. Tout va bien se passer... enfin, je crois. Tu n'as qu'à faire comme avec toutes tes précédentes relations, sauf que cette fois c'est pour de faux.
— Oh...
— Quoi ?
Je sais pas, peut-être le fait que je n'ai encore jamais été en couple parce que je me préservais pour Blake.
— Rien. J'ai- j'ai compris, bégayé-je.
Levi me dévisage, mais ne me questionne pas. Heureusement, le connaissant, il se serait moqué de moi si je lui avais avoué cela. Ne trouvant plus quoi ajouter, il tape dans ses mains pour clôturer cette conversation, ce marché.
Lui et moi, formons donc un couple.
Cela me parait surréel.
— Bon. On se voit demain sur le lieu de tournage, dit-il en m'indiquant la sortie.
J'acquiesce alors que je le suis vers la porte de son appartement. Il m'ouvre, puis m'observe au pas de celle-ci. J'attends un au revoir, sois prudente, quelque chose qui marquerait le début d'une saine collaboration, mais non. Fidèle à lui-même, Levi crache un :
— Ne fais pas tout foirer.
Avant de me claquer la porte au nez.
Coupé !
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