En deux ans beaucoup de choses avaient changées.
Elle avait grandit, pris en maturité. Elle s'assumait telle qu'elle était et ne cherchait plus à incarner une quelconque personne qui ne lui ressemblait pas.
Récemment, elle avait retrouvé ce petit carnet blanc où elle avait tout noté. Elle avait écrit sur ses sentiments, ses rêves, ses impressions après qu'il l'ai touché.
Elle caressa doucement la couverture blanche du carnet, hésitant à l'ouvrir:

" Elle a toujours le sourire. Elle rit tout le temps et pour tout. Elle a toujours ce petit mot encourageant quand tu ne vas pas bien.
C'est une fille sympathique et chaleureuse qui s'entend bien avec tout le monde.

Si tu regardais de plus près tu remarquerais que son sourire est toujours un peu trop forcé, qu'elle rit toujours un peu plus fort que les autres. Tu remarquerais son air grave lorsqu'elle t'encourage. Tu remarquerais également que même si elle s'entend bien avec tout le monde, elle n'a aucun véritable ami.
Tous les matins avant de sortir de chez elle, elle effectue toujours ce même rituel: devenir quelqu'un d'autre.
Alors, elle devient cette fille que tout le monde connaît, celle qui "respire" la bonne humeur, cette fille sans problèmes toujours à l'écoute des autres: eLLe.
Tous les matins elle habille ses lèvres molles et sans vie du sourire d'eLLe.
Elle aurait bien aimé changer de personnage, être quelqu'un d'autre que cette eLLe qui ne lui ressemble pas du tout, ou du moins plus du tout. Elle a bien essayé d'interpréter un autre rôle, en vain. Mais elle ne sait rien faire d'autre qu'eLLe, ce personnage qu'elle interprète si bien qu'on en distingue plus le jeu de la réalité.
Des fois, en secret, elle espère que quelqu'un démasque sa mascarade. Quelqu'un qui la comprenne, qui ne la juge pas et la soutienne. Quelqu'un à qui elle peut tout dire, vraiment tout.
Mais à force de trop attendre, elle a presque cessé d'espérer.

Avant de refermer la porte, elle répète une dernière fois son numéro.
Elle relève la tête, sèche ses larmes et sourit au monde.
Le soir, elle retire lentement son masque.
Elle baisse la tête et laisse couler les larmes qu'elle a trop longtemps retenu."

Ses yeux balayaient son écriture fine et droite, lisant ce qu'elle avait écrit quelques mois plutôt.
Elle n'était plus cette personne, elle l'espérait. Cette fois-ci, elle ne relèverait pas la tête pour refouler ses larmes, elle la relèverait pour affirmer ce qu'elle était.

La vie avait peu à peu repris son cours emmenant son lot d'anxiété.
La vie avait repris son cours et elle ne pensait plus à lui, ou très rarement.
Elle s'en sentait presque coupable. Il avait eu tant d'emprise sur elle ces deux dernières années pour finalement disparaître dans le néant de sa pensée.
Elle ne voulait pas l'oublier. Grâce à lui, elle était devenue plus forte, plus résistante. Elle ne pouvait pas l'oublier.
Sans ce souvenir auquel se raccrocher, elle devrait avancer, tout comme la vie l'avait fait. Elle devrait avancer seule vers ce nouveau commencement, et elle avait peur.
Peur de ce que l'avenir lui réservait, peur de ne pas être à la hauteur, peur d'oublier son passé.
Peur d'être heureuse.